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IDENTITÉ BILINGUE<br />

PARTIE 1<br />

Une perspective<br />

interculturelle pour une<br />

identité professionnelle<br />

positive des enseignant.e.s<br />

d’immersion<br />

Carl Ruest<br />

Meike Wernicke<br />

La langue comme objet<br />

d’apprentissage au service<br />

de la construction identitaire<br />

Josée Le Bouthillier<br />

Renée Bourgoin<br />

Making the inclusivity shift<br />

Anne-Marie Bilton<br />

Brandon Curr<br />

<strong>Vol</strong>ume <strong>43</strong>, numéro 2<br />

Été 2021


Mission de l’ACPI<br />

L’Association canadienne des professionnels de l’immersion<br />

(ACPI) est une organisation professionnelle dont la mission<br />

est de participer à la promotion et à l’épanouissement d’un<br />

Canada bilingue en ralliant les éducateurs en immersion<br />

ainsi que des partenaires de toutes les régions du pays.<br />

Pierre angulaire de l’immersion française au Canada, l’ACPI<br />

oriente et enrichit la pédagogie immersive au Canada.<br />

Par son offre de formation, de recherche et de réseautage,<br />

elle fournit aux éducateurs un soutien rigoureux, ainsi que<br />

de nombreuses possibilités d’apprentissage professionnel,<br />

tout en inspirant un dialogue pédagogique en français.<br />

Nos partenaires<br />

Le Journal de l’immersion<br />

<strong>Vol</strong>ume <strong>43</strong>, numéro 2, été 2021<br />

L’Association canadienne des<br />

professionnels de l'immersion<br />

170 Laurier Ouest, bureau 1106<br />

Ottawa (Ontario) K1P 5V5<br />

Téléphone : 613 230-9111<br />

Télécopieur : 613 230-5940<br />

Courriel : bureau@acpi.ca<br />

Site Web : www.acpi.ca<br />

Publications Mail/Registration #/n o de publication/<br />

distribution postale : 40017579<br />

Prière de retourner le courrier non livrable à l’Association<br />

canadienne des professionnels de l'immersion.<br />

Mail undeliverable to Canadian addresses should be returned to<br />

the Canadian Association of Immersion Professionals.<br />

Les articles publiés reflètent l’opinion des auteurs, pas<br />

forcément celle du conseil d’administration de l’ACPI.<br />

Opinions expressed by authors are their own and not<br />

necessarily those of the Board of Directors of CAIP.<br />

Tirage/Circulation : 2 000 exemplaires/copies<br />

Reconnaissance – Le conseil d’administration de l’ACPI ainsi<br />

que l’équipe de rédaction du « Journal de l’immersion »<br />

tiennent à exprimer toute leur gratitude et leur reconnaissance<br />

au ministère du Patrimoine canadien pour sa contribution<br />

financière, sans laquelle la publication de cette revue ne serait<br />

pas possible.<br />

Acknowledgement – The Board of Directors of CAIP and the<br />

Editorial Board of the “Journal de l’immersion” wish to express<br />

their gratitude to the department of Canadian Heritage for its<br />

financial contribution to support the publication of magazine.<br />

ISSN : 0833-1812<br />

Comité de rédaction<br />

Marie-Pier Hupé-Mongeon<br />

Corinne Labelle<br />

Jill LeBlanc<br />

Josée Le Bouthillier<br />

Monica Tang<br />

Rédactrices en chef<br />

Jill LeBlanc<br />

Josée Le Bouthillier<br />

Monica Tang<br />

Graphisme et production<br />

www.inter-vision.ca<br />

Révision linguistique<br />

Jacques Côté<br />

Directrice générale de l’ACPI<br />

Chantal Bourbonnais<br />

Coordonnatrice marketing<br />

et adhésions<br />

Corinne Labelle<br />

Coordonnatrice du congrès<br />

Kim Murray<br />

Pigiste - Agente de communication<br />

Marie-Pier Hupé-Mongeon<br />

Conseillère pédagogique nationale<br />

Lesley Doell<br />

Coordonnatrice de la Stratégie<br />

de recrutement et de rétention<br />

d’enseignants en immersion<br />

Nadine Dupuis<br />

Consultante – Gestionnaire de<br />

la Stratégie de recrutement et<br />

de rétention d’enseignants en<br />

immersion<br />

Marie-France Gaumont<br />

Conseil d’administration<br />

Alberta<br />

Colombie-Britannique<br />

Île-du-Prince-Édouard<br />

Manitoba<br />

Nouveau-Brunswick<br />

Nouvelle-Écosse<br />

Ontario<br />

Québec<br />

Saskatchewan<br />

Terre-Neuve-et-Labrador<br />

Territoires du Nord-Ouest<br />

Présidente sortante<br />

Mélanie Simard<br />

Monica Tang<br />

Marie-Lyne Bédard<br />

Holly Sorenson<br />

Jeannot Cyr<br />

Judith Patouma<br />

Alexander Skene<br />

France Bourassa<br />

Wybo Ottenbreit-Born<br />

Kristie St. Croix<br />

Caroline Roux<br />

Marie-Josée Morneau<br />

CHANGEMENT D'ADRESSE : Si vous changez d’adresse<br />

postale ou de courriel, merci d’en informer le bureau de<br />

l’ACPI au bureau@acpi.ca ou au 613 230-9111.<br />

Le Journal de l’immersion est publié trois fois l'an pour les<br />

membres de l’ACPI. Les auteurs d’articles, tout comme le<br />

lectorat, sont composés d’enseignants, d’administrateurs<br />

scolaires, de conseillers pédagogiques, de parents, de<br />

chercheurs, de spécialistes, de professeurs et d’étudiants<br />

universitaires, ainsi que de responsables aux ordres de<br />

gouvernement provincial et fédéral provenant de toutes<br />

les régions du Canada et de partout dans le monde.<br />

La reproduction ou la diffusion électronique, même<br />

partielle, de tout article de cette publication est soumise<br />

à l’autorisation préalable de la rédaction.<br />

Pour vous abonner au Journal de l’immersion,<br />

vous devez devenir membre de l’ACPI. Merci de<br />

visiter www.membre.acpi.ca.<br />

Sommaire<br />

ACPItualités<br />

Mot de la présidente................................................................4<br />

Paroles de nos rédactrices .....................................................5<br />

Coup de cœur de Chantal .....................................................6<br />

La danse délicate de l’équilibre entre langue et contenu.....7<br />

Faites partie du conseil d’administration de l’ACPI!.........11<br />

Prix d’excellence André Obadia...........................................12<br />

Identité bilingue<br />

Une perspective interculturelle pour une<br />

identité professionnelle positive des enseignant.e.s<br />

d’immersion...........................................................................13<br />

Pour l’épanouissement de l’identité bilingue<br />

chez nos élèves.......................................................................16<br />

« Mom, how French am I? » Réflexions d’une mamanenseignante-chercheuse<br />

sur l’objectif de l’immersion......20<br />

Enlever les menottes : comment faire parler le français<br />

aux élèves sans jouer à la policière......................................25<br />

La langue comme objet d’apprentissage au service<br />

de la construction identitaire...............................................30<br />

Making the inclusivity shift .................................................37<br />

Coordonnatrice administrative<br />

et financière<br />

Janine Oschwald<br />

Chargée de projet – jobimmersion.ca<br />

Nada Bensouda<br />

L’usage du masculin n’est pas discriminatoire.<br />

Il a pour but d’alléger le texte.


ACPItualités<br />

Mot de la présidente<br />

Caroline Roux | Présidente de l’ACPI | presidente@acpi.ca<br />

L’année scolaire 2020-2021 tire à sa fin et malgré les défis qui ont teinté les derniers mois,<br />

l’ACPI a réussi à donner naissance à de nombreux projets. Elle s’est montrée créatrice et<br />

innovatrice dans le but de répondre aux besoins de tous ses membres. Voici ses récentes<br />

réalisations : le tout nouvel Espace membre virtuel, le carrefour pédagogique spécifique à<br />

l’immersion; Teacher 5 étoiles, la campagne de recrutement et de valorisation de la profession<br />

d’enseignant en immersion; le lancement de jobimmersion.ca, le site de recherche d’emploi<br />

100 % immersion française; l’ajout de la ressource 70 activités motivantes de lecture, publiée<br />

en collaboration avec Chenelière Éducation; la panoplie de perfectionnement professionnel<br />

offerte par l’entremise de balados, d’épisodes L’ACPI reçoit et de la nouvelle série de capsules<br />

Droit au but, offrant des conseils pratiques pour l’enseignement en ligne.<br />

Dans un pays où nous avons la chance d’avoir deux langues officielles, et où de plus en plus de<br />

personnes reconnaissent la valeur de savoir s’exprimer en français en en anglais, la question de l’identité linguistique refait<br />

souvent surface, surtout en contexte immersif. Puisque le bilinguisme monte en flèche et que le nombre d’élèves inscrits à<br />

un programme d’immersion augmente chaque année, on constate qu’il est plus que jamais essentiel d’aborder la question<br />

de l’identité bilingue avec les élèves d’immersion.<br />

Bien sûr, l’identité est propre à chacun et il existe autant d’identités que d’êtres humains sur terre, mais sur le plan<br />

linguistique, les moyens de valoriser le bilinguisme auprès des élèves ne manquent pas. Chérir sa langue maternelle tout<br />

en développant un sentiment d’appartenance à une nouvelle langue contribue à créer l’amour du bilinguisme et un<br />

engagement indéniable envers les deux langues officielles de notre grand pays. C’est d’ailleurs, à mes yeux, ce qui nous<br />

caractérise en tant que Canadiens, ce qui nous unit et nous rend uniques.<br />

Je suis si fière, à titre de présidente, de représenter une association ayant pour mission de participer à la promotion et à<br />

l’épanouissement d’un Canada bilingue en ralliant les éducateurs en immersion française ainsi que des partenaires de<br />

toutes les régions du pays. En tant que professionnels de l’immersion, nous avons ensemble le pouvoir de contribuer à<br />

l’identité bilingue de la future génération de Canadiens.<br />

Merci à vous tous, chers collègues, pour le travail incommensurable que vous accomplissez au quotidien. Vous permettez<br />

à de plus en plus de jeunes de participer à cette identité bilingue tellement importante pour notre pays. Grâce à vous,<br />

nous assurons la pérennité des deux langues officielles aux quatre coins du pays. Vous êtes les acteurs essentiels d’un<br />

bilinguisme à l’échelle nationale en développant l’identité bilingue de nos apprenants.<br />

Pour conclure, je vous souhaite un congé d’été ô combien mérité. J’ai déjà hâte de vous retrouver l’automne prochain.<br />

L’ACPI profitera de la saison estivale pour vous préparer une tonne de surprises et de nouveautés pour la rentrée. Soyez au<br />

rendez-vous.<br />

Bon été et bonne lecture!<br />

Paroles de nos rédactrices<br />

ACPItualités<br />

Jill LeBlanc | Responsable des programmes d’immersion française de la 7 e à la 12 e année au ministère de l’Éducation<br />

de l’Île-du-Prince-Édouard | jeleblanc@edu.pe.ca<br />

Josée Le Bouthillier | Associée à la recherche à l'Institut de recherche en langues secondes du Canada | josee@unb.ca<br />

Monica Tang | Formatrice associée | Études supérieures professionnelles (ESP) et Formation initiale en enseignement<br />

(FIE) à Simon Fraser University | monica_tang@sfu.ca<br />

Jill LeBlanc<br />

Josée Le Bouthillier<br />

Nos histoires et nos réalités sont toutes uniques, mais dans le domaine de<br />

l’immersion française, nous avons le devoir de promouvoir la vitalité de l’identité<br />

bilingue par le biais de nos programmes. De plus en plus, on parle de la dualité<br />

linguistique en reconnaissant sa valeur comme « pierre angulaire de notre identité<br />

nationale » (Commissariat aux langues officielles). Ce phénomène représente un<br />

point de fierté et une opportunité de croissance. Les programmes d’immersion<br />

sont destinés aux jeunes anglophones et allophones canadiens, et ils jouent un rôle<br />

important pour la vitalité du bilinguisme au pays. Plusieurs Canadiens anglophones<br />

à l’extérieur du Québec côtoient des francophones de milieux minoritaires et,<br />

en développant une identité bilingue, ils contribuent au rayonnement de la<br />

francophonie. Un court survol de l’état actuel des deux langues officielles du<br />

Canada nous confirme que nous devons protéger et augmenter l’accès aux<br />

programmes de français afin de promouvoir l’identité bilingue.<br />

En tant que professionnels de l’immersion, nous jouons un rôle important dans<br />

l’avancement du bilinguisme au Canada. Les expériences culturelles que nous<br />

faisons vivre à nos élèves, et la richesse que nous, les professionnels, apportons aux<br />

programmes d’immersion, ont le pouvoir de semer les graines d’un amour profond<br />

pour la culture francophone. Nous pouvons outiller les élèves, les aider à faire<br />

des choix pour continuer leur développement linguistique et culturel longtemps<br />

après avoir terminé leur formation scolaire. Promouvoir la construction d’une<br />

identité bilingue saine et solide dans nos programmes d’immersion se veut un<br />

investissement au retour exponentiel. Nous récoltons au quotidien le fruit de nos<br />

efforts dans nos salles de classe, et ces efforts auront une portée encore plus large<br />

en assurant le progrès des générations futures au sein de fortes communautés<br />

francophones et francophiles.<br />

Ce numéro fait découvrir, parmi plusieurs perspectives, l’importance d’une<br />

programmation diversifiée en français au Canada, en vue de soutenir le<br />

développement de la dualité linguistique par le biais de notre langue minoritaire.<br />

D’autres articles inspirent une fierté pour notre francophonie adoptée. D’autres<br />

encore font réfléchir au besoin constant de s’exercer face à l’insécurité linguistique<br />

en choisissant le français au quotidien. Unissons-nous dans ce but commun,<br />

prendre à cœur le goût de l’aventure linguistique et ne jamais regarder en arrière.<br />

Monica Tang<br />

4 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION<br />

<strong>Vol</strong>. <strong>43</strong>, n o 2, été 2021 | 5


ACPItualités<br />

ACPItualités<br />

Coup de cœur de Chantal<br />

Chantal Bourbonnais | Directrice générale de l’ACPI | cbourbonnais@acpi.ca<br />

À la découverte des balados<br />

Je ne sais pas si vous êtes comme<br />

moi, mais j’ai parcouru des kilomètres<br />

à pied pendant la pandémie. Mon<br />

quartier est bien beau, mais j’ai<br />

senti que j’avais besoin d’animer<br />

mes marches si je voulais continuer<br />

cette bonne habitude. Comme<br />

j’écoute déjà beaucoup de musique<br />

pendant mes journées de télétravail,<br />

j’ai décidé d’explorer le monde des<br />

balados. Depuis que j’ai téléchargé<br />

l’application Radio-Canada OHdio,<br />

je m’amuse à découvrir une bibliothèque imposante présentant<br />

documentaires, émissions de radio et livres audio. Mais moi, je<br />

préfère les fictions. Deux de mes balados de fiction préférés<br />

m’ont été recommandés par ma collègue Corinne.<br />

Le premier est Écho de l’auteur<br />

Patrick Senécal, un écrivain<br />

québécois reconnu pour<br />

ses histoires fantastiques<br />

ou d’horreur et ses romans<br />

policiers. Le maître de<br />

l’horreur et du suspens nous<br />

fait découvrir une jeune<br />

femme schizophrène accusée<br />

du meurtre de ses parents.<br />

La police demande à la psychiatre Marie Paventi (Céline<br />

Bonnier) d’analyser le cas de Morgane, jeune femme atteinte<br />

de schizophrénie, qui aurait commis le double meurtre de<br />

ses parents. Morgane Tétreault (campée par Nahéma Ricci)<br />

ne se souvient de rien. La police s’intéresse à l’analyse de la<br />

D re Paventi puisqu’elle est la seule de la région à utiliser une<br />

machine qui permet d’entendre les voix dans la tête des patients<br />

schizophrènes.<br />

La D re Paventi accepte le mandat et grâce à la technologie du<br />

Deepvoice Echo, elle écoute les voix générées par le cerveau<br />

de Morgane. Elle découvre de l’information importante pour<br />

le procès de sa patiente qui aura lieu sous peu. Toutefois, elle<br />

entend également une voix étrange qui en sait un peu trop sur<br />

elle-même et sur son passé. À qui appartient cette voix? La fin<br />

vous surprendra!<br />

Écho nous livre 7 épisodes de 20 minutes à écouter en rafale.<br />

Les acteurs sont excellents. L’intensité des émotions est d’un<br />

réalisme troublant. Ce balado m’a captivée. Je l’ai écouté<br />

épisode après épisode, toujours curieuse d’en apprendre<br />

davantage sur cette affaire policière et de découvrir ce que<br />

dévoilent les voix. Je recommande fortement de l’écouter<br />

avec des écouteurs, puisque les effets sonores apportent de la<br />

richesse et de la profondeur à l’intrigue.<br />

Le deuxième balado est Cavale,<br />

une histoire d’enlèvement<br />

qui se transforme en amitié<br />

inattendue, de laquelle émerge<br />

un duo improbable, cosignée<br />

par Samuel Archibald et<br />

William S. Messier.<br />

On y retrouve deux<br />

personnages principaux.<br />

Alain Langlais est un ancien musicien country devenu<br />

chanteur de charme dont la carrière subit un sérieux déclin.<br />

Lassé de l’exploitation à laquelle sa gérante le soumet, il rêve<br />

de s’émanciper et de retrouver la gloire artistique qu’il a déjà<br />

connue. Par un concours de circonstances, il rencontre la<br />

jeune voleuse Jolène Jarry (Catherine Brunet), et à partir de ce<br />

moment, il planifie son propre enlèvement. Progressivement, un<br />

lien spécial se tissera entre les deux personnages.<br />

On les suit dans une escapade sur les routes de l’Acadie,<br />

du Québec et de l’Ontario. À mesure que les kilomètres<br />

s’accumulent, les personnages s’apprivoisent et évoluent.<br />

L’histoire est bonne, mais j’ai davantage aimé le ton, l’humour et<br />

surtout le développement de la relation entre Alain et Jolène.<br />

Je retrouve dans Cavale Gildor Roy, un comédien que j’aime<br />

beaucoup. Ceux qui suivent District 31 reconnaîtront la voix du<br />

commandant Daniel Chiasson lorsque Langlais s’exprime.<br />

Le balado se déploie sur cinq épisodes d’une quinzaine de<br />

minutes.<br />

J’aime écouter les balados de fiction. J’ai l’impression de<br />

retourner à l’époque pré-télévision où mes grands-parents<br />

écoutaient avec ferveur des feuilletons autour de la grosse<br />

radio dans le salon. Prenez votre casque d’écoute, sortez vos<br />

espadrilles et faites votre marche tout en entendant de bonnes<br />

histoires!<br />

La danse délicate de l’équilibre entre langue et contenu<br />

Chronique pédagogique de Lesley Doell | Conseillère pédagogique nationale de l’ACPI | ldoell@acpi.ca<br />

Tous les enseignants du<br />

Programme d’immersion<br />

française sont responsables du<br />

développement langagier des<br />

élèves en français, ainsi que de<br />

l’enseignement du contenu exigé<br />

pour chaque matière.<br />

J’ai toujours apprécié cette<br />

citation du document<br />

d’Éducation Manitoba (La<br />

langue au cœur du Programme d’immersion française : une<br />

approche intégrée dans la pédagogie immersive, p. 4), car<br />

elle sert de base à un programme d’immersion française<br />

réussi. Nous sommes tous des professeurs de langue<br />

en immersion française. C’est une déclaration d’identité<br />

puissante. Par conséquent, en tant qu’enseignante de<br />

sciences, de mathématiques, d’éducation physique, d’arts<br />

ou d’études sociales dans un programme d’immersion,<br />

je dois prêter attention au développement de la langue<br />

comme au contenu. On peut se demander si cela revient<br />

à doubler la charge de travail! L’essentiel est peut-être<br />

de savoir pourquoi c’est si important. Ne pourrions-nous<br />

pas simplement enseigner notre matière en français et<br />

cela suffirait? Ne pourrions-nous pas simplement laisser<br />

l’enseignement de la langue aux professeurs de français? Ce<br />

sont des affirmations et parfois des questions « discrètes »<br />

que j’ai entendues au fil des ans.<br />

La meilleure réponse indirecte à ces questions est fournie<br />

par deux experts en pédagogie des langues secondes,<br />

dans leur récent ouvrage intitulé Scaffolding language<br />

development in immersion and dual language classrooms :<br />

« Pour résumer, on considère que les lacunes dans les<br />

capacités productives des élèves [...] sont le résultat<br />

d’une sous-estimation de la mesure dans laquelle les<br />

élèves ont besoin d’être attentifs et de s’engager dans la<br />

deuxième langue pendant l’enseignement de la matière et<br />

l’enseignement thématique. » (Tedick et Lyster, 2020)<br />

Des décennies de recherches ont mis en évidence des<br />

lacunes dans les compétences linguistiques productives<br />

des élèves en immersion. On observe un manque de<br />

précision grammaticale, de spécificité lexicale et de variété.<br />

Dans l’ensemble, la langue est moins complexe et moins<br />

appropriée sur le plan sociolinguistique. Une fois que<br />

l’élève d’immersion atteint l’école secondaire, le contenu<br />

académique complexe peut être difficile à apprendre<br />

dans la langue seconde, malgré le défi de l’enseigner pour<br />

l’éducateur en immersion. On pourrait en déduire que des<br />

décennies d’attrition des élèves, dans les programmes<br />

d’immersion en français au Canada de niveau secondaire,<br />

pourraient être attribuables à ce dilemme souvent<br />

inexprimé. Afin de créer des locuteurs de français langue<br />

seconde confiants – ceux qui restent en français jusqu’à la<br />

12 e année, ceux qui chercheraient à atteindre le niveau B2<br />

sur l’échelle européenne (CECRL), ceux qui poursuivraient<br />

des études postsecondaires en français et ceux qui<br />

deviendraient notre future main-d’œuvre bilingue –, il est<br />

essentiel que nous, les éducateurs en immersion, restions<br />

conscients des meilleures pratiques permettant de relever<br />

ce défi particulier, propre au contexte de l’éducation en<br />

immersion.<br />

Comment les enseignants en immersion française ontils<br />

géré ce défi au cours des 50 dernières années, depuis<br />

la création des programmes d’immersion au Canada? Y<br />

parvenons-nous? Que dit la recherche actuelle sur cet<br />

équilibre entre la langue et le contenu? De quels outils<br />

disposons-nous pour aller de l’avant et raffiner notre<br />

pratique? Que doivent savoir nos chefs d’établissement<br />

pour s’assurer que tous leurs enseignants en immersion<br />

comprennent le même message important, à savoir que<br />

nous sommes tous des enseignants de langue?<br />

Un compte rendu de recherche fascinant sur les<br />

expériences des enseignants en matière d’enseignement<br />

de la langue et du contenu livré par Laurent Cammarata<br />

et Diane Tedick, « Balancing content and language in<br />

instruction : the experience of immersion teachers »,<br />

paraissait sous forme d’article en 2012. Après avoir recueilli<br />

une série de descriptions d’expériences vécues auprès des<br />

éducateurs en immersion, ces chercheurs ont découvert<br />

cinq éléments brièvement résumés ici : 1) L’identité : le fait<br />

6 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION<br />

<strong>Vol</strong>. <strong>43</strong>, n o 2, été 2021 | 7


ACPItualités<br />

ACPItualités<br />

que les enseignants se considèrent souvent comme des<br />

enseignants de contenu avant d’être des enseignants de<br />

langue; 2) Des défis externes, comme le manque de temps<br />

pour aborder les questions linguistiques à cause d’un<br />

contenu très exigeant, en particulier dans les niveaux<br />

supérieurs; 3) « On my own », qui fait référence aux<br />

expériences d’isolement et au manque de soutien collégial;<br />

4) « Awakening », la compréhension du fait que sans un<br />

niveau de compétence élevé, les élèves sont incapables<br />

d’accéder au contexte et de s’y engager au fur et à mesure<br />

qu’ils avancent dans les classes; 5) « A stab in the dark », qui<br />

indique que les enseignants ont des difficultés à identifier<br />

la langue sur laquelle ils doivent se concentrer en contexte<br />

d’enseignement et qu'ils se demandent comment l’évaluer.<br />

En lisant les implications et les changements suggérés<br />

par l’étude, j’ai réfléchi au chemin parcouru depuis la<br />

publication de cet article de périodique. Avons-nous<br />

encore du travail à faire? Sans aucun doute! Néanmoins,<br />

il est encourageant de savoir que, même pas 10 ans plus<br />

tard, nous disposons désormais d’un cadre systématique<br />

cohérent pour équilibrer la langue et le contenu dans notre<br />

enseignement. Grâce au travail de nombreux chercheurs,<br />

nous pouvons nous tourner vers quelques publications clés<br />

qui donnent des modèles réalistes et pratiques à mettre<br />

en œuvre dans notre pratique quotidienne. Il est encore<br />

plus encourageant d’entendre les éducateurs en immersion<br />

parler, réfléchir et reconnaître l’importance de l’approche<br />

intégrée dans leurs divisions scolaires et leurs classes. Le<br />

message selon lequel nous devons systématiquement nous<br />

occuper de la langue pendant l’enseignement de la matière<br />

si nous voulons obtenir un niveau optimal de compétence<br />

linguistique en immersion est devenu une conversation<br />

courante et attendue parmi les éducateurs en immersion.<br />

De plus, les programmes de formation des enseignants<br />

ont pris le relais et relient les enseignants en immersion au<br />

cadre qui leur permet de bien démarrer leur carrière avec<br />

les outils nécessaires.<br />

Est-il plus difficile de planifier et de mettre en pratique la<br />

double responsabilité d’enseigner la langue et le contenu?<br />

Nous avons très certainement vécu l’expérience, à un<br />

moment ou à un autre, que l’enseignement de la langue<br />

« entrave » l’enseignement du contenu à découvrir. Nous<br />

avons peut-être connu des situations où les élèves se<br />

plaignaient de devoir lire le manuel d’études sociales en<br />

raison de sa complexité. Cependant, nous avons également<br />

vécu des moments où nous nous sommes rendu compte<br />

que la langue retenait les élèves afin de les aider à se<br />

concentrer sur la réflexion de haut niveau requise dans<br />

une matière. Il faut en retenir que cela aide à réaliser<br />

qu’en fait, comme toute autre stratégie efficace, cela peut<br />

représenter au départ plus de travail, mais qu’au bout du<br />

compte, les résultats l’emportent largement sur l’effort. « Il<br />

importe de reconnaitre que plus on travaille la langue,<br />

plus on travaille en profondeur le contenu. » (Éducation<br />

Manitoba, 2016, p. 5).<br />

Où pouvez-vous découvrir les cadres structurels? En 2016,<br />

Vers une approche intégrée en immersion du professeur<br />

émérite Roy Lyster a été publié à l’occasion d’un partenariat<br />

entre les Éditions CEC et l’ACPI. Finalement, on avait un<br />

cadre systématique pour s’attaquer à l’enjeu! On pouvait<br />

en apprendre sur la complexité de l’enseignement en<br />

immersion et ainsi mieux développer l’aisance et la<br />

précision. L’œuvre a rapidement fait preuve d’une forte<br />

appréciation des éducateurs en immersion d’un coin à<br />

l’autre du pays. Le livre, inspiré de son premier ouvrage<br />

plutôt théorique publié en 2007, Learning and teaching<br />

languages through content : a counterbalanced approach,<br />

offre des interventions proactives et réactives découlant de<br />

toute la recherche effectuée en immersion française depuis<br />

plus de 30 ans.<br />

Lyster a par la suite publié en 2019, avec Diane Tedick,<br />

Scaffolding language development in immersion and dual<br />

language classrooms, un autre bijou. Ce traité porte sur des<br />

pratiques pédagogiques qui améliorent l’enseignement<br />

et l’apprentissage en contexte immersif, de même<br />

que sur les programmes de dualité linguistique (dual<br />

language) aux États-Unis. Cet ouvrage très complet détaille<br />

l’enseignement en contrepoids, le modèle « CAPA » en<br />

anglais (contextualisation, sensibilisation, pratique et<br />

autonomie), l’étayage par des techniques de rétroaction<br />

corrective et de questionnement, la planification des<br />

programmes et l’évaluation. Les auteurs consacrent même<br />

quelques pages à l’examen de certains contre-arguments<br />

sur les pédagogies translanguaging (le trans-apprentissage<br />

linguistique) en contexte d’immersion. Ce livre montre à<br />

quel point nous avons progressé dans la compréhension et<br />

le développement de stratégies réalisables et pratiques au<br />

cours des 30 dernières années.<br />

Je me souviens, à mes premières années d’enseignement,<br />

d’avoir lu l’article « Speaking immersion » que Lyster a<br />

publié en 1987, où il réfléchit à la façon d’aborder les<br />

expressions interlangues fossilisées avec nos élèves en<br />

immersion. Cette réflexion demeure pertinente de nos<br />

jours. Grâce à son travail et à celui de nombreux chercheurs<br />

au Canada et aux États-Unis, les enseignants disposent<br />

d’outils pour aborder les erreurs courantes, tant dans<br />

une approche proactive que réactive. Si vous n’avez pas<br />

eu l’occasion de lire un des livres de Roy Lyster, je vous<br />

encourage à vous faire plaisir en découvrant l’une des<br />

rares ressources de perfectionnement professionnel des<br />

enseignants qui traite spécifiquement de l’enseignement et<br />

de l’apprentissage en immersion française au Canada.<br />

Reproduction autorisée © Les Éditions CEC inc.<br />

Extraits de Roy Lyster, Vers une approche intégrée en immersion, 2016, p. 163-165.<br />

Références<br />

Pour conclure, j’aimerais attirer votre attention sur une<br />

rubrique de Vers une approche intégrée en immersion qui<br />

détaille ce qu’une personne observerait si elle cherchait<br />

l’approche intégrée en action dans une classe d’immersion.<br />

La liste de vérification qui se trouve dans les annexes<br />

(p. 163-165) se veut un excellent outil de réflexion pour les<br />

enseignants et les responsables d’écoles d’immersion en ce<br />

qui concerne les stratégies d’approche intégrée en classe.<br />

La même liste de contrôle d’observation, dressée en anglais<br />

par Tara Fortune, est disponible à cette adresse : https://<br />

carla.umn.edu/immersion/checklist.pdf<br />

Bref, c’est à nous de trouver les pas de danse pour atteindre<br />

le rythme parfait entre langue et contenu!<br />

CAMMARATA, Laurent, et Diane J. TEDICK (2012). « Balancing content and language in instruction : the experience of immersion teachers »,<br />

The Modern Language Journal, vol. 96, n o 2 (été), p. 251-269, https://doi.org/10.1111/j.1540-4781.2012.01330.x<br />

FORTUNE, Tara (2000, 2014). Immersion teaching stategies observation checklist, Minneapolis, MN, Centre for Advanced Research on Language<br />

Acquisition.<br />

LYSTER, Roy (2016). Vers une approche intégrée en immersion, Anjou/Ottawa, Les Éditions CEC et l’ACPI.<br />

--------------- (2007). Learning and teaching languages through content : a counterbalanced approach, Amsterdam/Philadelphie, John Benjamins<br />

Publishing Company, « Language Learning & Language Teaching », n o 18.<br />

--------------- (1987). « Speaking immersion », Canadian Modern Language Review / La Revue canadienne des langues vivantes, University of Toronto<br />

Press, vol. <strong>43</strong>, n o 4, p. 701-717.<br />

MANITOBA. MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION (2016). La langue au cœur du Programme d’immersion française : une approche intégrée dans la pédagogie<br />

immersive, https://www.edu.gov.mb.ca/m12/frpub/me/langue_coeur/docs/document_complet.pdf<br />

TEDICK, Diane J., et Roy LYSTER (2019). Scaffolding language development in immersion and dual language classrooms, New York, Routledge.<br />

8 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION<br />

<strong>Vol</strong>. <strong>43</strong>, n o 2, été 2021 | 9


ACPItualités<br />

850 bourses de<br />

3 000 $ disponibles<br />

pour les élèves/étudiants qui ont<br />

l'anglais comme 1ère langue officielle<br />

parlée et qui commencent<br />

un programme collégial ou<br />

universitaire au Canada<br />

Vos élèves<br />

veulent continuer<br />

leurs études<br />

postsecondaires<br />

en français?<br />

Être bilingue, c'est<br />

enrichissant!<br />

Faites partie du conseil d’administration de l’ACPI!<br />

Le conseil d’administration (CA) de l’ACPI est composé de 11 membres nommés et élus lors de l’Assemblée générale<br />

annuelle (AGA). Pour devenir membre du CA, vous devez œuvrer dans le domaine immersif et être membre en règle<br />

de l’ACPI.<br />

Le rôle des membres du CA de l’ACPI est de fixer les principes directeurs de l’Association et d’être responsables de son<br />

organisation stratégique. Chaque conseiller est responsable des relations publiques dans sa région et doit assurer un suivi<br />

auprès des membres en faisant la promotion des activités de l’Association.<br />

Voici les membres actuels du CA ainsi que les postes qui seront ouverts lors de l’AGA 2021 :<br />

Région Administrateur actuel<br />

Alberta<br />

Mélanie Simard<br />

Colombie-Britannique Monica Tang N/A<br />

Île-du-Prince-Édouard Marie-Lyne Bédard N/A<br />

Manitoba Holly Sorenson N/A<br />

Nouveau-Brunswick Jeannot Cyr N/A<br />

Nouvelle-Écosse<br />

Ontario<br />

Québec<br />

Judith Patouma<br />

Alexander Skene<br />

France Bourassa<br />

Saskatchewan Wybo Ottenbreit-Born N/A<br />

Terre-Neuve-et-Labrador Kristie St. Croix N/A<br />

Poste ouvert pour un mandat de<br />

deux (2) ans<br />

Poste ouvert pour un mandat de<br />

deux (2) ans<br />

Poste ouvert pour un mandat de<br />

deux (2) ans<br />

Poste ouvert pour un mandat de<br />

deux (2) ans<br />

Plus d'info<br />

ACUFC.ca/boursesFLS<br />

Territoires du Nord-Ouest et Yukon<br />

Caroline Roux<br />

Vous êtes intéressé à soumettre votre candidature pour un poste au<br />

conseil d’administration de l’ACPI? Veuillez remplir le formulaire de mise<br />

en candidature au www.acpi.ca.<br />

Poste ouvert pour un mandat de<br />

deux (2) ans<br />

<strong>Vol</strong>. <strong>43</strong>, n o 2, été 2021 | 11


ACPItualités<br />

Afin de souligner l’excellence en enseignement<br />

immersif, l’Association canadienne des professionnels<br />

de l’immersion (ACPI) décerne chaque année le Prix<br />

national André Obadia, créé en hommage à l’un de ses<br />

membres fondateurs, qui fut le premier président de<br />

l’ACPI. À l’image de M. Obadia, les lauréats et lauréates<br />

du prix André Obadia se démarquent par la passion<br />

avec laquelle ils se consacrent au rayonnement<br />

de l’immersion et par l’impact durable de leur<br />

contribution. Le professeur Joseph Dicks, du Nouveau-<br />

Brunswick, en a été le 44 e et plus récent lauréat.<br />

CONDITIONS<br />

Œuvrant dans le domaine des programmes immersifs<br />

depuis au moins cinq (5) ans, les candidats devront<br />

être membres actifs de l’ACPI au moment de leur mise<br />

en candidature. L’authenticité des candidatures doit<br />

pouvoir être établie ou vérifiée à l’aide de documents<br />

ou de témoignages. Aucun lauréat ne peut recevoir le<br />

certificat plus d’une fois.<br />

Les candidatures sont présentées par trois (3)<br />

membres en règle de l’Association au moment de la<br />

mise en candidature; ces trois membres ne doivent<br />

avoir aucun lien familial avec les candidats et doivent<br />

être prêts à agir comme porte-parole. Les membres du<br />

conseil d’administration de l’ACPI ne peuvent en être<br />

les bénéficiaires.<br />

REMISE DU PRIX<br />

Prix d’excellence André Obadia<br />

Appel de candidatures<br />

CRITÈRES À L’INTENTION DES PARRAINS ET<br />

MARRAINES<br />

Les parrains et marraines doivent présenter les<br />

candidatures de façon aussi détaillée que possible,<br />

en précisant, par exemple : les contributions<br />

professionnelles, scolaires ou pédagogiques du<br />

candidat ou de la candidate telles que publications,<br />

présentation d’ateliers, programmation, innovations<br />

pédagogiques, organisation de voyages-échanges<br />

et d’autres activités d’enrichissement culturel; les<br />

répercussions de ces contributions; les activités<br />

connexes de sensibilisation et d’information de la<br />

population et toute autre information pertinente.<br />

PRÉSENTATION DES CANDIDATURES<br />

Après avoir rempli le formulaire de mise en<br />

candidature conformément aux conditions et critères<br />

ci-dessus, les parrains et les marraines doivent les<br />

faire parvenir au bureau national de l’ACPI avant le 15<br />

septembre 2021 à l’adresse suivante :<br />

ASSOCIATION CANADIENNE DES PROFESSIONNELS<br />

DE L’IMMERSION (ACPI)<br />

1106-170, avenue Laurier Ouest<br />

Ottawa (Ontario) K1P 5V5<br />

Téléphone : 613 230-9111<br />

Télécopieur : 613 230-5940<br />

Courriel : bureau@acpi.ca<br />

Le prix est remis lors du congrès national annuel de l’ACPI, qui aura lieu du 2 au 4 décembre prochain<br />

à Banff, en Alberta. L’ACPI s’engage à assumer les frais de déplacement et les frais de congrès afin que<br />

le lauréat ou la lauréate puisse recevoir son prix lors de cet évènement. De plus, la personne choisie<br />

deviendra membre à vie de l’ACPI.<br />

Vous trouverez le formulaire de mise en candidature sur le site Web de l’ACPI au www.acpi.ca.<br />

Prix d’excellence<br />

Identité bilingue<br />

Une perspective interculturelle pour une identité professionnelle<br />

positive des enseignant.e.s d’immersion<br />

Carl Ruest | Doctorant, Université de la Colombie-Britannique | carl.ruest@alumni.ubc.ca<br />

Meike Wernicke | Professeure adjointe, Université de la Colombie-Britannique | meike.wernicke@ubc.ca<br />

Carl Ruest<br />

Meike Wernicke<br />

Adopter une perspective interculturelle pour l’enseignement, l’apprentissage et l’usage<br />

du français comme langue seconde (L2) ainsi que pour le positionnement vis-à-vis de<br />

cette langue contribue à la construction et au développement d’une identité positive<br />

tant pour l’élève que pour l’enseignant . e d’immersion.<br />

Traditionnellement, du fait d’une reproduction d’approches historiquement<br />

immuables, des ressources disponibles et des impressions idéologiques et attentes<br />

sociales, l’enseignement du français passe souvent par l’enseignement du code<br />

linguistique et par sa maitrise. Bien que l’approche communicative insiste sur<br />

l’aspect communicatif et authentique, dans l’enseignement on met fréquemment<br />

l’accent sur les formes linguistiques sans nécessairement tenir compte du contexte<br />

culturel immédiat. À l’enseignement de la langue se greffe donc souvent une étude<br />

superficielle de la culture, qui passe par la connaissance de faits culturels ou de<br />

représentations réductrices et stéréotypées.<br />

L’insistance sur le code linguistique a des conséquences. On juge souvent la<br />

compétence des enseignant . e . s d’immersion à leur maitrise de ce code et, plus encore,<br />

on s’attend à une maitrise idéale, normative et monolingue (Wernicke, 2017). Une<br />

telle conception ne correspond ni à la complexité langagière d’une compétence<br />

plurilingue qui se voit toujours partielle et changeante (Moore et Gajo, 2009), ni à la<br />

réalité multilingue d’aujourd’hui, dans laquelle les locuteurs se servent des ressources<br />

linguistiques multiples de leur répertoire communicatif (García, 2009). De même façon,<br />

la compétence culturelle est vue comme une connaissance innée, complète et acquise<br />

de manière authentique, en dépit d’une compréhension du monde qui dépend de nos<br />

expériences personnelles ancrées dans les contextes historique et sociopolitique dans<br />

lesquels nous vivons (Byram et Kramsch, 2008).<br />

Ni une approche basée exclusivement sur la langue ni une approche basée sur une notion simplifiée de la culture<br />

ne permettent de développer une identité positive pour les élèves comme pour les enseignant . e . s d’immersion.<br />

L’enseignement du français conçu exclusivement en fonction d’une maitrise évaluée à partir de l’étalon du locuteur<br />

natif fait en sorte que les enseignant . e . s parlant le français comme L2 ne pouvant pas, par définition, être des locuteurs<br />

natifs sont voué . e . s à l’échec, malgré une maitrise tout à fait irréprochable de la langue. Dans de telles conditions, on<br />

comprendra la difficulté de développer une identité professionnelle positive et légitime pour l’enseignant . e de français<br />

langue seconde (FLS).<br />

Quant à l’enseignement de la langue selon une perspective culturelle, il réfère au développement de connaissances sur<br />

une culture qui demeurent, par défaut, extérieures à l’enseignant . e ainsi qu’à ses élèves. Ces connaissances ne sont donc<br />

pas destinées à confronter ou à transformer notre identité, nos attitudes, nos pratiques, nos valeurs, nos croyances ou<br />

nos visions du monde (Liddicoat et Scarino, 2013). Tout comme le concept de locuteur natif est ancré dans une notion<br />

monocentrique, puriste et essentialiste de la langue (et souvent lié à la question de race) (Kubota et Lin, 2009), une<br />

notion essentialiste de la culture (faits, fêtes, festivals, folklore) renforce l’idée que seuls les francophones de souche ont<br />

la légitimité d’enseigner la culture de façon authentique. Les enseignant . e . s qui parlent français comme L2 sont ainsi<br />

condamné . e . s à un rôle d’éternel étranger. Encore une fois, il est bien difficile de développer une identité positive en<br />

pareilles circonstances.<br />

12 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION<br />

<strong>Vol</strong>. <strong>43</strong>, n o 2, été 2021 | 13


Identité bilingue<br />

Identité bilingue<br />

Comment donc approcher la langue et la culture pour que les enseignant.e.s développent une identité<br />

professionnelle positive qu’iels sentent légitime? En s’appuyant sur la notion de l’interculturel, on met au cœur<br />

l’identité de l’enseignant.e d’immersion, ses expériences, connaissances et perspectives, comme on s’éloigne de<br />

l’image abstraite et décontextualisée de l’enseignement en tant que simple transfert de savoirs.<br />

Une perspective interculturelle implique l’engagement transformationnel de soi au moyen de rencontres et d’expériences<br />

variées. Une perspective interculturelle nous amène à nous décentrer de nos hypothèses et pratiques préexistantes et à<br />

développer une identité interculturelle par l’expérience de rencontres interculturelles et l’ouverture et l’engagement avec<br />

d’autres communautés culturelles. Les frontières entre soi et l’autre sont ainsi explorées, problématisées et redéfinies<br />

(Liddicoat et Scarino, 2013). De cette manière, l’interculturel n’est pas qu’un apprentissage, mais plutôt une façon<br />

d’interagir dans le monde, une orientation de vie.<br />

Une perspective interculturelle implique les éléments suivants : accepter que nos connaissances et notre identité soient<br />

influencées par les pratiques culturelles auxquelles on participe et que celles de nos interlocuteurs le soient également;<br />

accepter qu’il n’y ait pas une seule ou bonne façon de faire les choses; comprendre que l’exploration culturelle passe par<br />

la langue et que l’apprentissage langagier exige un contexte culturel particulier; chercher à s’engager dans l’interaction<br />

interculturelle, c’est-à-dire à se retrouver dans une situation peu connue, inhabituelle, voire inconfortable, ce qui conduira<br />

à l’utilisation de ses connaissances culturelles comme ressource pour apprendre de cette situation. C’est ainsi que<br />

l’interculturel peut mener à la décolonisation de nos pratiques et de notre façon d’interpréter le monde, à nous voir situé . e<br />

différemment vis-à-vis d'autrui, prêt . e à écouter et à apprendre des autres et à naviguer au milieu de ce qui n’est pas<br />

familier. Une conscience interculturelle critique nous montre les différentes manières dont nous sommes complices de la<br />

discrimination en fonction des langues, cultures, races, classes sociales, sexes, genres, capacités, âges, etc. Elle atteste aussi<br />

le privilège avec lequel nous profitons de cette marginalisation historique encore aujourd’hui.<br />

Vous avez des idées sur la mise en place d’une telle approche?<br />

La question que se posent les chercheurs, et formateurs : comment favoriser une orientation interculturelle en<br />

formation initiale à l’enseignement ainsi qu’en formation continue? Si vous avez des réponses à cette question en tant<br />

qu’enseignant . e . s, formateurs ou administrateurs en éducation du français langue seconde (immersion, français de<br />

base, intensif), vous êtes invité . e . s à participer à un projet de recherche de deux ans en cours qui vise à mieux soutenir<br />

les enseignant . e . s en FLS dans leur carrière. Le projet, Détermination des exigences et des lacunes dans la formation des<br />

enseignant . e . s de français langue seconde : recommandations et lignes directrices, est financé par le ministère du Patrimoine<br />

canadien dans le cadre de sa stratégie de recrutement et de rétention d’enseignant . e . s en FLS.<br />

Références<br />

BYRAM, Katra A., et Claire KRAMSCH (2008). « Why is it so difficult to teach language as culture? », The German Quarterly, vol. 81, n o 1, p. 20-34.<br />

GARCíA, Ofelia (2009). Bilingual education in the 21st century : a global perspective, Chichester, West Sussex. UK/Malden, MA, Wiley-Blackwell.<br />

KUBOTA, Ryuko, et Angel LIN (dir.) (2009). Race, culture, and identities in second language education : exploring critically engaged practice, New York,<br />

Routledge.<br />

LIDDICOAT, Anthony J., et Angela SCARINO (2013). Intercultural language teaching and learning, Chichester, West Sussex/Malden, MA, Wiley-Blackwell.<br />

MOORE, Danièle, et Laurent GAJO (2009, May). « French voices on plurilingualism and pluriculturalism : theory, significance and perspectives »,<br />

International Journal of Multilingualism, vol. 6, n o 2, p. 137-153, https://www.researchgate.net/publication/49130106_French_Voices_on_<br />

Plurilingualism_and_Pluriculturalism_Theory_Significance_and_Perspectives<br />

WERNICKE, Meike (2017). « Navigating native-speaker ideologies as FSL teacher », Canadian Modern Language Review / La Revue canadienne<br />

des langues vivantes, vol. 73, n o 2, p. 1-29.<br />

Une perspective interculturelle met l’accent sur nos propres identités culturelles comme un élément fondamental de<br />

l’engagement envers d’autres personnes et leurs propres perspectives culturelles (Liddicoat et Scarino, 2013). Il n’y a donc<br />

plus d’experts externes ou innés, mais chacun est expert étant donné que l’expertise passe par notre habileté à nous<br />

(re)définir devant des situations interculturelles aussi vastes que complexes. C’est pourquoi l’interculturel est important :<br />

on passe d’une notion essentialiste de la langue et de la culture à une notion qui valorise ce que nous sommes et nos<br />

connaissances en tant qu’enseignant . e . s d’immersion, peu importe notre point de départ comme langue première ou<br />

culture de souche.<br />

En somme, l’identité positive ne peut pas se développer vis-à-vis d’un code linguistique ni par le biais d’une<br />

connaissance innée ou encyclopédique d’une culture, mais bien en vivant des expériences avec des personnes<br />

au sein de communautés réelles (par des correspondances, échanges, projets communautaires, communautés<br />

professionnelles) ou fictives (par l’exploration de textes authentiques).<br />

De telles expériences passent forcément par une perspective interculturelle de l’enseignement d’une langue. Nous<br />

encourageons donc les enseignant . e . s à adopter cette perspective non seulement dans leur enseignement du français<br />

auprès de leurs élèves, mais aussi quand vient le temps d’apprécier leur propre compétence en qualité d’enseignante.<br />

Créez votre profil<br />

dès maintenant.<br />

14 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION<br />

<strong>Vol</strong>. <strong>43</strong>, n o 2, été 2021 | 15


Identité bilingue<br />

Identité bilingue<br />

Pour l’épanouissement de l’identité bilingue chez nos élèves<br />

Elżbieta Chmiel | Enseignante d’immersion française, École secondaire Streetsville | elzbieta.chmiel@peelsb.com<br />

Que signifie être bilingue?<br />

On est en présence d’une identité<br />

bilingue lorsque les deux langues<br />

influencent la construction<br />

de l’identité personnelle. Peu<br />

importe où vous vous situez dans<br />

le continuum d’apprentissage<br />

d’une langue, aucun examinateur<br />

n’autorise l’entrée dans cette<br />

catégorie particulière, aucun<br />

officier n’estampille votre<br />

passeport, et aucun organe directeur n’accorde un statut<br />

permettant de déclarer qu’une langue fait partie de<br />

votre identité. Quand il s’agit d’identité<br />

socioculturelle, c’est un choix personnel :<br />

vous décidez du ou des groupes auxquels<br />

vous vous identifiez. Vous franchissez<br />

le seuil d’entrée que vous avez inventé<br />

vous-même.<br />

Être bilingue c’est être biculturel<br />

Puisque la langue et la culture sont toujours enseignées<br />

en tandem, être bilingue c’est être biculturel, c’est faire<br />

partie de deux groupes linguistiques. Au cours de la<br />

dernière décennie, nous constatons chez les élèves et leurs<br />

parents un intérêt accru pour l’apprentissage du français.<br />

Le nombre d’élèves inscrits aux programmes d’immersion<br />

a augmenté régulièrement (Statistique Canada, 2019)<br />

mais, malgré cela, les élèves en immersion ne s’identifient<br />

pas comme bilingues. Souvent ils<br />

perçoivent le « bilinguisme » comme<br />

un but à poursuivre, un statut à<br />

obtenir à la fin de la 12 e année.<br />

Selon une étude réalisée dans les<br />

écoles secondaires ontariennes et<br />

albertaines : « À partir des entrevues [...] menées avec plus<br />

de 100 élèves en immersion, ils diront qu’ils sont bilingues<br />

en devenir ou [des] anglophones qui parlent français »<br />

(Byrd-Clark et Roy, 2018).<br />

À titre d’enseignants en immersion française,<br />

une partie de notre travail consiste à valoriser la<br />

compréhension interculturelle et à encourager<br />

l’identité bilingue chez nos élèves.<br />

accorder, notre tâche est d’encourager l’auto-identification.<br />

Alors, comment pouvons-nous promouvoir un changement<br />

de l’état d’esprit chez nos élèves pour qu’ils se considèrent<br />

comme des membres de la francophonie mondiale, au lieu<br />

de simples apprenants de la langue française?<br />

Comment cultiver cette identité bilingue?<br />

Une façon de célébrer cette identité unique est de<br />

créer notre propre culture bilingue dans la salle de<br />

classe.<br />

Les élèves doivent comprendre qu’il<br />

n’existe pas une seule identité bilingue<br />

canadienne – naturellement les élèves<br />

de la Colombie-Britannique ont des<br />

traditions, des intérêts et un lexique<br />

différents de ceux habitant l’Île-du-Prince-<br />

Édouard. La mosaïque culturelle de nos groupes-classes<br />

est déjà complexe avec des anglophones et des allophones<br />

inscrits dans le programme d’immersion; la culture bilingue<br />

de notre classe fait seulement partie de plusieurs identités<br />

plurilingues et multiculturelles de nos élèves. Cependant,<br />

dans la situation actuelle mondiale où la société est divisée<br />

et où les médias insistent sur les différences culturelles,<br />

concentrons-nous plutôt sur l’unification de nos élèves.<br />

Tout en considérant l’unicité des individus dans<br />

nos classes, nous pouvons exploiter notre identité<br />

bilingue en privilégiant ce qui nous rassemble.<br />

Cela ne veut pas dire de changer des activités déjà en<br />

usage dans nos classes, mais avec un peu de réflexion et<br />

de planification, nous pourrions intégrer des pratiques en<br />

vue d’encourager plus explicitement l’épanouissement de<br />

l’identité bilingue chez nos apprenants. Voici cinq façons<br />

de créer des occasions d’enrichissement pour l’évolution<br />

personnelle et la conscience de l’identité bilingue.<br />

1- Réfléchir sur notre identité bilingue canadienne<br />

Comme Charlemagne l’a dit, « Parler une<br />

autre langue, c’est avoir une autre âme »<br />

(Citation Célèbre : Le Parisien, 2021).<br />

D’abord, en tant que pédagogues ainsi<br />

qu’individus, il faudrait prendre le temps<br />

de réfléchir sur notre propre identité bilingue canadienne.<br />

Afin de la développer, nous devons trouver des activités<br />

sociales ou culturelles qui nous intéressent; des activités<br />

qui transcendent nos responsabilités professionnelles<br />

et nos connaissances pédagogiques. De préférence des<br />

passe-temps qui nous font plaisir, qui alimentent aussi<br />

notre passion pour la langue. Car l’identité est une âme<br />

vivante; c’est notre passion pour la langue qui transparaît<br />

dans nos cours. Si la langue n’est pas active hors des<br />

murs de la salle de classe pour nous, elle sera tout aussi<br />

superficielle pour nos élèves. En tant que leadeurs de notre<br />

communauté, c’est en partageant notre identité bilingue et<br />

nos expériences d’apprentissage que nous encourageons<br />

son développement chez nos élèves.<br />

2- Créer un environnement rassurant<br />

Lev Vygotsky a souligné l’importance de<br />

la communauté dans l’apprentissage.<br />

Ce pédagogue psychologue soviétique<br />

a affirmé que « les enfants grandissent<br />

dans la vie intellectuelle de ceux qui<br />

les entourent » (Hammond, 2015,<br />

p. 142). L’anthropologue américain Edward Sapir, linguiste<br />

qui plus est, a aussi soutenu que la culture et la pensée<br />

dépendent de la langue. Le cadre culturel des élèves en<br />

contexte scolaire détermine leurs modes d’interaction, et<br />

leur comportement fixe leurs perceptions, leurs attitudes,<br />

leurs valeurs et leurs normes en tant que groupe collectif<br />

(Ali et autres, 2015, p. 2). Donc, un milieu respectueux, une<br />

culture commune et la liberté d’expression constituent<br />

l’environnement idéal pour développer l’identité culturelle.<br />

Un climat positif où les élèves se sentent à l’aise favorise<br />

une capacité de raisonnement plus élevée et encourage la<br />

prise de risque et l’échange d’idées (Hammond, 2015,<br />

p. 48-49). Par ailleurs, si l’on encourage la collaboration<br />

et l’entraide, le perfectionnement de la langue devient<br />

un travail collectif et l’esprit d’équipe se développe<br />

(op. cit., p. 25-28). Une fois cette dynamique de groupe<br />

réalisée, il est également important d’inclure des tâches<br />

authentiques et d’offrir des choix aux élèves afin d’explorer<br />

leurs intérêts. En participant aux activités d’apprentissage<br />

réalistes, nous créons des opportunités pour nos élèves de<br />

découvrir leurs talents, leurs préférences et leurs aversions.<br />

Un environnement respectueux renforce la confiance<br />

des élèves. Ils deviennent fiers de leurs compétences<br />

en français, malgré des erreurs ou des différences de<br />

points de vue. Plus confiants ils se sentent, plus fort<br />

est leur sens de l’identité bilingue.<br />

3- Ouvrir les esprits aux nouvelles perspectives<br />

Proust a précisé ceci : « Le véritable voyage<br />

de découverte ne consiste pas à chercher<br />

de nouveaux paysages, mais à avoir de<br />

nouveaux yeux » (Hammond, 2015, p. 52).<br />

Même avec les restrictions de voyage<br />

qui prévalent et l’enseignement virtuel,<br />

nous pouvons découvrir le monde. Rechercher et utiliser<br />

des ressources francophones du monde entier (pas que du<br />

Québec ou de la France) est la solution évidente pour ouvrir<br />

nos élèves aux nouvelles perspectives, mais allons plus loin.<br />

Pendant les échanges sur les actualités internationales et<br />

les modes culturels courants, il est important d’expliquer<br />

aussi le contexte historique ou politique actuel, pour que<br />

les élèves comprennent l’état d’esprit des gens impliqués.<br />

Nous pouvons aussi contraster des points de vue, en<br />

demandant par exemple de rechercher comment des<br />

réactions à un évènement seraient différentes si nos élèves<br />

vivaient en Martinique, au Congo ou au Vietnam. Pour offrir<br />

davantage de voix diversifiées, nous pouvons inviter des<br />

parents francophones ou des membres de la communauté<br />

française (même internationale) à raconter leurs histoires<br />

familiales, leurs voyages comme immigrants ou leurs<br />

expériences professionnelles. Lorsque nous exposons nos<br />

élèves aux perspectives variées, nous leur donnons des<br />

occasions d’explorer les sujets. La réflexion personnelle et<br />

la formulation de leurs opinions développent leur vision du<br />

monde et leurs valeurs, donc leur identité.<br />

4- Encourager des passions<br />

Un but simple dans nos classes serait<br />

de veiller à ce que chaque élève trouve<br />

un aspect de la culture francophone<br />

avec lequel il vibre. Avoir un livre, un<br />

balado, une émission à suivre expose<br />

les élèves continuellement au nouveau<br />

vocabulaire. Cela peut susciter un intérêt plus profond<br />

pour le monde de la francophonie, ou lancer une nouvelle<br />

tendance au sein du groupe. Si les élèves interagissent avec<br />

la langue au-delà des devoirs, celle-ci devient vivante pour<br />

eux, créant un lien avec leur identité francophone. Surtout,<br />

lorsque les élèves pourront dialoguer avec des locuteurs<br />

natifs, ils seront plus confiants et préparés grâce au lexique<br />

courant, et ils auront déjà un sujet à aborder ou débattre.<br />

Lorsque les élèves font des connexions personnelles avec<br />

les auteurs ou les artistes, ils en apprennent sur leurs<br />

propres goûts et ils perçoivent des parties d’eux-mêmes<br />

réfléchies dans la culture française, ce qui renforce leur<br />

identité bilingue.<br />

16 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION<br />

<strong>Vol</strong>. <strong>43</strong>, n o 2, été 2021 | 17


Identité bilingue<br />

5- Trouver des moments pour la métacognition<br />

Conclusion<br />

Identité bilingue<br />

Finalement, la métacognition est<br />

essentielle au développement social<br />

et émotionnel des élèves, mais ce<br />

composant du programme scolaire<br />

est largement oublié, ou négligé en<br />

raison de distractions ou de contraintes<br />

de temps. Mais la réflexion soigneuse et l’autoévaluation<br />

jumelées à l’écoute attentive des enseignants favorisent<br />

un sentiment de soi épanoui chez nos élèves. Quand nous<br />

les écoutons avec attention et leur fournissons le temps<br />

de réfléchir sur leurs façons de<br />

penser, leurs sentiments<br />

et leurs réactions,<br />

ils se sentent<br />

appréciés,<br />

valorisés<br />

et plus<br />

connectés à<br />

leur identité<br />

bilingue.<br />

Selon Carl Jung, « le privilège de toute une<br />

vie est de devenir qui vous êtes vraiment »<br />

(Blumenfeld, 2020) et cela devrait être<br />

notre but dans nos salles de classe. En<br />

passant tous leurs jours à l’école, les élèves<br />

développent leur identité de concert avec<br />

nous. Nous devons encourager chaque élève à aspirer au<br />

plein épanouissement de son identité. Le psycholinguiste<br />

canadien Frank Smith a conclu : « Une langue vous place<br />

dans un couloir pour la vie. Deux langues vous ouvrent<br />

toutes les portes le long du chemin » (Amin, 2019). Le<br />

développement de l’identité bilingue met nos élèves<br />

sur la bonne voie vers un avenir prometteur. Les élèves<br />

fiers de leurs compétences linguistiques se sentent en<br />

harmonie avec leur identité bilingue; par conséquent, ils<br />

deviennent des apprenants plus indépendants et confiants.<br />

Cette confiance rehausse leur estime de soi. Les identités<br />

riches et pluridimensionnelles facilitent la naissance des<br />

liens d’amitié, une compétence qui les sert bien à l’école,<br />

au travail, dans la vie sociale, et à chaque étape de leur<br />

cheminement.<br />

N E C H E R C H E Z<br />

P A S A I L L E U R S !<br />

ZONE PÉDAGOGIQUE<br />

BANQUE<br />

DE SITES WEB<br />

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pertinents pour les professionnels de l’immersion.<br />

Références<br />

ALI, Sheeraz, Bahram KAZEMIAN et Israr Hussain MAHAR (2015 , September 6 th ). « The Importance of Culture in Second and Foreign<br />

Language Learning », Dinamika Ilmu : Journal of Education, vol. 15, n o 1, p. 1‐10, https://files.eric.ed.gov/fulltext/EJ1121920.pdf<br />

AMIN, Thasbih (2019, May 9 th ). « One language sets you in a corridor for life. Two languages open every door along the way. – Frank Smith »,<br />

Because Words Matter Blog, https://becausewordsmatterblog.com/2019/05/09/one-language-sets-you-in-a-corridor-for-life-two-languages-openevery-door-along-the-way-frank-smith/<br />

BLUMENFELD, Remy (2020, April 19 th ). « The Privilege Of This Pandemic Is To Become Who You Truly Are », Forbes, https://www.forbes.com/sites/<br />

remyblumenfeld/2020/04/19/the-privilege-of-this-pandemic-is-to-become-who-you-truly-are/?sh=6890e9a0765a<br />

BYRD-CLARK, Julie, et Sylvie ROY (2018, novembre). « Les identités multiples des jeunes Canadiens », Revue de langage, d’identité, de diversité et<br />

d’appartenance / Journal of Belonging, Identity, Language, and Diversity (J-BILD), vol. 2, n o 2, p. 103-117, http://bild-lida.ca/journal/volume_2_2_2018/<br />

les-identites-multiples-des-jeunes-canadiens/<br />

CHARLEMAGNE (Page consultée en 2021). Site de Citation Célèbre : Le Parisien, https://citation-celebre.leparisien.fr/citations/147366<br />

HAMMOND, Zaretta (2015). Culturally Responsive Teaching and the Brain, préface d’Yvette Jackson, Thousand Oaks, CA, Corwin.<br />

MAKROPOULOS, Josée (2010). « Student Engagement in an Ottawa French Immersion High School Program », Canadian Journal of Education / Revue<br />

canadienne de l’éducation, vol. 33, n o 3 (automne), p. 515‐540, https://files.eric.ed.gov/fulltext/EJ910871.pdf<br />

PITTAWAY, Sharon (2016, June 1 st ). Multicolored flower illustration photo [image en ligne]. Unsplash, https://images.unsplash.com/photo-<br />

1464820453369-31d2c0b651af?ixid=MnwxMjA3fDB8MHxwaG90by1wYWdlfHx8fGVufDB8fHx8&ixlib=rb-1.2.1&auto=format&fit=crop&w=800&q=80<br />

STATISTIQUE CANADA (2019). Tableau 37-10-0009-01 : Nombre d’élèves dans les programmes de langues officielles, écoles primaires et secondaires<br />

publiques, selon le type de programme, l’année d’études et le sexe (2009 à 2019),<br />

https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/<br />

tv.action?pid=3710000901&pickMembers%5B0%5D=2.2&pickMembers%5B1%5D=3.1&pickMembers%5B2%5D=4.1&cubeTimeFrame.<br />

startYear=2008+%2F+2009&cubeTimeFrame.endYear=2018+%2F+2019&referencePeriods=20080101%2C20180101&request_locale=fr<br />

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Identité bilingue<br />

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Français immersion<br />

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18 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION<br />

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Identité bilingue<br />

Identité bilingue<br />

« Mom, how French am I? »<br />

Réflexions d’une maman-enseignante-chercheuse sur<br />

l’objectif de l’immersion<br />

Monica Tang | Enseignante d’immersion et formatrice associée en formation initiale et continue, Université Simon Fraser |<br />

monica_tang@sfu.ca<br />

Mon garçon de cinq ans<br />

fréquente le programme<br />

d’immersion depuis septembre<br />

dernier. Bien que l’école en<br />

pandémie ne soit pas une<br />

situation facile, il me fait sourire<br />

quand il chante en français. À<br />

chaque semaine, il ramène à<br />

la maison son « Duo-Tang de<br />

chansons » avec une nouvelle<br />

mélodie et de nouvelles paroles.<br />

Quand il pédale à vélo, il chante.<br />

Quand il dessine, il chante aussi. Il adore fredonner ses<br />

chansons françaises. C’est le comble du bonheur pour<br />

sa maman. Il n’y a pas que les chansons. De semaine en<br />

semaine, mon jeune augmente en flèche son vocabulaire<br />

français. À chaque semaine, il explique fièrement à son<br />

papa ce dont nous parlons, lui et moi. Puisque son papa<br />

est d’origine chinoise et caucasienne, et sa maman est<br />

chinoise, il sait qu’il est ¾ chinois et ¼ blanc. Mais l’autre<br />

jour, il m’a demandé : « Mom, how French am I? » J’étais trop<br />

fière. Il est vrai qu’il ne sait pas toujours le sens des mots<br />

qu’il chante ou que, parfois, il produit des sons qui riment<br />

mais qui n’ont pas de sens en français. Malgré cela, on sent<br />

qu’il se considère comme quelqu’un qui connaît le français.<br />

Ce sentiment n’est pas toujours facile à créer et surtout à<br />

maintenir.<br />

Voici un autre scénario, un peu moins optimiste. C’est<br />

la fin juin, et mes élèves de 12 e année en immersion se<br />

promènent dans l’école (pré-pandémie, bien sûr) pour<br />

faire signer leur album des finissants, sautant de joie parce<br />

que c’est la fin du secondaire. Un de mes élèves vient me<br />

voir et me demande de signer le sien, gros sourire aux<br />

lèvres. Je lui demande ce qu’il compte faire l’an prochain<br />

et s’il va poursuivre des études en français. Il répond tout<br />

gentiment : « Madame, no offense, mais j’ai fini avec le<br />

français! I’m done! » Contente pour son soulagement, mais<br />

triste qu’après tant d’années, le français ait demeuré, pour<br />

lui, une obligation. Rien de plus qu’une série de cerceaux à<br />

sauter pour plaire aux autres. Peut-être qu’il y reviendra plus<br />

tard, je me console. Pourtant, cet élève avait du succès dans<br />

le programme.<br />

Ces deux expériences opposées m’ont fait réfléchir à ce<br />

que nous visons dans le milieu de l’immersion. Est-ce que<br />

l’enthousiasme de mon enfant vis-à-vis du français va<br />

lentement s’éteindre, au fur et à mesure qu’il se fatiguera<br />

à conjuguer, accorder, épeler et à se faire dire de parler<br />

français en classe? Mon conjoint et moi avons choisi le<br />

programme d’immersion pour notre enfant parce que nous<br />

voulons qu’il puisse jouir de l’expérience d’apprendre à<br />

connaître d’autres langues, car au moyen des langues (dont<br />

le français), il est possible de voir le monde autrement.<br />

Est-ce qu’il parlera français comme sa maman qui a grandi à<br />

Montréal? Probablement pas. Mais ça me va.<br />

Je souhaite qu’il développe sa curiosité pour les langues et<br />

les cultures. Je lui souhaite le plaisir d’apprendre à vivre en<br />

français. Il traversera peut-être des moments difficiles aussi,<br />

où il devra travailler fort pour y arriver, mais c’est ainsi que<br />

l’on grandit. En 1965, ce programme novateur d’immersion<br />

(Lambert et Tucker, 1972) visait à aider les familles<br />

anglophones du Québec à avoir de meilleures chances<br />

de réussir dans un contexte où la maîtrise du français<br />

ouvrait plus de portes à des postes de pouvoir au Québec.<br />

Aujourd’hui, cet objectif me semble très éloigné de notre<br />

réalité, surtout chez nous en Colombie-Britannique.<br />

Mais au final, je souhaite que son expérience en immersion<br />

puisse aider mon fils à se définir d’une manière positive.<br />

Je souhaite qu’il puisse s’identifier comme une personne<br />

bilingue. Et par « bilingue », je ne veux pas dire qu’il doive<br />

maîtriser le français au point d’avoir des connaissances<br />

équivalentes à sa langue dominante, l’anglais.<br />

Par « bilingue », je veux dire qu’il puisse éprouver<br />

de la fierté envers toutes ses langues et qu’il désire<br />

s’exprimer, vivre et grandir en français aussi bien<br />

qu’en anglais hors des murs de l’école et après la 12 e<br />

année.<br />

Quand il entend les gens parler français à l’épicerie, je<br />

souhaite qu’il se retourne et qu’il leur dise « Bonjour! ». Lors<br />

d’un festival du film international, je souhaite qu’il choisisse<br />

de visionner les films produits en français. Quand il<br />

réfléchira à une carrière, je souhaite qu’il inclue les options<br />

qui lui demandent d’utiliser le français dans son métier.<br />

Quand il aura la chance de choisir sa propre musique, je<br />

souhaite que sa collection comporte des succès d’artistes<br />

francophones. Ne s’agit-il pas de résultats importants à viser<br />

à la fin de 13 années dans le programme d’immersion? Est-il<br />

possible que les difficultés endémiques du programme<br />

depuis sa création découlent du fait que nous ne nous<br />

posons pas les bonnes questions? Voici quatre exemples de<br />

remises en question pour notre programme d’immersion.<br />

1) « Comment fait-on parler les élèves en français? »<br />

Cette question, on me la pose très souvent. Parfois dans un<br />

moment de frustration où l’on cherche à soulager le malaise<br />

que peut nous causer la langue anglaise parlée dans nos<br />

classes. Malheureusement, tout système d’émulation (tels<br />

des billets pour récompenser les jeunes ayant parlé le<br />

français) ne fonctionne qu’à court terme (et seulement pour<br />

certains types d’élèves). Si vous cherchez un système pour<br />

les encourager à instaurer cette habitude, un peu comme<br />

la petite boîte de bonbons que j’offre parfois à mon fils<br />

quand il ne veut pas quitter la maison (oh, horreur!), allez-y.<br />

Je vous déculpabilise. Mais on s’illusionne si on croit que<br />

cette méthode va toujours marcher, et surtout que cela va<br />

contribuer à la construction d’une identité positive à l’égard<br />

du français.<br />

En fait, selon moi, comment les faire parler en français n’est<br />

pas du tout la bonne question à se poser. À la place, il faut<br />

se poser les deux questions qui suivent. Elles auront l’effet<br />

d’éviter le jugement et le sentiment d’inconfort, voire de<br />

dégoût, qui peuvent s’installer chez un . e enseignant . e<br />

frustré . e quand il ou elle entend l’anglais parlé dans sa classe :<br />

a) « Comment faire pour que mes élèves VEUILLENT<br />

parler en français? » Voici ce qui n’aide pas les élèves à<br />

vouloir parler français : la peur de se faire corriger dès qu’ils<br />

ou elles ouvrent la bouche. La correction a sa place (Lyster,<br />

2016), mais il faut être judicieux avec nos rétroactions<br />

correctives pour qu’elles ne nuisent pas au désir et au<br />

besoin de s’exprimer (Arnett et Bourgoin, 2018). Après<br />

tout, c’est en prenant des risques (Slavkov et Séror, 2019)<br />

dans un environnement sécuritaire qu’un . e enfant aura un<br />

sentiment d’appartenance et développera sa confiance.<br />

Souvent, je demande à mes collègues enseignant . e . s :<br />

« Est-ce que nous les corrigeons parce que nous sommes<br />

convaincus que ça va les aider à mieux parler? Ou parce<br />

que l’erreur nous fait mal aux oreilles? » Pour qu’ils et elles<br />

veuillent parler, nous devons examiner honnêtement nos<br />

propres réactions face à leurs erreurs. L’argument que nous<br />

devons les corriger en vue de leur amélioration devient<br />

invalide quand ils et elles arrêtent carrément de parler ou<br />

de vouloir parler en français. En voulant régler un problème<br />

à court terme, nos corrections ont un effet négatif sur<br />

l’identité de nos élèves à long terme.<br />

Il faut alors distinguer les moments où la correction et<br />

l’autocorrection sont permises et encouragées, de ceux où<br />

l’expression libre est priorisée. Nous devrions remplacer<br />

la dynamique où l’enseignant . e détient tout le pouvoir<br />

par une situation où les élèves participent activement à<br />

la gestion de leur propre pratique langagière. On appelle<br />

cela de l’autogestion langagière. Voir l’article de Lara Gillen,<br />

« Enlever les menottes : comment faire parler le français<br />

aux élèves sans jouer à la policière », dans cette édition<br />

(p. 25-28), pour un bel exemple de ceci.<br />

b) Voici la deuxième question que l’on devrait se poser :<br />

« De quoi ont-ils ou elles besoin pour POUVOIR parler<br />

en français (dans les contextes qui les intéressent)? »<br />

Nos leçons doivent avoir comme but premier de fournir des<br />

outils linguistiques variés qui leur permettent d’interagir<br />

dans des contextes stimulants (de leur point de vue!).<br />

Parfois, on oublie ce que c’est d’être apprenant . e, et<br />

comme enseignant . e, on peut aller trop vite sans se rendre<br />

compte des besoins des élèves. En réfléchissant aux outils<br />

langagiers nécessaires, les élèves auront une meilleure<br />

chance de pouvoir utiliser le français dans des échanges<br />

qui les intéressent.<br />

20 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION<br />

<strong>Vol</strong>. <strong>43</strong>, n o 2, été 2021 | 21


Identité bilingue<br />

Identité bilingue<br />

2) Le français : dans le cœur et pas juste dans le<br />

cerveau?<br />

Dans une activité sur le plurilinguisme inspirée par l’article<br />

de Prasad (2014), j’ai demandé à des groupes d’étudiant . e . s-<br />

maîtres et d’enseignant . e . s aux études supérieures de faire<br />

un dessin où ils et elles choisissent des couleurs différentes<br />

pour représenter les langues qu’ils et elles connaissent.<br />

Ils et elles colorient des parties du corps et sont invité . e . s<br />

à expliquer ou justifier leurs choix. Ex. : Je mets la couleur<br />

bleue pour représenter l’italien sur mes pieds parce que j’ai<br />

beaucoup marché durant mes voyages en Italie. Pour avoir<br />

entendu bien des individus me décrire leur relation aux<br />

langues, j’ai constaté qu’une partie du corps de plusieurs<br />

était drôlement privilégiée pour le français. C’était le<br />

cerveau. Tour à tour, ces individus m’expliquaient que le<br />

français était associé à un travail intellectuel, tandis que<br />

d’autres langues se situaient dans le cœur (même s’ils .<br />

elles étaient souvent moins compétent . e . s dans ces autres<br />

langues). J’ai alors commencé à me poser la question<br />

suivante : Est-ce qu’il s’agissait en grande partie de gens<br />

qui ont appris le français en immersion? Et comment<br />

pourrait-on, comme enseignant . e d’immersion, aider les<br />

élèves à avoir le français dans leur cœur? Après tout, c’est<br />

le rêve (sinon le but) de tout . e enseignant . e d’immersion,<br />

non? Sans avoir la réponse à cette question, cette petite<br />

observation m’a incitée à revoir toutes nos pratiques de<br />

salle de classe avec cette lentille : le cœur ou le cerveau?<br />

Selon le concept de la roue médicinale (Morcom, 2017), un<br />

concept adopté par plusieurs nations autochtones, dont les<br />

Anichinabés (ou Algonquins), l’être humain est composé<br />

de quatre dimensions : les aspects émotionnel, intellectuel,<br />

spirituel et physique.<br />

En voulant former des locuteurs . trices compétent . e . s<br />

du français en immersion, avons-nous oublié qu’un<br />

apprentissage durable doit nourrir tous ces aspects<br />

de notre être? Comment pourrait-on faire alors, pour<br />

que le français ne soit pas toujours ressenti ou perçu<br />

comme un exercice intellectuel mais qu’il devienne<br />

une partie véritable de la vie l'enfant dans toutes ses<br />

dimensions?<br />

3) « Comment peut-on régler l’insécurité<br />

linguistique des enseignant . e . s qui sont finissant . e . s<br />

d’immersion? »<br />

C’est la question qui brûle, ces temps-ci! Mais ce n’est pas<br />

la bonne; je m’explique. De plus en plus de finissant . e . s<br />

d’immersion deviennent enseignant . e . s dans ces mêmes<br />

programmes. Pour moi, ceci indique qu’il est possible<br />

de construire une société bilingue. Nous avons réussi<br />

à créer le désir de continuer à vivre en français après le<br />

secondaire. Pour d’autres, cette insécurité linguistique chez<br />

notre personnel enseignant est problématique et indique<br />

une érosion de la qualité du programme d’immersion<br />

(Veilleux et Bournot-Trites, 2005). Autrefois, la majorité des<br />

enseignant . e . s d’immersion venait d’une province ou d’un<br />

pays majoritairement francophone. Automatiquement, on<br />

leur octroyait une légitimité linguistique. Maintenant, avec<br />

des enseignant . e . s qui ont un accent dit « d’immersion »,<br />

cette légitimité est remise en question, même si, dans<br />

plusieurs cas, ces diplômé . e . s ont suivi une formation<br />

professionnelle dans l’enseignement que les enseignant . e . s<br />

francophones d’autrefois n’ont pas nécessairement suivie.<br />

Certes, un changement démographique arrive dans nos<br />

programmes, mais il indique que nous nous déplaçons<br />

vers l’autosuffisance des programmes d’immersion. À mon<br />

avis, c’est positif, mais nous pouvons faire encore mieux.<br />

D’abord, nous devons revoir l’objectif du programme. Je<br />

m’étendrai sur ce point à la question 4.<br />

Or, avec la question « Comment peut-on régler l’insécurité<br />

linguistique des enseignant . e . s? », on contourne et on<br />

ignore tous ces changements démographiques qui<br />

influencent la réalité de l’immersion sans adapter notre<br />

compréhension de l’apport réel des enseignant . e . s de<br />

français qualifié . e . s. Pour ma part, j’hésite à utiliser cette<br />

expression, l’insécurité linguistique, parce qu’elle souligne<br />

un seul aspect – peut-être le plus visible ou audible,<br />

et certainement le plus vulnérable – d’une identité<br />

linguistique complexe au détriment de tous les autres.<br />

Quels sont ces aspects de l’identité linguistique de nos<br />

enseignant . e . s/finissant . e . s d’immersion? Les personnes<br />

plurilingues dont je suis me semblent les meilleurs<br />

modèles de l’expérience d’apprendre une langue. Nous<br />

savons très bien ce que c’est, d’hésiter à parler devant un . e<br />

« francophone plus pur . e » que soi. Nous connaissons la<br />

fatigue mentale que nous cause l’utilisation, le recours<br />

à une langue additionnelle, pour nous exprimer tout au<br />

long d’une journée. Nous nous sentons tel un imposteur<br />

quand on nous offre un poste de leadership. Mais nous<br />

connaissons aussi le plaisir de vivre dans une langue<br />

additionnelle quand d’autres n’ont pas ce privilège.<br />

Nous avons la fierté d’y être arrivé . e . s. Nous pouvons nous<br />

reconnaître dans nos élèves qui réussissent malgré le défi<br />

de la langue à relever. Plutôt que de mettre l’accent sur<br />

une insécurité (que nous ressentons tous à un moment<br />

donné), pourquoi ne pas insister sur la construction d’une<br />

identité positive et légitime, et plus précisément, sur la<br />

quête de cette légitimité? Pour y arriver, nous avons besoin<br />

que la communauté professionnelle s’unisse pour mieux<br />

comprendre les enjeux de cette dynamique.<br />

4) Comment passer de « voyageur. euse »<br />

à « citoyen. ne »?<br />

Quand je parle des niveaux du DELF (Diplôme d’études<br />

en langue française), j’utilise parfois l’analogie qu’une<br />

personne de niveau A1 (débutante) est un . e voyageur . euse<br />

et un . e citoyen . ne de niveau avancé, B2. Cette analogie<br />

contourne l’idée préconçue qu’un . e apprenant . e débutant . e<br />

de la langue est simplement quelqu’un qui commet plus<br />

d’erreurs que l'apprenant . e plus avancé . e. En revanche,<br />

l’image d'un . e voyageur . euse suscite, pour moi, l’idée<br />

d’exploration, de découverte, d’essais. Quand on est en<br />

voyage, on se satisfait d’attentes simples. Un . e citoyen . ne,<br />

en contraste, vit, négocie et navigue dans un monde plus<br />

complexe. Autrement dit, ce n’est pas le nombre d’erreurs<br />

qui détermine le niveau de l’apprenant . e, mais plutôt le<br />

degré de complexité des interactions. En nous focalisant<br />

uniquement sur les erreurs, on ne voit pas les risques<br />

que prennent nos apprenant . e . s pour rendre plus<br />

complexe ce qu’ils ou elles communiquent.<br />

Mais il y a une autre dimension à cette analogie.<br />

Puisqu’on parle de l’identité de nos élèves, ma question<br />

« Comment passer de voyageur . euse à citoyen . ne? » ne<br />

porte pas uniquement sur les erreurs ou la complexité<br />

de leurs communications, mais plutôt sur leur sentiment<br />

d’appartenance. Quelqu’un . e en voyage n’a pas vraiment<br />

un sentiment d’appartenance par rapport au pays qu’il ou<br />

elle découvre. Les aspects culturels qu’il ou elle y vit servent<br />

de points de comparaison vis-à-vis de sa propre culture,<br />

tandis qu’un . e citoyen . ne vit les aspects culturels de ce<br />

pays comme les siens. Ce n’est pas une source d’exotisme<br />

ou de contraste, mais plutôt un sentiment d’appartenance<br />

et de familiarité qu’il ou elle s’approprie et modifie à sa<br />

façon. Or, quand on parle de faire vivre la culture française<br />

à nos élèves, comment pourrait-on les aider à s’approprier<br />

ces aspects culturels et à s’y identifier? Grosse question<br />

existentielle, je sais.<br />

22 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION<br />

<strong>Vol</strong>. <strong>43</strong>, n o 2, été 2021 | 23


Identité bilingue<br />

Identité bilingue<br />

Je soupçonne que la réponse se construit et évolue à long<br />

terme. Après tout, que fait une personne qui change de<br />

pays et devient immigrante? Elle explore au début, elle<br />

découvre des aspects culturels avec intérêt et lentement,<br />

avec le temps, donc la répétition et des occasions de se<br />

les approprier, elle choisit lesquels lui parlent et elle les<br />

adopte. Pour permettre à nos élèves de la maternelle à la<br />

12 e année d’entreprendre ce cheminement identitaire, nous<br />

devons intentionnellement les exposer à des évènements<br />

culturels, mais aussi leur donner la chance de se demander :<br />

Est-ce que ces aspects de la culture française (ou autre)<br />

me parlent? Est-ce que j’aimerais les incorporer à ma<br />

conception de mon identité linguistique? Voilà l’élément<br />

qui manque. À mon avis, l’inclusion de l’aspect culturel<br />

dans nos programmes n’est pas là simplement pour nous<br />

faire découvrir ce qui est particulier à la francophonie, mais<br />

éventuellement, on voudrait en incorporer des éléments à<br />

notre identité pour pouvoir réellement vivre en français.<br />

Pour revenir à la question 2 au sujet de l’insécurité<br />

linguistique de nos collègues pour qui le français est une<br />

langue additionnelle, j’ose croire que si nous amorçons<br />

cette réflexion (exposée dans le paragraphe précédent) dès<br />

la maternelle, les individus qui se dirigeront éventuellement<br />

vers l’enseignement auront eu plus de temps pour réfléchir<br />

à leur identité linguistique et se verront mieux équipés pour<br />

y répondre. Entre temps, je considère que ma contribution<br />

à une communauté linguistique professionnelle inclusive<br />

qui soutient tous mes collègues d’immersion fait partie de<br />

mes responsabilités (Tang, 2015).<br />

Références<br />

ARNETT, Katy, et Renée BOURGOIN (2018). Accès au succès, North York, ON, Pearson Canada.<br />

Avec toutes ces remises en question, je n’ai pas de réponse<br />

simple à proposer, mais il est grand temps que nous nous<br />

asseyions pour réfléchir aux objectifs de notre programme<br />

chéri. Il est temps de voir un objectif au-delà de la simple<br />

maîtrise langagière pour privilégier une vision plus globale<br />

et centrée sur l’identité du programme d’immersion. Après<br />

tout, l’un inclut l’autre, mais pas vice versa. Une personne<br />

qui parle bien et comprend bien le français (comme mon<br />

élève de 12 e année) n’a pas nécessairement un attachement<br />

au français et ne s’identifie pas toujours comme membre<br />

d’une communauté linguistique bilingue. En revanche,<br />

une personne qui ressent cette appartenance à ladite<br />

communauté voudra et pourra continuer à développer ses<br />

connaissances langagières. Pour mon ancien élève qui avait<br />

trop hâte de se défaire de son obligation face au français, je<br />

ne peux m’empêcher de me demander : Comment pourraiton<br />

faire mieux, en tant qu’éducateurs . trices, enseignant . e . s<br />

ou formateurs . trices?<br />

Certain . e . s répondraient que l’immersion, ce n’est pas<br />

pour tout le monde et que seul . e . s les élèves engagé . e . s et<br />

travaillant . e . s réussiront. Je ne suis pas d’accord avec cette<br />

philosophie que l’immersion, pour réussir, doit être un<br />

programme exclusif. Au contraire, en tant qu’enseignante<br />

et chercheuse, je pense que tout le monde peut bénéficier<br />

du bilinguisme; donc, nous devons trouver les meilleurs<br />

moyens de le leur offrir et de nous adapter aux nouvelles<br />

conditions démographiques qui existent. Et comme parent,<br />

je souhaite que le programme d’immersion vise à appuyer<br />

mon enfant dans sa curiosité et dans sa joie d’apprendre<br />

le français, tout en l’aidant à bâtir sa confiance en tant que<br />

bilingue légitime.<br />

LAMBERT, Wallace E., et G. Richard TUCKER (1972). The bilingual education of children : the St. Lambert Experiment, Rowley, Mass., Newbury House<br />

Publishers. « Newbury House series : studies in bilingual education ».<br />

LYSTER, Roy (2016). Vers une approche intégrée en immersion, Anjou, Les éditions CEC.<br />

MORCOM, Lindsay A. (2017). « Indigenous holistic education in philosophy and practice, with wampum as a case study », Foro de Educatión,<br />

vol. 15, n o 23, p. 121-138.<br />

PRASAD, G. (2014). « Portraits of plurilingualism in a French international school in Toronto : exploring the role of visual methods to access students’<br />

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vol. 17, n o 1, p. 51-77.<br />

SLAVKOV, Nikolay, et Jérémie SÉROR (2019). « The development of the Linguistic Risk-Taking Initiative at the University of Ottawa », The Canadian<br />

Modern Language Review / La revue canadienne des langues vivantes, vol. 75 n o 3, p. 254-271.<br />

TANG, Monica (2015). « Qui suis-je and who cares? », CPF Magazine, vol. 3, n o 1 (été), p. 6.<br />

VEILLEUX, Ingrid, et Monique BOURNOT-TRITES (2005, January). « Standards for the language competence of French immersion teachers : is there<br />

a danger of erosion? », Canadian Journal of Education / Revue canadienne de l’éducation, vol. 28, n o 3, p. 487-507, https://www.researchgate.net/<br />

publication/261944785_Standards_for_the_Language_Competence_of_French_Immersion_Teachers_Is_There_a_Danger_of_Erosion<br />

Enlever les menottes : comment faire parler le français aux<br />

élèves sans jouer à la policière<br />

Lara Gillen | Enseignante d’immersion, Burnaby School District – SD41 | lara.gillen@burnabyschools.ca<br />

On dit parfois que la folie,<br />

c’est de faire la même chose<br />

et de s’attendre à un résultat<br />

différent. Depuis 20 ans comme<br />

enseignante en immersion, mon<br />

cauchemar c’est que mes élèves<br />

ne s’adonnent pas à dialoguer<br />

en français. Mes stratégies<br />

d’encouragement ont une<br />

durée de vie très courte et je me<br />

retrouve toujours dans le rôle<br />

de policière afin de contrôler<br />

le langage en classe en distribuant des récompenses ou<br />

des infractions. Malgré tous mes efforts, l’anglais revient<br />

toujours dans les conversations. Je n’ai plus de carottes ni<br />

de bâtons.<br />

Petite parenthèse pour me décrire un peu. Dans le contexte<br />

de mes études supérieures, j’ai l’occasion de réfléchir<br />

sur mon identité comme locutrice de français et comme<br />

enseignante. Je ne m’identifie pas comme francophone<br />

mais j’ai fréquenté une école française. J’ai vécu à Québec<br />

pendant 12 ans en faisant mon baccalauréat en français<br />

et en travaillant comme enseignante d’anglais langue<br />

seconde. J’ai un penchant pour la culture française et cela<br />

m’apporte du plaisir. Je me considère fortement bilingue et<br />

je suis fière de mes capacités.<br />

Revenons au dilemme des élèves qui se parlent en anglais.<br />

Après avoir mené quelques enquêtes sur l’importance<br />

des activités socio-émotionnelles et la prise de risque, j’ai<br />

commencé à voir mon dilemme différemment. Bien que<br />

ce soit un peu contre-intuitif, je me suis posé les questions<br />

suivantes :<br />

• Qu’arriverait-il si je relâchais un peu le contrôle sur les choix<br />

de mes élèves quant à la langue de communication ?<br />

• Et si je modifiais mes attentes pour mieux refléter le stade<br />

où l’individu est rendu dans son parcours langagier, et si<br />

j’acceptais les erreurs, même le franglais ?<br />

• Au lieu de les pousser à parler en français, qu’arriverait-il si<br />

je mettais plus d’effort à les inspirer à prendre des risques et<br />

à faire un effort sincère ?<br />

Cet article explique comment j’ai lâché le contrôle des<br />

élèves au lieu de jouer à la policière afin de leur donner le<br />

goût de parler le français, et comment cela m’a changée<br />

non seulement dans mon rôle et identité d’enseignante<br />

mais, aussi, comme locutrice de français. Voici un peu<br />

l’évolution de mon apprentissage sur (presque) une année<br />

scolaire :<br />

Septembre 2020 : la démarche<br />

Au début de l’année scolaire, dans un sondage offert à mes<br />

élèves de 5 e -6 e année, j’ai appris qu’ils ne s’identifiaient pas<br />

comme francophiles, encore moins comme francophones,<br />

et qu’en dehors de l’école, ils participaient rarement à<br />

des activités françaises de leur propre gré. Quand je leur<br />

ai demandé pourquoi ils avaient adhéré au programme<br />

d’immersion, ils ont tous répondu que leurs parents les<br />

y avaient inscrits. Ils croyaient que le bénéfice majeur de<br />

devenir bilingue était un emploi éventuel. Ces réponses<br />

m’ont choquée. Comme eux, mes parents ont choisi le<br />

français pour moi, mais j’appréciais la culture francophone.<br />

Cela dit, j’y avais un accès régulier, y compris des occasions<br />

hors de l’école de parler la langue grâce en partie à la<br />

géographie et à ma communauté scolaire. J’ai le bénéfice<br />

d’avoir vécu plusieurs expériences qui ont valorisé mes<br />

efforts. Présentement, j’élève mon fils de quatre ans dans<br />

un environnement bilingue. Donc, ma situation est un<br />

peu différente de la leur. Pour s’intégrer à mon enquête,<br />

notre classe a parlé du bilinguisme et de l’importance de la<br />

pratique orale. Une fois que nous avons convenu que notre<br />

objectif commun était d’améliorer notre français oral, il<br />

nous fallait une manière de structurer nos efforts collectifs.<br />

Dans mes cours aux études supérieures, notre professeur<br />

nous soumet une liste d’objectifs langagiers au début de<br />

chaque cours. Nos choix personnels nous appartiennent.<br />

Notre groupe a des niveaux de français variés et cela<br />

nous encourage à faire un choix pour perfectionner notre<br />

français. À la fin de chaque cours, nous autoévaluons notre<br />

degré de réussite. J’apprécie cette activité, car elle me fait<br />

reconnaître qu’on peut toujours s’améliorer, et qu’il existe<br />

toujours un choix actif lié à l’effort de ma participation.<br />

24 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION<br />

<strong>Vol</strong>. <strong>43</strong>, n o 2, été 2021 | 25


Identité bilingue<br />

Identité bilingue<br />

À la fin d’une journée de travail, je pourrais très facilement<br />

me déconnecter en français pendant les leçons, si je ne<br />

suis pas attentive. En petits groupes, je subis facilement<br />

l’influence de mes pairs s’ils parlent en anglais, même si<br />

je me considère bilingue. Les objectifs que je poursuis<br />

m’aident à réfléchir et à prendre la responsabilité de mon<br />

propre usage du français.<br />

J’ai pensé qu’avec quelques modifications, cette pratique<br />

pourrait encourager mes élèves de 5 e -6 e année. Voici la liste<br />

des objectifs langagiers que je leur ai proposés :<br />

1. Je vais essayer de parler en français toute la journée.<br />

2. Je vais essayer de parler en français pendant la<br />

récréation.<br />

3. Je vais essayer de parler en français pendant le dîner.<br />

4. Je vais essayer d’utiliser une expression de la semaine.<br />

5. Je vais essayer de parler en français pour la moitié<br />

de la journée.<br />

6. Je vais mieux me concentrer sur ma lecture française<br />

et utiliser le dictionnaire quand je rencontre un<br />

nouveau mot.<br />

Chaque matin, les élèves sélectionnaient et indiquaient<br />

le numéro qui correspondait à leur choix d’objectif sur<br />

un papillon qu’ils collaient sur leur pupitre. À la fin de la<br />

journée, ils me montraient sur leurs doigts une note sur<br />

10 conforme à leur niveau de réussite.<br />

Octobre 2020 : résultats encourageants !<br />

Initialement, les résultats étaient encourageants. Une<br />

semaine après le début de cette expérience, un élève a<br />

pris un risque en choisissant le numéro 1, l’objectif le plus<br />

difficile. Cela a eu un effet domino. En octobre, près de la<br />

moitié de la classe voulait parler français toute la journée.<br />

En écoutant les élèves se parler, j’ai assisté à des échanges<br />

surprenants. Un élève qui parlait en anglais s’est fait dire<br />

par son ami de respecter son choix et de l’aider dans son<br />

objectif en s’adressant à lui en français. Il y avait toujours<br />

de l’anglais, mais j’entendais beaucoup plus de français<br />

qu’avant. J’étais ravie!<br />

Au début, c’était facile de lâcher mon rôle de policière.<br />

J’étais curieuse de la réaction des élèves et je voulais mettre<br />

en valeur leurs choix plutôt que mes interventions. Pendant<br />

ce temps, j’ai trouvé l’atmosphère très relaxe et je pense<br />

que ça m’a permis d’établir un meilleur rapport avec chaque<br />

élève en plus d’approfondir notre esprit de communauté<br />

quand je ne jouais pas le rôle de la policière.<br />

Décembre 2020 : l’effort s’essouffle<br />

Cependant, au mois de décembre, j’ai remarqué que l’effort<br />

s’essoufflait. Dans le cadre d’une routine quotidienne, la<br />

pratique de choisir ses objectifs langagiers est devenue<br />

mécanique et les élèves semblaient moins sincères dans<br />

leurs choix. Leurs intentions étaient bonnes, mais plusieurs<br />

n’étaient pas encore assez disciplinés pour se forcer. Leurs<br />

autoévaluations honnêtes dépassaient rarement la note de<br />

4/10. En décembre, par frustration et par désir de ne pas<br />

renoncer aux progrès accomplis, je leur ai posé bêtement<br />

la question : « Comment est-ce que madame pourrait vous<br />

encourager à parler le français? » Ce qui m’a le plus surprise,<br />

c’est que les élèves n’ont pas répondu en nommant des<br />

moyens utilisés par l’enseignante. Plutôt, ils ont fait part des<br />

moyens à leur portée pour s’améliorer. Malgré la présence<br />

de l’anglais, j’ai noté une évolution de leur perception<br />

de ce que ça prend pour se dire bilingue. Leur niveau de<br />

compréhension de cette notion était rehaussé.<br />

Janvier 2021 : un travail collectif<br />

Après la discussion honnête avec la classe en décembre,<br />

nous allions dans la bonne direction. Cependant je voyais la<br />

nécessité de modifier constamment les objectifs pour garder<br />

les écoliers engagés et pour refléter leur apprentissage.<br />

Donc, j’ai consulté mes élèves pour dresser une nouvelle<br />

liste d’objectifs langagiers. Nous avons distingué les buts<br />

inatteignables à cette étape de ceux plus appropriés. Nous<br />

avons décidé de déplacer l’objectif numéro 1 (il passait à 6),<br />

car il a été convenu que c’était le plus difficile. Notre nouvelle<br />

liste, créée en équipe, se lisait ainsi :<br />

1. Je vais utiliser au moins deux expressions de la semaine.<br />

2. Je vais utiliser un idiome.<br />

3. Je vais utiliser un nouveau mot que j’ai appris (affiché à<br />

notre dictionnaire collectif).<br />

4. Je vais essayer de parler en français jusqu’au dîner.<br />

5. Je vais essayer de parler en français du dîner jusqu’à la fin<br />

de la journée.<br />

6. Je vais essayer de parler en français toute la journée.<br />

Nous avons aussi décidé d’afficher nos choix et nos<br />

autoévaluations au tableau. Cela permettait plus de<br />

transparence et d’imputabilité. Armés des nouveaux<br />

objectifs langagiers collectifs et de l’enthousiasme d’une<br />

nouvelle année, mes élèves m’ont étonnée avec de<br />

meilleurs résultats. Cette fois, les évaluations de 5 à 10<br />

représentaient la majorité.<br />

Par contre, quatre élèves se donnaient toujours des 2, 1 et 0.<br />

J’étais frustrée par leur admission sans honte d’une absence<br />

d’effort personnel. J’étais fâchée et insultée, après mon<br />

acharnement à les appuyer. Après tout ce travail collectif de<br />

notre classe, j’ai vécu leur manque d’effort comme un affront<br />

personnel. J’étais investie dans leur succès. Cependant, j’avais<br />

compris qu’il s’agissait d’un effort à long terme. Je devais<br />

rester créative en vue de multiplier leurs opportunités de<br />

réussite, sans retomber dans le rôle de la policière.<br />

C’est à ce moment que j’ai dû réfléchir à d’autres moyens<br />

d’offrir des soutiens environnementaux. J’ai alors institué<br />

une pause-café durant la journée pour offrir une occasion<br />

additionnelle et informelle de socialiser en français. Nous<br />

avons consacré 10 minutes avant la récréation à la pratique<br />

d’un français spontané avec des activités brise-glace en<br />

petites équipes. À la mi-mars, seulement trois élèves se sont<br />

octroyé des notes en bas de 4 depuis sept jours.<br />

Mars 2021 : on récolte ce qu’on sème<br />

Après avoir distribué les bulletins, j’étais très curieuse<br />

d’écouter les commentaires de mes élèves. Quelquesuns<br />

avaient sincèrement mérité de bonnes notes à l’oral.<br />

Par contre, d’autres ont eu de moins bons résultats. Je<br />

m’attendais à des arguments et des protestations vis-àvis<br />

de leurs notes, comme c’est le cas normalement à la<br />

distribution des bulletins, mais ce n’était pas le cas. Voici le<br />

type de commentaires que j’ai entendus :<br />

« Il me semble que c’est juste, ça. »<br />

« Oui, cela reflète l’effort que j’ai mis. »<br />

« Madame ne peut pas contrôler ce qui sort<br />

de nos bouches. »<br />

C’était la récompense souhaitée de mes efforts. Je<br />

savais au fond que le rôle de la policière n’était pas<br />

le meilleur moyen d’influencer leur comportement<br />

à long terme. Mais il m’a fallu plusieurs mois pour<br />

découvrir la bonne façon de modifier mon rôle<br />

d’enseignante et ma perception du rôle à assumer.<br />

26 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION<br />

<strong>Vol</strong>. <strong>43</strong>, n o 2, été 2021 | 27


Avril 2021 : mes observations et réflexions<br />

Identité bilingue<br />

Identité bilingue<br />

Mon enquête professionnelle continue, mais voici ce que<br />

j’ai appris à propos de ma pratique :<br />

Dans notre communauté de classe<br />

L’atmosphère a changé. C’est plus relaxant pour moi et<br />

mes élèves. En arrêtant de jouer à la policière, j’ai pu me<br />

concentrer sur le développement du rapport avec mes<br />

élèves et la création d’une communauté visant un but<br />

collectif. En enlevant le jugement et le tabou des moments<br />

anglais, leur effort était plus authentique, sincère et, peu à<br />

peu, plus fréquent.<br />

Comme enseignante d’immersion<br />

La réussite de cette expérience venait du fait<br />

que je leur avais cédé, certes de façon calculée<br />

et stratégique, du contrôle. Le progrès observé<br />

découlait de mon soutien continu, certes, mais<br />

aussi de l’engagement collectif des élèves dans le<br />

processus.<br />

Avant, j’adhérais à l’idée que vous devez enseigner<br />

seulement dans la langue cible et insister pour un français<br />

parlé en classe toute la journée. Les erreurs devraient être<br />

corrigées immédiatement. Maintenant, je comprends mieux<br />

les nuances interconnectées (le rapport interpersonnel, un<br />

but collectif, le contrôle, la liberté de faire des erreurs sans<br />

jugement et d’effectuer des choix proactifs) pour soutenir<br />

l’écosystème d’une classe d’immersion.<br />

Réflexions personnelles<br />

Je m’identifie à mes élèves plus que je l’avais imaginé…<br />

Je connais la fatigue mentale qui vient avec une journée<br />

passée dans une deuxième langue. Même en tant que<br />

professeure, je comprends et je partage leurs faiblesses.<br />

En supprimant également le jugement et le tabou des<br />

moments anglais pour moi, je me suis donné la permission<br />

de ne me pas sentir coupable quand je fais des erreurs,<br />

quand je ne connais pas le bon mot ou quand je fais<br />

appel à l’anglais pour solidifier des concepts et régler les<br />

querelles. J’apprécie ces moments dans ma journée hyper<br />

chargée pour « respirer » dans ma langue maternelle. Par<br />

contre, en réfléchissant à ce que doit faire une personne<br />

bilingue pour être légitime, je reconnais qu’il y a un choix<br />

et un engagement quotidien de participer. En donnant<br />

du contrôle aux élèves et en leur montrant les façons de<br />

développer cette disposition de choix actif, je suis un<br />

meilleur modèle de personne bilingue que l’enseignante<br />

qui devait jouer les policiers. J’ai enfin pu enlever mes<br />

menottes.<br />

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28 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION


Identité bilingue<br />

Identité bilingue<br />

La langue comme objet d’apprentissage au service de la<br />

construction identitaire<br />

Josée Le Bouthillier | Associée à la recherche, Université du Nouveau-Brunswick | josee@unb.ca<br />

Renée Bourgoin | Professeure adjointe, St. Thomas University | rbourgoin@stu.ca<br />

Josée Le Bouthillier<br />

Renée Bourgoin<br />

La particularité<br />

pédagogique de<br />

l’immersion est que<br />

l’enseignement de<br />

la langue se fait par<br />

le biais des matières<br />

scolaires comme les<br />

mathématiques, les<br />

sciences et les sciences<br />

humaines et que cet<br />

enseignement ne se<br />

limite pas au cours<br />

d’arts langagiers en<br />

immersion française.<br />

Sans le moindre doute,<br />

les compétences<br />

analytiques et critiques<br />

sont cruciales dans la<br />

pédagogie immersive.<br />

Mais il ne faut pas<br />

oublier que la langue<br />

joue une double<br />

fonction dans notre<br />

pédagogie : celle d’objet<br />

et d’outil (Richard et<br />

Couture, 2009).<br />

La langue comme outil nous permet, à nos élèves et à nous,<br />

d’exprimer nos idées, nos sentiments et nos connaissances.<br />

À l’école, c’est le moyen de communication au service de<br />

l’enseignement et de l’apprentissage. Mais qu’est-ce que la<br />

langue comme objet d’apprentissage? C’est la construction<br />

de savoirs liés à la langue elle-même.<br />

La langue comme objet d’apprentissage et l’identité<br />

Dans la recherche, on a célébré les succès de la pédagogie<br />

immersive, mais on a aussi relevé certains défis. Nos élèves<br />

possèdent d’excellentes capacités réceptives. Par contre,<br />

leurs capacités productives posent problème, surtout en<br />

ce qui a trait à la précision linguistique et à la compétence<br />

sociolinguistique (p. ex. : Lyster, 2007; Tedick et Lyster, 2019).<br />

Une piste de solution pour combattre les<br />

sentiments d’insécurité linguistique des élèves et<br />

développer leur identité bilingue est de leur fournir<br />

des occasions d’améliorer leurs compétences<br />

linguistiques et sociolinguistiques.<br />

Les compétences sociolinguistiques permettent d’utiliser<br />

la langue de façon adéquate en respectant les normes<br />

sociales de la communauté linguistique. Plusieurs éléments<br />

linguistiques comme l’emploi du « tu » et du « vous », le<br />

recours au conditionnel présent, les formules de salutation<br />

et les stratégies d’interaction (comment prendre la parole,<br />

interrompre, etc.), les intentions de parole et la prise en<br />

compte de l’auditoire sont des objets d’apprentissage de la<br />

langue contribuant au développement des compétences<br />

sociolinguistiques.<br />

Le but de cet article étant de démontrer des pistes pour<br />

favoriser une construction identitaire saine en s’assurant<br />

d’intégrer la langue comme objet d’apprentissage dans<br />

sa pédagogie, nous vous proposons des façons d’intégrer<br />

la langue comme objet dans des leçons axées sur la<br />

production, l’interaction et la compréhension orales. Avant<br />

de suggérer des façons de présenter la langue comme<br />

objet d’apprentissage, nous voulons ancrer ces suggestions<br />

pédagogiques dans un cadre et une vision plus larges.<br />

Considérations générales pour se positionner<br />

comme enseignant de langue<br />

Vos choix pédagogiques transmettent, que vous en<br />

soyez conscient ou non, vos valeurs et vos croyances<br />

par rapport à l’enseignement des langues.<br />

Ainsi, les activités ne sont pas garantes d’un enseignement<br />

favorable au développement de la précision linguistique et<br />

des compétences sociolinguistiques. Elles doivent s’ancrer<br />

dans un cadre plus large où le but ultime est de former des<br />

finissants se considérant comme francophones. Attention, le<br />

mot francophone ne veut pas dire francophone de souche.<br />

Cette idée dépassée ne reflète pas la définition du terme.<br />

Le Larousse définit francophone comme « Qui parle français. » Autrement dit, à la fin de leur parcours scolaire, les élèves<br />

devraient idéalement avoir développé une identité bilingue et sentir qu’ils font partie à part entière de la francophonie.<br />

Voici quelques éléments pédagogiques à considérer :<br />

1. Réservez du temps, dans l’horaire quotidien, au<br />

développement des habiletés orales. Ces occasions<br />

d’apprentissage doivent viser la précision et la cohérence<br />

des messages oraux, pas seulement l’aisance.<br />

2. Positionnez-vous comme un apprenant de langue.<br />

Les apprenants ont besoin de vous percevoir comme<br />

tel, alors parlez-leur de vos propres expériences<br />

d’apprentissage d’une langue seconde (Arnett et<br />

Bourgoin, 2018). Partagez vos défis, sentiments et prises<br />

de risques en apprentissage d’une langue, et transmettez<br />

des stratégies utilisées. Dites aussi comment vous vivez<br />

votre identité bilingue ou plurilingue.<br />

3. Séquencez la période consacrée à l’enseignement<br />

de la langue comme objet de façon à donner de plus<br />

en plus d’autonomie aux élèves. Commencez par<br />

l’enseignement explicite et la modélisation, et passez à<br />

la pratique guidée. Pendant la pratique guidée, effectuez<br />

de la rétroaction corrective pour assurer la précision<br />

linguistique. La pratique guidée permet aux apprenants<br />

d’utiliser l’élément linguistique de façon plus encadrée<br />

et plus contrôlée. Pour terminer, proposez des tâches où<br />

les élèves utiliseront l’élément linguistique de façon plus<br />

spontanée.<br />

4. Fournissez aux élèves de multiples occasions de<br />

s’exprimer et d’interagir avec leurs pairs pour mettre en<br />

pratique l’élément ou les éléments linguistiques à l’étude.<br />

Les écoliers ont besoin de temps pour s’approprier leur<br />

nouveau savoir et l’automatiser, c’est-à-dire employer<br />

l’élément de façon plus automatique. On parle de<br />

routinisation par le biais d’une pratique communicative<br />

répétée. Les élèves deviennent plus à l’aise et plus<br />

confiants dans leur emploi de l’élément linguistique<br />

étudié.<br />

5. Effectuez des rétroactions correctives de façon<br />

constante après qu’un élément linguistique a été l’objet<br />

d’apprentissage. Les élèves pourront ainsi assimiler la<br />

forme correcte. Une fois le processus d’automatisation<br />

terminé, il devient très difficile de corriger la forme, car<br />

l’emploi fautif est devenu une habitude.<br />

6. Tenez compte de la création de sens pendant la mise<br />

en pratique de l’élément linguistique à l’étude. La<br />

communication de messages significatifs est la pierre<br />

angulaire de l’apprentissage de la langue. Si les tâches<br />

langagières proposées sont dépourvues de sens et de<br />

contexte d’emploi, l’apprentissage n’est plus pertinent.<br />

Les élèves éprouvent de la difficulté à saisir le pourquoi<br />

de l’apprentissage et ils s’en désintéressent.<br />

7. Choisissez des thèmes liés à la vie et aux préférences<br />

des élèves au détriment des thèmes purement scolaires.<br />

Intégrez l’enseignement de la langue comme objet de<br />

ces thématiques et profitez-en pour développer des<br />

champs lexicaux variés. Les apprenants pourront ainsi<br />

élargir leur champ lexical et utiliser un vocabulaire de<br />

plus en plus technique et précis.<br />

8. Transmettez la vision d’une langue française vivante et<br />

actuelle. La technologie permet d’accueillir, de façon<br />

synchrone ou asynchrone, des personnes francophones<br />

représentant toutes les facettes de la francophonie.<br />

Plusieurs personnes, dont les jeunes gens, ont une<br />

identité bilingue. Si les écoliers discutent toujours avec<br />

des gens dont la langue première est le français ou dont<br />

le français est standard, adressez-leur un message très<br />

clair que vous les considérez comme des francophones.<br />

Les différents dialectes et les registres plus familiers<br />

peuvent être l’objet d’apprentissage. N’oubliez pas que<br />

la langue parlée possède ses propres règles et sa propre<br />

grammaire. Pour se sentir francophones, nos élèves<br />

doivent connaître ces règles.<br />

9. Tenez compte des niveaux de compétence langagière<br />

de vos élèves et différenciez en conséquence le<br />

contenu de vos leçons ayant la langue comme objet<br />

d’apprentissage. Ayez de hautes attentes envers vos<br />

élèves et visez le progrès linguistique continu. Poussez<br />

vos élèves à produire à un niveau langagier de plus en<br />

plus complexe, toujours en considérant les différences<br />

individuelles du groupe-classe. Certains élèves seront en<br />

mesure de répondre à ce type de questions : Que veux-tu<br />

dire par ça? Comment le sais-tu? Pourquoi? Quelle est<br />

ton opinion? D’autres peuvent participer pleinement,<br />

malgré un répertoire oral plus limité, en répondant à des<br />

questions moins complexes sur le plan linguistique<br />

(p. ex. : choix de réponses, réponses connues et réponses<br />

non verbales comme pointer du doigt ou encercler).<br />

30 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION<br />

<strong>Vol</strong>. <strong>43</strong>, n o 2, été 2021 | 31


Identité bilingue<br />

Identité bilingue<br />

Suggestions de façons de mettre l’accent sur la langue comme objet<br />

1. Objet d’apprentissage : former des phrases plus<br />

complexes en utilisant des cadres lexicaux et des<br />

marqueurs de relation.<br />

Dans les exemples ci-dessous, l’enseignant présente<br />

une image que les élèves doivent décrire en discutant.<br />

Ces images peuvent se rapporter à des situations de la<br />

vie quotidienne ou à des matières scolaires. Liées à un<br />

champ lexical précis, elles servent aussi à développer le<br />

vocabulaire.<br />

Exemples de leçons orales<br />

2. Objet d’apprentissage : structurer son texte oral à<br />

l’aide d’organisateurs graphiques.<br />

Autant il existe différents genres de textes écrits, autant<br />

il en existe à l’oral. Une explication, un récit, un débat,<br />

une conversation sont tous des textes oraux possédant<br />

une structure textuelle spécifique. Des organisateurs<br />

graphiques représentant la structure du texte oral sont<br />

des outils intéressants qui servent de soutien visuel aux<br />

tâches orales et qui aident, à la fois, à l’organisation des<br />

idées et à la cohérence du message oral.<br />

Exemples d’organisateurs graphiques pour soutenir la<br />

communication orale<br />

3. Objet d’apprentissage : utiliser une fonction de communication spécifique.<br />

Pour être pertinents, les messages transmis doivent avoir<br />

un but. Les êtres humains communiquent pour répondre<br />

à divers besoins comme le désir de maintenir un rapport<br />

social avec d’autres personnes, de s’informer ou de se<br />

divertir. Les différents buts visés lors de la transmission<br />

d’un message ont trait aux fonctions langagières. Voici<br />

quelques exemples :<br />

• Demander : la permission, de l’aide, des<br />

clarifications...<br />

• Exprimer : son accord, son désaccord, des souhaits,<br />

des remerciements...<br />

• Expliquer : les raisons, les buts, les étapes, les causes,<br />

les effets...<br />

• Donner : des ordres, des directives, des explications,<br />

des directions...<br />

• Offrir : des conseils, des suggestions, des<br />

condoléances, des options...<br />

• Décrire : des personnes, des lieux, des objets, des<br />

sentiments, des évènements...<br />

Les discussions entre pairs avec retour en grand<br />

groupe, les activités d’improvisation, les jeux de rôles,<br />

les présentations informelles telles que « montre et<br />

raconte », les critiques de livres ou d’œuvres d’art, les<br />

échanges d’opinions et les jeux de communication orale<br />

sont tous des techniques d’enseignement permettant<br />

aux élèves de s’exprimer de façon étendue et d’employer<br />

diverses fonctions langagières.<br />

Afin de soutenir les élèves dans leur usage de différentes<br />

fonctions langagières à l’oral et de les aider à construire<br />

des savoirs sur la langue proprement dite, nous pouvons<br />

fournir des tableaux d’ancrage avec des amorces<br />

langagières. Ces tableaux avec amorces peuvent être<br />

cocréés avec les élèves. Ils doivent aussi être modélisés et<br />

servir dans des contextes de communication significatifs.<br />

Exemple de tableaux d’ancrage – Fonctions<br />

de communication<br />

En partant de ces exemples de fonctions langagières,<br />

nous pouvons établir une autre distinction. Certaines<br />

fonctions s’emploient plus souvent dans un contexte<br />

scolaire et servent à comprendre et à discuter d’un<br />

contenu lié à une matière. Lors de l’utilisation de ces<br />

fonctions, les élèves abordent des sujets plus abstraits,<br />

pour lesquels ils ont besoin d’un vocabulaire technique<br />

et de structures de phrases plus complexes. D’autres<br />

fonctions sont plus utiles au quotidien, donc les sujets<br />

sont plus concrets. La langue et ses structures sont<br />

plus familières. La particularité de la pédagogie de<br />

l’immersion étant l’enseignement de la langue par<br />

l’entremise des matières scolaires, il est facile d’oublier<br />

les fonctions langagières associées à la vie quotidienne.<br />

Pourtant, elles sont essentielles à la construction d’une<br />

identité bilingue. Si un élève peut expliquer le concept<br />

d’axe de symétrie, mais est incapable de saluer un pair<br />

francophone sans parler comme un dictionnaire, il<br />

développera difficilement son identité bilingue. Ainsi,<br />

les fonctions langagières demandant une langue plus<br />

informelle et ayant trait aux activités quotidiennes<br />

ainsi que celles demandant une langue plus scolaire et<br />

technique doivent être des objets d’apprentissage.<br />

32 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION<br />

<strong>Vol</strong>. <strong>43</strong>, n o 2, été 2021 | 33


Identité bilingue<br />

Identité bilingue<br />

4. Objet d’apprentissage : les stratégies de communication, de compréhension et d’interaction orales.<br />

Les superhéros et les superhéroïnes ont des super pouvoirs. Les apprenants de langue ont aussi des super pouvoirs :<br />

les savoirs stratégiques. Les stratégies de communication, de compréhension et d’interaction orales doivent faire<br />

l’objet d’un enseignement explicite. Elles sont essentielles à la construction d’une identité bilingue. On a toujours plus<br />

confiance en soi quand on a des super pouvoirs, ne pensez-vous pas? Voici quelques exemples :<br />

Stratégies de production et d’interaction orales<br />

• Donner des exemples<br />

• Confirmer la compréhension de l’autre<br />

• Confirmer sa compréhension<br />

• Répéter<br />

• Demander des clarifications, des répétitions, des<br />

exemples et de l’aide<br />

• Entamer, maintenir et clore des conversations<br />

• Offrir le tour de parole<br />

• Diriger la conversation<br />

• Changer de sujet<br />

• Reconnaître et utiliser des indices verbaux et non<br />

verbaux<br />

Stratégies d’écoute<br />

• Regarder son interlocuteur<br />

• Prendre une position d’écoute active<br />

• Interpréter le langage non verbal<br />

• Relever les idées essentielles<br />

• Vérifier sa compréhension<br />

• Prendre des notes<br />

• Réagir au message<br />

• Construire des repères<br />

• Comparer des informations<br />

• Repérer les idées principales<br />

5. Objet d’apprentissage : adapter son langage à la situation et au contexte culturel.<br />

Les techniques d’enseignement relatées au numéro 3 comme les jeux, les jeux de rôles, les improvisations et les<br />

discussions fournissent aussi des contextes pour pratiquer ses stratégies de communication. Les tableaux d’ancrage sont<br />

également de bons outils pour soutenir les élèves dans leur utilisation de stratégies.<br />

Exemple de tableau d’ancrage pour introduire une idée lors d’une discussion ou d’un débat de nature scolaire<br />

• À ce sujet…<br />

• À propos de…<br />

• Pour ce qui est de…<br />

• En ce qui touche à…<br />

• À ce propos…<br />

• En ce qui concerne...<br />

• En ce qui a trait à…<br />

• Relativement à…<br />

• À cet égard…<br />

• De ce point de vue…<br />

• En ce qui regarde…<br />

• En liaison avec…<br />

L’enseignement explicite de stratégies d’écoute par le biais de textes oraux authentiques permet aux enseignants de faire<br />

tomber les murs de la classe et d’ouvrir le groupe-classe au monde. De courts vidéoclips, des annonces publicitaires, des<br />

reportages, de courts débats, des comptines et chansons, des présentations, des pièces de théâtre, des bulletins de météo,<br />

des programmes sportifs, des histoires lues à voix haute, des jeux télévisés et des documentaires favorisent l’utilisation<br />

de stratégies d’écoute enseignées explicitement et modélisées, et le développement de connaissances sur la langue<br />

comme telle, de savoirs sociolinguistiques et culturels. Ces textes oraux authentiques sont essentiels pour rendre la langue<br />

française vivante et actuelle et ils vous positionnent comme passeur culturel.<br />

Un des objets d’apprentissage langagier importants est de savoir adapter sa façon de parler à la situation et au<br />

contexte culturel. Pour que nos élèves se sentent à l’aise de s’exprimer dans leur communauté ou ailleurs, cet objet<br />

d’apprentissage est d’une grande utilité. Il contribue énormément à la construction de leur identité bilingue. Les jeux,<br />

les mises en situation, les jeux de rôles et les improvisations sont des techniques favorisant la construction de cet objet<br />

d’apprentissage. Par exemple, si l’un de vos élèves était invité chez un ami unilingue francophone, saurait-il jouer<br />

en français de façon polie? Pourrait-il exprimer sa joie ou son désappointement de façon appropriée de la part d’un<br />

invité? Les tableaux d’ancrage sont toujours un bon moyen de soutenir les élèves dans leur mise en pratique de l’objet<br />

d’apprentissage et pour leur permettre d’automatiser les formes langagières correctes.<br />

• Qui commence?<br />

• Comptons nos paires pour<br />

connaître le gagnant.<br />

• Zut! Je n’ai pas réussi à faire<br />

une paire.<br />

• Zut! Tu as perdu ton tour.<br />

• Tu as gagné. Bravo!<br />

• Déplace ton jeton.<br />

Exemple de tableau d’ancrage d’un bon joueur<br />

• C’est à mon tour.<br />

• Youpi! J’ai fait une paire. C’est<br />

encore à mon tour.<br />

• Jouons à roche-papier-ciseaux<br />

pour décider.<br />

• Tu veux jouer un match de<br />

revanche?<br />

• Retourne deux cartes.<br />

• D’accord.<br />

• Roule le dé.<br />

• Ça n’est pas grave. Tu feras<br />

une paire la prochaine fois.<br />

• Vas-y. C’est à ton tour.<br />

• As-tu bien compté?<br />

• Peux-tu vérifier?<br />

• Vas-y en premier.<br />

34 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION<br />

<strong>Vol</strong>. <strong>43</strong>, n o 2, été 2021 | 35


Identité bilingue<br />

Identité bilingue<br />

La construction d’une identité bilingue/plurilingue saine est complexe. Elle revêt une grande importance et, comme<br />

enseignants, nous devons déployer tout notre arsenal pédagogique. Traiter la langue comme objet d’apprentissage s’avère<br />

l’une des pistes de solution.<br />

Références<br />

ARNETT, Katy, et Renée BOURGOIN (2018). Accès au succès : faciliter l’inclusion pour les apprenants de langues, North York, ON, Pearson Canada.<br />

KERN, Richard (2003). « Literacy as a new organizing principle for foreign language education », dans Peter C. PATRIKIS (dir.), Reading between the<br />

lines : perspectives on foreign language literacy, New Haven, Yale University Press, « Yale language series », p. 40-59.<br />

LYSTER, Roy (2007). Learning and teaching languages through content : a counterbalanced approach, Amsterdam/Philadelphie, John Benjamins<br />

Publishing Company. « Language Learning & Language Teaching », n o 18.<br />

RICHARD, Suzanne, et Louise-Isabelle COUTURE (2009). « La langue : un objet et un outil », Québec français, n o 154 (été), p. 119-120.<br />

TEDICK, Diane J., et Roy LYSTER (2019). Scaffolding language development in immersion and dual language classrooms, New York, Routledge.<br />

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dès maintenant.<br />

Making the inclusivity shift<br />

Brandon Curr | Director of Instruction | Burnaby Schools, BC | brandon.curr@burnabyschools.ca<br />

Anne-Marie Bilton | Facilitatrice pédagogique de français langue seconde à Burnaby en Colombie-Britannique |<br />

ambinbc@gmail.com<br />

Brandon Curr<br />

Anne-Marie Bilton<br />

The evolving inquiry<br />

on inclusion in the<br />

context of French<br />

immersion<br />

In education, questions<br />

of equity, access,<br />

and inclusion have<br />

generated significant<br />

inquiry. Similarly,<br />

questions of access,<br />

equity, and inclusion<br />

in French immersion<br />

have abounded across<br />

every province in<br />

Canada. Originally,<br />

much of the discussion<br />

in the context of French<br />

immersion centered<br />

on the “suitability” of<br />

various learners, and<br />

what inclusion meant.<br />

The following citation<br />

by Canadian researchers<br />

is an excellent summary:<br />

“ Inclusivity in FSL programs, at minimum, refers to the<br />

access provided to children who have traditionally been<br />

marginalized from the program. However, inclusivity is also<br />

about reform and practices in the classroom. The issue of<br />

inclusivity in FSL programs (e.g., Allen, 2007; Mady, 2007;<br />

Mady & Arnett, 2009) was previously discussed as a matter<br />

of suitability of learners for the program (e.g., Cummins,<br />

1987; Genesee, 2006). In a recent article, Mady and Arnett<br />

(2016) examined how inclusivity has been a challenge to<br />

FSL programs in Canada. As they pointed out, there is not<br />

only some debate about who should be able to access<br />

these programs, but also how to practice and implement<br />

inclusivity. Despite this limitation, some FSL research has<br />

taken on a social justice slant in language education, moving<br />

from discussions of suitability to inclusivity (e.g., Arnett et al.,<br />

2014; Byrd Clark, Mady, & Vanthuyne, 2014; Heffernan, 2011;<br />

Mady & Black, 2012).” (Mady & Masson, 2018)<br />

This shift in conception is part of a trend in the evolution<br />

of inclusion and is explained in Shelley Moore’s informative<br />

video which asks us to assess where we are in our journey,<br />

and to query if we can do better, and if so, how? (Moore,<br />

2018) The question of “how” has assumed new import in<br />

relation to French immersion. Although we have made<br />

immense progress in including diverse learners in our<br />

French immersion programs across Canada, we have<br />

persisting concerns at all levels in the system, about how to<br />

best serve them.<br />

Unique programs, unique challenges<br />

The amount of language exposure correlates<br />

directly with proficiency in the acquisition of an<br />

additional language and is a significant success<br />

factor, especially when students are learning the<br />

language in a minority setting where their exposure<br />

to the language is exclusively in the confines of the<br />

classroom.<br />

With students having been absent from school for<br />

prolonged periods because of the pandemic, school and<br />

district personnel are thinking about how to serve learners<br />

as they return to the classrooms. In our work connecting<br />

with districts, in dialogues across post-secondary<br />

institutions, and in provincial or national workshops these<br />

issues of how to best serve all learners surface regularly.<br />

As immersion students reintegrate into the post-pandemic<br />

schooling, leaders have an opportunity to consider fresh<br />

questions to evolve a more complex understanding that<br />

(as cited in Ontario Ministry of Education, 2009) “inclusion<br />

is not bringing people into what already exists; it is making<br />

a new space, a better space for everyone’’ (Mady & Masson,<br />

2018). As leaders in the French immersion programs seek<br />

to make a better space, we will want to adopt an inquiry<br />

mindset as proposed by Kaser and Halbert (2017):<br />

36 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION<br />

<strong>Vol</strong>. <strong>43</strong>, n o 2, été 2021 | 37


Identité bilingue<br />

The bilingual learner: success<br />

Reinterpreting multilanguage learner behaviours<br />

Identité bilingue<br />

“ Inquiry isn’t about the pursuit of the perfect question or<br />

the next exciting strategy. It is about being open to new<br />

learning and taking informed action… Innovation is about<br />

recognizing that old approaches are not working for all<br />

learners, identifying what the key needs of our current<br />

learners are, and then creating new strategies based on<br />

knowledge of what does work.”<br />

Important transitions<br />

It is noteworthy that questions of inclusivity are<br />

compounded by the fact that across Canada, French<br />

immersion programs are faced with a shortage of French<br />

staff in both the classroom and learning support. This<br />

fact intersects in an invisible, but very powerful way with<br />

an underlying fear that we may not have the resources,<br />

knowledge, strategies or skills we need to provide supports,<br />

or worse, that we may be contributing to undue hardship<br />

for students and families. It is therefore sometimes<br />

tempting to think that some learners might be better<br />

served in English only programs. However, this does not<br />

resolve the concerns, and, we would argue, it creates other<br />

problems. All stakeholders want learners to have success<br />

in French immersion. As leaders work on developing a<br />

hunch about how to better serve learners, these are fresh<br />

questions that might inform our thinking.<br />

Inquiry-transitioning from inclusive participation to<br />

inclusive support<br />

1. What is success in second language learning, and how<br />

do we define it?<br />

2. Are we looking at perceived challenges with new, 21st<br />

century understanding of second language acquisition<br />

and pluri/multilingual learner identities?<br />

3. Are we examining issues through multiple lenses such<br />

as those of the classroom, the science, and the systemic<br />

policies and procedures we have in place?<br />

4. How do these intersect and affect one another?<br />

5. Have we assessed our inclusivity and determined where<br />

we are in the process of evolving our understanding?<br />

6. Can we respond in innovative ways?<br />

This stance leads us then to an important first query: What<br />

is success in French immersion? And how does this concept<br />

of success impact our decision-making process?<br />

We are beginning to explore if our understanding of<br />

success in French immersion may sometimes be rooted<br />

in myths about other language learners, misconceptions<br />

of bilingualism, misinterpretation of learner data, or an<br />

insufficient valuation of additional language learning. It<br />

is only recently that we have begun to have research to<br />

inform our thinking.<br />

Renée Bourgoin and Katy Arnett provide an excellent<br />

summary of these myths, and give us an opportunity to<br />

reflect on how these may influence our practices (Arnett<br />

& Bourgoin, 2018). Their summary might serve to initiate<br />

conversations in our jurisdictions about which myths may<br />

be casting a shadow on our practices and procedures.<br />

The confused learner: bilingualism and native like<br />

proficiency<br />

Sometimes, students present with differing skills in<br />

the languages being learned. The teacher may note,<br />

for example, that the student’s writing in English<br />

exceeds that in French. Errors and significant differences<br />

between the two languages may cause teachers and<br />

parents to be concerned. But this perception of the<br />

discrepancy as problematic may be rooted in a pervasive<br />

misunderstanding of what bilingual education should<br />

achieve.<br />

This old belief that bilingualism should yield the<br />

SAME results in both languages is simply not borne<br />

out by the science of second language acquisition.<br />

Not only do most learners show differences in<br />

proficiency between the languages being learned,<br />

but in fact, even within the same language.<br />

It is quite common, for example, for a native speaker of<br />

English to have strong oral skills but have less developed<br />

writing skills. It is a false conception that effective bilingual<br />

education yields the skill levels of a “monolingual plus<br />

monolingual.” Research has consistently borne witness<br />

that only a very few people ever achieve this level of equal<br />

performance in both languages (Grosjean, 2002).<br />

It is part of the bilingual learner profile and identity that<br />

additional language learners exhibit differing levels of<br />

competency both within and between languages. The<br />

CEFR portfolio self-assessment can be a useful tool for us<br />

to explore this for ourselves (Council of Europe, 2021). It<br />

can help us see and understand our own varying levels of<br />

competencies in our own language.<br />

Code switching<br />

Another area worthy of exploration is our perceptions<br />

of multilingual language learning behaviours. When we<br />

understand the nature of multilingual students and their<br />

behaviours, we begin to recognize that many of their<br />

behaviours may be misperceived as errors. It may be<br />

worthwhile to revisit some features of bilingual learners<br />

with personnel who have not had an opportunity<br />

to explore second language learning so they better<br />

understand and interpret some learner behaviours that<br />

might seem unusual.<br />

A very common example is “code switching”. This involves<br />

the capacity to move from one language to the other very<br />

rapidly, and sometimes in the same sentence. Viewed<br />

through the eyes of a monolingual speaker, this can appear<br />

as an error (Cook, 2009). For example, a student might<br />

say: « Oh non! J’ai oublié mon lunch bag à la maison! »<br />

It is possible that the student has weak vocabulary and<br />

does not know the French word. But it is also possible that<br />

this word is the first one to surface in their vocabulary<br />

bank because, as they visualize their lunch bag sitting on<br />

their counter in their English-speaking home, this context<br />

makes the English word the first one readily available.<br />

However, it remains important to know how to discern<br />

a genuine lack of vocabulary from code switching. This<br />

common but complex skill is a part of the typical bilingual<br />

learner profile.<br />

Additional language learners mixing up letters and sounds<br />

Another area that sometimes creates concern about<br />

young learners, is when students appear to mix up letters<br />

and sounds. For example, a student in immersion may<br />

say the letter name “Ee” when referring to French letter<br />

“E”. Bilingual children are learning to encode two sound<br />

systems with overlapping and sometimes conflicting<br />

information. It may come as a relief to know that this<br />

is normal and to be expected as part of the evolution<br />

of learning and managing two language databases.<br />

Anticipating this pattern allows us to be proactive and<br />

to strategically collaborate to address this. Having ELL<br />

and FSL teachers, for example, collaborate on how and<br />

when to explicitly teach these letters would benefit both<br />

their French and ELL programming. Exploring practices<br />

such as “teaching for transfer” (Mady & Thomas, 2014)<br />

provide useful ideas that enable us to break out of silos<br />

and find meaningful ways of creating explicit links that<br />

help children learn about both languages in mutually<br />

reinforcing ways.<br />

38 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION<br />

<strong>Vol</strong>. <strong>43</strong>, n o 2, été 2021 | 39


Identité bilingue<br />

Identité bilingue<br />

Despite the challenges with those target letters, we must<br />

also appreciate that the child has had to master almost<br />

double the sound letter associations overall. In short, we<br />

need to consider if we are comparing the dual language<br />

child’s success with letter/sound correspondence with<br />

the proficiency of the monolingual child, rather than with<br />

the range of bilingual learners (Cook, 2009). If instead we<br />

compared to other bilingual learners, we would learn that<br />

some of these confusions are typical, and with explicit<br />

teaching for transfer, these challenges resolve.<br />

We also need to remember that when we report these sorts<br />

of confusions to parents, they may become concerned<br />

that the child is not learning the language of instruction<br />

or is suffering a loss in the English language. This fear may<br />

cause them to wonder if the second language placement<br />

is of benefit to the child. We need to be able to explain<br />

the nature of second language acquisition stages and<br />

predictable behaviours to our parents, so they know what<br />

to expect.<br />

Students with learning disabilities<br />

In other situations, we have students who are exhibiting<br />

challenges that appear to be rooted in a learning disability.<br />

In French immersion contexts, the typical concern is often<br />

around reading. Where there are qualified French special<br />

education learning support teachers, these can readily be<br />

addressed. But how do we manage when we may be short<br />

of French speaking staff? Although seeking qualified French<br />

personnel is to be prioritized, in the meantime, there are<br />

some possibilities to support students.<br />

Recent research has shown that some interventions<br />

in English effectively transfer into French (Wise, 2015).<br />

Providing some training in English of pre-reading skills such<br />

as phonemic awareness, can be done by qualified special<br />

education teachers, and then supported in class by the<br />

French teacher who would work on the specific sounds in<br />

French. This reconceptualized model allows us to adopt an<br />

early intervention stance and support students while we<br />

wait for a longer-term solution to the shortage to emerge.<br />

Providing professional learning opportunities for personnel<br />

who are not trained in second language methodology to<br />

be involved in this process is critical. Really understanding<br />

how to teach for transfer is valuable for supporting learners<br />

(Mady & Thomas, 2014).<br />

It is important to remember that issues of inclusion<br />

are directly tied to issues of learner identity. Teaching<br />

languages also entails the teaching of personal, cultural,<br />

and linguistic identities. Although we are making<br />

tremendous progress in evolving our Canadian French<br />

immersion programs to be more inclusive, we still tend to<br />

define progress by what students cannot do in relation to<br />

their monolingual peers. We need to remember that this<br />

has a significant impact on student identities. Cultivating<br />

a better understanding of multilingual learners and the<br />

interdependence of multilingual skills and knowledge will<br />

help us develop students’ “… identities of competence<br />

(Manyak, 2004) […] [who] come to see themselves as<br />

capable of:<br />

… becoming bilingual and biliterate;<br />

… higher order thinking and intellectual accomplishments;<br />

… creative and imaginative thinking;<br />

… creating literature and art;<br />

… generating new knowledge;<br />

… thinking about and finding solutions to social issues.”<br />

(Cummins, 2014)<br />

In addition to re-examining some of the beliefs and<br />

practices in the classroom, we have also turned the<br />

magnifying glass on how we might lead and support<br />

through better systems and procedures.<br />

Researchers Renée Bourgoin and Katy Arnett point to the<br />

fact that teachers’ pedagogy tends to be more inclusive<br />

when they hold beliefs and values that their actions have<br />

an impact. Likewise, therefore, they suggest that we can<br />

draw a parallel in leadership.<br />

Those in leadership positions at both the school and<br />

district levels can significantly shape and nurture the<br />

creation of inclusive cultures, policies, and practices<br />

(Arnett & Bourgoin, 2018).<br />

Responding in new ways<br />

As leaders in education, we have the great privilege of<br />

using our knowledge, skills, relationships, and influence<br />

to create generative spaces to positively impact student<br />

learning. Mindset can be a large factor in the success we<br />

find in these spaces. It is critical to ensure we are holding<br />

spaces that embrace the values of public education as we<br />

work through discussions of inclusion in French immersion<br />

settings. If we can start from this place, one where at the<br />

core, we believe all of our learners are competent and<br />

can be successful in second language environments,<br />

these generative spaces can be used to discover what is<br />

possible to support the success of all our French immersion<br />

learners. While we are often confronted by the limitations<br />

we see in-front of us, such as a shortage of trained French<br />

speaking learning support teachers, we are on a journey to<br />

ensure our students receive the supports necessary to be<br />

successful.<br />

Ongoing generative dialogues<br />

Supporting French immersion programs in a diverse urban<br />

centre presents unique challenges, many of which can be<br />

addressed through generative dialogue spaces that allow<br />

for both schools and different departments of the District to<br />

come together for a common purpose. Although we are still<br />

grappling with many of the challenges seen across Canada<br />

in French immersion programs, the systems of dialogue<br />

and collaboration we are establishing are putting us in a<br />

position to create possibilities in the face of challenge.<br />

Often, the challenges we are faced with as leaders are not<br />

easily or quickly solvable. To find solutions for the complex<br />

challenges we encounter, ongoing dialogue is critical to<br />

come to a place where we have the information to enact<br />

the appropriate supports, not only at a system level, but at<br />

the school level. This takes a genuine willingness to listen<br />

to the challenges being encountered in our classrooms, to<br />

deeply understand the matter at hand and determine the<br />

appropriate approaches to move us forward.<br />

Aside from hosting meetings throughout the year with<br />

our school leadership team, we are constantly engaging<br />

in dialogue with our French immersion school leaders<br />

to ascertain the answers to the evolving circumstances<br />

within our programs, as well as better understand what<br />

our students might be experiencing through Kaser and<br />

Halbert’s (2017) three big-picture questions:<br />

• What is going on for our learners?<br />

• How do we know?<br />

• Why does it matter?<br />

These guiding questions allow us to constantly reflect on<br />

what is working and what we might focus on for areas<br />

of growth. At the same time, we are working to ensure<br />

that current evidence-based practices are being brought<br />

forward to support our circumstances. Helen Timperley<br />

(2011) describes this work as leader knowledge building<br />

cycles, which are closely tied to ongoing and engaged<br />

professional learning at a school level. To face the<br />

challenges within, our leaders enact their roles in ways that<br />

focus on and achieve the outcomes valued for students,<br />

in this case success for all our French immersion learners<br />

(Timperley, 2011).<br />

40 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION<br />

<strong>Vol</strong>. <strong>43</strong>, n o 2, été 2021 | 41


Identité bilingue<br />

Identité bilingue<br />

It is through this leader knowledge building cycle that we<br />

are constantly reflecting on these inquiry questions:<br />

• What knowledge and skills do our teachers and students<br />

need to meet important goals?<br />

• What knowledge and skills do we as leaders need to<br />

meet the needs of our teachers and students?<br />

- We then engage in deepening leadership knowledge<br />

and refine leadership skills, followed by engaging<br />

teachers and students in new learning experiences.<br />

• What has been the impact of our changed actions on<br />

outcomes we value for our teachers and students?<br />

(Timperley, 2011)<br />

Through this model we are actively looking to develop<br />

learning opportunities for leaders and teachers that<br />

support the experiences of our learners in French<br />

immersion. This approach encourages continual<br />

improvement over time, rather than rushing to find the<br />

solution to our complex challenges. We know from the wise<br />

ways of the First Peoples principles of learning that learning<br />

takes patience and time. In our systems, we must take the<br />

time to truly understand what the nature of our challenges<br />

are, and how we might face them. Our focus of engaging<br />

the conversation takes time and requires patience and<br />

will lead us to a better place for all our French immersion<br />

students.<br />

Alignment<br />

Along with facing the reality of what school personnel are<br />

encountering within our French immersion programs in<br />

schools, it is important that we also work toward creating<br />

alignment. A critical role in leading this shift is ensuring<br />

we are working alongside, and not in opposition to, other<br />

departments. Creating common language, understanding<br />

and alignment through our system is crucial. While this<br />

takes considerable time ensuring that we are coming<br />

alongside Learning Support Services, School Psychologists<br />

and English Language Learning departments, this truly<br />

is the work in the moment to get us to the place of<br />

establishing solutions to our challenges. We are fortunate<br />

in our experience to be working alongside colleagues<br />

who want the same thing for our students and that is<br />

success within their second language program. Through<br />

these partnerships within the District, we are establishing<br />

processes for school teams in French immersion programs,<br />

as well as developing professional learning opportunities<br />

that focus on inclusion in a second language learning<br />

environment.<br />

CONCLUSION<br />

Researchers Renée Bourgoin and Katy Arnett point to the<br />

fact that teachers’ pedagogy tends to be more inclusive<br />

when they hold beliefs and values that their actions have<br />

an impact. Likewise, therefore, they suggest that we can<br />

draw a parallel in leadership. Those in leadership positions<br />

at both the school and district levels can significantly shape<br />

and nurture the evolution of inclusive cultures, policies, and<br />

practices (Arnett & Bourgoin, 2018).<br />

As stakeholders in French immersion across Canada, we<br />

are linked by our strong, common desire to create better<br />

places for our students. This requires that we take stock<br />

of what is happening for our learners and collaboratively<br />

engage in generative dialogues so we can determine the<br />

next steps we might take in evolving inclusive support in<br />

our programs.<br />

Katz reminds us that the evolution of inclusion in general,<br />

and this is equally applicable to immersion, will require<br />

significant changes to our beliefs, policies, and practices<br />

at all levels of the system, but that fortunately: “Across the<br />

country the process has begun…” (Katz, 2019).<br />

References<br />

ARNETT, K., & BOURGOIN, R. (2018). Access for success: making inclusion work for language learners. North York, ON: Pearson Canada.<br />

COOK, V. (2009). The goals of ELT: reproducing native-speakers or promoting multi-competence among L2 users? Textos do Seminário (pp. 9-22):<br />

http://www.viviancook.uk/Writings/Papers/EFLGoals.htm<br />

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Languages: https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=090000168045bb52 CUMMINS, J. (2014).<br />

Education matters, 2(1), 36<br />

GROSJEAN, F. (2002, February). Interview on bilingualism (Judit Navracsics, interviewer). Hungary: Veszprem University. Retrieved April 2021, from<br />

https://www.francoisgrosjean.ch/interview_2002_en.html<br />

KASER, L., & HALBERT, J. (2017). The spiral playbook: leading with an inquiring mindset in school systems and schools. C21 Canada.<br />

KATZ, J. (2019). Teaching to diversity: The Three Block Model of Universal Design for Learning (UDL). Retrieved from http://www.threeblockmodel.com/thethree-block-model-of-udl.html<br />

MADY, C., & MASSON, M. (2018). Principals’ beliefs about language learning and inclusion of English language learners. Canadian Journal of Applied<br />

Linguistics / Revue canadienne de linguistique appliquée, 21(1), 71-93. Retrieved 04-06-2021, from https://www.erudit.org/en/journals/cjal/2018-v21-n1-<br />

cjal03922/1050811ar.pdf<br />

MADY, C., & THOMAS, R. (2014). Teaching for transfer: insights from theory and practices in primary-level French-second-language classrooms /<br />

« Enseigner en vue d’un transfert : aperçus théorique et pratique en classes de français langue seconde au primaire ». McGill Journal of Education / Revue<br />

des sciences de l’éducation de McGill, 49(2), 277-519. Retrieved from Érudit: https://mje.mcgill.ca/article/download/9101/6964/28534<br />

MOORE, S. (2018). Five Moore minutes, episode 1- The evolution of inclusion! The past and future of education. Vancouver. Retrieved from<br />

https://www.youtube.com/watch?v=PQgXBhPh5Zo<br />

TIMPERLEY, H. (2011). Realizing the power of professional learning Maidenhead, UK: McGraw Hill.<br />

WISE, N. (2015, April 15). French Immersion should be for all. Retrieved from National Post: https://nationalpost.com/opinion/nancy-wise-frenchimmersion-should-be-for-all<br />

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42 | LE JOURNAL DE L'IMMERSION<br />

<strong>Vol</strong>. <strong>43</strong>, Immersion n o 2, été française 2021 •<br />

ANAAR KARA French | <strong>43</strong>Immersio


L ' O U T I L P A R<br />

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