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LES ANIMAUX D’ICI<br />

L’incroyable salamandre tachetée se rencontre entre Port-Valais et Saint-Maurice. wordpress<br />

DES ANIMAUX FABULEUX<br />

PRÈS DE CHEZ NOUS<br />

Avec leur allure de mini-dinosaure tacheté et de dragonnet bleu,<br />

ils nous plongent dans un univers fantasmagorique.<br />

Tritons et salamandres sont pourtant bien réels. A défaut d’être<br />

éternels en Valais.<br />

JOËLLE ANZÉVUI<br />

Le voisinage de nos mares, sources et cours d’eau<br />

est peuplé d’animaux étonnants, semblant tout<br />

droit sortir d’un bestiaire fantastique. A commencer<br />

par le triton, du nom d’un dieu marin de la<br />

mythologie grecque, mi-homme mi-poisson, perçu tel<br />

l’équivalent masculin des sirènes. Ou la salamandre,<br />

élément du feu, auquel on prêtait autrefois la faculté<br />

de résister aux flammes. Plus concrètement, tritons<br />

et salamandres relèvent de la tribu des urodèles. A<br />

l’instar de tous les membres de la famille des batraciens,<br />

ils sont strictement protégés par une ordonnance<br />

fédérale. Si le Valais, sec et pentu, n’est pas a<br />

priori un eldorado pour ces espèces, ces dernières ont<br />

néanmoins bénéficié de zones humides favorables au<br />

développement de leurs populations. Mais… car il y<br />

a toujours un «mais» dans toutes les belles histoires.<br />

La disparition ou dégradation progressive des biotopes<br />

aquatiques et terrestres depuis le siècle dernier remet<br />

aujourd’hui clairement en question la survie des urodèles.<br />

Les changements climatiques noircissent encore<br />

le tableau: assèchement de plans d’eau, crues ou sécheresse<br />

en période de reproduction, démarrage trop hâtif<br />

de la migration printanière. Les situations extrêmes<br />

perturbent aussi les végétaux, les insectes et mollusques<br />

dont les urodèles se nourrissent. Sans glisser dans la<br />

morosité, découvrons plutôt ce discret petit peuple de<br />

l’ombre et les mesures visant à revitaliser leur biotope,<br />

en compagnie du biologiste Flavio Zanini, directeur<br />

d’un bureau d’écologie appliquée à Sion.<br />

TERROIRS35


LES ANIMAUX D’ICI<br />

Des animaux fabuleux près de chez nous<br />

La salamandre noire est le seul batracien suisse pouvant se reproduire en dehors des plans d’eau. Choucas-star@bluewin.ch<br />

UNE RELATION<br />

SPÉCIALE À L’EAU<br />

Bien qu’ils adoptent la majorité du temps un<br />

comportement terrestre, tritons et salamandres sont<br />

dépendants des milieux aquatiques pour se reproduire.<br />

TEXTES JOËLLE ANZÉVUI<br />

La salamandre tachetée, reconnaissable<br />

à ses bandes ou taches jaunes, n’est pas<br />

nageuse mais elle rejoint cependant de<br />

petits cours d’eau bien oxygénés ou des<br />

vasques de torrents latéraux à faible débit<br />

au printemps, pour mettre bas plusieurs<br />

dizaines de larves, appelées à leur tour à<br />

rejoindre la terre ferme quelques mois<br />

plus tard. La tritonne manifeste plus d’attrait<br />

pour l’eau stagnante des plans d’eau,<br />

mares et marais. Les ballets amoureux et<br />

aquatiques des couples tritons ne passent<br />

d’ailleurs pas inaperçus. En période de<br />

reproduction, la tritonne emballe ses œufs<br />

(plusieurs centaines) dans les feuilles de<br />

plantes aquatiques. Ses larves se développent<br />

dans l’eau et deviennent adultes<br />

en quelques semaines, le temps de passer<br />

des branchies aux poumons, et donc de<br />

l’eau à la terre ferme.<br />

RÉHABILITATION DE LEURS HABITATS<br />

Cet indispensable passage par l’eau est<br />

aujourd’hui complexifié par la dégradation<br />

de leurs biotopes de reproduction.<br />

Les milieux aquatiques disparaissent suite<br />

au drainage de zones humides, à la remise<br />

en état de carrières et autres milieux pionniers.<br />

Pour ne rien arranger, la suppression<br />

des haies, buissons, tas de bois où les<br />

urodèles trouvent refuge et nourriture<br />

contribue à la détérioration de leur qualité<br />

de vie. Pollution des eaux par les insecticides,<br />

disparition de forêts mixtes, densité<br />

du trafic sur leurs trajectoires de<br />

Il est interdit de déplacer des batraciens. Nous<br />

intervenons chez des particuliers pour déplacer<br />

le cas échéant ces espèces vers un habitat conforme<br />

à leurs besoins.» FLAVIO ZANINI, BIOLOGISTE ET DIRECTEUR DE DROSERA ÉCOLOGIE APPLIQUÉE SA<br />

migration saisonnière, compétition et prédation<br />

de la grenouille rieuse (espèce invasive)<br />

participent encore à leur déclin. Pour<br />

Flavio Zanini, il y a néanmoins une prise<br />

de conscience. «Nous avons des bases légales<br />

et des moyens à disposition pour promouvoir<br />

des projets de réhabilitation d’habitats pour<br />

batraciens. Le canton et la Confédération<br />

disposent de quelques moyens financiers pour<br />

réaliser et initier des projets et des actions<br />

de sensibilisation diverses sont en cours. Mais<br />

la tâche n’est pas simple et le chemin est<br />

encore long. D’ailleurs, pour créer un plan<br />

d’eau accueillant, il ne suffit pas de faire un<br />

trou! Selon les caractéristiques de chaque<br />

espèce, le lieu choisi, l’habitat terrestre et<br />

l’accessibilité, les rives seront aménagées différemment.<br />

La profondeur, la période de mise<br />

en eau et la couverture végétale environnante<br />

sont aussi fondamentales. Des structures<br />

permettant la création de caches (pierriers,<br />

souche, bois mort) sont à disposer de manière<br />

correcte.» Sans parler d’optimisme, Flavio<br />

Zanini veut y croire d’autant que la réhabilitation<br />

de zones humides propices aux<br />

tritons et salamandres profite également<br />

à d’autres espèces animales et végétales.<br />

MARES AUX TRITONS<br />

Chacun peut contribuer au maintien de<br />

ce petit peuple des zones humides. La<br />

multiplication des mares et étangs de jardins<br />

privés a un impact bénéfique sur les<br />

populations de tritons, notamment<br />

alpestres. «Un jardin aménagé de façon sauvage,<br />

proche de la nature, représente aussi<br />

un habitat favorable aux urodèles.»<br />

36 TERROIRS


Parure nuptiale<br />

La couleur générale du triton alpestre est plutôt<br />

gris-bleuâtre chez le mâle. Mais en période des amours,<br />

ses couleurs explosent. tritonpxhere.com<br />

La peau de la salamandre tachetée est luisante, d’aspect huileux. wordpress<br />

ZOOM<br />

LA REVUE NATURE DE JULIEN PERROT<br />

La Salamandre, c’est 3 magazines bimestriels<br />

(adultes/ados/enfants), une dizaine de livres par an,<br />

3 documentaires, 1 festival annuel et une intense<br />

production digitale. Rencontre avec son créateur,<br />

le biologiste Julien Perrot.<br />

Pourquoi ce choix de titre: La Salamandre?<br />

J’avais 11 ans. Le faisceau de ma lampe a surpris<br />

dans un bois, un soir de pluie, un bout en plastique<br />

jaune et noir… qui bougeait. Une première!<br />

J’ai aussi pu observer par la suite une salamandre<br />

posant ses larves dans l’eau. Le miracle de la vie<br />

en direct. C’est ainsi que j’ai trouvé sans le savoir<br />

à ce moment-là le nom symbolique de la revue<br />

que j’allais publier dès 1983.<br />

Passionné par les batraciens<br />

Directeur du bureau d’écologie appliquée<br />

Drosera SA centralisé à Sion, Flavio Zanini,<br />

biologiste et titulaire d’un doctorat EPFL,<br />

représente aussi le KARCH (Centre de<br />

coordination pour la protection des amphibiens<br />

et des reptiles de Suisse) pour les batraciens<br />

du Valais romand. Sacha Bittel<br />

Quel est l’objectif de La Salamandre? Apprendre<br />

à connaître, aimer et respecter la nature. Présenter<br />

un univers fascinant observable près de chez soi<br />

et au fil des saisons. Sensibiliser les gens à<br />

l’écologie par le biais d’une revue – qui en est à<br />

son 250 e numéro – dont la dimension artistique<br />

contribue à témoigner de la beauté de notre<br />

environnement.<br />

Pourquoi cette fascination pour elle? La<br />

salamandre fait partie du club des impopulaires.<br />

Elle a longtemps été associée à un être diabolique<br />

et toxique. Elle a donné un sens à ma vie et inspiré<br />

le travail de toute une équipe pour une cause<br />

essentielle.<br />

Quiz<br />

SALAMANDRE TACHETÉE<br />

VRAI OU FAUX?<br />

Elle donne directement naissance à ses<br />

petits.<br />

Vrai Elle est ovovivipare (ou larvipare). Ses<br />

larves sortent de leur œuf translucide au<br />

moment de la libération dans l’eau. La femelle<br />

peut conserver la semence du mâle pour<br />

d’autres fécondations, sans passer par un<br />

nouvel accouplement.<br />

Sa peau secrète une substance laiteuse<br />

toxique. Vrai Les glandes situées en arrière de<br />

la tête et sur son dos produisent une sécrétion<br />

toxique. Une substance corrosive qui empêche<br />

son dessèchement et la protège des prédateurs.<br />

Soumise à un stress important, une salamandre<br />

peut aussi gicler un jet de liquide empoisonné.<br />

Elle mange sa mue. Vrai Salamandres et<br />

tritons muent à intervalles réguliers. Ils<br />

ingurgitent souvent leur ancienne peau très fine.<br />

Elle est muette. Faux Elle est capable de<br />

produire des émissions sonores, tels des<br />

grognements légers et des piaulements.<br />

Elle est cannibale. Vrai Le cannibalisme peut<br />

se déclencher lors de grandes différences entre<br />

les classes d’âge des larves dans un même<br />

point d’eau.<br />

Elle peut régénérer un membre. Vrai Elle peut<br />

régénérer l’une de ses pattes en quelques mois.<br />

Comme les tritons.<br />

Elle vit longtemps. Vrai 20 ans de longévité<br />

dans la nature et même 50 ans en captivité.<br />

TERROIRS37


LES ANIMAUX D’ICI<br />

Des animaux fabuleux près de chez nous<br />

Bien adaptée au climat montagnard alpin, la salamandre noire est cependant difficile à observer. Drosera<br />

Les tritons<br />

alpestres<br />

Lents sur terre,<br />

ils sont très vifs<br />

dans l’eau. Drosera<br />

En l’absence de prédateurs, la salamandre tachetée vit longtemps. Drosera<br />

LE PETIT PEUPLE DES<br />

URODÈLES EN VALAIS<br />

Discrets, difficiles à observer, menacés, tritons et salamandres gardent<br />

une part de mystère.<br />

JOËLLE ANZÉVUI<br />

6%<br />

seulement des<br />

jeunes tritons<br />

survivent à leur<br />

développement<br />

aquatique.<br />

(source revue La<br />

Salamandre)<br />

SALAMANDRE TACHETEE<br />

LA CHABLAISIENNE<br />

Chaque salamandre tachetée arbore une<br />

parure cutanée unique. Nocturne et terrestre,<br />

mesurant maximum 20 cm, elle<br />

est présente dans le Chablais valaisan et<br />

vaudois mais absente dans le reste du<br />

Valais. Plus d’une vingtaine de lieux de<br />

reproduction sont répertoriés entre Port-<br />

Valais et Saint-Maurice où elle trouve un<br />

climat humide adapté à ses besoins. On<br />

la rencontre le plus facilement les jours<br />

de pluie. Le reste du temps, elle se calfeutre<br />

dans la litière des forêts, les tas de<br />

feuilles, galeries d’animaux, cavités sous<br />

les souches et roches. Carnivore, elle se<br />

nourrit de petits invertébrés, de larves, de<br />

cloportes, coléoptères, moustiques, têtards<br />

38 TERROIRS<br />

et autres petits organismes. Elle secrète<br />

des toxines pouvant occasionner chez l’humain<br />

de légères irritations. L’humidité de<br />

sa peau est maintenue par un mucus colonisé<br />

d’une riche flore bactérienne. Evitez<br />

donc de la toucher (c’est par ailleurs interdit)<br />

et faites attention à vos yeux quand<br />

vous l’observez.<br />

SALAMANDRE NOIRE<br />

LA MONTAGNARDE<br />

De couleur unie, plus fine et plus rapide<br />

que la salamandre tachetée, elle mesure<br />

environ 12 cm et se reproduit en mettant<br />

au monde deux jeunes déjà métamorphosés<br />

de 5 cm. Sa gestation peut durer jusqu’à<br />

5 ans. On la rencontre par temps humide<br />

(mais pas trop froid) sur les hauts de Collonges,<br />

au Sanetsch, à Derborence, Bettmeralp,<br />

essentiellement sur la frontière<br />

cantonale entre Berne et le Valais. Comme<br />

la tachetée, elle est toxique et son régime<br />

alimentaire se compose de petits insectes,<br />

mollusques, perce-oreilles, larves, etc.<br />

TRITON ALPESTRE<br />

HAUT EN COULEURS<br />

La couleur générale est plutôt gris-bleuâtre<br />

chez le mâle mais en livrée nuptiale, il est<br />

d’une rare beauté avec sa fine crête dorsale<br />

ponctuée de noir et de blanc, ses flancs<br />

marbrés de bleu et son ventre d’un orange<br />

profond. Bien réparti en Valais, de la plaine<br />

jusqu’à 2000 mètres, il arbore une petite<br />

crête sur le dos et une queue plate. La<br />

femelle, un peu plus grande (jusqu’à 11 cm),


LES ANIMAUX D’ICI<br />

Des animaux fabuleux près de chez nous<br />

Le triton palmé<br />

Il est le plus petit des tritons<br />

autochtones. Romain Datcharry<br />

est plus terne et plus grisâtre avec le dos<br />

tacheté. Les tritons vivent à proximité des<br />

mares, étangs et autres lieux humides où<br />

ils se reproduisent et se nourrissent de<br />

vers de vase, vers de terre, de petits escargots,<br />

d’insectes aquatiques, de cloportes…<br />

Ils subissent une forte prédation, à l’état<br />

larvaire par les dytiques et larves de libellules.<br />

A l’âge adulte par les oiseaux, hérons<br />

cendrés, couleuvres. L’introduction de<br />

poissons dans les sites de reproduction<br />

est aussi catastrophique pour l’espèce.<br />

Classé sur liste rouge, le triton alpestre<br />

fait partie des amphibiens profitant le plus<br />

des petits étangs de jardin nouvellement<br />

implantés. Le lac des Briesses à Crans-<br />

Montana est un site d’importance nationale<br />

où l’observer.<br />

À<br />

SAVOIR<br />

PARADE NUPTIALE EXCEPTIONNELLE<br />

La parade des tritons est une danse aquatique complexe.<br />

Le mâle barre le chemin de la femelle, la renifle, la stoppe<br />

et se met à danser. Sa queue se retourne et ondule.<br />

Son cloaque émet des phéromones, entraînés par le<br />

courant jusqu’au nez de la femelle. Dès que la tritonne se<br />

montre intéressée, le mâle émet un petit sac de sperme<br />

dans l’eau, que la femelle absorbe avec son cloaque.<br />

L’étang de Fontaine la Combe à Collombey-Muraz accueille des salamandres tachetées, des tritons alpestres et palmés. DR<br />

TRITON PALMÉ<br />

LE PLUS PETIT<br />

Quelques rares stations en Bas-Valais<br />

attestent de sa présence, le triton palmé<br />

se complaît dans les plans<br />

d’eau forestiers. Ce petit urodèle<br />

(de 7 à 8 cm), est historiquement<br />

plus rare et<br />

moins répandu en Valais. Sa<br />

population est donc plus<br />

sensible à des modifications<br />

de son habitat, pouvant<br />

même conduire à sa disparition.<br />

Le mâle est brun, avec<br />

des flancs tachetés de noir,<br />

et deux rangées de points<br />

entourant une bande orange<br />

courent le long de sa queue.<br />

Son ventre est orange clair, parfois parsemé<br />

de légères taches. Il se reconnaît bien<br />

à la bande foncée traversant ses yeux et<br />

ses pattes. Il se nourrit de mollusques aquatiques,<br />

petits insectes, micro-organismes,<br />

algues et têtards de grenouilles.<br />

TRITON CRÊTÉ<br />

A la saison des amours, le dos et la queue<br />

du mâle s’ornent en effet d’une crête<br />

impressionnante, fortement dentelée, lui<br />

conférant une dégaine de petit dragon. Sa<br />

présence n’est plus attestée en Valais depuis<br />

1983. Les dernières observations de cet<br />

urodèle pouvant atteindre 16 cm (18 cm<br />

pour la femelle) à l’étang le Rosel à Dorénaz<br />

date de plus de 35 ans.<br />

La population suisse des tritons crêtés a diminué de moitié ces 25 dernières années. Drosera<br />

40 TERROIRS

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