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L'Empreinte - Livre 1 - Julie Lunaires

EMPREINTE, subst. fém. - Marque, forme laissée par la pression d’un corps sur une surface. Qu’en est-il de l’empreinte de nos émotions ? De nos réflexions ? De nos choix de vie ? C’est en partie pour répondre à ces questions que cet ouvrage est pensé comme une empreinte. Une empreinte à la fois visuelle et spirituelle qui photographie l’instant d’une existence, de choix faits, de routes empruntées jusqu’à celle qui mène la personne face à mon objectif. Cet travail nécessite de la part du sujet une totale spontanéité et résulte d’une relation établie au fil de plusieurs entretiens. D’abord dans la neutralité de mon studio, ensuite chez la personne et enfin au coeur d’un lieu symbolique, qui établit un lien entre elle et son histoire personnelle. Il n’y a pas matière au jugement ou au voyeurisme, il y est simplement question de liberté de parole. D'aborder sa propre histoire sans posture ni artifice. Dans notre société moderne et occidentale, les interactions humaines sont de plus en plus courtes quand elles ne sont pas virtuelles. Nos émotions sont constamment invitées à être les plus brèves et les plus intenses possible. Il s'agit donc dans cet ouvrage, d'observer et d'apprendre. De donner le temps à une histoire, à une personnalité pour s'exprimer, physiquement et intellectuellement. D'aborder des sujets dont nous ne discutons la plupart du temps qu'avec nous-même. A travers ces portraits, je souhaite extraire la parole et la pensée profonde de personnes qui ont su reconquérir leur identité ou qui mènent cette recherche. Se rencontrer malgré les attentes et les pressions extérieures. Désapprendre pour s'émanciper. Laisser une trace. Aussi futile que soit l'idée. Mettre en lumière l'individu, l'empreinte de son passage.

EMPREINTE, subst. fém.
- Marque, forme laissée par la pression d’un corps sur une surface.

Qu’en est-il de l’empreinte de nos émotions ? De nos réflexions ? De nos choix de vie ?

C’est en partie pour répondre à ces questions que cet ouvrage est pensé comme une empreinte.

Une empreinte à la fois visuelle et spirituelle qui photographie l’instant d’une existence, de choix faits, de routes empruntées jusqu’à celle qui mène la personne face à mon objectif.

Cet travail nécessite de la part du sujet une totale spontanéité et résulte d’une relation établie au fil de plusieurs entretiens. D’abord dans la neutralité de mon studio, ensuite chez la personne et enfin au coeur d’un lieu symbolique, qui établit un lien entre elle et son histoire personnelle.

Il n’y a pas matière au jugement ou au voyeurisme, il y est simplement question de liberté de parole. D'aborder sa propre histoire sans posture ni artifice.

Dans notre société moderne et occidentale, les interactions humaines sont de plus en plus courtes quand elles ne sont pas virtuelles. Nos émotions sont constamment invitées à être les plus brèves et les plus intenses possible.

Il s'agit donc dans cet ouvrage, d'observer et d'apprendre. De donner le temps à une histoire, à une personnalité pour s'exprimer, physiquement et intellectuellement. D'aborder des sujets dont nous ne discutons la plupart du temps qu'avec nous-même.

A travers ces portraits, je souhaite extraire la parole et la pensée profonde de personnes qui ont su reconquérir leur identité ou qui mènent cette recherche. Se rencontrer malgré les attentes et les pressions extérieures. Désapprendre pour s'émanciper.

Laisser une trace. Aussi futile que soit l'idée. Mettre en lumière l'individu, l'empreinte de son passage.

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EMPREINTE, subst. fém.

- Marque, forme laissée par la pression d’un corps sur une surface.

Qu’en est-il de l’empreinte de nos émotions ? De nos réflexions ? De

nos choix de vie ?

C’est en partie pour répondre à ces questions que cet ouvrage est

pensé comme une empreinte.

Une empreinte à la fois visuelle et spirituelle qui photographie

l’instant d’une existence, de choix faits, de routes empruntées

jusqu’à celle qui mène la personne face à mon objectif.

Cet travail nécessite de la part du sujet une totale spontanéité et

résulte d’une relation établie au fil de plusieurs entretiens. D’abord

dans la neutralité de mon studio, ensuite chez la personne et enfin

au coeur d’un lieu symbolique, qui établit un lien entre elle et son

histoire personnelle.

Il n’y a pas matière au jugement ou au voyeurisme, il y est simplement

question de liberté de parole. D'aborder sa propre histoire

sans posture ni artifice.

Dans notre société moderne et occidentale, les interactions

humaines sont de plus en plus courtes quand elles ne sont pas

virtuelles. Nos émotions sont constamment invitées à être les plus

brèves et les plus intenses possible.

Il s'agit donc dans cet ouvrage, d'observer et d'apprendre. De

donner le temps à une histoire, à une personnalité pour s'exprimer,

physiquement et intellectuellement. D'aborder des sujets dont nous

ne discutons la plupart du temps qu'avec nous-même.

A travers ces portraits, je souhaite extraire la parole et la pensée

profonde de personnes qui ont su reconquérir leur identité ou qui

mènent cette recherche. Se rencontrer malgré les attentes et les

pressions extérieures. Désapprendre pour s'émanciper.

Laisser une trace. Aussi futile que soit l'idée. Mettre en lumière

l'individu, l'empreinte de son passage.


EMPREINTE, subst. fém.

- Marque, forme laissée par la pression d’un corps sur une surface.

Qu’en est-il de l’empreinte de nos émotions ? De nos réflexions ? De

nos choix de vie ?

C’est en partie pour répondre à ces questions que cet ouvrage est

pensé comme une empreinte.

Une empreinte à la fois visuelle et spirituelle qui photographie

l’instant d’une existence, de choix faits, de routes empruntées

jusqu’à celle qui mène la personne face à mon objectif.

Cet travail nécessite de la part du sujet une totale spontanéité et

résulte d’une relation établie au fil de plusieurs entretiens. D’abord

dans la neutralité de mon studio, ensuite chez la personne et enfin

au coeur d’un lieu symbolique, qui établit un lien entre elle et son

histoire personnelle.

Il n’y a pas matière au jugement ou au voyeurisme, il y est simplement

question de liberté de parole. D'aborder sa propre histoire

sans posture ni artifice.

Dans notre société moderne et occidentale, les interactions

humaines sont de plus en plus courtes quand elles ne sont pas

virtuelles. Nos émotions sont constamment invitées à être les plus

brèves et les plus intenses possible.

Il s'agit donc dans cet ouvrage, d'observer et d'apprendre. De

donner le temps à une histoire, à une personnalité pour s'exprimer,

physiquement et intellectuellement. D'aborder des sujets dont nous

ne discutons la plupart du temps qu'avec nous-même.

A travers ces portraits, je souhaite extraire la parole et la pensée

profonde de personnes qui ont su reconquérir leur identité ou qui

mènent cette recherche. Se rencontrer malgré les attentes et les

pressions extérieures. Désapprendre pour s'émanciper.

Laisser une trace. Aussi futile que soit l'idée. Mettre en lumière

l'individu, l'empreinte de son passage.


EMPREINTE, subst. fém.

- Marque, forme laissée par la pression d’un corps sur une surface.

Qu’en est-il de l’empreinte de nos émotions ? De nos réflexions ? De

nos choix de vie ?

C’est en partie pour répondre à ces questions que cet ouvrage est

pensé comme une empreinte.

Une empreinte à la fois visuelle et spirituelle qui photographie

l’instant d’une existence, de choix faits, de routes empruntées

jusqu’à celle qui mène la personne face à mon objectif.

Cet travail nécessite de la part du sujet une totale spontanéité et

résulte d’une relation établie au fil de plusieurs entretiens. D’abord

dans la neutralité de mon studio, ensuite chez la personne et enfin

au coeur d’un lieu symbolique, qui établit un lien entre elle et son

histoire personnelle.

Il n’y a pas matière au jugement ou au voyeurisme, il y est simplement

question de liberté de parole. D'aborder sa propre histoire

sans posture ni artifice.

Dans notre société moderne et occidentale, les interactions

humaines sont de plus en plus courtes quand elles ne sont pas

virtuelles. Nos émotions sont constamment invitées à être les plus

brèves et les plus intenses possible.

Il s'agit donc dans cet ouvrage, d'observer et d'apprendre. De

donner le temps à une histoire, à une personnalité pour s'exprimer,

physiquement et intellectuellement. D'aborder des sujets dont nous

ne discutons la plupart du temps qu'avec nous-même.

A travers ces portraits, je souhaite extraire la parole et la pensée

profonde de personnes qui ont su reconquérir leur identité ou qui

mènent cette recherche. Se rencontrer malgré les attentes et les

pressions extérieures. Désapprendre pour s'émanciper.

Laisser une trace. Aussi futile que soit l'idée. Mettre en lumière

l'individu, l'empreinte de son passage.


EMPREINTE, subst. fém.

- Marque, forme laissée par la pression d’un corps sur une surface.

Qu’en est-il de l’empreinte de nos émotions ? De nos réflexions ? De

nos choix de vie ?

C’est en partie pour répondre à ces questions que cet ouvrage est

pensé comme une empreinte.

Une empreinte à la fois visuelle et spirituelle qui photographie

l’instant d’une existence, de choix faits, de routes empruntées

jusqu’à celle qui mène la personne face à mon objectif.

Cet travail nécessite de la part du sujet une totale spontanéité et

résulte d’une relation établie au fil de plusieurs entretiens. D’abord

dans la neutralité de mon studio, ensuite chez la personne et enfin

au coeur d’un lieu symbolique, qui établit un lien entre elle et son

histoire personnelle.

Il n’y a pas matière au jugement ou au voyeurisme, il y est simplement

question de liberté de parole. D'aborder sa propre histoire

sans posture ni artifice.

Dans notre société moderne et occidentale, les interactions

humaines sont de plus en plus courtes quand elles ne sont pas

virtuelles. Nos émotions sont constamment invitées à être les plus

brèves et les plus intenses possible.

Il s'agit donc dans cet ouvrage, d'observer et d'apprendre. De

donner le temps à une histoire, à une personnalité pour s'exprimer,

physiquement et intellectuellement. D'aborder des sujets dont nous

ne discutons la plupart du temps qu'avec nous-même.

A travers ces portraits, je souhaite extraire la parole et la pensée

profonde de personnes qui ont su reconquérir leur identité ou qui

mènent cette recherche. Se rencontrer malgré les attentes et les

pressions extérieures. Désapprendre pour s'émanciper.

Laisser une trace. Aussi futile que soit l'idée. Mettre en lumière

l'individu, l'empreinte de son passage.


« La jalousie tue l'amour, mais pas le désir. Là réside la

véritable souffrance de la passion trahie. On hait la femme

qui a rompu le pacte d'amour, mais on continue à la désirer

parce que sa trahison est la preuve de sa propre

passion. »

Carlos Fuentes


Julie Lunaires


EMPREINTE, subst. fém.

- Marque, forme laissée par la pression d’un corps sur une surface.

Qu’en est-il de l’empreinte de nos émotions ? De nos réflexions ? De

nos choix de vie ?

C’est en partie pour répondre à ces questions que cet ouvrage est

pensé comme une empreinte.

Une empreinte à la fois visuelle et spirituelle qui photographie

l’instant d’une existence, de choix faits, de routes empruntées

jusqu’à celle qui mène la personne face à mon objectif.

Cet travail nécessite de la part du sujet une totale spontanéité et

résulte d’une relation établie au fil de plusieurs entretiens. D’abord

dans la neutralité de mon studio, ensuite chez la personne et enfin

au coeur d’un lieu symbolique, qui établit un lien entre elle et son

histoire personnelle.

Il n’y a pas matière au jugement ou au voyeurisme, il y est simplement

question de liberté de parole. D'aborder sa propre histoire

sans posture ni artifice.

Dans notre société moderne et occidentale, les interactions

humaines sont de plus en plus courtes quand elles ne sont pas

virtuelles. Nos émotions sont constamment invitées à être les plus

brèves et les plus intenses possible.

Il s'agit donc dans cet ouvrage, d'observer et d'apprendre. De

donner le temps à une histoire, à une personnalité pour s'exprimer,

physiquement et intellectuellement. D'aborder des sujets dont nous

ne discutons la plupart du temps qu'avec nous-même.

A travers ces portraits, je souhaite extraire la parole et la pensée

profonde de personnes qui ont su reconquérir leur identité ou qui

mènent cette recherche. Se rencontrer malgré les attentes et les

pressions extérieures. Désapprendre pour s'émanciper.

Laisser une trace. Aussi futile que soit l'idée. Mettre en lumière

l'individu, l'empreinte de son passage.


« J’ai besoin de temps pour réfléchir, pour répondre. Il faut que je réfléchisse parfois pour

trouver le fond de ma pensée. »

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Ne te sens pas analysée, surtout pas... Je ne suis pas un

psy et je n’ai envie d'être le psy de personne. On est souvent

le psy de ses ex. D'ailleurs pourquoi il continue de t'appeler

quand il va mal ?

Déjà, il s’est excusé de l’avoir fait. Parce que je ne

pouvais rien faire pour lui et qu'il aurait dû appeler

quelqu'un qui était en mesure de l'aider. Je n'étais pas

cette personne. S'il m'appelle moi c'est parce qu'on a

un lien très fort depuis 12 ans.

T'as toujours été comme un ancrage pour lui ?

C’est devenu pesant à force mais oui. Quand je l'ai

connu, il n'était pas chanteur mais il était déjà pétri

d'angoisse. J'ai très vite pris ce rôle dans sa vie, d’apaiser

ses angoisses. Au départ c'est plutôt gratifiant

parce que tu arrives à faire aller mieux la personne,

sans être son psy mais en le rassurant, en lui faisant

entendre raison. On a gardé ce fonctionnement tout le

temps. Ça s'est accentué avec le succès évidemment.

Et aujourd'hui malgré la séparation… Ça continue.

Et toi tu avais la possibilité de lui parler de tes angoisses ?

J’en avais évidemment, mais pas autant que lui,

mais ça marchait moins bien dans ce sens-là. Quand il

me déverse ses angoisses c'est dans le but que je

l'apaise et que je trouve des solutions, ce que je

parviens à faire généralement. Quand moi je lui parle

de mes angoisses c'est juste pour qu'ils les entendent

et ce n’est pas forcément ce qu'il se passe. Il va plus

être dans l'action et trouver des solutions tout de suite.

Or ce n’est pas ce que j'attends de lui. Enfin ce que

n’est pas forcément ce qu'il se passe. Il va plus être

dans l'action et trouver des solutions tout de suite. Or

ce n’est pas ce que j'attends de lui. Enfin ce que j'attendais

de lui. Il y a un problème d'écoute assez grand

dans notre couple. Ex-couple.

J'étais à l'écoute mais je pense que Jerôme ne sait

pas m'écouter... Il aimerait que je me confie mais à

force de ne pas me sentir écoutée, je me suis de moins

en moins confiée à lui, voire plus du tout et ça à créer

un décalage. Quand bien même, aujourd'hui on est

séparés, mais ça reste la personne que j'ai envie

d'appeler quand ça ne va pas.

C'est né de l'habitude ou c'est parce qu'il n'y a pas

d'autres gens à qui tu te sens de te confier ?

C'est plus qu'une habitude, c'est mon alter ego.

C'est la première personne à qui j'ai envie de raconter

quelque chose, aujourd'hui encore. Je suis obligé de

me freiner vachement. Après c'est très paradoxal

parce que j'ai extrêmement peur de son jugement. J'ai

placé Jerôme sur un piédestal. Je dis à tout le monde et

je trouve qu'il est extraordinaire. C'est ce qu'il est :

Extra Ordinaire. Pas ordinaire. J'ai l'impression que

tout ce que je fais n'est jamais à la hauteur de ce que lui

pourrait faire et je cherche son aval mais sans supporter

l'idée de ne pas l'avoir.

Par exemple j'ai écrit une nouvelle et dans un élan

de vouloir partager ça avec lui, je lui ai envoyé par mail,

en lui précisant bien que j'avais déjà envoyé la nouvelle

au concours et que de ce fait je ne pourrai pas revenir

dessus. Je lui ai simplement dit, je te la partage parce

que j'ai mis du temps à l'écrire et j'en suis assez fière.

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suis beaucoup inspirée de sa mère pour un des

personnages. C'est un concours d'écriture de la région

PACA, donc sa région. Ça parle de paysages et de

décors qu'il connaît, donc il y avait beaucoup de

Jerôme dans cette nouvelle, même si ce n’était pas le

sujet.

Je lui ai envoyée et sa réponse était un peu plate

même s'il a bien noté qu'il y avait des références à lui et

à sa région. On s'est revus peu de temps après et il m'a

dit : "Tu sais pour ta nouvelle, j'aurais 2 ou 3 conseils

d'écriture à te donner, qui te feraient vraiment passer

un cap..." Et ça par exemple tu vois je ne suis pas

capable de l'entendre.

J'étais là du genre Hein ? OK ! Et là il me dit “non

mais tu sais Gaël Faye il a écrit "Petit pays" main dans la

main avec son éditrice…”

Oui mais tu n'es pas mon éditeur ! Puis dans tous

les cas je n’ai pas la prétention d'écrire de la poésie,

c'était juste une nouvelle. Donc c'est toujours contradictoire,

à la fois j'attends qu'il valide ce que je fais mais

ça n'arrivera pas. Je cherchais juste son soutien, qu'il

soit fier de ce que je fais.

Est-ce que tu sens que tu as besoin de la fierté d'un «

autre » ou des « autres » ?

Bien sûr de toute façon t'écris pour les autres, tu

n'écris pas pour toi.

Là ce n’est pas tes lecteurs, ce n’est pas la même chose.

Si justement je l'ai placé en tant que lecteur.

Tu sais bien que c'est faux. S'il lisait une nouvelle de

n'importe qui d’autre, il ne se permettrait pas de lui écrire :

"Je vais te faire passer un cap en t'apprenant à écrire".

Pour ton écriture, tu me dis que tu cherches son agrément

mais au cours de ta vie est-ce que l'agrément des autres a été

quelque chose d'important ? Par exemple quand tu étais

enfant, est-ce que l'assentiment de tes parents c'était important

pour toi ?

Oui de ma mère. Il y a beaucoup de similitude entre

ce que je dis là sur Jerôme et ce que je pourrais dire sur

ma mère. Je pense que je me suis construite en opposition

à ma mère. Clairement, elle n'approuve aucun de

mes choix.

Toi tu y vois une opposition à ta mère mais est-ce qu’on

ne pourrait pas y voir simplement une décision d’adulte ?

Non il y avait quand même cette angoisse, de ne

pas rester dans la même boite toute ma vie comme

elle.

Quand t'étais gamine c'était pareil ? Qu'est-ce qui te fait

peur dans le fait de ressembler à ta mère ?

Ma mère est passée à côté de sa vie.

C'est ce qu'elle dit ou c'est ce que tu penses ?

C'est ce que je pense et je crois que c’est ce qu’elle

dit en partie aussi. Ma mère dit qu'on lui a volé 10 ans

de sa vie. Elle a été très malade, elle a eu un cancer du

sein quand j'avais 10 ans et elle en avait 32. Ensuite elle

a fait 2 récidives, donc vraiment 10 ans de maladie

intense. Elle s'en est finalement bien sortie pour

l'époque, c'est presque un miracle. Je ne me souviens

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14


pas de ma mère avant la maladie ou très peu. J'ai des

bribes de souvenirs plutôt joyeux mais c'est vraiment

lointain. J’en ai très peu mais ils sont très positifs. Une

mère très attentionnée, très présente mais ensuite elle

a été malade. Lorsqu’elle a guéri elle est restée malade.

Elle est restée dans cette posture de victime.

Tu veux dire qu'elle a enfilé un costume de victime

lorsqu'elle était malade ?

Légitimement oui. Victime c'est peut-être un peu

fort mais elle avait besoin d'attention, d'assistance et

elle est restée dans cette posture. Elle n'a plus jamais

pris de décisions, elle en est incapable. Incapable de

prendre un risque. Mon père prend les décisions

pour elle, il lui en impose même sinon elle ne bouge

pas.

Pour te montrer son immobilisme, je vais te donner

un exemple. Mes enfants n'ont jamais dormi chez eux,

sauf une fois peut être… Mon ainé a 8 ans et l'autre 5

ans. Ma mère voulait les accueillir dans un canapé

convertible mais elle n'arrivait pas à le choisir... Il

fallait en acheter un et elle n'arrivait pas à se décider.

Aujourd’hui ça y est, elle a le canapé mais elle n'a pas

acheté les draps qui vont sur le canapé lit. Du coup ils

n'ont toujours pas dormi chez eux…

Tu crois que c'est une manifestation de son immobilisme

ou ça peut vouloir dire qu’elle n’a pas envie de les recevoir ?

Non je pense c'est son immobilisme mais il est

possible que comme elle a l'impression qu'on lui a volé

10 ans de maternité, elle ne soit pas prête à être

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grand-mère. Elle ne peut pas se projeter comme

grand-mère car elle a peut-être la sensation d'avoir

déjà raté son rôle de mère. De ne pas avoir pu en

profiter. L'immobilisme de ma mère me fait extrêmement

peur.

J'ai comptabilisé le nombre de déménagements

que j'ai fait depuis que je suis partie de chez mes

parents et il se chiffre à 8 quand même haha. A chaque

fois y'a une bonne raison hein mais. Le départ de chez

mes parents, ensuite installation en colloc puis j'ai

rencontré Jerôme, on s'est installés ensemble, après

notre premier enfant, l'appart est devenu trop petit

donc on a déménagé puis j'ai trompé Jerôme… De ce

fait, cet appartement est devenu le symbole de cet

adultère donc c'était plus possible d'y rester. On a

déménagé à nouveau pour essayer de repartir sur une

nouvelle base. Puis la Réunion, puis maintenant, puis

re-maintenant.

Finalement je pense que les raisons pour lesquelles

je me suis mise avec Jerôme sont très liées à ma mère.

Je pense que tu te mets avec quelqu'un pour certaines

raisons et que tu le quittes pour ces mêmes raisons au

bout d’un certain temps. Je pense que je suis tombée

amoureuse de Jerôme parce qu'il était extraordinaire,

extravagant, fou et qu'il m'a ouvert au milieu artistique

qui était en moi alors que ce n’était pas du tout le cas

dans mon contexte familial. Chez moi on fait du

marketing, on bosse en entreprise, métro boulot, dodo

et c'est ça la vie.

Quand j'ai rencontré Jerôme et ses copains, ils

étaient graphistes, chanteurs, photographes et j'étais

là genre “WOW” tu peux vivre de ton art, ou en tout

cas essayer, c'est complètement dingue.

Et c'est pour ça que tu le quittes aujourd'hui ?

Non, c'est plus pour le côté fou, extravagant et

instable. Je l'ai quitté parce que je me sentais étouffée,

oppressée et je n'avais plus de place pour moi. Attention

il a pris la place que je lui ai laissée.

Les torts sont toujours partagés mais en tout cas je

suffoquais. Je me sentais comme une infirmière, à tout

le temps apaiser ses angoisses, le rassurer, lui dire que

“bien sûr, tu vas y arriver”...

J'ai toujours cru qu'il y arriverait. Le problème c'est

qu'il n'y avait pas de hiérarchie dans ses angoisses.

Tout était grave. Un hater sur twitter c'est la catastrophe,

un single qui marche pas c'est la catastrophe, un ami qui

répond pas c'est la catastrophe aussi. Ça m'a saoulée au

bout d'un moment, tu ne peux pas tout mettre sur un

même niveau.

Parce que toi foncièrement tu n'es pas comme ça ?

Je ne sais même plus ce que je suis… Je pense que

dans tous les cas, quand y'en a un qui rassure trop

l'autre, on s'en lasse forcément. Dans les 2 sens, des 2

côtés. C'est-à-dire que, pour celui qui a besoin d'être

rassuré, l'autre devient une sorte d’infirmière et

honnêtement ce n’est pas sexy. Parce que les gens qui

ont besoin d'être beaucoup rassurés, ont aussi besoin

pour être séduit, que l'autre leur fasse peur. Je pense

que je faisais très peur à Jerôme.

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« Je pense que tu te mets avec quelqu’un pour certaines raisons et que tu le quittes pour ces

mêmes raisons au bout d’un certain temps. »

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EMPREINTE, subst. fém.

- Marque, forme laissée par la pression d’un corps sur une surface.

Qu’en est-il de l’empreinte de nos émotions ? De nos réflexions ? De

nos choix de vie ?

C’est en partie pour répondre à ces questions que cet ouvrage est

pensé comme une empreinte.

Une empreinte à la fois visuelle et spirituelle qui photographie

l’instant d’une existence, de choix faits, de routes empruntées

jusqu’à celle qui mène la personne face à mon objectif.

Cet travail nécessite de la part du sujet une totale spontanéité et

résulte d’une relation établie au fil de plusieurs entretiens. D’abord

dans la neutralité de mon studio, ensuite chez la personne et enfin

au coeur d’un lieu symbolique, qui établit un lien entre elle et son

histoire personnelle.

Il n’y a pas matière au jugement ou au voyeurisme, il y est simplement

question de liberté de parole. D'aborder sa propre histoire

sans posture ni artifice.

Dans notre société moderne et occidentale, les interactions

humaines sont de plus en plus courtes quand elles ne sont pas

virtuelles. Nos émotions sont constamment invitées à être les plus

brèves et les plus intenses possible.

Il s'agit donc dans cet ouvrage, d'observer et d'apprendre. De

donner le temps à une histoire, à une personnalité pour s'exprimer,

physiquement et intellectuellement. D'aborder des sujets dont nous

ne discutons la plupart du temps qu'avec nous-même.

A travers ces portraits, je souhaite extraire la parole et la pensée

profonde de personnes qui ont su reconquérir leur identité ou qui

mènent cette recherche. Se rencontrer malgré les attentes et les

pressions extérieures. Désapprendre pour s'émanciper.

Laisser une trace. Aussi futile que soit l'idée. Mettre en lumière

l'individu, l'empreinte de son passage.


C'est peut-être une des raisons pour lesquelles ça a duré

aussi longtemps ?

Il m'a toujours trouvée mystérieuse et c'était sa plus

grande angoisse.

Oui mais en même temps c'est excitant. Même si on peut

ne pas l'admettre. On court toujours après la fidélité de

l'autre mais quand elle est acquise, quelque part l'autre

nous emmerde. Dans tous les cas elle n'est jamais acquise,

on ne peut que la souhaiter.

Je ne suis même pas sûre que ce soit souhaitable. Je

ne suis même plus sûre de ça. Le plus important, il me

semble, c'est d'être bien ensemble et peut-être peu

importe ce qu'il se passe à côté. Tu prends le risque de

rencontrer un autre amour, un grand risque.

Mais est-ce qu'il n'existe pas même quand on est fidèle ?

Si justement, alors est-ce que ça nourrit pas moins

de frustration ? Je ne sais pas mais en tout cas je n'ai

plus du tout la même vision de la fidélité aujourd'hui

qu'à 22 ans. Quand je suis tombée amoureuse de

Jerôme, je me suis dit jamais je ne le tromperai c'est

impossible, tellement je l'aime, tellement il est parfait.

Je ne vois que lui, je n'aime que lui.

En fait je ne suis pas sûre que tu puisses te nourrir

et te satisfaire d'une seule personne toute ta vie. Ou

alors il faut vraiment réussir à se réinventer. Je n'y suis

pas parvenue en tout cas.

Enfin ce n'est pas que je n'ai pas réussi à me

réinventer mais je me suis perdue. Aujourd’hui j'essaie

de me retrouver. Je ne parle même pas de me réinventer.

Tu t'es perdue quand vous étiez ensemble ?

Oui, on s'est déjà séparés une fois (en 2016 je crois)

et j'étais déjà perdue. Ça coïncide avec mon départ de

l'Express. En fait de ne plus avoir de travail, j'avais

l'impression de ne plus avoir d'existence sociale et j'ai

sombré profondément.

Je suis partie parce qu'il y avait une clause de

cession qui me permettait de partir avec le chômage et

un bon chèque. Je me suis dit, quitte à bouger, autant

partir avec un peu de sous et avoir un peu de temps

pour réfléchir à ce que je vais faire. Parce que la façon

dont évoluait le journalisme web ne me convenait plus

et je me suis dit qu'il fallait que je trouve une autre voie

mais pas forcément une autre profession. Une autre

façon d'exercer mon métier en tout cas.

Du coup je voulais prendre un peu de temps pour

réfléchir à ça. Mais je n'y suis pas du tout arrivée. Ce

qui est terrible c'est que si je dézoome, je suis restée

inactive pendant 6 mois, ce qui n'est pas grand-chose.

Pendant ces 6 mois j'ai été très créative, sans que pour

autant ça débouche sur quelque chose de rentable. Je

cherchais un emploi sans vraiment savoir comment

faire parce que je n'avais jamais cherché de travail. Je

passais la journée devant mon ordi à actualiser les

annonces. Je postulais absolument à tout, sans savoir

ce que je voulais faire.

J'ai même essayé de piger mais ça je crois que je ne

sais pas faire Trouver des idées de sujet en dehors

d'une rédaction, c’est difficile pour moi, alors qu'au

19


sein d'une rédac je suis une machine. Y'a des gens qui

savent très bien le faire mais moi non. Que je n’arrive

pas à trouver de travail a créé des tensions énormes

entre Jerôme et moi.

Il voulait m'aider je crois que c'était pire. J'ai jamais

accepté son aide ni celle de personne.

Je crois que je réalise ça aujourd'hui. En tout cas

celle de Jerôme, vraiment très rarement, mais toujours

avec cette peur de pas l'obtenir. Je ne demande pas car

j'ai peur de pas l'obtenir. Il a essayé de m'aider quand

même mais ça s'est mal passé. C'était trop ingérant. Il

me disait j'ai rencontré tel producteur au cours d'une

partie de poker, il va te trouver un taff. Mais moi je lui

disais mais qu'est-ce que je vais lui dire à ton producteur

?

Tous les jours il rentrait du travail en me demandant

si j'avais appelé. Tu vois on ne se comprenait

plus. Puis Madame Figaro m'a appelée pour un job qui

était sensiblement pire que ce que je faisais à l'Express

mais ça m'a sorti la tête de l'eau, j'ai retrouvé un cadre

et ça m'a remise en selle. Ce qui est fou c'est de me dire

que j'ai si mal vécu ces 6 mois... Alors que là, je réalise

qu’aujourd’hui ça fait 1 an que je n’ai pas travaillé avec

ces 6 mois à la Réunion.

Ça me fait peur mais en même temps, ce qui me fait

peur c’est que je suis toujours dans la même quête

qu’après l’EXPRESS, je me dis toujours “qu’est-ce que

je vais faire de ma vie ?” Et que je ne trouve pas cette

réponse. Là j’ai accepté un taff alimentaire pour des

raisons financières, d’autonomie. Ça s’explique très

bien mais… Je trouve ça dommage de ne pas réussir à

savoir ce que je veux pour moi, au fond.

20


EMPREINTE, subst. fém.

- Marque, forme laissée par la pression d’un corps sur une surface.

Qu’en est-il de l’empreinte de nos émotions ? De nos réflexions ? De

nos choix de vie ?

C’est en partie pour répondre à ces questions que cet ouvrage est

pensé comme une empreinte.

Une empreinte à la fois visuelle et spirituelle qui photographie

l’instant d’une existence, de choix faits, de routes empruntées

jusqu’à celle qui mène la personne face à mon objectif.

Cet travail nécessite de la part du sujet une totale spontanéité et

résulte d’une relation établie au fil de plusieurs entretiens. D’abord

dans la neutralité de mon studio, ensuite chez la personne et enfin

au coeur d’un lieu symbolique, qui établit un lien entre elle et son

histoire personnelle.

Il n’y a pas matière au jugement ou au voyeurisme, il y est simplement

question de liberté de parole. D'aborder sa propre histoire

sans posture ni artifice.

Dans notre société moderne et occidentale, les interactions

humaines sont de plus en plus courtes quand elles ne sont pas

virtuelles. Nos émotions sont constamment invitées à être les plus

brèves et les plus intenses possible.

Il s'agit donc dans cet ouvrage, d'observer et d'apprendre. De

donner le temps à une histoire, à une personnalité pour s'exprimer,

physiquement et intellectuellement. D'aborder des sujets dont nous

ne discutons la plupart du temps qu'avec nous-même.

A travers ces portraits, je souhaite extraire la parole et la pensée

profonde de personnes qui ont su reconquérir leur identité ou qui

mènent cette recherche. Se rencontrer malgré les attentes et les

pressions extérieures. Désapprendre pour s'émanciper.

Laisser une trace. Aussi futile que soit l'idée. Mettre en lumière

l'individu, l'empreinte de son passage.


« Je me revois dans ma chambre à Boulogne, au lycée, j’avais un grand miroir et quand ça

n’allait pas, je me maquillais en noir, comme du charbon. Je me regardais dans le miroir et

je me disais, «tu feras un truc de ta vie, un truc différent. »

22


A l’Express j’étais sur des rails. J’avais l’impression

de vivre l’histoire avec un grand H. Le fait de couvrir

les procès etc. J’avais la sensation de vivre quelque

chose d’extraordinaire. Sauf qu’après on en faisait de

moins en moins, il fallait faire du desk et donner des

dépêches en permanence, à des horaires incongrus

donc ça n’avait plus de sens pour moi.

J’avais le sentiment d’être à ma place, au bon

endroit, au bon moment. Ce qui est très rare dans la

vie. Mais à cet âge d’or de l’Express c’était vraiment le

cas. J’étais un bourreau de travail et ça ne me posait

aucun problème. Ensuite j’ai eu les enfants aussi, ça a

un peu changé la donne, en termes d’investissement et

de disponibilités. J’aimerai bien retrouver cette sensation.

Ça fait longtemps que je n’ai pas ressenti ça.

Je me sentais utile de raconter ce qu’il se passe dans

l’enceinte d’une salle d’audience, qui est accessible au

public mais où personne ne va jamais. Je me sentais

utile parce que j’offrais une fenêtre sur un univers. Je

me sentais “utile” c’est un bien grand mot mais en tout

cas je partageais… Je n’étais pas médecin quoi, je

n’ouvrais pas des cœurs.

Je ne dénigre pas mais il faut replacer les choses.

J’utilise souvent cette expression “on n’ouvre pas des

cœurs” parce qu'à Madame Figaro, les sujets traités

étaient beaucoup plus futiles donc on avait cette

phrase pour dire que rien n’est grave.

Se sentir utile c’est quelque chose qui te rend particulièrement

heureuse ?

Oui mais aussi utile personnellement. Tu vois les

enfants typiquement, ça remplit énormément cette

fonction parce que sans leurs parents, à cet âge-là c’est

compliqué n’est-ce pas ?

C’est un peu facile comme satisfaction ? C’était une

façon de te rendre utile d’avoir des enfants ?

Je ne pense pas que ça vienne de là, non. Ça venait

d’une envie profonde et très lointaine, avec toujours ce

prisme de ma mère. Comme elle a eu un cancer du sein

très jeune, il fallait que j’aie des enfants jeune. Ma mère

est tombée enceinte pendant qu’elle était malade. Elle

a dû se faire avorter car elle avait un cancer lié aux

hormones (qui se développait avec les hormones)

donc ce n’était pas compatible avec sa grossesse.

Aujourd’hui elle aurait pu le garder mais pas à

l’époque. Donc j’ai toujours eu en tête, de faire des

enfants jeune, au cas où je tombe malade. J’ai très mal

vécu mes 32 ans. J’étais persuadée que j’allais tomber

malade comme ma mère. Comme une malédiction.

Toutes les femmes de ma famille ont eu un cancer

du sein. J’ai toujours été surveillée en conséquence.

Mais depuis que je n’ai plus 32 ans, je passe les

mammos sans angoisse. L'âge fatidique est passé et j’ai

réussi à avoir mes 2 enfants. Puis aujourd’hui ça se

guérit beaucoup mieux. Je pense que mon désir

d’avoir des enfants jeune, vient de là.

Par ailleurs je me sentais réellement utile dans mon

couple. Je pense sincèrement, et je le dis en toute

humilité, que Benjamin n’en serait pas là sans moi. J’en

suis fière. En tout cas, il n’aurait pas eu une famille et

autant de succès. J’ai dû faire des sacrifices mais je ne

les regrette pas. Je suis juste triste de la conclusion.

23


24


Je suis triste que l’on n’ait pas réussi à prendre un

virage qui m’aurait laissé un peu plus de place. Finalement

si je n’arrive pas à savoir ce que je veux, faire ou

être, c’est parce que je n’ai jamais eu la place de me

poser la question vraiment. Le peu de temps où j’aurai

pu, j’avais trop peur. Et ensuite sa carrière a pris toute

la place. Tu ne peux pas imaginer à quel point.

Je pense que je suis partie parce qu’il m’a usée

jusqu’à la corde et que ce n’était encore pas assez. Il en

veut toujours plus et ça nécessite des sacrifices

énormes pour arriver à ça. Je ne peux pas m’effacer

indéfiniment. Il y a des gens qui le font très bien

sûrement. Peut-être que j’ai un peu trop d’ambition

pour moi même, pour n’être que “femme de”.

J’aurai aimé être cette personne je crois. Ça aurait

tellement simplifié la situation. Que mon travail dans

la vie ça soit d’être la femme de Jerôme. De l’épauler

dans sa carrière… Michelle Obama quoi.

Malgré ça, je n’arrive pas à le quitter donc…

Tu l’as quitté.

Non. Enfin oui mais finalement je suis toujours

avec lui. Parce que je l’aime encore, parce que je le vois

encore, parce qu’on couche encore ensemble. Parce

que c’est toujours lui que j’ai envie d’appeler. Parce

qu’il me manque. J’ai l’impression de n’être rien sans

lui et ça ce n’est pas normal. Et je sais que ce n’est pas

normal. Tant que je partage cette relation avec lui, je ne

peux pas savoir qui je suis. Ça je le sais.

25


Est-ce que les choix que t’as fait au début de ta vie

d’adulte correspondent à ce que tu envisageais pour toi

quand tu étais adolescente ? Avant ta rencontre avec Jerôme

? Est-ce que tu as l’impression d’avoir été sur des rails ou

d’avoir fait des choix qui te correspondent vraiment ?

Alors sur les études, c’était en deux temps, je

voulais faire Psycho à la base mais contre toute attente

je n’ai pas été prise à la FAC, en 2ème choix j’avais mis…

ce que ma mère voulait que je fasse. Je me suis donc

retrouvée en éco.

Ma mère voulait que je fasse de l’éco parce que

j’avais fait un bac ES donc c’était logique que je fasse de

l’éco. C’était stupide de ma part mais j’ai terminé tant

bien que mal ce DEUG d’éco. J’en ai bavé parce que je

n’étais pas au niveau et j’avais besoin de prendre des

cours particuliers. A l’époque j’étais avec un mec

super mais que je n'aimais pas mais enfin avec le recul

je me rends compte que j’ai eu de la chance qu’il soit la.

Il m’a bien aidée parce que sans lui je pense que je

n’aurai pas eu mon DEUG. Après l'obtention de mon

diplôme je me suis dit c’était fini les conneries, «

qu'est-ce que je veux vraiment faire ? » Et là, le journalisme

s’est imposé à moi alors que je pense que je

voulais déjà faire ça à l’époque du BAC.

J'aime le journalisme, je m’y retrouve, tu ne parles

pas de toi, tu poses des questions aux gens, tu les

écoutes.

Tu essayes de rester fidèle à ce que les gens disent.

J’adore ça, c’est sûr. Je ne pense pas que cela va

répondre à ta question mais je me suis toujours

demandée si je ne cherchais pas à avoir un destin

extraordinaire.

26


EMPREINTE, subst. fém.

- Marque, forme laissée par la pression d’un corps sur une surface.

Qu’en est-il de l’empreinte de nos émotions ? De nos réflexions ? De

nos choix de vie ?

C’est en partie pour répondre à ces questions que cet ouvrage est

pensé comme une empreinte.

Une empreinte à la fois visuelle et spirituelle qui photographie

l’instant d’une existence, de choix faits, de routes empruntées

jusqu’à celle qui mène la personne face à mon objectif.

Cet travail nécessite de la part du sujet une totale spontanéité et

résulte d’une relation établie au fil de plusieurs entretiens. D’abord

dans la neutralité de mon studio, ensuite chez la personne et enfin

au coeur d’un lieu symbolique, qui établit un lien entre elle et son

histoire personnelle.

Il n’y a pas matière au jugement ou au voyeurisme, il y est simplement

question de liberté de parole. D'aborder sa propre histoire

sans posture ni artifice.

Dans notre société moderne et occidentale, les interactions

humaines sont de plus en plus courtes quand elles ne sont pas

virtuelles. Nos émotions sont constamment invitées à être les plus

brèves et les plus intenses possible.

Il s'agit donc dans cet ouvrage, d'observer et d'apprendre. De

donner le temps à une histoire, à une personnalité pour s'exprimer,

physiquement et intellectuellement. D'aborder des sujets dont nous

ne discutons la plupart du temps qu'avec nous-même.

A travers ces portraits, je souhaite extraire la parole et la pensée

profonde de personnes qui ont su reconquérir leur identité ou qui

mènent cette recherche. Se rencontrer malgré les attentes et les

pressions extérieures. Désapprendre pour s'émanciper.

Laisser une trace. Aussi futile que soit l'idée. Mettre en lumière

l'individu, l'empreinte de son passage.


« Dans le journalisme, il y a l’éthique professionnelle bien sûr, le secret des sources ensuite,

mais il y a aussi le droit de réponse. Je pense que c’est quelque chose qui m’a manqué. »

28


Je me revois dans ma chambre à Boulogne, au lycée,

j’avais un grand miroir dans ma chambre et quand ça

n’allait pas je me maquillais en noir, comme du

charbon. Je me regardais dans le miroir et je me disais,

« tu feras un truc de ta vie, un truc différent ». Je ne

voulais pas marquer l'histoire, ni devenir présidente

de la république mais c'était important pour moi.

Et je pense que c’est la clef de mon histoire avec

Jerôme. Que j'ai vu en lui cette porte. Il m'a offert une

vie hors-cadre. Je crois que je suis tombée amoureuse

de lui pour ça.

Qu'est-ce que le cadre pour toi ?

C’est mes parents. Mes parents qui restent

ensemble alors qu'on se demande pourquoi… Métro

boulot Dodo quoi. Ça ne me fait pas rêver. Après

j’admets que ça m’a construit et c’est peut-être finalement

eux, qui avec leur cadre m’ont donné envie

d’autre chose. Je ne leur jette pas la pierre, je ne crache

pas sur leur vie, pas du tout. Ils ont traversé des

épreuves tellement compliquées… Ils ont fait comme

ils ont pu, sans renier ce qu’ils sont. Je les aime profondément.

Je pense que malgré eux, ils m’ont donné envie

d’autre chose, d'avoir une vie différente. Ma sœur, qui

pourtant a été élevée dans le même cadre que moi n'a

pas du tout la même aspiration.

Est-ce que c'est ce qui t'inquiète dans ta séparation ? Tu

as peur de rentrer dans le cadre ?

redoutais le plus, tu rentres dans le cadre ». En tout cas

je ne retournerai pas avec un artiste, soit c’est Jerôme

et voilà, soit c’est un banquier mais…. Non, je fuirai

l’artiste torturé.

Ce qui est triste c’est que Jerôme voudrait que

j’existe mais il n’y arrive pas et je n’y arrive pas. Et je

pense que c’est ça mon plus grand sentiment d’échec.

Je pense que c’est pour ça que je n’arrive pas à terminer

cette relation, je reste persuadée qu’on aurait pu y

arriver.

Il s’agit rarement de mauvaise volonté quand on

n’arrive pas à être avec quelqu’un. C’est plutôt un problème

de compatibilité qui peut être évident dès le début ou se

manifestait lorsque l’on évolue avec le temps.

Je ne pense pas que ce soit notre cas. C'est un peu

comme si on n’avait pas dit notre dernier mot. Au fond

de moi j’espère toujours qu’on puisse trouver un

schéma, un mode de vie où on arriverait à vivre cet

amour très fort, singulier et unique. Un modèle où

j’existe en tant que tel, en tant qu’individu à part

entière, où je pourrais être fière de moi.

Tu essaies d’être fière de ce que tu fais mais est-ce que tu

es fière de ce que tu es ?

Non, je ne crois pas. Enfin je suis fière de mes

enfants, de ce qu’ils sont. Mais non je ne suis pas

souvent fière de moi. C’est important par contre que

Jerôme soit fier de moi.

C’est exactement la phrase qu’il m’a dit quand on

s’est quittés… Il m’a dit « tu es en train de faire ce que tu

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EMPREINTE, subst. fém.

- Marque, forme laissée par la pression d’un corps sur une surface.

Qu’en est-il de l’empreinte de nos émotions ? De nos réflexions ? De

nos choix de vie ?

C’est en partie pour répondre à ces questions que cet ouvrage est

pensé comme une empreinte.

Une empreinte à la fois visuelle et spirituelle qui photographie

l’instant d’une existence, de choix faits, de routes empruntées

jusqu’à celle qui mène la personne face à mon objectif.

Cet travail nécessite de la part du sujet une totale spontanéité et

résulte d’une relation établie au fil de plusieurs entretiens. D’abord

dans la neutralité de mon studio, ensuite chez la personne et enfin

au coeur d’un lieu symbolique, qui établit un lien entre elle et son

histoire personnelle.

Il n’y a pas matière au jugement ou au voyeurisme, il y est simplement

question de liberté de parole. D'aborder sa propre histoire

sans posture ni artifice.

Dans notre société moderne et occidentale, les interactions

humaines sont de plus en plus courtes quand elles ne sont pas

virtuelles. Nos émotions sont constamment invitées à être les plus

brèves et les plus intenses possible.

Il s'agit donc dans cet ouvrage, d'observer et d'apprendre. De

donner le temps à une histoire, à une personnalité pour s'exprimer,

physiquement et intellectuellement. D'aborder des sujets dont nous

ne discutons la plupart du temps qu'avec nous-même.

A travers ces portraits, je souhaite extraire la parole et la pensée

profonde de personnes qui ont su reconquérir leur identité ou qui

mènent cette recherche. Se rencontrer malgré les attentes et les

pressions extérieures. Désapprendre pour s'émanciper.

Laisser une trace. Aussi futile que soit l'idée. Mettre en lumière

l'individu, l'empreinte de son passage.


Tu essaies d’être fière de ce que tu fais mais est-ce que tu

es fière de ce que tu es ?

Non, je ne crois pas. Enfin je suis fière de mes

enfants, de ce qu’ils sont. Mais non je ne suis pas

souvent fière de moi. C’est important par contre que

Jerôme soit fier de moi.

De rechercher sa fierté plus que la tienne, est-ce que

finalement ce n’est pas un risque aussi de te trahir ?

Oui, ça c’est sûr. Mais comment être fier de

soi-même?

Ce que j’essaie de dire c’est que quand vous vous êtes

rencontrés et que vous êtes tombés amoureux l’un de

l’autre, je ne pense pas que tu cherchais à lui plaire en

adoptant un autre rôle que le tien.

Non et je n’y croyais pas du tout en plus. Je ne le

connaissais pas suffisamment pour savoir quoi faire

pour qu’il soit fier de moi en fait.

On pourrait dire qu’il a appris à t’aimer pour ce que tu

étais ? Purement et simplement. Pourquoi cela a changé ?

Je ne crois pas que ça ait changé. Je pense qu’il

m’aime toujours pour ce que je suis, c’est juste que moi,

je ne sais plus ce que je suis. J’étais tellement jeune

quand on s’est rencontrés. J’avais 22 ans et ça me paraît

tellement loin.

Tu as 34 ans aujourd’hui et il y a de grandes chances que

tu vives de nouveau encore 22 années. Ce qui veut dire qu’en

31


ayant passé 12 années ensemble, ça ne représentera qu’un

petit quart de ton existence. La vie est courte mais quand tu

vois sur une année, tout ce qu’il peut se passer, ce qu’on peut

ressentir… Il t’en reste bien encore une quarantaine ou une

cinquantaine à vivre donc la question, c’est qu’est-ce que tu

veux être pour ces quarante prochaines années ?

C’est la putain de question à laquelle je n’ai pas de

réponse. C’est vraiment le vide tu vois, je ne sais pas.

Tu ne rêves pas de ce que tu pourrais être ? Est-ce que les

rêves que tu fais c’est important pour toi ?

Oui mais en ce moment c’est terrible. Il y a

beaucoup de colère. Je rêvais d’écrire un livre. Ça c’est

sûr et je l’ai fait. Mais à part ça non, je ne sais pas de

quoi je rêve. Parfois je fais des rêves en étant éveillée.

Jerôme prépare une tournée dans toute la France et j’ai

rêvé que j’allais incognito à une date parisienne et que

le spectacle parlait de nous. Un peu avant la fin de la

représentation, je me suis vue me déshabiller et

monter nue sur scène. Je disais dans le micro « bon bah

voilà maintenant vous voyez tout de moi, de mes

vergetures à ma cellulite, voilà vous savez vraiment

tout ». Et je partais avec un complice qui me rendait

mes habits. J’ai rêvé de ça.

Dans le journalisme, il y a l’éthique professionnelle

bien sûr, le secret des sources ensuite, mais il y a aussi

le droit de réponse. Et je pense que c’est quelque

chose qui m’a manqué.

Dans la carrière professionnelle de Jerôme, surtout

le dernier album qui parle essentiellement de nous, j’ai

souffert de ça, de cette absence de droit de réponse.

Son spectacle s'appelait « La princesse et le

dictateur », mais il n’y avait pas de dictateur sur scène,

il n'y avait qu’une princesse, et j’avais envie de

répondre, mais je n’en ai jamais eu les moyens.

Tout le monde me dit que c’est formidable, que j’ai

beaucoup de chance et que tout le monde rêve que son

mari lui écrive des chansons de cette ampleur. Mais

j’ai souffert de ça.

Son manager a fait un post pour les « 1 an » de

l’Olympia de Jerôme en remerciant vraiment la terre

entière pour tout ce qui a pu être fait autour de la

“Femme idéale”. Tout le monde y était, les régisseurs,

les techniciens, les caterings, enfin vraiment tout le

monde… J’avais envie de mettre en commentaire “et

moi ??”. C’est horrible, encore une fois je me sens très

prétentieuse.

Il n’y a rien de prétentieux, c’est normal que tu ressentes

ça car finalement tu n’existes pas. Artistiquement tu es une

chimère. A la fois, tu es tout et rien.

C’est très bien résumé. Et en même temps c’est

précieux. Quand je vois mon fils aîné, qui est complètement

fan de son père, qui apprend toutes les paroles

par cœur sans lire entre les lignes… Je me dis qu’un

jour il captera de quoi ça parle et je me demande ce

qu’il en pensera.

J’aime garder des traces de ce qu’il se passe dans la

vie. J’ai un nombre d’albums photo incalculable, c’est

très important pour moi de garder une trace.

Je pense que c’est de la nostalgie. Quand on est

partis vivre à la Réunion, j’ai mis toutes nos affaires

chez mon oncle dans un grenier qui prend l’eau sauf

32


les albums photo, je les ai mis chez ma sœur en me

disant que s’il y a un pépin, au moins ça, je sais que ça

reste là.

J’ai un besoin de consigner les choses, j’ai des

boîtes de souvenirs, par personne, par période, enfin

c’est absurde mais c’est très important pour moi. Ça

me rassure je crois. J’ai besoin de garder une trace des

choses.

Ça me prouve que ça a existé et alors là sur la

rupture, je tiens un journal. Enfin j’en suis à mon 4ème

en fait et là c’est pour m'ancrer dans le réel, parce que

j’ai quand même tendance à perdre les pédales et à

réécrire un peu l’histoire. J’essaie d’être factuelle et je

ne le suis pas, puisque je suis juge et partie.

J’ai tendance à dire que sur ces six derniers mois, je

n’ai rien fait de ma vie mais, c'est faux. Le fait de le

consigner dans des cahiers m’aide à le voir, et voir la

dynamique, ça m’aide vachement car j’en étais arrivée à

un point où je doutais.

Parfois je me disais que c’était moi qui étais tarée.

Je pense que c’est une erreur d’essayer d’être factuel avec

ce qu’on ressent. Il n’y a pas de justice ou de comportement

approprié à adopter. Il ne peut pas y avoir de bonne ou de

mauvaise action.

Souvent je me demande si c’est légitime ce que je

ressens.

Il ne peut pas y avoir de légitimité. Par exemple quand

tu l’as trompé, tu considères que c’était légitime ?

C’était de la survie.

Je comprends ce que tu dis et je ne te juge pas, mais s’il

n’y pas de légitimité à chercher dans un acte alors dans ce

cas il ne faut en chercher nul part. Ça vous a peut-être

même fait du bien, vous êtes encore restés longtemps

ensemble après ça.

Non, je ne pense pas. On a essayé. J’ai employé le

terme de « survie » parce que selon moi, ça a été la

seule façon que j’ai trouvé de me prouver que j’existais

encore. Que j’étais vivante. Je me sentais morte à

l’intérieur. C’était arrivé à un stade où je ne savais pas

ce que je voulais dans la vie.

Je n’étais pas capable de commander quelque

chose au restaurant, ou choisir quel vin je voulais

boire. J’étais dans un schéma où il fallait que je fasse

plaisir à mes enfants et puis à Jerôme. Alors que je ne

me préoccupais plus du tout de me faire plaisir.

En ayant cet amant, je me suis reconnectée à moi,

puisque ce n’était qu’à moi et que c’était un désir.

Les enfants ça t’enlève une partie de toi. Si l’autre

partie que tu es, la femme qui doit t'appartenir,

n’existe plus parce que tu ne te sens que “femme de” et

pas femme tout court, tu finis par te désintégrer.

Malgré tout je pense qu’il ne m’a jamais pardonnée

et que c’est toujours là tu vois. J’ai beaucoup de culpabilité

vis à vis de ça. J’aurais peut-être pu mettre un

coup de pied dans la fourmilière autrement.

Tu lui as avoué ou il l’a appris lui-même ?

C’est un peu compliqué. Je suis rentrée plus tôt de

vacances parce que je devais bosser et lui est resté en

33


EMPREINTE, subst. fém.

- Marque, forme laissée par la pression d’un corps sur une surface.

Qu’en est-il de l’empreinte de nos émotions ? De nos réflexions ? De

nos choix de vie ?

C’est en partie pour répondre à ces questions que cet ouvrage est

pensé comme une empreinte.

Une empreinte à la fois visuelle et spirituelle qui photographie

l’instant d’une existence, de choix faits, de routes empruntées

jusqu’à celle qui mène la personne face à mon objectif.

Cet travail nécessite de la part du sujet une totale spontanéité et

résulte d’une relation établie au fil de plusieurs entretiens. D’abord

dans la neutralité de mon studio, ensuite chez la personne et enfin

au coeur d’un lieu symbolique, qui établit un lien entre elle et son

histoire personnelle.

Il n’y a pas matière au jugement ou au voyeurisme, il y est simplement

question de liberté de parole. D'aborder sa propre histoire

sans posture ni artifice.

Dans notre société moderne et occidentale, les interactions

humaines sont de plus en plus courtes quand elles ne sont pas

virtuelles. Nos émotions sont constamment invitées à être les plus

brèves et les plus intenses possible.

Il s'agit donc dans cet ouvrage, d'observer et d'apprendre. De

donner le temps à une histoire, à une personnalité pour s'exprimer,

physiquement et intellectuellement. D'aborder des sujets dont nous

ne discutons la plupart du temps qu'avec nous-même.

A travers ces portraits, je souhaite extraire la parole et la pensée

profonde de personnes qui ont su reconquérir leur identité ou qui

mènent cette recherche. Se rencontrer malgré les attentes et les

pressions extérieures. Désapprendre pour s'émanciper.

Laisser une trace. Aussi futile que soit l'idée. Mettre en lumière

l'individu, l'empreinte de son passage.


vacances avec les enfants. Un soir il m’a envoyé un

texto auquel je n’ai pas répondu. Jusqu'à trois heures

du mat et donc il a soupçonné le fait que je sois avec

quelqu’un d’autre. Quand j’ai récupéré mon téléphone

j’avais trente ou quarante SMS, autant d’appels en

absence et j’ai commencé par lire les derniers

messages qui n’étaient que des insultes.

Parce que tu ne répondais pas ?

Non parce qu’il m’a dit “tu as quelqu’un, tu m’as

trompé, je le sais."

On n’est pas obligés de directement penser à ça quand

l’autre ne répond pas…

Non, mais il devait se douter de quelque chose

pour penser à ça directement et puis il a toujours

envisagé ça dans notre couple. Il était très jaloux mais

moi aussi. J’ai été très jalouse au début et à un moment,

pour une question de survie, je me suis dit « non, il faut

arrêter parce que c’est n’est pas vivable ». Tu ne peux

pas être jalouse avec un artiste, c’est impossible. Donc

j’ai arrêté d’envisager de l’être, ce qu’il n’a pas très bien

vécu d’ailleurs.

Je ne pouvais pas faire autrement. Je suis partie du

principe que peut-être, il me trompait en tournée mais

que ça ne devait pas être très important puisqu’il

restait avec moi et qu‘on s’aimait très fort, qu’on avait

construit une famille et que finalement s’il avait besoin

de séduire, de plaire, que sais-je, je ne pouvais pas tout

lui apporter.

Du jour au lendemain, ça ne me rongeait plus. Ce

n’était plus un problème.

Après, étant donné ce qu’il s’est passé, à savoir que

je l’ai trompé et que ça s’est su, je pense que j’aurai

aimé savoir si de son côté aussi ça avait été le cas,

même si ça n’aurait pas été dans les mêmes proportions

parce que je distingue un « coup de bite » d’une

relation un peu plus longue. Mais je pense que ça

aurait pu me retirer une part de culpabilité de me dire

« je ne suis pas la seule ». Il a toujours dit que non mais

je ne le saurai jamais.

Et donc quand j’ai récupéré mon téléphone le

fameux jour où Jerôme l’a appris, je l’ai éteint et je me

suis dit “voilà, qu’est-ce que tu fais, tu as le choix, tu

peux nier, encore une fois il y a mille excuses qui sont

tellement plausibles, qui tiennent la route, ou tu peux

le dire et puis tu seras plus jamais dans la situation qui

est celle d’aujourd’hui et qui n’est plus tenable”.

J’ai donc appelé une amie très proche. On ne

s’appelle jamais et je l’ai appelée à six heures et demie

du matin. On s’écrit énormément mais on ne s’appelle

pas, donc elle a décroché et elle m’a dit « Oula !

Qu’est-ce qu’il se passe ? » . Je dis bah voilà, j’en suis là,

qu’est-ce que je fais ?

Elle m’a dit « T’imagines bien que je ne vais pas

choisir pour toi, mais si j’étais à ta place je nierais. » J’ai

raccroché, j’ai rallumé mon portable et j’ai écrit à

Jerôme « C’est vrai, j’étais avec quelqu’un d’autre cette

nuit. ». Et ça je le regrette en revanche, je n’aurai pas dû

lui dire.

Je ne sais pas si j’aurais pu m’extraire de cette

situation autrement qu’en lui disant. Parce que j’avais

essayé d’arrêter plusieurs fois cette relation

35


extraconjugale mais je n’y étais pas parvenue. Evidemment

le fait de le dire à Jerôme, c’était fini, une bonne

fois pour toute.

Je pense que la plus grande culpabilité que j’ai par

rapport à ça c’est d’avoir en quelque sorte détruit ma

famille.

Tu as peur d’être seule ?

Oui mais je ne l’ai jamais vraiment été mais

pourtant je ne m’ennuie pas quand je le suis.

Qu’est ce qui te fait peur ? L’affection ? Le fait de n’avoir

personne à qui plaire ? Le fait de n’avoir personne à rendre

fier ?

Je crois que c’est le partage, tu vois Jerôme, il a

plein de défauts et j’en ai plein aussi mais on se connaît

vraiment très bien. Et ça me manque de ne pas

partager le tout-venant avec lui. C’est ça qui me fait

peur. Je le fais avec ma sœur, avec mes amis et tout

mais ce n’est pas pareil.

J’ai aussi une peur irrationnelle de mourir ou qu’il

m’arrive quelque chose dans la rue et qu’il ne soit pas

au courant. Du coup dans mon porte-monnaie j‘ai mis

un petit mot en disant en cas de problème ou

d’urgence contacter ma sœur à tel numéro, dans l’idée

que ma sœur prévienne Jerôme, je n’ai pas mis Jerôme

directement et j’ai C’est débile hein ? C’est complètement

débile. Je me dis si je sors là et que j’ai un

accident de vélo il ne sera pas prévenu.

Tu as peur de mourir ?

Non, pas tant que ça. Je culpabilise de fumer à mort

par contre. C’est comme si j’avais peur de mourir

seule. Ce n’est pas ce qui m’inquiète le plus.

Je veux me sentir différente et utile, vraiment tu

vois ces deux choses là, je les relie à ce que je te disais,

moi ado dans ma chambre les yeux charbonneux,

anorexique en train de me scarifier. Je me disais que je

ne serai pas cette meuf insignifiante. Il y a un truc

autour de ça… Pourquoi je n’en sais rien.

Ça me plait de croire qu’on est là pour quelque

chose.

X

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Remerciements

Ségolène Alunni pour son soutien dans tous les aspects de cet ouvrage,

Laetitia Leret d’Aubigny pour ses observations et Julien Prieur pour son

aide à la retranscription.


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