04 Vendredi 30 mai 2008 PORTRAIT Heureux qui comme Ulysse... © SANDRINE MANGENOT Le Brondillant Patrice Thomas part aujourd’hui pour un raid en longboard à travers la Croatie. Il va parcourir environ 2000 kilomètres sur une planche à roulettes pour redécouvrir à sa manière la patrie de son père Si vous passez par les routes de Croatie cet été, vous croiserez peut-être un drôle de personnage sur une longue planche à roulettes. Sac sur le dos, cheveux au vent, barbe de trois jours, baskets aux pieds, vous allez le doubler en vous demandant ce qu’il fait là, à rouler sur cette route côtière, loin de tout. Il voyage. De manière un peu atypique, certes, et un peu plus risquée aussi. L’année dernière, Patrice avait attaqué le même raid mais son périple s’était arrêté après un accident : une voiture a pilé juste devant lui et il a eu trois semaines d’immobilisation à cause d’une blessure au talon. Cette année, il espère que tout se passera sans encombres et qu’il pourra parcourir les 2000 kilomètres de Trieste, en Italie, à la capitale croate Zagreb en faisant, comme il le prévoit, le tour du pays. Son voyage n’est pas une course contre la montre. Bien au contraire. Même s’il va parcourir en moyenne 30 à 40 kilomètres par jour, Patrice veut avant tout découvrir des paysages et aller à la rencontre des gens. L’histoire fait immanquablement penser à un film de Tony Gatlif. Personnages sur la route, rencontres éphémères qui changent le cours d’une journée... ou celui d’une vie. « Rencontrer des gens, c’est magique. On a toujours l’impression de voir des personnes magnifiques car on n’a pas le temps de découvrir leurs côtés négatifs. Je vis au jour le jour et le voyage est comme une drogue pour moi ». Comme une drogue mais aussi un mode de vie qui lui colle à la peau depuis l’enfance : Patrice a grandi dans une caravane avec sa famille qui était semi-sédentaire. Le mouvement est inscrit dans ses gènes. Du Croate, il ne connaît que quelques mots mais certaines sonorités sont proches du romani, la langue de son père tzigane. « Mon père, qui est décédé maintenant, est né en Croatie. J’ai encore de la famille làbas et je vais, tout au long de mon voyage, regarder si je peux retrouver leur trace » raconte cet homme de 43 ans qui protège jalousement son indépendance. Regard bleu, peau mate et tatouages lui remontant le long des bras, Patrice détonne pour son âge. Sur son longboard, dont il ne se sépare quasiment jamais, il ressemblerait presque à un jeune homme de 20 ans n’était son visage marqué par l’âge et sans doute aussi par la maladie : « Je suis sorti d’une longue maladie il y a un peu plus d’un an. J’ai été alité pendant 6 mois. Quand j’ai été rétabli, j’ai décidé de faire un grand raid en longboard par an ». La passion du skate lui est venue très jeune lorsqu’un oncle lui a ramené une planche. Depuis, c’est devenu son moyen de locomotion habituel. En Croatie, Patrice part avec un longboard allemand spécialement conçu pour les raids et des roues « à la gomme quasiment inusable ». Il faut bien cela pour parcourir les routes du pays de ses aïeux. Sandrine Mangenot