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Atelier paysan - ACTES OK

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LA SOUVERAINETÉ́ TECHNIQUE ET TECHNOLOGIQUE DES PAYSANS EN QUESTION<br />

AGRICULTURE INTELLIGENTE OU PAYSANS EXPROPRIÉS DE LEURS SAVOIRS<br />

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tient à tout le monde, ils sont ancrés dans des lieux,<br />

des époques et des collectifs. Il n’y a pas de paroles<br />

sans échanges et quand je parle de savoirs communs,<br />

je n’invoque pas des savoirs universels mais je désigne<br />

des communs situés.<br />

Parler des plantes (et a fortiori des animaux), c’est<br />

parler d’êtres vivants avec lesquels nous sommes en<br />

interaction, nous communiquons ; le <strong>paysan</strong> ne calcule<br />

pas, il est toute l’année dans sa ferme et l’écosystème<br />

social qui l’entoure et les appréhende dans leur globalité.<br />

Son savoir pourrait se défi nir comme la capacité, au<br />

moment où il le faut, à prendre une décision à même<br />

de pérenniser sa ferme. Cela n’a rien à voir avec une<br />

« agriculture intelligente » assistée par ordinateur et<br />

c’est bien souvent a posteriori qu’il se rend compte,<br />

qu’il analyse pourquoi il a agi de telle ou telle manière.<br />

Même d’éminents professeurs de cette institution<br />

[AgroParisTech], comme Marc Dufumier, le disent à<br />

leurs étudiants en cours d’agronomie : « La première<br />

chose que vous devez faire, c’est le tour des champs<br />

pour percevoir des signaux que vous ne verrez pas<br />

dans les livres d’agronomie. » Quand on est <strong>paysan</strong>, on<br />

reçoit en permanence ces signaux et le moindre changement<br />

; ce sont eux qui nous permettent de prendre<br />

les bonnes décisions. Pour moi, cette intelligence <strong>paysan</strong>ne<br />

est l’inverse de l’agriculture qui repose sur les<br />

calculs des logiciels.<br />

aspect car il est important de voir que ces « révolutions<br />

vertes » n’ont fait que remplacer l’énergie du <strong>paysan</strong><br />

par l’énergie fossile (le pétrole qui permet de fabriquer<br />

des engrais…) qui l’a exproprié.<br />

Les outils juridiques de cette expropriation des semences<br />

<strong>paysan</strong>nes sont connus :<br />

– le catalogue des semences qui liste les variétés<br />

homogènes et stables pouvant être commercialisées<br />

(et adaptées à des systèmes agricoles homogènes et<br />

stables) ;<br />

– le certifi cat d’obtention végétale qui consiste pour un<br />

obtenteur à se faire délivrer un titre de propriété sur des<br />

semences qu’il a pris dans les champs des <strong>paysan</strong>s et<br />

transformé en variétés homogènes et stables pour les<br />

revendre. L’obtenteur se rémunère également en faisant<br />

payer au <strong>paysan</strong> qui ressème une partie de sa récolte<br />

des royalties rendant les semences de fermes plus<br />

chères que les commerciales qu’il vend. Les royalties<br />

sur les semences de fermes représentent des sommes<br />

énormes.<br />

Aujourd’hui, le système de la variété homogène et stable<br />

est terminé même si on continue à devoir se battre<br />

contre. Le droit de propriété intellectuelle est désormais<br />

déposé non plus sur les semences physiques mais sur<br />

Aujourd’hui, le système<br />

de la variété homogène<br />

et stable est terminé<br />

et le droit de propriété<br />

intellectuelle est désormais<br />

déposé non plus sur les<br />

semences physiques<br />

mais sur l’information<br />

génétique elle-même.<br />

crédit photo : CIAT<br />

Le lieu où nous nous trouvons est intéressant. Dans<br />

cet amphithéâtre, il reste des cendriers mais il n’y a<br />

pas de wifi … Nous ne sommes pas un « amphithéâtre<br />

intelligent » mais dans l’arène d’un ancien système de<br />

connaissances.<br />

Pendant la révolution verte, les <strong>paysan</strong>s ont été dépossédés<br />

de leurs semences locales qui étaient le fruit<br />

d’échanges, de sélections et de l’histoire. On nous a<br />

vendu des semences améliorées en nous disant qu’on<br />

aurait de meilleurs rendements. Ça a été vrai, pas du fait<br />

de l’amélioration des plantes, mais de leur adaptation à<br />

la mécanisation et aux intrants. Et les rendements ont<br />

été meilleurs en monoculture (avec les maïs hybrides<br />

F1, par exemple) ; la productivité par unité de travail<br />

humain a augmenté (chaque <strong>paysan</strong> a fabriqué plus de<br />

matière). Mais si on parle d’agroécologie <strong>paysan</strong>ne sur<br />

des petites fermes avec des semences <strong>paysan</strong>nes, des<br />

systèmes de cultures associées et des animaux, beaucoup<br />

moins mécanisables, la production de nourriture à<br />

l’hectare est bien supérieure à celle des monocultures<br />

et des semences « améliorées »… Il faut relativiser les<br />

progrès en matière de productivité. J’insiste sur cet

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