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Volume 40, Numéro 3, Automne <strong>2018</strong><br />
Le journal de l’immersion<br />
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL
Mission de l’ACPI<br />
L’Association canadienne des professionnels de l’immersion<br />
(ACPI) est une organisation professionnelle dont la mission<br />
est de participer à la promotion et à l’épanouissement d’un<br />
Canada bilingue en ralliant les éducateurs en immersion<br />
ainsi que des partenaires de toutes les régions du pays.<br />
Pierre angulaire de l’immersion française au Canada, l’ACPI<br />
oriente et enrichit la pédagogie immersive au Canada.<br />
À travers son offre de formation, de recherche et de<br />
réseautage, elle fournit aux éducateurs un soutien<br />
rigoureux, ainsi que de nombreuses possibilités<br />
d’apprentissage professionnel tout en inspirant un dialogue<br />
pédagogique en français.<br />
Nos partenaires<br />
Le Journal de l’immersion<br />
Volume 40, Numéro 3, Automne <strong>2018</strong><br />
L’Association canadienne des<br />
professionnels de l'immersion<br />
170 Laurier Ouest, bureau 1104<br />
Ottawa (Ontario) K1P 5V5<br />
Téléphone : (613) 230-9111<br />
Télécopieur : (613) 230-5940<br />
Courriel : bureau@acpi.ca<br />
Site Web : www.acpi.ca<br />
Publications Mail/Registration #/no de publication/<br />
distribution postale : 40017579<br />
Prière de retourner le courrier non livrable à l’Association<br />
canadienne des professionnels de l'immersion.<br />
Mail undeliverable to Canadian addresses should be returned<br />
to the Canadian Association of Immersion Professionals.<br />
Les articles publiés reflètent l’opinion des auteurs et non<br />
forcément celle du conseil d’administration de l’ACPI.<br />
Opinions expressed by authors are their own and not<br />
necessarily those of the Board of Directors of CAIP.<br />
Tirage/Circulation : 2 000 exemplaires/copies<br />
Reconnaissance – Le Conseil d’administration de l’ACPI ainsi<br />
que l’équipe de rédaction du « Journal de l’immersion »<br />
tiennent à exprimer toute leur gratitude et leur reconnaissance<br />
au ministère du Patrimoine canadien pour sa contribution<br />
financière sans laquelle la publication du journal ne serait<br />
pas possible.<br />
Acknowledgement – The Board of Directors of CAIP and<br />
the Editorial Board of the “Journal de l’immersion” wish<br />
to express their gratitude to the department of Canadian<br />
Heritage for its financial contribution to support the<br />
publication of the journal.<br />
ISSN : 0833-1812<br />
Conseil d’administration<br />
Alberta<br />
Colombie-Britannique<br />
Île-du-Prince-Édouard<br />
Manitoba<br />
Nouveau-Brunswick<br />
Nouvelle-Écosse<br />
Ontario<br />
Québec<br />
Saskatchewan<br />
Terre-Neuve-et-Labrador<br />
Territoires du Nord-Ouest<br />
Présidente sortante<br />
Mélanie Simard<br />
Kim Lockhart<br />
Marie-Lyne Bédard<br />
Marie-Josée Morneau<br />
Renée Bourgoin<br />
Judith Patouma<br />
Christine Rees<br />
Marc-Albert Paquette<br />
Wybo Ottenbreit-Born<br />
Jill LeBlanc<br />
Caroline Roux<br />
Lesley Doell<br />
En arrière, de gauche à droite : Renée Bourgoin, Wybo Ottenbreit-Born, Christine<br />
Rees, Marc-Albert Paquette, Caroline Roux, Judith Patouma et Mélanie Simard;<br />
en avant, de gauche à droite : Marie-Josée Morneau, Marie-Lyne Bédard, Jill<br />
LeBlanc, Kim Lockhart et Lesley Doell<br />
SOMMAIRE<br />
LES ACPITUALITÉS<br />
Mot du président....................................................................4<br />
Paroles des rédactrices ..........................................................5<br />
Coup de cœur de Chantal.....................................................6<br />
Des professionnels créatifs <strong>2018</strong>...........................................8<br />
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL<br />
Formation des enseignants en immersion française :<br />
entre complexité, défis et recherche de modalités<br />
de développement professionnel ...................................... 12<br />
L’impact du développement professionnel sur la<br />
culture à l’école..................................................................... 15<br />
Les amis-multis, une petite idée qui a fait bien<br />
du chemin!............................................................................ 17<br />
Littératie 101 — Un tour de magie pour nos<br />
enseignants........................................................................... 20<br />
Envers le perfectionnement langagier.............................. 22<br />
Jumelage et mentorat : avec plaisir sur la côte ouest!...... 26<br />
COIN DELF<br />
Est-ce que le DELF influence vos plans de leçons?<br />
Dr. Katherine Rehner dit OUI! ......................................... 29<br />
Comité de rédaction/<br />
Marie-Lyne Bédard<br />
Jill LeBlanc<br />
Chantal Bourbonnais<br />
Rédacteurs en chef/<br />
Chief Editors<br />
Marie-Lyne Bédard<br />
Jill LeBlanc<br />
Graphisme et production/<br />
Graphic Production<br />
www.inter-vision.ca<br />
Révision linguistique<br />
En français/in French :<br />
Monique Paquin<br />
Directrice générale de l’ACPI/<br />
Executive Director of CAIP<br />
Chantal Bourbonnais<br />
Coordonnatrice administrative<br />
et financière/Administrative and<br />
Finance Coordinator<br />
Janine Oschwald<br />
Coordonnatrice des<br />
communications/<br />
Communications Coordinator<br />
Poste vacant<br />
Coordonnatrice du congrès/<br />
Conference Coordinator<br />
Kim Murray<br />
CHANGEMENT D'ADRESSE : Si vous changez d’adresse<br />
postale ou de courriel, merci d’en informer le bureau de<br />
l’ACPI au bureau@acpi.ca ou au 613-230-9111.<br />
Le Journal de l’immersion est publié trois fois par année pour les<br />
membres de l’ACPI. Les auteurs d’articles, tout comme le lectorat,<br />
sont composés d’enseignants, d’administrateurs scolaires, de<br />
conseillers pédagogiques, de parents, de chercheurs, de spécialistes,<br />
de professeurs et d’étudiants universitaires, ainsi que de responsables<br />
au niveau gouvernemental provincial et fédéral provenant de toutes<br />
les régions du Canada et de partout dans le monde.<br />
La reproduction ou la diffusion électronique, même partielle, de tout<br />
article de cette publication est soumise à l’autorisation préalable<br />
de la rédaction.<br />
Pour vous abonner au Journal de l’immersion, vous devez devenir<br />
membre de l’ACPI. Merci de visiter www.acpi.ca.<br />
L’usage du masculin n’est pas discriminatoire.<br />
Il a pour but d’alléger le texte.<br />
Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong>
ACPItualités<br />
Mot du président<br />
Chers collègues,<br />
Si vous lisez ce journal, c’est que vous êtes déjà engagés dans un parcours de développement<br />
professionnel. En effet, depuis plus de 40 ans, l’ACPI soutient la recherche en immersion<br />
française et sa diffusion partout au Canada pour appuyer le développement des compétences des<br />
professionnels de l’immersion d’un océan à l’autre. Et les besoins sont grands : selon le rapport<br />
de la consultation pancanadienne sur l’immersion française menée par l’ACPI, plusieurs besoins<br />
importants reflètent la popularité croissante des programmes d’immersion au Canada. Comment<br />
appuyons-nous les nouveaux enseignants d’immersion? Comment appuyons-nous les enseignants<br />
d’expérience? Comment pouvons-nous collectivement répondre aux enjeux liés aux programmes<br />
d’immersion?<br />
Nous croyons qu’il est essentiel de développer des ressources spécifiquement consacrées à<br />
l’immersion, d’offrir des ressources de développement professionnel pour tous les acteurs de<br />
l’immersion, telles que L’immersion en français au Canada — Guide pratique d’enseignement,<br />
dont nous venons de publier la troisième édition, et de veiller au développement des compétences<br />
langagières des professionnels de l’immersion.<br />
C’est dans cet esprit que l’équipe de rédaction du Journal de l’immersion vous propose cette<br />
édition consacrée au développement professionnel, pédagogique et langagier. Non seulement<br />
est-il important de partager et de célébrer ces histoires de réussite à l’échelle nationale, mais il est<br />
aussi essentiel de s’en inspirer pour adapter ces bonnes pratiques dans notre milieu de travail.<br />
J’en profite à nouveau pour saluer votre engagement professionnel au sein de la famille<br />
de l’ACPI.<br />
Bonne lecture,<br />
Marc-Albert Paquette<br />
Président de l’ACPI<br />
presidence@acpi.ca<br />
ACPItualités<br />
Paroles des rédactrices<br />
Le perfectionnement professionnel... on se met au défi, unis dans une<br />
attitude de croissance!<br />
Cette édition du Journal de l’immersion est consacrée aux joueurs clés de tous les programmes de<br />
l’immersion à travers le Canada : vous, les professionnels de l’immersion!<br />
Le parcours de développement professionnel est différent pour chaque personne, peu importe son<br />
domaine. De plus, le caractère de l’individu, ses forces et faiblesses, ses expériences antérieures et les<br />
besoins de ses tâches spécifiques jouent un grand rôle dans la forme et la fréquence des sessions de<br />
perfectionnement. Au cœur de la richesse de nos différences, nous sommes unis par une attitude de<br />
croissance et par nos tentatives de nous améliorer en tant que spécialistes de langue seconde œuvrant en<br />
immersion.<br />
Avec cette parution, nous avons tenté de mettre en vedette certaines expériences de développement<br />
professionnel qui ont donné comme fruit des gains riches pour l’enseignant-apprenant ainsi que ses<br />
élèves. Nous espérons vous donner de l’inspiration et des pistes possibles afin de vous ouvrir des<br />
perspectives de développement, soit dans les techniques pédagogiques, soit avec la langue.<br />
Les enseignants titulaires servent de modèle langagier principal pour leurs élèves, et sont souvent l’un<br />
des seuls. Même avec nos efforts vaillants pour intégrer des locuteurs différents dans nos classes, soit<br />
par Internet ou à l’aide de bandes sonores enregistrées, l’élève est fortement influencé par la langue<br />
parlée de son enseignant. Souvent produits de l’immersion et apprenants de langue seconde eux-mêmes,<br />
plusieurs enseignants s’intéressent au perfectionnement langagier. Plus que la possibilité de voyager en<br />
milieu francophone de façon régulière, cette quête nécessite une certaine ingéniosité et, bien sûr, une<br />
motivation forte. Ceux qui s’identifient comme des apprenants à vie de langue seconde vont surement<br />
se retrouver dans les aventures racontées, ou encore faire de belles découvertes en matière de stratégies<br />
à employer dans leur propre développement.<br />
Quant au perfectionnement pédagogique, nous pouvons tous élargir nos horizons en ouvrant la discussion avec nos collègues, et<br />
ensuite, les portes de nos lieux de travail, soit la salle de classe ou le bureau d’administrateur, de conseiller pédagogique ou autre.<br />
Les recherches en langue seconde sur le perfectionnement professionnel ne sont pas abondantes, mais un reportage récent de<br />
Cécile Sabatier et al. a relevé le constat suivant dans les recherches courantes : la formation initiale et continue des enseignants en<br />
immersion présente des défis uniques. Même si la formation initiale est maintenant derrière nous, on peut s’occuper soigneusement<br />
et passionnément de notre formation continue. En tant que professionnelles de l’immersion, Marie-Lyne et moi nous joignons à vous<br />
tous dans la poursuite de notre propre chemin de perfectionnement professionnel, tout en gardant un but commun, le succès de nos<br />
élèves. Je fonde l’espoir que cette édition du journal servira à ouvrir la conversation pour qu’on puisse s’enrichir, les uns et les autres.<br />
En solidarité avec vous, et au plaisir d’entendre vos partages d’expériences en développement professionnel.<br />
4 5<br />
Bonne lecture!<br />
Marie-Lyne et Jill<br />
Marie-Lyne Bédard<br />
mlbedard@cloud.edu.pe.ca<br />
Jill LeBlanc<br />
madame_jill@icloud.com<br />
Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong> Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong>
ACPItualités<br />
Coup de cœur de Chantal<br />
CHRISTOPHE MAÉ<br />
Chantal Bourbonnais<br />
Directrice générale de l'ACPI<br />
cbourbonnais@acpi.ca<br />
Il est rare que je regarde la télévision le samedi soir. Mon amoureux et moi aimons nous préparer<br />
un bon petit souper accompagné d’une bonne bouteille de vin et de musique jazz. Je ne me<br />
souviens pas ce soir-là si nous avions raté notre souper ou si la conversation si facile habituellement<br />
n’était pas au rendez-vous, mais nous avons décidé d’allumer la télévision et j’ai eu un coup de<br />
foudre à l’émission En direct de l’univers mettant en vedette Francis Reddy. Voilà qu’un chanteur<br />
français avec un drôle de chapeau et des allures de Brad Pitou se met à chanter une chanson qui<br />
me touche droit au cœur… J’ai la chair de poule, la gorge nouée, les yeux embués et le gout<br />
que la chanson dure toujours. Christophe Maé venait de m’éblouir avec sa chanson Il est où le<br />
bonheur. Depuis, cette chanson est un « ver d’oreille », une chanson velcro qui m’accompagne<br />
régulièrement. Je la chante à tue-tête dans mon auto, quand j’éprouve un moment de bonheur,<br />
quand mes fils Philippe et Jean sont enfin là à l’heure du souper ou quand j’observe l’oiseaumouche<br />
à la mangeoire.<br />
Mon bel amoureux m’a offert son album « L’attrape-rêves » en cadeau. Même si je tripe encore<br />
fort sur cette chanson, je ne peux pas en dire autant de tout l’album. Je trouve qu’il essaye plusieurs<br />
styles et à mon avis, ce sont les ballades qui lui conviennent le mieux. La chanson Marcel me plait<br />
aussi énormément. Ça me rappelle du Francis Cabrel, que j’ai beaucoup écouté.<br />
L’auteur-compositeur-interprète, qui<br />
roule sa bosse depuis une décennie<br />
en France est fils de pâtissiers<br />
de Carpentras, une commune du<br />
sud de la France. Christophe Maé<br />
tombe amoureux de la musique<br />
alors qu’il est alité pendant un an<br />
à cause d’une polyarthrite qui le<br />
frappe à l’âge de 14 ans. Il a quatre<br />
albums à son actif. Au printemps<br />
<strong>2018</strong>, le chanteur était au sommet<br />
du palmarès des ventes d’albums<br />
et de chansons francophones sur<br />
iTunes Canada.<br />
6<br />
Une belle découverte! Pour mieux comprendre mon engouement pour cette chanson, je vous<br />
invite à regarder la prestation de Christophe Maé à l’émission En direct de l’univers au https://ici.<br />
radio-canada.ca/info/videos/media-7867530/christophe-mae-dans-univers-francis-reddy ou à vous<br />
procurer son album « L’attrape-rêves ».<br />
Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong>
ACPItualités<br />
ACPItualités<br />
Des professionnels<br />
créatifs <strong>2018</strong><br />
Concours de création d’activité pédagogique<br />
Pour une quatrième année, l’ACPI a invité tous les enseignants<br />
d’immersion au Canada à participer au concours Des<br />
professionnels créatifs.<br />
Des enseignants participants de partout au pays nous ont<br />
présenté une activité pédagogique qu’ils ont réalisée en salle de classe et qui a renforcé les compétences<br />
linguistiques de leurs élèves d’immersion. Le thème de cette année était le 150 e anniversaire du Canada.<br />
Félicitations à Caroline Loh de l’Ontario pour son activité gagnante au niveau primaire!<br />
Ce concours de création d’activité pédagogique valorise le travail colossal accompli par les enseignants<br />
passionnés qui trouvent chaque jour une nouvelle façon d’intéresser leurs apprenants à la pertinence d’étudier<br />
le français. Ce concours est ouvert à tous les professionnels de l’immersion, membres de l’ACPI, œuvrant de<br />
la maternelle à la 12 e année.<br />
Pour de plus amples renseignements sur le concours Des professionnels créatifs, visitez le www.acpi.ca/<br />
concours/concours-des-professionnels-creatifs.<br />
Activité gagnante, niveau primaire<br />
Caroline Loh<br />
Erin Centre Middle School (Ontario)<br />
Nom de l’activité : « Mon Canada à moi, c’est… »<br />
Public ciblé : 6 e année – Français en immersion<br />
Matières : Études sociales – Français – Art dramatique – Art visuel<br />
Objectifs de l’activité d’apprentissage (tel que relié au<br />
curriculum de l’Ontario, 2013)<br />
• explain how various features that characterize a<br />
community can contribute to the identity and image of<br />
a country and assess the contribution of some of these<br />
features to Canada’s image and identity<br />
Matériel requis :<br />
• la feuille d’instructions<br />
• le travail d’écriture (le brouillon)<br />
• le travail d’écriture (la bonne copie)<br />
• la liste de contrôle pour le travail d’écriture<br />
• la feuille de conférence<br />
• la feuille des idées pour l’art dramatique<br />
• la feuille de croquis pour l’art visuel<br />
• les grilles d’évaluation pour les différentes matières<br />
• la feuille de réflexion<br />
• les ordinateurs avec accès à Internet<br />
• les tablettes<br />
• le matériel nécessaire pour l’art visuel (apporté par<br />
les étudiants)<br />
• le matériel nécessaire pour l’art dramatique tel que les<br />
accessoires (apporté par les étudiants)<br />
• les billets pour le vote<br />
Déroulement de l’activité : De 6 à 8 semaines<br />
Préalables : Les étudiants doivent, en français, être en<br />
mesure de :<br />
• faire des recherches<br />
• faire une bibliographie<br />
• écrire un paragraphe<br />
• utiliser l’impératif<br />
• recourir aux techniques de persuasion en publicité<br />
en technologie<br />
• utiliser Google Docs, Google Drive et Google Classroom<br />
en art dramatique<br />
Le projet :<br />
« Mon Canada à moi, c’est… » :<br />
Le professeur donne un scénario aux étudiants :<br />
L’Office de Tourisme du Canada souhaite faire une publicité<br />
en vue de la célébration du 150 e anniversaire du Canada.<br />
Cependant, il ne sait pas quel symbole choisir pour sa<br />
publicité. Il décide donc de faire un concours ouvert à tous<br />
les jeunes de 10-11 ans. Les étudiants doivent présenter un<br />
court vidéoclip (une minute maximum) qui doit convaincre<br />
l’Office de Tourisme que leur symbole est le meilleur pour<br />
représenter le Canada.<br />
Faire une recherche :<br />
Les étudiants font une recherche sur le symbole de leur<br />
choix et ils prennent des notes sur Google Docs. Ils doivent<br />
aussi utiliser www.Easybib.com pour citer les sources dans<br />
la bibliographie.<br />
Faire le travail d’écriture :<br />
Les étudiants utilisent leurs recherches et doivent écrire<br />
un paragraphe argumentatif avec trois exemples qui doit<br />
convaincre l’Office de Tourisme que le symbole choisi<br />
est une excellente représentation du Canada. L’emploi<br />
de l’impératif est nécessaire. Il faut aussi employer les<br />
techniques de persuasion (pour une publicité) dans la partie<br />
écriture. Le professeur peut prendre part au travail d’écriture<br />
de l’élève sur Google Docs. Tout au long du travail<br />
d’écriture, les étudiants ont également des conférences avec<br />
le professeur. Le travail d’écriture est aussi révisé par un<br />
camarade de classe avant sa production <strong>final</strong>e.<br />
Faire le travail d’art visuel :<br />
Les étudiants dessinent un croquis de leur symbole<br />
et indiquent sur la feuille les détails (matériel utilisé,<br />
couleurs…). Les étudiants doivent ensuite apporter le<br />
matériel nécessaire en classe et créer leur symbole.<br />
Faire le travail d’art dramatique :<br />
• comprendre le processus de création en art dramatique en Les étudiants remplissent l’organigramme avec leurs idées<br />
art visuel<br />
sur comment faire et organiser les scènes pour la publicité.<br />
8<br />
Ils doivent mémoriser leurs scénarios et préparer des<br />
• speaking to communicate; producing oral<br />
Objectifs langagiers ciblés :<br />
• comprendre le processus de création en art visuel en<br />
communications; creating media text<br />
études sociales<br />
9<br />
• définir un symbole<br />
• writing: purpose, audience, and form; the writing process;<br />
creating media texts; applying language conventions<br />
• creating and presenting; demonstrate an understanding of<br />
the element of role by selectively using other elements to<br />
build belief in a role and establish its dramatic context<br />
• creating and presenting; use elements of design<br />
in art works to communicate ideas, messages,<br />
and understandings<br />
• utilisation de l’impératif dans une publicité pour un<br />
auditoire spécifique<br />
• liens avec la thématique du 150 e anniversaire du Canada :<br />
définir l’héritage canadien en explorant les différents<br />
symboles qui constituent le Canada<br />
accessoires (vêtements, musique, décor). Ils doivent répéter<br />
plusieurs fois les scènes avec une tablette avant de faire la<br />
bonne copie. Ceci est nécessaire pour tester les angles et la<br />
manière de tenir et d’éviter de bouger la tablette.<br />
Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong> Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong>
ACPItualités<br />
Votez pour la meilleure publicité :<br />
Une fois le projet fini, en classe, les étudiants regardent<br />
ensemble les publicités. Ils doivent voter pour les trois<br />
meilleures (suivant les critères établis par la classe). Les<br />
étudiants doivent remplir les billets de vote et les mettre dans<br />
une urne prévue à cet effet. On compte ensuite les billets.<br />
Les trois premiers gagnants ont des prix (ex. : des porte-clés<br />
du Canada, des drapeaux du Canada).<br />
Galerie d’art en classe :<br />
Les étudiants sont aussi invités à exposer leurs œuvres d’art<br />
en classe. Nous avons ensuite invité les autres classes de<br />
français en immersion à venir regarder les chefs-d’œuvre.<br />
Mes étudiants ont eu la possibilité de parler en français avec<br />
les autres étudiants.<br />
Reconnaissance auprès de la communauté :<br />
Lors du concert d’hiver, les étudiants voient leurs œuvres<br />
exposées pour que la communauté puisse constater ce qu’ils<br />
ont accompli.<br />
Courte réflexion sur le déroulement de cette activité et<br />
son impact chez les élèves<br />
De quelle façon l’activité pourrait-elle tisser des liens<br />
avec la culture francophone?<br />
L’activité peut très bien tisser des liens avec la culture<br />
francophone. Tout d’abord, en classe, nous comparons les<br />
publicités en français de la France et du Canada. Ainsi, les<br />
étudiants prennent conscience de l’accent, mais aussi du<br />
vocabulaire et du registre de langue utilisés dans les deux<br />
pays. Ensuite, lorsque les étudiants créeront leur publicité,<br />
quand ils travailleront la voix et l’expression corporelle en<br />
art dramatique, ils prendront ainsi plus conscience de la<br />
richesse et de la diversité de la langue française. De plus,<br />
les recherches que les étudiants font sur leur symbole leur<br />
permettent de découvrir l’histoire des Français au Canada<br />
(ex. : la région du Niagara et la traite des fourrures) ainsi<br />
que leur culture (ex. : la cabane à sucre/le sirop d’érable au<br />
Québec, l’illumination de la Tour CN le 25 septembre pour<br />
célébrer la Journée franco-ontarienne, les joueurs de hockey<br />
francophones qui ont contribué à l’histoire du hockey<br />
comme Mario Lemieux). Finalement, les étudiants peuvent<br />
aussi apprécier la musique francophone (ex. : Alizée, Swing,<br />
Les Cowboys Fringants, ZAZ…) lors du montage de<br />
leur publicité.<br />
DES PROFESSIONNELS CRÉATIFS<br />
CONC URS<br />
DE CRÉATION<br />
D’ACTIVITÉ PÉDAGOGIQUE<br />
Pour une sixième année, l’Association<br />
canadienne des professionnels de<br />
l’immersion invite ses membres à participer<br />
au concours Des professionnels créatifs.<br />
10<br />
L’activité a eu beaucoup de succès auprès des étudiants.<br />
Ils étaient très motivés, même ceux qui étaient en général<br />
réticents envers la langue française. Le projet étant<br />
pluridisciplinaire, tous les élèves ont pu utiliser leurs<br />
différentes habiletés artistiques ou technologiques pour<br />
accomplir les tâches. J’ai aussi constaté l’esprit d’équipe<br />
de la classe. Les étudiants se sont spontanément entraidés<br />
(ex. : enregistrement de la vidéo, emprunt du matériel). Il<br />
y avait également beaucoup d’écoute et de respect mutuels<br />
durant le projet. Les étudiants ont aussi appris beaucoup de<br />
termes en art visuel, en art dramatique et en technologie.<br />
Leur créativité était le principal point fort de ce projet. Les<br />
publicités et leurs maquettes étaient uniques et créatives.<br />
Les étudiants ont été fiers de les montrer aux autres classes<br />
et d’en discuter avec eux en français! Sans le savoir, mes<br />
élèves ont travaillé très fort et en français!<br />
À QUI S’ADRESSE<br />
CE CONCOURS ?<br />
Ce concours est ouvert à tous les enseignants de<br />
l’immersion, membres de l’ACPI, œuvrant de la<br />
maternelle à la 12 e année.<br />
Vous connaissez un collègue qui fait quelque<br />
chose de formidable ? Encouragez-le à<br />
soumettre sa candidature !<br />
THÉMATIQUE DE <strong>2018</strong> :<br />
COMPÉTENCES ORALES !<br />
Puisque l’accent est de plus en plus porté sur<br />
les compétences orales des élèves en tant<br />
qu’acteurs sociaux, nous souhaitons en faire<br />
le thème de cette année. Ce domaine de<br />
compétences vous offre autant de possibilités<br />
d’exploitation qu’en offre le quotidien des<br />
élèves, que ce soit dans leur vie scolaire (cours<br />
suivis, sports, activités parascolaires) ou dans<br />
leur vie sociale (rencontres, débats, arts et<br />
culture,...).<br />
QUOI PRÉSENTER ?<br />
UN PLAN DE LEÇON*<br />
ou projet détaillant un activité<br />
pédagogique renforçant les<br />
compétences orales de vos<br />
élèves d’immersion dans<br />
la (les) matière(s) que vous<br />
enseignez<br />
À GAGNER :<br />
Un prix sera décerné à deux catégories: un au niveau maternelle à<br />
6 e et un autre au niveau 7 e à 12 e (secondaires 1 à 5). Chacun des deux<br />
gagnants recevra :<br />
une bourse de 150 $ et une plaque remise lors du congrès de<br />
l’ACPI,<br />
une participation gratuite à un congrès de l’ACPI,<br />
une adhésion à l’ACPI valable pour un an,<br />
UNE COURTE<br />
RÉFLEXION*<br />
sur l’impact qu’a eu cette<br />
activité sur l’apprentissage<br />
et le succès de vos élèves<br />
Soumettre les deux et tout autre document pertinent<br />
AVANT LE 30 JANVIER 2019<br />
*Voir la section “Les détails” pour de plus amples renseignements<br />
une reconnaissance dans l’édition d’<strong>automne</strong> du Journal de<br />
l’immersion.<br />
RENDEZ-VOUS AU<br />
Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong><br />
www.acpi.ca/concours 1104-170 ave Laurier Ouest, Ottawa, ON K1P 5V5 | 613-230-9111
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL<br />
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL<br />
Formation des enseignants en immersion française :<br />
entre complexité, défis et recherche de modalités<br />
de développement professionnel<br />
Cécile Sabatier, Laurent Cammarata, Sylvie Blain et Martine Cavanagh<br />
Faculté d’Éducation, Simon Fraser University<br />
Département d’Éducation, Campus Saint-Jean, University of Alberta<br />
Faculté des Sciences de l’Éducation, Université de Moncton<br />
La formation et le développement professionnel des<br />
enseignants en immersion sont l’objet de préoccupations<br />
récurrentes puisque ce type d’enseignement nécessite une<br />
préparation singulière. Cette préparation devrait intégrer tout<br />
à la fois les domaines théoriques et pédagogiques propres à<br />
tous les enseignants ainsi que ceux relevant des didactiques<br />
spécifiques liées à l’enseignement-apprentissage en langue<br />
seconde de contenus disciplinaires non linguistiques<br />
(Cammarata et Tedick, 2012; Lyster, 2007; Steffen, 2013;<br />
Tedick et Cammarata, 2012; Tedick et Fortune, 2013).<br />
En prenant appui sur une recherche de type documentaire<br />
pour établir une synthèse des connaissances, Cavanagh<br />
et Cammarata (2015) et Cammarata, Cavanagh, Blain et<br />
Sabatier (<strong>2018</strong>) se sont intéressés à cette thématique afin<br />
d’identifier les spécificités des pratiques enseignantes, mais<br />
aussi les difficultés attenantes à ces dernières pour mieux<br />
penser l’encadrement de formation des enseignants. Dans<br />
l’ensemble des travaux et études recensés, les chercheurs ont<br />
ainsi mis de l’avant un axe majeur de questionnement lié à<br />
la nécessité d’adapter les approches pédagogiques pour faire<br />
face à des contextes éducatifs de plus en plus hétérogènes<br />
(Swain et Lapkin, 2005) et à des environnements sociaux<br />
en mutation sous la pression d’une diversité linguistique et<br />
culturelle accrue (Kristmanson et Dicks, 2014; Mady, 2012a,<br />
2012b; Dagenais, 2013).<br />
Ils ont également constaté que depuis le travail de<br />
recension des écrits réalisés par Erben (2004), peu de<br />
12<br />
travaux de recherche adressaient spécifiquement, de<br />
l’approche communicative dominante encore il y a peu en<br />
besoins des étudiants allophones (Mady et Turnbull, 2012) 13<br />
manière approfondie, l’évolution du travail enseignant<br />
dans sa dimension de formation professionnelle (voir<br />
néanmoins Muhling, 2004; Tedick et Fortune, 2013),<br />
alors que cette dernière est désormais présentée<br />
comme un défi majeur pour la professionnalisation des<br />
enseignants d’immersion (Cammarata et Ó Ceallaigh,<br />
sous presse).<br />
La complexité de la formation professionnelle<br />
L’analyse des écrits a plus spécifiquement fait ressortir<br />
les besoins d’une formation, initiale et/ou continue,<br />
appropriée qui reflète « d’une part, une prise de conscience<br />
de la complexité de la pédagogie immersive, surtout au<br />
sujet de l’équilibre entre l’enseignement en français et<br />
l’enseignement du français (Steffen, 2013) et, d’autre<br />
part, le souci d’expliciter dans le cadre de la formation<br />
professionnelle des enseignants les défis pédagogiques<br />
inhérents à l’enseignement en immersion (.. ) » (Cammarata<br />
et al., <strong>2018</strong>, p. 115).<br />
Cette complexité de la formation professionnelle<br />
trouve son origine dans l’essence même du programme<br />
d’immersion, qui comme le rappellent Cammarata et<br />
Tedick (2012), a largement fait preuve de ses avantages<br />
pour le développement d’un bilinguisme fonctionnel<br />
chez les élèves. En effet, l’enseignement immersif a pour<br />
objectif de développer des compétences linguistiques<br />
dans une langue seconde pour les apprenants tout en<br />
assurant simultanément d’autres développements critiques,<br />
tels que le développement de la langue première. Or,<br />
nombreuses sont les études à souligner les manques et<br />
autres lacunes langagières des élèves d’immersion (Lyster,<br />
2007; Lyster et Tedick, 2014; Mougeon, Nadasdi et<br />
Rehner, 2010; Ó Duibhir, 2009). Si l’on peut questionner<br />
la comparaison établie dans ces travaux entre les élèves<br />
issus de l’immersion et des locuteurs natifs de la langue<br />
seconde, ces écrits soulignent tous implicitement que ni<br />
immersion, ni le bain linguistique en langue seconde, ni<br />
même un enseignement par osmose des contenus ne sont<br />
des conditions suffisantes pour le développement d’une<br />
compétence langagière bilingue optimale (Cammarata et<br />
Tedick, 2012).<br />
Ils interpellent la pédagogie utilisée dans les salles de<br />
classe et appellent à explorer d’autres démarches pour<br />
faire face aux multiples défis pédagogiques inhérents au<br />
programme d’immersion.<br />
Défis et stratégies pédagogiques<br />
La maîtrise de la langue seconde par les élèves est le défi qui<br />
sollicite le plus l’attention des enseignants et des chercheurs.<br />
Bien qu’il soit établi que les apprenants d’immersion<br />
développent des compétences fonctionnelles supérieures<br />
à celles de leurs pairs scolarisés dans les programmes<br />
réguliers non immersifs (Genesee, 2004; Lyster, 2007), il<br />
n’en demeure pas moins que la production langagière des<br />
élèves en contexte immersif, tout particulièrement en ce<br />
qui concerne l’oral, reste moins précise grammaticalement,<br />
moins spécifique lexicalement, moins complexe<br />
syntaxiquement et moins appropriée sociolinguistiquement.<br />
Pour pallier ces manques, Lyster (2016, 2007) et Lyster et<br />
Mori (2006, 2008) ont exploré des stratégies pédagogiques<br />
« qui font contrepoids » en soulignant l’importance de<br />
la forme de la langue (grammaire, syntaxe, lexique) lors<br />
notamment des rétroactions correctives. Ces interventions<br />
didactiques ciblées sur la forme visent ainsi à rééquilibrer les<br />
pratiques entre ciblage du sens et focalisation sur la forme.<br />
Elles permettent également à l’enseignant de proposer aux<br />
élèves des stratégies de corrections des erreurs à la fois<br />
proactives et réactives. Ces stratégies conduisent alors à<br />
corriger des erreurs langagières fossilisées (Lyster, 2010).<br />
Du côté de l’écrit, Kristmanson, Dicks, Le Bouthillier<br />
et Bourgoin (2008) ont, eux, développé un modèle<br />
d’enseignement de l’écriture en immersion pour guider les<br />
élèves dans leur processus d’écriture. Ce modèle d’Écriture<br />
Cohérente et Raisonnée en Immersion (ECRI) organise<br />
l’enseignement de l’écriture en guidant les enseignants<br />
au fur et à mesure qu’ils accompagnent eux-mêmes le<br />
développement de l’écrit en langue seconde chez leurs<br />
élèves. Cet enseignement ciblé est basé sur les principes de<br />
la pédagogie par projet et de la littératie équilibrée ; il permet<br />
d’établir des liens entre la lecture, l’écriture et l’expression<br />
orale tout en ciblant le développement des compétences<br />
scripturales.<br />
De ce premier défi découle celui de l’enseignement en<br />
langue seconde d’un contenu disciplinaire non linguistique.<br />
Ce défi pose la question de l’équilibre entre langue et<br />
contenus, dans la mesure où l’enseignement systématique<br />
et simultané de ces deux dimensions est complexe à<br />
mettre en œuvre tant au niveau de la planification que de<br />
l’enseignement. Cormier et Turnbull (2009) et Turnbull et<br />
Cormier (2009) se sont penchés sur ce défi spécifique en se<br />
focalisant sur l’enseignement d’une matière (les sciences) en<br />
français langue seconde. Ici, il ne s’agit plus simplement de<br />
considérer la langue dans ses dimensions linguistiques, mais<br />
de la replacer dans ses dimensions littératiées pour la mettre<br />
au service d’un apprentissage disciplinaire autre. Dans leurs<br />
études, les deux chercheurs ont montré les avantages à<br />
intégrer explicitement un travail sur les habiletés de lecture,<br />
d’écriture et de communication orale à une démarche<br />
d’enseignement de concepts scientifiques. Pour Turnbull et<br />
Cormier (2009, p. 20), mettre l’accent sur « une démarche<br />
explicite de modelage et d’étayage des stratégies cognitives<br />
langagières » améliore conjointement l’apprentissage de la<br />
langue et de la discipline.<br />
Cette démarche s’avère d’autant plus nécessaire que<br />
désormais les programmes d’immersion en français sont<br />
confrontés, à l’image de l’ensemble du système éducatif<br />
canadien, à l’hétérogénéité croissante de son public. Et c’est<br />
là un nouveau défi car, comme le soulignent Cammarata<br />
et al. (<strong>2018</strong>), « la métamorphose des classes d’immersion<br />
en entités de plus en plus multilingues et multiculturelles<br />
a suscité de nouvelles questions concernant la capacité<br />
des programmes en place à répondre aux besoins divers<br />
et variés d’une communauté d’apprenants qui n’est plus<br />
aussi linguistiquement et/ou culturellement homogène<br />
qu’autrefois » (p. 107). Pour faire face à ce défi, nombreuses<br />
sont désormais les recherches qui appellent à reconsidérer<br />
le rôle et la place de la langue première des élèves dans le<br />
développement de leurs compétences bilingues (Cummins,<br />
2007; McMillan et Turnbull, 2009). Ainsi, Ballinger<br />
(2013), Cummins (2014), Dagenais, Day et Toohey (2008),<br />
Hopewell et Escamilla, (2014), Moore et Sabatier (2012,<br />
2014) sont parmi les nombreux chercheurs à remettre en<br />
question la séparation des langues et à prôner des stratégies<br />
d’instruction de type interlinguistique. Remettant ainsi en<br />
cause la croyance que seule une instruction monolingue en<br />
immersion doit prévaloir, il s’agit dorénavant de recourir,<br />
de manière judicieuse, à des stratégies pédagogiques<br />
explicites qui permettent d’attirer l’attention des élèves<br />
sur les similarités et les différences entre les langues afin<br />
de mieux construire les apprentissages en langue seconde<br />
(Lyster, Quiroga et Ballinger, 2013). Ces stratégies<br />
translangagières permettent ainsi de prendre en compte les<br />
et de promouvoir le développement des multilittératies dans<br />
un contexte scolaire immersif de plus en plus diversifié<br />
linguistiquement et culturellement.<br />
À ces défis, s’ajoutent enfin ceux que tout enseignant<br />
rencontre, quel que soit la structure éducative, mais qui<br />
se trouvent amplifiés dans le contexte de l’immersion : à<br />
savoir les questions de performance académique des élèves<br />
Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong> Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong>
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL<br />
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL<br />
(Allen, 2004; Bournot-Trites et Reeder, 2001; Turnbull,<br />
Lapkin et Hart, 2001), de leur développement cognitif<br />
(Bialystok, 2011), de leur construction identitaire (Mady et<br />
Turnbull, 2012), mais aussi celles en lien avec les pratiques<br />
d’inclusion scolaire notamment des élèves dits « à risque »<br />
(Bourgoin, 2014 ; Bourgoin et Dicks, 2013 ; Genesee et<br />
Fortune, 2014 ; Erdos, Genesee, Savage et Haigh, 2014<br />
; MacCoubrey, Wade-Woolley, Klinger et Kirby, 2004 ;<br />
Wise et Chen, 2010) et/ou à besoins spéciaux (Fortune et<br />
Menke, 2010 ; Genesee, 2007 ; Genesee et Jared, 2008 ;<br />
Genesee et Lindholm-Leary, 2013; Le Bouthillier, 2013).<br />
Replacés dans la perspective des programmes de formation<br />
ou des dispositifs de développement professionnel,<br />
l’ensemble de ces défis, et les stratégies pédagogiques qui<br />
leur sont attenantes, interpellent au <strong>final</strong> les pratiques de<br />
formation pour la recherche de modalités de développement<br />
professionnel plus à même d’outiller les enseignants<br />
d’immersion.<br />
À la recherche de modalités efficaces de formation<br />
Face à cette nécessité d’adapter les approches pédagogiques,<br />
peu de recherches s’attachent dans le détail à réfléchir aux<br />
modalités efficaces de formation. Néanmoins, de l’ensemble<br />
des travaux et études recensés, il est possible de dégager<br />
trois orientations de travail qui, selon Cammarata et al.<br />
(<strong>2018</strong>), représentent des pistes de réflexion pour mieux<br />
repenser l’encadrement de la formation et du développement<br />
professionnel des enseignants : mieux comprendre les<br />
acteurs du terrain, clarifier les connaissances et compétences<br />
requises pour l’enseignant, et identifier les besoins<br />
spécifiques propres à chaque contexte et chaque situation.<br />
La compréhension approfondie de ce que recouvre<br />
Rapidement, les projets se sont multipliés. L’équipeécole,<br />
appuyée par son comité Foyer-École ainsi que<br />
l’expérience du travail enseignant en salle de classe, dans<br />
ses observables (comme la gestion de classe, par exemple) La question de la formation des enseignants d’immersion, de<br />
et ses dimensions plus cachées (croyances et représentations sa complexité, aux défis pédagogiques qu’elle doit relever<br />
son district (Lester-B. Pearson), a transformé les lieux<br />
en lien avec le métier d’enseignant), constitue désormais une et aux modalités d’accompagnement qu’elle doit mettre en<br />
physiques afin d’offrir un lieu accueillant pour sa clientèle<br />
des préoccupations importantes de la recherche, après avoir place, apparait donc plus que jamais comme une question<br />
enfantine. Un environnement multipositionnel a fait place à<br />
longtemps été reléguée au second plan (Lapkin, MacFalarne, qui doit interroger à la fois les modèles de développement<br />
l’aménagement traditionnel afin d’inciter à la collaboration,<br />
Vandergrift et Hart, 2006; Fortune, Tedick et Walker, 2008). professionnel et les représentations qui les sous-tendent.<br />
de permettre des choix et d’offrir plus de confort. Des<br />
L’étude de Karsenti, Collin, Villeneuve, Dumouchel et Roy À l’ère de la professionnalisation du métier d’enseignant,<br />
stations de mouvement ont été créées afin d’offrir aux élèves<br />
(2008), portant sur les raisons qui poussent les nouveaux l’emphase mise sur le développement des connaissances<br />
qui ressentent le besoin de bouger pendant les heures de<br />
enseignants d’immersion (et de français langue seconde, et des compétences professionnelles des enseignants remet<br />
classe la possibilité de le faire. Le Club Énergie offre donc<br />
également) à quitter la profession, représente un exemple de naturellement en question, sinon en cause, les structures<br />
10 stations de mouvement dans les corridors de l’école.<br />
Lors des réunions des équipes collaboratives,<br />
14 cette prise de conscience récente. Dans ce travail, Karsenti et de formation, mais également elle appelle l’ensemble des<br />
D’un commun accord, l’ensemble de l’équipe-école a<br />
les enseignants doivent toujours garder en tête le<br />
« pourquoi ». La réussite de tous nos élèves est notre 15<br />
al. mettent en lumière un décalage entre les représentations<br />
souvent idéalisées du métier des jeunes enseignants et leur<br />
réalité quotidienne dans les salles de classe.<br />
Ce quotidien des classes d’immersion est depuis documenté<br />
et décrit dans les travaux de Moore et Sabatier (2012)<br />
et Sabatier, Moore et Sinclair (2016) à partir d’une<br />
démarche vidéo-ethnographique. Cette méthodologie<br />
de recherche conduit les chercheurs à mettre à jour les<br />
répertoires didactiques d’enseignants expérimentés dans<br />
leurs contextes professionnels pour les analyser à des<br />
fins de formation initiale des enseignants (Sabatier et<br />
Dezutter, 2014). Par l’entremise de la vidéo, sont dégagés<br />
les objets d’enseignement en lien avec la langue et les<br />
contenus d’apprentissage, l’organisation des séquences<br />
didactiques ainsi que les gestes professionnels à poser pour<br />
accompagner l’apprentissage des élèves. Ces études font<br />
dès lors apparaitre le besoin de clarifier les connaissances et<br />
compétences requises par les enseignants d’immersion, car<br />
« ces études soulignent les difficultés d’apprentissage de la<br />
langue auxquelles sont confrontés [ces] enseignants, et par<br />
là même, l’importance de former ces derniers à devenir plus<br />
compétents dans la langue d’instruction tant à l’oral qu’à<br />
l’écrit afin qu’ils puissent devenir eux-mêmes des modèles<br />
langagiers » (Cammarata et al., <strong>2018</strong>, p. 113). Pour ce faire,<br />
Christiansen et Laplante (2004) soulignent la responsabilité<br />
des formateurs des enseignants, tant en formation initiale<br />
que continue, dans l’encadrement langagier et pédagogique<br />
des enseignants.<br />
Dès lors, accompagner ces derniers dans leur maitrise de la<br />
langue à enseigner et adapter spécifiquement les programmes<br />
de formation et de développement professionnels à chacun<br />
des contextes devient un besoin urgent auquel il faut<br />
répondre pour éviter notamment le décrochage de ces mêmes<br />
enseignants (Karsenti et al., 2008).<br />
Or, il est « essentiel de relever que la plus importante pénurie<br />
de recherche concernant l’IF [immersion française] concerne<br />
précisément ces formateurs d’enseignants » (Cammarata et<br />
al., <strong>2018</strong>, p. 117).<br />
différents acteurs, enseignants et formateurs d’un côté, et<br />
les ministères de l’Éducation de l’autre (Sabatier, Léger,<br />
Spiliotopoulos et Pajot, 2017) à réaffirmer leur engagement<br />
pour les programmes d’enseignement et d’apprentissage du<br />
et en français.<br />
Voir www.acpi.ca/communications/journal-de-l-immersion/<br />
journal-suite-des-articles pour les références.<br />
L’impact du développement professionnel sur la<br />
culture à l’école<br />
Marie-Josée Paquette, Enseignante de 5 e année<br />
École Forest Hill Senior, Commission scolaire Lester-B. Pearson, Québec<br />
mpaquette@lbpearson.ca<br />
C’est dans la petite localité de Saint-Lazare, en périphérie<br />
de Montréal, que se situe l’école primaire Forest Hill Senior<br />
du district Lester-B. Pearson. Sa clientèle, des élèves de<br />
la 3e à la 6e année, provient en majeure partie de familles<br />
anglophones. L’enseignement est fait en français et en<br />
anglais (50/50). Sa mission : offrir un environnement<br />
inclusif, respectueux, sécuritaire, sain et flexible où<br />
chacun de ses 420 élèves a la possibilité d’atteindre son<br />
plein potentiel.<br />
Il y a déjà quelques années, l’équipe-école de Forest<br />
Hill Senior a éprouvé le désir de faire mieux, de faire<br />
différemment. En adaptant l’école aux besoins des enfants,<br />
en repensant l’organisation de l’école, en mettant à profit<br />
tous les espaces, en visant la réussite et l’épanouissement<br />
de tous ses élèves, l’équipe-école s’est donné une vision<br />
commune et a fait preuve d’une grande ouverture d’esprit.<br />
Une atmosphère de respect et d’écoute s’est installée où l’on<br />
pouvait librement questionner et s’exprimer, sans jugement.<br />
Nous avons transformé, une à une, nos peurs en espoirs.<br />
permis à ce projet de voir le jour grâce à l’ouverture d’esprit<br />
de ses membres et de la direction. À la base, c’est le désir de<br />
vouloir mieux répondre aux besoins des enfants de bouger<br />
qui nous a incités à instaurer le Club Énergie. Du coup, nous<br />
avons observé des changements radicaux et immédiats :<br />
une forte réduction des comportements dérangeants, une<br />
motivation et une capacité à se concentrer plus grandes<br />
ainsi qu’un sentiment d’appartenance et d’estime de soi plus<br />
élevé, surtout chez les garçons.<br />
Encouragés par l’impact<br />
positif du Club Énergie,<br />
les enseignants se<br />
sont alors penchés<br />
sur la pédagogie. Ils<br />
ont épuré les objectifs<br />
pédagogiques en<br />
savoirs essentiels pour<br />
ensuite se regrouper par<br />
niveau et former des équipes collaboratives. Cet exercice, si<br />
important, a permis de mieux cerner les objectifs essentiels<br />
par niveau. À cela s’est ajoutée la stratégie Nouvelles<br />
pédagogies pour un apprentissage en profondeur (NPDL)<br />
avec l’ajout des six compétences (la collaboration, la<br />
citoyenneté, le caractère, la créativité, l’esprit critique et<br />
la communication) et des quatre éléments (exploitation<br />
des technologies numériques, partenariat d’apprentissage,<br />
environnements d’apprentissage, pratiques pédagogiques).<br />
Ces réunions ont lieu pendant les périodes de préparation des<br />
enseignants à raison d’une fois par cycle de six jours. Ainsi,<br />
les enseignants d’un même niveau peuvent partager leurs<br />
savoirs, leur expérience, leurs stratégies efficaces, etc. Ceci<br />
a pour but d’harmoniser les pratiques d’enseignement et<br />
d’évaluation, de profiter des forces de chacun et d’améliorer<br />
les interventions auprès des élèves. La réussite de tous les<br />
élèves étant au cœur de nos discussions, cette collaboration<br />
s’est avérée très efficace. Les enseignants ressources<br />
(orthopédagogues) assistent aux réunions des communautés<br />
d’apprentissage afin d’orienter les services aux élèves en<br />
difficulté et de contribuer au développement de chacun.<br />
but ultime. Ensuite, il faut choisir des objectifs,<br />
élaborer des activités stimulantes et enrichissantes,<br />
puis évaluer les progrès des élèves. Encore ici, nous<br />
travaillons collaborativement afin d’offrir différents<br />
types d’évaluation.<br />
Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong> Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong>
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL<br />
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL<br />
Plusieurs enseignants assistent à des conférences afin de se<br />
perfectionner. À leur retour, ils partagent leurs découvertes<br />
lors d’un Lunch and Learn. Ainsi, ils contribuent à<br />
développer l’expertise de l’équipe. Au niveau de l’école,<br />
nous avons plusieurs enseignants qui, selon leurs intérêts,<br />
sont devenus des personnes-ressources dans leur champ<br />
d’intérêt. Ils sont sollicités par leurs pairs lorsque ceux-ci en<br />
éprouvent le besoin.<br />
Le rôle de la direction se veut celui d’un facilitateur en<br />
allouant du temps aux enseignants, pendant les heures de<br />
travail afin qu’ils puissent se rencontrer. En guidant les<br />
équipes collaboratives et en leur offrant soutien et expertise<br />
lorsque nécessaire, la directrice a su aider l’équipe-école à<br />
garder le cap. Avec patience et persévérance, des relations<br />
de confiance et de respect ont été établies avec les membres<br />
de l’équipe. La direction a également pour rôle d’amener<br />
les enseignants à faire une réflexion collective et à mettre<br />
en place les conditions nécessaires pour que des équipes<br />
collaboratives se forment. Elle s’assure que les décisions de<br />
celles-ci visent le bien-être des élèves.<br />
L’équipe-école s’est jointe à un mouvement ayant pour<br />
thème « Donner au suivant » en septembre 2017 afin de<br />
développer des partenariats et d’inciter les jeunes à agir, à<br />
s’impliquer. Ainsi, nous avons pu sensibiliser les élèves et la<br />
communauté à plusieurs bonnes causes, autant localement<br />
que mondialement. Les élèves ont mis de l’avant plusieurs<br />
initiatives et les équipes collaboratives ont intégré leurs<br />
savoirs essentiels à travers différentes activités qui venaient<br />
rejoindre ce thème.<br />
L’école Forest Hill Sr a su tranquillement développer une<br />
véritable communauté d’apprentissage (CAP). La direction<br />
de l’école mise sur la contribution de chaque enseignant.<br />
Elle les encourage à collaborer et à échanger dans une<br />
atmosphère de respect mutuel. Les enseignants se réunissent<br />
afin d’élaborer, de créer et de préparer des activités et des<br />
évaluations qui visent à améliorer les résultats des élèves.<br />
L’impact des communautés d’apprentissage professionnel<br />
a eu un résultat tangible. La qualité des pratiques<br />
pédagogiques s’est accrue. Les enseignants se sentent<br />
soutenus, stimulés et heureux.<br />
Ils se sentent plus efficaces puisqu’en classe, ils ont plus<br />
de temps à accorder à chacun des élèves, le groupe étant<br />
engagé dans des situations d’apprentissage significatives,<br />
stimulantes et intéressantes. Cela permet à l’enseignant<br />
d’individualiser son approche. Les élèves en profitent eux<br />
aussi : ils ont développé un fort sentiment d’appartenance<br />
à leur école, ils sont activement impliqués dans leur<br />
apprentissage et développent les compétences dont ils auront<br />
besoin.<br />
Les équipes collaboratives ont donc permis un changement<br />
beaucoup plus rapide vers les pratiques pédagogiques<br />
du 21 e siècle et offert le soutien nécessaire aux membres<br />
de l’équipe-école en augmentant les connaissances de tous<br />
en mettant à profit la collectivité.<br />
Les amis-multis, une petite idée qui a fait bien<br />
du chemin!<br />
Carolyn Rowe-Turner,<br />
Mentore et leader en littératie à l’élémentaire<br />
Ministère de l’Éducation, Î.-P.-É.<br />
caturner@edu.pe.ca<br />
Bâtir une communauté d’apprenants de langue seconde<br />
n’est pas évident dans un milieu anglophone. Il faut de<br />
la créativité, de la passion pour la langue et la culture et<br />
surtout un complice. Avec ces critères, tout est possible! En<br />
cultivant la littératie à travers les arts, à l’intérieur et au-delà<br />
de l’école, il existe un énorme potentiel pour la réussite et<br />
l’engagement de tous les élèves. Voici l’histoire de deux<br />
enseignantes qui ont fait justement cela.<br />
Il était une fois deux jeunes enseignantes du nom de Carolyn<br />
Rowe-Turner et Marie-Anne Roy qui se retrouvaient loin,<br />
loin, loin de leurs provinces natales et milieux francophones. Une fois par cycle, ils lisaient ensemble et Carolyn et Marie-<br />
16<br />
Elles enseignaient dans la même école, à l’élémentaire, dans Anne étaient ravies de voir leurs élèves captivés par le plaisir<br />
17<br />
une communauté anglophone de l’Ile-du-Prince-Édouard.<br />
Marie-Anne enseignait la 5 e année et Carolyn la 2 e , toutes les<br />
deux en immersion française. Elles sont vite devenues amies<br />
grâce à leur passion commune pour la langue, les arts et la<br />
lecture.<br />
Marie-Anne Roy<br />
Mentore bilingue en littératie à l’élémentaire spécialisée dans le<br />
soutien aux nouveaux enseignants, Î.-P.-É.<br />
mrroy@edu.pe.ca<br />
Un jour, elles ont décidé de mettre<br />
leurs deux classes ensemble pour<br />
promouvoir la lecture et élargir<br />
leur communauté de lecteurs.<br />
Chaque ami avait un petit ou<br />
grand ami avec qui lire. Ce n’était<br />
pas une idée nouvelle. D’autres<br />
classes le faisaient. Les élèves de<br />
la 2 e et de la 5 e étaient vraiment<br />
excités et engagés dans cette nouvelle expérience.<br />
de lire. Elles étaient aussi ravies de pouvoir respirer, juste<br />
un tout petit peu. En fait, les demandes de la profession sont<br />
exigeantes et à l’élémentaire, il n’y a vraiment pas de pauses<br />
pour les enseignants.<br />
Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong> Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong>
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL<br />
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL<br />
La pratique « amislecteurs<br />
» a continué<br />
pendant quelques<br />
mois, mais petit à<br />
petit, Carolyn et<br />
Marie-Anne ont<br />
observé que même<br />
si certains élèves<br />
Mode amis-lecteurs<br />
lisaient et discutaient,<br />
d’autres ne lisaient<br />
plus et d’autres<br />
encore étaient de<br />
moins en moins<br />
engagés. Après<br />
plusieurs tête-à-tête,<br />
elles ont conclu qu’il<br />
fallait réévaluer<br />
l’approche, trouver<br />
Mode amis-écrivains<br />
une structure qui<br />
assurait le succès<br />
d’un programme de littératie et la réussite des élèves. « Il<br />
ne s’agit pas d’agir parce qu’on l’a toujours “fait ainsi”<br />
ou parce que d’autres le font, mais parce que nous savons<br />
que nos actions ont un impact sur l’apprentissage de nos<br />
élèves. » (John Hattie [2011], Visible learning for teachers)<br />
Marie-Anne et Carolyn voulaient voir un meilleur impact<br />
sur l’apprentissage de leurs élèves.<br />
Motivées par la Avec cette nouvelle direction, ces enseignantes ont aussi<br />
recherche faite par vu un énorme potentiel pour approfondir leurs pratiques<br />
Pia Hansen Powell pédagogiques dans le but d’offrir un enseignement<br />
(2001) dans Buddies: efficace et engageant pour tous leurs élèves.<br />
Vingt ans plus tard et s’inspirant des travaux de Calkins<br />
Reading, writing, and<br />
(2017), L’atelier d’écriture, fondements et pratiques, et de<br />
Les amis-multis en 7 étapes :<br />
math lessons, et la Dans cet environnement sécuritaire, elles gagnaient de<br />
Gregory, Cameron et Davies (2011), Établir et utiliser des • Trouver un enseignant collaborateur.<br />
nouvelle pédagogie la confiance et voyaient qu’elles pouvaient ensemble<br />
critères, Carolyn et Marie-Anne continuent à raffiner et<br />
• Penser à vos horaires et prévoir des blocs de temps pour<br />
du jour en littératie, prendre des risques qu’elles ne se sentaient pas à l’aise de<br />
à améliorer l’approche. En particulier, l’incorporation de<br />
planifier et pour enseigner ensemble.<br />
elles ont commencé à prendre seules, par exemple enseigner un nouveau genre<br />
trois stratégies gagnantes : cibler des buts d’apprentissage, • Définir vos besoins professionnels et les besoins de vos<br />
ajuster l’approche et<br />
établir des critères de réussite, et donner de la rétroaction<br />
ou un résultat d’apprentissage qui posait un défi, utiliser<br />
élèves.<br />
instantanément, elles<br />
descriptive, forment le cadre de cette approche multi-âge et<br />
une nouvelle pratique, essayer un nouvel outil ou gérer<br />
• Cibler les buts d’apprentissage.<br />
ont vu des résultats<br />
transdisciplinaire devenue « les amis-multis ». « Lorsque les<br />
un comportement non désiré. Ce sentiment de sécurité<br />
• Établir les critères de réussite.<br />
élèves participent activement au développement des critères,<br />
positifs. Hansen professionnelle a aussi permis à Carolyn et à Marie-Anne<br />
• Enseigner et observer<br />
ils sont nettement plus susceptibles de comprendre ce qu’on<br />
Powell indique : de mettre en vedette les arts et la communauté au-delà de<br />
18 attend d’eux, de s’engager dans le processus d’apprentissage<br />
• Faire de la rétroaction et de la réflexion.<br />
19<br />
« Buddy programs provide professional development at<br />
no additional cost to the school. » Elle dit aussi que les<br />
enseignants qui travaillent ensemble livrent une meilleure<br />
qualité d’instruction, car il faut prendre le temps de planifier<br />
ensemble. En améliorant cette étape, Marie-Anne et Carolyn<br />
discutaient plus en profondeur ce qu’elles voyaient chez<br />
leurs lecteurs. En prenant ce temps, elles pouvaient mieux<br />
cibler des buts précis et communs et non communs, aux<br />
deux niveaux scolaires. Au besoin, les buts touchaient<br />
la gestion de classe, les habitudes de travail, mais plus<br />
souvent ils étaient des stratégies efficaces liées aux résultats<br />
d’apprentissage. Elles ont intégré le cadre de l’atelier dans<br />
les séances hebdomadaires. L’introduction de la minileçon<br />
au début de l’atelier et la mise en commun à la fin ont aidé à<br />
responsabiliser les élèves quant à leur propre apprentissage.<br />
Résultat : Le progrès des élèves en lecture était significatif.<br />
Mode amis-multis :<br />
Club de lecture en action<br />
De plus, Marie-Anne et Carolyn menaient chacune à leur<br />
tour les parties de l’atelier, ce qui donnait à l’autre l’occasion<br />
d’observer sa collègue. Ensuite, lors de la planification<br />
suivante, elles ont pu partager non seulement ce qu’elles<br />
ont vu chez les élèves, mais aussi ce qu’elles ont observé<br />
par rapport à l’enseignement de la leçon. Ce fut un profond<br />
changement révélateur pour les deux enseignantes. Avant<br />
même que le mentorat en littératie à l’Ile-du-Prince-Édouard<br />
existe, elles sont devenues mentores l’une et l’autre.<br />
l’école. Les intérêts des élèves et les buts authentiques<br />
sont devenus en quelque sorte la porte d’entrée pour<br />
l’enseignement des programmes d’études. Les séances<br />
hebdomadaires pouvaient avoir un but simple ou un ou<br />
plusieurs buts plus complexes qui dureraient pendant<br />
plus d’une séance, mais la littératie était toujours au<br />
cœur de toutes les planifications, même si ce fut de façon<br />
transdisciplinaire.<br />
La soirée d’ouverture<br />
de notre expo-arts<br />
À l’aide du cadre de<br />
l’atelier, les élèves<br />
lisaient, écrivaient,<br />
chantaient, discutaient,<br />
présentaient...<br />
À travers le tout, ils<br />
développaient une<br />
identité culturelle<br />
et une communauté<br />
d’apprenants engagés!<br />
Guidées par les<br />
besoins et les<br />
intérêts de leurs<br />
élèves, ensemble,<br />
les deux classes ont<br />
publié des livres<br />
(ex. : gagnantes<br />
du concours<br />
Scholastic 2010<br />
« Écrire comme<br />
Robert Munsch »),<br />
vécu des soirées d’auteurs et de poètes, participé à des<br />
clubs de lecture, fait des excursions parascolaires, porté des<br />
chapeaux de scientifiques. L’impact s’est fait sentir au-delà<br />
de la salle de classe sous forme d’expositions d’art dans la<br />
communauté, de pièces de théâtre, de rédaction de lettres<br />
persuasives au gouvernement, de cartes de Noël réalisées<br />
pour les personnes âgées dans les manoirs, d’interaction<br />
avec les professionnels francophones de la région, entre<br />
autres. Les élèves de ces classes devenaient des citoyens<br />
actifs tout en développant une fierté et un respect pour la<br />
communauté.<br />
et d’accomplir les tâches avec succès. » (Gregory, Cameron<br />
et Davies, p. 13)<br />
Références<br />
1. Hattie, J. 2012. Visible Learning for Teachers: Maximizing impact on<br />
learning. New York: Routledge.<br />
2. Gregory K., Cameron C. et Davies A. 2013. Établir et utiliser<br />
des critères- Deuxième édition. Courtney, Colombie-Britannique:<br />
connect2learning.<br />
Aventure et découverte<br />
à la plage; liens<br />
transdisciplinaires<br />
Comme les élèves,<br />
Carolyn et Marie-<br />
Anne sont toujours des<br />
apprenantes.<br />
Calkins dit que<br />
« la méthode<br />
d’enseignement qui<br />
accélère les progrès<br />
des apprenants plus<br />
que toute autre<br />
méthode ou presque<br />
est la rétroaction ».<br />
L’approche amismultis<br />
leur permet<br />
d’approfondir les<br />
pratiques pour<br />
la réflexion et le<br />
développement<br />
pédagogique. Et pour<br />
les élèves, il existe un<br />
énorme potentiel pour<br />
la réussite et l’engagement. L’approche nourrit un sentiment<br />
de confiance et d’appartenance sans pareil pour les élèves<br />
autant que pour les enseignantes. Avec un peu de créativité,<br />
tout est possible.<br />
3. Powell-Hansen, Pia. 2001. Buddies: Reading, Writing, and Math<br />
Lessons. New York: Eye on Education<br />
4. Calkins, Lucy. 2017. L’atelier d’écriture, fondements et pratiques.<br />
Montréal: Chenelière Éducation.<br />
Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong> Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong>
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL<br />
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL<br />
Littératie 101 — Un tour de magie pour nos<br />
enseignants<br />
Claire Gaudin<br />
Leader du français en immersion et des sciences humaines M-6<br />
Ministère de l’Éducation, du Développement préscolaire et de la Culture<br />
cmgaudin@edu.pe.ca<br />
Combien d’entre nous, à la suite de formations offertes par<br />
des experts en pédagogie, sont capables de mobiliser leurs<br />
nouvelles connaissances et de s’élancer dans l’inconnu ou le<br />
peu connu sans soucis? L’enthousiasme que nous pouvons<br />
ressentir en sortant d’une telle formation peut être vite<br />
remplacé par l’incertitude et un manque de confiance dans<br />
notre habileté de mettre en œuvre les nouveaux savoirs dans<br />
notre réalité qu’est la salle de classe.<br />
Le temps de l’approfondissement quand les<br />
connaissances s’élargissent et s’approfondissent<br />
• C’est à ce stade que nous confrontons nos hypothèses et<br />
que nous posons un regard neuf sur nos connaissances.<br />
Le temps de la clarification quand nous revenons sur nos<br />
connaissances pour les débroussailler<br />
Durant la phase d’activation, nous demandons aux<br />
participants de réfléchir à ce qu’ils savent déjà sur<br />
l’enseignement d’une composante d’un programme de<br />
littératie équilibré. Cet exercice mène à des discussions<br />
riches qui permettent aux mentors en littératie de cerner les<br />
besoins quant à l’appui qu’ils pourront offrir comme suivi à<br />
la formation.<br />
Des échantillons de leçons déjà préparées peuvent aussi<br />
servir de pont entre la phase d’acquisition et celle de<br />
l’application. Ce sont des textes mentors qui guideront les<br />
enseignants dans la préparation de leurs propres leçons. Les<br />
exemples utilisés illustrent différentes façons d’appliquer<br />
les nouvelles connaissances, ce qui permet à l’enseignant<br />
d’adopter un modèle qui répondra à ses besoins et, encore<br />
plus important, aux besoins de ses élèves.<br />
Lors de la troisième phase, soit celle de l’application, les<br />
participants, en collaboration avec un mentor en littératie,<br />
préparent une leçon en ciblant des points d’enseignement<br />
basés sur les connaissances de leurs élèves et les données<br />
qu’ils auront pu amasser sur le progrès de ceux-ci.<br />
Cette situation soulève la question suivante :<br />
comment outiller nos enseignants, et en particulier nos<br />
nouveaux enseignants, pour qu’ils puissent ancrer leurs<br />
nouvelles connaissances et en faire le transfert dans leur<br />
milieu scolaire?<br />
C’est en trouvant la réponse à cette question que nous aurons<br />
réussi notre tour de magie!<br />
Que fait donc l’enseignant apprenant pour s’approprier de<br />
nouvelles compétences? Comment fait-il pour resserrer le<br />
lien entre la connaissance et la mise en œuvre?<br />
Or, c’est grâce à un moment de questionnement et à une<br />
période de réflexion que nous sommes arrivés à choisir un<br />
modèle de formation basé sur notre connaissance de la façon<br />
dont les apprenants acquièrent de véritables compétences<br />
qu’ils peuvent par la suite appliquer dans des contextes<br />
authentiques.<br />
Il faut d’abord réfléchir à ce que nous savons déjà sur les<br />
En se basant sur leurs observations, suivies parfois d’une<br />
processus d’apprentissage :<br />
lecture professionnelle, les enseignants sont ensuite invités<br />
La prochaine étape consiste à transformer cette théorie<br />
à préciser les critères de réussite d’une pratique puissante et<br />
en pratique en structurant la formation pour maximiser<br />
20 Le temps de la découverte quand le concept est nouveau<br />
d’un enseignement de haute qualité. Le nouvel enseignant<br />
21<br />
• C’est à ce stade que nous commençons à construire nos<br />
savoirs en activant nos connaissances antérieures.<br />
• C’est aussi à ce stade que nous observons un modèle<br />
pour confirmer nos connaissances et émettre de nouvelles<br />
hypothèses.<br />
• C’est à ce stade que nous devenons réflexifs, ce qui<br />
nous permet de passer des connaissances intuitives à des<br />
connaissances fondées sur la recherche.<br />
Le temps de l’automatisation quand les connaissances<br />
s’automatisent grâce à un entrainement régulier<br />
• C’est à ce dernier stade que nous pouvons de façon<br />
définitive mobiliser nos nouvelles connaissances et en<br />
faire le transfert dans diverses situations à travers les<br />
disciplines.<br />
Référence : Brissaud, C., Cogis, D., Jaffré, J.-P., Pellat,<br />
J.-C. et Fayol, M. (2011). Comment enseigner l’orthographe<br />
aujourd’hui. Paris, France : Hatier.<br />
C’est avec ces processus en tête que nous nous sommes<br />
donné comme mission d’offrir une formation à nos<br />
nouveaux enseignants qui sauraient profiter au maximum<br />
des pratiques pédagogiques les plus puissantes et de créer les<br />
conditions d’apprentissage les plus favorables possible pour<br />
nous assurer que ceux-ci retournent en salle de classe prêts à<br />
mettre en pratique leurs nouvelles compétences.<br />
l’apprentissage. Ce qui découle de cette conversion de<br />
la théorie en pratique est un échafaudage de situations<br />
d’apprentissage permettant à l’apprenant de construire de<br />
nouveaux savoirs s’étayant les uns les autres.<br />
Le cadre de la formation pour nos nouveaux enseignants,<br />
intitulée Littératie 101, est donc constitué de trois phases :<br />
l’activation, l’acquisition et l’application.<br />
Durant la phase d’acquisition, les participants ont l’occasion<br />
d’observer un enseignement modèle. L’ancrage de cette<br />
phase se trouve dans les classes d’accueil qui fournissent<br />
des laboratoires dans lesquels un nouvel enseignant peut<br />
observer, découvrir et construire ses savoirs. L’observation<br />
en milieu authentique lui permettra de confirmer ce qu’il sait<br />
déjà et de se poser des questions qui l’amèneront à améliorer<br />
sa pratique.<br />
réfléchit ainsi sur sa pratique, ce qui lui permet de passer<br />
d’une pratique intuitive à une pratique fondée sur la<br />
recherche. Ces mêmes critères le guideront dans ses futures<br />
planifications de leçons.<br />
La pratique guidée (accompagnée d’un mentor en littératie)<br />
qu’ils feront avec ces leçons dans leurs salles de classe<br />
permettra aux nouveaux enseignants de mettre à l’essai<br />
leurs nouvelles connaissances et de recevoir une rétroaction<br />
descriptive. Ce suivi les amènera à développer leur pensée<br />
réflexive, à relever des défis et à parfaire leurs compétences.<br />
Conclusion<br />
Enfin, l’avantage qu’offre une telle formation réside sans<br />
aucun doute dans le fait de pouvoir passer de la théorie à<br />
la pratique en établissant des critères de réussite comme<br />
points de repère et en guise de pont entre l’acquisition<br />
et l’application. Cette approche a des effets puissants<br />
sur l’habileté d’adopter de nouvelles pratiques avec<br />
confiance et enthousiasme.<br />
C’est ainsi que l’idée d’outiller nos nouveaux enseignants<br />
pour qu’ils sachent mobiliser leurs nouvelles compétences<br />
en un enseignement de haute qualité ne peut qu’avoir un<br />
impact positif sur l’apprentissage de nos élèves.<br />
Contrairement au magicien qui garde ses tours de magie<br />
secrets, le but de cet atelier est de partager nos succès afin<br />
d’inspirer les autres.<br />
Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong> Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong>
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL<br />
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL<br />
Envers le perfectionnement langagier<br />
Diana Tutty<br />
Leader des programmes de maths et sciences (M-6) en français et en immersion française|Ministère de l’Éducation et du<br />
Développement préscolaire et de la Culture, I.-P.-É.<br />
dmtutty@edu.pe.ca<br />
C’est un<br />
véritable défi<br />
pour quiconque<br />
de passer<br />
d’« excellent » à<br />
« exceptionnel »,<br />
peu importe la<br />
compétence. Un<br />
athlète réputé<br />
supérieur dans son<br />
sport au niveau<br />
provincial qui souhaite participer à des compétitions<br />
nationales a moins d’occasions d’entrainement offertes<br />
localement qu’une personne qui entre dans le sport<br />
et cherche simplement à acquérir des compétences<br />
de base. Il en va de même pour l’apprentissage d’une<br />
seconde langue. Il y a toutes sortes de cours de niveau<br />
débutant et intermédiaire pour ceux qui veulent pratiquer<br />
la conversation de base, mais pour les professeurs<br />
d’immersion française qui sont déjà très compétents et qui<br />
aspirent à continuer vers la maitrise, mais qui vivent dans<br />
une communauté anglophone, les options sont limitées.<br />
En raison de cela, de nombreux enseignants en immersion<br />
française à l’Î.-P.-É. trouvent des moyens uniques et<br />
créatifs de poursuivre leurs objectifs linguistiques. Cet<br />
article ne contient pas de réponses magiques, mais propose<br />
des anecdotes, des idées et des encouragements, tout en<br />
visant à répondre à des questions telles que : Que signifie<br />
« être compétent » dans votre langue seconde? Quelles<br />
actions sont les plus efficaces pour atteindre cet objectif?<br />
Quelle est la clé pour surmonter ce défi?<br />
À l’Île-du-Prince-Édouard, une grande partie des<br />
enseignants en immersion française sont en fait d’anciens<br />
1. Offrez de devenir enseignant coopératif pour un<br />
élèves du même programme. Cela témoigne de la qualité<br />
nouvel enseignant ou un enseignant en formation<br />
de l’enseignement du français langue seconde dans la<br />
initiale. Cela semble exiger une quantité excessive de<br />
province, qui produit des diplômés « fonctionnellement d’acheter des billets, de payer des factures et d’obtenir un<br />
travail supplémentaire... mais c’est vraiment une occasion<br />
avec le ministère de l’Éducation pour élaborer un outil<br />
22 23<br />
itinéraire en français à chaque occasion.<br />
de développement incroyable. Croyez-le ou non, le fait<br />
bilingues » depuis plus de 30 ans dans les programmes<br />
d’immersion précoce et tardive. J’en fais partie – une<br />
élève devenue enseignante. À l’école primaire, je me<br />
souviens de l’anticipation que j’avais ressentie au mois de<br />
septembre chaque année, en attendant que mon professeur<br />
entre en classe le premier jour… c’était toujours un<br />
mystère. Souvent, les professeurs de français viennent de<br />
l’extérieur – du Québec ou d’un pays francophone étranger.<br />
Je sympathisais avec eux pour le choc culturel qu’ils<br />
avaient enduré alors qu’ils luttaient pour s’assimiler à un<br />
nouvel environnement, souvent avec peu d’expérience en<br />
enseignement et presque pas d’anglais. Excellents modèles<br />
linguistiques? En effet, ils l’étaient. Mais les capacités<br />
linguistiques seules ne garantissent pas qu’un individu soit<br />
apte à enseigner l’immersion française à l’Î.-P.-E. Il y a<br />
une pléthore d’autres compétences requises pour assurer<br />
le succès de cette tâche. Ce que j’ai gagné au cours de<br />
mes 12 années dans le programme d’immersion française,<br />
c’est l’exposition à une variété de dialectes, l’accès aux<br />
expériences de vie d’individus divers et une appréciation de<br />
la langue et de la culture françaises. Tout cela a contribué à<br />
ma fierté d’apprendre le français et à mon désir de partager<br />
cela comme enseignante dans le programme d’immersion<br />
chez moi.<br />
Après le secondaire, j’ai décidé de poursuivre mes études<br />
à Montréal (quoique dans une université anglaise) – en<br />
partie pour vivre l’expérience d’un milieu francophone<br />
dans l’espoir d’améliorer mes compétences linguistiques.<br />
« Vivre » en français était une toute nouvelle expérience.<br />
À ma grande surprise, à Montréal, on pouvait facilement<br />
survivre sans trop connaitre le français. En fait, les<br />
commerçants du centre-ville étaient prêts à passer à<br />
l’anglais s’ils percevaient un accent anglophone. Donc,<br />
je devais être plus déterminée envers mon apprentissage.<br />
J’ai suivi un cours de grammaire en français pendant mon<br />
bac, je parlais avec des inconnus en français dans le métro<br />
et j’ai donné des cours en français à des élèves d’écoles<br />
privées. Au cours de ces cinq années, j’ai également écouté<br />
des conversations téléphoniques publiques pour saisir des<br />
expressions françaises, j’ai lu tous les affiches et journaux<br />
gratuits que je pouvais trouver en transit et je tentais même<br />
Il m’a fallu beaucoup d’efforts et de courage, mais avec<br />
la pratique, ces tâches sont devenues de plus en plus<br />
faciles et je savais que mon français s’améliorait.<br />
Au cours des 12 années qui ont suivi, j’ai enseigné l’anglais<br />
au Japon et j’ai passé quatre ans à étudier le japonais. Je<br />
suis retournée à Montréal et j’ai terminé ma maitrise (en<br />
anglais). J’ai déménagé à Halifax et j’ai <strong>final</strong>ement enseigné<br />
en immersion française. Il est vite devenu évident que je<br />
n’avais pas conservé par magie le niveau de français atteint<br />
la dernière fois que j’y avais consacré mes efforts, 12 ans<br />
auparavant. Mes premières années en tant qu’enseignante<br />
étaient écrasantes – comme pour la plupart des nouveaux<br />
enseignants. Je travaillais fort à apprendre la pédagogie, à<br />
déchiffrer le curriculum, à interpréter la culture scolaire,<br />
à répondre aux besoins individuels des élèves, à établir<br />
des pratiques de gestion de classe et à planifier mes<br />
leçons quotidiennes. J’espérais qu’avec le temps, mon<br />
français allait s’améliorer, presque par osmose, lors de<br />
l’enseignement au primaire. Malheureusement, ça n’a<br />
pas été le cas. Éventuellement, ma langue orale a stagné<br />
puisque je simplifiais mon discours pour que tous les élèves<br />
comprennent le contenu de chaque leçon.<br />
Donc, encore une fois, je me suis forcée à m’engager<br />
dans des activités qui m’aideraient à poursuivre mon<br />
apprentissage du français. J’utilise le mot « forcée » parce<br />
que je croyais qu’il était difficile de trouver des occasions<br />
de pratiquer le français dans une communauté anglophone,<br />
et j’avais peu de temps ou d’énergie puisque la planification<br />
quotidienne pour mes classes requiert toute mon énergie<br />
mentale. En plus, j’avais les nouvelles responsabilités d’une<br />
jeune famille et d’une maison. S’engager dans l’amélioration<br />
de soi était perçu comme un « luxe » pendant cette période<br />
de ma vie.<br />
Mais, de plus en plus, l’enseignement en immersion<br />
française faisait partie de mon identité personnelle et<br />
professionnelle et je me suis rendu compte que le français<br />
serait une quête qui durerait toute ma vie.<br />
Alors, qu’est-ce que j’ai décidé de faire au cours des<br />
10 dernières années et qui a le plus contribué à améliorer<br />
mon français? Voici mes trois principales recommandations :<br />
d’avoir un autre adulte dans la classe vous oblige à être<br />
plus déterminée en ce qui concerne la façon dont vous<br />
parlez et ce que vous dites. Par exemple, j’étais poussée<br />
à réfléchir plus attentivement à la façon de donner mes<br />
leçons, à rechercher le vocabulaire dont je n’étais pas<br />
certaine et à tirer les leçons de mes propres erreurs de<br />
genre pour ne pas les répéter. Beaucoup d’élèves au<br />
bac en éducation ont travaillé avec moi au cours des<br />
années – certains avaient des compétences en français<br />
inférieures aux miennes alors que pour quelques-uns,<br />
elles étaient bien supérieures. Les deux scénarios avaient<br />
des avantages pour mon développement linguistique.<br />
Ils ont été l’occasion de poser des questions en cas<br />
d’incertitude, de partager des anecdotes et des conseils, et<br />
de montrer aux élèves que l’apprentissage du français est<br />
une activité dans laquelle les enseignants, eux aussi, sont<br />
continuellement engagés.<br />
2. Contribuez à la création d’une « culture » française<br />
dans votre école. Cela semble être un processus<br />
compliqué, mais c’est vraiment très simple. Commencez<br />
par choisir de parler à vos collègues en français, en<br />
tout temps pendant la journée scolaire. Lorsque vous<br />
amorcerez une conversation en français, d’autres suivront<br />
votre exemple et les dialogues seront plus susceptibles<br />
d’être riches et professionnels. Cela a l’avantage<br />
supplémentaire de modéliser le comportement pour vos<br />
élèves, ce qui peut les encourager à parler français avec<br />
leurs camarades de classe dans les couloirs. Une autre<br />
suggestion est de préconiser un temps de planification<br />
commun ou d’établir une communauté d’apprentissage<br />
professionnelle (CAP) avec vos collègues en immersion<br />
française, et de souligner l’importance de converser et<br />
de collaborer dans votre langue d’enseignement. Enfin,<br />
assurez-vous que votre école à deux voies représente<br />
vraiment les deux populations de manière raisonnable –<br />
annonces du matin, affiches dans les couloirs, contenu des<br />
assemblées, publications, etc.<br />
3. S’engager souvent dans les ateliers professionnels<br />
offerts en français. Il y a une multitude d’options si<br />
vous êtes ouverts et disposés à participer : les comités<br />
de programme d’études avec le personnel du ministère,<br />
des sessions d’apprentissage avec le personnel du conseil<br />
scolaire, les associations d’intérêts spéciaux avec les<br />
fédérations provinciales d’enseignants, des groupes<br />
de discussion informels au café, etc. Indépendamment<br />
de vos années d’expérience ou de vos compétences<br />
linguistiques, votre contribution est précieuse et le<br />
potentiel d’apprentissage est garanti. Lorsque j’ai senti<br />
que ma pratique professionnelle devenait stagnante, j’ai<br />
accepté une invitation à me joindre à un comité de travail<br />
provincial d’évaluation en littératie. Il a fallu du courage<br />
pour faire le choix de participer et il était gênant de parler<br />
à voix haute devant d’autres professeurs d’immersion<br />
française que je ne connaissais pas, dont certains étaient<br />
francophones. Mais cette expérience m’a obligée à définir<br />
un objectif linguistique concret : me sentir plus à l’aise<br />
dans les conversations professionnelles avec des adultes<br />
en français.<br />
Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong> Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong>
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL<br />
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL<br />
C’est la participation à ces trois actions suggérées qui<br />
m’a poussée à accepter <strong>final</strong>ement le poste de leader<br />
du curriculum au ministère de l’Éducation. Au début,<br />
j’étais timide et je doutais de pouvoir faire le travail avec<br />
mes compétences imparfaites en français. Mais avec<br />
l’encouragement de mon directeur et le soutien de mes<br />
collègues, j’ai réussi trois années durant lesquelles j’ai<br />
animé des comités de programmes, dirigé des séances de<br />
perfectionnement professionnel provinciales, contribué<br />
à la publication de documents et encadré de nombreux<br />
enseignants et groupes de personnel à l’Ile. Ce n’est pas<br />
facile. En fait, chaque présentation exige des heures de<br />
préparation pour que mon français soit aussi bon que<br />
possible. Mais chaque expérience m’apprend quelque chose<br />
de nouveau et me permet de me sentir plus préparée et<br />
moins anxieuse pour chaque occasion qui suit.<br />
Dans mon travail au ministère, loin de la salle de classe,<br />
mes possibilités d’apprentissage de la langue française<br />
semblent très différentes. Pour la plupart heureusement, elles<br />
sont intégrées dans mon travail quotidien qui occupe les<br />
12 mois de l’année. La division française au sein de laquelle<br />
je travaille est composée d’une douzaine de collègues,<br />
majoritairement francophones, patients, compétents et<br />
toujours prêts à relire mon travail ou à offrir leur soutien.<br />
Également, je communique en français régulièrement<br />
avec les enseignants en immersion française par téléphone<br />
et par courriel pour répondre aux demandes, donner des<br />
renseignements ou des conseils et planifier les rencontres.<br />
De plus, j’ai la possibilité de voyager et de participer à des<br />
conférences et à des ateliers offerts en français à travers<br />
le pays.<br />
Deuxièmement, vous devez définir et articuler exactement<br />
Mon parcours d’apprentissage n’est pas unique. De nombreux<br />
• améliorer ma confiance quand je parle aux autres […]<br />
ce que vous voulez atteindre (les critères). Ensuite, concevez<br />
enseignants locaux anglophones en immersion française<br />
• J’essaie le plus possible de m’engager dans des<br />
étendre mon vocabulaire pour pouvoir décrire et<br />
les perspectives de développement en fonction de votre style<br />
avec qui j’ai parlé ont des histoires similaires, remplies<br />
conversations avec les enseignants francophones à mon<br />
m’exprimer avec précision et nuances. J’ai des moments<br />
d’apprentissage, de vos préférences d’activité et de votre<br />
de difficultés et de réalisations. J’ai remarqué qu’il y a<br />
école. Je leur pose des questions grammaticales et je leur<br />
de réalisation de mon but, surtout quand je suis en milieu<br />
disponibilité en temps (les leçons). Enfin, n’oubliez pas de<br />
certaines caractéristiques ou des traits de personnalité qui<br />
demande de me corriger quand je fais des fautes.<br />
semblent être communs à ceux qui choisissent d’exercer la<br />
francophone et j’ai plus de facilité que la dernière fois.<br />
vous autosurveiller afin d’évaluer vos progrès et d’ajuster<br />
profession d’enseignant. Parmi les plus notables, il y a le désir<br />
Mais mon but demeure constant.<br />
le chemin si nécessaire (l’évaluation). Et, peut-être plus<br />
• Je fais toujours un grand effort de parler en français avec<br />
important encore, assurez-vous d’être dès le départ dans<br />
inné d’acquérir continuellement des connaissances. Cette<br />
des amis. Mon but ultime c’est de continuer à améliorer<br />
un état d’esprit positif qui vous permet d’envisager votre<br />
affinité pour l’apprentissage tout au long de la vie se prête • devenir plus à l’aise en parlant avec mes collègues<br />
lorsque je sais que j’ai encore des choses à apprendre.<br />
réussite et de considérer les erreurs comme des occasions<br />
particulièrement bien à notre tâche principale qui consiste à francophones en situations plus authentiques.<br />
inculquer le même attribut à nos élèves en salle de classe.<br />
• Engager dans des moments ou des conversations avec des de croissance.<br />
• être capable d’avoir une conversation en français sans<br />
francophones à mon école et de les écouter bien quand ils<br />
24 avoir besoin de trop chercher mes mots.<br />
me parlent, de leur demander de me corriger et de ne pas N’encourageons-nous pas les élèves de nos classes à parler<br />
25<br />
avoir peur de faire des fautes.<br />
Et ceux qui choisissent d’enseigner dans leur langue<br />
seconde acceptent ce défi supplémentaire. Non seulement<br />
ces enseignants doivent-ils offrir des possibilités<br />
d’apprentissage authentiques en français à leurs<br />
étudiants dans un milieu anglophone, mais ils s’engagent<br />
également à poursuivre leur propre étude du français<br />
pour devenir les meilleurs modèles linguistiques possible<br />
pour leurs élèves.<br />
Mais comment réaliser ce défi langagier? Par où<br />
commencer? Dans le plus pur style de Sandra Herbst, il<br />
faut d’abord établir le but de l’apprentissage et ensuite<br />
articuler cet objectif avec des critères de réussite bien définis<br />
et clairement énoncés. Bien que l’objectif commun des<br />
enseignants en immersion française soit d’améliorer leur<br />
français, la définition de cet objectif et la façon dont chaque<br />
individu travaille pour l’atteindre varient considérablement.<br />
Dans une enquête informelle menée auprès d’enseignants en<br />
immersion française anglophone élémentaire, j’ai demandé :<br />
À quoi ressemble ton but linguistique et comment<br />
sauras-tu quand tu t’en approches ou le réussis?<br />
Les réponses variaient. Dans l’ensemble, les objectifs<br />
énoncés étaient principalement liés à la langue orale.<br />
Certains ont mentionné la nécessité d’améliorer des<br />
compétences spécifiques telles que le vocabulaire, la fluidité,<br />
la grammaire et le genre des noms :<br />
• travailler le genre puisque je me questionne toujours si un<br />
nom est masculin ou féminin.<br />
• développer une plus grande banque de vocabulaire et être<br />
plus connaissant des expressions.<br />
Beaucoup d’autres répondants ont décrit leur objectif de<br />
manière plus générale, exprimant le désir de se sentir plus<br />
à l’aise de parler à haute voix en français. Ces réponses<br />
reflètent mes propres idées concernant mes buts langagiers et<br />
me rendent compte du fait qu’un processus d’autoévaluation<br />
est nécessaire pour assurer un succès continu.<br />
• avoir la confiance quand je parle avec des francophones.<br />
Qu’importe la manière dont le but est défini, la voie à<br />
suivre pour y parvenir reste un choix individuel. Chaque<br />
personne doit se servir de ses forces et reconnaitre son<br />
degré d’engagement afin de déterminer les actions et<br />
les activités qui correspondent le mieux à ses capacités.<br />
Mes interlocuteurs ont proposé un certain nombre<br />
d’options visant à améliorer leur français, y compris les<br />
recommandations habituelles pour l’étude indépendante de<br />
cette langue : lire en français (Club de lecture de l’ACPI,<br />
La Presse, etc.), écouter la radio francophone (Radio-<br />
Canada), regarder la télévision en français (tou.tv), utiliser la<br />
traduction Google en cas de besoin et consulter les sites Web<br />
en français (Huffington Post à https://www.huffingtonpost.<br />
fr/). D’autres enseignants avaient des stratégies et des<br />
techniques très spécifiques pour atteindre leurs objectifs<br />
d’apprentissage :<br />
• Je fais l’effort de participer quand j’assiste aux ateliers et<br />
j’écoute attentivement les conversations qui m’entourent<br />
quand je suis là, pour développer mon oreille.<br />
• J’essaie de trouver plusieurs occasions de participer<br />
dans les activités communautaires organisées par le<br />
Carrefour de l’Isle-Saint-Jean et d’autres organisations<br />
francophones et acadiennes.<br />
• Pour m’améliorer, j’ai fait de la recherche et j’ai<br />
commencé un petit cahier pour mes « leçons ». J’ai essayé<br />
de trouver les règles pour m’aider. Si jamais je me doute<br />
pendant que j’écris, je l’ajoute dans mon cahier.<br />
Plus que d’excellentes idées et suggestions pour apprendre<br />
le français, ce qui est apparu dans ces réponses du sondage<br />
a été quelques traits sous-jacents évidents dans tous les<br />
commentaires : ces enseignants sont dévoués et courageux!<br />
Ils recherchent activement des occasions d’apprendre, ils<br />
prennent des risques et n’ont pas peur de faire des erreurs,<br />
ils acceptent le processus et font preuve de patience envers<br />
eux-mêmes :<br />
• Il faut pratiquer l’oral si on veut l’améliorer. Si je ne suis<br />
pas prêt à prendre des risques, de faire des fautes et d’être<br />
corrigé... ce serait difficile d’améliorer mon français.<br />
Ces convictions se sont répercutées dans les conversations<br />
que j’ai eues avec les francophones qui participent<br />
actuellement en tant que mentors français dans un<br />
programme offert aux enseignants en immersion<br />
par l’entremise du ministère de l’Éducation, intitulé<br />
Perfectionnement professionnel linguistique (PPL). Ils<br />
rapportent certaines des caractéristiques de leurs étudiants<br />
qui connaissent les progrès les plus significatifs au cours du<br />
temps qu’ils passent ensemble.<br />
• Les caractéristiques que j’observe chez les enseignantes<br />
qui progressent dans leurs compétences en français<br />
sont l’engagement et la fierté. Elles ont la motivation et<br />
le gout d’apprendre et de toujours vouloir s’améliorer.<br />
Elles n’utilisent pas seulement le français pour le<br />
travail, mais comme un outil de communication et<br />
d’enrichissement culturel.<br />
• Je les trouve tous très réceptifs à toutes suggestions et<br />
conseils. Ils connaissent les points faibles de leur français<br />
et ils font un grand effort pour y remédier, car ils ont<br />
conscience d’être le modèle de leurs élèves. Ils ont tous à<br />
cœur de bien s’exprimer et n’hésitent pas à s’autocorriger.<br />
En résumé,<br />
je crois que les enseignants en immersion française non<br />
francophones qui sont déjà compétents ont plusieurs<br />
options pour continuer à maitriser leur langue seconde,<br />
même dans un milieu principalement anglophone. Le<br />
processus n’est pas différent de la planification d’une<br />
unité de maths par exemple. Tout d’abord, cela nécessite<br />
un désir et une volonté d’améliorer le français (le but).<br />
souvent, à prendre des risques, à accepter les erreurs et à être<br />
fiers de leurs capacités? Ne devrions-nous pas nous permettre<br />
la même liberté et la même patience lors de notre poursuite<br />
à maitriser le français? De mon côté, j’ai l’intention de<br />
moins m’inquiéter de paraitre parfaite devant les gens (parce<br />
que je ne le suis pas) afin de me concentrer davantage sur<br />
l’accomplissement de mes buts en français!<br />
Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong> Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong>
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL<br />
PERFECTIONNEMENT PROFESSIONNEL<br />
Jumelage et mentorat : avec plaisir sur la côte<br />
ouest!<br />
Thérèse Guillemette<br />
Coordonnatrice du projet Jumelage et mentorat en C.-B.<br />
projets@afracb.ca<br />
Certains diront que la dualité linguistique canadienne est<br />
une utopie dans le Canada multiculturel d’aujourd’hui.<br />
Pourtant, le désir des Canadiens de devenir bilingues<br />
démontre que cette dualité a bien sa place et l’apprentissage<br />
de l’autre langue officielle, soit l’anglais ou le français<br />
selon la province, a gagné en popularité de façon marquée<br />
au cours des dernières décennies. Dans les provinces où les<br />
francophones sont minoritaires, notamment en Colombie-<br />
Britannique, l’apprentissage du français dans un cadre<br />
immersif apporte des défis particuliers.<br />
Plusieurs études confirment qu’un des enjeux majeurs<br />
de l’éducation en français langue seconde est la pénurie<br />
d’enseignants détenant les compétences linguistiques<br />
adéquates pour œuvrer en immersion. La Colombie-<br />
Britannique n’échappe pas à cette problématique. La<br />
grande popularité du programme d’immersion française en<br />
Colombie-Britannique depuis les dix dernières années s’est<br />
traduite par une augmentation de 72 % des inscriptions et un<br />
changement important dans le profil des enseignants.<br />
Au début du programme, la majorité des enseignants étaient<br />
francophones. Maintenant, plusieurs d’entre eux sont des<br />
anglophones provenant eux-mêmes de l’immersion. Bien<br />
qu’ils soient considérés comme bilingues, cela ne veut pas<br />
nécessairement dire qu’ils aient toutes les compétences<br />
linguistiques nécessaires pour enseigner en français toute<br />
la journée, comme le souligne Wendy Carr de la Faculté de<br />
l’Éducation à la University of British Columbia (UBC).<br />
Ce projet, subventionné en partie par Patrimoine Canada et<br />
mis sur pied en 2012, a connu du succès dans différentes<br />
provinces du Canada, dont le Manitoba, l’Alberta, l’Ontario,<br />
la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard et, tout<br />
récemment, la Colombie-Britannique.<br />
En effet, l’Assemblée francophone des retraité(e)s et ainé(e)<br />
s de la Colombie-Britannique (AFRACB), en collaboration<br />
avec l’Association provinciale des professeurs d’immersion<br />
et du programme francophone de Colombie-Britannique<br />
(APPIPC), a accepté de se joindre au projet et, bien qu’il<br />
n’en soit qu’à ses tout débuts, une première région, le sud de<br />
l’ile de Vancouver — incluant le Grand Victoria, Saanich,<br />
Sooke et les Gulf Islands — a déjà montré un grand intérêt.<br />
Onze enseignants et enseignantes en immersion française<br />
et neuf ainés et ainées francophones se sont rencontrés afin<br />
de se jumeler et de planifier entre quatre et six activités<br />
culturelles et communautaires francophones auxquelles elles<br />
aimeraient participer pendant la durée du projet, soit environ<br />
six mois. « J’aurais aimé passer plus de temps avec ma<br />
“jeune jumelle” pour mieux la connaitre lors de la première<br />
rencontre, nous avions tellement de plaisir à découvrir nos<br />
affinités », m’a confié Chantal Duquette, une ainée<br />
de Saanich.<br />
Le recrutement des enseignants et enseignantes en<br />
immersion s’est fait avec l’aide des coordonnateurs des<br />
programmes d’immersion française des districts 63 de<br />
Saanich et 62 de Sooke ainsi que par l’Association des<br />
professeures en immersion de Victoria (APIV). Celui des<br />
ainés a été mené par le regroupement provincial qu’est<br />
l’AFRACB, le regroupement local qu’est La génération des<br />
retraités et ainés francophones et francophiles (La GRAFF)<br />
ainsi que La Société francophone de Victoria.<br />
« C’est un beau projet qui répond vraiment à un<br />
besoin chez nos enseignants et enseignantes en<br />
immersion dans notre district » – Mme Hélène Poulin,<br />
présidente de l’APIV.<br />
Le projet Jumelage et mentorat prendra le traversier vers<br />
le nord de l’ile et la Sunshine Coast cet hiver, puis vers<br />
le Grand Vancouver au printemps <strong>2018</strong>. Les régions<br />
de l’Okanagan et les Kootenays seront visitées en<br />
<strong>automne</strong> <strong>2018</strong>. Si le projet vous intéresse, vous pouvez<br />
contacter l’AFRACB soit en personne par le biais de<br />
votre association francophone locale, soit sur le site<br />
Internet du projet www.afracb.ca/projets/jmii, soit par<br />
courriel à projets@afracb.ca ou encore par téléphone<br />
au 778 747-0138.<br />
« C’est mon but à UBC d’attirer ceux qui veulent<br />
Le choix des activités des jumeaux et jumelles est très<br />
enseigner le français, mais il y a toujours une pénurie,<br />
varié. Il peut s’agir d’aller voir un film en français,<br />
surtout quand beaucoup, beaucoup de profs qui<br />
d’assister à une pièce de théâtre, d’aller au restaurant, de<br />
enseignent le français comme langue seconde ne se<br />
prendre un café ou de faire une randonnée pédestre ou<br />
Brooke, enseignant<br />
sentent pas en confiance pour le faire. »<br />
cycliste tout en jasant en français ou encore d’organiser<br />
(à gauche)<br />
Certaines « jumelles » de la région du Grand Victoria<br />
26 un souper communautaire entre plusieurs paires<br />
27<br />
Un certain nombre d’enseignants et d’enseignantes<br />
éprouvent de la difficulté au niveau de leurs compétences<br />
linguistiques et d’autres, bien que maitrisant la langue, n’ont<br />
pas les connaissances culturelles suffisantes pour fournir à<br />
leurs élèves des expériences authentiques.<br />
Rémi Léger, chercheur sur le multiculturalisme et<br />
les droits des minorités à la Simon Fraser University<br />
(SFU), mentionne que : « En immersion, le français est<br />
instrumental, détaché de l’identité francophone, c’est juste<br />
un outil à partir duquel on apprend ».<br />
Pourtant, de nombreuses études démontrent que<br />
l’apprentissage d’une langue n’est pas seulement une<br />
activité intellectuelle; il ne peut être dissocié d’un<br />
contexte culturel, à défaut de quoi il devient aride et vide<br />
de sens.<br />
En réponse à cette situation, le projet Jumelage et mentorat<br />
intergénérationnel et interculturel a été mis sur pied par<br />
l’Association canadienne des professionnels de l’immersion<br />
(ACPI) et la Fédération des ainées et ainés francophones du<br />
Canada (FAAFC) avec comme double objectif d’aider les<br />
enseignants à améliorer leurs compétences orales en français<br />
et de leur faire mieux connaitre la culture et la communauté<br />
francophones de leur région afin de se créer de nouvelles<br />
relations. Ce processus leur permet de faire un transfert de<br />
connaissances dans leurs classes au bénéfice des élèves.<br />
Dans un deuxième temps, les personnes ainées auront la<br />
possibilité de participer activement à l’expansion de la<br />
culture francophone en milieu minoritaire, de partager leur<br />
expérience de vie en français et de créer des liens d’amitié<br />
intergénérationnels.<br />
de jumeaux agrémenté de musique et de chansons<br />
francophones, etc. L’imagination des participants et<br />
participantes est la limite!<br />
Chantal, ainée du Grand<br />
Victoria (à droite)<br />
« Quelle chance… mon<br />
jumeau Réjean est un<br />
chanteur folklorique! »<br />
Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong> Vol. 40, No. 3, Automne <strong>2018</strong>
HIVER <strong>2018</strong><br />
Department of Language Studies, University of Toronto Mississauga<br />
Assistants à la recherche :<br />
• Ivan Lasan<br />
• Zehra Palta<br />
• Anne Popovich<br />
LE MEILLEUR ENSEIGNANT<br />
D’IMMERSION<br />
Le thème de cette année?<br />
LE MEILLEUR ENSEIGNANT<br />
D’IMMERSION<br />
Ce concours s’adresse à toi, élève d’immersion française de la<br />
9 e à la 12 e année (secondaire 3 à 5 au Québec).<br />
TU VEUX DES IDÉES?<br />
Crée un vidéoclip qui met en vedette le meilleur enseignant<br />
(réel ou fictif!) en immersion! Est-ce qu’il y a un enseignant<br />
dans ton parcours en immersion qui t’a marqué? Si tu<br />
avais à inventer l’enseignant idéal en immersion à quoi<br />
ressemblerait-il? Qu’est-ce qui le rend exceptionnel?<br />
Décris ce qu’il a fait pour que de simples journées de classe<br />
deviennent une expérience inoubliable. Qu’a-t-il fait de<br />
différent, de remarquable, de spécial pour être considéré<br />
le meilleur? Explique-nous comment cet enseignant réel ou<br />
fictif illumine ta vie et t’inspire! Parle-nous de son impact sur<br />
ton apprentissage du français.<br />
CE QUE TU AS À FAIRE?<br />
1. 1 Créer un vidéoclip en français<br />
2. 2 Nous raconter qui est le meilleur<br />
enseignant d’immersion<br />
3. 3 Soumettre ton vidéoclip avant<br />
le 24 février 2019<br />
Tu gagnes quoi?<br />
Tu pourrais gagner des bourses de l’Université<br />
d’Ottawa, l’Université Sainte-Anne, l’Université Saint-<br />
Paul, l’Université de Sudbury et du Collège universitaire<br />
Glendon et des chèques-cadeaux de l’Association<br />
canadienne des professionnels de l’immersion!<br />
Coin DELF<br />
Est-ce que le DELF influence vos plans de leçons?<br />
Dr. Katherine Rehner dit OUI!<br />
Dans une nouvelle étude intitulée Les pratiques<br />
pédagogiques des enseignants-correcteurs du DELF : une<br />
perspective pancanadienne, Katherine Rehner nous montre<br />
que les praticiens adoptent dans leurs salles de classe une<br />
vision de la langue inspirée par le CECR.<br />
Voici le sommaire exécutif :<br />
Après avoir été mis en œuvre au Canada il y a plus de<br />
dix ans, le Cadre européen commun de référence pour<br />
les langues : apprendre, enseigner et évaluer (Conseil de<br />
l’Europe, 2001), ou CECR, gagne du terrain dans tout le<br />
pays et influence directement et indirectement la politique<br />
linguistique. Le CECR met l’accent sur une approche<br />
« orientée vers l’action » de l’apprentissage des langues qui<br />
considère principalement « les utilisateurs et les apprenants<br />
d’une langue comme des “agents sociaux”, c’est-à-dire<br />
des membres de la société qui ont des tâches à accomplir »<br />
(p. 9, citation traduite de l’anglais). À ce titre, cette approche<br />
de l’enseignement et de l’apprentissage des langues a un<br />
potentiel considérable pour susciter l’intérêt des apprenants,<br />
favoriser le développement de leurs compétences et<br />
renforcer leur confiance, tout en contribuant à atteindre<br />
l’objectif du gouvernement canadien d’augmenter le nombre<br />
de diplômés du secondaire qui sont fonctionnellement<br />
bilingues dans les deux langues officielles du Canada. La<br />
popularité croissante du CECR à travers le Canada reflète<br />
un mouvement plus large allant au-delà des modèles<br />
traditionnels d’enseignement des langues et d’exercices de<br />
traduction grammaticale vers des interactions significatives<br />
et authentiques qui s’appuient sur une approche équilibrée<br />
du langage, impliquant à la fois la maîtrise réceptive (lire et<br />
écouter) et la maîtrise productive (écrire et parler) dans le<br />
but de favoriser la capacité de communiquer dans la langue.<br />
Cependant, bien que les gouvernements fédéral et<br />
provinciaux du Canada aient largement appuyé le CECR,<br />
la mise en œuvre des pratiques fondées sur le CECR<br />
dans l’ensemble du pays a été « partielle et incohérente<br />
plutôt que systématique » (Maldina, 2015, p. 11, traduit<br />
de l’anglais). Par conséquent, il y a une différence notable<br />
entre les enseignants quant à leur niveau de familiarisation<br />
avec le CECR et à leur engagement envers l’adoption des<br />
Référence<br />
meilleures pratiques inspirées du CECR. De plus, en dépit<br />
des données anecdotiques sur son influence, il existe peu<br />
de données empiriques attestant l’impact du CECR sur les<br />
pratiques de planification pédagogique des enseignants, les<br />
pratiques en classe et les pratiques d’évaluation. Pourtant,<br />
en raison de l’influence croissante du CECR sur la politique<br />
du français langue seconde (FLS) au Canada, il est crucial<br />
de comprendre comment cette approche de l’enseignement<br />
et de l’apprentissage des langues influence la pratique<br />
enseignante dans les classes de FLS au Canada.<br />
Dans son rapport, Dre Rehner donne les trois conclusions<br />
suivantes :<br />
Les enseignants ont signalé une réorientation de la façon<br />
dont ils présentent la langue dans leurs salles de classe à<br />
la suite de leur apprentissage professionnel lié au CECR/<br />
DELF.<br />
Il a été constaté que l’apprentissage professionnel lié au<br />
CECR/DELF des enseignants les a incités à employer<br />
plus largement les stratégies et ressources fondées sur des<br />
utilisations plus authentiques et quotidiennes de la langue.<br />
Il a été démontré que les changements que l’apprentissage<br />
professionnel lié au CECR/DELF inspirait dans la pratique<br />
enseignante se sont avérés remarquablement cohérents dans<br />
divers groupes d’enseignants à travers le Canada.<br />
Les Centres DELF-DALF du Canada présentent:<br />
Les pratiques pédagogiques des enseignants-correcteurs du DELF :<br />
une perspective pancanadienne<br />
Pour lire le rapport complet,<br />
visitez http://www.acpi.ca/<br />
documents/documents/Rehner_<br />
Report_<strong>2018</strong>_<strong>final</strong>_mars_<strong>2018</strong>_<br />
FR_<strong>final</strong>.pdf.<br />
To read the full report in English,<br />
please visit http://www.acpi.ca/<br />
documents/documents/Rehner_<br />
Report_<strong>2018</strong>_<strong>final</strong>_mars_<strong>2018</strong>_<br />
EN_<strong>final</strong>.pdf.<br />
Maldina, E. (2015). The impact of the common European framework of reference on foreign language instruction: The case of sociolinguistic and<br />
pragmatic competence (mémoire de maîtrise non publié). Université de Toronto, Canada.<br />
Dr. Katherine Rehner<br />
29<br />
www.acpi.ca/concours<br />
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