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moral" des combattants" - CRID 14-18

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1<strong>14</strong>ANDRÉ LOEZPlutôt que d’opérations de recherche et de conceptualisation, cesqualifications relèvent de procédés rhétoriques, faisant alterner, parfoisimmédiatement, « hésitations puis affirmation du moral » 39 . On le voitnettement dans le passage qu’Annick Cochet consacre à « l’attitudegénérale d’acceptation <strong>des</strong> sacrifices » : après avoir cité de nombreuxextraits de lettres déplorant la « boucherie » de la guerre, elle en cited’autres qui manifestent leur compréhension ou leur acceptation<strong>des</strong> pertes en vue de la victoire 40 . Mais juxtaposer ces deux typesd’extraits (précisément ceux, défavorables et favorables, que la grille delecture <strong>des</strong> contrôleurs du courrier vise à produire) ne dit rien d’uneopinion « moyenne » ou intermédiaire qui finirait par « accepter » lespertes. En effet, ce ne sont pas les mêmes soldats qui passent d’uneattitude à une autre, mais bien deux manières de voir cet aspect de laguerre, différentes et irréconciliables, et qu’il est de plus impossible dequantifier.Ces façons de faire, consistant à produire un « moral » moyendonnant une cohérence apparente aux discordances et aux nuancesdu réel, prennent en fait leur origine dans les travaux consacrés à« l’opinion publique », cette autre entité collective qu’on fait parler ausingulier 41 . Ainsi s’explique le lien, dans les titres <strong>des</strong> travaux cités, entrele « moral » et l’opinion » : leurs métho<strong>des</strong> sont calquées sur celles quiservent à dire quelle était « l’opinion » <strong>des</strong> Français sous Vichy ouen 19<strong>14</strong> 42 . Or, ces travaux, à l’image <strong>des</strong> <strong>des</strong>criptions artificielles de« l’opinion » produites par les commentateurs politiques au moment<strong>des</strong> élections, ont reçu de fortes critiques, lesquelles n’ont pas été assezentendues ni discutées par les historiens 43 .Il serait ainsi nécessaire de se pencher de nouveau sur les métho<strong>des</strong>très discutables par lesquelles une enquête unanimement jugéeexemplaire, celle que Jean-Jacques Becker a consacrée à l’entrée enguerre de 19<strong>14</strong>, entend reconstruire « l’opinion » 44 . Les notes <strong>des</strong>instituteurs décrivant la mobilisation, sur lesquelles repose le cœur del’étude, sont écrites, au plus tôt, plus d’un mois et demi après les événementsqu’elles relatent après la peur de l’invasion et le soulagement, débutseptembre, de la bataille de la Marne 45 . Loin d’une transcription directede l’événement, n’est-on pas déjà dans une reconstruction ? De plus,leurs auteurs ne sont pas <strong>des</strong> enregistreurs neutres et passifs de la réalitémais <strong>des</strong> fonctionnaires solidaires de l’effort de guerre, acteurs directsde la mobilisation. On ne peut pas plus prendre leurs mots comme<strong>des</strong> indications de la réalité d’une « opinion » qu’on ne peut prendreles appréciations <strong>des</strong> officiers comme <strong>des</strong> évocations plausibles du« moral ».Au-delà de ces problèmes de méthode, c’est la pertinence mêmed’une étude du « moral » et de l’« opinion » qu’on doit discuter. Defaçon assez prosaïque, d’abord, en relativisant l’importance dans laGrande Guerre de ce « moral » que chacun s’attache à découvrir. S’ilcombats int. 1<strong>14</strong>13/07/10, 11:32

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