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Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

DIDIER VIODÉ<br />

Puis, avec les conflits du Moyen Orient et le déferlement<br />

des réfugiés syriens ainsi que l’augmentation de<br />

la vague migratoire en provenance d’Afrique, vient la<br />

série Les Exilés :<br />

« J'entrevois dans cette série le surgissement des<br />

figures de l'exil qui se succèdent jusqu'à l'immigré et<br />

l'émigré d'aujourd'hui pourchassés d'entre les frontières<br />

du monde actuel. De Ceuta a Melilia, dans les<br />

gorges du Lac Tanganyika, dans la fournaise du Sahara,<br />

sur les chemins ardus de l'existence, ces nomades d'un<br />

monde cruel, dans la gueule de la Méditerranée, dans<br />

ces eaux cruelles de nos Océans...L'infortune partout,<br />

la détresse comme ombre et leur souffrance en bandoulière<br />

sur les routes de l'espoir, dans ces deltas avec leurs<br />

peines et désespérances. Seule leur force depuis les<br />

temps immémoriaux. Seuls dans l'obscurité du devenir<br />

pour ne jamais revenir. J'entrevois dans ces ombres, la<br />

détermination vivace de ceux et celles qui démontrent<br />

encore, si besoin en était, que le nomadisme est le premier<br />

temps de l'Histoire des hommes qui écrivent avec<br />

leurs sueurs les attentes nouvelles sur les vagues de la<br />

haine et de la xénophobie terrifiantes, renouvelant ainsi<br />

les sillons et les contours de mondes nouveaux. Exilées<br />

sont nos ombres ténébreuses mais jamais nos aspirations<br />

lumineuses... »<br />

(Texte spontané de Cheikh Tidiane Diop).<br />

Depuis 2001, les toiles de Didier Viodé ont fait l’objet<br />

de 15 expositions individuelles et ont été présentes dans<br />

autant de collectives. Plusieurs de ses bandes dessinées<br />

ont été publiées et ses vidéos ont participé à divers évènements<br />

du genre. ■<br />

C. T. D. : Mais « l’attente » est la sempiternelle problématique<br />

pour les Africains pour qui ce sont les autres<br />

qui viendront développer le continent. C’est une posture<br />

de résignation de la part des dirigeants politiques fainéants<br />

tenus dans l’incapacité de faire l’Histoire de nos<br />

pays par absence de vision doublée d’une non prise de<br />

conscience de nos ressources véritables. Ainsi souffrent<br />

les acteurs véritables du développement comme c’est le<br />

cas de la communauté des ARTISTES qui ne jouissent<br />

d’aucun cadre ni d’aucun relai pour faire éclore leur<br />

génie et contribuer au développement économique de<br />

nos pays. Il suffit de considérer le manque à gagner en<br />

tant que vecteur d’emplois et de richesses produites<br />

pour se rendre compte de l’absence de bon sens dans<br />

nos visions du développement et c’est la culture, sous<br />

nos cieux, qui en pâtit le plus. ■<br />

31 mars – Échange entre Didier Viodé et Cheikh Tidiane Diop, Sociologue et<br />

écrivain, Secrétaire Général du Ministère Sénégalais de l’Économie.<br />

André Jolly<br />

DIDIER VIODÉ ET<br />

FACEBOOK<br />

Né en Côte d’Ivoire de parents béninois, Didier Viodé a<br />

obtenu son baccalauréat à Cotonou avant d’être admis<br />

à l’école des beaux-arts d’Abidjan l'INSAAC (Institut<br />

National Supérieur de l’Art et de l’Action Culturelle).<br />

En 2002, la Côte d’Ivoire traversant une instabilité<br />

politique, il émigre en France et poursuit sa formation<br />

à l'école des Beaux-arts de Besançon où il obtient son<br />

DNSEP en art en 2007.<br />

À Besançon il va se détacher de ses connaissances académiques<br />

et être plus libre dans ses recherches. Dans<br />

ses créations, il s'inspire de la rue, des médias, de ses<br />

rapports humains, et de son expérience personnelle de<br />

l'immigration.<br />

A côté de la peinture et de la bande dessinée, point<br />

de départ de ses créations picturales, il expérimente<br />

d’autres médiums : collage, photographie et vidéo.<br />

Didier Viodé a toujours été attiré par l’univers de la<br />

bande dessinée. Autodidacte dans ce domaine, il dessine<br />

pour raconter sa vision du monde. « Etranger sans<br />

rendez-vous », une bande dessinée réalisée suite aux<br />

émeutes de 2004 en Côte d’Ivoire nous plonge dans un<br />

dialogue sans jugement entre Kouassi l’exilé ivoirien et<br />

une jeune Française.<br />

Parallèlement, il coud un grand drapeau symbolique<br />

aux couleurs de la France et de la Côte d’Ivoire pour<br />

s’insurger contre la persistance de la « Françafrique ».<br />

En 2007, au cœur des débats sur l’immigration, il<br />

entame une série de peintures intitulées « Les Marcheurs<br />

». Ses personnages viennent de la rue, parlent<br />

de l’Afrique, d’ailleurs, de la France, des liens et des<br />

ruptures, dans une langue qui résonne contre le béton<br />

brut et rebondit dans un élan acrobatique propre à la<br />

jeunesse. Les toiles ne sont pas tendues sur des châssis,<br />

elles sont libres et composées de silhouettes humaines<br />

qui avancent dans le même sens au péril de leur vie.<br />

En 2008, il filme l’investiture de Barack Obama en<br />

direct sur sa télé avec une vieille caméra pour témoigner<br />

de ce qui paraissait impensable dans un pays où<br />

on n’imaginait pas un noir au pouvoir de sitôt.<br />

La présence de l’armée française au Mali depuis 2013<br />

dans la lutte contre le terrorisme l’amène à poursuivre<br />

son travail autour du drapeau : « Diptyque Flags, USA/<br />

Iraq », « triptyque Flags, le MESSIE ». Il s’interroge<br />

sur le néocolonialisme et l’impérialisme.<br />

Au cours de la même année, s’intéressant à l’espace<br />

urbain, au mouvement et à la vitesse, il s’initie aux<br />

techniques du timelapse et réalise ses premières vidéos<br />

expérimentales City in motion et Vesontio. Puis il réalisera<br />

d’autres vidéos hyperlapses sur Paris et Marseille.<br />

En 2015, après les attentats de Charlie Hebdo, il décide<br />

de photographier des passants anonymes dans les rues<br />

afin de braver les amalgames et les peurs.<br />

Didier Viodé : Ce printemps, on fait l’éloge de l’art<br />

contemporain africain dans les presses parisiennes<br />

comme si on venait de découvrir à nouveau l’Afrique.<br />

Sérieux ! On ne foutait rien avant ? On roupillait tranquillement<br />

sous nos cocotiers pendant que les autres<br />

nations étaient réveillées ? En 1989, lorsqu’il y a eu l’exposition<br />

‘’Les magiciens de la terre’’, on parlait déjà de<br />

la nouvelle vague africaine. Ce fut pareil avec ‘’Africa<br />

Remix’’ en 2005. On ne devrait pas attendre les évènements<br />

nés de la volonté des dénicheurs et critiques<br />

européens pour qu’on nous montre comme des curiosités<br />

dans des lieux culturels prestigieux. L’Afrique est un<br />

Musée à ciel ouvert. De Dantokpa a Adjamé, de Lagos<br />

à Conakry pullulent des installations, des couleurs, des<br />

formes… L’esthétique est dans nos coeurs. Nos mécaniciens,<br />

soudeurs, maçons, menuisiers sont de véritables<br />

sculpteurs. On recycle tout avec peu… On vit avec l’art<br />

au quotidien. L’histoire de l’art africain, et des peuples<br />

oubliés, devrait être enseignée dans toutes les écoles<br />

d’art afin que les générations futures comprennent que<br />

nous sommes tous hantés par les mêmes questionnements.<br />

Il n’y a que la façon de procéder qui diffère d’un<br />

individu à l’autre. La ghettoïsation de l’art emprisonne<br />

l’art… Joseph Beuys disait « L’art, c’est la vie »… Vivons<br />

ensemble avec nos richesses culturelles sans spolier<br />

l’autre. Je ne voudrais offenser personne dans mes propos.<br />

Vive l’art sans frontières !!!<br />

Cheikh Tidiane Diop : Didier, il en est de l’art africain<br />

comme de l’état de tous les autres secteurs d’activité en<br />

Afrique traités sans réelle importance. Il s’ensuit un<br />

marasme délirant lié à l’absence de prise de conscience<br />

de la valeur réelle de nos potentialités économiques. En<br />

Afrique, hélas, c’est le problème que nous rencontrons,<br />

c’est-à-dire que rien n’a de valeur qu’une fois sorti du<br />

continent. Les occidentaux continuent à tirer les ficelles<br />

de cette créativité foisonnante sans que les artistes africains<br />

n’en soient considérés pour autant.<br />

D. V. : « Rien n’a de valeur qu’une fois sorti du continent<br />

» … Vraiment… Si seulement on pouvait se rendre<br />

compte de notre richesse. On ATTEND, comme tu l’as<br />

si bien décrit dans ton ouvrage « L’Afrique en attente ».<br />

On attend quoi même ? Merci pour ton regard.<br />

p. 34<br />

p. 35

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