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Kaori.qxp_livret 22/09/2016 16:40 Page1


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1 La fille du geôlier 

J'avais oublié comme c'est bon 

De boire à pleins poumons, 

Eperdu dans la nuit étoilée, 

L'air de la liberté : 

Je me suis fait la belle! 

L'alerte n'est pas encore donnée, 

Ils dorment à poings fermés ; 

J'effleure la rosée du matin 

Dans ma cavale à fond de train. 


Ils ne m'auront pas vivant, 

Je tomberai avant! 

Ma dernière pensée 

S'ra pour la fille du geôlier, 

La fille du geôlier... 

Au loin la cloche a sonné, 

La chasse à l'homme est lancée ; 

Je sens mon coeur qui s'affole, 

Mes pieds qui battent le sol. 


Si je m'en sors cette fois-ci, 

J'te promets ma jolie, 

Toi, mon unique lumière, 

Perdue dans cet enfer, 

Qu'on se fera la belle! 

Les sifflements des gardiens 

Les hurlements des chiens, 

Me pressent de tous côtés, 

Comme une bête traquée. 

J'ai cru qu'c'était la belle! 

La lutte est par trop inégale 

Dans l'univers carcéral ; 

Ainsi, là où je succombe, 

Ils creuseront ma tombe : 

Ici finit la belle! 

A l'aube tu viendras y poser 

Le plus simple bouquet, 

Jusqu'au jour où la Pénitentiaire 

Ne sera plus que poussière, 

Pour une vie plus belle! 

Tes yeux versent l'oubli de la haine 

Et des douleurs anciennes ; 

J'ai vu l'éclair de la vérité 

Quand tu m'as tendu la clé : 

Que c'était toi la belle, 

Oui, c'était toi la belle !


2 Il fait si chaud 

Chez nous il fait si chaud, 

La chemise colle à la peau ; 

On reste à paresser, 

A regarder les filles passer... 

Désinvoltes et racées, 

Elles défilent sans se presser, 

Sous nos yeux ébahis, 

Elles savent bien qu'elles sont jolies. 

Oh oh ne crois pas trop vite au bonheur, 

Elles ont brisé tant de cœurs ; 

Oh oh sous leurs apparences futiles, 

Les filles des îles sont pas faciles... 

Tes songes infidèles 

Te transportent aux pieds des belles, 

Sur la plage embrasée 

Où s'offrent leurs corps dorés. 

Dans le feu de l'instant 

Tu oublies tes vieux serments, 

Tu vois monts et merveilles : 

C'est sûrement la faute au soleil! 

Chez nous il fait si chaud, 

L'amour nous colle à la peau ; 

On n'peut pas s'empêcher 

De regarder les filles passer...


3 Fauché comme les blés 

Je menais la vie dorée, 

Les people peuplaient mes soirées privées ; 

Sous les feux des projecteurs 

Les filles hurlaient : "Charley c'est toi le meilleur!" 

Un soir le banquier m'a glissé : "Charley, 

Le trader s'est planté, 

Désolé... t'es ruiné!" 

T'as plus qu'tes yeux pour pleurer Charley, 

Quand t'es fauché comme les blés 

Personne te connaît ! 

L'orchestre s'est arrêté 

Aussi sec ça nous a dégrisés ; 

Les fidèles sont repartis : 

"Désolés Charley mais tout ça c'est la vie!" 

Dans les débris de l'orgie 

Je me traîne une gueule de bois, 

Je titube, je suis groggy... 

T'as plus qu'tes yeux pour pleurer Charley, 


Personne te connaît ! 

Et puis le vent a tourné, 

Sur un coup fumant je me suis refait ; 

Ils sont revenus dare dare 

Me raconter toujours la même histoire : 

"On n'en a jamais douté, Charley 

Tu étais né pour gagner, 

C'est sûr qu't'allais t'en tirer, 

On t'a jamais laissé tomber Charley!" 

Quand ton pognon coule à flots 

Tout l'monde te tape dans le dos... 


Personne... te connaît!


4 Mon pays c'est ici 

Dans mon pays, c'est jamais gris, 

Tu sais le ciel est toujours bleu ; 

Dans mon pays, les enfants rient, 

Ils ont du rêve plein les yeux. 

Dans le souffle des alizés, 

Ils iront tout recommencer ; 

Avec un rayon de soleil 

La vie ne sera plus pareille, 

Je sais, mon pays, c'est ici. 

Dans mon pays, les filles sont belles, 

Elles marchent au rythme des sambas ; 

Leur peau est douce comme le miel, 

Elle a la couleur du tabac. 

Dans leur regard brûle une flamme 

Qui embrase le coeur des hommes ; 

Même si l'amour peut être amer, 

Il est profond comme la mer, 


Dans mon pays, y'a pas la guerre, 

On ne se bat pas pour de l'or ; 

Les canons rouillent dans la terre, 

L'amour est plus fort que la mort. 

On préfère le chant des guitares 

Qui monte dans la paix du soir ; 

Les parfums font tourner la tête, 

On vit au rythme de la fête, 


Que tu sois blanc, que tu sois noir, 

Ça n'a vraiment pas d'importance ; 

La musique porte nos espoirs 

Sur les ailes de la délivrance. 

Prends ma chanson, elle est métisse, 

Un peu vanille, un peu réglisse ; 

Elle vient d'Afrique et d'Amérique, 

On la joue dans le Pacifique, 

Je sais, mon pays, c'est ici.


5 Sacré soleil 

Sacré Soleil pourquoi viens-tu si tôt 

Tambouriner sur mes volets de bois, 

Ne vois-tu pas qu'une fille aux yeux clos 

Sommeille encore blottie tout contre moi ? 

Tu n'as vraiment aucun égard, 

Laisse-nous en paix jusqu'à ce soir, 

Va réchauffer les coeurs abandonnés 

Et reviens plus tard... 

A présent je vois clair dans ton jeu : 

Tu te glisses entre les interstices, 

Tu dessines avec tes pinceaux de feu 

Des arabesques sur sa peau complice... 

Tes rayons clairs s'allument devant mes yeux rêveurs, 

Je tisse un rêve doré pendant que filent les heures ; 

Mes idées claires s'embrument, noyées dans la torpeur, 

Je tisse un rêve doré qui ressemble au bonheur. 

J'aimerais tant qu'un nuage de pluie 

Vienne voiler ton regard enflammé, 

Me prélasser encore au fond de mon lit, 

Emprisonné dans ses bras parfumés.


6 Si tu devais partir 

Sais-tu, si tu devais partir, 

Ce que pour moi ça voudrait dire : 

Toutes mes journées sans soleil, 

Et toutes mes nuits sans sommeil, 

Sais-tu si tu devais partir. 

Si notre amour devait finir 

Et n'être plus qu'un souvenir, 

Les jardins seraient sans couleurs, 

La pluie tomberait comme des pleurs, 

Si notre amour devait finir. 

Et je guette l'aurore 

Pendant que tu t'endors ; 

Je voudrais tant te garder pour toujours, 

Pour toujours... 

Car je veux croire encore 

Que l'amour est plus fort, 

Qu'on s'aimera comme au tout premier jour, 

Premier jour... 

Ma chandelle va bientôt mourir 

Et l'aube commence à blanchir ; 

Je vois naître le matin clair, 

Plein de promesses et de lumière, 

Ma chandelle va bientôt mourir. 

7 On joue du blues 

Fatigué de voir tous ces gens 

Qui sourient pour faire semblant, 

Ces sycophantes qui sonnent faux, 

Ces Tartuffes qui pensent comme il faut, 

Ces bouffons sans joie et acides, 

Ces marchands dans leurs temples vides. 

Je prends mes cliques et mes claques 

Je file chez Pat, j'me sers un Black, 

On joue du Blues, ça nettoie l'âme. 

Lassé de ces corps obscènes 

Qui se tortillent sur la scène, 

De ces nymphettes lubriques 

Moulées dans leurs shorts impudiques ; 

Lassé du boum boum mécanique, 

Abrutissant, tueur de musique. 

J'ai rêvé d'une voie ferrée 

S'étirant comme un fleuve doré ; 

Et j'entends siffler ce train 

Qui charrie mes rêves lointains. 

A l'horizon, l'aube se lève, 

Le vent de la plaine les soulève.



8 Sous le soleil de ses grands yeux 

Sur le fleuve lisse 

Et calme de la vie, 

Doucement je glisse 

Vers des rivages maudits, 

A la remorque de son plaisir, 

Esclave de tous ses désirs, 

Sous ses doigts, je suis comme une boulette de cire. 

Toutes mes belles intentions 

Fondent comme des glaçons 

Sous le soleil de ses grands yeux. 

Mon ange gardien, 

Emu par la pitié, 

M'a pris par la main 

Pour m'éloigner du péché. 

Par tous les saints du Paradis 

J'l'ui ai juré qu'c'était fini, 

Qu'aujourd'hui j'allais changer de vie. 

Je m'croyais guéri 

De toutes mes turpitudes, 

L'esprit assagi, 

Libéré de ma servitude, 

Ramené comme une brebis perdue 

Sur le chemin de la vertu, 

J'ignorais que ma cause était sans issue. 

Elle m'a foudroyé 

De son regard de porcelaine ; 

Je suis retombé 

Sous son pouvoir de magicienne ; 

J'ai dû hisser le drapeau blanc, 

Crier : "ça suffit, je me rends!" 

Victime de l'amour, j'ai versé assez de mon sang. 

9 Il vient d’ailleurs 

Qui donc est cet homme perdu dans ses songes 

Pendant que les ombres s'allongent ? 

Vainement les révolutions à sa porte 

Frappent leurs coups, peu lui importe. 

Il vit seul sur la terre, 

Dans un vaste univers, 

Il vient d'ailleurs ; 

Dans ses yeux nuageux 

S'annonce un merveilleux 

Monde meilleur. 

Il griffonne en marge des quittances 

Des messages sans importance, 

Tombés d'un ciel vaguement prophétique, 

Riant des fous, des fanatiques.


Il a tout jeté par-dessus bord : 

La repentance, le plomb des remords ; 

Aux lanceurs d'anathèmes vengeurs 

Il réplique en jetant des fleurs. 

Il passera dans nos vies, fantômatique, 

Etoilé de lueurs mystiques, 

Vagabond poussiéreux, errant sur la route, 

Enchanteur d'âmes en déroute


10 Flocon d’écume 

Fils du vent, 

Voyageur insouciant... 

D'un coup d'aile, 

Tu virevoltes jusqu'au ciel, 

Troubadour au chapeau à plumes 

Envole-toi, Flocon d'écume! 

Voleur de sel, 

Ta crinière de soleil 

Frôle l'Océan, 

Effiloche ses crins blancs, 

Sur la houle de mon amertume 

Envole-toi, Flocon d'écume! 

Tes haillons d'argent 

Traversés de rayons 

Flottent follement 

Sans rime ni raison... 

Emmène-moi vers les rivages où vibre la clarté, 

Loin du tapage, aux Îles Fortunées 

Ô dépose-moi, 

Sur les lointaines plages, aux Îles Fortunées.


11 Juste une chanson 

Sublime mendiant 

Dans l'éternel instant, 

Buveur d'azur, 

Balloté dans l'air pur, 

Tu voltiges, papillon ivre, 

Du désert aux pays de givre. 

Et puis tu danses, 

Vague réminiscence, 

Sur le sable... 

Reflet insaisissable, 

Tu te ris des mailles du filet, 

Flocon d'écume, ô ma liberté! 

Juste une chanson pour t'accompagner 

Sur le chemin de la vie, 

Comme une amie qui te tient compagnie, 

A qui tu peux te confier... te confier. 

Quelques notes glânées au passage 

D'une subtile mélodie, 

Fruits sonores hâtivement cueillis, 

Dégringolés des nuages... des nuages. 

Je sais que demain tu partiras 

Sans un adieu, ainsi c'est mieux ; 

Je sais aussi que tu reviendras, 

Je l'ai lu dans tes yeux... 

J'ai découvert ton jardin secret, 

Ta rocaille exotique, 

Tes hibiscus, tes fruits des tropiques, 

Alors je suis resté... resté. 

Pauvre poète battu par les vents, 

Tes ailes fatiguées 

Sèment la poussière des rêves dorés 

Qu'on partageait avant... avant. 

Si tu dois rentrer plus tôt que prévu, 

Te cacher dans un port, 

Je serai sur ma tour, guettant dehors, 

Muni de ma longue-vue... ma longue-vue.




AUX ÎLES FORTUNÉES

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