fable 1
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La <strong>fable</strong> du<br />
scaphandrier volant<br />
Quand le petit Ju vint au monde, il avait deux particularités : une faculté de<br />
compréhension et de mémorisation hors du commun ainsi qu'une enveloppe externe aussi épaisse<br />
qu'un scaphandre. Celle-ci le gênait beaucoup pour communiquer car derrière son casque, ses<br />
proches n'entendaient pas ce qu'il disait ! Quand il riait, on devinait son sourire derrière la vitre<br />
mais lorsqu'il voulait s'expliquer ou exprimer ses émotions, personne n'entendait, alors il était<br />
frustré. Et pour combler ses manques, il apprenait et apprenait et réussissait tous les examens qu'il<br />
passait.<br />
Un jour, tout fier de ses réussites, il dit : « Je vais découvrir le monde car je suis curieux et il<br />
me tarde d'apprendre les trésors de l'univers ! » Mais ses parents, ses frères, qui eux n'avaient pas<br />
de scaphandre, ne comprenaient rien à ce qu'il voulait. Ils sentirent pourtant qu'il désirait partir,<br />
alors malgré leur inquiétude, ils le laissèrent aller le long des chemins, loin de chez eux, jusqu'à ce<br />
qu'ils ne le voient plus à l'horizon.
Et il marcha tellement qu'il arriva au bord de l'eau. Toujours aussi curieux, il traversa les mers et<br />
arriva dans un pays de couleurs et de musique qu'il trouva fort attirant.<br />
« C'est beau ! » fit-il derrière son casque.<br />
– Tu trouves ? lui répondit une brune qui dansait là.<br />
– Mais tu m'entends ?<br />
Ju ne le savait pas mais en traversant l'océan, sa visière et son armure s'étaient fendues.<br />
– Bien sûr, drôle de robot ! Mais pourquoi trimbales-tu cette ferraille sur ton dos ?<br />
– Je ne sais pas, fit-il. Je suis né comme ça ! J'aimerais bien danser comme toi, tu<br />
m'apprends ?<br />
– Pas avec ton armure sur le dos ! Enlève-moi ça, je vais t'apprendre.<br />
– Je ne peux pas. C'est trop lourd !<br />
– Mais si, regarde ! Si je défais les boulons, là et là, et si j'attache des ballons partout, ton<br />
armure va s'envoler toute seule !<br />
La fille dévissa, amarra et le scaphandre se détacha de Ju qui se sentit léger, pour la première fois<br />
de sa vie. La fille vit sa surprise, rigola à gorge déployée et se remit à danser en attrapant un ballon<br />
qui s'envolait.<br />
– Apprends-moi, cria Ju qui était émerveillé de la voir ainsi tournoyer dans les airs avec<br />
grâce.
– Je ne connais même pas ton nom, pourquoi je ferais ça ? dit-elle dans un sourire<br />
narquois.<br />
– Je m'appelle Ju ! Emmène-moi et apprends-moi le ciel, s'il te plaît !<br />
– Moi, je suis l'étoile. Viens, attrape ce ballon !<br />
Et ils s'envolèrent tous les deux, là-haut dans le ciel, et plus ils dansaient et plus ils montaient, plus<br />
ils riaient de voler ainsi. Ju se dit qu'il était heureux d'avoir couru le monde, il en découvrait enfin<br />
la beauté. Mais alors qu'il admirait sa cavalière, celle-ci remarqua plus haut un autre ballon, qui<br />
était selon elle, encore plus beau. Elle se lassa de tournoyer avec le petit Ju et comme elle rêvait de<br />
rejoindre l'autre, elle décrocha sa main de leur ficelle. Le pauvre Ju ne s'y attendait pas du tout : il<br />
tomba de haut ! De toute la hauteur du ciel, il dévala et lorsqu'il s’aplatit sur le sol, il pleurait car il<br />
avait très mal. Il chercha celle qui lui avait fait voir la beauté du ciel mais son étoile était filante !<br />
Il pleura encore et encore car il n'avait plus rien.<br />
Il ne s'en était pas rendu compte mais lorsqu'il était tombé, il avait atterri sur une voie<br />
ferrée, et lorsqu'un train arriva à toute vapeur, il se rappela qu'il n'avait plus son scaphandre pour<br />
le protéger mais comme son étoile était partie, il resta sur la voie et soupira une dernière fois :<br />
« Il est moche, ce monde, je ne l'aime plus. »<br />
Plus tard, les ballons qui supportaient le scaphandre furent fatigués d'avoir volé au-delà<br />
des mers avec un tel poids. Ils se dégonflèrent et laissèrent tomber leur fardeau non loin de là où<br />
habitait le petit Ju auparavant. Lorsque ses parents et ses frères virent les restes du scaphandre<br />
écrasé, ils comprirent qu'un grand malheur était arrivé et pleurèrent leur cher disparu.<br />
Illustrations : Claude Roblédo.