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Gangsters. L’Amérique des années folles (1919-1933)

Bienvenue dans l’Amérique de la Prohibition ! Al Capone, chef de l’Outfit, Johnny Torrio dit « Le Renard », Enoch L. Johnson le politique véreux, Arnold Rothstein, le financier de la pègre, Lucky Luciano « Roi de la gnôle », Frank Costello surnommé « Le Premier ministre », le braqueur John Dillinger ou Bonnie Parker & Clyde Barrow sont quelques-unes des têtes d’affiche en cinémascope de ce dossier plongeant dans l’Amérique des Roaring Twenties, les années folles, et dans les coulisses de la pègre.

Bienvenue dans l’Amérique de la Prohibition !
Al Capone, chef de l’Outfit, Johnny Torrio dit « Le Renard », Enoch L. Johnson le politique véreux, Arnold Rothstein, le financier de la pègre, Lucky Luciano « Roi de la gnôle », Frank Costello surnommé « Le Premier ministre », le braqueur John Dillinger ou Bonnie Parker & Clyde Barrow sont quelques-unes des têtes d’affiche en cinémascope de ce dossier plongeant dans l’Amérique des Roaring Twenties, les années folles, et dans les coulisses de la pègre.

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Numero Numero<br />

SPECIAL<br />

ALL 8,00 € / BEL 7,50 € / ESP 7,50 € / ITA 7,50 € / GR 7,50 € / LUX 7,50 € / CH 12,00 FS / MAR 70 DH / TUN 8,50 TND / CAN 10,50 $ CAN / DOM 7,40 € / PORT 7,50 € / TOM/A 1750 XPF / TOM/S 950 XPF / RÉUNION 7,40 €.<br />

Al Capone<br />

Johnny Torrio<br />

Enoch L. Johnson<br />

Arnold Rothstein<br />

Lucky Luciano<br />

Frank Costello<br />

John Dillinger<br />

Bonnie & Clyde<br />

DÉCOUVERTE AU FIL DU MÉKONG<br />

LUCKY LUCIANO<br />

photographié<br />

par la police de<br />

New York<br />

GANGSTERS<br />

<strong>L’Amérique</strong> <strong>des</strong> Années <strong>folles</strong> (<strong>1919</strong>-<strong>1933</strong>)<br />

M 08183 - 48 - F: 6,50 E - RD<br />

3’:HIKSLI=XU[ZU\:?a@k@o@i@a";


ÉDITORIAL<br />

« BUSINESS<br />

AS USUAL »<br />

Jean Luc Bertini<br />

Les gars, arrêtez un peu de vous lamenter. La prohibition est une<br />

bénédiction pour nous tous. Une chance d’accomplir enfin le rêve<br />

américain. Les politiciens interdisent la fabrication, la vente, le<br />

transport, l’importation et l’exportation d’alcool ? Les hypocrites<br />

ferment le robinet pour combattre le « fléau social »? Grand bien<br />

leur fasse. Aux grands maux, au Volstead Act inique, les grands<br />

remè<strong>des</strong>. Nous, Américains, pour beaucoup immigrés ou fils d’immigrés<br />

nés dans les quartiers pauvres <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> villes, n’allons pas rester la<br />

gorge sèche. Saisissons la balle au bond. Causons affaires. La demande<br />

explose. Satisfaisons-la. C’est l’heure de monter nos réseaux de distribution,<br />

de fabriquer nos tord-boyaux et d’ouvrir nos bars clan<strong>des</strong>tins. Sans<br />

état d’âme. L’ampleur de l’entreprise vous paraît démesurée ? Réfléchissez.<br />

Il s’agit uniquement de diversifier notre activité, d’agir<br />

comme le ferait tout chef d’entreprise ou homme d’affaires<br />

avisé. Autour de la prostitution, du trafic de drogue, <strong>des</strong><br />

jeux clan<strong>des</strong>tins, <strong>des</strong> prêts usuraires, <strong>des</strong> petites extorsions,<br />

tissons un vaste réseau pour écouler jusqu’à la dernière<br />

goutte de notre alcool frelaté. Johnny Torrio et « Big<br />

Jim » Colosimo règnent déjà sur Chicago, Arnold Rothstein<br />

a la mainmise sur tout le gratin de New York. Quant à<br />

Enoch L. Johnson, il fera de la cité balnéaire d’Atlantic<br />

City un paradis de tous les plaisirs.<br />

Fédérons-nous. Organisons-nous. Et nous serons les rois<br />

VICTOR BATTAGGION de l’Amérique. Les plus frileux d’entre vous s’inquiéteront<br />

Rédacteur en chef adjoint<br />

de la police, <strong>des</strong> services d’État, voire de la mise en place<br />

chargé du Spécial<br />

d’agents fédéraux « incorruptibles ». Ils ont raison. Les<br />

risques sont réels, mais pas inconsidérés. Franchement, avez-vous déjà vu<br />

<strong>des</strong> hommes incorruptibles ? Sérieusement ? Les politiciens, les membres<br />

du Congrès ? La belle blague. Les policiers ? Laissez-moi rire. Une poignée<br />

de dollars étouffe les scrupules et libère les consciences. En revanche, évitons<br />

les querelles intestines, les guerres entre gangs bien peu lucratives.<br />

Faisons-nous confiance, chacun aura sa part du gâteau… C’est l’occasion<br />

rêvée de se faire de l’argent. Beaucoup d’argent. Que la fête commence ! L<br />

3 - Historia numéro Spécial


CINÉMA<br />

BÉBÉ TUEUR<br />

Dans L’Ennemi public (1957), et dans la<br />

tradition <strong>des</strong> polars nerveux de la Warner<br />

Bros., Don Siegel se penche sur la vie,<br />

la mort et les pétara<strong>des</strong> de « Baby Face<br />

Nelson » (Mickey Rooney, à g.), le complice<br />

de Dillinger (Leo Gordon, à dr.), dont la<br />

mine juvénile dit mal le nombre d’agents<br />

fédéraux qu’il a abattus…<br />

Collection Christophel<br />

United Artists/The KObal Collection/Aurimages<br />

20th Century Fox/The KObal Collection/Aurimages<br />

FRÈRES DE SANG<br />

Dans leur troisième film, Miller’s Crossing<br />

(1990), Joel et Ethan Cohen donnent leur<br />

version du film de gangsters à chapeaux,<br />

avec la vigueur et l’humour grinçant qui<br />

les caractérisent, mais aussi nombre<br />

de références empruntées, notamment,<br />

aux romans noirs de Dashiell Hammett.<br />

BANG ! BANG !<br />

En 2009, Michael Mann adapte, entre reconstitution<br />

d’une époque et action pure, le livre<br />

éponyme de Bryan Burrough, inspiré <strong>des</strong> frasques<br />

de « l’Ennemi public n° 1 », John Dillinger (Johnny<br />

Depp), de son idylle avec Billie Frechette (Marion<br />

Cotillard), et du jeu du chat et de la souris entamé<br />

avec l’agent fédéral Melvin Purvis (Christian Bale).<br />

Warner Bros/The KObal Colelction/Aurimages<br />

À LA VIE, À LA MORT<br />

Les filouteries de Matt Doyle (Edward Woods, à g.) et<br />

de Tom Powers (James Cagney, à dr.) prennent une<br />

autre dimension avec la prohibition. Et une tournure<br />

tragique lorsque Matt est tué par un gang rival.<br />

L’Ennemi public (1931), de William Wellman, offre<br />

à Cagney, parfait, un de ses premiers rôles.<br />

6 - Historia numéro Spécial


UN MONDE ENGLOUTI<br />

La série créée par Terence Winter Boardwalk<br />

Empire reconstitue fidèlement (après<br />

que Martin Scorsese, à la baguette du premier<br />

épisode, a donné le ton) l’Atlantic City<br />

<strong>des</strong> <strong>années</strong> 1920. Le politique Enoch « Nucky »<br />

Thompson (le toujours excellent<br />

Steve Buscemi, à g.) s’y appuie sur le trafic<br />

d’alcool pour asseoir son pouvoir.<br />

Toute ressemblance avec un certain élu…<br />

« TOUCHE PAS AU GRISBI »…<br />

En 1986, Brian De Palma élargit son<br />

public en entretenant la légende d’Eliot<br />

Ness (joué par Kevin Costner), l’agent<br />

qui compose une équipe d’Incorruptibles<br />

pour faire tomber le mafieux Al Capone<br />

(Robert De Niro, flippant). Oui, l’action<br />

prend le pas sur l’Histoire, mais, dans le<br />

genre, c’est une réussite.<br />

RÉGIME POLICIER<br />

Le Chicago <strong>des</strong> <strong>années</strong> 1920 est tiraillé<br />

entre « le Balafré » et « Bugs » Moran.<br />

En 1967, L’Affaire Al Capone, de Roger<br />

Corman, retrace avec minutie le<br />

fameux massacre de la Saint-Valentin<br />

(1929), qui indigna l’opinion publique.<br />

LOIN DU CONTE<br />

Il était une fois en Amérique (1984)<br />

Max (James Woods) et Noodles<br />

(Robert De Niro), deux gamins du<br />

miséreux Lower East Side prêts à tout<br />

pour s’élever. Les histoires d’amitié,<br />

aussi, finissent mal parfois, mais<br />

Sergio Leone les raconte si bien…<br />

Prod DB/All Pix/Aurimages<br />

Paramount/The Kobal Collection/Aurimages<br />

HBO/The Kobal Collection/Aurimages<br />

Prod DB/Allpix/Aurimages<br />

7 - Juillet-août 2019


INTRODUCTION<br />

L’AMÉRIQUE<br />

S’ÉVEILLE<br />

Au sortir de la Grande Guerre, les États-Unis<br />

entament une mue générale – industrie,<br />

économie, mœurs… – qui les porte sur le toit<br />

du monde. « Une ère nouvelle » qui charrie<br />

son lot d’illusions et de contradictions.<br />

PAR HÉLÈNE HARTER<br />

«<br />

wkimedia commons<br />

Les « rugissantes <strong>années</strong><br />

1920 » (Roaring Twenties),<br />

« Ère nouvelle », « Ère du<br />

jazz »… Les expressions<br />

pour désigner les Années<br />

<strong>folles</strong> aux États-Unis sont<br />

légion. Elles sont le signe d’une période<br />

perçue comme exceptionnelle, un<br />

temps sans précédent de changements<br />

et d’espoirs, mais également d’excès,<br />

qui ont conduit à la pire crise économique<br />

de l’Histoire, un temps où se<br />

mêlent modernité et conservatisme.<br />

<strong>L’Amérique</strong> <strong>des</strong> <strong>années</strong> 1920, c’est<br />

avant tout un pays porté par le capitalisme<br />

triomphant. À l’issue de la Première<br />

Guerre mondiale, les États-Unis<br />

deviennent la première puissance économique<br />

de la planète, devant la<br />

Grande-Bretagne. Le pays subit une<br />

crise au sortir du conflit, mais, à partir<br />

de 1922, ses 100 millions d’habitants<br />

connaissent une prospérité inédite.<br />

Avec un taux de croissance de 3 % et<br />

<strong>des</strong> revenus par habitant qui ne cessent<br />

de progresser, les Américains s’engagent<br />

sans état d’âme dans une quête<br />

de richesse qu’ils pensent sans fin.<br />

L’homme d’affaires est leur héros, à<br />

8 - Historia numéro Spécial


l’instar du personnage éponyme de<br />

Babbitt, le roman de Sinclair Lewis<br />

(1922). À Washington, le monde <strong>des</strong><br />

affaires prend le pouvoir. Andrew Mellon,<br />

le magnat de l’aluminium, occupe<br />

le poste de secrétaire au Trésor de<br />

mars 1921 à février 1932, pendant que<br />

le président Calvin Coolidge proclame<br />

en janvier 1925 que « le business de<br />

l’Amérique, c’est le business ». La fièvre<br />

de la Bourse gagne les Américains<br />

ordinaires. Le crédit, réprouvé jusquelà<br />

car contraire à l’éthique protestante<br />

du travail, devient la nouvelle manière<br />

de consommer. Il entretient une fièvre<br />

acheteuse qui est soutenue par <strong>des</strong><br />

campagnes de publicité d’une ampleur<br />

unique. Un American way of life est en<br />

train de se <strong>des</strong>siner, un mode de vie<br />

que les Européens ne connaîtront<br />

qu’au moment <strong>des</strong> Trente Glorieuses.<br />

UNE PÉRIODE DE MODERNITÉ<br />

Malgré l’euphorie générale, certains<br />

signes montrent cependant que l’économie<br />

n’est pas si solide que cela. Des<br />

inégalités demeurent. Les agriculteurs,<br />

par exemple, profitent peu de la prospérité.<br />

Surtout, le système est en surchauffe<br />

à la fin de la décennie. La<br />

croissance est trop dépendante du crédit,<br />

tandis que la spéculation effrénée<br />

est déconnectée de la valeur réelle de<br />

l’économie, comme le montrera le<br />

krach boursier de 1929. En attendant,<br />

l’heure est à l’optimisme ; un optimisme<br />

d’autant plus fort que la prospérité<br />

se double de l’accès au progrès<br />

pour le plus grand nombre. Les <strong>années</strong><br />

1920 sont une période de modernité<br />

pour beaucoup d’Américains. Pour la<br />

première fois de son histoire, le pays<br />

compte plus de citadins que de ruraux.<br />

Les villes connaissent un boom immobilier.<br />

À l’heure de la seconde révolution<br />

industrielle, elles bénéficient <strong>des</strong><br />

bienfaits de l’électricité : les rues se<br />

dotent d’un éclairage propice au développement<br />

de la vie nocturne ; les<br />

ascen seurs, entre autres équipements,<br />

permettent d’élever <strong>des</strong> constructions<br />

toujours plus haut.<br />

Verticale, la ville témoigne de la<br />

croissance d’une économie de services<br />

où le tertiaire prend de plus en plus<br />

d’importance, à côté d’une industrie<br />

qui prospère sous l’effet de la taylorisation<br />

du travail. Elle ne s’étend pas<br />

uniquement en hauteur. Elle déborde<br />

aussi les campagnes environnantes<br />

sous l’effet d’un développement inouï<br />

de l’automobile. Avec un véhicule pour<br />

six habitants, contre un pour 44 en<br />

France, les Américains inventent la<br />

civilisation de l’automobile. Elle donne<br />

naissance à de nouvelles banlieues, tel<br />

Beverly Hills, à Los Angeles, <strong>des</strong> quartiers<br />

résidentiels prisés par les classes<br />

moyennes et supérieures.<br />

La modernité se traduit également<br />

par de profon<strong>des</strong> transformations en<br />

matière culturelle. Portés par <strong>des</strong><br />

avancées technologiques, de nouveaux<br />

médias font leur apparition. La radio,<br />

notamment, est plébiscitée par <strong>des</strong><br />

Américains friands d’innovations. Elle<br />

fait connaître au plus grand nombre<br />

un genre musical jusque-là réservé<br />

quasi exclusivement à l’Amérique<br />

noire : le jazz. Cette musique est d’ailleurs<br />

le sujet d’une autre innovation<br />

majeure de cette époque : le cinéma<br />

parlant. En 1927, Le Chanteur de jazz<br />

révolutionne le septième art et contribue<br />

à en faire le loisir par excellence<br />

<strong>des</strong> Américains. L’industrie hollywoodienne<br />

attire <strong>des</strong> hommes d’affaires<br />

visionnaires, comme Joseph Kennedy.<br />

Elle contribue aussi à la transformation<br />

<strong>des</strong> mœurs.<br />

Les <strong>années</strong> 1920 sont marquées par<br />

<strong>des</strong> changements sociétaux sans précédent,<br />

sous l’effet de la guerre, mais<br />

aussi du recul du fait religieux. L’organisation<br />

patriarcale de la société est<br />

profondément remise en question. En<br />

<strong>1919</strong>, les Américaines obtiennent le<br />

droit de vote. Nombre d’entre elles travaillent.<br />

Surtout, leur apparence physique<br />

et vestimentaire change. Les<br />

À LA VERTICALE<br />

Le tissu urbain s’étire autour <strong>des</strong><br />

villes, pendant que le gratte-ciel, quantité<br />

négligeable avant 14-18, s’érige<br />

en symbole de la puissance industrielle.<br />

En 1929, le pays compte quelque<br />

400 de ces tours.• Chrysler Building,<br />

1928-1930, Manhattan, New York.<br />

9 - Juillet-août 2019


ENNEMIS<br />

PUBLICS N° 1<br />

À la terrible et Grande Guerre menée sur le Vieux Continent succède une<br />

décennie de croissance et d’insouciance que les Américains appelleront les<br />

« Années rugissantes »… de plaisir, certainement. Pas trop quand même,<br />

les bonnes gens veillent et obtiennent que l’alcool soit banni du pays. Au<br />

régime sec, les fêtards ! Pas trop quand même non plus, répondent les<br />

malfrats, qui profiteront de l’occasion pour s’enrichir en relançant la<br />

production et en assurant le transport et le commerce de tous les<br />

spiritueux possibles. Mais surtout pour organiser le crime<br />

sur le modèle <strong>des</strong> entreprises florissantes made in<br />

USA, promises à un bel avenir – comme ces<br />

mafieux nouvelle génération…<br />

KEYSTONE-FRANCE<br />

Photo de production du film Lucky<br />

Luciano (1974), de Francesco Rosi.


0<br />

ENNEMIS PUBLICS N 1<br />

Aurimages<br />

Le mafieux photographié par<br />

les services de police de New<br />

York après son arrestation pour<br />

proxénétisme en 1936.<br />

44 - Historia numéro Spécial


LUCKY LUCIANO,<br />

LE PÉRIL JEUNE<br />

La prohibition a valeur de galop d’essai pour « le Roi de la gnôle »,<br />

qui gravit tous les échelons. Jusqu’à renverser l’ancien<br />

monde, celui <strong>des</strong> don gominés, inadapté aux réalités américaines.<br />

PAR OLIVIER TOSSERI<br />

La Mafia est née en Italie, le<br />

pays du code de l’honneur.<br />

Le crime organisé, lui, a vu<br />

le jour aux États-Unis, la<br />

patrie du taylorisme. Lucky<br />

Luciano est à l’origine de la<br />

transformation du royaume de la<br />

pègre en empire du crime. Avec lui,<br />

« boss mafieux » n’est pas un simple<br />

titre, c’est un emploi comparable à<br />

celui de patron d’une grande entreprise.<br />

« Je parie que notre compagnie<br />

était plus grande que celle de Henry<br />

Ford, se souvient Lucky Luciano dans<br />

ses Mémoires. On contrôlait <strong>des</strong> usines,<br />

<strong>des</strong> entrepôts, <strong>des</strong> ateliers ; on avait<br />

une flottille de bateaux et <strong>des</strong> chauffeurs<br />

de camions, <strong>des</strong> comptables, <strong>des</strong><br />

importateurs et <strong>des</strong> exportateurs. Tout<br />

ce qu’il faut pour n’importe quel commerce,<br />

et on en avait plus que les<br />

autres. Bien <strong>des</strong> gens m’ont dit par la<br />

suite que si j’avais voulu appliquer mes<br />

talents à un business légal, j’en aurais<br />

fait un gros succès. Mais je n’y aurais<br />

pas autant pris mon pied. » Lucky<br />

Luciano s’appelle encore Salvatore<br />

The Mob Museum<br />

FICHE D’IDENTITÉ<br />

Né le : 24 novembre 1897, à Lercara Friddi,<br />

en Sicile (Italie)<br />

Mort le : 26 janvier 1962, à Naples (Italie)<br />

Surnoms : Lucky, Roi de la gnôle<br />

Gang attitré : Five Points Gang<br />

Célèbre méfait : à l’origine de<br />

l’assassinat <strong>des</strong> boss Giuseppe Masseria<br />

et Salvatore Maranzano<br />

Péché mignon : les vêtements luxueux,<br />

dont les sous-vêtements en soie<br />

Héritier : Frank Costello<br />

LUCKY<br />

LUCIANO<br />

Lucania, lorsqu’il le pose, le pied, pour<br />

la première fois à New York, en 1906.<br />

Il y arrive avec sa famille, de Lercara<br />

Friddi, en Sicile, où il est né neuf ans<br />

plus tôt. Son histoire est celle, banale,<br />

de l’immigration italienne de l’époque.<br />

Celle de la misère partagée avec les<br />

nombreux Calabrais, Siciliens et Napolitains<br />

qui s’entassent dans le quartier<br />

juif de Lower East Side, à Man hattan.<br />

Son <strong>des</strong>tin, au contraire, est exceptionnel<br />

– dicté par sa soif de revanche<br />

sociale et… la soif au sens propre de<br />

millions d’Américains. Le 29 janvier<br />

<strong>1919</strong>, le Congrès ratifie le 18 e amendement<br />

de la Constitution <strong>des</strong> États-Unis,<br />

qui sera entériné quelques mois plus<br />

tard par le Volstead Act.<br />

L’ÉCOLE DE LA RUE<br />

Fini l’importation, l’exportation, la<br />

vente et le transport de boissons alcooliques<br />

sur l’ensemble du territoire (lire<br />

p. 12-15). Les Roaring Twenties, les<br />

« <strong>années</strong> 1920 rugissantes » de l’Amérique,<br />

commencent par la prohibition.<br />

C’est le carburant du moteur du grand<br />

banditisme. L’ivresse de l’après-guerre<br />

ne peut pas être procurée uniquement<br />

par la prospérité économique. Des bars<br />

clan<strong>des</strong>tins <strong>des</strong> quartiers populaires<br />

45 - Juillet-août 2019

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