TEMPS FORT / 24 HEURES AVEC VINCENT PHILIPPE Dimanche 7 h 00 Si les deux Yamaha, le YART et le GMT, sont installées en tête, la bataille fait rage pour la troisième marche du podium. À ce stade de la course, la Honda du team japonais FCC TSR, la Kawasaki du SRC et la Suzuki sont en lice. Ce qui n’a pas l’air de totalement réjouir Vincent, entouré de son père Guy et de sa compagne Clémence. Dimanche 15 h 10 Les efforts des uns et des autres n’ont pas suffi à endiguer la remontée de Randy de Puniet au guidon de la Kawasaki. Le trio Vincent Philippe/Étienne Masson/Alex Cudlin échoue au pied du podium. Alors que tout le monde attend le retour de Vincent devant le box, c’est finalement ses deux équipiers qui le rejoignent pour recevoir le premier « Anthony Delhalle EWC Spirit Trophy » des mains de Jessie, la femme d’Anthony. 138 /<strong>GP</strong> RACING - Juin-Juillet-Août 2017
Si Vincent Philippe a explosé les compteurs en ce qui concerne les victoires au Bol d’Or – il en a engrangé huit entre 2004 et 2016 –, le Jurassien n’a encore jamais inscrit son nom au palmarès des 24 Heures du Mans. Et ce n’est pas faute d’œuvrer dans ce sens depuis le départ de sa carrière en endurance pour le SERT, écurie basée à quelques encablures du circuit Bugatti. Mais fi de considérations géographiques, l’enjeu revêt, pour la 40 e édition des 24 Heures du Mans, une tout autre dimension. Touché dans sa chair, le SERT se remet difficilement du drame qui s’est déroulé le 9 mars dernier sur le circuit de Nogaro. Alors que la Suzuki faisait ses premiers tours de roue sur la piste gersoise pour une séance d’essais privée, Anthony Delhalle en a perdu le contrôle. Les secours n’ont rien pu faire pour le ramener à la vie. Titulaire depuis le Bol d’Or 2011, Anthony était un excellent pilote mais surtout un compagnon unanimement apprécié dans le paddock et adulé par ses coéquipiers. Le choc a été immense, et le vide sidéral. Dire que son souvenir dans le cœur des acteurs du SERT a été omniprésent tout au long de la semaine mancelle n’est pas un euphémisme. Autre fracture dans l’équilibre immuable d’une famille parfaitement soudée : celle du chef. Cofondateur et inamovible leader de l’équipe, Dominique Méliand n’était pas au Mans. Enfin, pas sur le circuit, mais dans une maison de convalescence de la région pour se remettre sur pied après une lourde intervention de chirurgie vasculaire. Un rôle repris par Dominique Hébrard, jeune ingénieur arrivé depuis quelque temps au SERT. Dans une ambiance pesante, où des larmes discrètes étaient pudiquement écrasées, la moto s’est qualifiée en sixième position. Une place dans l’épi qui n’a guère d’importance pour le déroulement de la course, ni même sur le moral des troupes. Après une longue, très longue procédure, commencée par un poignant hommage à Anthony face aux tribunes de la ligne de départ bondées, Vincent finit par s’élancer pour traverser la piste et enfourcher la Suzuki n° 1. « LA NUIT, ON A LA SENSATION DE ROULER DANS UN COULOIR » Une course parfaite, si ce n’est la dernière foulée où son pied droit glisse dans le dernier appui. Difficile de dire si la vivacité de la douleur en est responsable, mais Vincent s’extirpe comme un obus de la meute et attaque en tête le freinage de la chicane Dunlop. De quoi mettre un peu de baume au cœur des hommes massés devant les écrans dans le premier garage de la ligne droite des stands. Douleur dans la cheville ou délicatesse avec les Dunlop, Vincent n’arrive pas à contenir les Yam’, mais aussi la Kawasaki du SRC. Après une heure de course, la Suzuki compte un tour de retard sur la tête de course. Un écart qui va se maintenir jusqu’à la tombée de la nuit. Les Yam’ du YART et du GMT tournent comme des horloges. La Kawa a pris du retard, sur une petite chute, la Honda TSR est dans le coup également. Au fil des relais, qui sont souvent doublés, Alex Cudlin étant un peu moins rapide que ses coéquipiers, Vincent se confie en rentrant dans le barnum qui fait office d’espace de vie dans le second paddock : « La nuit, c’est très particulier. On perd la notion de l’ambiance extérieure et l’on a l’impression de rouler dans un couloir, comme dans un jeu vidéo. L’humidité mange les pneus et l’on est obligé de rouler avec des gommes plus dures. » Au fil de la nuit, la partie se fait plus serrée avec la remontée de la Kawasaki. Fidèle à son habitude, Vincent n’utilise sa cabine dans le camion dortoir que pour se changer. Le reste de ses temps de repos, il le passe entre les mains du kiné du team où il lui arrive de s’endormir quelques instants. Alors que la nuit est bien installée, un crachin s’invite. « Il faut alors redoubler de prudence », confie-t-il. Dix minutes plus tard, Étienne Masson se fait piéger. Une première petite chute suivie d’une seconde, cette fois sur l’huile versée par la casse moteur d’un concurrent. La messe est dite. Reste l’espoir du podium... qui s’échappe sous les assauts de la Kawasaki et du très véloce Randy de Puniet. L’histoire se termine à la 4 e place : « Je ne suis pas satisfait. On aurait dû faire mieux. Je voulais que l’on soit sur le podium pour Anthony. On termine quatrième avec de précieux points. On conserve notre première place au championnat, c’est ce qu’il faut retenir. » Juin-Juillet-Août 2017 - <strong>GP</strong> RACING /139
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