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Evaristo DIGITAL preview

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d’un Buenos Aires de la fin des années 50 et début des années 60, reconstruit<br />

non pas en fonction d’un travail de documentation, mais avec ces instruments<br />

capricieux et précis que sont la mémoire et l’imagination.<br />

Solano López a poussé son style pour le rendre exagéré et sombre afin de<br />

construire ces corps et ces visages inoubliables. Dans L’Eternaute, il avait<br />

dû dessiner un classique ; dans <strong>Evaristo</strong> il va au bout de ses possibilités<br />

graphiques pour répéter l’expérience.<br />

Solano López condense, agrandit et mélange : il travaille comme le font la<br />

nuit et la distance. Dans ces épisodes, il y a des récits à énigme, un duel<br />

borgésien, des intrigues politiques, des assassins en série. De l’un à l’autre,<br />

Sampayo change de ton comme de stratégie. Il ne se standardise pas et ne<br />

tombe pas dans la commodité : il laisse le poids symbolique des éléments<br />

dicter la forme du récit. Ses histoires parviennent à une complexité et une<br />

solidité dans leurs dénouements rarement vus en bande dessinée.<br />

Les premiers épisodes ont été publiés en Argentine dans la revue Superhumor<br />

et la suite dans la revue Fierro. La première bande dessinée d’<strong>Evaristo</strong> dans<br />

cette revue était accompagnée par un article de Juan Sasturain qui racontait<br />

la visite de Sampayo au véritable <strong>Evaristo</strong> Meneses. L’ex-commissaire<br />

dirigeait alors un bureau d’enquêtes, il écrivait les mémoires de ses cas les<br />

plus célèbres et peignait des tableaux qu’il exposait dans les clubs de police.<br />

Meneses regarda avec un certain dédain les pages de la bande dessinée<br />

et signala une différence entre la fiction et le miroir (il était plus petit et<br />

moins gros que le personnage de papier). L’homme et le personnage se<br />

rencontrèrent, mais ne s’entendirent pas vraiment. Il manqua l’Autre à cette<br />

rencontre : le mythe.<br />

L’<strong>Evaristo</strong> de la bande dessinée se dévoile plus par ses actes que par ses<br />

paroles. Il ne ressent le besoin de la confidence qu’une seule fois et il choisit<br />

pour cela son semblable pour l’écouter : un lion échappé du zoo. « L’ami,<br />

nous sommes aussi perdus l’un que l’autre ». Et de cette solitude qui se sent<br />

dans chaque case et dans chaque épisode il ne sera plus question.<br />

Pablo De Santis.

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