Le Don de la TORA extrait

ב״ה
מַ‏ תַּ‏ ן תּ‏ וֹ‏ רָ‏ ה
Le Don de la TORA
Rav Yéhouda Halévi ASHLAG
Traducteur et commentateur
du ZOHAR
Auteur
du Talmud des dix SÉFIROT
Traduit de l’hébreu

מַ‏ תַּ‏ ן תּ‏ וֹ‏ רָ‏ ה
Le Don de la TORA
Rav Yéhouda Leïb Halévi
ASHLAG
Traducteur et commentateur
du ZOHAR
Auteur
du Talmud des dix SÉFIROT
Traduit de l’hébreu

II

Traduction et commentaires : yavinou@gmail.com
© Tous droits de traduction, de reproduction ou d’adaptation
Réservés pour tous pays
III

Table des matières
Préface du traducteur
IV
Le temps d’agir 27
Dévoilement d’un palme 31
Le Don de la TORA 40
La responsabilité solidaire 59
L’essence du Judaïsme, et sa finalité 77
L’essence de la Sagesse de la KABBALA 93
La matière et la forme dans la Sagesse de la KABBALA 111
L'histoire de la Sagesse de la KABBALA 114
Le CHALOM 118
Propos sur la liberté 151
Article écrit lors de l’achèvement du ZOHAR 202
La Pensée Qui œuvre 227
Et ceci, pour YÉHOUDA 230
Lexique 237
Michel Harmelin
IV

Préface du traducteur
La TORA 1 est le texte fondateur du Peuple juif :
Calligraphiée avec un soin très minutieux sur un
rouleau de parchemin, la TORA est le Texte fondamental qui
permet aux BNÉ YISRAËL 2 d’accéder à la vraie Vie : celle de
la proximité avec le Créateur de l’univers.
Malgré son caractère éminemment sacré, nombreux
furent ceux qui, au cours des siècles, en Occident ou en
Orient, n’hésitèrent pas à profaner et à brûler la TORA.
Mais celle-ci est toujours présente. Et avec elle, le
Peuple juif.
S’il est un texte qui, par ses multiples aspects,
métaphysiques, historiques, éthiques, économiques,
juridiques et sociaux, échappe à l’entendement humain,
c’est bien la TORA.
L’hébreu ancien est empreint d’une telle profondeur
et d’une telle richesse que toute tentative de traduction de
la TORA est condamnée à ne transmettre qu’un pâle et
vague reflet, ce qui risque de conduire parfois à des
incompréhensions et à des non-sens.
1
: HORAA הוֹרָ‏ אָ‏ ה a la même racine que תּוֹרָ‏ ה (Pentateuque). : TORA : Loi écrite תּוֹרָ‏ ה
(Enseignement). Le but de la TORA est de montrer la voie à suivre sur le plan spirituel et
personnel. Sa portée est universelle.
2
YA’AKOV. : BNÉ YISRAËL, les descendants d’AVRAHAM, de YITS’HAK et de בְּ‏ נֵי יִ‏ שְׂ‏ רָ‏ אֵ‏ ל
V

Car le sens profond de la TORA ne peut se révéler que
sous trois conditions :
1) La connaissance de l’hébreu :
Chaque verset, chaque mot, chaque lettre ainsi que
chaque signe dans la TORA est riche de multiples
significations qui s’interpénètrent et se complètent.
Tel est le sens de la maxime talmudique : « Il y a
soixante-dix facettes [interprétations] à la TORA 3 ».
Ainsi est la spécificité de l’hébreu ancien, et nulle autre
langue au monde n’a la capacité de transmettre une telle
profusion de sens. Certes, l’hébreu a la réputation d’être une
langue difficile.
Pourtant, dès leur plus jeune âge, les enfants en ÉRÈTS
YISRAËL 4 ou dans les milieux religieux à travers le monde se
familiarisent avec une langue qui leur semble aussi naturelle
que l’air qu’ils respirent.
2) L’accomplissement des MITSVOT 5 :
On est juif par la naissance ou par conversion, mais l’on
ne devient un serviteur fidèle et digne de ce nom que si l’on
accomplit les MITSVOT de façon désintéressée. Car comment
accomplir les MITSVOT alors que leur sens profond échappe
le plus souvent à la raison ? À cette question, le Peuple
hébreu a répondu, au pied du mont SINAÏ : « Tout ce que
3
Dans le même ordre d’idées, voir Jérémie 23, 29.
4
YISRAËL. : ÉRÈTS YISRAËL, la Terre promise à אֶ‏ רֶ‏ ץ יִשְׂ‏ רָ‏ אֵ‏ ל
5
TORA. : MITSVOT, l’ensemble des préceptes de la מִ‏ צְ‏ וֹת
VI

HACHEM 6 a dit, nous le ferons et [ensuite] nous [le]
comprendrons 7 ».
Car accomplir les MITSVOT permet de comprendre. Et
étudier, de mieux les accomplir. En d’autres termes, l’étude
et l’accomplissement de la TORA forment un tout.
3) L’étude de la TORA :
« Tourne-la et retourne-la, car tout y est 8 ». Par cette
phrase sibylline, BEN BAG BAG 9 nous invite à chercher dans la
TORA l’essentiel, à savoir non seulement le mystère de la
Création et celui de la Présence divine, mais aussi pourquoi
nous vivons et comment nous pouvons parvenir, si nous le
voulons, à construire un monde meilleur. Mais pour percevoir
la richesse des trésors de la TORA, il faut la tourner et la
retourner sans cesse, par une étude quotidienne et
approfondie. Cet effort, qui s’étend sur toute la vie, nécessite
une méthode ; aussi la Tradition a-t-elle défini quatre niveaux
d’interprétation de la TORA : quatre, exactement comme le
nombre des lettres du NOM ineffable. Les initiales de ces
quatre niveaux forment en hébreu le mot PARDÈS 10 (Paradis).
Les trois premiers niveaux relèvent de ce qui est apparent : ils
forment la partie visible de la TORA, que l’on appelle son
6
: HACHEM, LE NOM. Expression utilisée pour désigner le Tétragramme : LE NOM הַ‏ ֵ שּׁ‏ ם
sacré de quatre lettres qu’il est interdit de lire et de prononcer. De HACHEM Lui-même,
de son Essence, nous ne savons rien. Seules nous sont en partie accessibles Ses
manifestations dans le monde.
7
7. : CHÉMOT, L’Exode 24, שְׁ‏ מוֹת כב,‏ ז
8
.22 : PIRKÉ AVOT, Principes des Pères ,5 פִּ‏ רְ‏ קֵ‏ י אָ‏ בוֹת ה,‏ כב
9
actuelle, : TANNA, Sage au temps de la MICHNA (YISRAËL, 1 er siècle avant l’ère תַּ‏ נָּא
jusqu’à la fin du II e siècle après).
10
‏.פְּ‏ שָׁ‏ ט,‏ רֶ‏ מֶ‏ ז,‏ דְּ‏ רָ‏ שׁ,‏ סוֹד : PARDÈS, mot formé à partir des premières lettres de פַּרְ‏ דֵּ‏ ס
VII

« corps ». Quant au niveau le plus élevé Sod (Secret), il est
l’âme de la TORA et c’est lui que la KABBALA 11 entend révéler.
La KABBALA : la transmission des secrets de la TORA :
Les secrets de la TORA sont nombreux : Qui a créé
l’univers et quelle est Sa Volonté ? Le contenu du message,
transmis il y a plus de 3 300 ans, est-il encore actuel ?
Comment interpréter la narration de la Création, ainsi que les
autres récits tels que la sortie d’Égypte ou la Révélation au
mont SINAÏ ? Quel est le sens profond qui se cache dans tel
mot ou tel passage ? Pourquoi le mal existe-t-il ? Quel est le
sens des MITSVOT en général, et celui de chacune d’elles en
particulier ? Comment réparer ce qui a été détruit ? Sans
oublier les questions que chacun d’entre nous devrait se
poser : qui suis-je, et quel sens puis-je donner à ma vie ?
À toutes ces questions ─ et à bien d’autres encore,
concernant l’ensemble des 24 livres du TANAKH 12 ─ la
KABBALA propose un ensemble de réponses. Car pour le
Judaïsme, toutes ces questions ont des réponses, ainsi qu’il est
écrit : « Car cette 13 MITSVA 14 que Je te prescris aujourd’hui
n’est pas hors de ta portée ni éloignée de toi. Elle n’est pas
dans le Ciel, pour que tu dises : qui montera au Ciel pour nous
et nous l’apportera, afin que nous la comprenions et que
nous l’accomplissions ? Ni au-delà de la mer, pour que tu
dises : qui traversera la mer pour nous et nous l’apportera, afin
que nous la comprenions et que nous l’accomplissions ? Mais
11
: KABBALA, « Ce qui est reçu », de RAV à disciple, à chaque génération. Par קַ‏ בָּלָה
extension, l’ensemble des enseignements cachés de la TORA.
12
(TORA) תּוֹרָ‏ ה (TANAKH) : Ce mot est formé à partir des premières lettres de תנ"ך
Hagiographes). (KETOUVIM, תוּבִ‏ ים
13
.10 : DÉVARIM, Deutéronome ,30 דְּ‏ בָרִ‏ ים ל,‏ י
14
TORA. : MITSVA, « Ce qui est ordonné ». Il y a 613 MITSVOT dans la מִ‏ צְ‏ וָה
כְּ‏
Prophètes) (NEVIIM, נְ‏ בִ‏ יאִ‏ ים
VIII

cette parole est très proche de toi, dans ta bouche et dans
ton cœur, pour que tu l’accomplisses 15 ».
La recherche des secrets de la TORA est une tradition
très ancienne, dont seules les principales étapes sont ici
brièvement évoquées. Cette tradition remonte à AVRAHAM,
dont la TORA elle-même nous dit qu’il s’interrogeait sur le
mystère de la Justice divine : « Le Juge de toute la Terre ne
ferait-il pas la Justice ? 16 ».
De génération en génération s’est formée une longue
chaîne, qui a permis la transmission orale des secrets, suivie
par des témoignages écrits. Parmi ces derniers, le plus ancien
qui nous soit parvenu est le livre d’Enoch 17 . Ensuite
apparaîtront d’autres écrits, tel le « SÉFÈR HAYETSIRA 18 ».
La KABBALA et le TALMUD :
Lorsque MÔSHÉ (Moïse) a reçu la TORA écrite au Mont
SINAÏ, HACHEM lui a précisé tous les détails nécessaires pour
qu’elle puisse être accomplie et comprise. Au fil d’un long
processus, la TORA sera ensuite transmise de façon orale de
RAV à disciples. Mais l’aggravation des conflits et des guerres
met cette Tradition en péril, et il s’avère alors nécessaire de la
fixer par écrit. Ainsi apparaît la MICHNA, achevée au II e siècle,
complétée par la GUÉMARA (terminée au V e siècle).
L’ensemble ainsi formé, que l’on appelle le TALMUD,
comporte en maints endroits des allusions et des références
explicites à la KABBALA.
15
14. : DÉVARIM, Deutéronome 30, 11 à דְּ‏ בָרִ‏ ים ל,‏ יא־יד
16
.25 : BÉRÉCHIT, Genèse ,18 בְּ‏ רֵ‏ אשִׁ‏ ית יח,‏ כה
17
II e siècle avant notre ère.
18
: Livre de la Création : ouvrage mystique très ancien, attribué selon סֵ‏ פֶר יְצִ‏ ירָ‏ ה
différentes traditions, à ADAM, AVRAHAM, ou RABBI ‘AKIVA.
IX

Ainsi, en ce qui concerne la Création du Monde
(MA’ASSÉ VÉRÉCHIT 19 ), la MICHNA 20 précise que ce secret ne
doit être enseigné qu’à un seul disciple à la fois. Et cette
MICHNA ajoute que le secret du Char Céleste (MA’ASSÉ
MÈRKAVA 21 ), qui concerne les mystères relatifs à la
Providence divine, ne doit être enseigné qu’à un seul disciple
à la fois si celui-ci est un Sage et s’il comprend par lui-même…
Autre exemple : la GUÉMARA mentionne 22 le fait
suivant : Nos Maîtres ont enseigné : quatre [Sages] sont entrés
au PARDÈS 23 ; et voici [leurs noms] : BEN ‘AZAÏ, BEN ZOMA,
l’autre 24 et RABBI ‘AKIVA… BEN ‘AZAÏ a porté un regard et il
est mort… BEN ZOMA a porté un regard et il a été atteint 25 …
l’autre a coupé des plantes 26 … RABBI ‘AKIVA est sorti
indemne.
Autrement dit : n’entre pas qui veut au PARDÈS…
Le Livre du ZOHAR :
L’ouvrage qui a le plus fortement contribué au
développement de la KABBALA est incontestablement le
SÉFÈR HAZOHAR 27 . Publié pour la première fois au XIII e siècle
en Espagne par le Rabbin Moïse de Léon 28 , ce livre est
19
Création. : l’Œuvre de la מַ‏ עֲשֵׂ‏ ה בְ‏ רֵ‏ אשִׁ‏ ית
20
1. ‘HAGUIGUA 2, : חֲגִיגָה ב,‏ א
21
monde. :l’Œuvre du Char céleste : l’Intervention divine dans le מַ‏ עֲשֵׂ‏ ה מֶ‏ רְ‏ כָּבָה
22
.14b ‘HAGUIGUA : חֲגִיגָה יד ע״ב
23
Voir note 9 ci-dessus.
24
ÉLICHA BEN ‘AVOUYA, surnommé « l’autre ».
25
De folie.
26
Il a coupé ses racines et a renié le Judaïsme.
27
3). : SÉFÈR HAZOHAR, le livre de l’Éclat (voir Daniel 12, סֵ‏ פֶר הַ‏ זֹּהַ‏ ר
28
Mort en 1305 à Grenade.
X

attribué à RABBI CHIM’ÔN BAR YO’HAÏ 29 [RACHBI] et à ses
disciples.
RACHBI et son fils, après avoir réussi à échapper aux
répressions de l’armée romaine, se sont cachés pendant
treize ans dans une grotte. C’est là que, selon la Tradition, le
prophète Élie venait chaque jour leur transmettre les secrets
de la TORA.
Le ZOHAR se présente sous forme d’un MIDRACH
AGGADA, c’est-à-dire un ensemble de commentaires
allégoriques. Rédigé dans un style particulier, mélange
d’araméen et d’hébreu, il se propose de révéler, à qui sait
l’entendre, le sens caché de la TORA. S’il est un Mystère qui
transcende tous les autres, c’est celui que le ZOHAR appelle
EÏN SOF c’est-à-dire « Celui Qui est sans fin : L’INFINI ». Et il
convient d’ajouter BLI RECHIT, à savoir : sans
commencement. Autrement dit : hors du temps, puisque le
temps, c’est Lui, HACHEM, Qui l’a créé.
Comment s’élever pour que moins grande soit la
distance infinie qui sépare l’être humain, fait de poussière, et
l’Être Suprême 30 ? Pour réaliser ce qui semble hors de portée
humaine, le ZOHAR ouvre des portes qui peuvent ouvrir accès
à des espaces insoupçonnés. Qu’il s’agisse des SÉFIROTES, des
Mondes supérieurs et des Mondes inférieurs et de leurs étroites
relations, de la transmigration des âmes, ou de la restauration
de l’Unité entre HACHEM et Sa CHÉKHINA (Sa Manifestation
dans le monde), l’homme a un rôle décisif pour rétablir la
prééminence du bien sur le mal, de la vie sur la mort.
Pour contribuer au TIKKOUN du monde [à sa
réparation], si l’étude de la TORA, l’accomplissement des
29
siècle). : TANNA (YISRAËL, II e רַ‏ בִּ‏ י שִׁ‏ מְ‏ עוֹן בַּר יוֹחַ‏ אי ‏(רשב"י)‏
30
.18 : BÉRÉCHIT, Genèse ,14 בְּ‏ רֵ‏ אשִׁ‏ ית יד,‏ יח
XI

MITSVOT et la prière sincère sont nécessaires, le ZOHAR vient
rappeler que l’amour d’autrui occupe ─ partout et à chaque
instant ─ une place essentielle et indispensable.
Cette présentation succincte ne constitue qu’un très
bref aperçu de ce que permet d’entrevoir la richesse du
ZOHAR. Dans un monde matériel où dominent l’égoïsme, la
détresse humaine et le vide de l’existence, le livre de RACHBI
en particulier et la KABBALA en général dévoilent un monde
spirituel où la vie a un sens, et chacun a sa place.
Les convulsions de l’Histoire ont souvent été
douloureuses pour les Communautés juives, quel que soit le
lieu où elles se sont établies. Les décrets destinés à humilier et
à interdire, suivis de nombreux massacres d’innocents ont
assombri les esprits et les espoirs. Dans ce contexte, le ZOHAR
a été accueilli comme un rayon de soleil au milieu de l’hiver.
Peu à peu, cette source de réconfort s’est répandue, au
point de devenir rapidement le livre le plus étudié, après la
TORA et le TALMUD.
Le Lion de TSFAT :
Parmi les kabbalistes qui ont participé à la longue
chaîne de la Tradition, RABBI YITS’HAK LOURIA 31 fut celui qui
exerça la plus forte influence. Surnommé HAARI (le lion), en
hommage au niveau élevé de ses capacités spirituelles, il
dispensa son enseignement de bouche à oreille. Toutefois, ses
disciples prirent soin de noter ce qu’ils avaient entendu. C’est
à partir de ces différents écrits que son disciple le plus proche,
‘HAYIM VITAL 32 , rédigea un livre en six volumes intitulé L’Arbre
de Vie 33 .
31
YISRAËL, 1534 – 1572.
32
YISRAËL, 1543 – 1620.
33
.18 : MICHLÉ, Proverbes ,3 מִ‏ שְׁ‏ לֵי ג,‏ יח עֵץ־חַ‏ יִּים
XII

Alors que le ZOHAR revêt la forme d’un ensemble varié
et foisonnant d’allégories, la pensée de RABBI YITS’HAK
LOURIA, telle qu’elle nous est présentée par ‘HAYIM VITAL, est
structurée en idées forces, destinées à favoriser la
compréhension du lecteur.
La première de ces idées forces est le
TSIMTSOUM [Contraction] : avant la Création du Monde, seul
régnait le EÏN SOF. Bien qu’Il n’ait ni corps, ni la forme d’un
corps, HACHEM s’est ─ pour ainsi dire ─ contracté, afin que
Ses attributs puissent se manifester à ses créatures. De cette
Contraction a émané la Lumière de EÏN SOF qui ensuite s’est
concentrée. Sont alors apparues les dix SÉFIROTES,
émanations de la Bonté divine : Couronne, Sagesse,
Intelligence, Bonté, Rigueur, Beauté, Éternité, Majesté et
Royauté.
Ces SÉFIROTES agissent en interaction, et leur
combinaison infinie produit la diversité et la complexité des
Mondes.
Un fin rayon de la Lumière de EÏN SOF est entré dans les
SÉFIROTES, mais à son contact, certaines d’entre elles se sont
brisées : c’est ce que RABBI YITS’HAK LOURIA appelle la Brisure
des Vases 34 , ce qui peut être assimilé à une catastrophe
cosmique de dimension infinie.
À la suite de cette Brisure, des Étincelles se sont
dispersées et mélangées aux manifestations du Mal 35 . La
Délivrance du monde adviendra lorsque se produira la
séparation entre ces Étincelles et les forces du Mal. Chaque
34
mal. : CHÉVIRAT HAKÉLIM, Brisure des Vases, source du שְׁ‏ בִ‏ ירַ‏ ת הַ‏ כֵּלִים
35
: KLIPPOT, pluriel de KLIPPA : l’enveloppe d’un fruit (sa peau), d’un œuf (sa קְ‏ לִפּוֹת
coquille), d’un arbre (ses écorces)… Les KLIPPOT représentent les forces du Mal, qui sont
extérieures à l’exigence de sainteté de la TORA.
XIII

MITSVA, accomplie de façon authentique, contribue à
l’élévation d’une Étincelle et donc à la Délivrance.
Ces idées forces ─ auxquelles viennent s’ajouter des
notions importantes, telles que la fécondation des âmes, la
réparation du monde afin qu’il revienne à son état
d’harmonie initiale, ou encore les méditations spécifiques
appelées KAVVANOT 36 avant et pendant la prière ─ forment
un ensemble qui sera rapidement reconnu comme cohérent
et prodigieux, accepté par un grand nombre de
communautés dans le monde.
La KABBALA et la ‘HASSIDOUT 37 :
Au XVIII e siècle, les idées transmises par RABBI YITS’HAK
LOURIA vont connaître de nouveaux développements.
Alors que les forêts de Podolie 38 , aux confins de la
Pologne, sont engourdies par des hivers longs et glaciaux,
dans leur Chtettl 39 , les juifs ─ paysans, bûcherons,
cordonniers... ─ survivent péniblement dans la misère, sous la
menace constante de pogromes attisés par la haine
religieuse. Dans cette obscurité, empreinte d’angoisse du
lendemain, va naître une faible et fragile lueur, qui finira par
éclairer le destin d’un très grand nombre de juifs à travers le
monde et qui sera à l’origine du mouvement ‘HASSIDIQUE.
36
: KAVVANA. De même כַּוָּנָה : KAVVANOT, littéralement : « intentions ». Pluriel de כַּוָּנוֹת
racine que לְכַוֵּן : LEKHAVVÈNE, « orienter son cœur vers HACHEM ».
37
‘HASSIDOUT, courant de pensée juive, qui prône la joie de servir HACHEM et : חֲסִ‏ ידוּת
de se rendre utile auprès de chacun.
38
Aujourd’hui, en Ukraine.
39
Terme yiddish : bourgade, petit village.
XIV

« HACHEM réclame le cœur 40 » : HACHEM attend que
l’homme se tourne vers Lui avec son cœur, ses sentiments et
ses émotions. Ce rappel talmudique forme le point
d’ancrage de la ‘HASSIDOUT. Ce qui importe, ce n’est pas
l’intelligence ou les connaissances, mais le cœur. Chacun,
même celui qui ne sait pas lire ─ le simple, le mendiant,
l’homme submergé par les malheurs ─ peut être entendu, s’il
parle avec son cœur.
La racine du mot ‘HASSIDOUT est ’HESSED, que l’on
peut traduire par Bonté ou Amour bienveillant. Autrement dit,
celui qui veut être ‘Hassid doit non seulement aimer son
Créateur, mais aussi et d’abord, aimer son prochain. La
‘HASSIDOUT va reprendre les idées forces de la KABBALA,
telles qu’elles furent enseignées par RABBI YITS’HAK LOURIA et
elle va les adapter au contexte économique et social de
l’époque.
Le TIKKOUN du monde doit commencer par le TIKKOUN
de soi. L’égoïsme, qui est l’essence de la nature humaine, doit
disparaître et laisser place à l’altruisme, à la solidarité et à la
générosité. Si YISRAËL, en tant que peuple, met en œuvre les
valeurs morales de la TORA, c’est l’humanité tout entière qui
peut en bénéficier et être sauvée de ses errements. Alors
viendra le MACHÏA’H 41 . En attendant, il appartient à chacun,
ici et maintenant, de travailler à son propre TIKKOUN.
Car HACHEM n’est pas absent du monde, bien au
contraire. Il est Omniprésent, ainsi qu’il est écrit : « Il n’y a rien
en dehors de Lui 42 ». Rien n’existe sans qu’Il l’ait voulu : le Bien
comme le Mal, un événement considérable, ou une simple
40
.106b : TALMUD, SANHÉDRINE סַ‏ נְהֶ‏ דְ‏ רִ‏ ין קו ע״ב
41
: MACHÏA'H, Celui qui sera oint, aux temps messianiques, et qui viendra apporter מָ‏ שִׁ‏ יחַ‏
la Délivrance finale.
42
.35 : DÉVARIM, Deutéronome ,4 דְּ‏ בָרִ‏ ים ד,‏ לה
XV

feuille d’arbre emportée par le vent. Quel que soit le moment
de la journée ou de la nuit, où qu’il se trouve, l’être humain
peut s’attacher, par la pensée, la parole et l’action, à
HACHEM : c’est ce que la ‘HASSIDOUT désigne par
DVÉKOUT 43 , un attachement vécu corps et âme, une volonté
permanente de faire Sa Volonté. Et encore et toujours, avec
un cœur sincère.
Ce niveau spirituel peut être atteint par la prière, si elle
s’exprime dans la joie et la ferveur, le détachement vis-à-vis
de son propre égo, ainsi que la concentration des pensées et
des sentiments dirigés vers HACHEM. Une telle prière peut agir
dans les « Mondes » supérieurs et peut avoir des
conséquences sur ce qui se passe ici-bas. La joie, dans la
‘HASSIDOUT, n’a rien à voir avec les manifestations excessives
et bruyantes que l’on voit parfois. Elle est intérieure et
maîtrisée, elle a conscience de sa fragilité, et elle se situe audelà
du temps, dans l’Éternité.
Ces idées ─ et bien d’autres ─ n’auraient pu se
répandre aussi rapidement sans la foi et le charisme de
nombreux Sages emblématiques et attachants. En premier
lieu, rappelons celui qui fut le fondateur de la ‘HASSIDOUT :
RABBI YISRAËL BEN ÈLI’ÉZER 44 , plus connu sous le nom de BA’AL
CHEM TOV 45 ou BECHT. Aimé par le peuple, il savait lui parler
avec simplicité et sincérité ; il avait également le don
d’accomplir des miracles et de guérir des malades, juifs ou
non juifs. Parmi les nombreuses personnes qu’il rassembla
43
: DVÉKOUT, attachement permanent par la pensée, la parole et l’action, à דְּ‏ בֵקוּת
HACHEM : s’attacher, et vouloir ne plus se détacher, pour accomplir Sa Volonté.
44
1698 – 1760.
45
« Le RAV au Bon Nom ».
XVI

autour de lui, son principal disciple fut RABBI DOV BEER de
MEZERITCH 46 , surnommé le MAGUID de MEZERITCH 47 .
Doté d’un grand talent oratoire et d’excellentes
qualités d’organisation, il réussit à structurer le mouvement
‘HASSIDIQUE qui prenait de plus en plus d’ampleur. Il insista en
particulier sur la place centrale que doit occuper sur le plan
spirituel le TSADDIK (le Juste) au sein de la Communauté : par
sa ferveur et ses qualités humaines, le TSADDIK a le pouvoir
d’aider ses disciples, les ‘HASSIDIM, à s’élever et à se
rapprocher de HACHEM.
Le mouvement ‘HASSIDIQUE se répandit dans de
nombreuses régions d’Europe centrale et orientale ; peu à
peu, des Communautés de taille plus ou moins grande se
constituèrent autour du REBBE (RAV). Mais malheureusement,
à différentes reprises, la haine et la folie mirent ces
Communautés à feu et à sang. Certaines, malgré les
massacres qui les avaient en grande partie décimées,
réussirent à survivre : ce fut le cas, notamment, des
Communautés ‘HASSIDIQUES de GOUR 48 , de BRESLEV 49 , de
SATMAR 50 … sans oublier la plus florissante : la Communauté
LOUBAVITCH 51 , appelée aussi ‘HABAD 52 .
46
1704 – 1772.
47
Le prédicateur de MÉZERITCH.
48
Chtettl de Pologne, où vécut son fondateur, RABBI YITS’HAK MEÏR ALTER.
49
Petite ville d’Ukraine, où vécut son fondateur, RABBI NA’HMÂN de BRESLEV.
50
Ville de Roumanie, où vécut son fondateur, RABBI MOÏSHÉ TEITELBAUM.
51
Petite ville de Biélorussie, où vécut le fils de son fondateur, RABBI SCHNÉOUR ZALMÂN
de LIADI.
52
BINA-Intelligence, (HOKHMA-Sagesse, חָ‏ כְָמה,‏ בִּ‏ ינָה,‏ דַּ‏ עַת ‘HABAD, abréviation de : חב"ד
DA’AT-Connaissance).
XVII

La KABBALA et le mouvement du MOUSSAR 53 :
Au 19 e siècle, apparaît dans les YÉCHIVOT 54 de Lituanie
un nouveau mouvement dont le fondateur est RABBI YISRAËL
SALANTER 55 . Son but est de rappeler les valeurs essentielles qui
permettent de répondre aux questions que chacun devrait
se poser : comment agir avec bonté à l’égard de son
prochain ? Et comment se rapprocher de HACHEM ? L’accès
à un tel niveau de spiritualité, nécessite l’étude de livres qui
s’inscrivent dans cette nouvelle démarche : « La Voie des
Hommes Droits 56 » de RABBI MÔSHÉ ‘HAYIM LUZZATTO 57 ─
éminent kabbaliste ─, « Devoirs des cœurs 58 » écrit au XI e
siècle en Espagne par RABBI BE’HAYÉ ‘IBN PEKOUDDA. Et bien
d’autres…
En complément de son étude de la TORA, chaque
serviteur de HACHEM doit procéder à un examen de
conscience quotidien, dont le but est de déceler et corriger
les erreurs commises au cours de la journée écoulée, et
d’améliorer les progrès constatés.
Au XX e siècle, à la confluence de ces courants
principaux ─ TORA, TALMUD et KABBALA ─ et ceux qui en sont
dérivés ─ ‘HASSIDOUT et MOUSSAR ─, va apparaître une
synthèse qui, tout en s’inscrivant dans le cadre de
l’orthodoxie la plus stricte, témoigne d’une grande audace.
53
: corriger : LÉYASSÈR, instruire, לְיַסֵּ‏ ר : MOUSSAR, morale, de même racine que מוּסָ‏ ר
rendre l’homme meilleur, à titre individuel et collectif.
54
avancé. : YÉCHIVOT, centres d’études juives de niveau יְשִׁ‏ יבוֹת
55
1810 -1883.
56
». rectitude : MESSILLAT YÉCHARIM, appelé aussi : « Le sentier de מְ‏ סִ‏ לַּת יְשָׁ‏ רִ‏ ים
57
1744). (1707 - RAM’HAL : רמח״ל
58
». cœurs ‘HOVOT HALÉVAVOTE, « Devoirs des : חוֹבוֹת הַ‏ לְּבָבוֹת
XVIII

Cette synthèse, nous la devons à un homme imprégné d’une
foi inébranlable : RAV YÉHOUDA LEÏB HALÉVI ASHLAG.
La vie de RAV YÉHOUDA LEÏB HALÉVI ASHLAG :
C’est à Varsovie, au sein d’une famille de ‘HASSIDIM,
que naît en 1886 celui qui allait devenir l’un des kabbalistes
les plus éminents : le BA’AL HASOULLAM 59 . Dès son plus jeune
âge, il manifeste une volonté peu commune d’apprendre,
ainsi qu’une intelligence exceptionnelle. À onze ans, il lit des
livres de MOUSSAR et s’efforce d’appliquer leurs préceptes.
Luttant contre le sommeil, il passe ses jours et ses nuits à
étudier à la YÉCHIVA de la Communauté de GOUR à
Varsovie, si bien qu’à quatorze ans il connaît déjà l’ensemble
du TALMUD et de ses commentaires. Il a dix-neuf ans lorsque
le Conseil des Sages de la ville lui décerne le titre de RAV. Puis,
il devient DAYÂN [Juge au tribunal rabbinique de Varsovie] et
enseigne la HALAKHA 60 .
Ses Maîtres sont le RABBI de KALOCHINE, MEÏR CHALOM
RABBINOVITCH, qui dirige la Communauté de GOUR. Et après
la mort de ce dernier, son fils : le RABBI de PROSSOW.
RAV YÉHOUDA LEÏB HALÉVI ASHLAG s’intéresse très tôt
à la KABBALA, en particulier au Livre du ZOHAR et aux
commentaires de RABBI YITS’HAK LOURIA. Un matin d’octobre
1918, à l’âge de trente-quatre ans, il rencontre un
personnage mystérieux qui l’initie à des secrets et qui, après
trois mois d’étude en commun, disparaît subitement. Les
années suivantes, dans la plus grande discrétion, le RAV
59
Le « Maître de l’Échelle » : titre de sa traduction et de ses commentaires du ZOHAR.
60
: HALAKHA, ensemble des préceptes et règles de conduite qu’un Juif doit הֲלָכָה
respecter.
XIX

enseigne à son tour la KABBALA à un groupe restreint de
‘HASSIDIM.
En septembre 1921, il décide de quitter la Pologne et
de réaliser son ALIYA 61 . Après un périple d’environ deux mois,
il arrive en ÉRÈTS YISRAËL et se rend rapidement dans la vieille
Ville de Jérusalem. Là, il entreprend de réunir chez lui un petit
groupe de ‘HASSIDIM qui, après minuit et jusqu’aux premières
heures de l’aube, se consacrent à l’étude du ZOHAR. Les
membres de ce groupe sont tous, à des degrés divers, des
descendants du BA’AL CHEM TOV.
Sur le plan matériel, les conditions d’existence du RAV
YÉHOUDA LEÏB HALÉVI ASHLAG s’avèrent très difficiles. Aussi
ses disciples conviennent-ils d’assurer les besoins élémentaires
de sa famille. L’extrait suivant témoigne de son état d’esprit :
« Le matériel et le spirituel sont complètement
opposés : tout le monde est frustré sur le plan matériel, et celui
qui éprouve un manque à ce sujet s’estime en état de
détresse. Même lorsque l’homme parvient à être comblé sur
ce plan, il n’est pas satisfait et il éprouve un sentiment de vide.
Quant au domaine spirituel, c’est le contraire : personne au
monde n’éprouve un manque, et on peut très bien vivre avec
ce manque. Il faut accomplir un travail immense sur soi pour
ressentir que l’aspect spirituel est absent. Et celui qui a le
mérite de se rapprocher [ne serait-ce qu’un instant] de
HACHEM, loué soit-Il, celui-là est le plus heureux des
hommes. »
On le voit, l’univers de pensée dans lequel vit le RAV
YÉHOUDA LEÏB HALÉVI ASHLAG est d’une telle profondeur que
les biens matériels lui paraissent tout à fait dérisoires.
61
YISRAËL. : ALIYA, « montée »sur le plan spirituel. Et aussi émigration en ÉRÈTS עֲלִיָּה
XX

Quelques années plus tard, il entreprend de rédiger
une série d’ouvrages qui vont révéler sa pensée à un large
public. À partir de 1927 seront progressivement publiés deux
livres sur l’Arbre de vie par ‘HAYIM VITAL d’après les
enseignements de RABBI YITS’HAK LOURIA : l’un ─ Faces
lumineuses 62 ─ commente chaque phrase, dans l’ordre précis
où elle se présente, tandis que l’autre ─ Faces explicatives 63 ─
revêt la forme d’une synthèse globale et structurée.
Ces deux commentaires sont d’un abord relativement
difficile pour les non-initiés. Le RAV YÉHOUDA LEÏB HALÉVI
ASHLAG va alors entreprendre de rendre plus accessible le
contenu de la KABBALA, qui constitue le centre spirituel du
Judaïsme et de l’humanité, à savoir : d’une part, l’obligation
de limiter ce qu’il appelle « la volonté de recevoir 64 » et
d’autre part, la nécessité de développer « la volonté de
prodiguer le bien 65 . »
Tel est le thème du présent livre, intitulé « Don de la
TORA », qui a été publié en 1933. À l’origine, les différents
articles avaient la forme de fascicules publiés de façon
régulière ; mais leur diffusion fut interrompue par les autorités
du Mandat britannique, qui craignaient qu’elle puisse
présenter un caractère subversif…
Au cours de cette même année, le RAV ASHLAG
commença à écrire le premier tome d’un ouvrage important
« Le TALMUD des dix SÉFIROTES 66 », qui est une compilation des
différents commentaires sur l’enseignement du ARI. Cet
ouvrage, qui comprend seize tomes, est rapidement devenu
62
MÉÏROTES. : PANIM פָּנִים מְ‏ אִ‏ ירוֹת
63
MASBIROT. : PANIM פָּנִים מַ‏ סְ‏ בִּ‏ ירוֹת
64
LÉKABEL. : HARATSÔN הָ‏ רָ‏ צוֹן לְקַ‏ בֵּל
65
LÉHACHPI’A. : HARATSÔN הָ‏ רָ‏ צוֹן לְהַ‏ שְׁ‏ פִּ‏ יעַ‏
66
SÉFIROT. : TALMOUD ‘ÉSSÈR תַּ‏ לְמוּד עֶשֶׂ‏ ר סְ‏ פִ‏ ירוֹת
XXI

indispensable à tous ceux qui veulent étudier sérieusement la
KABBALA.
Puis, c’est à une œuvre monumentale ─ par la
quantité et la qualité de son contenu ─ que le RAV ASHLAG
consacre la fin de sa vie : la traduction en hébreu du ZOHAR
(écrit en araméen), complétée par un vaste corpus
d’explications.
Cet immense travail, commencé en 1943 et terminé
une dizaine d’années plus tard, comprend vingt-et-un tomes
très denses qui forment le « Commentaire du SOULLAM sur le
Livre du ZOHAR ». Cette œuvre, comparable à celle de
RACHI sur la TORA, rend plus accessibles de nombreux
passages du ZOHAR qui, sans ces explications, resteraient
complètement scellés et interdits à toute compréhension.
Épuisé par cet effort, mais satisfait d’avoir mené à bien
l’œuvre de sa vie, il s’éteint le jour de KIPPOUR de l’année
1954.
L’année précédente, à la fin de la fête de SOUCCOT
qui symbolise la fragilité de la vie et au cours de laquelle la
TORA prescrit de se réjouir, il confie à sa femme : « Les
‘HASSIDIM ne vont plus beaucoup se réjouir avec moi :
seulement un an ».
Onze mois plus tard, le premier jour de l’année juive, il
annonce à l’un de ses disciples « Sache que dans dix jours, je
vais m’en aller ». Le dixième jour, à l’instant où est lu le texte
de la prière de KIPPOUR « Je le comblerai de jours nombreux
et Je lui montrerai Ma Délivrance » 67 , dans la chambre
attenante à la Synagogue, son âme retourna là d’où elle
était venue.
67
.16 : TÉHILLIM, Psaumes ,91 תְּ‏ הִ‏ לִּים צא,‏ טז
XXII

L’enseignement du BA’AL HASOULLAM :
« N’ajoutez rien à la Parole que Je vous ordonne en ce
jour, et n’en retranchez rien 68 ». Cette MITSVA a été
scrupuleusement respectée par le RAV ASHLAG. Si son
message peut sembler nouveau, tout ce qu’il dit est inscrit
dans la TORA, le TALMUD et la KABBALA. Son mérite est d’avoir
décrypté ce qui est essentiel pour l’homme, et de l’avoir
présenté de façon structurée, dans un langage qui parle à
ceux qui sont prêts à l’entendre. Autrement dit, la synthèse
que propose le BA’AL HASOULLAM ne s’écarte en rien de la
Tradition juive, transmise depuis les temps les plus anciens.
Pour le RAV ASHLAG, il ne fait aucun doute que les
MITSVOT doivent être accomplies dans leurs moindres détails,
car le respect minutieux de la HALAKHA est une condition
indispensable pour accéder aux Secrets de la TORA. Cela
exclut d’emblée certaines dérives, qui consistent à vouloir
réformer la Tradition ou à ne retenir que le côté intellectuel
de l’enseignement du BA’AL HASOULLAM. De telles velléités
ne peuvent qu’induire en erreur ceux qui seraient tentés de
les suivre.
L’enseignement transmis par le RAV ASHLAG repose sur
quelques principes, que l’on peut résumer ainsi : HACHEM,
loué soit-Il, est le Bien absolu, et Il est Celui Qui fait le Bien. Sa
Volonté consiste à prodiguer le Bien à l’égard de Ses
créatures. Le Bien suprême est de Se révéler à ceux qui en ont
le mérite. En comparaison, tous les plaisirs de ce monde sont
infiniment petits et éphémères. HACHEM a introduit dans les
âmes la volonté de recevoir : celle-ci est le réceptacle à
l’intérieur duquel la Lumière divine peut se répandre.
68
.4 : DÉVARIM, Deutéronome ,2 דְּ‏ בָרִ‏ ים ב,‏ ד
XXIII

Puisque la Volonté de HACHEM est de prodiguer le
Bien, et que la volonté des hommes se limite à recevoir, il en
résulte une opposition totale entre le Créateur et Ses
créatures. L’homme ne mérite pas que HACHEM se révèle à
lui, et il ne peut donc se rapprocher de Son Créateur.
S’il ne veut pas rester dans cet état d’éloignement et
de vide, l’homme doit s’efforcer de mettre sa volonté en
harmonie avec Celle de HACHEM, c'est-à-dire développer en
lui la volonté de faire le bien. Cette transformation radicale
de la nature humaine ─ d’égoïsme en altruisme,
d’indifférence ou de haine en amour ─ peut devenir réalité
grâce à la KABBALA, car celle-ci purifie l’âme et attire la
Lumière divine. Et si l’on peut se rapprocher d’une
communauté qui partage ces principes et accorde une
place essentielle à la bonté et à l’amour du prochain, alors
cet environnement favorable permettra de développer les
qualités requises pour progresser sur le plan spirituel.
Ces idées peuvent sembler révolutionnaires et, dans
une certaine mesure, elles le sont : est-ce que l’être humain
est en mesure de se libérer de sa nature animale,
foncièrement égoïste et souvent cruelle, pour devenir ─ au
sens le plus noble ─ un homme ?
Quelle que soit la réponse qui puisse être donnée à
cette question, il n’en demeure pas moins que l’œuvre et la
personnalité du BA’AL HASOULLAM ont suscité l’estime et
l’éloge de ceux qui l’ont rencontré. Deux témoignages, brefs
mais éloquents, illustrent la haute considération dont il était
l’objet : RABBI AVRAHAM YITS’HAK KOOK, premier Grand
Rabbin en ÉRÈTS YISRAËL, le présentait comme « un homme
Sage et inspiré, un trésor sacré » et RABBI CHAOUL DOUECK,
RAV réputé parmi les kabbalistes séfarades de Jérusalem, le
décrivait comme « un kabbaliste inspiré par D. ».
XXIV

L’enseignement du RAV ASHLAG, puisé aux sources les
plus profondes du Judaïsme, se réfère à l’intériorité de la
TORA 69 . Cette dimension concerne bien sûr le sens intime et
authentique de la TORA, mais aussi (et surtout) la capacité de
réparation et d’amélioration qui existe en chacun d’entre
nous. Car la KABBALA en particulier et le Judaïsme en général
sont tournés vers la vie et l’avenir : leur finalité est de réparer
le monde et de le rendre meilleur. Et cela commence avant
tout par soi-même.
Nous vivons à une époque où l’intérêt matériel est
souvent le critère essentiel des relations humaines et de nos
sociétés. Dans ce contexte qui met en péril notre devenir,
l’humanité est-elle prête à écouter un tel message, alors
qu’un sentiment général de vide s’empare des esprits ?
Il est trop tôt pour savoir si, à l’exception de ceux qui
suivent cette voie, l’enseignement du RAV ASHLAG sera
largement entendu. Mais ce qui est certain, c’est que d’ores
et déjà, nombreux sont ceux qui l’étudient et l’appliquent,
que ce soit en ÉRÈTS YISRAËL, en Amérique du Nord, en
Europe ou ailleurs.
69
HATORA. : PNIMIYOUT פְּ‏ נִימִ‏ יּוּת הַ‏ תּוֹרָ‏ ה
XXV

À propos de la traduction
Traduire, c’est offrir au lecteur la possibilité de
comprendre et d’apprécier ce qui lui était jusqu’alors
inaccessible.
Mais traduire ─ nous le savons bien ─ c’est aussi trahir.
Cela est vrai en particulier pour l’hébreu, appelé « le
langage du Sacré » לְ‏ שׁוֹן הַ‏ קֹּדֶ‏ שׁ)‏ LECHÔN HAKODÈCH), qui est
riche de son histoire multimillénaire.
Face à la profusion de sens enfouie dans chaque mot,
le traducteur se voit dans l’obligation de choisir, et donc
d’exclure.
Si traduire un texte hébreu en français n’est pas une
tâche aisée, la difficulté s’accroît lorsqu’il s’agit d’un livre de
KABBALA : tout y est abstrait et d’ordre spirituel, même les
mots concrets (mondes, vases, branches, écorces…) ne sont
là que pour exprimer des notions qui se situent hors du temps
et de l’espace dont nous sommes prisonniers.
Outre le vocabulaire, les idées de la Sagesse par
excellence, reposent sur deux conditions préalables : l’étude
approfondie de la TORA, ainsi que l’accomplissement des
préceptes religieux que sont les MITSVOT.
Autant dire que le lecteur néophyte ne comprendra
rien ou, pire encore, croira comprendre ce qui n’a jamais été
écrit, ni pensé par l’auteur.
Face à un tel risque, certains pensent qu’il est
dangereux de traduire un livre de KABBALA. Et leur avis est
XXVI

mérite attention, lorsque l’on connait les dérives que certains
esprits peu scrupuleux peuvent engendrer.
Mais par ailleurs, on ne peut ignorer que la KABBALA
s’adresse à l’humanité tout entière : comment la faire
connaître, si ce n’est dans les langues utilisées par les
différentes Nations ?
C’est au lecteur sérieux, épris de Vérité, de juger si
cette traduction a pu lui être utile.
Les notes ajoutées en bas de page permettent de se
reporter aux sources nombreuses et variées qui témoignent
de l’immense culture juive du RAV YÉHOUDA LEÏB HALÉVI
ASHLAG.
Quant aux mots et expressions qui requièrent une
explication, le lecteur pourra, en cas de besoin, trouver leur
signification dès leur première occurrence dans le texte de la
traduction, ainsi que dans le lexique situé à la fin du livre.
XXVII

1
עֵ‏ ת לַעֲשׂוֹת
Le temps d’agir
Il y a longtemps que ma conscience m’interpelle et
me poursuit de jour en jour, pour sortir de ma réserve et écrire
un livre fondamental concernant l’Âme du Judaïsme et de la
Religion, ainsi que la connaissance de l’authentique Sagesse
de la KABBALA. Afin de répandre ces idées au sein du Peuple
juif, de façon à ce que chacun puisse en retirer une
connaissance et une compréhension correctes de
l’ensemble des Principes qui existent dans le Monde d’en
Haut, de leur nature et de leur caractère véritable.
Autrefois en ÉRÈTS YISRAËL, avant que le monde ne
découvre l’imprimerie, il n’y avait pas chez nous de livres
trompeurs en ce qui concerne l’Âme du Judaïsme, étant
donné qu’il n’y avait parmi nous quasiment aucun auteur qui
se considérait comme non responsable de ce qu’il écrivait. Et
cela, pour une raison simple : la plupart du temps, celui qui se
comportait de façon irresponsable n’appartenait pas à la
catégorie des gens célèbres. C’est pourquoi, si un tel homme
avait l’impudence d’écrire un tel ouvrage, il ne se trouvait
aucun scribe intéressé à recopier son livre, car personne
n’était prêt à lui payer un salaire, dont le coût représentait en
général une somme importante. Et donc, son problème se
trouvait rapidement réglé, de sorte qu’il restait ignoré du
public.
À cette époque, même ceux qui avaient acquis
certaines connaissances n’avaient ni intérêt ni la prétention
1
.126 : TÉHILLIM, Psaumes ,119 תְּ‏ הִ‏ לִּים קיט,‏ קכו
28

d’écrire des livres dans ce domaine, étant donné que ces
connaissances n’étaient nullement indispensables au
commun des mortels. Au contraire, ils tenaient à dissimuler ce
qu’ils savaient, en raison de ce qui est écrit : « la Gloire de
ÉLOKIM 2 : cacher ce qui doit l’être 3 ». Car il nous a été
ordonné de dissimuler l’Âme de la TORA et de la ‘AVODA 4 visà-vis
de ceux qui n’en ont pas besoin ou qui n’en sont pas
dignes, de ne pas l’avilir, ni de l’exposer en vitrine, face au vif
désir de ceux qui se conduisent comme des curieux ou des
orgueilleux. Car la Gloire de ÉLOKIM nous en fait l’obligation.
Mais depuis que le métier de l’imprimerie s’est
développé dans le monde, que les auteurs n’ont plus besoin
de scribes pour recopier leurs manuscrits et que le coût très
élevé des livres a nettement diminué, il est devenu possible
pour des auteurs irresponsables de publier des livres selon leur
bon plaisir, pour de l’argent, l’honneur ou d’autres raisons
similaires. Et ce qui sort de leurs mains, ils ne s’en soucient
guère, ils ne le regardent même pas.
Dès lors, des livres appartenant au genre précité ont
commencé à se multiplier. Sans aucune étude sérieuse, ni
transmission de vive voix par un RAV compétent 5 , ni même la
moindre connaissance des livres anciens qui se rapportent à
ce sujet, leurs auteurs se permettent d’imaginer des
hypothèses complètement fantaisistes et dénuées de tout
fondement. Puis, ils prétendent que leurs propos concernent
les Principes les plus sublimes, sous prétexte que leur soidisante
intention serait de décrire ainsi l’Âme du Peuple et
2
: ÉLOKIM, le Nom de HACHEM, qui représente son Attribut de Rigueur אֱ‎קִ‏ ים
3
.2 : MICHLÉ, Proverbes ,25 מִ‏ שְׁ‏ לֵי כה,‏ ב
4
: לַעֲבֹד)‏ ‘AVODA, l’ensemble des pensées, paroles et actions, destinées à servir : עֲבֹדָ‏ ה
LA’AVOD) HACHEM, d’où l’expression : ה׳ (‘EVED serviteur de HACHEM).
5
Compétent dans l’ensemble des domaines de la TORA.
עֶבֶד
29

l’intégralité de son immense Trésor. Comme des gens
stupides, ils ne sont pas capables d’accepter la moindre
admonestation 6 . De plus, ils ne peuvent prendre conscience
qu’ils transmettent des idées fausses aux générations à venir.
Pour assouvir leurs petits désirs, ils commettent une faute
grave et font fauter le public, de génération en génération.
Ces derniers temps, leur fourvoiement a atteint des
sommets inégalés, car ils ont planté leurs griffes dans le
domaine de la Sagesse de la KABBALA, sans prendre garde
que cette Sagesse est jusqu’à aujourd’hui, fermée et scellée
par mille et un verrous. De sorte que nul ne peut y entrer, ni
comprendre le moindre mot selon sa signification correcte. Et
à plus forte raison, comprendre le lien qui existe entre un mot
et un autre. Car dans tous les livres authentiques, rédigés à ce
jour, il n’y a rien d’autre que de fines allusions qui, au prix de
grandes difficultés, sont à peine suffisantes, pour un disciple
capable de comprendre par lui-même et de recevoir leur
signification de la bouche d’un Sage. Lequel a lui-même reçu
ces secrets, et il a été habilité à les transmettre. Mais voici que
« Là-bas se terre la vipère, elle y dépose ses œufs, les fait
éclore et rassemble les petits sous son ombre 7 » : de nos jours,
se sont multipliés des écrivaillons : ils agissent pour les motifs
que nous avons évoqués, et ils n’inspirent que dégoût à ceux
qui les observent.
Parmi eux, il en est qui prétendent s’élever jusqu’au
sommet de la montagne 8 et qui s’octroient la place qui
revient au Maître de chaque génération. Ils font croire qu’ils
savent expliquer les livres des Anciens et des premiers Sages,
de mémoire bénie. Ils recommandent au public quel livre il
6
13. : d’après KOHÉLET, l’Ecclésiaste 4, קֹהֶ‏ לֶת ד,‏ יג
7
.15 : YÉCHA’YAHOU, Isaïe ,34 יְשַׁ‏ עְ‏ יָהוּ לד,‏ טו
8
.14 : DÉVARIM, Deutéronome ,23 דְּ‏ בָרִ‏ ים כג,‏ יד
30

faut étudier, et lequel ne mérite aucune attention, car il serait
plein de chimères, que HACHEM nous en préserve ! Et de là
naissent « force avanies et colères 9 ». Car jusqu’à présent,
cette capacité de discernement des secrets n’était
accordée et réservée qu’à un seul Maître durant dix
générations, tandis que maintenant même des ignorants
prétendent s’en emparent.
C’est pourquoi ce que perçoit le public à propos de
ces questions est erroné. De plus, un sentiment général de
facilité est apparu : chacun pense qu’il lui suffit, à ses heures
de loisir, d’un regard furtif pour méditer et porter un jugement
sur ces Paroles sublimes. Et, de cette manière, on parcourt le
Monde de la Sagesse sublime et la source de l’Âme du
Judaïsme, d’un seul envol, comme l’Ange bien connu 10 , et
l’on énonce des conclusions, chacun selon ce qui lui passe
par la tête.
Telles sont les raisons qui m’ont fait sortir de ma réserve,
et j’ai décidé que le temps est venu d’agir pour HACHEM 11 ,
de sauver ce qui peut encore l’être. Aussi ai-je pris la décision
de révéler un pan de la source du domaine précité et de le
diffuser au sein du Peuple.
9
.18 : ÉSTHÈR ,1 אֶ‏ סְ‏ תֵּ‏ ר א,‏ יח
10
34. : CHÉMOT, L’Exode 32, שְׁ‏ מוֹת לב,‏ לד
11
: HACHEM, LE NOM. Expression utilisée pour désigner le Tétragramme, LE NOM הַ‏ ‏ֵשּׁם
sacré de quatre lettres qu’il est interdit de lire et de prononcer. De HACHEM Lui-même,
de son Essence, nous ne savons rien. Seules nous sont en partie accessibles Ses
manifestations dans le monde.
31

גִּ‏ לּוּי טֶ‏ פַח וְ‏ כִ‏ סּוּי
טִ‏ פְ‏ חַ‏ יִם
Dévoilement d’un palme 1
Et dissimulation de deux palmes 2
Dans la bouche des grands Sages, serviteurs de
HACHEM, il y avait une maxime qu’ils avaient l’habitude de
dire en chaque endroit où ils allaient pour y révéler une parole
profonde : ils commençaient par dire : « Voici : je révèle un
palme et je dissimule deux palmes ». Car nos prédécesseurs,
que leur mémoire soit une bénédiction, se gardaient bien de
tout mot superflu, ainsi qu’ils nous ont enseigné : « Un mot vaut
un SÉLA 3 ; un silence, deux SÉLA 4 ». Explication : si tu as dans
ta bouche un mot de grande valeur, qui vaut un SÉLA, sache
que se taire équivaut à deux SÉLA. Et cela s’applique à ceux
qui se répandent en d’innombrables paroles, sans contenu ni
utilité, alors que leur seul but est de faire de belles phrases
pour les rendre agréables aux yeux du lecteur.
Mais pour nos prédécesseurs, il s’agissait là d’un interdit
gravissime, comme cela est bien connu de celui qui étudie
leurs paroles, ainsi que je le montrerai dans les prochains
articles. Nous devons donc faire très attention, et bien
comprendre la maxime qu’ils avaient l’habitude de
prononcer.
1
cm). :SÉLA : largeur de la paume d’une main (8 à 10 סֶ‏ לַע
2
.20b : TALMUD, NÉDARIM נְדָ‏ רִ‏ ים כ ע״ב
3
Pièce de monnaie ancienne.
4
.18a : TALMUD, MÉGUILLA מְ‏ גִלָּה יח,‏ ע״א
32

3 catégories à propos de la dissimulation de la Sagesse :
Les secrets de la TORA comportent trois catégories.
Pour chacune d’entre elles, il y a une raison
particulière. Ces catégories portent les noms suivants :
1. Ce qui est non-nécessaire,
2. Ce qui est impossible,
3. Le secret de HACHEM pour ceux qui Le craignent.
Tu ne trouveras, dans cette Sagesse, aucune notion
dont la raison d’être ne relève pas de l’une de ces trois
parties. Et je vais les expliquer, chacune séparément.
1. Ce qui est non-nécessaire :
Explication : c’est la catégorie de secrets dont tu ne
retireras aucune utilité de leur dévoilement. Et bien sûr, leur
non-dévoilement n’entraînera pas de préjudice important.
Car il n’est question ici que de connaissance pure ; c’est-àdire
qu’il faut se méfier de toutes ces actions définies par :
quelle importance ?! Quelle importance d’avoir fait cela,
puisque cela n’entraîne aucun préjudice ?! Mais sache
qu’aux yeux des Sages, ce laxisme que l’on exprime par
« quelle importance » est considéré comme la plus
redoutable des causes de destruction. Car tous ceux qui
passent leur temps à profiter de la vie en ce monde ─ qu’ils
aient déjà été créés ou qu’ils le soient à l’avenir ─
n’appartiennent qu’à la catégorie de ces gens qui disent :
quelle importance ?! Ils s’occupent de ce qui n’est pas
nécessaire et ils entraînent les autres à se comporter de la
même manière. C’est pourquoi les Sages n’acceptaient
aucun disciple avant d’avoir acquis la certitude que celui-ci
33

ferait très attention à ne rien dévoiler de ce qui n’était pas
nécessaire.
2. Ce qui est impossible :
Explication : le langage ne peut rien exprimer de ce qui
caractérise les secrets de cette catégorie, en raison de leur
extrême finesse et de leur essence spirituelle. C’est pourquoi
toute tentative de les habiller par des mots ne peut que
tromper ceux qui recherchent ces secrets, et les égarer vers
une voie erronée, ce qui est une faute « si grande qu’elle ne
peut être pardonnée 5 ». Et donc, pour dévoiler le moindre
indice à ce sujet, il faut avoir la permission du Ciel, ce qui est
la 2 e partie de la dissimulation de cette Sagesse. Toutefois,
même le fait d’avoir la permission nécessite une explication.
La permission du Ciel :
Cela est expliqué dans le livre « Porte des propos de
RACHBI 6 », écrit par le ARI 7 ─ que son souvenir soit une
bénédiction ─ dans le passage intitulé PARACHAT 8
MICHPATIM du livre du ZOHAR page 100, dans le passage qui
commence par « BAR YO’HAÏ savait rester silencieux ». Et voici
ce qui est écrit : « Sache qu’en ce qui concerne les âmes des
Justes, il en est qui s’apparentent à la Lumière réfléchie, et
d’autres à la Lumière intérieure » (tu trouveras l’explication de
ces termes dans mon ouvrage : Faces lumineuses 9 ). Et tous les
Justes qui se trouvent près de la Lumière réfléchie ont la force
de parler des mystères et des secrets de la TORA, de façon
couverte et très dissimulée, pour qu’ils ne soient compris que
5
.13 : BÉRÉCHIT, Genèse ,4 בְּ‏ רֵ‏ אשִׁ‏ ית ד,‏ יג
6
Acronyme de RABBI CHIM’ÔN BAR YO’HAÏ (II e siècle).
7
Acronyme de ASHKÉNAZI RABBI YITS’HAK (YITS’HAK LOURIA) : 1534 – 1572.
8
Lecture hebdomadaire de la TORA.
9
». lumineuses : PANIM MÉÏROT, littéralement « Faces פָּנִים מְ‏ אִ‏ ירוֹת
34

par ceux qui sont aptes à les comprendre. Et RABBI CHIM’ÔN
BAR YO’HAÏ, qu’il repose en paix, avait une âme liée à la
Lumière réfléchie ; c’est pourquoi il avait la force d’habiller
ses paroles et de les commenter, de façon que même s’il les
expliquait à l’intention du public, personne ne puisse les
comprendre sauf ceux qui étaient aptes à les comprendre.
Telle est la raison pour laquelle le Ciel lui a permis d’écrire le
Livre du ZOHAR. Mais cette permission d’écrire un livre sur
cette Sagesse n’a pas été donnée à ses Maîtres, ni aux
premiers Sages qui l’ont précédé, bien qu’assurément ils
savaient beaucoup plus de secrets que lui concernant cette
Sagesse. Mais la raison est qu’ils n’avaient pas autant de
force que lui pour habiller leurs paroles. Et c’est ce qui est
écrit : « BAR YO’HAÏ savait dissimuler sa voie.... Ainsi, tu
comprendras l’ampleur de ce qui est dissimulé dans le livre
du ZOHAR que RACHBI a écrit, de façon à ce que n’importe
qui ne puisse comprendre ses paroles. » (Fin de citation)
Résumé de ses paroles : les explications concernant la
Sagesse de la Vérité 10 ne dépendent en rien du niveau ─ plus
ou moins élevé ─ du Sage et kabbaliste, mais de la Lumière
qui éclaire son âme, et qui correspond à ce but : cette
Lumière est la permission que le Ciel lui donne pour dévoiler
la Sagesse suprême.
Et de là, nous apprenons que celui qui n’a pas mérité
d’avoir cette permission n’a pas le droit d’expliquer cette
Sagesse, étant donné qu’il ne peut habiller ces fines notions
par des mots qui conviennent, afin d’éviter que ceux qui
écoutent ne soient induits en erreur. C’est pourquoi nous
n’avons trouvé aucun livre sérieux concernant la Sagesse de
la Vérité, qui soit antérieur au livre du ZOHAR de RACHBI. Car
tous les livres qui l’ont précédé concernant cette Sagesse ne
peuvent être définis comme étant des explications de cette
10
La KABBALA.
35

Sagesse, mais seulement comme de simples allusions ─ et
encore sans aucun ordre de cause à effet ─ comme cela est
bien connu de ceux qui possèdent le Savoir 11 . Ainsi doivent
être comprises les paroles du ARI, que son souvenir soit une
bénédiction.
Et il convient d’ajouter, selon ce que j’ai reçu de la part
de scribes et de livres 12 , que depuis l’époque de RACHBI et
de ses disciples cités dans le ZOHAR, jusqu’à l’époque du ARI,
aucun auteur n’avait compris aussi bien que le ARI les propos
du ZOHAR et des passages complémentaires. Et tous les livres
qui l’ont précédé ne sont que de simples allusions concernant
cette Sagesse, y compris les livres de RABBI MÔSHÉ
CORDOVÉRO, de mémoire bénie.
Et même à propos du ARI lui-même, il convient de dire
les mêmes choses qu’il a dites en ce qui concerne RACHBI, à
savoir que les prédécesseurs du ARI n’avaient pas reçu du
Ciel l’autorisation de dévoiler les explications relatives à cette
Sagesse. Mais au ARI, cette permission a été donnée, de sorte
qu’il n’y a pas lieu de faire ici la distinction entre des degrés
plus ou moins élevés, car il se peut que le degré atteint par
ses prédécesseurs fût infiniment plus élevé que celui du ARI,
de mémoire bénie. Toutefois, il ne leur a pas permis de parler,
et c’est pourquoi ils se sont gardés d’écrire des commentaires
sur la Sagesse elle-même et ils se sont contentés de brèves
allusions, qui ne sont en rien liées entre elles.
C’est pourquoi, dès que les livres du ARI ─ de mémoire
bénie ─ ont été dévoilés dans le monde, tous ceux qui
étudient la Sagesse de la KABBALA ont délaissé les livres de
RABBI MÔSHÉ CORDOVÉRO ainsi que ceux des premiers
11
9. : voir MICHLÉ, Proverbes 8, מִ‏ שְׁ‏ לֵי ח,‏ ט
12
(livres). : de la bouche de SOFRIM (scribes) et de SÉFARIM מִ‏ פִּ‏ י סֹפְ‏ רִ‏ ים וּמִ‏ פִּ‏ י סְ‏ פָרִ‏ ים
36

Sages et des GUÉONIM 13 qui avaient précédé le ARI, comme
cela est bien connu de ceux qui étudient cette Sagesse. Et
tout au long de leur vie, ils se sont attachés aux seuls écrits du
ARI, de sorte que les livres principaux, considérés comme
étant l’explication de cette Sagesse ─ selon ce qui doit être
─ sont uniquement les livres du ZOHAR et ses compléments ;
et après eux, les livres du ARI, de mémoire bénie.
3. Le secret de HACHEM pour ceux qui Le craignent :
Explication : les secrets de la TORA ne peuvent être
compris que par ceux qui craignent Son NOM, loué soit-Il, qui
veillent à honorer Sa Gloire de toute leur âme et de toutes
leurs forces, et dont jamais il ne sortira ─ qu’Il nous en
préserve ! ─ la moindre profanation du NOM. Telle est la 3 e
partie de la dissimulation de la Sagesse. Et cette partie est la
plus grave en ce qui concerne la dissimulation, car les
dévoilements dans ce domaine ont fait tomber nombre de
victimes. De leurs entrailles sont sortis tous ceux qui se servent
de serments et d’amulettes, ceux qui pratiquent la KABBALA
gestuelle, et qui, par leurs ruses, attrapent des âmes comme
une proie, ainsi que toutes ces espèces de charlatans qui
prétendent maîtriser les mystères en se servant de soi-disantes
chimères de la Sagesse, sorties de l’imagination de disciples
qui n’ont pas atteint le niveau requis, dans le seul but d’en
tirer un avantage matériel pour eux-mêmes ou pour d’autres.
Le monde a beaucoup souffert de ces agissements, et il en
souffre encore.
Sache que la cause essentielle et la racine de la
dissimulation, dès son début, n’étaient dues qu’à cette
catégorie. Il s’ensuit que les Sages ont pris d’extrêmes
précautions lors de l’examen des disciples, ainsi qu’ils ont
13
siècles). : GUÉONIM, Chefs de YÉCHIVOT de Babylone (VI e au XI e גְּאוֹנִים
37

dit : « On ne transmet les têtes de chapitres 14 qu’au président
du BEIT-DIN 15 , à celui dont le cœur en lui est inquiet 16 17 ». De
même : « On n’explique pas l’Œuvre de la Création à deux
disciples, ni l’Œuvre du Char céleste à un disciple seul 18 ». De
tels propos, tu pourras en trouver beaucoup, car cette crainte
résulte de ce qui a été expliqué plus haut. Pour cette raison,
très rares sont ceux qui ont été choisis et qui ont mérité
d’accéder à cette Sagesse. Et même ceux qui ont réussi sans
faute les « sept vérifications et enquêtes 19 » se trouvent liés par
de graves et redoutables serments qui leur interdisent de
dévoiler quoi que ce soit des trois parties évoquées ci-dessus.
Et ne te trompe pas au sujet de mes paroles, du fait
que j’ai réparti ici la dissimulation de la Sagesse en trois
catégories. Car mon intention n’est pas de dire que la
Sagesse de la Vérité comporte trois parties. Mais je veux dire
que pour chaque élément qui est dans cette immense
Sagesse, tu ne trouveras jamais ne serait-ce qu’un moindre
petit mot auquel ces trois parties ne se réfèrent pas. Car elles
sont les trois seuls modes d’explication qui prévalent dans
cette Sagesse. Et efforce-toi de comprendre.
Cependant, il faut ici poser une question : puisqu’en
vérité, la profondeur de la dissimulation de la Sagesse atteint
un tel degré, alors d’où sortent tous ces milliers de livres qui
ont été rédigés au sujet de cette Sagesse ? Et la réponse
est, qu’il y a une différence entre les deux premières parties
et la troisième, car l’essentiel du poids du fardeau repose
seulement sur la troisième partie, en raison de ce qui a été
14
Les notions essentielles.
15
rabbinique. : BEIT-DIN, tribunal בֵּית־דִּ‏ ין
16
Qui est empli de crainte face à l’infinie Grandeur du Créateur.
17
13a. : TALMUD, ‘HAGUIGUA חֲגִיגָה יג,‏ ע״א
18
.1 : MICHNA, ‘HAGUIGUA ,2 מִ‏ שְׁ‏ נָה חֲגִיגָה ב,‏ א
19
.1 : MICHNA, SANHÉDRINE ,5 מִ‏ שְׁ‏ נָה סַ‏ נְהֶ‏ דְ‏ רִ‏ ין ה,‏ א
38

expliqué précédemment. Mais les deux premières parties ne
sont pas soumises à un interdit permanent, car dans la partie
nommée « ce qui est non-nécessaire », un thème parfois se
transforme, sort pour une certaine raison du cadre du « nonnécessaire
» et entre dans la catégorie « nécessaire ». De
même, il arrive que l’impossible devienne parfois possible. Et
ce, pour deux raisons : soit en raison de l’évolution de la
génération, soit du fait de la permission accordée par le Ciel,
comme cela s’est produit pour RACHBI et pour le ARI, et dans
une moindre mesure pour ceux qui les ont précédés. Et de
ces transformations, émanent et sont révélés tous les livres
authentiques, qui ont été écrits concernant cette Sagesse.
C’est cela que les Sages voulaient dire par leur
sentence « Je révèle un palme et je dissimule deux palmes »,
à savoir qu’ils ont reçu la permission de dévoiler un secret
nouveau que leurs prédécesseurs ne souhaitaient pas révéler.
Ils faisaient ainsi allusion à un seul palme, c’est-à-dire à la
première des trois parties de la dissimulation mentionnées cidessus.
Ils la dévoilaient, mais ils laissaient les deux autres
parties dissimulées. Et cela, afin de montrer qu’il s’est produit
quelque chose qui est la cause de ce dévoilement, ou que
« le non-nécessaire » a reçu la forme de « nécessaire », ou que
la permission a été accordée par le Ciel, selon ce que j’ai
expliqué ci-dessus. Et c’est ce qu’exprime la maxime « J’ai
découvert un palme ».
Et que ceux qui s’intéressent aux profondes notions
que je me propose d’imprimer au cours de cette année,
sachent qu’elles sont toutes novatrices, qu’elles n’ont jamais
été présentées de façon claire et précise dans aucun livre
parmi ceux qui m’ont précédé. Et je les ai reçues, de bouche
à oreille, par mon Maître ─ que son souvenir soit une
bénédiction ─, qui était autorisé à transmettre ces secrets,
39

c’est-à-dire que lui aussi avait reçu de ses Maîtres, de bouche
à oreille, et ainsi de génération en génération…
Certes, je les ai reçus à condition de les dissimuler et de
les cacher, comme indiqué ci-dessus. Toutefois, à cause de
la nécessité que j’ai rappelée dans l’article « Le temps
d’agir », la catégorie nommée « non-nécessaire » s’est
transformée en ce qui me concerne et elle est devenue
« nécessaire ». C’est pourquoi je dévoile ce palme avec une
autorisation complète, comme je l’ai expliqué plus haut.
Cependant, les deux palmes, sur eux, je veillerai, comme j’en
ai reçu l’ordre.
40

מַ‏ תַּ‏ ן תּוֹרָ‏ ה
Le Don de la TORA 1
« Tu aimeras 2 ton prochain comme toi-même 3 »
RABBI ‘AKIVA 4 disait : « C’est un grand principe dans la TORA 5 »
1) Cette maxime de nos Sages, que leur souvenir soit
béni, nous interpelle et nous dit : Explique-moi ! 6 . Car le mot
« principe » sous-entend qu’il y a une somme d’éléments qui,
réunis ensemble, forment ce principe. Donc, lorsque RABBI
‘AKIVA dit que la MITSVA « Tu aimeras ton prochain comme
toi-même » est un grand principe dans la TORA, il nous faut
comprendre que les autres 612 MITSVOT qui sont dans la TORA
─ avec tous les versets que celle-ci contient ─ ne sont ni plus
ni moins que la somme des éléments inclus dans cette seule
MITSVA. De telles paroles sont surprenantes, car cela peut se
justifier pour les MITSVOT qui concernent les relations entre
l’homme et son prochain. Mais comment cette MITSVA peutelle
comprendre toutes les MITSVOT entre l’homme et
HAMAKOM 7 , lesquelles constituent les fondements de la TORA
et la majeure partie de son édifice ?
1
LEHOROT, : לְהוֹרֹת : TORA. De même racine grammaticale que le verbe תּוֹרָ‏ ה
(enseigner). TORA signifie donc : « Enseignement sacré » destiné à montrer la voie à
suivre. Sa portée est universelle.
2
Verbe à l’impératif, et aussi au futur.
3
.18 : VAYIKRA, Lévitique ,19 וַיִּקְ‏ רָ‏ א יט,‏ יח
4
Sage (TANNA) éminent (17 – 137) à l’époque de la MICHNA.
5
Genèse. : BÉRÉCHIT RABBA, MIDRACH sur la בְּ‏ רֵ‏ אשִׁ‏ ית רַ‏ בָּא
6
Comment me comprends-tu ?
7
Littéralement : « LE LIEU ». Celui Qui est en tout lieu : l’OMNIPRÉSENT.
© MBH
41

2) Et s’il nous est encore possible de nous épuiser à
comprendre leurs paroles, voilà qu’apparaît devant nos yeux
un second aspect, encore plus étonnant, au sujet de
quelqu’un qui voulait se convertir au Judaïsme et qui se
présenta devant HILLEL 8 et qui lui dit : « Apprends-moi la TORA
tout entière, pendant que je me tiens sur un seul pied ». Et
HILLEL lui répondit : « Tout ce que tu détestes, ne le fais pas à
ton prochain : c’est là toute la TORA, et le reste n’est que
commentaire. Va étudier 9 ». Voilà devant nous une
HALAKHA 10 claire : rien n’est plus important, dans toutes les
612 autres MITSVOT et tous les versets de la TORA, que cette
MITSVA « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Car
ces versets ne sont là que pour éclairer la MITSVA de l’amour
d’autrui et nous permettre de l’accomplir de façon
complète. C’est pourquoi il dit clairement « et le reste n’est
que commentaire. Va étudier ». Cela signifie que tous les
autres versets de la TORA sont l’exégèse de cette seule
MITSVA et que, sans eux, il est impossible de réaliser
entièrement « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
3) Avant d’approfondir ce sujet, nous devons réfléchir
au contenu de cette MITSVA. Car il nous a été ordonné : « Tu
aimeras ton prochain comme toi-même », et cette expression
« comme toi » nous enseigne que tu dois aimer ton prochain
autant que toi-même, et en aucune façon pas moins que toi.
Cela signifie que tu dois constamment veiller à satisfaire les
besoins de chaque personne du Peuple juif. Et ce, pas moins
que la façon dont tu veilles à combler tes propres besoins.
Cela semble absolument irréalisable, car peu nombreux sont
ceux qui, au cours d’une journée de travail, peuvent combler
leurs propres besoins. Et comment veux-tu, en plus, les obliger
8
Sage réputé pour sa sagesse et son humanité (I er siècle).
9
.31a : TALMUD, CHABBAT שַׁ‏ בָּת לא,‏ ע״א
10
conduite. : HALAKHA, ensemble des préceptes et règles de הֲלָכָה
© MBH
42

à travailler et combler les besoins de tout un Peuple ?! Il n’est
pas possible de penser que la TORA s’exprime de façon
excessive, car elle nous met en garde : « N’ajoute pas et ne
retranche pas… 11 », ceci pour te dire que ses Paroles et ses
Lois ont été données de façon très précise.
4) Et si cela te semble bien peu, je te dirai que le sens
littéral de cette MITSVA d’aimer autrui est encore plus grave,
car nous avons l’obligation de faire passer les besoins de
notre prochain avant nos propres besoins, selon ce que les
Tossafistes 12 ont écrit 13 dans le TALMUD de Jérusalem, à
propos du verset « parce qu’il est bien avec toi 14 » au sujet du
serviteur hébreu 15 . Et voici leurs paroles : « Il peut arriver que
son maître n’ait qu’un seul coussin : s’il se repose sur ce dernier
et ne le donne pas à son serviteur, alors il n’accomplit pas la
MITSVA « parce qu’il est bien avec toi », puisqu’il se repose sur
le coussin et que le serviteur est assis à même le sol. Et s’il ne
se repose pas sur le coussin et s’il ne le prête pas à son
serviteur, alors il se comporte comme les habitants de
Sodome 16 . Donc, il est obligé de le prêter à son serviteur, et le
maître devra s’étendre sur le sol ». (Telles sont leurs paroles,
étudie-les bien).
De là, nous apprenons que cette règle s’applique aussi
à notre verset, en ce qui concerne l’étendue de notre amour
pour autrui. Car dans ce cas également, l’Écriture met sur le
même plan la satisfaction des besoins de son prochain et la
satisfaction de nos propres besoins, selon l’exemple du verset
11
.13,1 : DÉVARIM, Deutéronome דְּ‏ בָרִ‏ ים יג,‏ א
12
Disciples et descendants de RACHI (RABBI CHLOMO BEN YITS’HAK).
13
.20a : TALMUD, KIDDOUCHINE קִ‏ דּוּשִׁ‏ ין כ ע״א
14
.15,16 : DÉVARIM, Deutéronome דְּ‏ בָרִ‏ ים טו,‏ טז
15
Acquis auprès du tribunal, en raison de son dénuement.
16
Pervers et cruels envers autrui : בְּ‏ רֵ‏ אשִׁ‏ ית יג,‏ יג : BÉRÉCHIT, Genèse 13, 13.
© MBH
43

« parce qu’il est bien avec toi », concernant le serviteur
hébreu. De sorte que, si l’on n’a qu’une chaise et que son
prochain n’en a pas, alors s’applique la règle que s’il s’assoit
sur la chaise et s’il ne la donne pas à son prochain, alors il
transgresse la MITSVA positive 17 : « Tu aimeras ton prochain
comme toi-même », car il ne comble pas les besoins de son
prochain alors qu’il satisfait les siens. S’il ne s’assoit pas sur la
chaise et s’il ne la donne pas à son prochain, alors sa
méchanceté est aussi grande que celle des habitants de
Sodome. Mais au contraire, il a l’obligation de donner la
chaise à son prochain afin qu’il s’y assoie, et lui s’assoira sur le
sol ou restera debout. Bien entendu, cette règle est la même
pour tout ce dont on a besoin et que l’on peut satisfaire, alors
que cela manque à son prochain. Donc, réfléchis : est-ce
qu’il est vraiment possible d’accomplir cette MITSVA ?!
5) Avant tout, nous devons comprendre pourquoi la
TORA a été donnée aux BNÉ YISRAËL 18 en particulier, et
pourquoi elle n’a pas été aussi donnée de façon égale à tous
les habitants de la Terre. Serait-ce là - que HACHEM nous
préserve ─ un trait de nationalisme ? Bien sûr que seul celui
dont l’esprit serait dérangé pourrait penser une telle stupidité.
Car en vérité, nos Sages ont déjà réfléchi à cette question,
quand ils disaient : « HACHEM a présenté plusieurs fois la TORA
à chaque peuple et à chaque ethnie, mais ils ne l’ont pas
voulue 19 », comme cela est bien connu.
Toutefois, ce qui est difficile dans ces paroles, est que,
s’il en est ainsi, pourquoi avons-nous été appelés le Peuple
choisi, comme il est écrit : « C’est toi que HACHEM a choisi 20 »,
17
: MITSVAT ‘ASSÉ. Une MITSVA est dite positive lorsqu’elle comporte une מִ‏ צְ‏ וַת־עֲשֵׂ‏ ה
obligation de faire. Une MITSVA dite négative concerne une interdiction.
18
YISRAËL). « Enfants de YISRAËL », (descendants de Jacob YA’AKOV = : בְּ‏ נֵי יִשְׂ‏ רָ‏ אֵ‏ ל
19
.2b : TALMUD, ‘AVODA ZARA עֲבֹדָ‏ ה־זָרָ‏ ה ב ע״ב
20
.7,6 : DÉVARIM, Deutéronome דְּ‏ בָרִ‏ ים ז,‏ ו
© MBH
44

puisque parmi les autres peuples, personne ne l’a voulue ?!
De plus, leurs paroles sont à priori difficiles à comprendre : se
peut-il que HACHEM vienne avec sa TORA dans Sa Main, et
qu’Il commence à discuter avec des peuples issus de
contrées sauvages ? A-t-on déjà entendu quelque chose
d’aussi étrange ? On a du mal à l’accepter.
6) Cependant, lorsque nous aurons bien compris ce
que sont la TORA et les MITSVOT qui nous ont été données, et
ce qui est attendu de leur accomplissement, selon toute
l’étendue enseignée par nos Sages, ce qui est la finalité de
l’immense Création présente que nous voyons, alors nous
comprendrons tout.
Car ce qu’il faut savoir en premier, c’est que personne
n’agit sans avoir un but. Et tu ne trouveras aucune exception
à ce principe, sauf les insensés dans le genre humain ou les
nourrissons.
Et puisqu’il en est ainsi, il n’y a pas de doute à ce que
le Créateur ─ dont la Sublimité est au-delà de toute limite ─
ne fait quoi que ce soit, petit ou grand, sans finalité.
Nos Sages nous ont enseigné à ce sujet : le monde n’a
été créé que dans le but d’accomplir la TORA et les MITSVOT.
D’après ce qu’ils nous ont expliqué, l’Intention du Créateur,
loué soit-Il, à propos de la Création, a été ─ dès le premier
instant ─ de permettre à Ses créatures de découvrir Son
Essence divine. Car cette connaissance peut parvenir à
l’homme, grâce à l’immense et merveilleuse Bonté de
HACHEM, qui se déploie en faveur de Ses créatures, jusqu’à
ce qu’Elle atteigne le niveau désiré. Ainsi, ceux qui sont tout
en bas peuvent s’élever, avec la conscience limpide qu’ils
© MBH
45

peuvent devenir Son Char céleste 21 sur terre, s’attacher à Lui,
jusqu’à ce qu’ils parviennent à atteindre leur perfection finale
« Aucun œil humain n’a vu d’autre ÉLOKIM que Toi 22 ». La
grandeur et la splendeur de cette perfection sont tellement
immenses, que même la TORA et les prophètes ont veillé à ne
jamais évoquer le moindre mot au sujet de cette
Magnificence. C’est ce à quoi nos Sages ont fait allusion :
« Tous les prophètes n’ont prophétisé que pour les jours du
MACHÏA’H 23 , mais pour le Monde à venir, aucun œil n’a vu
d’autre ÉLOKIM que Toi 24 ». Cela est bien connu de ceux qui
ont acquis la Connaissance 25 , et il n’y a pas lieu ici d’en parler
davantage.
Cette perfection s’exprime dans les Paroles de la TORA
et des prophètes, ainsi que dans celles de nos Sages, par le
seul et simple mot DVÉKOUT 26 . Mais étant donné son utilisation
courante par tout un chacun, ce mot a quasiment perdu
toute signification. Néanmoins, si tu prêtes quelque attention
à ce mot, ne serait-ce qu’un bref instant, tu seras stupéfait
devant sa merveilleuse grandeur. Car tu pourras alors
concevoir ce qu’est l’Essence divine ainsi que l’infime valeur
spirituelle de l’insignifiante créature ici-bas. Alors, tu pourras
mesurer ce que doit être la relation de DVÉKOUT de l’un et de
l’Autre. Et tu comprendras pourquoi nous considérons ce mot
comme étant la finalité de l’ensemble de cette immense
Création.
21
(YÉ’HÉZKEL, יְחֶ‏ זְקֵ‏ אל א MA’ASSÉ MÈRKAVA, l’Œuvre du Char : voir מַ‏ עֲשֵׂ‏ ה מֶ‏ רְ‏ כָבָה
Ézéchiel 1). Les hommes peuvent devenir le support sur terre de l’Intervention divine.
22
.3 : YÉCHA’YAHOU, Isaïe ,64 יְשַׁ‏ עְ‏ יָהוּ סד,‏ ג
23
: MACHÏA’H, L’Oint, qui viendra sauver le Monde, aux temps messianiques מָ‏ שִׁ‏ יחַ‏
24
.34b : TALMUD, BÉRAKHOT, Bénédictions בְּ‏ רָ‏ כוֹת לד,‏ ע״ב
25
9. : Voir MICHLÉ, Proverbes 8, מִ‏ שְׁ‏ לֵי ח,‏ ט
26
: DVÉKOUT, attachement constant par la pensée, la parole et l’action, à דְּ‏ בֵקוּת
HACHEM ; s’attacher et vouloir ne plus se détacher, pour accomplir Sa Volonté.
© MBH
46

Il résulte de ce qui précède que la finalité de la
Création tout entière est la possibilité donnée aux hommes
ici-bas, de s’élever de plus en plus, par l’accomplissement de
la TORA et des MITSVOT, jusqu’à ce qu’ils aient le mérite de
s’attacher à leur Créateur, loué soit-Il et Sublime.
7) Mais ici, les Sages de la KABBALA ont émis une
objection et ont demandé : pourquoi ne nous a-t-Il pas créés,
dès le début, avec le haut niveau nécessaire pour que l’on
s’attache à Lui, loué soit-Il ? Qu’est-ce qu’Il avait besoin
d’étendre sur nous tout ce fardeau et cette peine de la
Création, de la TORA et des MITSVOT ? Ce à quoi ils ont
répondu : « L’homme qui mange ce qui ne lui appartient pas
a honte de regarder le visage (de celui qui lui donne)… 27 ».
Explication : celui qui mange et profite du labeur de son
prochain craint de regarder son visage, car il devient honteux
jusqu’à perdre sa dignité humaine. Et comme ce qui émane
de Sa Perfection, loué soit-Il et Sublime, ne peut comporter le
moindre défaut, Il nous a laissé la possibilité d’acquérir par
nous-mêmes le haut niveau nécessaire, en accomplissant la
TORA et les MITSVOT. Ce qui précède est d’une extrême
profondeur. Je l’ai déjà largement expliqué dans mon livre
Faces explicatives 28 concernant le livre ‘ETS ‘HAYIM 29 , au
premier chapitre, ainsi que dans mon livre intitulé TALMOUD
‘ESSER HASÉFIROT, (HISTAKLOUT PNIMIT 30 , 1 ère partie). Et je vais
ici les expliquer brièvement, pour que chacun comprenne.
8) Imagine qu’un homme riche appelle un pauvre
dans la rue, et qu’il lui donne chaque jour à manger, à boire,
27
RABBI ‘HAYIM MÔSHÉ LUZZATTO (1707 - 1746), דַּ‏ עַת תְּ‏ בוּנוֹת : DA’AT TÉVOUNOT.
28
explicatives. : PANIM MASBIROT : Faces פָּנִים מַ‏ סְ‏ בִּ‏ ירוֹת
29
1620). (1542 - VITAL ‘ETS ‘HAYIM, l’Arbre de vie, de RABBI ‘HAYIM : עֵץ־חַ‏ יִּים
30
SÉFIROTES. : TALMUD des dix תַּ‏ לְמוּד עֶשֶׂ‏ ר הַ‏ סְּ‏ פִ‏ רוֹת
© MBH
47

ainsi que de l’argent, de l’or et tout ce qu’il souhaite. Chaque
jour, ses dons sont plus importants que ceux de la veille, et
ainsi, il en rajoute sans cesse. À la fin, le riche lui demande :
dis-moi, tous tes désirs sont-ils maintenant rassasiés ? Et l’autre
lui répond : mes souhaits ne sont pas encore comblés, car
comme il me serait bon et agréable 31 , si tous ces biens et ces
bonnes choses m’arrivaient par mes seuls efforts, comme
cela t’est arrivé, afin de ne pas avoir honte d’avoir reçu un
cadeau grâce à ta bonté. Et le riche lui dit : s’il en est ainsi,
l’homme qui pourra combler tes désirs n’est pas encore né.
Et cela est normal, car bien que d’une part, cet
homme éprouve un grand plaisir qui s’accroît chaque jour du
fait de l’augmentation de ce qu’il reçoit, il lui est d’autre part
difficile de supporter la honte qu’il ressent à la suite des
nombreux bienfaits que le riche lui prodigue chaque fois
toujours un peu plus. Car il s’agit là d’une loi naturelle et
universelle : celui qui reçoit éprouve une sorte de honte et de
gêne lorsqu’il reçoit un don de la part de quelqu’un qui agit
à son égard avec bonté et pitié. De là découle une seconde
loi : on ne peut imaginer ici-bas que quelqu’un parvienne à
combler entièrement les désirs de son prochain, car en fin de
compte il ne pourra jamais lui donner ce qui caractérise et
confère la qualité de ce que l’on acquiert par soi-même,
parce qu’alors on aura le sentiment d’en être le véritable
propriétaire. Sans cela, on ne peut ressentir le goût d’une
complète satisfaction.
Ce qui vient d’être dit ne s’applique qu’aux hommes.
Mais cela ne peut pas être envisagé à l’égard de Sa
Perfection, qu’Il soit loué et glorifié. C’est pourquoi Il a mis
devant nous la possibilité de se consacrer à la TORA et aux
MITSVOT, afin de retrouver en nous-mêmes notre dignité. Car
31
1. : d’après TÉHILLIM, Psaumes 133, תְּ‏ הִ‏ לִּים קלג,‏ א
© MBH
48

alors, tout le bien et le plaisir qu’Il nous procure - c’est-à-dire
tout ce qui est compris dans la notion de DVÉKOUT, tout cela
nous le percevons comme étant acquis par nous-mêmes et
comme le fruit de nos efforts. Alors, nous nous considérons
comme les véritables propriétaires de tout ce bien. Sans cette
DVÉKOUT, nous ne pourrions ressentir le goût d’une complète
satisfaction, comme cela a été expliqué.
9) Aussi convient-il de réfléchir sur le principe et l’origine
de cette loi naturelle : de quelles entrailles peut donc provenir
le sentiment de honte et de gêne que nous éprouvons
lorsque nous recevons d’autrui un geste de bonté ?! Cela dit,
on peut le comprendre grâce à la loi qui est bien connue des
spécialistes en sciences naturelles : chaque branche a une
nature similaire et identique à celle de sa racine. Tout ce qui
caractérise la racine conviendra aussi à sa branche : celle-ci
l’aimera, le désirera et en retirera une certaine utilité. À
l’inverse, tout ce qui n’est pas caractéristique de la racine, sa
branche s’en éloignera : celle-ci ne pourra le supporter, et qui
plus est, elle en subira un préjudice. Cette loi est valable pour
toute racine et pour chacune de ses branches : elle est
immuable.
À partir de là, il nous devient possible de comprendre
la source de l’ensemble des plaisirs et des malheurs qui sont
ancrés dans notre monde. Puisque HACHEM, loué soit-Il, est la
Racine de toutes Ses créatures, il s’ensuit que toutes les
qualités qui sont en Lui et qui nous ont été transmises
directement par Lui, nous sont douces et agréables, parce
que notre nature est proche de Celui Qui est notre Racine. Et
tout ce qui ne Le caractérise pas et qui ne vient pas
directement de Lui, mais d’une extrémité opposée 32 de la
Création, sera à l’encontre de notre nature, et il nous sera
32
Sur le plan spirituel.
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pénible de le supporter. Ainsi, nous aimons le repos et nous
détestons faire un mouvement, au point de ne faire aucun
mouvement si ce n’est pour atteindre le repos. Et cela, parce
que Celui Qui est notre Racine n’a pas de mouvement, Il est
seulement au repos, et Il n’est mû par aucun mouvement.
C’est pourquoi tout mouvement va à l’encontre de notre
nature et qu’il nous est détestable. De la même façon, nous
aimons beaucoup la sagesse, la force et la richesse, parce
que toutes ces qualités sont en Lui et qu’Il est notre Racine.
C’est pourquoi nous détestons ce qui leur est contraire,
comme la folie, la faiblesse et la pauvreté, car on ne les
trouve pas du tout en Lui. Cela génère en nous un sentiment
de dégoût et d’aversion, et même peut être cause de
souffrances difficilement supportables.
10) Telle est la raison pour laquelle nous éprouvons un
goût amer de honte et de gêne, quand nous recevons un
bienfait du fait de la bonté d’autrui. Parce qu’il n’est pas dans
la nature du Créateur, loué soit-Il, de recevoir le moindre
bienfait. Car de qui pourrait-Il recevoir ?! Et comme cela ne
fait pas partie de notre Racine, nous en éprouvons dégoût et
aversion. Au contraire, nous ressentons plaisir, agrément et
bien-être chaque fois que nous prodiguons un bienfait à notre
prochain, étant donné que cela fait partie intégrante de
notre Racine, Qui prodigue Son immense Bonté à toutes les
créatures.
11) Maintenant, nous avons trouvé comment
comprendre la finalité de la Création, telle qu’elle s’exprime
par la MITSVA « et s’attacher à Lui 33 ». Car ces notions
d’élévation spirituelle et de DVÉKOUT, qui nous sont promises
grâce à l’étude de la TORA et la pratique des MITSVOT, ne
sont ni plus ni moins que la similitude des Branches avec leur
33
.11,22 : DÉVARIM, Deutéronome דְּ‏ בָרִ‏ ים יא,‏ כב
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