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moral" des combattants" - CRID 14-18

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POUR EN FINIR AVEC LE « MORAL » DES COMBATTANTS 113800 lettres sur mille ne disent rien, sur 200 qui relatentl’incident une trentaine à peine donnent une appréciation, les autress’abstiennent par crainte de la censure. Il est donc difficile de donnerune idée générale exacte ; le moral peut être en réalité plus mauvaisque la correspondance le laisse supposer 36 .Le « moral » peut en effet être « plus bon » ou « plus mauvais » :au-delà de la minorité de courriers exploitables (suivant les grilles delecture déjà très orientées de l’armée), on n’en sait rien et on ne peutrien en savoir.D’une incroyable richesse apparente par la profusion d’extraitsqu’il comporte sur d’innombrables rapports accumulés en denses pilessur papier pelure, le contrôle postal ne dit pourtant rien, et ne sauraitrien dire, d’une « opinion » générale. Et ce d’abord parce que tout lemonde n’a pas d’« opinion » au sens politisé et réfléchi que ce termeimplique 37 ; ensuite parce que la fonction primordiale du courrier, enparticulier pour la plus grande partie <strong>des</strong> combattants issus <strong>des</strong> milieuxsociaux les plus dominés, n’est pas du tout de formuler et de livrer <strong>des</strong>« opinions » mais de maintenir <strong>des</strong> liens, sociaux, matériels, affectifs. Enlisant les témoignages et les extraits de lettres du contrôle postal poury trouver <strong>des</strong> « opinions » au fondement d’un « moral », les historiensplaquent sur les hommes <strong>des</strong> tranchées un modèle, socialement situéet sociologiquement peu répandu, de l’individu libre de délibérer, decommenter et de se déterminer sur les événements qu’il traverse.Se pose ensuite la question de la montée en généralité. Il faudraitinterroger de façon détaillée les opérations par lesquelles on passe du« moral » de quelques soldats à celui d’un régiment, d’une division,d’un corps d’armée, d’une armée, puis de l’ensemble <strong>des</strong> combattants.Le singulier toujours adopté pour décrire ce « moral » ne laisse pasd’intriguer, au vu <strong>des</strong> ambiguïtés <strong>des</strong> mo<strong>des</strong> de saisie qu’on a exposées.Plus étonnant encore, le moral devient une chose qu’on commente,qu’on qualifie et qu’on dissèque à l’infini, faisant exister dans unemême phrase <strong>des</strong> appréciations contradictoires et ésotériques : « bonmoral et moral affaibli » ; « bon moral et moral indéterminé » ; « bonmoral entre vigueur apparente et fragilité sous-jacente » ; « bon moraldont la trame s’effiloche » ; « bon moral anémique » ; « poussée dumoral indéterminé ». Dans un frappant mimétisme avec le langage<strong>des</strong> officiers de 19<strong>14</strong>-19<strong>18</strong>, le « moral » est évalué comme une choseà la fois multiple et unique, évoqué au singulier mais toujours pourdésigner un collectif – plusieurs centaines de milliers d’hommes, ausein de la IV e armée, dans les exemples qui précèdent.Par ces montées en généralité, on postule en fait, implicitement,qu’il existerait un moral « moyen » fait d’une somme puis d’unedivision <strong>des</strong> « opinions » et du « moral » de milliers d’individus.combats int. 11313/07/10, 11:32

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