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PARIS - COTONOU - PARIS • GALERIE VALLOIS 35 & 41 • 2017 UNE ANNÉE SOUS LE SIGNE DU BÉNIN<br />

GALERIE VALLOIS 35<br />

35, RUE DE SEINE 75006 PARIS<br />

T : +33 (0)1 43 25 17 34<br />

VALLOIS35@VALLOIS.COM<br />

WWW.VALLOIS.COM<br />

PREMIÈRE ANNÉE NUMÉRO 7<br />

GALERIE VALLOIS 41<br />

41, RUE DE SEINE 75006 PARIS<br />

T : +33 (0)1 43 29 50 80<br />

VALLOIS41@VALLOIS.COM<br />

WWW.VALLOIS.COM<br />

PARIS - COTONOU - PARIS


PARIS - COTONOU - PARIS • GALERIE VALLOIS • 2017 UNE ANNÉE SOUS LE SIGNE DU BÉNIN •<br />

Paris Cotonou Paris<br />

SOMMAIRE<br />

L'ÉDITO4<br />

LE BÉNIN ET LE MARCHÉ DE L’ART 5<br />

LES ÉCHOS DU CENTRE 6<br />

Résidences6<br />

Événements6<br />

Dons d'artistes8<br />

Des activités9<br />

PARIS-COTONOU-PARIS10<br />

Sixième vernissage10<br />

Au 35 rue de Seine 13<br />

Marius Dansou 14<br />

¬ ¬ Interview de Marius Dansou 15<br />

Roberto Diago 24<br />

Didier Viodé 34<br />

¬ ¬ Didier Viodé et Facebook 35<br />

Au 41 rue de Seine 44<br />

Jean-Baptiste Janisset 45<br />

¬ ¬ Interview de Jean-Baptiste Janisset 46<br />

Makef 56<br />

¬ ¬ Interview de Makef 57<br />

CRÉDITS & REMERCIEMENTS 68<br />

ON A BESOIN DE VOUS 69<br />

p. 3


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

L'ÉDITO<br />

LE BÉNIN ET LE MARCHÉ DE L’ART<br />

Depuis mars 2017, les Galeries Vallois des 35 et 41 rue<br />

de Seine inaugurent chaque mois une exposition dans<br />

le cadre de leur programmation annuelle « Paris-Cotonou-Paris<br />

». Déjà trente artistes exposés et huit encore<br />

attendus en novembre et décembre. Le point commun<br />

entre tous ces artistes, c’est qu’ils sont béninois ou,<br />

quand ils ne le sont pas, c’est qu’ils ont effectué un<br />

séjour au Centre Arts et Cultures de Lobozounkpa à<br />

Godomey (Bénin), ce lieu de résidence artistique, de<br />

création et d’échanges entre artistes béninois et étrangers,<br />

créé par Bob Vallois avec l’appui de ses amis du<br />

Collectif des Antiquaires de Saint-Germain-des-Prés,<br />

inauguré en 2015 et complété, la même année, par Le<br />

Petit Musée de la Récade.<br />

Le Centre n’est pas né par hasard au Bénin. Si l’attention<br />

du mécène Robert Vallois a été attirée par le Bénin c’est<br />

avant tout parce que la scène artistique contemporaine<br />

béninoise est d’une extraordinaire vitalité et diversité.<br />

Au cours de ces dernières années, des artistes africains<br />

ont atteint une reconnaissance mondiale et occupent à<br />

présent une place grandissante sur le marché de l’art. Le<br />

Bénin est aujourd’hui aux avant-postes de cette dynamique<br />

créative. Il bénéficie désormais d’une notoriété<br />

absolument justifiée et d’autant plus surprenante qu’il<br />

s’agit d’un des plus <strong>petit</strong>s pays du continent africain.<br />

En ce mois d’octobre 2017, cinq artistes se partagent les<br />

cimaises et les différents espaces des deux galeries. Au<br />

41, deux artistes intrigants : un nouveau venu, Makef,<br />

béninois, qui, dessinant la nuit, avec une extrême<br />

minutie, sur les pages des vieux cahiers d’écoliers de<br />

ses enfants, nous entraine dans une rêverie poétique<br />

peuplée d’improbables personnages et d’étranges créatures,<br />

une rêverie qu’il nomme « Mes insomniaques<br />

et nuits d’errance ». Et puis, un jeune artiste français,<br />

Jean-Baptiste Janisset qui, dans une démarche également<br />

très originale, élabore un travail sur la mémoire,<br />

sur les traces de l’histoire, notamment coloniale « une<br />

manière (dit-il) d’évoquer l’histoire négrière et coloniale<br />

de la France, de Nantes, et de penser l’idée d’un<br />

retour/restitution des patrimoines et forces symboliques<br />

en Afrique ». Une démarche analogue, à sa<br />

façon, à celle qui a présidé à la création, dans l’enceinte<br />

du Centre, du Petit Musée de la Récade qui a bénéficié<br />

du don d’une cinquantaine d’importants objets appartenant<br />

au patrimoine culturel et historique du Bénin,<br />

acquis sur le marché occidental.<br />

Trois artistes partagent la galerie du 35 : peintre, photographe,<br />

vidéaste, auteur de bandes dessinées, Didier<br />

Viodé construit une œuvre marquée par une profonde<br />

empathie envers la souffrance d’autrui, notamment<br />

celle des réfugiés. Une œuvre où s’entrecroisent les<br />

questionnements politiques et existentiels.<br />

Marius Dansou est sculpteur et il est, à mon sens, une<br />

sorte de prestidigitateur. Son thème favori ce sont les<br />

coiffures féminines des Africaines, souples, légères et<br />

très élaborées. Pour les représenter et les sublimer, il<br />

utilise un des matériaux les plus rigides qui soient, le<br />

fer à béton. Et le miracle s’accomplit !<br />

Roberto Diago vient de Cuba. Peintre, sculpteur, installateur,<br />

il a exposé dans plus de vingt pays à travers<br />

le monde et, aujourd’hui, il est, ainsi que le dit David<br />

Castener : l’un des artistes noirs américains les plus<br />

influents de notre temps, appartenant à une génération<br />

ouvertement engagée envers la négritude et l’antiracisme<br />

* . ■<br />

André Jolly. Ancien attaché culturel et directeur de l’Institut Français de Cotonou.<br />

Vue du Petit Musée de la Récade en juillet 2017.<br />

* Extrait du texte de David Castener publié dans le <strong>cata</strong>logue de l’exposition de<br />

Roberto Diago à la Galerie Vallois en mai 2016.<br />

Je voudrais faire ici une remarque : les artistes béninois,<br />

dans leur grande majorité, vivent et travaillent au<br />

Bénin. À ce sujet, j’ai relevé dans le magazine Télérama<br />

du 15 mars 2017, sous la plume de Raoul Mbog, un<br />

article intitulé « L’avenir de l’art est en Afrique ». On<br />

pouvait y lire ceci : Inspirée par des pointures comme<br />

le camerounais Barthélémy Toguo ou le nigérian<br />

Yinka Shonibare, la nouvelle garde entend faire parler<br />

d’elle. Notamment à travers une esthétique volontiers<br />

provocatrice et politique, et des œuvres souvent en<br />

lien étroit avec l’actualité. Ces jeunes plasticiens font<br />

le pari de conquérir, eux aussi, le marché international<br />

de l’art tout en vivant et en créant dans leur pays<br />

[…], ils refusent de céder à la tentation de l’exil. Un<br />

constat auquel je souscris entièrement. Comme je partage<br />

les réflexions de Roxana Azimi (Le Monde Afrique,<br />

9 septembre 2015) : Une des principales richesses de<br />

l’Afrique : l’art. De Dakar à Kinshasa, de Cotonou au<br />

Cap, les artistes s’activent malgré l’absence de plateformes<br />

de production, le manque de moyens, de visibilité<br />

et de considération.<br />

Certes, les Galeries Vallois, depuis six ans, concourent à<br />

donner une visibilité large aux jeunes artistes béninois,<br />

aux 35 et 41 rue de Seine, mais aussi à travers d’autres<br />

institutions (Unesco et Musée Guggenheim de Bilbao<br />

en 2015, Centre d’art contemporain de Tanlay en 2016,<br />

Villa Arson à Nice cette année ainsi que le Musée africain<br />

de Lyon, la biennale de Lyon et la Casa de Àfrica<br />

à la Havane, Cuba) ou sur le marché de l’art (Art Paris<br />

Art Fair 2016 et 2017 au Grand Palais, AKAA 2016 et<br />

2017 au Carreau du Temple, Parcours des Mondes 2016<br />

et 2017 à Saint-Germain-des-Prés). Mais ces artistes<br />

doivent-ils pour autant s’en remettre à Bob Vallois<br />

pour « faire le job » ? J’ajouterais « leur job ». C’est<br />

à eux naturellement qu’il revient, en premier lieu, de<br />

conquérir le marché de l’art et, pour cela, d’être présents<br />

sur les nouvelles possibilités de communication<br />

qu’offre aujourd’hui Internet dans ce monde globalisé.<br />

S’il veut avoir une chance de s’y faire une place, l’artiste<br />

africain doit être connecté avec les réseaux artistiques<br />

du monde entier.<br />

Le numérique, la téléphonie cellulaire, Internet ont<br />

permis à l’Afrique, au cours des vingt dernières années,<br />

de dynamiser son développement et de faire un indéniable<br />

bond en avant. L’art est un liant social autant<br />

qu’un facteur de développement économique poursuit<br />

Roxana Azimi. De fait, les artistes sont à la fois la vitrine<br />

et le cœur de ce développement. C’est pourquoi leurs<br />

œuvres doivent être facilement accessibles sur Internet,<br />

à travers leur site personnel, les réseaux sociaux, des<br />

blogs et aussi (et surtout) des plateformes de production<br />

et de communication. Pour cela, les artistes doivent<br />

être solidaires, réunis en associations, en collectifs et,<br />

au moyen d’instruments informatiques performants,<br />

maintenir ensemble, donc en force, un contact permanent<br />

et actualisé avec les musées, les galeries, les revues<br />

d’art, les critiques d’art, les biennales, les foires d’art<br />

contemporain, les universités.<br />

En somme, comme le dit l’artiste ivoirien Paul Sika :<br />

Il ne faut pas juste produire de l’art, mais savoir l’offrir<br />

aux autres, le distribuer, l’envelopper. On doit être<br />

entrepreneurs. ■<br />

André Jolly<br />

Prince Toffa lors de l'exposition "Stop Ma Pa Ta" à la Villa Arson à Nice.<br />

p. 4 p. 5


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

LES ÉCHOS DU CENTRE<br />

RÉSIDENCES<br />

ÉVÉNEMENTS<br />

Formation Direction artistique : rôle et importance<br />

dans la carrière d’un artiste. 29, 30 & 31<br />

août.<br />

En collaboration avec Innov’artions. Fidèle Dossou –<br />

manager et président de l’association Premiers Pas – à<br />

formé les participants aux enjeux relatifs à la direction<br />

artistique. Ces temps de formation tentent d’apporter<br />

des solutions aux difficultés rencontrées par les différents<br />

acteurs du milieu artistique au Bénin. ■<br />

Formation Régie générale. 6, 7, 8 & 9 septembre.<br />

En collaboration avec le festival Arts en couleurs (Premiers<br />

Pas). Cette formation, menée par Ozdok – régisseur<br />

professionnel togolais– visait à former les participants<br />

à la réalité et la complexité de ce métier. ■<br />

¬ ¬ RÉSIDENCE #13<br />

Victor Boucon, Vanessa Rosa & Gérard Quenum ont<br />

rejoint Le Centre pour un mois de résidence de création. ■<br />

Concert Gopal Das & Duo Yonnah. Samedi 5 août.<br />

Atelier jeune public : dessin. 8 & 9 septembre.<br />

En collaboration avec le festival Arts en couleurs (Premiers<br />

Pas). Animé par Djihouessi Laurencon, plus de<br />

quarante enfants ont participé à cet atelier. ■<br />

Vanessa Rosa & Gérard Quenum au Centre.<br />

Vernissage de l’exposition Le Temps de Joël<br />

Pascal. Vendredi 1 er septembre.<br />

L’œuvre de Joël Pascal aborde inlassablement l’humain<br />

et sa relation au temps. Le Temps nous rappelle à notre<br />

condition, nous définit comme vivant. Entre paradoxes<br />

et ambigüités, l’artiste met en lumière la complexité qui<br />

lie l’être humain et le temps qui passe. Tant dans son<br />

processus de création que dans la dimension textuelle<br />

de son œuvre, Joël Pascal revient sur la confrontation<br />

des êtres et de leur passé, l’artiste laisse pressentir les<br />

tourments de l’Homme dans cette véritable course<br />

contre la montre qu’est la vie. L’œuvre de Joël Pascal<br />

nous télescope d’hier à aujourd’hui et nous invite à nous<br />

questionner sur notre manière d’envisager le futur. ■<br />

La Nuit des Contes. Lundi 14 août.<br />

Dans le cadre de la célébration de la 8 e édition de la Journée<br />

du Patrimoine Immatériel, Le Centre et Mémoires<br />

d’Afrique ont collaboré afin de perpétuer la tradition de<br />

l’oralité. ■<br />

Victor Boucon dans son atelier au Centre.<br />

Vanessa Rosa et Gérard Quenum, travail en cours au Centre.<br />

p. 6<br />

p. 7


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

DONS D'ARTISTES<br />

¬ ¬ DON DE G. NEA<br />

Arrêtons est une installation composée d’une sculpture<br />

centrale surélevée, entourée de 33 masques.<br />

Cette œuvre est un écho aux multiples conflits armés qui<br />

persistent et éclatent chaque jour dans ce monde. Les<br />

2400 (appellation commune des machettes au Bénin)<br />

incarnent, par extension, toutes les armes utilisées qui<br />

perpétuent la destruction de vies humaines.<br />

Autour de cette sculpture centrale, les masques<br />

incarnent les êtres humains qui subissent ces violences :<br />

- Le blanc, incarne les êtres qui portent l’espoir et<br />

appellent à la paix.<br />

- Le rouge, représente ceux qui souffrent quotidiennement<br />

de la violence de ces guerres.<br />

- Les noirs symbolisent les victimes, ceux qui sont partis.<br />

- L’incolore, fait référence aux médias qui attisent ces<br />

conflits sans pour autant en révéler la complexité.<br />

L’artiste souhaite attirer l’opinion internationale sur<br />

ces évènements et leurs conséquences, tant sur le plan<br />

social, qu'économique et culturel. Arrêtons est un appel<br />

à la résilience face aux drames qui rythment nos quotidiens.<br />

■<br />

¬ ¬ DON DE DJEKA<br />

Djeka revisite les classiques de la peinture occidentale,<br />

de l’antiquité à nos jours, en s’appropriant les nus de<br />

Raphaël, Ingres ou encore Matisse. Point de départ de<br />

ses créations, l’artiste y superpose une accumulation de<br />

fragments d’images, de matières, de textes et de dessins<br />

formant ainsi un palimpseste foisonnant.<br />

Les mêmes figures de femmes reviennent inlassablement,<br />

celles-ci sont des références directes aux statuaires<br />

Akan. Les Akans – dont est issue la Reine Abla<br />

Pokou (xviii e ) – ont pour caractéristique d’être un<br />

groupe ethnique dont les sociétés sont matrilinéaires,<br />

le femme revêt un rôle essentiel tant dans le domaine<br />

politique, économique que social. Dans cette dynamique,<br />

Djeka pose un regard quasiment divin sur la<br />

femme, sur celles qui donnent la vie, perpétuent les<br />

générations, transmettent le pouvoir et le savoir.<br />

Selon l’artiste, la globalisation tend à évincer les minorités<br />

et les traditions au profit d’une uniformisation des<br />

modes de fonctionnement et de pensée. Djeka invite<br />

à repenser la place des femmes dans nos sociétés, il<br />

affirme l’importance de déplacer le regard pour observer<br />

les différents systèmes qui ont fondé la complexité<br />

du continent africain. ■<br />

DES ACTIVITÉS<br />

Les cours de salsa.<br />

Tous les samedis de 18h à 20h. ■<br />

Ateliers de théâtre du Centre.<br />

Tous les samedis de 15h à 18h30. ■<br />

Les heures de jeu, jeune public.<br />

Baby-foot, jeux de société et coloriage sont proposés aux<br />

enfants du Centre tous les samedis de 15h à 18h30. ■<br />

Résidence #6<br />

Février 2016<br />

King Houndekpinkou, Jean-Baptiste Janisset<br />

Résidence #7<br />

Mai 2016<br />

Daphné Bitchatch, Franck Zanfanhouede,<br />

Aston<br />

Résidence #8<br />

Aout 2016<br />

Edwige Aplogan, Jérémy Guillon, Gratien Zossou<br />

Résidence #9<br />

Septembre 2016<br />

A-Sun Wu, Paloma Chang, Psycoffi<br />

Résidence #10<br />

Décembre 2016<br />

Marianna Capuano<br />

Résidence #11<br />

Janvier 2017<br />

Nazanin Pouyandeh, Meschac Gaba<br />

Hors programme<br />

Avril 2017<br />

Laurent Bruchet<br />

Résidence #12<br />

Mai 2017<br />

Ishola Akpo, Tété Azankpo, Julien Vignikin<br />

Hors programme<br />

Juin 2017<br />

Sara de La Villejégu, Éric Bottero<br />

Hors programme<br />

Juillet 2017<br />

Jean-Baptiste Djeka, Emile Gbede<br />

Résidence #13<br />

Septembre 2017<br />

Victor Boucon, Gérard Quenum, Vanessa Rosa<br />

Le club d’anglais pour les adhérents de la<br />

médiathèque<br />

Tous les mercredis de 15h à 17h. ■<br />

LES RÉSIDENCES<br />

Résidence #1<br />

Novembre 2014<br />

Rafiy Okefolahan, Charly Djikou<br />

Résidence #2<br />

Février 2015<br />

Nathanaël Vodouhè, Rémy Samuz, Sébastien Boko<br />

Résidence #3<br />

Mai 2015<br />

Niko, Charly d’Almeida, Théodore Dakpogan<br />

Résidence #4<br />

Octobre 2015<br />

Christelle Yaovi, Bruce Clarke, Stéphane Pencréac’h<br />

Arrêtons, 2017. Installation (machettes, masques), 119 x 121 x 109 cm.<br />

Renaissance Femme I, 2017. Série Hommage aux anciennes générations.<br />

Acrylique, craie, pastel, sur toile, 100 x 53 cm.<br />

Résidence #5<br />

Décembre 2015<br />

Olga Luna, Vincent Brédif<br />

p. 8 p. 9


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

PARIS-COTONOU-PARIS<br />

La Galerie Vallois est très honorée d’avoir reçu la visite de l’Ambassadeur du Bénin en France, Monsieur Auguste Alavo, ainsi que de l’Ambassadeur délégué à l’Unesco, Monsieur<br />

Irénée Bienvenu Zevounou pour ses expositions de septembre. De gauche à droite : Monsieur Irénée Bienvenu Zevounou, l’artiste Edwige Aplogan, Monsieur Robert Vallois et<br />

Monsieur Auguste Alavo.<br />

Coco Fronsac lors du vernissage.<br />

¬ ¬ AU 41<br />

SIXIÈME VERNISSAGE<br />

Le 7 septembre, Paris-Cotonou-Paris inaugurait la rentrée<br />

avec la sixième édition de son programme 2017<br />

consacré à l'art contemporain africain, tout particulièrement<br />

du Bénin.<br />

Les deux expositions, hautes en couleurs, ont permis aux<br />

visiteurs d'admirer ; au 35 rue de Seine un ensemble foisonnant<br />

de masques Gélédé de Kifouli Dossou ainsi que<br />

les subtiles photographies retouchées de Coco Fronsac,<br />

puis au 41 rue de Seine les toiles et installations grandioses<br />

d'Edwige Aplogan associées aux étonnantes<br />

sculptures de Charly d'Almeida ■<br />

Kifouli Dossou lors du vernissage.<br />

¬ ¬ AU 35<br />

Kifouli Dossou lors du vernissage.<br />

Installation d'Edwige Aplogan sur la façade du 41 rue de Seine.<br />

p. 10<br />

p. 11


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

De gauche à droite : Charly d'Almeida, Camille Bloc et Edwige Aplogan.<br />

du 5 au 28 octobre 2017<br />

Edwige Aplogan lors du vernissage.<br />

AU 35 RUE DE SEINE<br />

35<br />

Charly d'Almeida lors du vernissage.<br />

p. 12 p. 13


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

MARIUS DANSOU<br />

INTERVIEW DE MARIUS<br />

DANSOU<br />

même avec le fer à béton sur les tresses et ça m’a encouragé<br />

à continuer.<br />

A J : Depuis quelques années, on assiste à une véritable<br />

reconnaissance internationale de l’art contemporain<br />

en Afrique, comment l’expliques-tu ?<br />

Au Bénin, et plus généralement en Afrique, la coiffure<br />

féminine a une fonction de langage social particulièrement<br />

élaboré. Selon la manière dont elle a structuré ses<br />

cheveux, la femme qui l’arbore indique ses intentions,<br />

son humeur. Des coiffures très codifiées au point de<br />

constituer un véritable « langage des coiffures ». L’une<br />

des plus explicites est nommée : « Si tu sors, je sors ».<br />

plusieurs expositions au Bénin, au Togo, au Sénégal, en<br />

Angleterre et en France. ■<br />

André Jolly<br />

André Jolly : Comment est né ton intérêt pour les<br />

arts plastiques ?<br />

Marius Dansou : À la fin de mes études au lycée, je<br />

dessinais, je sculptais du bois de pirogue pour faire<br />

apparaître des visages. Puis j’ai intégré l’atelier de Dominique<br />

Zinkpè. A cette époque-là, il y a eu un moment<br />

important, ce fut le projet de Dominique, ‘’Boulv’Art<br />

– Les artistes dans la rue’’, un atelier à l’air libre, à la<br />

place de l’Étoile Rouge. J’ai participé, mais pas comme<br />

artiste, en fait je jouais le rôle de coursier. Quand il y<br />

avait besoin de quelque chose, c’est moi qui filais pour<br />

trouver et rapporter. Mais c’était la première fois que je<br />

voyais tant d’artistes travailler ensemble, des Béninois,<br />

des artistes étrangers. Il y avait une super ambiance et<br />

ça m’a vraiment motivé, donné l’envie de me lancer à<br />

mon tour.<br />

A J : Dans le bureau de Noël Vitin, à l’Institut Français,<br />

il y a y a un genre d’applique en métal sur le mur<br />

faite par toi. Elle date du moment où tu as commencé<br />

à travailler le fer ?<br />

M D : Comme je te l’ai dit, j’ai commencé avec des<br />

visages sculptés dans le bois de pirogue. Puis j’ai associé<br />

du métal, donc bois + métal, toujours pour représenter<br />

des visages. Puis, <strong>petit</strong> à <strong>petit</strong>, la matière métal<br />

s’est imposée à moi. Donc oui, ce travail dans le bureau<br />

de Noël, c’est à l’époque où j’ai commencé à travailler<br />

exclusivement sur le métal, avec le fer à béton. Lorsque<br />

je travaillais les masques en bois ou en fer, ma vision<br />

était en 2D. Depuis que les sculptures de têtes sont<br />

apparues, je modèle le fer en 3D.<br />

A J : En effet, ton travail a beaucoup évolué. Il est<br />

connu pour tes œuvres inspirées des coiffures féminines.<br />

Comment s’est produite cette évolution ?<br />

M D : C’est parce que nous avons beaucoup évolué. Au<br />

Bénin, par exemple, cette évolution est née, selon moi,<br />

avec des initiatives comme Boulv’Art en particulier. Les<br />

artistes se sont remis en question, ont été confrontés<br />

à d’autres artistes, à d’autres expériences. Si on prend<br />

par exemple Gérard Quenum, il avait fait une première<br />

installation. Depuis, il en fait d’autres, s’est lancé dans<br />

la peinture. Boulv’art, ça nous a beaucoup motivé. On a<br />

travaillé. Si l’Afrique est bien reconnue aujourd’hui, ça<br />

vient donc des artistes eux-mêmes.<br />

A J : A côté de ton travail d’artiste, tu as une autre<br />

activité qu’on peut résumer par le mot « Parking ».<br />

M D : Avec mes amis, on a remarqué qu’à Cotonou, il<br />

n’y a pas vraiment de lieu de rencontre pour les artistes,<br />

des endroits où ils puissent se retrouver pour discuter,<br />

échanger. D’où l’idée du « Parking », un bar qu’on a créé<br />

avec Benjamin Déguénon. Pas une simple buvette. On<br />

y accrochait des œuvres de plasticiens, il y avait aussi<br />

des musiciens, des chanteurs qui venaient s’y produire.<br />

Récemment, on a dû changer de place. Maintenant,<br />

c’est toujours le « Parking », mais on est dans un local<br />

plus grand qui comporte une salle d’exposition. C’est<br />

très récent, pour commencer, on a accroché des œuvres<br />

de nous-mêmes et de quelques amis. Mais je prévois,<br />

à la rentrée, de faire une première exposition avec un<br />

photographe. Et bien sûr de continuer avec l’ambiance<br />

musicale. ■<br />

C’est en parcourant les albums photos de sa mère que<br />

Marius Dansou fut frappé par la dimension artistique<br />

et la grande variété des coiffures que celle-ci y arborait.<br />

Il y puise alors son principal sujet pour ses créations. Et<br />

c’est avec un matériau particulièrement viril, difficile à<br />

travailler, le fer à béton, utilisé d’ordinaire sur les chantiers<br />

de construction, qu’il édifie des sculptures inspirées<br />

des coiffures traditionnelles béninoises.<br />

Pour Marius, le fer n’est pas un fil à retordre. Il en fait<br />

un crayon, celui qui dessine, qui trace et qui relie.<br />

D’un côté, la tradition : ce langage des coiffures et le<br />

travail ancestral du fer, dans la continuité des forgerons<br />

royaux de l’ancien royaume du Dahomey et, de l’autre,<br />

la modernité et l’apparente légèreté de sculptures où le<br />

vide et le plein se répondent pour atteindre un esthétisme<br />

d’une grande délicatesse.<br />

Au-delà de ressusciter des coiffes du patrimoine, l’artiste,<br />

pris dans le tournis des formes, s’est mis à sculpter<br />

des coiffures au gré de son inspiration. Et par un<br />

retournement dont l’art a le secret, certaines sculptures<br />

se sont échappées de l’atelier et des salles d’exposition<br />

pour se percher sur les têtes de jeunes filles.<br />

C’est ‘’la nature qui imite l’art’’ soutenait Oscar Wilde.’’<br />

(Saidou Alceny Barry , dans Bois Sacré, 2014)<br />

Ses travaux récents ont valu à Marius de participer à<br />

Coiffe béninoise, © Sophie Négrier.<br />

M D : En fait, l’idée m’est venue en voyant une photo<br />

de ma mère quand elle était jeune fille. Elle devait avoir<br />

dans les 25 ans. C’était l’époque des coiffures afro, mais<br />

là, c’était une coiffure très élaborée, très belle. Je me<br />

suis posé la question, le défi d’arriver à représenter ces<br />

tresses avec mon fer à béton.<br />

A J : Comment résous-tu l’apparente contradiction<br />

qu’il y a entre la rigidité du fer à béton et la souplesse,<br />

la flexibilité des tresses ?<br />

M D : J’ai beaucoup travaillé pour arriver à manipuler<br />

le fer à béton, à le dominer et à me l’approprier et à partir<br />

de là, à représenter toute la diversité et la souplesse<br />

des tresses africaines.<br />

A J : Est-ce qu’il y a des artistes qui t’ont influencé, aidé ?<br />

M D : Oui, il y a Dominique Zinkpè. J’ai intégré son<br />

atelier très tôt et comme je te l’ai dit, participé d’une<br />

certaine façon à Boulv’Art. Mais je ne suis pas, à vrai<br />

dire, influencé par son travail. C’est plutôt le personnage<br />

qui m’a impressionné, son énergie, sa façon de<br />

travailler, de penser, d’encourager les autres. J’ai aussi<br />

été impressionné par les photos de tresses du nigérian<br />

Okhai Ojeikere, son <strong>cata</strong>logue « Hairstyles », en noir<br />

et blanc, est étonnant et montre ces coiffures très élaborées<br />

crées par les Nigérianes. Mais j’ai découvert ces<br />

photos quand j’avais déjà commencé à travailler moi-<br />

p. 14<br />

p. 15


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

Sans titre, 2017. Fer à béton et aluminium.<br />

Sans titre, 2017. Fer à béton et aluminium, 125 x 60 x 65 cm.<br />

p. 16 p. 17


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

Sans titre, 2016. Fer à béton et bois, 110 x 47 x 49 cm.<br />

Sans titre, 2016. Fer à béton et bois, 167 x 17 x 17 cm.<br />

p. 18 p. 19


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

Je suis ?, 2017. Fer à béton et aluminium, 106 x 72 x 78 cm.<br />

Agbafa, 2017. Fer à béton et aluminium, 135 x 60 x 50 cm.<br />

p. 20 p. 21


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

Sans titre, 2016. Fer à béton et bois, 138 x 52 x 64 cm.<br />

Sans titre, 2016. Fer à béton et bois, 119 x 28 x 24 cm.<br />

p. 22 p. 23


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

ROBERTO DIAGO<br />

Petit à <strong>petit</strong>, pendant les années 2000, les phrases lapidaires<br />

disparaissent. Diago devient moins ironique, plus<br />

profond. Il attache plus d’importance aux traits, aux<br />

couleurs, aux figures. Il épure ses compositions pour<br />

faire vibrer chacun de leurs éléments de tout leur sens.<br />

A côté des visages apparaissent des éléments centraux<br />

de l’environnement cubain. La mer, réservoir de ressources<br />

naturelles, frontière naturelle de l’île, demeure<br />

de cette divinité d’origine yoruba vénérée dans la santería<br />

cubaine qu’est Yemayá, voie privilégiée de communication<br />

associée aussi inévitablement au souvenir<br />

de la déportation des esclaves et à leur déracinement.<br />

La terre rouge et fertile de Cuba, source de richesse et<br />

de malheurs, raison ultime pour laquelle les esclaves<br />

furent amenés dans l’île, lieu où reposent néanmoins<br />

les ancêtres et auquel tous les cubains, Noirs, Blancs ou<br />

Mulâtres, sont résolument attachés. Le ciel bleu et clair<br />

des Caraïbes, ou son signe graphique « El cielo » surplombant<br />

beaucoup de ses compositions comme une<br />

promesse de vie meilleure. Et entre la mer, la terre et<br />

le ciel, une échelle dressée simplement qui fait communiquer<br />

ces trois éléments dans l’immanence joyeuse de<br />

la marelle.<br />

Sobre mis pasos<br />

Ma Négritude n'est ni une tour, ni une cathédrale,<br />

elle plonge dans la chair rouge du sol,<br />

elle plonge dans la chair ardente du ciel…<br />

Frantz Fanon, Peau noire masques blancs.<br />

Roberto Diago Durruthy (La Havane, 1971) n’est pas<br />

seulement une figure incontournable de l’art cubain. Il<br />

est également l’un des artistes noirs américains les plus<br />

influents de notre temps. Depuis plus de deux décennies,<br />

cet artiste d’une élégance exceptionnelle conçoit<br />

les nouvelles images de l’identité noire cubaine. Digne<br />

héritier de Wifredo Lam, Roberto Diago Querol (son<br />

grand-père) ou Manuel Mendive – maîtres cubains<br />

devenus célèbres pour avoir exploré le folklore et les<br />

religions afro-cubaines – Roberto Diago propose pourtant<br />

tout autre chose. Appartenant à une génération<br />

plus ouvertement engagée envers la négritude et l’antiracisme,<br />

il refuse d’oblitérer ces questions derrière<br />

la célébration angélique et surannée de la richesse<br />

culturelle du syncrétisme caribéen. Son œuvre se<br />

nourrit plutôt de l’expérience concrète des femmes et<br />

des hommes afro-descendants de l’île : la mémoire de<br />

l’esclavage, la discrimination raciale et les stéréotypes<br />

qu’ils endurent, la pauvreté extrême de certains, leur<br />

habitat et leur gagne-pain, leurs rêves et leurs joies.<br />

Le visage, la blessure et la cicatrice sont des signes omniprésents<br />

dans l’œuvre de Diago. Symboles de l’identité,<br />

du déracinement et de la souffrance, ils portent aussi en<br />

eux la promesse de la régénération et Diago les décline<br />

sous des formes aussi bien textuelles que figuratives et<br />

concrètes…/…<br />

Issu de la prestigieuse Academia San Alejandro en 1994,<br />

Diago vit ses débuts en tant qu’artiste dans un contexte<br />

économique et culturel complexe marqué par le début<br />

de la Période Spéciale, la redéfinition du régime socialiste,<br />

les émigrations massives et l’ouverture de Cuba au<br />

tourisme de masse. Parmi les débats suscités au cours<br />

de cette décennie, Diago est particulièrement sensible<br />

à la nouvelle question raciale…/… Il devient l’un des<br />

chefs de file du renouveau de la thématique noire dans<br />

la peinture cubaine et participe en 1997 à la célèbre<br />

exposition collective Queloides …/…<br />

Les années 1990 sont aussi décisives dans l’œuvre de<br />

Diago car les pénuries en fournitures artistiques l’obligent<br />

à se tourner vers des matériaux de récupération. Faisant<br />

de nécessité vertu, se penchant sur l’Arte povera par<br />

besoin plus que par choix esthétique, il apprend à créer<br />

en agençant les sacs de jute, les bois des palettes, les<br />

plaques déroulées des bidons d’essence, les tôles métalliques<br />

et les plastiques…/… A tel point que dans certaines<br />

compositions il se consacre uniquement à faire naître<br />

de la matière toutes les ressources plastiques et symboliques<br />

qu’elle contient sans recourir à la figuration. Il<br />

compose des supports à partir de morceaux de toile qu’il<br />

superpose et qu’il colle. Le maillage des <strong>petit</strong>s rectangles<br />

de toile arrangés en cellules devient alors un symbole des<br />

tissus épidermiques. Il mélange la toile blanche à la toile<br />

de jute qu’il obtient à partir de sacs de café et de sucre<br />

- les deux denrées de l’ère esclavagiste de Cuba – et à<br />

travers ces compositions oxymoriques, mélange de raffiné<br />

et de vulgaire, de rugueux et de lisse, de brun et d’argenté,<br />

il obtient des tableaux formés, comme son pays,<br />

de toutes les nuances de blanc et de noir. D’autres compositions<br />

monochromes noires ou blanches ressemblent<br />

à des close up sur des peaux humaines. C’est alors que<br />

réapparaissent dans l’œuvre de Diago les chéloïdes, ces<br />

cicatrices boursoufflées qu’on a longtemps cru propres<br />

aux peaux noires. La chéloïde devient chez lui le symbole<br />

de l’identité noire, entendue comme blessure et cicatrisation<br />

expansive, créatrice…/…<br />

Roberto Diago invente sa propre grammaire qu’il n’hésite<br />

pas à conjuguer avec les genres classiques de la<br />

peinture. La nature morte devient, chez lui, l’image<br />

d’un pot de fleurs qui se répète ; soumis, comme un<br />

standard de jazz, à des variations incessantes. Ce<br />

motif évoque d’abord les offrandes florales que l’on<br />

fait aux orichas de la Santería ou les ngangas que les<br />

pratiquants d’une autre religion afro-cubaine, le Palo<br />

Monte, confectionnent pour contenir l’énergie de leurs<br />

divinités. Puis le vase se change progressivement en<br />

chaudron – peut-être un de ceux qu’on utilisait dans<br />

les centrales sucrières pour raffiner le jus de canne à<br />

sucre – et c’est de ce chaudron qu’émanent des fleurs<br />

aux tiges droites et aux pétales arrondis tels des bouts<br />

de pinceaux ; comme si de l’esclavage germait la possibilité<br />

de talents futurs.<br />

Le portrait dans l’œuvre de Diago est l’évocation d’un<br />

visage saisissable uniquement par ses contours. Aucun<br />

trait distinctif ne permet de reconnaître les héros des<br />

œuvres de Diago. L’identité du personnage y est effacée,<br />

rappelant peut-être la déculturation et la déshumanisation<br />

subies par les africains lorsqu’ils furent<br />

intégrés au système de la plantation. En outre, les personnages<br />

de Diago n’ont presque jamais de bouche et<br />

plongent ses compositions dans ce silence douloureux<br />

qu’est celui des vaincus, car les subalternes ne peuvent<br />

pas parler. Diago rend ainsi également impossibles les<br />

sourires blancs-banania que l’imagerie coloniale avait<br />

associés à l’innocence et à la candeur de ces supposés<br />

grands enfants. D’autres fois la tête est divisée en deux,<br />

fêlée par une blessure en tissu effiloché, ou alors par<br />

une tresse réparant cette blessure dans un répertoire<br />

infini d’identités brisées, d’identités recomposées et<br />

d’identités multiples.<br />

Roberto Diago maîtrise mieux que jamais la puissance<br />

expressive de son langage, comme en témoignent les<br />

compositions qu’il présente ici : des œuvres épurées,<br />

équilibrées, denses, d’autant plus légères d’apparence<br />

qu’elles sont chargées de significations. Sur mes traces<br />

est une invitation à le suivre sur le chemin qu’il se fraie<br />

à travers l’histoire de ses ancêtres et le présent de ses<br />

semblables, résolu à prendre la parole au nom de tous<br />

ceux qui ne la prendront pas. Son message acquiert<br />

une résonance universelle car à partir de la question de<br />

l’identité noire américaine, il aborde des sujets qui nous<br />

concernent tous désormais. ■<br />

(Extraits du texte de David Castener publié dans le <strong>cata</strong>logue de l’exposition de<br />

Roberto Diago à la Galerie Vallois en mai 2016)<br />

p. 24<br />

p. 25


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

De la série El Alma de las Cosas, 2015. Métal assemblé, 50 x 50 x 7 cm.<br />

p. 26 p. 27


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

De la série El Alma de las Cosas, 2015. Métal assemblé, 50 x 50 x 7 cm.<br />

De la série El Alma de las Cosas, 2015. Métal assemblé, 50 x 50 x 7 cm.<br />

p. 28 p. 29


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

Sans titre, 2008. Métal assemblé, 70 x 70 cm.<br />

Sans titre, 2008. Métal assemblé, 70 x 70 cm.<br />

p. 30 p. 31


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

Sans titre, 2015. Technique mixte sur carton, 32 x 24 cm.<br />

Sans titre, 2015. Technique mixte sur carton, 32 x 24 cm.<br />

p. 32 p. 33


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

DIDIER VIODÉ<br />

Puis, avec les conflits du Moyen Orient et le déferlement<br />

des réfugiés syriens ainsi que l’augmentation de<br />

la vague migratoire en provenance d’Afrique, vient la<br />

série Les Exilés :<br />

« J'entrevois dans cette série le surgissement des<br />

figures de l'exil qui se succèdent jusqu'à l'immigré et<br />

l'émigré d'aujourd'hui pourchassés d'entre les frontières<br />

du monde actuel. De Ceuta a Melilia, dans les<br />

gorges du Lac Tanganyika, dans la fournaise du Sahara,<br />

sur les chemins ardus de l'existence, ces nomades d'un<br />

monde cruel, dans la gueule de la Méditerranée, dans<br />

ces eaux cruelles de nos Océans...L'infortune partout,<br />

la détresse comme ombre et leur souffrance en bandoulière<br />

sur les routes de l'espoir, dans ces deltas avec leurs<br />

peines et désespérances. Seule leur force depuis les<br />

temps immémoriaux. Seuls dans l'obscurité du devenir<br />

pour ne jamais revenir. J'entrevois dans ces ombres, la<br />

détermination vivace de ceux et celles qui démontrent<br />

encore, si besoin en était, que le nomadisme est le premier<br />

temps de l'Histoire des hommes qui écrivent avec<br />

leurs sueurs les attentes nouvelles sur les vagues de la<br />

haine et de la xénophobie terrifiantes, renouvelant ainsi<br />

les sillons et les contours de mondes nouveaux. Exilées<br />

sont nos ombres ténébreuses mais jamais nos aspirations<br />

lumineuses... »<br />

(Texte spontané de Cheikh Tidiane Diop).<br />

Depuis 2001, les toiles de Didier Viodé ont fait l’objet<br />

de 15 expositions individuelles et ont été présentes dans<br />

autant de collectives. Plusieurs de ses bandes dessinées<br />

ont été publiées et ses vidéos ont participé à divers évènements<br />

du genre. ■<br />

C. T. D. : Mais « l’attente » est la sempiternelle problématique<br />

pour les Africains pour qui ce sont les autres<br />

qui viendront développer le continent. C’est une posture<br />

de résignation de la part des dirigeants politiques fainéants<br />

tenus dans l’incapacité de faire l’Histoire de nos<br />

pays par absence de vision doublée d’une non prise de<br />

conscience de nos ressources véritables. Ainsi souffrent<br />

les acteurs véritables du développement comme c’est le<br />

cas de la communauté des ARTISTES qui ne jouissent<br />

d’aucun cadre ni d’aucun relai pour faire éclore leur<br />

génie et contribuer au développement économique de<br />

nos pays. Il suffit de considérer le manque à gagner en<br />

tant que vecteur d’emplois et de richesses produites<br />

pour se rendre compte de l’absence de bon sens dans<br />

nos visions du développement et c’est la culture, sous<br />

nos cieux, qui en pâtit le plus. ■<br />

31 mars – Échange entre Didier Viodé et Cheikh Tidiane Diop, Sociologue et<br />

écrivain, Secrétaire Général du Ministère Sénégalais de l’Économie.<br />

André Jolly<br />

DIDIER VIODÉ ET<br />

FACEBOOK<br />

Né en Côte d’Ivoire de parents béninois, Didier Viodé a<br />

obtenu son baccalauréat à Cotonou avant d’être admis<br />

à l’école des beaux-arts d’Abidjan l'INSAAC (Institut<br />

National Supérieur de l’Art et de l’Action Culturelle).<br />

En 2002, la Côte d’Ivoire traversant une instabilité<br />

politique, il émigre en France et poursuit sa formation<br />

à l'école des Beaux-arts de Besançon où il obtient son<br />

DNSEP en art en 2007.<br />

À Besançon il va se détacher de ses connaissances académiques<br />

et être plus libre dans ses recherches. Dans<br />

ses créations, il s'inspire de la rue, des médias, de ses<br />

rapports humains, et de son expérience personnelle de<br />

l'immigration.<br />

A côté de la peinture et de la bande dessinée, point<br />

de départ de ses créations picturales, il expérimente<br />

d’autres médiums : collage, photographie et vidéo.<br />

Didier Viodé a toujours été attiré par l’univers de la<br />

bande dessinée. Autodidacte dans ce domaine, il dessine<br />

pour raconter sa vision du monde. « Etranger sans<br />

rendez-vous », une bande dessinée réalisée suite aux<br />

émeutes de 2004 en Côte d’Ivoire nous plonge dans un<br />

dialogue sans jugement entre Kouassi l’exilé ivoirien et<br />

une jeune Française.<br />

Parallèlement, il coud un grand drapeau symbolique<br />

aux couleurs de la France et de la Côte d’Ivoire pour<br />

s’insurger contre la persistance de la « Françafrique ».<br />

En 2007, au cœur des débats sur l’immigration, il<br />

entame une série de peintures intitulées « Les Marcheurs<br />

». Ses personnages viennent de la rue, parlent<br />

de l’Afrique, d’ailleurs, de la France, des liens et des<br />

ruptures, dans une langue qui résonne contre le béton<br />

brut et rebondit dans un élan acrobatique propre à la<br />

jeunesse. Les toiles ne sont pas tendues sur des châssis,<br />

elles sont libres et composées de silhouettes humaines<br />

qui avancent dans le même sens au péril de leur vie.<br />

En 2008, il filme l’investiture de Barack Obama en<br />

direct sur sa télé avec une vieille caméra pour témoigner<br />

de ce qui paraissait impensable dans un pays où<br />

on n’imaginait pas un noir au pouvoir de sitôt.<br />

La présence de l’armée française au Mali depuis 2013<br />

dans la lutte contre le terrorisme l’amène à poursuivre<br />

son travail autour du drapeau : « Diptyque Flags, USA/<br />

Iraq », « triptyque Flags, le MESSIE ». Il s’interroge<br />

sur le néocolonialisme et l’impérialisme.<br />

Au cours de la même année, s’intéressant à l’espace<br />

urbain, au mouvement et à la vitesse, il s’initie aux<br />

techniques du timelapse et réalise ses premières vidéos<br />

expérimentales City in motion et Vesontio. Puis il réalisera<br />

d’autres vidéos hyperlapses sur Paris et Marseille.<br />

En 2015, après les attentats de Charlie Hebdo, il décide<br />

de photographier des passants anonymes dans les rues<br />

afin de braver les amalgames et les peurs.<br />

Didier Viodé : Ce printemps, on fait l’éloge de l’art<br />

contemporain africain dans les presses parisiennes<br />

comme si on venait de découvrir à nouveau l’Afrique.<br />

Sérieux ! On ne foutait rien avant ? On roupillait tranquillement<br />

sous nos cocotiers pendant que les autres<br />

nations étaient réveillées ? En 1989, lorsqu’il y a eu l’exposition<br />

‘’Les magiciens de la terre’’, on parlait déjà de<br />

la nouvelle vague africaine. Ce fut pareil avec ‘’Africa<br />

Remix’’ en 2005. On ne devrait pas attendre les évènements<br />

nés de la volonté des dénicheurs et critiques<br />

européens pour qu’on nous montre comme des curiosités<br />

dans des lieux culturels prestigieux. L’Afrique est un<br />

Musée à ciel ouvert. De Dantokpa a Adjamé, de Lagos<br />

à Conakry pullulent des installations, des couleurs, des<br />

formes… L’esthétique est dans nos coeurs. Nos mécaniciens,<br />

soudeurs, maçons, menuisiers sont de véritables<br />

sculpteurs. On recycle tout avec peu… On vit avec l’art<br />

au quotidien. L’histoire de l’art africain, et des peuples<br />

oubliés, devrait être enseignée dans toutes les écoles<br />

d’art afin que les générations futures comprennent que<br />

nous sommes tous hantés par les mêmes questionnements.<br />

Il n’y a que la façon de procéder qui diffère d’un<br />

individu à l’autre. La ghettoïsation de l’art emprisonne<br />

l’art… Joseph Beuys disait « L’art, c’est la vie »… Vivons<br />

ensemble avec nos richesses culturelles sans spolier<br />

l’autre. Je ne voudrais offenser personne dans mes propos.<br />

Vive l’art sans frontières !!!<br />

Cheikh Tidiane Diop : Didier, il en est de l’art africain<br />

comme de l’état de tous les autres secteurs d’activité en<br />

Afrique traités sans réelle importance. Il s’ensuit un<br />

marasme délirant lié à l’absence de prise de conscience<br />

de la valeur réelle de nos potentialités économiques. En<br />

Afrique, hélas, c’est le problème que nous rencontrons,<br />

c’est-à-dire que rien n’a de valeur qu’une fois sorti du<br />

continent. Les occidentaux continuent à tirer les ficelles<br />

de cette créativité foisonnante sans que les artistes africains<br />

n’en soient considérés pour autant.<br />

D. V. : « Rien n’a de valeur qu’une fois sorti du continent<br />

» … Vraiment… Si seulement on pouvait se rendre<br />

compte de notre richesse. On ATTEND, comme tu l’as<br />

si bien décrit dans ton ouvrage « L’Afrique en attente ».<br />

On attend quoi même ? Merci pour ton regard.<br />

p. 34<br />

p. 35


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

Les danseurs du crépuscule, 2017. Encre et aquarelle sur papier, 60 x 42 cm. Les danseurs du crépuscule, 2017. Encre et aquarelle sur papier, 60 x 42 cm.<br />

p. 36 p. 37


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

Les Exilés, 2017. Acrylique sur toile libre, 80 x 100 cm.<br />

Les danseurs du crépuscule, 2017. Encre et aquarelle sur papier, 60 x 42 cm.<br />

Les Exilés, 2017. Acrylique sur toile libre, 80 x 100 cm.<br />

p. 38<br />

p. 39


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

Les Migrants, 2016. Encre sur papier, 50 x 65 cm.<br />

Les Migrants, 2016. Encre sur papier, 65 x 50 cm.<br />

Paysage de désolation, 2016. Encre sur papier, 50 x 70 cm.<br />

p. 40<br />

p. 41


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

Paysage de désolation, 2016. Encre sur papier, 50 x 70 cm.<br />

Diptyque drapeaux USA/IRAQ, 2015. Acrylique sur toile, 100 x 100 cm.<br />

Paysage de désolation, 2016. Encre sur papier, 50 x 70 cm.<br />

Le Vaillant, 2017. Encre et pastel sur papier, 42 x 30 cm.<br />

Le Vaillant, 2017. Encre et pastel sur papier, 42 x 30 cm.<br />

p. 42<br />

p. 43


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

JEAN-BAPTISTE JANISSET<br />

final l’éloigne toutefois de la sculpture aboutie.<br />

AU 41 RUE DE SEINE<br />

du 5 au 28 octobre 2017<br />

41<br />

Jean-Baptiste Janisset développe un travail en lien<br />

direct avec l’héritage colonialiste, tout autant en France<br />

qu’en Afrique, dans des pays comme le Cameroun, le<br />

Sénégal ou plus récemment le Bénin, ancienne colonie<br />

française du Dahomey. Sa pratique artistique est axée<br />

sur les traditions et croyances de ces peuples qui ont<br />

participé à l’Histoire de France …/.... Loin des visions<br />

folkloriques, il pose la question de l’altérité qui, souvent<br />

biaisée, est encore source de conflits. C’est nourri des<br />

écrits de l’ethnopsychiatre Tobie Nathan qu’il appréhende<br />

les coutumes de ces pays dans lesquels il procède<br />

à des prises d’empreintes de la statuaire.<br />

Après avoir étudié à l’École des Beaux-Arts de Dijon et<br />

s’être rendu une première fois au Sénégal puis au Bénin,<br />

il y retourne en compagnie de la théoricienne Emmanuelle<br />

Chérel spécialiste des questions post- coloniales.<br />

Un séjour décisif qui l’incite, alors qu’il a intégré les<br />

Beaux-Arts de Nantes, première ville de France à s’être<br />

enrichie avec le commerce triangulaire, à partir à la<br />

recherche d’indices sur cette période coloniale et esclavagiste<br />

qui subsistent encore aujourd’hui dans le paysage<br />

urbain, mais que plus personne ne remarque.<br />

Jean-Baptiste Janisset commence alors, sans aucune<br />

autorisation, à procéder à des prélèvements d’empreintes<br />

de sculptures ou d’éléments architecturaux de<br />

bâtiments historiques. Si son travail relève véritablement<br />

d’un geste de plasticien par la prise d’empreintes,<br />

la source de ses travaux est également liée à la représentation.<br />

Formé à l’École de la photographie Magenta<br />

à Lyon avant d’intégrer les Beaux-Arts, il développe un<br />

travail de sculpture qui a ce même rapport au positif et<br />

au négatif que la photographie.<br />

À Nantes, il moule La Femme de la rue Kervegan, en<br />

appliquant de la terre sur un mascaron représentant le<br />

visage d’une Africaine. Une technique spontanée, au<br />

procédé rapide, qui ne détériore pas l’élément d’origine<br />

et qui lui permet d’obtenir un négatif lui servant<br />

ensuite de matrice pour couler du plâtre. Le résultat<br />

La réaction plastique des éléments a plus d’importance<br />

qu’une éventuelle exactitude dans la retranscription de<br />

la forme initiale. Ce qui lui importe est de révéler l’essence<br />

de l’empreinte qu’il moule. Le tirage dépend de ce<br />

que les éléments eux-mêmes veulent en donner. Cette<br />

sensibilité aux signes qui nous environnent est née de<br />

sa rencontre avec Gabin Djimassé, chercheur et historien,<br />

intervenant pour l’exposition Vaudou à la Fondation<br />

Cartier. Par le geste de prélèvement d’empreintes,<br />

Jean-Baptiste Janisset dévoile, active ou réactive des<br />

signes perdus ou oubliés dans l’espace public. Ainsi, au<br />

Centre Arts et Cultures de Cotonou, il présente Terre de<br />

Mémoire (2016) une exposition regroupant des moulages<br />

en bronze de visages ou de symboles phalliques<br />

disposés sur des reproductions de photographies de<br />

sculptures qui ont reçu l’empreinte imprimée à l’échelle<br />

un. *<br />

Après s’être approprié le chantier de rénovation du<br />

Musée des Beaux- Arts de Nantes pour le transformer<br />

en atelier et espace d’exposition où il y présente, entre<br />

autres, Exuvie du musée, une installation composée<br />

de l’empreinte du blason de la Guilde des Armateurs,<br />

Jean-Baptiste Janisset explore Marseille, une des principales<br />

villes de France liée à la question coloniale.<br />

Une cité portuaire dans laquelle se dressent encore,<br />

et notamment aux abords de la gare Saint-Charles, de<br />

nombreuses sculptures suggestives. Il y prélève l’empreinte<br />

du visage d’une statue, allégorie de la femme<br />

africaine. Une figure à la fois de fécondité, d’un érotisme<br />

exotique et lascif et de toute la richesse du continent<br />

africain, qu’il présente sous un caisson en plexiglas<br />

récupéré sur le lieu même d’exposition (Désirons nous<br />

éveiller !, 2016, « OFF PAC ») cette même empreinte<br />

est à l'origine de l’œuvre Reine rose bleu présentée ce<br />

mois-ci à la galerie - voir pages 52-53.<br />

Travailler avec des éléments trouvés comme le cuivre<br />

dans les réserves du Musée des Beaux-Arts de Nantes,<br />

ou même parfois dérobés comme le renfort appartenant<br />

à l’ancien pédiluve de la gendarmerie de Nantes<br />

et dont il utilise le moulage au Sénégal, participe à cette<br />

alchimie constitutive de la pièce finale. Le moment de<br />

la découverte, la force animiste présente dans les objets<br />

ou les matériaux, la manière dont ils ont été récoltés,<br />

concourent à la dimension spirituelle de l’œuvre et à la<br />

connecter à des énergies immanentes. ■<br />

Extraits de l’article du Point Contemporain #5 - juin / juillet / août 2017.<br />

Valérie Toubas et Daniel Guionnet.<br />

* Plus d'informations dans l'interview p. 46-47 et vues de l'exposition p. 54-55.<br />

p. 44 p. 45


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

INTERVIEW DE JEAN-BAPTISTE<br />

JANISSET<br />

Camille Bloc : L’Afrique est véritablement au cœur<br />

de ton travail d’artiste, d’où te vient cette passion pour<br />

le continent ?<br />

Jean-Baptiste Janisset : Je suis allé par curiosité<br />

dans un premier temps au Sénégal, à la rencontre<br />

d’un marabout. J’ai su de suite que j’allais y retourner.<br />

Actuellement j’y suis allé à huit reprises : Bénin, Gabon,<br />

Cameroun, Algérie, etc… J’aime quand je vais dans un<br />

pays parler de son histoire personnelle, généralement<br />

en lien avec celle de la France. Nous sommes dans un<br />

monde de plus en plus cosmopolite, où les religions,<br />

les cultures cohabitent et sont en mutation. J’essaie de<br />

comprendre le « vivre en harmonie », en me mettant<br />

dans des situations d’intense curiosité.<br />

C.B. : A quand remonte ce travail à partir de prises<br />

d’empreintes ? Peux-tu nous expliquer comment tu as<br />

élaboré ta démarche artistique ?<br />

J.-B. J. : Le travail d’empreinte m’est venu d’un projet<br />

au Sénégal en 2015. Mon projet s’est concentré sur<br />

la figure du lion, un symbole particulièrement fort au<br />

Sénégal qui participe d’un monde énigmatique, proche<br />

de l’irrationnel mais également lié à la nation sénégalaise,<br />

à ses imaginaires politiques et sociaux. Il était,<br />

avant la présence française dans cette partie du monde,<br />

l’animal symbolique du pouvoir. Avec l’Indépendance,<br />

il devint l’animal officiel de l’État sénégalais.<br />

J’ai emmené à Dakar le moulage d’un renfort de lion<br />

appartenant à l’ancien pédiluve de la gendarmerie de<br />

Nantes (place Aristide Bertrand, bâti au milieu du xix e<br />

siècle). Emporter le moule de cette figure de lion était<br />

une manière d’évoquer l’histoire négrière et coloniale<br />

de la France, de Nantes, et de penser l’idée d’un retour/<br />

restitution des patrimoines et forces symboliques en<br />

Afrique.<br />

Ensuite, après avoir pris connaissance des cérémonies<br />

Simb, j’ai décidé d’en organiser une, le vendredi 13<br />

février, pour l’inauguration de l’aménagement des 13<br />

Lions en plâtre dans le jardin créé par le Falblab. Une<br />

vidéo de la cérémonie a été réalisée.<br />

Cette expérience repose avant tout sur des rapports<br />

humains et symboliques, autour de la figure du lion et<br />

l’organisation de la cérémonie. Elle m’amène à penser<br />

que l’activation d’événements enracinés dans la<br />

culture fertilise les mémoires collectives pour s’enraciner<br />

dans le présent. Un phénomène que l’on pourrait<br />

qualifier de régénération du patrimoine identitaire élevant<br />

les strates intimes voire les pensées spirituelles et<br />

religieuses des individus. Ou conduisant à un niveau<br />

de conscience spécifique, décrit par Henri Bergson «à<br />

savoir que la vie, ou la conscience, est un courant s’insérant<br />

dans la matière - le point de cette insertion étant<br />

«organisation», et visant à y introduire de la liberté.»<br />

(in La Conscience et la vie)<br />

C.B. : Fragments de matière endommagés, explosés<br />

à terre, espaces d’exposition vides et froids… La violence<br />

et la destruction sont au cœur de ton esthétique,<br />

pourquoi ? Qu’est-ce que tu espères provoquer chez le<br />

spectateur ?<br />

J.-B. J. : Cela peut paraitre violent, mais j’essaie de<br />

faire vibrer de manière fantomatique les spectres du<br />

passé. J’aime l’idée de perturber les sens du spectateur.<br />

Pour Gell, les objets d’art nous font imaginer les intentionnalités<br />

très variées qui sont liées à leur production<br />

; nous nous les représentons comme possédant<br />

eux-mêmes une intentionnalité propre. Cette théorie<br />

de l’art est fondée sur les récents développements de la<br />

psychologie cognitive concernant la capacité des êtres<br />

humains de se comprendre.<br />

C.B. : Tu es parti en résidence au Centre Arts et Cultures<br />

de Lobozounkpa l’année dernière et tu y as monté l’exposition<br />

« Terre de Mémoire », peux-tu nous en dire<br />

plus sur cette réalisation ?<br />

J.-B. J. : Dans des bribes de monuments, de sculptures,<br />

l’histoire peut se révéler, des souvenirs apparaître. Au<br />

Bénin, je commence par isoler un fragment de statue<br />

qui me semble signifiant. J’y applique un pain d’argile<br />

sur lequel se dessine un négatif imparfait, où je fais couler<br />

un moule de cire d’abeille. C’est la fonderie royale<br />

d’Abomey qui transforme le moulage en sculpture de<br />

bronze. A travers ces différentes étapes le négatif est<br />

modifié, déformé, il jouit d’une individualité propre.<br />

Semblable et distante de la sculpture dont il est extrait.<br />

L’œuvre porte en elle le contexte de sa production et de<br />

sa circulation. Elle n’est pas le résultat d’une appropriation<br />

culturelle mais d’un échange, très important à mes<br />

yeux. C’est pourquoi je travaille avec des personnes sur<br />

place tels que Désiré Kpassenom, frère du roi de l’actuel<br />

Royaume de Ouidah.<br />

Pour chaque prélèvement, un prêtre du Fâ intervient<br />

pour demander l’autorisation et créer des objets à même<br />

de voyager.<br />

Le Fâ est une géomancie divinatoire pratiquée par<br />

les populations du golfe du Bénin. C’est à la fois une<br />

méthode de prédiction de l’avenir, de lecture des phénomènes<br />

naturels et une doctrine initiatique, voie d’accès<br />

à la connaissance, guidée par des contes allégoriques.<br />

Intimement lié au vaudou, le Fâ guide les individus<br />

jusqu’après leur mort.<br />

Pour certains Béninois, sa pratique est une revendication<br />

culturelle, loin des religions exogènes telles que le<br />

christianisme ou l’islam, davantage répandues dans le<br />

pays aujourd’hui.<br />

J’explore la tradition vaudou en m’appuyant sur l’interprétation<br />

des grandes figures de l’art du Bénin, telles<br />

que la sculpture du Boconon (prêtre du Fâ) de Cyprien<br />

Tokoudagba, qui se trouve dans la forêt sacrée de Ouidah.<br />

Il est dit que ce lieu abrite l’âme du roi Kpassè,<br />

fondateur du royaume de Xwéda au xvii e siècle, devenu<br />

aujourd’hui la ville de Ouidah. Le roi se serait fait de<br />

nombreux ennemis en collaborant avec les négriers<br />

et en signant avec eux des accords de commerce. Il se<br />

serait transformé en arbre pour échapper à ses adversaires,<br />

donnant ainsi son caractère sacré à la forêt : elle<br />

abrite l’esprit du roi. ■<br />

Ma première idée était d’organiser un événement, une<br />

cérémonie autour de moules en plâtre de cette figure en<br />

composant un espace de plusieurs sculptures mettant<br />

en scène la puissance du lion.<br />

Sur les conseils du centre culturel dakarois Ker Thiossane,<br />

les tirages de ce moule ont été réalisés par le centre<br />

de poterie associative Colombin (un centre accueillant<br />

des enfants sourds-muets et autistes). Il paraissait<br />

essentiel de faire participer des personnes sur place au<br />

processus de restitution. Les enfants ont donc fabriqué<br />

treize lions Gaïndé, en plâtre, peints selon leur goût.<br />

Bonne et due forme, 2016. Réserve du Musée des Beaux-Arts de Nantes.<br />

C.B. : Quelles sont tes influences, tes sources d’inspiration<br />

dans le domaine artistique ?<br />

J.-B. J. : Je suis passionné par les Arts anciens de toutes<br />

cultures. Au niveau de mes contemporains, j’apprécie le<br />

travail de Danh Vo, Urs Ficher, Mark Manders, Sarkis,<br />

Anselm Kiefer ou encore Jean Dubuffet.<br />

Le livre d’Alfred Gell, Art and Agency, m’intéresse beaucoup.<br />

Il est centré sur ce qui concerne l’aspect cognitif.<br />

Gell suggère de remplacer le concept d’esthétique par<br />

celui d’art, considéré comme un élément de la communication<br />

entre individus.<br />

Boconon. Bronze, impression sur bâche.<br />

p. 46 p. 47


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

Apache, 2017. Plâtre, plomb, argile, H. 162 cm. Moulage d'une partie de la Porte du Scrin.<br />

Porte du Scrin réalisée par Hugues Sambin en 1580, au Parlement de Bourgogne<br />

à Dijon.<br />

Apache, détails des moules.<br />

p. 48<br />

p. 49


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

Baby*Lys, 2017. Étain, zinc, cuivre, plâtre, 207 x 107 cm. Le moulage est issu d'une sculpture qui vient de Bitam (Gabon).<br />

A ce moment donné, j’étais convié à des funérailles. Je trouvais intéressant d’éveiller cette sculpture de la Maternité Allaitante qui est le Sceau de la République du Gabon. La<br />

statue se trouve dans un axe principal de Bitam. J’imagine qu’elle date des années 80…<br />

p. 50 p. 51


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

Dog* Lys, 2017. Étain, zinc, cuivre, plâtre, transfert de couleurs, 83 x 59 cm.<br />

Étant Originaire de Saint-Etienne, je prenais du plaisir à mouler le visage du loup en métal qui est dans l’ancien square des Beaux-arts de Saint-Etienne. A ce moment, je venais<br />

de perdre mon chien. Cette représentation d’un chien en décomposition sur un parterre de fleurs de lys est une forme d’hommage.<br />

Reine Rose Bleu, 2017. Zinc, étain, cuivre, bois, plâtre, transfert de couleurs Sensibility, 164 x 82 cm.<br />

Sur l’escalier monumental de la gare de Marseille-Saint-Charles se trouvent deux groupes en pierre de Louis Botinelly et représentent Les colonies d’Afrique pour celui placé<br />

à l’ouest et Les colonies d’Asie pour celui situé à l’est. Les colonies sont représentées sous les traits de deux femmes qui se font face, allongées sur une banquette, deux enfants<br />

accompagnant chacune d’elles. Cette représentation s'inscrit dans la lignée de l’exposition coloniale de 1922 à Marseille. J’ai moulé le visage de la femme africaine et du singe qui<br />

est à ses côtés.<br />

p. 52 p. 53


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

Terre de Mémoire. Exposition du 29 janvier au 30 mars 2016 / Le Centre Arts et Cultures, Cotonou<br />

Terre de Mémoire. Exposition du 29 janvier au 30 mars 2016 / Le Centre Arts et Cultures, Cotonou<br />

Zomadonou . Bronze, impression sur bâche.<br />

Terre de Mémoire. Exposition du 29 janvier au 30 mars 2016 / Le Centre Arts et Cultures, Cotonou<br />

p. 54<br />

p. 55


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

MAKEF<br />

INTERVIEW DE MAKEF<br />

Camille Bloc : Je voudrais tout d'abord insister sur<br />

ce support original : les cahiers d’écoliers. C’est sur<br />

ces mêmes cahiers que tu as toi-même commencé le<br />

dessin, pour lequel tu t’es pris de passion. Continuer<br />

à utiliser ce support une fois adulte est une démarche<br />

singulière : pourquoi ce choix ?<br />

Makef : Oui, je dessinais moi-même tout le temps dans<br />

les cahiers. Les pages des cahiers expriment la fragilité,<br />

la page peut se déchirer facilement. Ça a un rapport avec<br />

notre propre fragilité. Et les feuilles de cahiers de mes<br />

enfants, c’est ce que j’avais sous la main. Par la suite,<br />

j’ai fait appel aux cahiers de mes nièces et neveux, des<br />

enfants des voisins aussi. Dans ces cahiers, il y a souvent<br />

de <strong>petit</strong>s dessins, je choisis et en dessinant dessus<br />

et autour, ça apporte une autre lecture.<br />

mets à chacun de se tourner vers sa propre enfance.<br />

C.B. : Est-ce que tu aimais beaucoup l’école ?<br />

M. : Oui, j’aimais beaucoup l’école. Avec les parents, on<br />

acquiert une certaine connaissance de la vie mais avec<br />

l’école, c’est un autre abordage de la vie. Oui, j’aimais<br />

beaucoup.<br />

C.B. : Tu as commencé la série en 2013, elle a pris<br />

beaucoup d’ampleur depuis… combien comporte-telle<br />

de feuillets à ce jour ? Tu as dit vouloir atteindre le<br />

chiffre de 100, pourquoi 100 ?<br />

M. : J’en suis à 95 terminés et d’autres commencés. J’y<br />

arrive. 100, c’est une façon de symboliser la maturité,<br />

c’est un siècle. Quand une personne atteint l’âge de 100<br />

ans, c’est symbolique de l’acquisition d’une très grande<br />

sagesse.<br />

C.B. : Qu’est-ce que tes enfants pensent de tes dessins ?<br />

M. : Ça leur fait plaisir de voir que ce travail est parti<br />

d’eux, de leurs dessins et écritures. – Effectivement, sa<br />

grande fille d’une dizaine d’années qui passait juste à<br />

ce moment-là, confirme d’un geste de la tête et d’un<br />

sourire.<br />

C.B. : Comment as-tu évolué dans ta pratique du dessin<br />

?<br />

M. : Je dessinais depuis l’enfance. Quand j’avais dans<br />

les 20 ans, j’ai rencontré l’artiste Magou qui m’a donné<br />

confiance et m’a encouragé à m’engager dans la pratique<br />

artistique.<br />

C.B. : Qu’est-ce que tu ressens aujourd’hui, lorsque tu<br />

dessines ?<br />

Artiste autodidacte, Makef (de son vrai nom Fulbert<br />

Makoutodé Énagnon) construit une œuvre singulière<br />

où se distinguent les très originaux dessins au stylo-bille<br />

de sa série Mes nuits insomniaques et quelques<br />

jours d'errance qualifiés d’un brin énigmatiques lorsqu’ils<br />

furent exposés pour la première fois en 2011.<br />

J’ai coutume de dire que c’est l’art qui est venu à moi.<br />

Depuis mon enfance, je dessine. J’ai commencé au primaire<br />

quand j’ai vu pour la première fois le maître dessiner<br />

au tableau. Une révélation. J’ai compris que ce n’était<br />

pas des machines qui faisaient les dessins des livres.<br />

Plus tard, comme d’autres, j’ai dessiné dans les cahiers du<br />

soir des copains qui n’aimaient pas trop dessiner. Il fallait<br />

faire 2 dessins, un sur la page Chant et un sur celle de<br />

Poésie. Parfois, ils me demandaient aussi d’écrire les textes<br />

car il fallait les calligraphier avec soin. Je me faisais payer<br />

pour ce travail.<br />

Vers 1987, j’ai commencé à peindre des scènes de la vie,<br />

avec des pirogues par exemple. Puis j’ai rencontré des<br />

gens qui m’ont encouragé, conseillé et motivé.<br />

Depuis quelque temps, je fais des dessins au stylo (23 x<br />

28,50 cm). Je les dessine la nuit sur les pages de cahiers<br />

d’école de mes enfants qui sont au primaire, de la maternelle<br />

à la huitième. Ils ont déjà dessiné, laissé une écriture.<br />

Moi, j’y ajoute la mienne, en dessinant exclusivement<br />

au bic, et je propose ainsi une autre lecture. C’est ça ma<br />

démarche. Parfois, j’éclaire une <strong>petit</strong>e zone spécifique avec<br />

mon téléphone portable pour pouvoir me concentrer et<br />

dessiner très finement. Je les appelle ‘’Mes nuits insomniaques<br />

et quelques jours d’errances’’ ou encore ‘’Mes<br />

insomniaques et nuits nomades’’. J’en ai déjà une quarantaine.<br />

Mon projet : en faire 100 et les exposer côte à côte.<br />

Ce sera en quelque sorte ‘’Le mur de l’insomnie’’.<br />

Ce qui est présenté dans cette exposition d’octobre 2017, à<br />

la Galerie Vallois du 41 rue de Seine, c’est une partie de ce<br />

‘’Mur de l’insomnie’’, une rêverie à la fois onirique et poétique,<br />

certainement plus qu‘un brin énigmatique, où ses dessins<br />

se construisent parfois autour de ceux de ses enfants,<br />

où son écriture se mêle à la leur. En tout cas une œuvre très<br />

personnelle qui a fait l’objet d’une grande exposition de<br />

plus de trois mois à l’Institut Français de Cotonou à partir<br />

de juin 2017. Une exposition où, cette fois, furent présentés<br />

80 dessins du projet de Makef ainsi que 14 œuvres en couleurs<br />

– peintures acryliques sur toile, de plus grand format.<br />

Au-delà de la qualité de ses dessins d’une grande finesse,<br />

Makef apporte une importante contribution à la scène<br />

artistique béninoise par l’originalité de son travail. Il est la<br />

preuve que dans ce domaine des arts plastiques le Bénin<br />

est d’une étonnante diversité. Dans ce <strong>petit</strong> pays, il n’y a<br />

pas d’école d’arts, les artistes sont autodidactes. Mais cette<br />

absence d’école d’arts, que l’on pourrait au premier abord<br />

regretter, n’explique-t-elle pas que les artistes, échappant<br />

au risque difficilement évitable du formatage, plus libres<br />

dans leurs approches, produisent des œuvres extrêmement<br />

originales, surprenantes, qui retiennent de plus en plus<br />

l’attention des amateurs d’art contemporain, des critiques<br />

d’art, des collectionneurs, sur la scène internationale ? Et le<br />

travail de Makef contribue, avec talent, à la riche diversité<br />

des arts plastiques au Bénin.<br />

L’art, c’est le langage que tout le monde comprend. Même<br />

si je ne suis pas présent, quelqu’un peut voir un de mes dessins<br />

ou une toile, très loin, même aux Etats Unis et partager<br />

l’émotion avec moi. Et c’est aussi ce qui reste quand on<br />

a tout perdu.<br />

Depuis 7 ans, Makef a exposé à de nombreuses reprises au<br />

Bénin et en France. ■<br />

André Jolly<br />

Pour le bien de la société, 2014. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 28,5 x 23 cm.<br />

C.B. : Picasso disait avoir mis toute (s)a vie à savoir<br />

dessiner comme un enfant, est-ce que tu penses qu’il<br />

est nécessaire de conserver sa part d’enfance dans la<br />

pratique artistique ?<br />

M. : Je pense que c’est par l’innocence dans la création<br />

artistique qu’on se révèle. Les enfants sont perméables,<br />

ce qui sort d’eux est un point de départ pour quelque<br />

chose de beaucoup plus grand. Moi, ça me ramène à ma<br />

propre enfance et innocence.<br />

C.B. : Est-ce que c’est une manière de dédier tes créations<br />

à tes enfants ? Une façon de transmettre ton<br />

œuvre aux générations futures ?<br />

M. : Je ne fais pas spécialement mes dessins pour mes<br />

enfants, mais pour tout le monde. J’espère que la génération<br />

future pourra en tirer des enseignements. Je per-<br />

M. : C’est la sensation de quelqu’un qui se vide d’un<br />

trop-plein d’énergie, de sentiments.<br />

C.B. : Tu ne travailles que la nuit ? Ce n’est pas une<br />

souffrance d’être insomniaque ?<br />

M. : Oui, je travaille presque exclusivement la nuit, mais<br />

il peut m’arriver de terminer un dessin dans la journée.<br />

Avec la seule lumière de mon téléphone portable, je<br />

me concentre mieux sur les détails. Mes peintures, par<br />

contre, c’est dans la journée. Mais la nuit, on a la sensation<br />

d’être seul au monde. Tout est calme. On est en<br />

accord avec le cosmos. Ça facilite la libération des énergies.<br />

Je suis réellement insomniaque mais ce n’est pas<br />

une souffrance pour moi.<br />

C.B. : C’est une sorte de journal intime, cette série ?<br />

M. : C’est effectivement une série plus intime, plus<br />

personnelle peut-être que mes peintures en couleurs<br />

acryliques. Cette série, c’est une autre partie de moi qui<br />

dénote le besoin d’aller au-delà de ce que je faisais.<br />

C.B. : Quelles sont tes sujets d’inspiration ? Tout, j’ai<br />

l’impression… ?<br />

M. : Ma démarche part de l’homme, l’être humain. Il est<br />

toujours présent dans mes créations. Je le vois masqué<br />

et j’essaie d’aller voir derrière les masques pour trouver<br />

la personnalité qui se cache derrière l’apparence de<br />

chacun.<br />

C.B. : La spiritualité, le Vodoun, la religion sont très<br />

présents dans ton œuvre, c’est un reflet de la société ou<br />

c’est quelque chose qui est aussi important dans ta vie<br />

personnelle ?<br />

M. : La spiritualité, c’est un reflet de la société. L’ar-<br />

p. 56<br />

p. 57


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

tiste est un messager qui découvre des choses invisibles<br />

et les rend visibles. Donc, je suis conscient de la spiritualité,<br />

je circule dedans. Je sais ce qu’est le culte des<br />

vodouns, mais je ne suis pas initié. C’est le côté festif<br />

des cérémonies qui m’intéresse.<br />

C.B. : D’où vient ton goût pour le fantastique, les créatures<br />

imaginaires, les métamorphoses… ?<br />

M. : Le fantastique ça vient de mes rêves. J’essaie parfois<br />

de les transposer sur papier. Parfois aussi, j’ai l’impression<br />

de voir des choses que les autres ne voient pas<br />

et de les représenter.<br />

C.B. : Un motif m’a marquée par sa récurrence dans<br />

tes dessins : le poisson…<br />

M. : Le poisson est très présent dans la vie de tous les<br />

jours au Bénin. Ici, on est entre la mer et la lagune.<br />

Tous les jours, je vois des pêcheurs et des vendeuses<br />

qui portent des paniers de poissons fumés sur la tête.<br />

En passant sur le pont je vois des pêcheurs qui jettent<br />

leurs filets et les ressortent de l’eau avec des poissons.<br />

Tout ça est peut-être marqué dans mon inconscient.<br />

C.B. : La société béninoise que tu dépeins offre un<br />

contraste saisissant entre traditions et modernité.<br />

Quel regard portes-tu sur l’évolution du pays ?<br />

M. : Le pays évolue à grands pas mais ça ne veut pas<br />

dire que les traditions disparaissent. Même si les gens<br />

vivent à l’occidentale, ils vont toujours suivre les traditions,<br />

comme consulter le Fâ. Par exemple, mon père<br />

était polygame. Moi, je suis un enfant de sa première<br />

épouse. S’il y avait des choses qui n’allaient pas, elle<br />

allait consulter le devin, le Fâ, pour savoir si la seconde<br />

épouse ne lui portait pas préjudice à elle ou à ses enfants.<br />

Alors le devin ordonnait des cérémonies. Moi, je ne suis<br />

pas polygame, j’ai trois filles. Je suis protestant méthodiste<br />

mais j’ai mis un peu la religion à distance. ■<br />

MES NUITS INSOMNIAQUES ET QUELQUES JOURS D’ERRANCE<br />

Merci à André Jolly qui a recueilli les réponses de l’artiste lors de son séjour à Cotonou.<br />

Vue de l'exposition Makef. Les insomniaques de mes nuits d'insomnie, à<br />

l'Institut Français de Cotonou, juin à septembre 2017.<br />

Ayatresse Coiffure, 2013. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 28,5 x 23 cm.<br />

p. 58<br />

p. 59


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

Devant la croix, 2015. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 28,5 x 23 cm. Gbè hin azin 2014. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 28,5 x 23 cm.<br />

Bombe roulante, 2014-2015. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 28,5 x 23 cm.<br />

Invocation, 2015. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 28,5 x 23 cm.<br />

La <strong>petit</strong>e au parapluie 2014. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 28,5 x 23 cm.<br />

p. 60<br />

p. 61


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

La transformation, 2015. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 23 x 28,5 cm.<br />

Le menuisier, 2015. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 28,5 x 23 cm.<br />

Le prêtre du vodoun Dan, 2015-2016. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 28,5 x 23 cm.<br />

Le pêcheur de poissons, 2014. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 23 x 28,5 cm.<br />

Le visage, 2014. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 28,5 x 23 cm.<br />

Sans titre, 2016. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 28,5 x 23 cm.<br />

p. 62<br />

p. 63


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

Le surnaturel, 2016. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 23 x 28,5 cm.<br />

Les anciens, 2015. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 23 x 28,5 cm.<br />

Sans titre, 2015-2016. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 28,5 x 23 cm.<br />

p. 64<br />

p. 65


Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

Paris Cotonou Paris<br />

Un monde de fous, 2014. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 28,5 x 23 cm.<br />

Une des réalités de ma société, 2015. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 28,5 x 23 cm.<br />

Yèfounnou ou Le phénomène, 2015. Stylo à bille sur cahier d'écolier, 28,5 x 23 cm. Vends ton âme à qui tu veux, 2015. Stylo bic sur cahier d'écolier, 28,5 x 23 cm. Là-bas, 2015. Styloà bille sur cahier d'écolier, 28,5 x 23 cm.<br />

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PARIS - COTONOU - PARIS • GALERIE VALLOIS 35 & 41 • 2017 UNE ANNÉE SOUS LE SIGNE DU BÉNIN<br />

Le Petit Journal<br />

des galeries Vallois<br />

CRÉDITS & REMERCIEMENTS<br />

ON A BESOIN DE VOUS<br />

¬ ¬ DIRECTION DE PUBLICATION<br />

Camille Bloc<br />

Directrice Galerie Vallois 41<br />

Valentine Plisnier<br />

Coordinatrice des relations entre Paris et Cotonou<br />

Cédric Rabeyrolles Destailleur<br />

Directeur Galerie Vallois 35<br />

¬ ¬ TEXTES<br />

¬ ¬ REMERCIEMENTS<br />

Marion Hamard<br />

Responsable du pôle artistique & partenariats<br />

André Jolly<br />

Ancien Attaché Culturel et directeur de l’Institut Français<br />

de Cotonou<br />

Dominique Zinkpè<br />

Directeur du Centre<br />

Les salariés et les bénévoles du Centre<br />

Camille Bloc<br />

Directrice Galerie Vallois 41<br />

André Jolly<br />

Rédacteur invité pour Le Petit Journal vi<br />

¬ ¬ PHOTOGRAPHIES<br />

Louis Delbaere<br />

Jean-Baptiste Janisset<br />

Sophie Négrier<br />

Charles Placide<br />

Valentine Plisnier<br />

Rosmy Porter<br />

¬ ¬ CONCEPTION ET MISE EN PAGE<br />

Studio Louis Delbaere<br />

¬ ¬ IMPRESSION<br />

Grafiche Aurora<br />

Imprimerie<br />

Vérone ( Italie )<br />

Imprimé à 1000 exemplaires<br />

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