Actu'Alizé d'Avril n°44
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Les Écrits de la<br />
marge:<br />
“De la<br />
complexité sans<br />
complexe…’’<br />
Par Xavier LAINÉ<br />
Voilà que ça me travaille,<br />
que ça perturbe mes nuits<br />
et qu’il me faut bien<br />
commencer par quelque<br />
chose.<br />
Alors je vais commencer par<br />
poser l’axiome suivant : rien<br />
n’échappe à la présence de<br />
notre cerveau.<br />
Une petite histoire pour<br />
commencer : Bruno fut l’un de mes<br />
tout premier patient. Il était<br />
presque à la retraite, mais un<br />
paysan, ça ne s’arrête jamais. Il fut<br />
opéré d’une hanche qui le faisait<br />
souffrir en un temps qui ne<br />
connaissait pas encore les<br />
prothèses. Mais voilà qu’en 1981, le<br />
fils du chirurgien avait pris la<br />
relève de son père. Une amitié<br />
avait pris sa source dans les aléas<br />
de la seconde guerre mondiale. Le<br />
fils, chirurgien lui-même, propose à<br />
Bruno de remplacer l’arthrodèse de<br />
son père par une belle hanche<br />
toute neuve.<br />
Frais émoulu de mon diplôme, je<br />
reçois Bruno en rééducation et<br />
mets à son service toutes mes<br />
compétences. Et voilà qu’heureux<br />
je les vois marcher, mes<br />
compétences, et sans canne !<br />
Bruno sort donc de rééducation et<br />
je reste un moment sans le<br />
rencontrer. Mais voilà que je vais<br />
en ville et que, sur l’artère<br />
principale, je vois un homme boiter<br />
comme s’il avait une arthrodèse.<br />
L’homme se retourne et quelle ne<br />
fut pas ma surprise de découvrir<br />
Bruno, une canne en main,<br />
marchant péniblement. Heurté<br />
dans mon amour propre, je lui<br />
propose de consulter pour revenir<br />
passer quelques temps en<br />
rééducation… Mon savoir faire agit<br />
pour le mieux et Bruno sort sans<br />
boiter ni canne… Mais quelques<br />
temps plus tard, je le croise de<br />
nouveau en ville…<br />
Je suis resté longtemps à<br />
m’interroger sur mes compétences.<br />
Nous étions en 1981, et j’avais<br />
appris comme beaucoup que nous<br />
avions un potentiel de neurones<br />
que nous perdions un peu chaque<br />
jour…<br />
Bien sûr, nous voulons toujours<br />
Comment comprendre<br />
o u<br />
r e n d r e<br />
compréhensible?<br />
comprendre, même ce qui ne peut<br />
que nous échapper. Or, comme j’ai<br />
pu le constater dans les premières<br />
décennies de mon engagement<br />
professionnel, j’ai découvert avec<br />
stupeur que les bases scientifiques<br />
me manquaient cruellement, car<br />
fort peu enseignées. Ce que nous<br />
nommons démarche scientifique<br />
relève au mieux d’une validation<br />
statistique de nos pratiques et<br />
s’avèrent insuffisantes à expliquer<br />
des phénomènes dont la causalité<br />
directe est parfois invisible.<br />
Je me suis donc mis en recherche.<br />
Il serait un peu long de vous faire<br />
part ici du contenu exact de mes<br />
recherches (je tiens une<br />
bibliographie exhaustive des<br />
nombreuses pistes explorées).<br />
Je vais donc vous les citer dans un<br />
ordre chronologique de<br />
découverte :<br />
1. J’ai commencé par explorer les<br />
pistes de la psychologie clinique<br />
et de la psychanalyse. Puisque<br />
rien ne permettait d’expliquer<br />
de façon directe certains<br />
phénomènes, il fallait que<br />
quelque chose vienne, invisible<br />
sinon dans la répétition des<br />
phénomènes, comme s’ils<br />
étaient encartés dans les<br />
couches inconscientes de<br />
l’individu. Cette piste pouvait<br />
apporter certains éclairages<br />
mais me laissa sur ma faim.<br />
2. Je me suis tourné alors vers les<br />
philosophes : qu’avaient-ils à<br />
me dire sur ces « symptômes »<br />
et leur lien avec la vie ? Ce fut<br />
l a d é c o u v e r t e d e l a<br />
phénoménologie, de Hegel, en<br />
passant par Husserl et Merleau-<br />
Ponty, mais bien entendu aussi,<br />
Georges Canguilhem, et, pour<br />
finir, un retour sur Spinoza.<br />
Actu’Alizé N°44 - Avril 2017 17