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L’Algérie et ses voisins

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<strong>L’Algérie</strong><br />

<strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient/Afrique du Nord N°164 | 12 octobre 2015<br />

Traduit de l’anglais<br />

International Crisis Group<br />

Headquarters<br />

Avenue Louise 149<br />

1050 Brussels, Belgium<br />

Tel: +32 2 502 90 38<br />

Fax: +32 2 502 50 38<br />

brussels@crisisgroup.org


Table des matières<br />

Synthèse ....................................................................................................................................<br />

i<br />

I. Introduction ..................................................................................................................... 1<br />

II. L’héritage de la « décennie noire » .................................................................................. 2<br />

A. Un lent r<strong>et</strong>our à la normalité ..................................................................................... 2<br />

B. Tensions internes <strong>et</strong> politique étrangère ................................................................... 4<br />

C. Tournant décisif : la crise des otages de Ain Amenas................................................ 6<br />

III. Un triangle difficile : l’Algérie, le Maroc <strong>et</strong> la France ...................................................... 9<br />

IV. Affronter les cri<strong>ses</strong> du voisinage ...................................................................................... 13<br />

A. Libye : facilitation <strong>et</strong> confinement ............................................................................. 14<br />

B. Mali : médiation partisane ? ...................................................................................... 17<br />

C. Tunisie : coopération <strong>et</strong> profondeur stratégique ....................................................... 20<br />

V. Conclusion ........................................................................................................................ 23<br />

ANNEXES<br />

A. Carte de l’Algerie .............................................................................................................. 25<br />

B. A propos de l’International Crisis Group ........................................................................ 26<br />

C. Rapport <strong>et</strong> Briefings sur Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord depus 2013 ........................ 27<br />

D. Crisis Group Board of Trustees ........................................................................................ 29


International Crisis Group<br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164 12 octobre 2015<br />

Synthèse<br />

<strong>L’Algérie</strong> est en passe de devenir un intermédiaire indispensable de la stabilité en<br />

Afrique du Nord <strong>et</strong> au Sahel. Alors que l’insécurité, l’ingérence étrangère <strong>et</strong> la polarisation<br />

augmentent partout dans la région, ce pays a promu, à certains moments importants,<br />

le dialogue <strong>et</strong> le renforcement de l’Etat comme les meilleurs moyens pour<br />

sortir <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong> de la crise <strong>et</strong> préserver dès lors sa propre sécurité à long terme. Ce<br />

que d’aucuns appellent « le r<strong>et</strong>our » de l’Algérie à la politique régionale, après une<br />

longue absence depuis sa guerre civile ou « décennie noire » dans les années 1990, a<br />

été positif à bien des égards : son approche de la promotion de l’inclusion <strong>et</strong> du compromis<br />

pour stabiliser <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong>, mue par un intérêt personnel éclairé, offre une<br />

occasion à un système international qui a lutté pour faire face aux défis engendrés<br />

par les soulèvements arabes. Mais les ambitions algériennes ont des limites auto-imposées.<br />

Une scène politique nationale moribonde, un régime déchiré par les factions<br />

<strong>et</strong> l’incertitude quant au futur successeur d’Abdelaziz Bouteflika, un président malade,<br />

ont embrumé l’horizon politique. Les relations avec d’autres puissances ayant du<br />

poids dans la région, notamment le Maroc <strong>et</strong> la France, disposent encore d’une marge<br />

d’amélioration.<br />

Après plus d’une décennie passée à privilégier les relations avec les Etats-Unis <strong>et</strong><br />

l’Union européenne (UE), l’Algérie « recalibre » sa politique étrangère. Le ministre des<br />

Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, un diplomate de carrière <strong>et</strong> africaniste respecté,<br />

a revitalisé la diplomatie à l’égard du continent <strong>et</strong> <strong>ses</strong> environs, démontrant<br />

ainsi le souhait de son pays d’être le point d’ancrage d’un voisinage perturbé. Cela a<br />

été en partie une réaction nécessaire à des turbulences sans précédent aux frontières<br />

de l’Algérie. Le long d’une grande zone de l’est <strong>et</strong> du sud de <strong>ses</strong> frontières terrestres<br />

de 6 500 kilom, le pays doit en eff<strong>et</strong> composer avec des Etats grandement affaiblis <strong>et</strong><br />

des menaces jihadistes. Les soulèvements arabes <strong>et</strong> la crise malienne <strong>et</strong> leurs conséquences<br />

suscitent pour la première fois en Libye, en Tunisie <strong>et</strong> au Mali, tout comme<br />

dans la vaste région du Sahel, des risques liés à la sécurité transfrontalière. L’attaque<br />

jihadiste de janvier 2013 contre un complexe de traitement de gaz naturel à Ain Amenas<br />

l’a amplement prouvé.<br />

Depuis le bouleversement régional de 2011, l’Algérie a joué un rôle important,<br />

parfois crucial, dans les cri<strong>ses</strong> politiques <strong>et</strong> sécuritaires de trois de <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong>. En<br />

Libye, elle a soutenu les négociations de l’Organisation des Nations Unies (ONU) <strong>et</strong><br />

mené sa propre diplomatie discrète depuis la mi-2014 pour réconcilier les factions<br />

belligérantes. Au Mali, elle a accueilli les pourparlers tenus sous son égide entre le<br />

gouvernement <strong>et</strong> les factions rebelles du nord, pour stabiliser le pays <strong>et</strong> pour empêcher<br />

également le sécessionnisme du nord. En Tunisie, elle a appuyé de manière discrète<br />

mais cruciale le consensus entre les islamistes <strong>et</strong> les laïcs qui a été la source de<br />

la stabilité de ce pays depuis 2014. Lamamra <strong>et</strong> d’autres hauts responsables ont dans<br />

ces cas-là défendu les solutions politiques plutôt que la polarisation, l’agitation sociale<br />

<strong>et</strong> les conflits armés. Compte tenu de la rar<strong>et</strong>é des acteurs capables <strong>et</strong> désireux<br />

de jouer un rôle constructif dans la région cela est très positif, en particulier au Sahel<br />

qui est peut-être le plus grand espace non gouverné au monde, tout du moins partiellement.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015<br />

Page ii<br />

Des contraintes pèsent néanmoins sur l’aspiration à un rôle de premier plan dans<br />

la région. Elles concernent d’abord la politique intérieure, où le régime a fait preuve<br />

de moins de souplesse. La succession de Bouteflika fait craindre une ouverture à une<br />

concurrence entre les élites <strong>et</strong> à l’agitation populaire. Les appels pour préparer une<br />

ouverture politique réussie ont été repoussés, incitant certains dans l’opposition à<br />

accuser le président <strong>et</strong> son entourage de rigidité <strong>et</strong> de stagnation. En toile de fond<br />

immuable à ces préoccupations, le contexte régional rendra plus risquée une transition<br />

déjà délicate, l’attention des institutions militaires <strong>et</strong> des services de renseignement,<br />

dont le rôle est démesuré en politique intérieure <strong>et</strong> en gouvernance, étant<br />

tournée vers l’autre côté des frontières. La détérioration de la situation sécuritaire<br />

régionale touche également la politique intérieure, puisqu’elle ne constitue que l’un<br />

des champs de bataille dans les nombreu<strong>ses</strong> divisions notoires sans précédent entre<br />

la présidence <strong>et</strong> un puissant « Etat profond » centré sur les services de renseignements<br />

militaires.<br />

Inversement, la politique intérieure, où le changement est d’une lenteur extrême,<br />

entrave toute tentative d’adapter la doctrine de politique étrangère (<strong>et</strong> la doctrine<br />

militaire qui s’y rapporte) à l’évolution de la situation. Traditionnellement portée sur<br />

les relations d’Etat à Etat, l’Algérie a commencé, <strong>et</strong> doit continuer, à étayer <strong>ses</strong> relations<br />

diplomatiques traditionnelles en nouant des liens avec les acteurs non étatiques<br />

qui se multiplient dans la région. Longtemps influente sur les affaires africaines,<br />

mais occupant une place relativement marginale dans le monde arabe, elle devrait<br />

coopérer avec les Etats du Golfe, qui s’affirment de plus en plus en Afrique du Nord,<br />

<strong>et</strong> leur plaider sa cause par la persuasion <strong>et</strong> non en se contentant de lancer des<br />

piques. Les relations avec la France, l’ancienne puissance coloniale, <strong>et</strong> le Maroc voisin<br />

sont déchirées par des tensions <strong>et</strong> des rivalités souvent inutiles, otages d’une histoire<br />

que la plupart des Algériens n’ont pas vécue.<br />

Le pays s’aiderait davantage en surmontant, ou du moins en diminuant, ces tensions<br />

dans la mesure du possible. Le changement générationnel en cours de l’ensemble<br />

des dirigeants politiques <strong>et</strong> des institutions offre une occasion de le faire, à condition<br />

qu’il y ait des homologues compréhensifs. Une plus grande participation algérienne<br />

à titre d’intermédiaire pragmatique de la stabilité <strong>et</strong> des compromis politiques au<br />

Maghreb <strong>et</strong> des conflits au Sahel doit être saluée, surtout à une époque d’insécurité<br />

régionale <strong>et</strong> de polarisation idéologique accrues.<br />

Alger/Bruxelles, 12 septembre 2015


International Crisis Group<br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164 12 octobre 2015<br />

<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

I. Introduction<br />

Longtemps repliée sur elle-même dans la mesure où elle se consacrait à la réconciliation<br />

politique après une décennie de guerre civile dans les années 1990, l’Algérie<br />

brigue le leadership régional dans son voisinage proche, affirmant clairement sa volonté<br />

d’être une ancre de stabilité dans une région troublée. De ce fait, elle a souvent<br />

facilité de façon constructive la résolution de conflits <strong>et</strong> la recherche de consensus chez<br />

<strong>ses</strong> <strong>voisins</strong>, notamment la Libye, le Mali <strong>et</strong> la Tunisie.<br />

Le présent rapport de synthèse évalue la politique étrangère redynamisée de<br />

l’Algérie sous trois angles. Le rapport développe d’abord l’interaction entre la politique<br />

intérieure <strong>et</strong> une politique étrangère traditionnellement non-interventionniste,<br />

issue de la « décennie noire » des années 1990 <strong>et</strong> dans le contexte des fractures de<br />

plus en plus notoires au sein de la classe dirigeante <strong>et</strong> de l’inquiétude grandissante<br />

suscitée par la succession d’un président malade, Abdelaziz Bouteflika. Le rapport<br />

suit ensuite l’évolution (ou l’absence d’évolution) des rivalités avec la France <strong>et</strong> le<br />

Maroc au Maghreb <strong>et</strong> au Sahel. Il examine enfin l’approche plus profondément engagée,<br />

largement constructive, adoptée à l’égard des cri<strong>ses</strong> politiques <strong>et</strong> sécuritaires<br />

en Libye, au Mali <strong>et</strong> en Tunisie depuis 2011. Le rapport s’appuie sur des discussions<br />

avec des représentants en Algérie <strong>et</strong> dans les pays <strong>voisins</strong>, ainsi qu’avec divers autres<br />

acteurs internationaux. Il vient compléter les précédents rapports de Crisis Group<br />

sur les cri<strong>ses</strong> en Afrique du Nord <strong>et</strong> au Sahel. 1<br />

1 Ces rapports comprennent les publications suivantes consacrées aux <strong>voisins</strong> de l’Algérie : briefings<br />

Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord de Crisis Group N°41, La Tunisie des frontières : (II) : terrorisme<br />

<strong>et</strong> polarisation régionale, 21 octobre 2014 ; <strong>et</strong> N°37, L’exception tunisienne : succès <strong>et</strong> limites du<br />

consensus, 5 juin 2014 ; <strong>et</strong> rapports N°148, La Tunisie des frontières : jihad <strong>et</strong> contrebande, 28 novembre<br />

2013 ; N°157, Libya: G<strong>et</strong>ting Geneva Right, 26 février 2015 ; rapports Afrique N°227, Le<br />

Sahel central : au cœur de la tempête, 25 juin 2015 ; <strong>et</strong> N°226, Mali : la paix à marche forcée ?, 22<br />

mai 2015 ; <strong>et</strong> briefing Afrique N°104, Mali : dernière chance à Alger, 18 novembre 2014.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 2<br />

II. L’héritage de la « décennie noire »<br />

Lorsque le monde arabe est ébranlé par des bouleversements en 2011, les Algériens<br />

estiment qu’ils ont déjà vécu une expérience similaire, pour laquelle ils ont payé un<br />

lourd tribut au cours de la « décennie noire ». Le conflit meurtrier entre insurgés<br />

islamistes <strong>et</strong> forces de sécurité (1992-1997) est alors déclenché par l’annulation, par<br />

les autorités, des élections en passe d’être remportées par le Front islamique du salut<br />

(FIS). 2 Nonobstant les condamnations de la conduite de l’Etat – en particulier par<br />

les organisations des droits de l’homme <strong>et</strong> les gouvernements étrangers qui soupçonnaient<br />

les forces de sécurité d’avoir participé au massacre de centaines de civils<br />

dans les villages à l’extérieur d’Alger 3 – le récit national qui prévaut est que l’Etat a<br />

vaincu les terroristes. L’amertume quant à l’isolement du pays, notamment un embargo<br />

des Etats-Unis sur les armes, à un moment de grande vulnérabilité, reste forte,<br />

tout comme le sentiment d’abandon par la communauté internationale dans l’épreuve<br />

alors traversée par l’Algérie. 4<br />

A. Un lent r<strong>et</strong>our à la normalité<br />

Le président Bouteflika a été propulsé au pouvoir en 1999 sur une plateforme de<br />

pacification <strong>et</strong> de réconciliation nationale, entamant un long processus de réengagement<br />

à l’égard des partenaires internationaux. 5 Il instaurait déjà la coopération<br />

avec les Etats-Unis <strong>et</strong> la France fondée sur les intérêts mutuels dans le secteur de<br />

l’énergie lorsque les attentats du 11 septembre 2001 ont eu lieu aux Etats-Unis. Affirmant<br />

l’Algérie sur la ligne de front d’une guerre contre le terrorisme depuis longtemps,<br />

qui venait tout juste d’atteindre le sol américain, il a réussi à forger des liens<br />

plus solides avec Washington en matière de sécurité, m<strong>et</strong>tant ainsi fin à l’isolement<br />

de son pays <strong>et</strong> restaurant sa légitimité internationale. En 2002, les Etats-Unis ont<br />

levé leur embargo sur les armes imposé à l’Algérie pendant dix ans <strong>et</strong> commencé à<br />

l’inclure dans les forums régionaux portant sur la sécurité, notamment le Dialogue<br />

2 L’expérience de l’Algérie de ce que <strong>ses</strong> citoyens perçoivent comme leur version antérieure du<br />

« Printemps arabe » avait commencé en 1980 par des manifestations alors connues sous le nom de<br />

« Printemps berbère » <strong>et</strong> culminé en 1988 avec les manifestations d’« octobre noir » pour le pluralisme<br />

politique <strong>et</strong> les réformes démocratiques. Malgré la répression brutale des forces de sécurité,<br />

ces manifestations ont fini par imposer l’ouverture du régime politique à parti unique. En décembre<br />

1991, le Parti du Front islamique du salut (FIS) a remporté, avec une majorité écrasante, les premières<br />

élections multipartites depuis l’indépendance. L’armée a annulé les élections après le premier<br />

tour, dissous le Parlement, suspendu la constitution <strong>et</strong> décrété l’état d’urgence. <strong>L’Algérie</strong> a passé la<br />

« décennie noire » suivante plongée dans une guerre civile opposant divers groupes islamistes (certains<br />

bénéficiant de l’expérience des Algériens qui avaient combattu l’Union soviétique en Afghanistan)<br />

contre le gouvernement. Près de 200 000 personnes seraient mortes dans le conflit.<br />

3 Sur la guerre civile algérienne <strong>et</strong> son dénouement, voir le rapport Afrique de Crisis Group N°24,<br />

The Algerian Crisis: Not Over Y<strong>et</strong>, 20 octobre 2000.<br />

4 Entr<strong>et</strong>iens de Crisis Group, responsables algériens, anciens officiers de l’armée, chercheurs, Alger,<br />

décembre 2014-février 2015.<br />

5 Loi sur la concorde civile promue par Bouteflika puis par l’amnistie, voir le rapport Afrique de Crisis<br />

Group N°31, La concorde civile : Une initiative de paix manquée, 9 juill<strong>et</strong> 2001. Le processus a<br />

abouti à une Charte pour la paix <strong>et</strong> la réconciliation nationale, approuvée par référendum en 2005.<br />

Les Algériens ont salué les mesures pour m<strong>et</strong>tre fin à la violence, mais l’amnistie <strong>et</strong> le traitement<br />

des disparus ont suscité des critiques qui persistent encore.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 3<br />

méditerranéen de l’Otan (lancé en 1994). 6 Pour certains, ces efforts consacrés à regagner<br />

son statut en Occident semblaient être entrepris au détriment de la place historique<br />

de l’Algérie en Afrique <strong>et</strong> dans son voisinage immédiat, notamment par le biais<br />

de l’Union africaine (UA) <strong>et</strong> de <strong>ses</strong> prédécesseurs, où les diplomates algériens ont joué<br />

un rôle prépondérant. 7<br />

Bouteflika avait promis au cours de sa première campagne électorale de ne pas<br />

être « les trois quarts d’un président » (c’est-à-dire ne pas être un homme de paille<br />

pour les militaires), marquant ainsi sa volonté de défier la forte emprise de l’armée<br />

sur le pouvoir depuis l’ère du président Houari Boumediene (1965-1978) <strong>et</strong> une succession<br />

de présidents faibles au cours de la « décennie noire ». Malgré des violences<br />

sporadiques <strong>et</strong> des attaques plutôt fréquentes contre les forces de sécurité, la menace<br />

activiste subsistante pour l’Etat <strong>et</strong> la société s’est largement dissipée sous la houl<strong>et</strong>te<br />

de Bouteflika. 8 Il a également réussi à renforcer une présidence affaiblie, en partie<br />

parce qu’en améliorant le contexte de sécurité <strong>et</strong> en aidant la réconciliation nationale<br />

à voir le jour, il a rendu moins nécessaires l’armée <strong>et</strong> les services de renseignement<br />

dans la vie du pays.<br />

Néanmoins, malgré l’intégration des partis d’opposition, dont les islamistes, dans<br />

les gouvernements d’unité nationale successifs depuis la fin des années 1990, 9 la<br />

politique reste largement autoritaire <strong>et</strong> dominée par la présidence <strong>et</strong> les services de<br />

sécurité. L’expérience des années 1990 continue à porter ombrage à la vie politique,<br />

de nombreux Algériens (<strong>et</strong> des responsables occidentaux) étant convaincus d’un lien<br />

étroit entre sécurité <strong>et</strong> stabilité, <strong>et</strong> le style autoritaire de Bouteflika 10 – dont elles<br />

dépendent peut-être. Le gouvernement a levé en mars 2011 l’état d’urgence de dixneuf<br />

ans en réaction à la vague de protestations nationales inspirées par celles qui<br />

ont eu lieu en Tunisie <strong>et</strong> en Egypte, même si elles n’ont jamais pris de l’ampleur. Mais<br />

il a également adopté une nouvelle loi imposant des peines plus lourdes aux manifestations,<br />

qui restent illégales.<br />

La raison pour laquelle l’Algérie n’a pas connu les mêmes troubles que <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

réside dans l’inquiétude parmi la population <strong>et</strong> l’élite que les soulèvements arabes<br />

ravivent les turbulences des années 1990 ; la hausse considérable des dépen<strong>ses</strong> de<br />

l’Etat pour répondre aux exigences socioéconomiques en est une autre. Dans la mesure<br />

où la situation se détériorait ailleurs, le gouvernement brandissait le chaos qui<br />

s’étendait à l’ensemble de la région, <strong>et</strong> à la propre histoire difficile de l’Algérie, comme<br />

6 Voir Y. Zoubir, “The United States and Algeria: the Cautious Road to Partnership”, The Maghreb<br />

Center Journal, Issue 1, spring/summer 2010.<br />

7 Bouteflika <strong>et</strong> Mourad Medelci, ancien ministre des Affaires étrangères, sont perçus comme ayant<br />

déclassé la politique africaine traditionnelle de l’Algérie en s’abstenant de visiter les pays du Sahel à<br />

sa frontière <strong>et</strong> en négligeant les liens avec d’autres Etats africains. Abdelaziz Rahabi, ancien diplomate<br />

<strong>et</strong> ministre de la communication, a déclaré : « Il n’y avait pas de politique africaine. <strong>L’Algérie</strong> a<br />

annulé 1,3 milliard de dollars de d<strong>et</strong>tes de tous les pays africains, sans rien obtenir en r<strong>et</strong>our. Elle<br />

aurait dû plutôt saisir l’occasion d’investir dans ces pays ». Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Alger, septembre<br />

2014.<br />

8 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, responsable de la sécurité, Alger, octobre 2014.<br />

9 Voir le rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord de Crisis Group N°29, Islamisme, violence <strong>et</strong><br />

réforme en Algérie : tourner la page, 30 juill<strong>et</strong> 2004.<br />

10 Pour les partisans de Bouteflika, la continuité représente la stabilité ; s’il n’y a pas eu une démocratisation<br />

substantielle de la vie politique, la fin de la guerre civile <strong>et</strong> le rétablissement de l’ordre<br />

public ont été des réalisations majeures que tout changement politique pourrait saper. Le Printemps<br />

arabe, dans ce contexte, sert de mise en garde. Entr<strong>et</strong>iens de Crisis Group, responsables publics,<br />

Alger, décembre 2014 ; diplomate occidental, Alger, octobre 2014.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 4<br />

une mise en garde contre un soulèvement révolutionnaire <strong>et</strong> comme une justification<br />

du statuquo.<br />

Pendant les élections présidentielles d’avril 2014, lors desquelles Bouteflika a<br />

remporté un quatrième mandat controversé 11 sans campagne (pour raison de santé<br />

après une attaque cérébrale invalidante en 2013 12 ), il a fait des cri<strong>ses</strong> de la Libye, de<br />

la Tunisie <strong>et</strong> du Mali une question de politique intérieure. Bien qu’il n’ait pas fait<br />

d’apparitions publiques, il a reçu des visites hebdomadaires très médiatisées du chef<br />

de l’état-major de l’armée, Gaid Salah, durant lesquelles ils ont discuté de sécurité <strong>et</strong><br />

de stabilité. Le message peu subtil était le suivant : compte tenu des troubles régionaux,<br />

l’Algérie pouvait difficilement se perm<strong>et</strong>tre une transition de l’ensemble des<br />

dirigeants. Les critiques dénoncent la stratégie de réélection du président comme<br />

équivalant à un « chantage sécuritaire », axée sur la perspective d’instabilité <strong>et</strong> de<br />

troubles au cas où le statuquo serait menacé <strong>et</strong> l’armée détournerait son attention de<br />

la protection contre les menaces extérieures vers la levée de l’expansion des pouvoirs<br />

présidentiels sous son autorité. 13<br />

B. Tensions internes <strong>et</strong> politique étrangère<br />

Au cœur de ces tensions internes, les questions se posent de savoir qui succédera à<br />

Bouteflika, comment cela influera sur l’équilibre des pouvoirs <strong>et</strong> la répartition des<br />

rôles entre civils <strong>et</strong> militaires – notamment le puissant département du renseignement<br />

<strong>et</strong> de la sécurité (DRS) – <strong>et</strong> si le système dirigeant mis en place depuis des décennies<br />

peut <strong>et</strong> doit être réformé. Dans ce débat, la politique étrangère <strong>et</strong> de sécurité n’est<br />

qu’un des champs de bataille parmi d’autres.<br />

Les détracteurs du président affirment que son infirmité paralyse les institutions<br />

du pays : depuis son attaque cérébrale, il est en eff<strong>et</strong> quasi totalement absent de la<br />

sphère publique, le cabin<strong>et</strong> se réunit tous les trois mois au-lieu de tous les mois <strong>et</strong> le<br />

parlement est largement considéré comme moribond. Son refus de se r<strong>et</strong>irer malgré<br />

son état de santé a incité des rivaux potentiels comme Ali Benflis – premier ministre<br />

durant le premier mandat de Bouteflika <strong>et</strong> son principal adversaire lors des élections<br />

présidentielles de 2014 – à l’accuser de laisser s’installer un dangereux vide du<br />

pouvoir. 14<br />

11 En 2008, Bouteflika a fait adopter, de manière controversée, un amendement constitutionnel<br />

supprimant la limitation des mandats, lui perm<strong>et</strong>tant ainsi de briguer un troisième mandat un an<br />

plus tard <strong>et</strong> un quatrième mandat en 2014.<br />

12 Selon des responsables occidentaux qui l’ont rencontré, Bouteflika est confiné en fauteuil roulant<br />

<strong>et</strong> doit utiliser un microphone car <strong>ses</strong> cordes vocales sont fragilisées. Bien qu’il semblerait faire<br />

preuve de son agilité intellectuelle habituelle, rien ne perm<strong>et</strong> de savoir avec certitude combien<br />

d’heures par jour il peut être actif. Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Alger, décembre 2014. Bouteflika a été<br />

hospitalisé en France à plusieurs repri<strong>ses</strong> depuis sa première attaque cérébrale en 2013. Certains<br />

politiciens de l’opposition ont avancé qu’il n’est plus en mesure de gouverner <strong>et</strong> que la présidence a<br />

de multiples (<strong>et</strong> concurrents) centres de décision. Voir par exemple, Hacen Ouali, “Ali Benflis à<br />

l’ouverture du congrès de son parti : « Des forces extraconstitutionnelles ont pris pos<strong>ses</strong>sion du centre<br />

de décision », El Watan, 14 juin 2014.<br />

13 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Abdelaziz Rahabi, ancien-diplomate <strong>et</strong> ministre, Alger, septembre 2014.<br />

14 Selon Benflis, c’est ce vide, <strong>et</strong> non l’autoritarisme, qui caractérise la politique actuelle. Il a indiqué<br />

que les émeutes récurrentes dans la ville méridionale de Ghardaïa <strong>et</strong> la manifestation sans précédent<br />

d’octobre 2014 des unités de police antiémeutes qui y avaient été déployées <strong>et</strong> qui ont défilé<br />

jusqu’au Palais du gouvernement à Alger, étaient emblématiques de ce vide. « Le centre national de<br />

décision s’effrite <strong>et</strong> se disperse <strong>et</strong> la puissance de la pression, l’influence <strong>et</strong> les groupes d’intérêt


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 5<br />

Parallèlement, un débat sur le rôle des forces de sécurité <strong>et</strong> leur influence politique<br />

est prôné par la présidence <strong>et</strong> <strong>ses</strong> alliés. Les détracteurs du DRS insistent sur la<br />

nécessité de s’éloigner de l’héritage des années 1990 <strong>et</strong>, notamment après la fin de<br />

l’état d’urgence en 2011, de faire revenir les forces armées avec des pouvoirs limités<br />

en matière de défense qui leur incomberaient dans un régime politique démocratique.<br />

15 Les officiers supérieurs du DRS <strong>et</strong> de l’armée en général ém<strong>et</strong>traient de manière<br />

chronique des soupçons quant à l’importance <strong>et</strong> à l’utilité d’un gouvernement<br />

civil qui, à leurs yeux, manque d’efficacité <strong>et</strong> donne des résultats incertains par rapport<br />

au processus décisionnel militaire. 16 Face à une grave menace interne dans les<br />

années 1990, les autorités civiles <strong>et</strong> militaires avaient collaboré pour éviter l’effondrement<br />

de l’Etat ; 17 aujourd’hui, lorsque les menaces à la sécurité semblent provenir<br />

surtout de l’instabilité des pays <strong>voisins</strong>, certains préconisent que le DRS <strong>et</strong> l’armée se<br />

consacrent au contrôle des frontières au lieu de s’ingérer dans les affaires intérieures.<br />

Dans une certaine mesure, cela est déjà arrivé : au cours de la dernière décennie,<br />

le rôle dominant joué par l’armée dans les années 1990 a décliné, même si elle reste<br />

un puissant acteur national en coulisse. Depuis 2013, Bouteflika a également pris des<br />

mesures sans précédent pour réduire officiellement le pouvoir du DRS en particulier.<br />

En septembre 2013, il a en eff<strong>et</strong> dépouillé le DRS de trois de <strong>ses</strong> bureaux stratégiques,<br />

dissolvant la police judiciaire <strong>et</strong> transférant au chef de l’état-major le contrôle<br />

du bureau de presse de l’armée <strong>et</strong> de la Direction centrale de la sécurité de l’armée. 18<br />

Trois officiers supérieurs du DRS ont été contraints de prendre leur r<strong>et</strong>raite, tandis<br />

qu’un quatrième a été placé sous contrôle judiciaire. En octobre 2014, les officiers<br />

supérieurs du DRS détachés auprès de ministères sont rappelés <strong>et</strong> le service d’écoutes<br />

téléphoniques est placé sous le contrôle du ministère de la Justice. Les spéculations<br />

publiques <strong>et</strong> privées pour savoir à quel point ces mesures pèsent se poursuivent ;<br />

pour de nombreux observateurs, le DRS reste l’acteur le plus puissant en matière de<br />

politique intérieure. 19 Néanmoins, le départ à la r<strong>et</strong>raite en septembre 2015 du généremplace<br />

le pouvoir de l’Etat ». Communiqué d’Ali Benflis, reproduit in « Ali Benflis : la situation à<br />

Ghardaïa révèle la vacance du pouvoir », Le Matin, 14 octobre 2014.<br />

15 Voir par exemple c<strong>et</strong> entr<strong>et</strong>ien avec le dirigeant du FLN Amar Saadani : Achira Mammeri, « Saïd<br />

Bouteflika, Constitution, DRS : Amar Saâdani nous dit tout », Tout sur l’Algérie, 16 avril 2015.<br />

16 Voir la préface d’Abdelhamid Mehri dans « Problématique Algérie », par le colonel r<strong>et</strong>raité du<br />

DRS Mohamed Chafik Mesbah, Le Soir d’Algérie (Alger, 2009).<br />

17 “Sans c<strong>et</strong>te harmonie institutionnelle, l’Etat se serait effondré dans les années 1990. La situation<br />

était bien pire que celle subie par la Libye en 2011 ». Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, haut responsable<br />

algérien, Alger, octobre 2014.<br />

18 Voir le « Décr<strong>et</strong> présidentiel no. 13-309 du 8 septembre 2013 », Journal officiel de la République<br />

algérienne démocratique <strong>et</strong> populaire.<br />

19 Entr<strong>et</strong>iens de Crisis Group, ancien agent du DRS, écrivains opposants, analystes politiques <strong>et</strong> diplomates<br />

occidentaux, Alger <strong>et</strong> Paris, novembre 2014-février 2015. La rivalité entre la présidence <strong>et</strong><br />

le DRS est un pilier de la presse <strong>et</strong> des blogs algériens, ainsi que de la presse internationale. Voir,<br />

par exemple, Mélanie Matarese, « Abdelaziz Bouteflika s’attaque aux services secr<strong>et</strong>s algériens », Le<br />

Figaro, 12 septembre 2013 ; Fayçal Hamdani, « Restructuration des services secr<strong>et</strong>s : comment la<br />

DCSA a supplanté le DRS », Tout sur l’Algérie, 12 août 2015 ; « 10 observations sur la crise de l’été<br />

2013 en Algérie », blog Observations confidentielles (https://7our.wordpress.com/2013/09/13/10-<br />

observations-sur-la-crise-de-l<strong>et</strong>e-2013-en-algerie), 13 septembre 2013 ; « Pressing for Depth », The<br />

Moor Next Door blog (https://themoornextdoor.wordpress.com/2015/08/04/pressing-for-depth),<br />

4 août 2015.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 6<br />

ral-major Mohammed « Toufik » Mediène, à la tête du DRS depuis 25 ans, indique,<br />

avec les mesures ci-dessus, que l’influence de l’institution semble s’étioler. 20<br />

Si des signes de tensions ressurgissent à l’occasion, la présidence <strong>et</strong> le DRS collaborent<br />

de toute évidence. 21 Une vision donnant trop d’importance à la conspiration<br />

dans la dynamique interne du régime a tendance à minimiser l’évolution de la perception<br />

de la menace de l’Algérie <strong>et</strong> de son environnement régional. Certains changements<br />

relatifs au personnel <strong>et</strong> aux politiques de ces dernières années doivent être<br />

pris au pied de la l<strong>et</strong>tre, comme un ajustement de la stratégie de sécurité, <strong>et</strong> non pas<br />

nécessairement (ou seulement) le refl<strong>et</strong> d’une lutte politique interne qu’une grande<br />

partie de la presse <strong>et</strong> de l’opposition algériennes ont tendance à relayer. 22 Il ne serait<br />

pas surprenant qu’un débat de politique interne sur la façon d’affronter les défis de<br />

sécurité se tienne <strong>et</strong> les répon<strong>ses</strong> obtenues influeraient sur l’équilibre des pouvoirs<br />

nationaux.<br />

C. Tournant décisif : la crise des otages de Ain Amenas<br />

L’attaque du 16 janvier 2013 contre le complexe gazier de Tinguentourine à Ain Amenas,<br />

dans la province d’Illizi au sud-est du pays près de la frontière libyenne, perpétrée<br />

par le groupe jihadiste al-Murabitoun de Mokhtar Belmokhtar, a marqué un tour-<br />

20 Mediène a été remplacé par le général Athman Tartag, un vétéran de DRS qui avait été détaché<br />

auprès de la présidence. Plusieurs observateurs étrangers à Alger ont vu dans sa nomination le signal<br />

d’un certain degré de continuité, notamment dans le cadre d’un effort de restructuration <strong>et</strong> de professionnalisation<br />

de l’appareil de sécurité plus que comme le refl<strong>et</strong> d’une lutte pour le pouvoir au<br />

sein du régime : une façon de faire naître « une plus grande efficacité organisationnelle induite par<br />

l’évolution de la situation sécuritaire », pour reprendre les mots d’un attaché militaire. Entr<strong>et</strong>ien de<br />

Crisis Group, attaché militaire, Alger, septembre 2015. Un analyste algérien ayant de bonnes relations<br />

avec les responsables de la sécurité s’est exprimé ainsi : « L’objectif est de professionnaliser<br />

l’armée <strong>et</strong> de recentrer le DRS sur son cœur de métier, qui est l’espionnage <strong>et</strong> le contre-espionnage.<br />

La réputation du DRS de tout savoir <strong>et</strong> voir est follement exagérée. La restructuration perm<strong>et</strong>tra de<br />

reporter l’attention sur le Sahel <strong>et</strong> le Maghreb <strong>et</strong> d’accorder une plus grande priorité à la lutte<br />

contre le terrorisme ». Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Alger, septembre 2015. Un journaliste a dit, « Le<br />

président ramène le DRS à ce qu’il était dans les années 1970. Le régime n’a plus un système dualiste<br />

; la guerre des clans est terminée ». Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Alger, septembre 2015. Bien sûr,<br />

il peut y avoir une raison simple pour la r<strong>et</strong>raite de Mediène : le bruit court depuis longtemps qu’il<br />

était malade, tandis que d’autres généraux qui étaient puissants dans les années 1990 sont déjà à la<br />

r<strong>et</strong>raite ou décédés.<br />

21 Les relations entre la présidence <strong>et</strong> le DRS sont opaques, complexes <strong>et</strong> donc difficiles à comprendre,<br />

d’autant plus que ces deux institutions sont hermétiquement fermées. Un ancien officier<br />

du DRS qui reste proche de l’institution a suggéré que, quelles que soient les mesures adoptées officiellement,<br />

le département peut continuer à s’appuyer sur un réseau de personnalités dont l’influence<br />

est ressentie bien au-delà des voies officielles pour le contrôle ou l’influence des principales<br />

institutions de l’Etat. Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Paris, novembre 2014. Un écrivain algérien en exil<br />

critique vis-à-vis du régime a indiqué que finalement l’agence constitue l’ossature de l’Etat profond<br />

<strong>et</strong> aura donc des chances de survivre même à l’éviction des dirigeants, bien que clés : « [l’ancien<br />

président Houari] Boumediene disait souvent que l’armée était l’épine dorsale du pays – <strong>et</strong> que les<br />

services de renseignement étaient donc sa moelle épinière ». Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Paris, novembre<br />

2014.<br />

22 Le remplacement de trois personnalités haut placées de la sécurité intérieure, notamment ceux<br />

chargés de la sécurité personnelle du président Bouteflika, en juill<strong>et</strong> 2015, après les informations<br />

non confirmées d’un attentat déjoué (par des assaillants inconnus, ou tout au moins dont les noms<br />

n’ont pas été divulgués) contre sa résidence à l’extérieur d’Alger, en est un bon exemple. Voir Achira<br />

Mammeri, « Changements dans l’armée : Bouteflika verrouille à tous les étages », Tout sur l’Algérie,<br />

27 juill<strong>et</strong> 2015.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 7<br />

nant. 23 Elle a en eff<strong>et</strong> montré comment l’instabilité des pays <strong>voisins</strong> peut menacer les<br />

intérêts nationaux, en particulier dans l’immense étendue du désert méridional difficile<br />

à contrôler, où sévissent le commerce illicite de marchandi<strong>ses</strong>, d’armes, de<br />

drogues <strong>et</strong> la traite de personnes. 24 Elle a aussi fait prendre conscience du défi posé<br />

par l’effondrement de la sécurité de l’Etat – <strong>et</strong> l’absence d’interlocuteurs fiables – en<br />

Libye, d’où étaient venus les assaillants. L’attentat, suivi de la prise de plus de 800<br />

otages par des militants jihadistes, a démontré la profonde transformation des enjeux<br />

de sécurité nationale : habituée à lutter contre les menaces internes, comme elle<br />

l’avait fait essentiellement dans le nord du pays lors de la « décennie noire », l’Algérie<br />

doit maintenant lutter contre les menaces extérieures de groupes radicaux transnationaux<br />

opérant dans les Etats faibles <strong>et</strong> les territoires non gouvernés le long de <strong>ses</strong><br />

frontières méridionales.<br />

L’attaque d’Ain Amenas a déclenché des récriminations à propos des niveaux de<br />

préparation en matière de sécurité. Dans un reproche exceptionnellement public,<br />

Amar Saadani, le secrétaire général du Front de libération nationale au pouvoir, a<br />

déclaré que Mediène, chef de longue date du DRS, aurait dû démissionner après<br />

avoir échoué d’empêcher l’incident. 25 Ces critiques d’un haut responsable du parti au<br />

pouvoir, considéré comme proche de la présidence, à l’encontre d’une personnalité<br />

vue par beaucoup comme un faiseur de rois encore plus puissant que le président,<br />

étaient sans précédent. Réagissant immédiatement aux événements d’Ain Amenas,<br />

Bouteflika a imposé des contrôles stricts aux frontières. Il a ordonné la ferm<strong>et</strong>ure<br />

des points de passage vers la Libye <strong>et</strong> le Mali, a conditionné l’accès aux zones frontalières<br />

à une autorisation militaire <strong>et</strong> déployé des forces terrestres <strong>et</strong> aériennes pour<br />

faire respecter les nouvelles règles, m<strong>et</strong>tant particulièrement l’accent sur la frontière<br />

libyenne. 26 Quelques 100 000 soldats sont maintenant déployés activement aux<br />

frontières, soit au moins près du double du nombre précédent. 27 L’armée a créé une<br />

23 Quelques semaines à peine après l’intervention militaire française au Mali, les militants d’al-<br />

Murabitoun – un groupe allié à al-Qaeda – dirigé par Mokhtar Belmokhtar, dit “M. Marlboro” pour<br />

son réseau de contrebande de cigar<strong>et</strong>tes à travers le Sahel – ont traversé la frontière sud de l’Algérie<br />

à partir de la Libye <strong>et</strong> pris plus de 800 otages à l’usine de gaz Tiguentourine. 39 otages étrangers <strong>et</strong><br />

un garde algérien ainsi que 29 militants ont été tués durant la crise de deux jours <strong>et</strong> l’opération de<br />

sauv<strong>et</strong>age qui a suivi. Tiguentourine représentait alors 10 pour cent de la production de gaz naturel<br />

algérienne, générant des rec<strong>et</strong>tes d’environ 5 millions de dollars par jour. L’usine – une jointventure<br />

de Statoil Norvège, BP <strong>et</strong> la compagnie nationale Sonatrach – était gardée par l’armée algérienne.<br />

Belmokhtar, connu aussi sous le nom de Khaled Abou El Abbas, né en Algérie, est un ancien<br />

commandant d’al-Qaeda au Maghreb islamique pour la région du Sahel, actif dans la région depuis<br />

les années 1990. Ciblé par une frappe aérienne américaine dans la ville d’Ajdabiya à l’est de la Libye<br />

le 13 juin 2015, il aurait survécu.<br />

24 Lorsque Kadhafi dirigeait la Libye, les gendarmes <strong>et</strong> la police algérienne des frontières patrouillaient<br />

leur côté de la frontière, tandis que les forces libyennes patrouillaient le leur. Le côté libyen<br />

n’est contrôlé aujourd’hui ni par la police ni par des milices, comme les garde-frontières touareg<br />

issus des anciennes forces de sécurité de l’ère Kadhafi. Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, garde-frontières<br />

touareg libyens, Tripoli, mars 2015.<br />

25 « Amar Saadani demande la démission du général Toufik <strong>et</strong> défend Chakib Khelil », Maghreb<br />

émergent, 3 février 2014. Saadani a accusé le DRS d’« outrepasser <strong>ses</strong> prérogatives » <strong>et</strong> de faire<br />

obstacle à la construction d’un Etat civil.<br />

26 Mohamed Ben Ahmad, « <strong>L’Algérie</strong> ferme la plupart de <strong>ses</strong> frontières », El Khabar, 22 mai 2014.<br />

Près de 40 000 soldats auraient été déployés pour renforcer les forces paramilitaires – Groupement<br />

des gardes-frontières (GGF), police de l’air <strong>et</strong> des frontières (PAF), police des douanes <strong>et</strong> gendarmes<br />

– déjà chargés de contrôler la frontière libyenne.<br />

27 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, diplomate algérien de haut rang, New York, mars 2015.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 8<br />

nouvelle zone militaire – la septième, taillée dans la quatrième <strong>et</strong> la sixième – le long<br />

de la frontière où le niveau de risque est le plus élevé, celle avec la Libye, au sud-est ;<br />

dans le sillage de la saisie de Syrte par les combattants de l’Etat islamique en février<br />

2015, l’armée s’est engagée à détruire à vue tout convoi non identifié de véhicules<br />

approchant du côté libyen. 28 Le commandant de la nouvelle zone a été doté d’importantes<br />

ressources pour lutter contre la menace jihadiste <strong>et</strong> la contrebande, y compris<br />

le contrôle de l’armée, des forces aériennes, de la police des frontières, des gardes<br />

nationaux <strong>et</strong> de la gendarmerie. 29<br />

La militarisation de la frontière a suscité de nouvelles difficultés. Sa ferm<strong>et</strong>ure<br />

ayant provoqué une pénurie de produits alimentaires dans la province libyenne de<br />

Ghat, les manifestants se sont rassemblés dans la ville de Djan<strong>et</strong> à la frontière sud-est<br />

(dans la province algérienne d’Illizi) pour dénoncer la crise humanitaire en cours. 30 En<br />

réponse, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a chargé le Croissant-Rouge algérien<br />

de préparer un convoi humanitaire pour Ghat <strong>et</strong> des villes libyennes voisines <strong>et</strong><br />

ordonné un assouplissement des contrôles aux frontières. 31<br />

Le conflit <strong>et</strong> les conséquences d’un vide sécuritaire ont franchi les frontières à<br />

d’autres occasions aussi. L’impact de l’opération Serval de la France en 2013 au Mali<br />

a été ressenti le long de la frontière entre l’Algérie <strong>et</strong> le Mali, changeant ainsi l’équilibre<br />

du pouvoir entre les groupes <strong>et</strong>hniques locaux en concurrence. 32 A Ghat <strong>et</strong> à Tamanrass<strong>et</strong><br />

– des provinces respectivement proches des frontières libyennes <strong>et</strong> maliennes<br />

– les Algériens ont protesté contre la ferm<strong>et</strong>ure des frontières. De même, les groupes<br />

jihadistes dirigés par des Algériens ont cherché refuge dans la réserve naturelle du<br />

mont Chaambi en Tunisie, près de la frontière algérienne, suite à l’affaiblissement de<br />

la sécurité qui y sévit depuis 2011. 33 Recrutant des militants tunisiens <strong>et</strong> autres, ils ont<br />

mené des attaques en Tunisie <strong>et</strong> participé à la contrebande transfrontalière.<br />

La crise d’Ain Amenas a confirmé aux dirigeants algériens qu’avec les principales<br />

menaces pour la sécurité du pays à l’extérieur de <strong>ses</strong> frontières, ils ne peuvent plus se<br />

perm<strong>et</strong>tre c<strong>et</strong>te politique étrangère relativement passive suivie pendant une grande<br />

partie de la décennie écoulée depuis la fin de la guerre civile.<br />

28 « Algeria rai<strong>ses</strong> alert level along border with Libya », Middle East Monitor, 4 juin 2015.<br />

29 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, responsable de la lutte antiterroriste, Alger, mai 2015.<br />

30 La pénurie de produits alimentaires dans la province libyenne de Ghat peut avoir empiré aussi<br />

suite à la lutte entre les milices tebu <strong>et</strong> touareg, en particulier après septembre 2014, lorsque la route<br />

reliant Sebha, la principale ville-comptoir du sud à la province de Ghat a été fermée, imposant ainsi<br />

une plus grande dépendance à l’égard de l’Algérie. Observations de Crisis Group, Sebha, mars 2015.<br />

31 Voir « Algeria to send shipments of humanitarian aid to Libya », Middle East Monitor, 24 novembre<br />

2014.<br />

32 Les milices arabes d’autodéfense ont poussé comme des champignons après que les Idnan touareg<br />

aient appelé la France à lancer des frappes aériennes contre leurs rivaux, les trafiquants bérabiche<br />

à Ain Khalil (Mali), qui, affirmaient-ils, étaient des combattants appartenant au groupe jihadiste<br />

Mouvement pour l'unicité <strong>et</strong> le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO) malien du nord. Le conflit tribal<br />

qui en a découlé s’est propagé au-delà de la frontière dans le village algérien de Bordj Badji Mokhtar.<br />

Entr<strong>et</strong>iens de Crisis Group, rebelles du Nord du Mali, Alger, octobre 2014. Voir aussi « “Dieu a<br />

maudit beaucoup de personnes c<strong>et</strong>te semaine à Bordj Badji Mokhtar”: le douloureux réveil de Bordj<br />

Badji Mokhtar », Tamoudre, 23 août 2013.<br />

33 Crisis Group a largement fait état du fait que la frontière Algérie-Tunisie devenait un refuge pour<br />

les militants jihadistes. Voir le rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°148, La Tunisie des<br />

frontières : jihadisme <strong>et</strong> contrebande, 28 novembre 2013.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 9<br />

III. Un triangle difficile : l’Algérie, le Maroc <strong>et</strong> la France<br />

Ayant vaincu chez elle une insurrection islamiste – les responsables parlent aujourd’hui<br />

des groupes armés comme d’une menace « résiduelle » – l’Algérie se considère<br />

comme un îlot de stabilité entouré de pays instables. 34 Sa stratégie régionale<br />

consiste à établir une « politique de voisinage » qui favorise l’intégration horizontale<br />

entre les pays du Sahel, l’Algérie jouant à la fois le rôle de pivot <strong>et</strong> de protecteur, par<br />

opposition au voisinage plutôt tourné vers l’Occident (vers la France, les Etats-Unis<br />

<strong>et</strong> d’autres puissances étrangères) pour résoudre <strong>ses</strong> problèmes. Parallèlement, Alger<br />

résiste aux pressions l’incitant à devenir le « gendarme de la région » sous-traité pour<br />

protéger l’Occident de la violence jihadiste <strong>et</strong> de l’immigration clandestine ou intervenir<br />

militairement dans les cri<strong>ses</strong> régionales. 35 Si elle souhaite s’affirmer comme<br />

une puissance régionale, elle veut le faire selon <strong>ses</strong> propres conditions, notamment<br />

parce que <strong>ses</strong> responsables considèrent que la politique occidentale récente – en<br />

particulier l’intervention de l’Otan en Libye – est très mal conçue <strong>et</strong> irresponsable. 36<br />

<strong>L’Algérie</strong> est également soucieuse de maintenir la cohérence de sa doctrine traditionnelle<br />

de politique étrangère. 37<br />

La démarche de l’Algérie face aux cri<strong>ses</strong> libyenne, malienne <strong>et</strong> tunisienne ne peut<br />

pas être considérée indépendamment de <strong>ses</strong> relations avec le Maroc, son rival traditionnel,<br />

ou avec la France <strong>et</strong> les Etats-Unis qui ont signalé le Sahel comme une préoccupation<br />

prioritaire <strong>et</strong> dont les politiques <strong>et</strong> la volonté d’afficher leur puissance peuvent<br />

s’opposer aux intérêts algériens. Dans un sens, la nouvelle politique de voisinage<br />

vise à affirmer l’influence du pays dans la région, que ce soit dans le contexte d’une<br />

34 Un ancien responsable a indiqué que l’UE alimente c<strong>et</strong>te perception en encourageant l’Algérie à<br />

se voir comme une extension de l’accord de Schengen sur les frontières de l’UE : « Les Européens<br />

veulent que Schengen commence à Tamanrass<strong>et</strong>. Ils veulent contrôler les flux humains vers le nord.<br />

Mais ceux-ci doivent être surveillés à la source, <strong>et</strong> non pas après leur arrivée au Maroc ou en Algérie<br />

! Nous avons donc une responsabilité internationale dans le sens où les Occidentaux pensent<br />

que nous devons stabiliser la région ». Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Abdelaziz Rahabi, Alger, septembre<br />

2014. Le souhait de certains Etats membres de l’UE d’obtenir l’aide des pays d’Afrique du<br />

Nord pour la gestion des flux transméditerranéens de personnes, notamment en hébergeant des<br />

centres de traitement pour les migrants <strong>et</strong> les réfugiés, peut être à l’origine de c<strong>et</strong>te réflexion. Entr<strong>et</strong>iens<br />

de Crisis Group, responsables de l’UE, Bruxelles, mai 2015.<br />

35 Entr<strong>et</strong>iens de Crisis Group, responsables actuels <strong>et</strong> anciens, Alger, octobre-décembre 2014. Un<br />

conseiller présidentiel en matière de lutte antiterroriste a explicitement rej<strong>et</strong>é une approche militaire,<br />

faisant remarquer que la Constitution interdit à l’armée d’intervenir dans d’autres Etats. Voir<br />

« Kamel Rezzag Bara : l’Algérie refuse le rôle de gendarme dans la région », radioalgerie.n<strong>et</strong>, 11 juin<br />

2015. L’article 26 de la constitution stipule que « <strong>L’Algérie</strong> se défend de recourir à la guerre pour<br />

porter atteinte à la souverain<strong>et</strong>é légitime <strong>et</strong> à la liberté d’autres peuples ».<br />

36 Un haut fonctionnaire s’est plaint en particulier de ce qu’il a qualifié de décision de perm<strong>et</strong>tre à<br />

des combattants touareg pro-Kadhafi « d’échapper à la Libye au Mali avec toutes leurs armes »,<br />

lorsque l’Otan a contrôlé l’espace aérien libyen <strong>et</strong> aurait pu bombarder la colonne qui s’enfuyait –<br />

un accord conclu, selon lui, pour renverser rapidement le régime de Kadhafi, au détriment de la<br />

stabilité du nord du Mali. Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Alger, décembre 2014.<br />

37 La doctrine algérienne de politique étrangère menée après l’indépendance se fonde sur le respect<br />

des principes comme ceux de la souverain<strong>et</strong>é nationale <strong>et</strong> de l’intégrité territoriale, le nationalisme<br />

économique, le non-alignement positif <strong>et</strong> le soutien à la décolonisation <strong>et</strong> aux mouvements de libération.<br />

<strong>L’Algérie</strong> n’a envoyé des forces militaires à l’étranger qu’à deux repri<strong>ses</strong> : les guerres israéloarabes<br />

de 1967 <strong>et</strong> 1973. Les récents efforts de construction de la paix rappellent son rôle au cours de<br />

succès diplomatiques internationaux dans le passé, comme l’accord de 1975 entre l’Irak <strong>et</strong> l’Iran<br />

mené par Alger, le rôle des diplomates algériens dans la libération des otages américains en Iran en<br />

1981 <strong>et</strong> la médiation dans la guerre de 2000 entre l’Ethiopie <strong>et</strong> l’Erythrée.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 10<br />

telle concurrence ou pour éviter que <strong>ses</strong> intérêts <strong>et</strong> positions soient ignorés à des<br />

moments décisifs (comme en Libye en 2011).<br />

Les relations <strong>et</strong> les rivalités entre l’Algérie, le Maroc <strong>et</strong> la France sont particulièrement<br />

importantes. Alger <strong>et</strong> Rabat ont tendance à considérer les relations bilatérales<br />

sur la base d’un jeu à somme nulle : tout gain en stature régionale pour l’un est<br />

considéré automatiquement par l’autre comme une perte pour lui-même. 38 Le Maroc<br />

perçoit l’hégémonie algérienne au Sahel comme une menace pour son influence<br />

croissante en Afrique de l’Ouest (il est le plus gros investisseur africain dans la région)<br />

<strong>et</strong> pour <strong>ses</strong> revendications sur le Sahara occidental, en particulier sur le plan<br />

diplomatique, étant donné que la plupart des pays ayant reconnu la République<br />

arabe sahraouie démocratique (RASD) du Mouvement Polisario sont africains. Cela<br />

a poussé le Maroc à quitter l’UA pour protester contre l’adhésion de la RASD, ce qui<br />

l’a marginalisé dans la diplomatie du continent en dehors de son rôle en Afrique de<br />

l’Ouest. 39 <strong>L’Algérie</strong> considère le Maroc comme un trublion plutôt qu’un rival. 40<br />

L’amélioration ou le déclin des relations entre Alger <strong>et</strong> Rabat avec Paris est à son<br />

tour également considéré comme se faisant au détriment de l’autre. 41 Les relations<br />

38 <strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> le Maroc sont entrés brièvement en guerre pour un différend frontalier en 1963, peu<br />

après l’indépendance de l’Algérie vis-à-vis de la France. C<strong>et</strong>te « guerre des sables » a donné un ton<br />

de la méfiance entre les deux pays (en dépit du fait que le conflit frontalier ait été finalement réglé)<br />

qui a tourné à l’hostilité permanente en raison de l’appui de l’Algérie en 1975 aux revendications du<br />

Front Polisario à l’autodétermination du Sahara occidental, une colonie espagnole revendiquée par<br />

le Maroc. Le conflit du Sahara occidental est la principale source de tension entre les deux pays, le<br />

Maroc considérant que la position de l’Algérie vise à l’isoler. <strong>L’Algérie</strong> quant à elle affirme que sa<br />

position est fondée sur des principes, mue par le respect du droit international <strong>et</strong> des normes internationales<br />

relatives à la décolonisation. Les deux pays sont en concurrence pour l’influence au<br />

Maghreb <strong>et</strong> en Afrique de l’Ouest <strong>et</strong> y présentent fréquemment des initiatives diplomatiques rivales.<br />

Entr<strong>et</strong>iens de Crisis Group, diplomates algérien, marocain, arabe, occidental <strong>et</strong> d’Afrique subsaharienne,<br />

<strong>et</strong> responsables de l’ONU, Alger, Rabat, Le Caire, Paris, Bruxelles <strong>et</strong> New York, octobre<br />

2014-juill<strong>et</strong> 2015. C<strong>et</strong>te rivalité est devenue un élément permanent dans les medias des pays depuis<br />

les années 1970 <strong>et</strong> incontournable dans le discours nationaliste.<br />

39 Selon un diplomate marocain chevronné, les efforts déployés par l’Algérie pour exercer une influence<br />

régionale visent principalement à exclure le Maroc : « Leur objectif est d’obtenir une certaine<br />

influence dans la région. Ils nous excluent toujours. S’il y a une initiative, une réunion, leur première<br />

réaction est d’exclure le Maroc. Leur premier objectif n’est pas de lutter contre le terrorisme ; c’est<br />

d’exclure le Maroc ». Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, New York, mars 2015. Un diplomate algérien a exprimé<br />

des sentiments similaires à propos de la diplomatie marocaine : « Ils sont très durs envers<br />

nous ; ils ne veulent jamais coopérer. Nous nous connaissons très bien : ils nous connaissent <strong>et</strong><br />

nous les connaissons ». Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, New York, mars 2015. Les médias des deux pays<br />

dépeignent souvent systématiquement les succès diplomatiques de l’un comme une défaite pour<br />

l’autre (par exemple Alger accueillant les négociations sur le Mali ou le Maroc les négociations sur<br />

la Libye).<br />

40 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, responsable de la sécurité algérienne, Alger, octobre 2014.<br />

41 « Nous sommes coincés dans un triangle avec l’Algérie <strong>et</strong> le Maroc », a noté un diplomate français<br />

à Rabat. « Le rapprochement de la France avec l’Algérie après l’opération Serval au Mali a été<br />

très mal prise ici ». Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Rabat, août 2015. Un responsable français a décrit la<br />

dimension nationale du triangle : « Pour les Algériens aussi bien que pour les Marocains, la gauche<br />

française est avec l’Algérie, <strong>et</strong> la droite française avec le Maroc. Nous sommes les victimes de c<strong>et</strong>te<br />

image ». Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Paris, novembre 2014. Au cours de 2014, en partie en raison<br />

des améliorations des relations de la France avec l’Algérie sous la présidence de François Hollande<br />

(mais aussi en raison de la convocation par un juge français d’un haut responsable de la sécurité<br />

marocaine pour violation des droits de l’homme), une crise diplomatique s’est produite avec le Maroc,<br />

entraînant la suspension de certains dossiers de coopération sécuritaire <strong>et</strong> judiciaire. Voir Thierry


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 11<br />

franco-algériennes sont, pour les deux pays, compliquées par une guerre d’indépendance<br />

qui continue à résonner dans la politique nationale – surtout pour une classe<br />

politique algérienne ancrée dans le credo révolutionnaire du Front de libération nationale.<br />

<strong>L’Algérie</strong> considère la France comme un véritable rival au Sahel, même si elle<br />

est également un partenaire. La France a une forte présence militaire <strong>et</strong> un rayonnement<br />

politique important dans <strong>ses</strong> deux anciennes colonies, le Mali <strong>et</strong> le Niger, <strong>et</strong><br />

plus généralement en Afrique francophone. Si les responsables pensent que l’action<br />

militaire de la France en Libye <strong>et</strong> au Mali a eu des eff<strong>et</strong>s déstabilisateurs <strong>et</strong> a nui aux<br />

intérêts algériens, 42 les deux pays ont des intérêts de sécurité communs <strong>et</strong> ont renforcé<br />

la coopération entre leurs armées <strong>et</strong> leurs services de renseignement au cours<br />

des dernières années. 43 Au demeurant, ils continuent pourtant à avoir une approche<br />

fortement divergente en matière de sécurité au Sahel, en particulier en ce qui concerne<br />

le recours à la force militaire.<br />

Conformément à la résolution 2085 (20 décembre 2012) du Conseil de sécurité<br />

de l’ONU autorisant le déploiement d’une mission de soutien dirigée par l’Afrique<br />

pour rétablir l’ordre constitutionnel <strong>et</strong> l’intégrité territoriale du Mali <strong>et</strong> une demande<br />

officielle de l’aide française par les autorités intérimaires maliennes, l’Algérie a coopéré<br />

avec l’opération Serval, l’intervention militaire dirigée par la France. Un agent<br />

r<strong>et</strong>raité des services de renseignements algériens a déclaré :<br />

L’opération militaire française a été soutenue par l’ONU. Face à un Etat malien<br />

qui s’effrite <strong>et</strong> au chaos qui se propageait, les Français ont rapidement présenté<br />

une résolution à l’ONU autorisant l’emploi de la force au Mali. Le gouvernement<br />

malien a accepté la présence des forces françai<strong>ses</strong>, <strong>et</strong> l’Algérie ne peut donc pas<br />

s’y opposer. 44<br />

Cela étant dit, l’Algérie est insatisfaite de la mesure relativement limitée dans laquelle<br />

la France a partagé <strong>ses</strong> informations sur <strong>ses</strong> activités au nord du Mali, des<br />

opérations qui ont une incidence directe sur l’Algérie, notamment par le biais de<br />

l’afflux de réfugiés ou des combattants en fuite. 45<br />

Oberlé, « Hollande s’empêtre dans la rivalité maroco-algérienne », Le Figaro, 6 janvier 2015. Les<br />

relations se sont améliorées en 2015 après l’intervention de Hollande dans la crise.<br />

42 Certains chefs rebelles maliens disent qu’ils pensent que la France a promis de soutenir une<br />

guerre touareg pour l’indépendance en 2011, en échange de l’abandon de Kadhafi <strong>et</strong> la coopération<br />

dans la lutte antiterroriste au nord du Mali, <strong>et</strong> que la France les a abandonnés après qu’ils aient été<br />

maîtrisés par les groupes jihadistes <strong>et</strong> que la présidence soit passée de Sarkozy à Hollande. Voir, par<br />

exemple, l’entr<strong>et</strong>ien avec l’ancien ministre des relations extérieures du Mouvement national pour la<br />

libération de l’Azawad (MNLA) Hama ag Mahmoud : « La France nous a donné son feu vert pour<br />

l’indépendance d’Azawad », Courrier du Sahara, janvier 2014. L’accusation selon laquelle la France<br />

aurait attisé le séparatisme touareg le long de la frontière algérienne en vue de renverser le régime<br />

libyen <strong>et</strong> d’imposer un nouvel ordre de sécurité au nord du Mali, si cela s’avérait vrai, est considérée<br />

par les médias algériens <strong>et</strong> certains responsables au mieux comme une ingérence <strong>et</strong> au pire comme<br />

une escalade dangereuse qui encercle l’Algérie, le seul pays de la région qui demeure en dehors de la<br />

sphère d’influence de la France. Entr<strong>et</strong>iens de Crisis Group, responsables algériens, octobredécembre<br />

2014. Pour un exemple de l’inquiétude dans les médias algériens concernant un « encerclement<br />

» par des ba<strong>ses</strong> militaires étrangères, voir Brahim Takheroubt, « <strong>L’Algérie</strong> encerclée par des<br />

ba<strong>ses</strong> militaires », L’Expression, 4 février 2013 ; <strong>et</strong> Rafik Bahri, « Avec comme conséquence l’encerclement<br />

total de l’Algérie : Essebsi offre <strong>ses</strong> ba<strong>ses</strong> à l’Otan », Algérie Patriotique, 22 mai 2015.<br />

43 Voir, par exemple, Jean-Marie Guénois, « La France <strong>et</strong> l’Algérie s’accordent pour former les<br />

imams à la laïcité », Le Figaro, 19 décembre 2014.<br />

44 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Alger, novembre 2014.<br />

45 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, diplomate occidental, Alger, octobre 2014.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 12<br />

<strong>L’Algérie</strong> est également en compétition avec la France pour façonner l’infrastructure<br />

de sécurité de la région. Alger est le principal partisan du processus de Nouakchott,<br />

lancé par l’UA en mars 2013, qui réunit onze pays du Maghreb, du Sahel <strong>et</strong><br />

d’Afrique de l’Ouest pour promouvoir la coopération régionale en matière de sécurité.<br />

46 <strong>L’Algérie</strong> considère ce processus comme une alternative aussi bien à la Communauté<br />

économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui a été incapable<br />

de faire face à la crise malienne en 2012, qu’aux forces de maintien de la paix<br />

de l’ONU qui ne disposent pas d’un cadre politique. 47 Des responsables affirment<br />

que le processus de Nouakchott a déjà amélioré de façon mesurable l’échange de<br />

renseignements, <strong>et</strong> des formations conjointes de personnel <strong>et</strong> de patrouilles mixtes<br />

sont envisagées.<br />

Au Sahel, la France promeut une approche différente de la sécurité qui miroite<br />

parfois celle de l’Algérie. Elle a par exemple lancé une Unité régionale de fusion de<br />

renseignements lors d’une réunion à Paris, juste après l’enlèvement en 2014 par<br />

Boko Haram de plusieurs centaines de jeunes filles d’une école de Chibok (Nigéria).<br />

C<strong>et</strong>te unité présente des similitudes frappantes avec l’Unité de fusion <strong>et</strong> de liaison,<br />

basée à Alger, qui consiste en une plateforme d’échange d’informations créée en<br />

2010 <strong>et</strong> réunissant les chefs des services de renseignement des Etats du Sahel préoccupés<br />

par les menaces transfrontalières. Un jour après le lancement du processus de<br />

Nouakchott, le « G5 du Sahel » soutenu par la France (un cadre pour promouvoir la<br />

coordination de la sécurité entre la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Tchad <strong>et</strong> le Burkina<br />

Faso), a convoqué un somm<strong>et</strong> extraordinaire à Nouakchott. Les chefs d’Etat du<br />

Mali, de la Mauritanie <strong>et</strong> le Burkina Faso ont participé aux somm<strong>et</strong>s consécutifs.<br />

Enfin, en juill<strong>et</strong> 2014, la France a lancé l’opération Barkhane, qui a succédé à<br />

l’opération Serval, non seulement pour poursuivre <strong>ses</strong> opérations au Mali, mais aussi<br />

pour établir une architecture de collecte de renseignements <strong>et</strong> une capacité de projection<br />

de force à travers le Sahel, notamment par le biais des ba<strong>ses</strong> installées au<br />

Tchad, au Niger, en Côte d’Ivoire <strong>et</strong> au Burkina Faso. Le principal partenaire régional<br />

de la France est le Tchad, le seul pays du Sahel en mesure de déployer des troupes<br />

dans la région. Barkhane est une opération plus ambitieuse, plus militarisée visant à<br />

apporter la stabilité au Sahel. C’est la raison pour laquelle l’Algérie la voit comme une<br />

tentative d’encerclement de la part de la France <strong>et</strong> de <strong>ses</strong> alliés, qui réduirait encore<br />

l’influence de l’Algérie <strong>et</strong> ouvrirait la voie à des interventions militaires supplémentaires<br />

à <strong>ses</strong> frontières. C<strong>et</strong>te situation est particulièrement préoccupante dans le contexte<br />

du resserrement des relations en matière de sécurité entre la Tunisie <strong>et</strong> l’Occident<br />

(notamment l’Otan) <strong>et</strong> la possibilité d’une nouvelle intervention militaire occidentale<br />

en Libye pour freiner les flux migratoires <strong>et</strong>/ou combattre l’Etat islamique (EI).<br />

46 Le processus de Nouakchott comprend l’Algérie, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée, la<br />

Libye, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigéria, le Sénégal <strong>et</strong> le Tchad <strong>et</strong> est mené sous les auspices<br />

de l’Architecture africaine de paix <strong>et</strong> de sécurité (APSA) de l’UA. Les chefs des services de renseignement<br />

des Etats membres se réunissent tous les deux mois, les ministres des Affaires étrangères<br />

tous les trois mois.<br />

47 Le ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra a déclaré, « La CEDEAO était mal équipée<br />

pour affronter une situation très confuse <strong>et</strong> asymétrique, où l’appartenance tribale est beaucoup<br />

plus importante que l’affiliation idéologique. Le processus de Nouakchott tente de répondre à ce<br />

problème ». Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Alger, 21 décembre 2014.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 13<br />

IV. Affronter les cri<strong>ses</strong> du voisinage<br />

La politique de l’Algérie à l’égard de <strong>ses</strong> trois <strong>voisins</strong> en difficulté – la Libye, le Mali<br />

<strong>et</strong> la Tunisie – comporte deux caractéristiques essentielles. La première est qu’elle<br />

voit sa propre expérience dans le traitement des groupes radicaux <strong>et</strong> l’intégration des<br />

islamistes traditionnels comme un modèle qui peut <strong>et</strong> doit être exporté. Alger soutient<br />

avoir été en mesure, après la « décennie noire », de déraciner la violence islamiste <strong>et</strong><br />

les facteurs qui y contribuent par la réconciliation <strong>et</strong> des mesures de déradicalisation,<br />

en prêtant attention aux doléances socioéconomiques, <strong>et</strong> par la force brutale le<br />

cas échéant. Même s’il subsiste des poches de militantisme dans le pays, la menace<br />

de violences internes a été contenue ; le recrutement <strong>et</strong> la radicalisation semblent<br />

diminuer. 48 Le gouvernement a mis en avant internationalement <strong>ses</strong> programmes de<br />

déradicalisation, notamment en tandem avec les programmes sur la lutte contre<br />

l’extrémisme sous commandement américain <strong>et</strong> en soutenant la Ligue des oulémas<br />

du Sahel, qui promeut le rite malékite de l’islam sunnite (historiquement dominant<br />

au Maghreb <strong>et</strong> au Sahel) comme un bastion contre l’intégrisme. 49<br />

Malgré les failles des initiatives de réconciliation de l’après-guerre civile propres<br />

à l’Algérie – largement fondées sur la défaite militaire des groupes armés plutôt que<br />

sur des mesures politiques favorables à la réforme 50 – le calme relatif <strong>et</strong> la marginalisation<br />

des groupes radicaux depuis 1999 lui ont donné la confiance nécessaire pour<br />

éviter le type de discours « éradicateur », farouchement anti-islamiste, défendu par<br />

exemple par l’Egypte depuis le renversement du président Mohammed Morsi en juill<strong>et</strong><br />

2013. L’approche d’Alger a été facilitée par ce qui restait de la politique islamiste<br />

organisée après 2000. Le Mouvement de la société pour la paix (MSP, connu sous<br />

son acronyme arabe Hamas) inspiré des Frères musulmans, faisait partie d’une coalition<br />

pro-Bouteflika pendant une grande partie des années 2000, perm<strong>et</strong>tant au régime<br />

de faire valoir qu’étant donné qu’il intégrait les islamistes pacifiques dans le<br />

gouvernement, il y avait des possibilités de surmonter la fracture islamiste laïque qui<br />

avait défini la guerre civile des années 1990.<br />

Le second principe fondamental est que l’Algérie nourrit un intérêt pour des<br />

Etats centralisés forts à <strong>ses</strong> frontières, l’incitant à lutter contre les forces centrifuges<br />

qui pourraient mener à la partition, formelle ou informelle, <strong>et</strong> à la multiplication des<br />

acteurs avec lesquels elle aurait à traiter. C<strong>et</strong>te crainte découle à la fois de son expérience<br />

postcoloniale <strong>et</strong> de l’idéologie <strong>et</strong> réalité des territoires non ou peu gouvernés<br />

le long de <strong>ses</strong> frontières. Comme de nombreux pays, l’Algérie préfère avoir une contrepartie<br />

locale bien structurée <strong>et</strong> est mal à l’aise face à des acteurs non étatiques.<br />

48 Le nombre décroissant d’Algériens combattant à l’étranger étaye également c<strong>et</strong>te conclusion. Une<br />

estimation officielle algérienne évalue le nombre de personnes parties se battre en Syrie à moins de<br />

70, contre plus de 1 600 en provenance du Maroc <strong>et</strong> plus de 3 000 de Tunisie. Voir aussi R. Barr<strong>et</strong>t,<br />

“Foreign Fighters in Syria”, The Soufan Group, juin 2014.<br />

49 <strong>L’Algérie</strong> s’est engagée à tenir un somm<strong>et</strong> régional sur la déradicalisation dans le cadre du suivi<br />

du Somm<strong>et</strong> de la Maison Blanche pour contrer l’extrémisme violent organisé en février 2015 <strong>et</strong> participe<br />

au forum mondial de lutte contre le terrorisme dirigé par les Etats-Unis <strong>et</strong> lancé en marge de<br />

l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2011. Voir “Joint Communiqué on the U.S.-Algeria<br />

Strategic Dialogue”, U.S. Department of State, 8 avril 2015. La Ligue des oulémas du Sahel a été<br />

lancée par l’Algérie, le Mali, le Niger <strong>et</strong> la Mauritanie en janvier 2013. Elle est, dans une certaine<br />

mesure, en compétition avec les initiatives déjà pri<strong>ses</strong> par le Maroc dans la région, notamment la<br />

formation d’imams au Mali, ce qui laisse penser que les programmes de dé-radicalisation <strong>et</strong> de lutte<br />

contre l’extrémisme sont un autre domaine sur lequel Rabat <strong>et</strong> Alger sont en concurrence.<br />

50 Voir le rapport de Crisis Group, Islamism, Violence and Reform in Algeria, op. cit.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 14<br />

Elle se fait également l’écho d’un refrain régional commun – que les soulèvements<br />

arabes depuis 2011 ont affaibli l’Etat, ou blessé le « prestige de l’Etat » (hibat aldawla),<br />

qui, même s’il est autoritaire, est le seul rempart face aux conflits sociaux <strong>et</strong><br />

à la désintégration. Dans le contexte arabe ou africain subsaharien, l’échec, ou du<br />

moins la crise, de l’Etat postcolonial est une source de grande inquiétude dans toute<br />

la région, y compris en Algérie.<br />

A. Libye : facilitation <strong>et</strong> confinement<br />

En Libye, l’Algérie cherche une solution politique fondée sur le dialogue <strong>et</strong> l’inclusivité<br />

comme un rempart tant contre les groupes jihadistes que contre une nouvelle ingérence<br />

étrangère, afin de renforcer les institutions de l’Etat <strong>et</strong> leur capacité à contrôler<br />

les frontières. <strong>L’Algérie</strong> est restée officiellement neutre vis-à-vis du soulèvement<br />

anti-Kadhafi (même si certains croient avoir discerné une orientation pro-Kadhafi) <strong>et</strong><br />

s’est opposée à l’intervention de l’Otan de 2011. 51 Si Alger a longtemps eu de froides<br />

relations avec l’ancien régime, elle avait prévenu que l’intervention militaire française<br />

dans le nord du Mali se traduirait par des querelles tribales intestines, l’inondation<br />

de la région par les armes <strong>et</strong> une hausse rapide des attaques jihadistes – tout<br />

s’est réalisé. 52 Les agents de sécurité ont contesté la campagne internationale, qui a<br />

brisé le monopole de l’Etat sur la sécurité <strong>et</strong> autonomisé les milices peu fiables qui se<br />

battent depuis lors <strong>et</strong> se sont révélées incapables de rétablir l’ordre, en particulier<br />

aux frontières. 53 L’effondrement du régime de Kadhafi a également permis la création<br />

d’un havre pour les militants suite à l’intervention militaire française de 2013<br />

dans le nord du Mali. 54<br />

51 Une visite de Sadek Bougu<strong>et</strong>taya, un membre du comité central du Front de libération nationale<br />

(FLN) <strong>et</strong> membre du Parlement, à une réunion de tribus libyennes pro-Kadhafi à Tripoli le 8 mai<br />

2011 dans le cadre d’une délégation officielle du FLN a attiré des accusations de soutien militaire<br />

algérien au régime de Kadhafi. Bougu<strong>et</strong>taya a été cité dans la presse algérienne comme ayant fait<br />

valoir que « aucun moudjahid [dans le contexte algérien, « ancien combattant »] n’accepte <strong>et</strong> ne<br />

supporte que des forces du Pacte de l’Otan bombardent <strong>et</strong> massacrent un peuple frère à qui nous<br />

unissent les liens étroits de nos traditions, de notre langue, de notre religion, de notre rite malékite<br />

<strong>et</strong> des frontières communes de la glorieuse révolution du 1 er novembre 1954 ». Voir « Sadek Bougu<strong>et</strong>taya<br />

nous écrit », Le Soir d’Algérie, 17 mai 2011. <strong>L’Algérie</strong> a également donné refuge à plusieurs<br />

membres en fuite de la famille Kadhafi, même s’ils ont dû par la suite quitter le pays.<br />

52 Dans un entr<strong>et</strong>ien de mars 2011, Mourad Medelci, alors ministre des Affaires étrangères, a déclaré :<br />

« Nous avons dit à la communauté internationale : faisons attention, si vous continuez ainsi, vous<br />

allez devoir gérer un problème de recrudescence non pas du terrorisme, mais des capacités offertes<br />

aux terroristes dont la nuisance va s’exprimer davantage. Notre message est d’attirer l’attention sur<br />

les eff<strong>et</strong>s secondaires de ce premier “séisme”, car nous constatons que les Libyens sont en train de<br />

s’entr<strong>et</strong>uer. Il y a un second “séisme” qui risque de se préparer avec le foisonnement d’armes dans<br />

la région ». Voir entr<strong>et</strong>ien dans L’Expression, 24 mars 2011.<br />

53 En janvier 2013, les Premiers ministres algériens, libyen <strong>et</strong> tunisien se sont réunis dans la ville<br />

libyenne de Ghadamès pour discuter de l’amélioration de la sécurité transfrontalière. La coopération<br />

entre l’Algérie <strong>et</strong> la Tunisie a progressé dans les domaines sécuritaire, politique <strong>et</strong> économique,<br />

mais l’aggravation du conflit en Libye a rendu pratiquement impossible la coopération avec ce pays,<br />

à la grande frustration d’Alger. « Ils ont un nouveau chef d’Etat tous les six mois », a affirmé un diplomate<br />

algérien. Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Alger, octobre 2014.<br />

54 Entr<strong>et</strong>iens de Crisis Group, responsables de la sécurité française <strong>et</strong> algérienne, Paris <strong>et</strong> Alger, octobre-décembre<br />

2014. Du point de vue algérien, l’utilisation de la Libye comme point de transit par<br />

les auteurs de l’attentat contre le complexe gazier d’Ain Amenas a souligné la nécessité de m<strong>et</strong>tre fin<br />

aux divisions de la Libye <strong>et</strong> de rétablir un Etat capable d’imposer la sécurité aux frontières du pays


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 15<br />

Depuis la désintégration de la transition libyenne en juill<strong>et</strong> 2014 <strong>et</strong> la division du<br />

gouvernement en deux autorités rivales, l’Algérie a prôné la réconciliation nationale<br />

par un processus inclusif réunissant les rivaux, notamment des islamistes <strong>et</strong> des responsables<br />

de l’époque de Kadhafi. Comme l’a expliqué un responsable, réunissant<br />

« tout le monde, sauf les terroristes », une catégorie qui, aux yeux d’Alger, inclut quiconque<br />

refusant de s’engager dans la politique électorale, comme Ansar al-Sharia ou<br />

les affiliés de l’Etat islamique <strong>et</strong> d’al-Qaeda. 55 Elle a fait pression pour une solution<br />

démocratique consensuelle débouchant sur des élections <strong>et</strong> une nouvelle constitution.<br />

A c<strong>et</strong>te fin, elle a collaboré étroitement avec le représentant spécial <strong>et</strong> chef de<br />

la mission d’appui des Nations unies en Libye, Bernardino León, en accueillant les<br />

négociations entre les différents partis politiques libyens, sous l’égide de l’ONU. 56<br />

<strong>L’Algérie</strong> considère en eff<strong>et</strong> que privilégier une solution politique à la crise <strong>et</strong> la réémergence<br />

des institutions de l’Etat est non seulement une priorité en soi, mais aussi<br />

la condition pour lutter contre la propagation du jihadisme violent. 57<br />

Bien que l’Algérie, avec cinq autres <strong>voisins</strong> de la Libye (l’Egypte, le Soudan, le<br />

Tchad, le Niger <strong>et</strong> la Tunisie), ait favorisé une approche pilotée <strong>et</strong> coordonnée par la<br />

région, elle est en désaccord avec la décision de l’Egypte de soutenir, politiquement<br />

<strong>et</strong> militairement, le Parlement internationalement reconnu de Tobrouk. Elle est particulièrement<br />

opposée à d’autres Etats plus éloignés, comme les Emirats arabes unis<br />

ou la Jordanie, qui ont une influence en Libye en soutenant les factions pro-Tobrouk. 58<br />

– ou tout au moins un interlocuteur fiable avec qui coordonner le contrôle des frontières <strong>et</strong> l’échange<br />

du renseignement.<br />

55 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines<br />

<strong>et</strong> africaines, 22 décembre 2014.<br />

56 Lors de la première tentative de médiation de l’ONU entre les parlementaires libyens en septembre<br />

2014, qui a eu lieu dans la ville libyenne de Ghadamès près du lieu où les frontières du pays<br />

croisent celles de l’Algérie <strong>et</strong> la Tunisie, l’Algérie a tenté de convaincre les membres de boycotter la<br />

Chambre des représentants (le parlement élu en juin 2014, qui siège actuellement à Tobrouk) <strong>et</strong> d’y<br />

siéger. Elle s’efforce depuis de convaincre les parties de former un gouvernement d’unité nationale<br />

<strong>et</strong> à reprendre la transition qui s’était effondrée en juill<strong>et</strong> 2014. Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, ministre<br />

des Affaires étrangères Ramtane Lamamra, Alger, 21 décembre 2014. Le ministre délégué chargé<br />

des Affaires maghrébines <strong>et</strong> africaines, Abdelkader Messahel, qui gère le dossier libyen de l’Algérie,<br />

a affirmé être en contact « quasi quotidien » avec Bernardino León. En mars 2015, l’Algérie a accueilli<br />

le premier cycle de négociations entre les partis politiques libyens, même si les responsables disent<br />

qu’ils avaient déjà mené des activités inten<strong>ses</strong> de diplomatie discrète avec un large éventail d’acteurs<br />

libyens. Un analyste de la politique étrangère proche du gouvernement a déclaré qu’il y a eu « 200<br />

réunions secrètes dans le cadre des préparatifs pour les pourparlers d’Alger ». Entr<strong>et</strong>ien de Crisis<br />

Group, Alger, décembre 2014. Les pourparlers comprenaient les anciens fidèles de Kadhafi, un<br />

point sur lequel les responsables algériens, plus que les autres bailleurs de fonds du processus mené<br />

par l’ONU, ont souvent insisté. Un second cycle de la piste des politiques-partis a été conduit à Alger<br />

en juin 2015, peu avant la présentation aux participants libyens par l’ONU d’un quatrième proj<strong>et</strong><br />

d’accord. Sur les pourparlers libyens sous l’égide de l’ONU, voir le rapport Moyen-Orient <strong>et</strong><br />

Afrique du Nord de Crisis Group N° 157, Libya: G<strong>et</strong>ting Geneva Right, 26 février 2015. Entr<strong>et</strong>ien<br />

de Crisis Group, Ramtane Lamamra ministre des Affaires étrangères, Alger, 21 décembre 2014. <br />

57 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des affaires maghrébines<br />

<strong>et</strong> africaines, Alger, 22 décembre 2014.<br />

58 En marge d’une réunion des ministres des Affaires étrangères du Mouvement des non-alignés<br />

réunion tenue en mai 2014 à Alger, un « plan de voisinage » a été convenu pour la Libye, assignant<br />

à l’Egypte le rôle de médiateur politique <strong>et</strong> chargeant l’Algérie d’améliorer la sécurité. L’initiative<br />

intervient en partie pour calmer la discussion sur une nouvelle intervention étrangère. Mais les<br />

agendas des <strong>voisins</strong> ont commencé à diverger en août 2014, lorsque la participation de l’Egypte aux<br />

frappes aériennes (qui auraient été effectuées par des avions des EAU opérant à partir d’une base<br />

aérienne située dans le nord-ouest égyptien) contre Aube Libye, une coalition de milices soutenant


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 16<br />

Comme l’a déclaré un diplomate algérien de haut rang : « Je me demande comment<br />

les pays du Conseil de coopération du Golfe réagiraient si nous étions intervenus au<br />

Yémen. Je comprends les préoccupations de nos <strong>voisins</strong>, mais pas celles des autres<br />

[qui sont plus éloignés] ». 59<br />

En février 2015, l’Algérie a adopté une position de force au Conseil de sécurité des<br />

Nations unies contre l’appel de l’Egypte pour une levée partielle de l’embargo sur les<br />

armes imposé à la Libye (en place depuis février 2011) pour perm<strong>et</strong>tre aux armes de<br />

circuler du côté de Tobrouk. 60 Elle considère en eff<strong>et</strong> que l’approche égyptienne est<br />

déterminée par l’hostilité à l’islam politique, en particulier aux Frères musulmans,<br />

même s’ils ne constituent qu’une p<strong>et</strong>ite partie de la coalition soutenant le parlement<br />

basé à Tripoli. 61 Alger s’est également activement opposée à une nouvelle intervention<br />

militaire (même plus limitée) en Libye – promue par la France <strong>et</strong> certains de <strong>ses</strong><br />

alliés africains qui craignent que le sud de la Libye ne devienne une plaque tournante<br />

pour les groupes militants du Sahel. Elle rej<strong>et</strong>te l’idée des conséquences possibles<br />

qu’elle trouve naïve, tout comme l’était selon elle la première intervention de l’Otan. 62<br />

« C<strong>et</strong>te fois, nous voulons être écoutés », a affirmé un haut responsable :<br />

Si l’idée est de neutraliser [le leader d’al-Mokhtar Murabitoun] Belmokhtar <strong>et</strong> les<br />

terroristes, c’est bien. Mais ce qui nous inquiète c’est que les demandes d’intervention<br />

viennent de l’extérieur. Or elles doivent venir de l’intérieur. Ceux de<br />

Tobrouk disent qu’ils veulent une intervention, mais il n’y a pas de consensus en<br />

Libye. Il n’y a par conséquent pas d’alternative au dialogue. 63<br />

Le plus gros problème, du point de vue d’Alger, n’est pas l’idéologie des différents<br />

partis, mais l’absence d’un Etat efficace qui assure la sécurité interne <strong>et</strong> la coordination<br />

avec les pays <strong>voisins</strong>. Le responsable a poursuivi :<br />

le gouvernement de Tripoli, a écarté sa neutralité en tant que médiateur. Il était à craindre que ces<br />

frappes aériennes <strong>et</strong>, plus généralement, le soutien militaire des pays du Golfe devraient augmenteraient<br />

les risques de guerre civile <strong>et</strong>, à terme, éventuellement la partition de la Libye.<br />

59 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, New York, mars 2015. Plus généralement, les responsables algériens<br />

perçoivent les rôles des EAU <strong>et</strong> du Qatar dans le soulèvement de 2011 contre le régime de Kadhafi<br />

comme ayant été profondément perturbateurs.<br />

60 Un diplomate algérien de haut rang a affirmé : « Il serait complètement fou de lever l’embargo. Il<br />

est militairement impossible pour une partie de venir à bout de l’autre. Résoudre le problème par<br />

les armes conduira à un chaos total ». Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, New York, mars 2015.<br />

61 Le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines <strong>et</strong> Affaires africaines Abdelkader Messahel a<br />

déclaré : « L’Egypte a un problème avec <strong>ses</strong> Frères musulmans, mais elle ne devrait pas proj<strong>et</strong>er<br />

cela sur la Libye. Les Frères musulmans de Libye n’occupent pas une grande place dans l’échiquier<br />

politique ». Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Alger, 22 décembre 2014. <strong>L’Algérie</strong> a refusé de suivre l’exemple<br />

de l’Egypte <strong>et</strong> de certains Etats du Golfe dans la répression des islamistes politiques <strong>et</strong> rej<strong>et</strong>é l’appel<br />

lancé en janvier 2014 par les membres de la Ligue arabe pour déclarer les Frères musulmans une<br />

organisation terroriste.<br />

62 L’appel lancé aux armées occidentales pour assurer un « service après-vente » en Libye, lancé à<br />

Dakar au Forum international pour la paix <strong>et</strong> la sécurité conduit par la France en décembre 2014, a<br />

trouvé un certain écho, mais a semblé perdre du terrain au moment où les négociations de l’ONU<br />

entre les parties libyennes ont décollé. Au mois de mars 2015, les autorités françai<strong>ses</strong> minimisaient<br />

la possibilité d’une action militaire, étant donné que le président Hollande s’était prononcé contre.<br />

Entr<strong>et</strong>iens de Crisis Group, responsables français, Paris, mars-avril 2015.<br />

63 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines<br />

<strong>et</strong> africaines, Alger, 22 décembre 2014.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 17<br />

L’Etat y est quasiment inexistant, contrairement à la Tunisie ou à l’Egypte. Lorsque<br />

vous [à savoir l’Otan <strong>et</strong> les rebelles libyens] avez aboli le régime, vous avez<br />

aboli l’Etat ; c’était un effondrement de régime, pas un changement de régime. Et<br />

il n’y a pas eu d’efforts systématiques pour reconstruire l’Etat depuis la chute de<br />

Kadhafi. 64<br />

La détérioration de la situation en Libye, en dépit de l’accord provisoire de juill<strong>et</strong><br />

2015 sous l’égide de l’ONU pour la création d’un gouvernement d’entente nationale,<br />

<strong>et</strong> des problèmes croissants de sécurité, pourrait contraindre l’Algérie à changer de<br />

tactique. 65 En juin 2015, en réaction à des informations selon lesquelles des factions<br />

affiliées à l’Etat islamique à Syrte avaient pris le contrôle de l’aéroport local, l’Algérie<br />

a déclenché l’alerte au plus haut niveau sur sa frontière avec la Libye, aurait déployé<br />

encore plus de soldats pour la garder <strong>et</strong> donné des instructions de tirer pour tuer les<br />

intrus. 66<br />

B. Mali : médiation partisane ?<br />

<strong>L’Algérie</strong> se fait l’apôtre de la préservation de l’intégrité territoriale du Mali par le<br />

biais d’un règlement politique négocié du conflit, tout en luttant contre l’insécurité<br />

sur sa frontière sud liée à la marée montante jihadiste. Elle cherche également à<br />

s’affirmer comme un intermédiaire sahélien essentiel du pouvoir, parfois en concurrence<br />

avec les Etats occidentaux actifs dans la région, comme la France <strong>et</strong> les Etats-<br />

Unis, ainsi qu’avec le Maroc qui a maintenu <strong>ses</strong> propres liens avec des acteurs maliens.<br />

<strong>L’Algérie</strong> a été le médiateur en chef du Dialogue intermalien, organisé à Alger<br />

depuis juill<strong>et</strong> 2014, qui a été axé sur le territoire contesté du nord <strong>et</strong> la décentralisation<br />

des institutions de Bamako. 67 Visant à préserver l’intégrité territoriale du Mali,<br />

Alger a cherché à freiner non seulement les ambitions séparatistes de certains dans<br />

le nord, mais aussi un important mouvement vers le fédéralisme. Elle vise plus généralement<br />

à aider à reconstruire l’Etat, à reconstituer son armée <strong>et</strong> à résoudre le problème<br />

de la sécurité dans le nord. 68<br />

La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), représentant les principaux<br />

groupes rebelles du nord du Mali, a promis à <strong>ses</strong> partisans qu’elle n’acceptera<br />

rien de moins que l’autonomie, tandis que le gouvernement s’est engagé à ne faire<br />

64 Ibid.<br />

65 Voir la déclaration de Crisis Group, « The Libyan Political Dialogue: An Incompl<strong>et</strong>e Consensus »,<br />

16 juill<strong>et</strong> 2015. Pour l’instant, il n’y a eu aucun signe de changement important, ou d’une discussion<br />

concernant un « plan B ». A la Ligue arabe autant qu’en public, Alger a énergiquement maintenu sa<br />

ligne anti-interventionniste <strong>et</strong> pro-négociations sur la Libye. Si, toutefois, il devait faire face à une<br />

menace plus sérieuse dans son voisinage immédiat, il pourrait décider de recentrer <strong>ses</strong> efforts pour<br />

composer avec quiconque est près de la frontière, au détriment d’une vision plus élargie, renonçant<br />

ainsi, ou du moins en m<strong>et</strong>tant de côté, son rôle régional.<br />

66 Voir « Algeria rai<strong>ses</strong> alert level along border with Libya », Middle East Monitor, 4 juin 2015.<br />

67 Après le cessez-le-feu de mai 2014, l’Algérie a remplacé la Communauté économique des Etats de<br />

l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) <strong>et</strong> la Mission de stabilisation multidimensionnelle intégrée des Nations<br />

unies au Mali (MINUSMA) comme médiateur de file <strong>et</strong> a commencé à accueillir le Dialogue<br />

intermalien entre deux coalitions de groupes armés de caractère déstructuré. Briefing Afrique de<br />

Crisis Group N°104, Mali : dernière chance à Alger, 18 novembre 2014.<br />

68 Le ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra a affirmé : « Nous voyons trois priorités :<br />

la question du Nord sous tous <strong>ses</strong> aspects, notamment son utilisation comme base arrière des groupes<br />

radicaux, ainsi que le trafic de drogue <strong>et</strong> la traite d’êtres humains ; la sécurité <strong>et</strong> l’intégration des<br />

militants dans les structures de l’Etat <strong>et</strong> les négociations ; <strong>et</strong> la question de la gouvernance, des élections<br />

<strong>et</strong> de la restructuration de l’Etat ». Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Alger, 21 décembre 2014.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 18<br />

aucun compromis sur l’intégrité territoriale. Les médiateurs algériens privilégient la<br />

décentralisation par rapport à l’autonomie, de manière à laisser plus de pouvoir au<br />

gouvernement central. Ils soutiennent par exemple l’idée de rendre les institutions<br />

de Bamako plus inclusives <strong>et</strong> représentatives des populations du nord, mais s’opposent<br />

à l’idée d’accorder à leurs institutions locales une plus grande autonomie. 69 L’accord<br />

négocié à Alger, signé à Bamako le 15 mai 2015 – alors que certains groupes du Nord,<br />

dont la CMA, le boycottaient à l’époque – reflète c<strong>et</strong>te perspective, ce qui montre la<br />

partialité d’Alger à l’égard d’une entente qu’elle considère comme la plus à même de<br />

préserver l’intégrité territoriale du Mali <strong>et</strong> donc <strong>ses</strong> propres intérêts. 70<br />

Les pressions inten<strong>ses</strong> exercées sur la coalition rebelle pour accepter l’accord ont<br />

été perçues par certains dirigeants rebelles comme pilotées par le DRS contre le jugement<br />

Lamamra. 71 Vrai ou pas, cela reflète le doute perpétuel des interlocuteurs<br />

concernant celui qui tire vraiment les ficelles à Alger : les responsables civils ou<br />

l’armée. Les médiateurs algériens affirment avoir perdu patience avec les luttes intestines<br />

de la CMA <strong>et</strong> ont redoublé d’efforts pour que l’accord soit conclu afin<br />

d’éviter de perdre l’élan acquis. 72 Les tensions liées au refus de certains groupes de<br />

signer a provoqué une nouvelle spirale de violence dans la région de Menaka au nord<br />

en avril 2015, ce qui laisse à penser que la pression pourrait s’avérer avoir été contreproductive,<br />

comme l’avait fait valoir Crisis Group. 73 Les représentants de la CMA ont<br />

cédé à la pression internationale <strong>et</strong> ont signé l’accord lors d’une cérémonie qui s’est<br />

déroulée à Bamako le 20 juin, <strong>et</strong> ce malgré l’opposition continue des rebelles du Nord<br />

<strong>et</strong> des réfugiés. 74<br />

Avec le Dialogue intermalien, c’est la quatrième fois en trois décennies que<br />

l’Algérie a été le principal médiateur dans des cri<strong>ses</strong> entre le gouvernement malien <strong>et</strong><br />

les mouvements séparatistes arabo-touareg. 75 Alger n’a cessé d’appuyer l’intégrité<br />

territoriale du Mali, s’est opposée au séparatisme touareg dans les pays <strong>voisins</strong> <strong>et</strong> a<br />

tenté de gérer le caractère multinational de l’identité touareg ; 76 comme l’a souligné<br />

69 Pour reprendre les paroles du ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra, “il y a deux<br />

séries de questions que nous devons aborder : le territoire <strong>et</strong> les institutions à Bamako. Par exemple,<br />

un sénat (pas nécessairement élu) comme celui que nous avons en Algérie, avec un tiers des sénateurs<br />

qui ne sont pas tenus d’être des politiciens nommés par le président. Le nombre de députés<br />

du nord devrait augmenter à Bamako ; l’exécutif doit donner plus d’espace aux habitants du Nord,<br />

car ce sont eux qui mènent les rébellions. Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Alger, 21 décembre 2014.<br />

70 Pour des commentaires sur l’accord proposé <strong>et</strong> la poussée de violence au nord du Mali, voir le<br />

rapport Afrique Crisis Group N°226, Mali : la paix à marche forcée ?, 22 mai 2015. Crisis Group a<br />

recommandé que les négociateurs, dont l’Algérie, relancent une phase complémentaire de négociations<br />

pour renforcer l’accord par des clau<strong>ses</strong> supplémentaires sur la résolution des conflits locaux<br />

au nord du Mali par le dialogue politique.<br />

71 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, chef rebelle malien, Alger, février 2015.<br />

72 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, médiateur algérien, Alger, mai 2015.<br />

73 Voir le rapport de Crisis Group, Mali : la paix à marche forcée ?, op. cit.<br />

74 Des protestations contre c<strong>et</strong>te signature ont eu lieu à Kidal, dans le nord du Mali, <strong>et</strong> dans les<br />

camps de réfugiés de Mbera, à l’est de la Mauritanie. Ils comprenaient des membres du MNLA, <strong>et</strong><br />

de la société civile touareg y ont participé. Voir la déclaration du « Comité de crise <strong>et</strong> de sauvegarde<br />

des idéaux du MNLA », 20 juin 2015, tamazgha.fr.<br />

75 <strong>L’Algérie</strong> a joué un rôle central dans les accords de Tamanrass<strong>et</strong> de janvier 1991, le pacte national<br />

d’avril 1992 <strong>et</strong> l’accord d’Alger de juill<strong>et</strong> 2006.<br />

76 Si c<strong>et</strong>te position est conforme aux principes de l’UA <strong>et</strong> de l’ONU relatifs à l’intégrité territoriale <strong>et</strong><br />

à l’inviolabilité des frontières postcoloniales, elle est souvent interprétée comme fondée sur les intérêts<br />

<strong>et</strong> liée à la crainte de l’Algérie qu’un Etat touareg indépendant ou autonome sème l’agitation<br />

dans sa propre région du Sud.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 19<br />

un responsable, « [la ville algérienne méridionale de] Tamanrass<strong>et</strong> est une capitale<br />

touareg ». 77 C<strong>et</strong>te position contraste avec celle de la Libye de Kadhafi, qui a armé <strong>et</strong><br />

entraîné les combattants touareg pour sa « légion islamique », les a utilisés dans les<br />

forces de sécurité de son régime <strong>et</strong> a soutenu un Etat indépendant comme solution<br />

au « problème touareg » du Sahara. 78 Avec la disparition de Kadhafi, le seul voisin<br />

restant de l’Algérie ayant une certaine influence sur le Mali est le Maroc, mais du<br />

point de vue d’Alger, il a surtout joué un rôle de trublion, manipulant les mouvements<br />

touaregs pour créer des problèmes à l’Algérie. 79<br />

Suite au renversement de Kadhafi, l’Algérie était dans la course pour l’hégémonie<br />

sous-régionale au Sahel, fondée sur un certain nombre de facteurs : les communautés<br />

du nord du Mali <strong>et</strong> du Niger dépendent de la contrebande algérienne pour leur<br />

survie, en particulier des produits de base subventionnés <strong>et</strong> de l’essence ; 80 plusieurs<br />

communautés arabes <strong>et</strong> touareg du Sahara traversent la frontière entre l’Algérie <strong>et</strong> le<br />

Mali ; <strong>et</strong> la redoutable armée algérienne <strong>et</strong> <strong>ses</strong> services de renseignement, déployée<br />

le long des frontières avec six Etats sahariens (ainsi que des parties du Sahara occidental<br />

qui ne sont pas sous le contrôle de l’armée marocaine), lui donnent une prééminence<br />

<strong>et</strong> une pertinence inégalées.<br />

Au-delà de l’organisation de la médiation malienne, l’Algérie propose également<br />

un plan d’infrastructure à long terme pour le développement du Sahel, destiné à réduire<br />

la criminalité <strong>et</strong> la violence insurrectionnelle. La route transsaharienne est sa<br />

pierre angulaire <strong>et</strong> des discussions sont en cours pour un gazoduc qui acheminerait<br />

le gaz naturel du Niger vers l’Europe en passant par l’Algérie, fournissant aux pays<br />

du Sahel en cours de route l’énergie nécessaire au pompage de l’eau. 81 Ce plan ambitieux<br />

reste largement soumis aux capacités régionales <strong>et</strong> au soutien international.<br />

Bien que des fonds aient été engagés, l’insécurité est un obstacle à la construction au<br />

Mali <strong>et</strong> au Niger, où des tronçons cruciaux reliant des segments finalisés de l’autoroute<br />

de 4 500km, ainsi que 3 500km des ramifications prévues s’étendant jusqu’au Mali<br />

<strong>et</strong> à la Tunisie, ne sont toujours pas asphaltés. 82<br />

77 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Alger, décembre 2014.<br />

78 Voir Dida Badi, « Les relations des Touaregs aux Etats, Le cas de l’Algérie <strong>et</strong> de la Libye », Note<br />

de l’Institut Français des relations internationales (IFRI), 24 juin 2010.<br />

79 Par exemple, le roi Mohammed VI du Maroc a invité le secrétaire général du MNLA <strong>et</strong> fervent<br />

sécessionniste, Bilal Ag Cherif, pour une visite officielle en février 2o14, à la veille des débuts du<br />

Dialogue d’Alger ; sept mois plus tard, alors que les négociations à Alger touchaient à leur fin, le<br />

MNLA a tenu une conférence de presse à Rabat appelant à une « véritable conférence internationale<br />

», rem<strong>et</strong>tant ainsi en question l’impartialité des pourparlers d’Alger. Voir Ibrahima Coulibaly,<br />

« Bilal Ag Cherif, chef du MNLA reçu par le roi du Maroc : le Maroc s’implique dans la résolution de<br />

la crise malienne », maliweb.n<strong>et</strong>, 4 février 2014.<br />

80 Les produits alimentaires subventionnés <strong>et</strong> l’essence provenant d’Algérie en contrebande sont<br />

moins chers <strong>et</strong> plus facilement accessibles que les produits en provenance de Bamako dans les villes<br />

maliennes du nord comme Kidal <strong>et</strong> Gao, qui sont plus tournées vers le nord que vers le sud <strong>et</strong> plus<br />

proches culturellement <strong>et</strong> économiquement de villes en croissance rapide du sud algérien comme<br />

Tamanrass<strong>et</strong> qu’il ne le sont de Bamako ou de Niamey. Voir Judith Scheele, Smugglers and Saints<br />

of the Sahara: Regional Connectivity in the Twenti<strong>et</strong>h Century (Cambridge, 2012).<br />

81 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Groun, Ramtane Lamamra, ministre des Affaires étrangères, Alger, 21 décembre<br />

2014. L’idée de l’autoroute transsaharienne reliant les Etats sahéliens est promue par<br />

l’Algérie depuis les années 1970, dans le cadre d’un « système routier transafricain ». Il relie actuellement<br />

l’Algérie, le Niger <strong>et</strong> le Nigéria <strong>et</strong> il est prévu de l’étendre au Mali, à la Tunisie <strong>et</strong> au Tchad.<br />

82 En 2012, la Banque africaine de développement a octroyé 184 490 000 de dollars en subventions<br />

<strong>et</strong> prêts au Niger <strong>et</strong> au Tchad. Le Fonds d’investissement public algérien a financé sa propre section<br />

de 19,2 millions de dollars.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 20<br />

C. Tunisie : coopération <strong>et</strong> profondeur stratégique<br />

La révolution tunisienne comptait deux séries de défis. Elle avait tout d’abord offert<br />

au parti islamiste An-Nahda une occasion d’exercer le pouvoir exécutif dans un pays<br />

dont l’élite dirigeante partage depuis longtemps l’anti-islamisme de la classe dirigeante<br />

algérienne. Compte tenu de sa suspension du succès électoral des islamistes<br />

dans les années 1990, l’accueil par Alger d’un gouvernement de troïka formé par<br />

Nahda après les élections tunisiennes d’octobre 2011, était loin d’être garanti. Ensuite,<br />

le désordre postrévolutionnaire de l’état de la sécurité en Tunisie avait affaibli<br />

ce qui avait longtemps été une frontière orientale sûre, en l’exposant à des risques<br />

élevés venant non seulement de Tunisie même, mais aussi de Libye. <strong>L’Algérie</strong> perçoit<br />

la Tunisie comme un corridor stratégique – une extension de sa propre zone en direction<br />

de la Libye. 83 Vu sous c<strong>et</strong> angle, une Tunisie stable assure une profondeur stratégique<br />

contre une menace grandissante du jihad transnational utilisant la Libye<br />

comme base pour déstabiliser la région. 84<br />

Quelles qu’aient été <strong>ses</strong> appréhensions à propos de l’ouverture aux islamistes,<br />

l’Algérie a joué en coulisse un important rôle dans la stabilisation de la transition<br />

politique post-Ben Ali, notamment par des interventions critiques pendant la crise<br />

entre les partis d’opposition <strong>et</strong> le gouvernement dirigé par An-Nahda en 2013, puis<br />

lors du dialogue national qui a suivi. Elle a également octroyé à la Tunisie 200 millions<br />

de dollars sous forme de prêts <strong>et</strong> dépôts en mai 2014 <strong>et</strong> encouragé une coopération<br />

solide en matière de lutte antiterroriste <strong>et</strong> de sécurité transfrontalière. Les attaques<br />

contre les soldats tunisiens <strong>et</strong> algériens dans la région du mont Chaambi ont cimenté<br />

la nécessité d’une approche coordonnée pour la sécurité des frontières. 85 <strong>L’Algérie</strong><br />

voit le manque d’expérience de la Tunisie dans la lutte contre la menace jihadiste <strong>et</strong><br />

la protection de la frontière commune de 965km comme une opportunité pour renforcer<br />

la coopération <strong>et</strong> approfondir sa politique de voisinage. 86 En février 2015, le<br />

président Béji Caïd Essebsi a effectué sa première visite officielle à l’étranger en<br />

Algérie afin de « renforcer la coopération » entre les deux pays.<br />

Le fait de voir arriver les islamistes au pouvoir lors des premières élections libres<br />

en Tunisie en octobre 2011 a rappelé des souvenirs douloureux à l’Algérie, où, selon<br />

un responsable de la sécurité, « les islamistes ont juré d’utiliser la démocratie pour<br />

83 « La sécurité de la Tunisie, c’est notre sécurité, nous n’avons pas d’autre choix que de soutenir la<br />

stabilité là-bas », a déclaré un diplomate algérien de haut rang. Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, New<br />

York, mars 2015.<br />

84 Un ancien haut responsable de la sécurité tunisienne a commenté : « Les Algériens veulent que<br />

les factions fassent la paix en Libye. Mais combien de temps peuvent-ils attendre ? L’argent <strong>et</strong> les<br />

armes passent les frontières. Il y a un axe jihadiste qui progresse vers l’ouest [à partir de la Libye].<br />

Finalement, nous dépendons d’une solution éventuelle en Libye, tout comme les Algériens. Le terrorisme<br />

à la frontière Tunisie-Algérie vit des liens avec la Libye. La Tunisie n’est pas la cible, c’est<br />

juste un point de passage indispensable vers l’Algérie ». Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Tunis, mars 2015.<br />

85 Voir le rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°148, La Tunisie des frontières : jihad <strong>et</strong> contrebande,<br />

28 novembre 2013 ; <strong>et</strong> le briefing Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord de Crisis Group N°41,<br />

La Tunisie des frontières (II) : terrorisme <strong>et</strong> polarisation régionale, 21 octobre 2014. Certains articles<br />

de la presse algérienne ont laissé entendre que l’armée algérienne entre directement dans le<br />

territoire tunisien, une information rej<strong>et</strong>ée par les responsables dans les deux pays. Voir « Les<br />

failles de la sécurité tunisienne », El Watan, 20 mars 2015.<br />

86 Un accord bilatéral établi la communication entre les deux armées <strong>et</strong> un comité de coordination<br />

afin d’améliorer la mise en commun des informations relatives aux activités de lutte contre le terrorisme.<br />

Voir Geoff D. Porter, « Algeria Moves Toward Regional Security Cooperation, Within Limits<br />

», World Politics Review, 12 septembre 2013.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 21<br />

détruire la démocratie ». 87 Les responsables de la sécurité se sont montrés nerveux à<br />

propos de l’ascension politique des islamistes, voyant An-Nahda comme un écran de<br />

fumée pour les groupes extrémistes comme Ansar al-Sharia (un refrain régulier sur<br />

les adversaires du parti en Tunisie, du moins jusqu’à ce qu’un gouvernement dirigé<br />

par Nahda interdise le groupe). 88 Ils rappellent que le dirigeant d’An-Nahda, Rached<br />

Ghannouchi, avait exprimé son soutien au FIS dans les années 1990 <strong>et</strong> s’était opposé<br />

à la décision des Frères musulmans algériens dans l’initiative de consensus national<br />

en 1994 pour travailler au sein du système algérien. 89 Au-delà des questions de sécurité,<br />

il y avait la question de l’optique : la transition rapide <strong>et</strong> extrêmement pacifique<br />

d’un régime dictatorial à des élections libres <strong>et</strong> régulières dans la Tunisie voisine a<br />

souligné l’échec de l’Algérie à m<strong>et</strong>tre en œuvre des réformes démocratiques de fond. 90<br />

Pourtant, l’Algérie a défié les attentes qu’elle chercherait à torpiller l’influence<br />

politique islamiste en Tunisie, en partie parce que Nahda n’a pas suivi une ligne<br />

islamiste extrémiste <strong>et</strong> s’est montré plus sévère à l’égard des groupes radicaux tel<br />

qu’Ansar al-Sharia. Bouteflika a reçu Ghannouchi <strong>et</strong> Essebsi (un laïc convaincu,<br />

alors à la tête du parti Nida Tounes <strong>et</strong> aujourd’hui également président de la Tunisie)<br />

à un moment critique de la transition, des réunions considérées essentielles pour<br />

la réussite du Dialogue national en 2013-2014. 91 Aujourd’hui, Ghannouchi est un<br />

« ami » de Bouteflika <strong>et</strong> il soutient Abdelaziz Mokri, le leader du MSP. Comme le<br />

propre parti algérien inspiré des Frères musulmans orientée, il est idéologiquement<br />

analogue à An-Nahda, mais contrairement à son homologue tunisien, il s’est opposé<br />

au recours aux armes du FIS dans les années 1990. Aujourd’hui, dit-il, An-Nahda a<br />

changé :<br />

Il y a une cohérence totale entre la politique d’An-Nahda <strong>et</strong> celle de l’Algérie, <strong>et</strong><br />

nous appuyons cela. La Tunisie représente l’exception du Printemps arabe. An-<br />

Nahda bénéficie du soutien de la majorité [en Tunisie], mais a pourtant décidé de<br />

se r<strong>et</strong>irer du gouvernement de son plein gré. Cela n’est jamais arrivé dans le<br />

monde arabe. C’était un acte de sagesse. 92<br />

L’expérience tunisienne de la cohabitation constitue également une aubaine potentielle<br />

pour le MSP, étant donné que la volonté d’An-Nahda de partager le pouvoir<br />

avec l’élite politique laïc représente une évolution du modèle mis en place par le<br />

MSP, qui participe aux coalitions gouvernementales depuis deux décennies. Les<br />

87 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Alger, octobre 2014. Il s’agit d’une référence au porte-parole du FIS<br />

Ali Belhadj, qui avait demandé, en 1992, « Si nous avons la loi de Dieu, pourquoi nous faudrait-il la<br />

loi du peuple ? »<br />

88 Ibid. Le gouvernement dirigé par An-Nahda –du Premier ministre Ali Larayedh – a déclaré Ansar<br />

al-Sharia « organisation terroriste » en août 2013, même si beaucoup de <strong>ses</strong> adversaires continuent<br />

à accuser le parti de complaisance à l’égard de la frange radicale du mouvement islamiste en<br />

2011-2012.<br />

89 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Sidahmed Boulil, ancien ministre <strong>et</strong> responsable des relations extérieures<br />

du MSP, Alger, septembre 2014.<br />

90 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, grand homme politique tunisien laïc, Tunis, avril 2015.<br />

91 Des rencontres bilatérales consécutives distinctes entre Bouteflika <strong>et</strong> le dirigeant (laïc) du Nida<br />

Tounes Béji Caïd Essebsi (président de la Tunisie depuis décembre 2014) <strong>et</strong> le dirigeant (islamiste)<br />

d’An-Nahda Rached Ghannouchi se sont déroulées à Alger les 10 <strong>et</strong> 11 septembre 2013. Elles auraient<br />

constitué un tournant décisif dans le Dialogue national tunisien. Entr<strong>et</strong>iens de Crisis Group,<br />

hommes politiques tunisiens <strong>et</strong> diplomates occidentaux en poste à Tunis, novembre 2013-janvier<br />

2014.<br />

92 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Abderrazak Mokri, président du MSP, Alger, décembre 2014.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 22<br />

responsables du MSP soutiennent que ce qui a été présenté comme un « modèle de<br />

consensus » du Printemps arabe unique à la Tunisie est en fait façonné d’après l’expérience<br />

algérienne de formation d’une coalition de divers partis lors du Consensus<br />

national de 1994. 93 (Cependant, contrairement à la récente expérience tunisienne,<br />

l’Algérie ne tolère certains partis islamistes qu’en tant que subordonnés au sein d’un<br />

système politique qui concentre le pouvoir entre les mains de l’armée <strong>et</strong> de la présidence.)<br />

Si le MSP a pleinement soutenu la politique tunisienne de l’Algérie, il est au<br />

premier plan de l’opposition pour réclamer une « transition démocratique gérée »<br />

à domicile. 94<br />

La principale raison pour laquelle l’Algérie soutient des gouvernements de consensus<br />

depuis le milieu de l’année 2013 (après une période au cours de laquelle de<br />

nombreux observateurs politiques tunisiens ont cru qu’ils ne toléreraient pas la<br />

domination d’An-Nahda) est qu’elle considère qu’An-Nahda soutient <strong>ses</strong> efforts en<br />

communiquant avec les islamistes libyens, <strong>et</strong> en devenant des intermédiaires. 95 Il est<br />

difficile de dire si elle le fait en raison de la pression algérienne ou en calculant être<br />

mieux servie par une solution politique en Libye parce que sa partie sud est fortement<br />

exposée à un conflit qui s’intensifie de l’autre côté de la frontière. 96 Indépendamment<br />

de cela, Alger a vraiment son mot à dire dans l’avenir de l’équilibre encore<br />

précaire en Tunisie. Cela rend certains Tunisiens nerveux ; ils s’inquiètent non seulement<br />

de l’ingérence de leur voisin, mais aussi de la dépendance excessive dont la<br />

stabilité de leur pays dépend à un moment où l’Algérie pourrait être confrontée à sa<br />

propre instabilité croissante.<br />

93 Ghannouchi aussi bien que le dirigeant vétéran d’An-Nahda Abdelfattah Morou se sont rendus<br />

dans les bureaux du MSP pour une consultation informelle sur la façon de promouvoir les valeurs<br />

conservatrices tout en travaillant au sein des coalitions au pouvoir. Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Sidahmed<br />

Boulil, ancien ministre <strong>et</strong> responsable des relations extérieures du MSP, Alger, septembre<br />

2014.<br />

94 Le MSP a quitté la coalition de Bouteflika au pouvoir à la veille de l’élection présidentielle d’avril<br />

2014, <strong>et</strong> lance depuis régulièrement des appels pour une transition démocratique sous la forme<br />

d’une coalition des partis de l’opposition, la Coordination nationale pour les libertés <strong>et</strong> une transition<br />

démocratique (CNLTD).<br />

95 « Ghannouchi a un rôle essentiel à jouer dans l’approche régionale de l’Algérie. L’approche égyptienne<br />

[en Libye] ne fonctionne pas, l’opération Dignité de Haftar ne fonctionne pas. … Les Egyptiens<br />

veulent éliminer les islamistes, mais c’est impossible ». Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, haut responsable<br />

algérien, décembre 2015.<br />

96 Certains Tunisiens prétendent que Nida Tounes est divisé sur la Libye, le ministre des Affaires<br />

étrangères Taieb Baccouche représentant une faction plus pro-Tobrouk, la faction soutenue par les<br />

Emirats, tandis qu’Essebsi serait plus proche de l’Algérie <strong>et</strong> favoriserait la neutralité. C<strong>et</strong>te division<br />

se reflète dans An-Nahda, dont certains dirigeants appuient Tripoli <strong>et</strong> dont d’autres, en partie à<br />

cause de l’Algérie, favorisent une position neutre. Entr<strong>et</strong>iens de Crisis Group, hommes politiques<br />

tunisiens <strong>et</strong> hauts responsables de la sécurité, Tunis, novembre 2014-mars 2015.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 23<br />

V. Conclusion<br />

L’instabilité de son voisinage <strong>et</strong> les nouvelles menaces transfrontalières font apparaître<br />

pour l’Algérie la nécessité d’adapter sa politique étrangère, notamment la militarisation<br />

des frontières qu’elle n’avait ni prévue, ni souhaitée. L’éclatement du conflit<br />

de 2012 au Mali a été particulièrement sans précédent, impliquant pour la première<br />

fois non seulement les Arabes <strong>et</strong> les Touaregs qui combattaient le gouvernement<br />

central, mais aussi les insurgés jihadistes <strong>et</strong> les trafiquants. 97 Conjugués à l’insuffisance<br />

des capacités de contrôle des frontières <strong>et</strong> aux vides sécuritaires dans le sud de<br />

la Libye <strong>et</strong> dans la région tunisienne du mont Chaambi, trois nouveaux fronts d’insurrection<br />

jihadiste se sont ouverts aux frontières de l’Algérie, instaurant ainsi une<br />

nouvelle donne stratégique.<br />

Les risques sont importants alors que le pays s’adapte à c<strong>et</strong>te nouvelle réalité<br />

stratégique. L’augmentation des dépen<strong>ses</strong>, en particulier pour les déploiements de<br />

troupes dans les zones frontalières, est coûteuse <strong>et</strong> pourrait peser sur le budg<strong>et</strong> national<br />

à un moment où la capacité militaire est mise à niveau de façon plus générale.<br />

Les dépen<strong>ses</strong> militaires ont été doublées entre 2004 <strong>et</strong> 2013, faisant de l’Algérie le<br />

premier pays africain avec un budg<strong>et</strong> militaire dépassant les 10 milliards de dollars,<br />

soit 5 pour cent de son PIB. 98 Les déploiements de l’armée <strong>et</strong> des forces aériennes<br />

pour protéger sa longue frontière contre un ennemi en grande partie invisible se<br />

heurtent à la possibilité d’une longue guerre d’usure. 99 Le coût de la poursuite de ces<br />

efforts augmente, <strong>et</strong> les finances publiques subissent la pression exercée par la chute<br />

des prix du pétrole <strong>et</strong> ces dépen<strong>ses</strong> doivent rivaliser avec les revendications sociales<br />

à un moment d’incertitude politique. D’amples réserves en devi<strong>ses</strong> peuvent donner<br />

un répit de quelques années, mais des choix difficiles se présenteront rapidement,<br />

surtout si les prix du pétrole continuent à planer à leur niveau actuel. Des décisions<br />

devront peut-être effectivement être pri<strong>ses</strong> quand le pays accède à sa première transition<br />

de pouvoir en plus de seize ans.<br />

Néanmoins, il y aurait beaucoup à gagner en jouant un rôle stabilisateur prépondérant<br />

dans les conflits régionaux. Le recentrage sur son sud perm<strong>et</strong> à l’Algérie<br />

de r<strong>et</strong>rouver une place névralgique dans la diplomatie africaine : acteur de second<br />

rang au Moyen-Orient <strong>et</strong> en Méditerranée, elle peut en eff<strong>et</strong> avoir une réelle emprise<br />

en Afrique, en particulier avec la fin de l’ère Kadhafi. Son influence au Sahel – de plus<br />

en plus considéré par la communauté internationale comme un no-man’s land non<br />

gouverné <strong>et</strong> un refuge pour les jihadistes – l’aide à asseoir son statut d’interlocuteur<br />

régional indispensable de l’UE <strong>et</strong> des Etats-Unis <strong>et</strong> à régler <strong>ses</strong> griefs de longue date,<br />

comme le fait par exemple que les acteurs extérieurs ne prennent pas suffisamment<br />

en compte <strong>ses</strong> intérêts dans la région. D’autres acteurs, dans la région <strong>et</strong> ailleurs, devraient<br />

reconnaître que la politique algérienne est mue par la crainte qu’une période<br />

prolongée d’instabilité régionale finisse par nuire à <strong>ses</strong> intérêts. Les Etats occidentaux,<br />

en particulier les membres de l’Otan, devraient être particulièrement attentifs à<br />

97 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, Ramtane Lamamra, ministre des Affaires étrangères, Alger, décembre<br />

2014.<br />

98 « Military spending continues to fall in the West, but ri<strong>ses</strong> everywhere else, says SIPRI », Stockholm<br />

International Peace Research Institute, 14 avril 2014. « Military expenditure as a percentage<br />

of GDP, World Development Indicators », World Bank, 2010-2014.<br />

99 Entr<strong>et</strong>ien de Crisis Group, responsable de la lutte antiterroriste algérienne, Alger, octobre 2014.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 24<br />

ces préoccupations compte tenu de leur contribution involontaire à la déstabilisation<br />

de la région, notamment par leur intervention de 2011 en Libye.<br />

Pour pouvoir remplir le rôle d’intermédiaire de la stabilité régionale qu’elle s’est<br />

assignée, l’Algérie devra améliorer son engagement vis-à-vis d’éventuels partenaires,<br />

notamment le Maroc, <strong>et</strong> apaiser les craintes selon lesquelles elle chercherait l’hégémonie<br />

régionale au détriment des autres. 100 Elle devra aussi donner la priorité aux<br />

efforts déployés à long terme pour pacifier durablement les conflits où elle a une<br />

influence considérable, comme au Mali, au-lieu d’imposer des accords en faveur de<br />

résultats à court terme. En fin de compte, tout comme les Algériens disent qu’ils veulent<br />

être écoutés, il en est de même pour leurs partenaires potentiels : la crédibilité<br />

du nouveau rôle de l’Algérie dépend non seulement de sa capacité de projection de<br />

puissance <strong>et</strong> de son influence, mais aussi de celle à fournir des offres qui répondent<br />

aux intérêts de <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong>.<br />

Alger/Bruxelles, 12 septembre 2015<br />

100 Un premier pas vers l’amélioration des relations algéro-marocaines consisterait pour les deux<br />

pays à cesser de se critiquer en public <strong>et</strong> à entreprendre des efforts pour des relations bilatérales<br />

plus structurées <strong>et</strong> constructives – quelles que soient les différences qui continuent à exister sur des<br />

questions comme le Sahara occidental – en s’engageant sur des questions d’intérêt commun : la sécurité<br />

frontalière, le contrôle de l’immigration, la lutte contre le terrorisme, le commerce <strong>et</strong><br />

l’investissement bilatéral, la sécurité énergétique, <strong>et</strong>c. Chercher à s’inclure mutuellement dans les<br />

initiatives régionales, même symboliquement, constituerait une amélioration. L’obstacle à l’amélioration<br />

des relations entre Alger <strong>et</strong> Rabat est dans une large mesure psychologique ; même un p<strong>et</strong>it<br />

dégel pourrait ouvrir la voie à des améliorations durables, comme la réouverture de leur frontière<br />

commune, fermée depuis 1994.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 25<br />

Annexe A: Carte de l’Algérie<br />

Avec l’aimable autorisation de l’Université du Texas à Austin


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 26<br />

Annexe B : A propos de l’International Crisis Group<br />

L’International Crisis Group est une organisation non gouvernementale indépendante à but non lucratif<br />

qui emploie près de 125 personnes présentes sur les cinq continents. Elles élaborent des analy<strong>ses</strong> de<br />

terrain <strong>et</strong> font du plaidoyer auprès des dirigeants dans un but de prévention <strong>et</strong> de résolution des conflits<br />

armés.<br />

La recherche de terrain est au cœur de l’approche de Crisis Group. Elle est menée par des équipes<br />

d’analystes situées dans des pays à risque ou à proximité de ceux-ci. À partir des informations recueillies<br />

<strong>et</strong> des évaluations de la situation sur place, Crisis Group rédige des rapports analytiques rigoureux qui<br />

s’accompagnent de recommandations pratiques destinées aux dirigeants politiques internationaux. Crisis<br />

Group publie également CrisisWatch, un bull<strong>et</strong>in mensuel de douze pages offrant régulièrement une<br />

brève mise à jour de la situation dans la plupart des pays en conflit (en cours ou potentiel).<br />

Les rapports <strong>et</strong> briefings de Crisis Group sont diffusés à une large audience par courrier électronique.<br />

Ils sont également accessibles au grand public via le site intern<strong>et</strong> de l’organisation : www.crisisgroup.org.<br />

Crisis Group travaille en étroite collaboration avec les gouvernements <strong>et</strong> ceux qui les influencent, notamment<br />

les médias, afin d’attirer leur attention <strong>et</strong> de promouvoir <strong>ses</strong> analy<strong>ses</strong> <strong>et</strong> recommandations politiques.<br />

Le Conseil d’administration de Crisis Group, qui compte d’éminentes personnalités du monde politique,<br />

diplomatique, des affaires <strong>et</strong> des médias, s’engage directement à promouvoir les rapports <strong>et</strong> les<br />

recommandations auprès des dirigeants politiques du monde entier. Le Conseil d’administration est présidé<br />

par Mark Malloch-Brown, ancien vice-secrétaire général des Nations unies <strong>et</strong> administrateur du Programme<br />

des Nations unies pour le développement (PNUD), <strong>et</strong> par Ghassan Salamé, doyen de l’Ecole<br />

des affaires internationales de Sciences Po Paris.<br />

Le président-directeur général de Crisis Group, Jean-Marie Guéhenno, a pris <strong>ses</strong> fonctions le 1 er septembre<br />

2014. Monsieur Guéhenno était le secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la<br />

paix des Nations unies de 2000 à 2008, <strong>et</strong> l’envoyé spécial adjoint des Nations unies <strong>et</strong> de la Ligue arabe<br />

en Syrie en 2012. Il a quitté ce poste pour présider la commission de rédaction du livre blanc français de<br />

la défense <strong>et</strong> de la sécurité nationale en 2013.<br />

Crisis Group a son siège à Bruxelles <strong>et</strong> dispose de bureaux ou de représentations dans 34 villes :<br />

Bagdad/Souleimaniye, Bangkok, Beyrouth, Bichkek, Bogotá, Dakar, Dubaï, Gaza, Islamabad, Istanbul,<br />

Jérusalem, Johannesburg, Kaboul, Le Caire, Londres, Mexico, Moscou, Nairobi, New York, Pékin, Séoul,<br />

Toronto, Tripoli, Tunis <strong>et</strong> Washington. Crisis Group couvre environ 70 pays <strong>et</strong> territoires touchés ou menacés<br />

par des cri<strong>ses</strong> sur quatre continents. En Afrique, il s’agit de : Burkina Faso, Burundi, Cameroun,<br />

Côte d’Ivoire, Erythrée, Ethiopie, Guinée, Guinée-Bissau, Kenya, Libéria, Madagascar, Nigéria, Ouganda,<br />

République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Soudan<br />

du Sud, Tchad <strong>et</strong> Zimbabwe ; en Asie : Afghanistan, Cachemire, Corée du Nord, Détroit de Taïwan, Indonésie,<br />

Kazakhstan, Kirghizstan, Malaisie, Myanmar, Népal, Ouzbékistan, Pakistan, Philippines, Sri<br />

Lanka, Tadjikistan, Thaïlande, Timor-Leste <strong>et</strong> Turkménistan ; en Europe : Arménie, Azerbaïdjan, Bosnie-<br />

Herzégovine, Chypre, Géorgie, Kosovo, Macédoine, Russie (Caucase du Nord), Serbie <strong>et</strong> Turquie ; au<br />

Moyen-Orient <strong>et</strong> en Afrique du Nord : Algérie, Bahreïn, Egypte, Iran, Irak, Israël/Palestine, Jordanie, Liban,<br />

Libye, Maroc, Sahara occidental, Syrie, Tunisie <strong>et</strong> Yémen ; <strong>et</strong> en Amérique latine <strong>et</strong> aux Caraïbes :<br />

Colombie, Guatemala, Mexique <strong>et</strong> Venezuela.<br />

Crisis Group reçoit le soutien financier d’un grand nombre de gouvernements, de fondations institutionnelles<br />

<strong>et</strong> de donateurs privés. Actuellement, Crisis Group entr<strong>et</strong>ient des relations avec les agences <strong>et</strong><br />

départements gouvernementaux suivants: l’Agence américaine pour le développement international, le<br />

ministère australian des Affaires étrangères <strong>et</strong> du commerce, l’Agence autrichienne pour le développement,<br />

le ministère canadien des Affaires étrangères, du commerce <strong>et</strong> du développement, l’Instrument de<br />

stabilité de l’Union européenne, la Principauté du Liechtenstein, le Département fédéral des affaires<br />

étrangères de la Confédération suisse, le ministère danois des Affaires étrangères, le ministère finlandais<br />

des Affaires étrangères, le ministère français des Affaires étrangères, le ministère luxembourgeois des<br />

Affaires étrangères, le ministère néerlandais des Affaires étrangères, le ministère néo-zélandais des Affaires<br />

étrangères <strong>et</strong> du commerce, le ministère norvégien des Affaires étrangères, le ministère suédois<br />

des Affaires étrangères, <strong>et</strong> Irish Aid.<br />

Crisis Group entr<strong>et</strong>ient aussi des relations avec les fondations suivantes : la Carnegie Corporation de<br />

New York, la Fondation Adessium, la Fondation John D. <strong>et</strong> Catherine T. MacArthur, la Foundation Koerber,<br />

Global Dialogue, la Fondation de Henry Luce, la Fondation Tinker, la Fondation Robert Bosch, le<br />

Fonds Ploughshares, le Fonds Rockefeller Brothers, les Fondations Open Soci<strong>et</strong>y, <strong>et</strong> l’Initiative Open<br />

Soci<strong>et</strong>y pour l’Afrique de l’Ouest.<br />

Octobre 2015


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 27<br />

Annexe C : Rapports <strong>et</strong> briefings sur Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong><br />

Afrique du Norddepuis 2012<br />

Israël/Palestine<br />

Back to Basics: Israel’s Arab Minority and the<br />

Israeli-Palestinian Conflict, Rapport Moyen-<br />

Orient N°119, 14 mars 2012 (aussi disponible<br />

en arabe).<br />

The Emperor Has No Clothes: Palestinians and<br />

the End of the Peace Process, Rapport Moyen-Orient<br />

N°122, 7 mai 2012 (aussi disponible<br />

en arabe).<br />

Light at the End of their Tunnels? Hamas & the<br />

Arab Uprisings, Rapport Moyen-Orient N°129,<br />

14 août 2012 (aussi disponible en arabe).<br />

Israel and Hamas: Fire and Ceasefire in a New<br />

Middle East, Rapport Moyen-Orient N°133, 22<br />

novembre 2012 (aussi disponible en arabe).<br />

Extreme Makeover? (I): Israel’s Politics of Land<br />

and Faith in East Jerusalem, Rapport Moyen-<br />

Orient N°134, 20 décembre 2012 (aussi disponible<br />

en arabe <strong>et</strong> hébreu).<br />

Extreme Makeover? (II): The Withering of Arab<br />

Jerusalem, Rapport Moyen-Orient N°135, 20<br />

décembre 2012 (aussi disponible en arabe <strong>et</strong><br />

hébreu).<br />

Buying Time? Money, Guns and Politics in the<br />

West Bank, Rapport Moyen-Orient N°142, 29<br />

mai 2013 (aussi disponible en arabe).<br />

Leap of Faith: Israel’s National Religious and the<br />

Israeli-Palestinian Conflict, Rapport Moyen-<br />

Orient N°147, 21 novembre 2013 (aussi disponible<br />

en arabe <strong>et</strong> hébreu).<br />

The Next Round in Gaza, Rapport Moyen-Orient<br />

N°149, 25 mars 2014 (aussi disponible en<br />

arabe).<br />

Gaza and Israel: New Obstacles, New Solutions,<br />

Briefing Moyen-Orient N°39, 14 juill<strong>et</strong> 2014.<br />

Bringing Back the Palestinian Refugee Question,<br />

Rapport Moyen-Orient N°156, 9 octobre<br />

2014 (aussi disponible en arabe).<br />

Toward a Lasting Ceasefire in Gaza, Briefing<br />

Moyen-Orient N°42, 23 octobre 2014 (aussi<br />

disponible en arabe).<br />

The Status of the Status Quo at Jerusalem’s<br />

Holy Esplanade, Rapport Moyen-Orient<br />

N°159, 30 juin 2015 (aussi disponible en<br />

arabe <strong>et</strong> hébreu).<br />

No Exit? Gaza & Israel B<strong>et</strong>ween Wars, Rapport<br />

Moyen-Orient N°162, 26 août 2015. (aussi<br />

disponible en arabe).<br />

Egypte/Syrie/Liban<br />

Lebanon’s Palestinian Dilemma: The Struggle<br />

Over Nahr al-Bared, Rapport Moyen-Orient<br />

N°117, 1 mars 2012 (aussi disponible en<br />

arabe).<br />

Now or Never: A Negotiated Transition for Syria,<br />

Briefing Moyen-Orient N°32, 5 March 2012<br />

(aussi disponible en arabe <strong>et</strong> en russe).<br />

Syria’s Phase of Radicalisation, Briefing Moyen-<br />

Orient N°33, 10 avril 2012 (aussi disponible en<br />

arabe).<br />

Lost in Transition: The World According to<br />

Egypt’s SCAF, Rapport Moyen-Orient/Afrique<br />

du Nord N°121, 24 avril 2012 (aussi disponible<br />

en arabe).<br />

Syria’s Mutating Conflict, Rapport Moyen-Orient<br />

N°128, 1 er août 2012 (aussi disponible en<br />

arabe).<br />

Tentative Jihad: Syria’s Fundamentalist Opposition,<br />

Rapport Moyen-Orient N°131, 12 octobre<br />

2012 (aussi disponible en arabe).<br />

A Precarious Balancing Act: Lebanon and the<br />

Syrian Conflict, Rapport Moyen-Orient N°132,<br />

22 novembre 2012 (aussi disponible en<br />

arabe).<br />

Syria’s Kurds: A Struggle Within a Struggle,<br />

Rapport Moyen-Orient N°136, 22 janvier 2013<br />

(aussi disponible en arabe <strong>et</strong> en kurde).<br />

Too Close For Comfort: Syrians in Lebanon,<br />

Rapport Moyen-Orient N°141, 13 mai 2013<br />

(aussi disponible en arabe).<br />

Syria’s M<strong>et</strong>astasising Conflicts, Rapport Moyen-<br />

Orient N°143, 27 juin 2013 (aussi disponible<br />

en arabe).<br />

Marching in Circles: Egypt's Dangerous Second<br />

Transition, Rapport Moyen-Orient/Afrique du<br />

Nord N°35, 7 août 2013 (aussi disponible en<br />

arabe).<br />

Anything But Politics: The State of Syria’s Political<br />

Opposition, Rapport Moyen-Orient N°146,<br />

17 octobre 2013 (aussi disponible en arabe).<br />

Flight of Icarus? The PYD’s Precarious Rise in<br />

Syria, Rapport Moyen-Orient N°151, 8 mai<br />

2014 (aussi disponible en arabe).<br />

Lebanon’s Hizbollah Turns Eastward to Syria,<br />

Rapport Moyen-Orient N°153, 27 mai 2014<br />

(aussi disponible en arabe).<br />

Rigged Cars and Barrel Bombs: Aleppo and the<br />

State of the Syrian War, Rapport Moyen-<br />

Orient N°155, 9 septembre 2014 (aussi disponible<br />

en arabe).<br />

Lebanon’s Self-Defeating Survival Strategies,<br />

Rapport Moyen-Orient N°160, 20 juill<strong>et</strong> 2015<br />

(aussi disponible en arabe).<br />

New Approach in Southern Syria, Rapport<br />

Moyen-Orient N°163, 2 septembre 2015.<br />

Afrique du Nord<br />

Tunisie : lutter contre l’impunité, restaurer la sécurité,<br />

Rapport Moyen-Orient/Afrique du Nord<br />

N°123, 9 mai 2012.<br />

Tunisie : relever les défis économiques <strong>et</strong> sociaux,<br />

Rapport Moyen-Orient/Afrique du Nord<br />

N°124, 6 juin 2012.


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 28<br />

Divided We Stand: Libya’s Enduring Conflicts,<br />

Rapport Moyen-Orient/Afrique du Nord N°130,<br />

14 septembre 2012 (aussi disponible en<br />

arabe).<br />

Tunisie: violences <strong>et</strong> défi salafiste, Rapport<br />

Moyen-Orient/Afrique du Nord N°137, 13 février<br />

2013 (aussi disponible en anglais <strong>et</strong> en<br />

arabe).<br />

Trial by Error: Justice in Post-Qadhafi Libya,<br />

Rapport Moyen-Orient/Afrique du Nord N°140,<br />

17 avril 2013 (aussi disponible en arabe).<br />

La Tunisie des frontières : jihad <strong>et</strong> contrebande,<br />

Moyen-Orient/Afrique du Nord N°148, 28 novembre<br />

2013 (aussi disponible en anglais <strong>et</strong><br />

en arabe).<br />

L’exception tunisienne : succès <strong>et</strong> limites du<br />

consensus, Briefing Moyen-Orient/Afrique du<br />

Nord N°37, 5 juin 2014 (aussi disponible en<br />

arabe).<br />

La Tunisie des frontières (II) : terrorisme <strong>et</strong> polarisation<br />

régionale, Briefing Moyen-Orient <strong>et</strong><br />

Afrique du Nord N°41, 21 octobre 2014 (aussi<br />

disponible en anglais <strong>et</strong> en arabe).<br />

Elections en Tunisie : vieilles blessures, nouvelles<br />

craintes, Briefing Moyen-Orient <strong>et</strong><br />

Afrique du Nord N°44, 19 décembre 2014.<br />

Libya: G<strong>et</strong>ting Geneva Right, Rapport Moyen-<br />

Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°157, 26 fevrier<br />

2015. (aussi disponible en arabe).<br />

Réforme <strong>et</strong> stratégie sécuritaire en Tunisie,<br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord<br />

N°161, 23 juill<strong>et</strong> 2015.<br />

Irak/Iran/Golfe<br />

In Heavy Waters: Iran’s Nuclear Program, the<br />

Risk of War and Lessons from Turkey, Rapport<br />

Moyen-Orient N°116, 23 février 2012<br />

(aussi disponible en arabe <strong>et</strong> en turc).<br />

Popular Protest in North Africa and the Middle<br />

East (IX): Dallying with Reform in a Divided<br />

Jordan, Rapport Moyen-Orient N°118, 12<br />

mars 2012 (aussi disponible en arabe).<br />

Iraq and the Kurds: The High-Stakes Hydrocarbons<br />

Gambit, Rapport Moyen-Orient<br />

N°120, 19 avril 2012 (aussi disponible en<br />

arabe <strong>et</strong> en kurde).<br />

The P5+1, Iran and the Perils of Nuclear Brinkmanship,<br />

Briefing Moyen-Orient N°34, 15 juin<br />

2012.<br />

Yemen: Enduring Conflicts, Threatened Transition,<br />

Rapport Moyen-Orient N°125, 3 juill<strong>et</strong><br />

2012 (aussi disponible en arabe).<br />

Déjà Vu All Over Again: Iraq’s Escalating Political<br />

Crisis, Rapport Moyen-Orient N°126, 30<br />

juill<strong>et</strong> 2012 (aussi disponible en arabe).<br />

Iraq’s Secular Opposition: The Rise and Decline<br />

of Al-Iraqiya, Rapport Moyen-Orient N°127, 31<br />

juill<strong>et</strong> 2012 (aussi disponible en arabe).<br />

Spider Web: The Making and Unmaking of Iran<br />

Sanctions, Rapport Moyen-Orient N°138, 25<br />

février 2013 (aussi disponible en farsi).<br />

Yemen’s Military-Security Reform: Seeds of<br />

New Conflict?, Rapport Moyen-Orient N°139,<br />

4 avril 2013 (aussi disponible en arabe).<br />

Great Expectations: Iran’s New President and<br />

the Nuclear Talks, Briefing Moyen-Orient<br />

N°36, 13 août 2013 (aussi disponible en farsi).<br />

Make or Break: Iraq’s Sunnis and the State,<br />

Rapport Moyen-Orient N°144, 14 août 2013<br />

(aussi disponible en arabe).<br />

Yemen’s Southern Question: Avoiding a Breakdown,<br />

Rapport Moyen-Orient N°145, 25 septembre<br />

2013 (aussi disponible en arabe).<br />

Iraq: Falluja’s Faustian Bargain, Rapport Moyen-<br />

Orient N°150, 28 avril 2014 (aussi disponible<br />

en arabe).<br />

Iran and the P5+1: Solving the Nuclear Rubik’s<br />

Cube, Rapport Moyen-Orient N°152, 9 mai<br />

2014 (aussi disponible en farsi).<br />

The Huthis: From Saada to Sanaa, Rapport<br />

Moyen-Orient N°154, 10 juin 2014 (aussi disponible<br />

en arabe).<br />

Iraq’s Jihadi Jack-in-the-Box, Briefing Moyen-<br />

Orient N°38, 20 juin 2014.<br />

Iran and the P5+1: G<strong>et</strong>ting to “Yes”, Briefing<br />

Moyen-Orient N°40, 27 août 2014 (aussi disponible<br />

en farsi).<br />

Iran Nuclear Talks: The Fog Recedes, Briefing<br />

Moyen-Orient N°43, 10 décembre 2014 (aussi<br />

disponible en farsi).<br />

Yemen at War, Briefing Moyen-Orient N°45, 27<br />

mars 2015 (aussi disponible en arabe).<br />

Arming Iraq’s Kurds: Fighting IS, Inviting Conflict,<br />

Rapport Moyen-Orient N°158, 12 mai<br />

2015 (aussi disponible en arabe).


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 29<br />

Annexe D : Conseil d’administration de l’International Crisis Group<br />

PRESIDENT-DIRECTEUR<br />

GENERAL<br />

Jean-Marie Guéhenno<br />

Professeur « Arnold Saltzman »<br />

d’études sur la paix <strong>et</strong> les conflits,<br />

Université de Columbia ; ancien soussecrétaire<br />

général du Département<br />

des opérations de maintien de la paix<br />

des Nations unies<br />

PRESIDENTS DU<br />

CONSEIL<br />

Lord (Mark) Malloch-Brown<br />

Ancien vice-secrétaire général des<br />

Nations unies <strong>et</strong> administrateur du<br />

Programme des Nations unies pour le<br />

développement (PNUD)<br />

Ghassan Salamé<br />

Directeur, Ecole des affaires internationales,<br />

Sciences Po Paris<br />

VICE-PRESIDENTE<br />

DU CONSEIL<br />

Ayo Obe<br />

Juriste, chroniqueuse <strong>et</strong> présentatrice<br />

de télévision, Nigéria<br />

AUTRES MEMBRES<br />

DU CONSEIL<br />

Morton Abramowitz<br />

Ancien secrétaire d’Etat adjoint <strong>et</strong><br />

ambassadeur des Etats-Unis en Turquie<br />

Fola Adeola<br />

Directeur général fondateur, Guaranty<br />

Trust Bank Plc; Fondateur <strong>et</strong> président,<br />

FATE Foundation<br />

Celso Amorim<br />

Ancien ministre brésilien des Relations<br />

extérieures; ancien ministre de la Défense<br />

Hushang Ansary<br />

Président, Parman Capital Group LLC<br />

Nahum Barnea<br />

Editorialiste en chef de Yedioth Ahronoth,<br />

Israël<br />

Samuel Berger<br />

Président, Albright Stonebridge Group<br />

LLC ; ancien conseiller à la sécurité<br />

nationale des Etats-Unis<br />

Carl Bildt<br />

Ancien ministre des Affaires étrangères<br />

de la Suède<br />

Emma Bonino<br />

Ancienne ministre italienne des Affaires<br />

étrangères <strong>et</strong> vice-présidente du<br />

Sénat ; ancienne commissaire européenne<br />

pour l’aide humanitaire<br />

Lakhdar Brahimi<br />

Membre, The Elders; Diplomate des<br />

Nations unies; ancien ministre algérien<br />

des Affaires étrangères<br />

Micheline Calmy-Rey<br />

Ancienne présidente <strong>et</strong> ministre<br />

des Affaires étrangères de la Confédération<br />

suisse<br />

Cheryl Carolus<br />

Ancienne haut-commissaire de<br />

l’Afrique du Sud auprès du Royaume-<br />

Uni <strong>et</strong> secrétaire générale du Congrès<br />

national africain (ANC)<br />

Maria Livanos Cattaui<br />

Ancienne secrétaire générale à la<br />

Chambre de commerce internationale<br />

Wesley Clark<br />

Ancien commandant suprême des<br />

forces alliées de l’Otan en Europe<br />

Sheila Coronel<br />

Professeur « Toni Stabile » de pratique<br />

de journalisme d’investigation<br />

<strong>et</strong> directrice du Centre Toni Stabile<br />

pour le journalisme d’investigation,<br />

Université de Columbia<br />

Mark Eyskens<br />

Ancien Premier ministre de Belgique<br />

Lykke Friis<br />

Ancienne ministre du Climat <strong>et</strong> de<br />

l’Energie <strong>et</strong> ministre à l’Egalité des<br />

sexes du Danemark ; ancienne rectrice<br />

à l’Université de Copenhague<br />

Frank Giustra<br />

Président-directeur général, Fiore<br />

Financial Corporation<br />

Alma Guillermopri<strong>et</strong>o<br />

Écrivain <strong>et</strong> journaliste, Mexique<br />

Mo Ibrahim<br />

Fondateur <strong>et</strong> président, Fondation Mo<br />

Ibrahim ; fondateur, Celtel International<br />

Wolfgang Ischinger<br />

Président, Forum de Munich sur les<br />

politiques de défense; ancien viceministre<br />

allemand des Affaires étrangères<br />

<strong>et</strong> ambassadeur de l’Allemagne<br />

en Grande-Br<strong>et</strong>agne <strong>et</strong> aux Etats-Unis<br />

Asma Jahangir<br />

Ancienne présidente de l'Association<br />

du Barreau de la Cour suprême du<br />

Pakistan ; ancien rapporteur spécial<br />

des Nations unies sur la liberté de<br />

religion ou de conviction<br />

Yoriko Kawaguchi<br />

Ancienne ministre japonaise des Affaires<br />

étrangères<br />

Wadah Khanfar<br />

Co-fondateur, Forum Al Sharq ; ancien<br />

directeur général du réseau Al Jazeera<br />

Wim Kok<br />

Ancien Premier ministre des Pays-Bas<br />

Ricardo Lagos<br />

Ancien président du Chili<br />

Joanne Leedom-Ackerman<br />

Ancienne secrétaire internationale de<br />

PEN International ; romancière <strong>et</strong> journaliste,<br />

Etats-Unis<br />

Sankie Mthembi-Mahanyele<br />

Directrice du Central Energy Fund,<br />

Ltd.; ancienne secrétaire générale<br />

adjointe du Congrès national africain<br />

(ANC)<br />

Lalit Mansingh<br />

Ancien ministre indien des Affaires<br />

étrangères, ambassadeur auprès des<br />

Etats-Unis <strong>et</strong> haut-commissaire au<br />

Royaume-Uni<br />

Thomas R Pickering<br />

Ancien sous-secrétaire d’Etat américain<br />

; ambassadeur des Etats-Unis aux<br />

Nations unies, en Russie, en Inde, en<br />

Israël, au Salvador, au Nigéria <strong>et</strong> en<br />

Jordanie<br />

Karim Raslan<br />

Fondateur, directeur exécutif <strong>et</strong> président-directeur<br />

général de KRA Group<br />

Olympia Snowe<br />

Ancienne sénatrice américaine <strong>et</strong><br />

membre de la Chambre des représentants<br />

George Soros<br />

Président, Open Soci<strong>et</strong>y Institute<br />

Javier Solana<br />

Ancien haut représentant de l’Union<br />

européenne pour la Politique étrangère<br />

<strong>et</strong> de sécurité commune, secrétaire<br />

général de l’Otan <strong>et</strong> ministre espagnol<br />

des Affaires étrangères<br />

Pär Stenbäck<br />

Ancien ministre finlandais des Affaires<br />

étrangères<br />

Jonas Gahr Støre<br />

Ancien ministre norvégien des Affaires<br />

étrangères<br />

Lawrence H. Summers<br />

Ancien directeur du National Economic<br />

Council <strong>et</strong> secrétaire du Trésor des<br />

Etats-Unis ; président émérite de<br />

l’Université d’Harvard<br />

Wang Jisi<br />

Membre du comité de conseil en politique<br />

étrangère du ministère des Affaires<br />

étrangères chinois ; ancien directeur,<br />

Ecole des affaires internationales,<br />

Université de Pékin<br />

Wu Jianmin<br />

Vice-directeur exécutif, China Institute<br />

for Innovation and Development Strategy<br />

; membre du comité de conseil en<br />

politique étrangère du ministère des<br />

Affaires étrangères chinois ; ancien<br />

ambassadeur chinois aux Nations<br />

unies <strong>et</strong> en France


<strong>L’Algérie</strong> <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>voisins</strong><br />

Rapport Moyen-Orient <strong>et</strong> Afrique du Nord N°164, 12 octobre 2015 Page 30<br />

CONSEIL PRESIDENTIEL<br />

Groupe éminent de donateurs privés <strong>et</strong> d’entrepri<strong>ses</strong> qui apportent un soutien <strong>et</strong> une expertise essentiels<br />

à Crisis Group.<br />

ENTREPRISES<br />

BP<br />

Investec Ass<strong>et</strong> Management<br />

Shearman & Sterling LLP<br />

Statoil (U.K.) Ltd.<br />

White & Case LLP<br />

DONATEURS PRIVES<br />

Anonyme (4)<br />

Scott Bessent<br />

David Brown & Erika Franke<br />

Stephen & Jennifer Dattels<br />

Herman De Bode<br />

Andrew Groves<br />

Frank Holmes<br />

Reynold Levy<br />

Ford Nicholson & Lisa<br />

Wolverton<br />

Maureen White<br />

CONSEIL CONSULTATIF INTERNATIONAL<br />

Donateurs privés <strong>et</strong> entrepri<strong>ses</strong> qui fournissent une contribution essentielle aux activités de prévention des<br />

conflits armés de Crisis Group.<br />

ENTREPRISES<br />

APCO Worldwide Inc.<br />

Atlas Copco AB<br />

BG Group plc<br />

Chevron<br />

Edelman<br />

Equinox Partners<br />

HSBC Holdings plc<br />

Lockwood Financial Ltd<br />

MasterCard<br />

M<strong>et</strong>Life<br />

Shell<br />

Yapı Merkezi Construction and<br />

Industry Inc.<br />

DONATEURS PRIVES<br />

Anonymous<br />

Samuel R. Berger<br />

Stanley Bergman & Edward<br />

Bergman<br />

Elizab<strong>et</strong>h Bohart<br />

Neil & Sandra DeFeo Family<br />

Foundation<br />

Joseph Edelman<br />

Neemat Frem<br />

S<strong>et</strong>h & Jane Ginns<br />

Ronald Glickman<br />

Rita E. Hauser<br />

Geoffrey Hsu<br />

George Kellner<br />

Faisel Khan<br />

Cleopatra Kitti<br />

David Levy<br />

Leslie Lishon<br />

Ana Luisa Ponti & Geoffrey<br />

R. Hogu<strong>et</strong><br />

Kerry Propper<br />

Michael L. Riordan<br />

Nina K. Solarz<br />

Horst Sporer<br />

VIVA Trust<br />

CONSEIL DES AMBASSADEURS<br />

Les étoiles montantes de divers horizons qui, avec leur talent <strong>et</strong> leur expertise, soutiennent la mission de<br />

Crisis Group.<br />

Luke Alexander<br />

Gillea Allison<br />

Amy Benziger<br />

Elizab<strong>et</strong>h Brown<br />

Tripp Callan<br />

Lynda Hammes<br />

Matthew Magenheim<br />

Rahul Sen Sharma<br />

Leeanne Su<br />

AJ Twombly<br />

Dillon Twombly<br />

CONSEILLERS<br />

Anciens membres du Conseil d’administration qui maintiennent leur collaboration avec Crisis Group <strong>et</strong> apportent<br />

leurs conseils <strong>et</strong> soutien (en accord avec toute autre fonction qu’ils peuvent exercer parallèlement).<br />

Martti Ahtisaari<br />

Président émérite<br />

George Mitchell<br />

Président émérite<br />

Gar<strong>et</strong>h Evans<br />

Président émérite<br />

Kenn<strong>et</strong>h Adelman<br />

Adnan Abu-Odeh<br />

HRH Prince Turki al-Faisal<br />

Óscar Arias<br />

Ersin Arıoğlu<br />

Richard Armitage<br />

Diego Arria<br />

Zainab Bangura<br />

Shlomo Ben-Ami<br />

Christoph Bertram<br />

Alan Blinken<br />

Lakhdar Brahimi<br />

Zbigniew Brzezinski<br />

Kim Campbell<br />

Jorge Castañeda<br />

Naresh Chandra<br />

Eugene Chien<br />

Joaquim Alberto Chissano<br />

Victor Chu<br />

Mong Joon Chung<br />

Pat Cox<br />

Gianfranco Dell’Alba<br />

Jacques Delors<br />

Alain Destexhe<br />

Mou-Shih Ding<br />

Uffe Ellemann-Jensen<br />

Gernot Erler<br />

Marika Fahlén<br />

Stanley Fischer<br />

Malcolm Fraser<br />

Carla Hills<br />

Swanee Hunt<br />

James V. Kimsey<br />

Aleksander Kwasniewski<br />

Todung Mulya Lubis<br />

Allan J. MacEachen<br />

Graça Machel<br />

Jessica T. Mathews<br />

Barbara McDougall<br />

Matthew McHugh<br />

Miklós Ném<strong>et</strong>h<br />

Christine Ockrent<br />

Timothy Ong<br />

Olara Otunnu<br />

Lord (Christopher) Patten<br />

Shimon Peres<br />

Victor Pinchuk<br />

Surin Pitsuwan<br />

Fidel V. Ramos

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