EPFL CIVIL-410 Polycopié "Hydraulique fluviale et aménagement de cours d'eau", édition 2012
Les cours d’eau sont sans doute des éléments qui marquent un paysage. Mais ce sont aussi des éléments qui lient des paysages et qui permettent un échange entre les divers biotopes. Les cours d’eau sont donc aussi des éléments prépondérants pour la biodiversité de notre environnement. Avec la correction des grandes rivières comme le Rhin, le Rhône, l’Aare etc. au 18ème et 19ème siècle, le paysage en Suisse a dû subir un changement très important. Même au siècle passé, encore beaucoup de rivières ont été corrigées avec le but de protéger les zones urbanisées contre les crues. Un autre élément, aussi un élément linéaire, mais pas comme les cours d’eau un élément liant des paysages, mais plutôt un élément séparant des paysages a beaucoup influencé le paysage en Suisse, à savoir des autoroutes. Si les cinquante dernières années ont été marquées par la construction des autoroutes, avec un brin de provocation, on peut affirmer que ce siècle sera l’époque de la reconstruction de cours d’eau en Suisse. Cette renaturalisation des cours d’eau deviendra donc une des tâches les plus importantes pour les ingénieurs hydrauliciens avec le soutien des paysagistes et ingénieurs de l’environnement dans ce siècle. L’objectif de ces renaturalisations est de reconstituer l’espace vital nécessaire aux cours, qui a été fortement restreint par des corrections très techniques durant les deux siècles passés. Pour ce faire, il convient de trouver le juste milieu entre le respect de la nature et les exigences de la protection contre les crues. Ces derniers deviennent de plus en plus préoccupants en ce qui concerne les dangers et les dommages, le résultat d’une forte urbanisation en Suisse proche des cours d’eau et les premiers effets du changement de climat. Le cours polycopié donne une introduction dans les bases théoriques et les techniques d’aménagement des cours d’eau qui sont traités dans le cours « Hydraulique fluviale et aménagement de cours d’eau » au génie civil.
Les cours d’eau sont sans doute des éléments qui marquent un paysage. Mais ce sont aussi des éléments qui lient des paysages et qui permettent un échange entre les divers biotopes. Les cours d’eau sont donc aussi des éléments prépondérants pour la biodiversité de notre environnement.
Avec la correction des grandes rivières comme le Rhin, le Rhône, l’Aare etc. au 18ème et 19ème siècle, le paysage en Suisse a dû subir un changement très important. Même au siècle passé, encore beaucoup de rivières ont été corrigées avec le but de protéger les zones urbanisées contre les crues.
Un autre élément, aussi un élément linéaire, mais pas comme les cours d’eau un élément liant des paysages, mais plutôt un élément séparant des paysages a beaucoup influencé le paysage en Suisse, à savoir des autoroutes. Si les cinquante dernières années ont été marquées par la construction des autoroutes, avec un brin de provocation, on peut affirmer que ce siècle sera l’époque de la reconstruction de cours d’eau en Suisse. Cette renaturalisation des cours d’eau deviendra donc une des tâches les plus importantes pour les ingénieurs hydrauliciens avec le soutien des paysagistes et ingénieurs de l’environnement dans ce siècle. L’objectif de ces renaturalisations est de reconstituer l’espace vital nécessaire aux cours, qui a été fortement restreint par des corrections très techniques durant les deux siècles passés. Pour ce faire, il convient de trouver le juste milieu entre le respect de la nature et les exigences de la protection contre les crues. Ces derniers deviennent de plus en plus préoccupants en ce qui concerne les dangers et les dommages, le résultat d’une forte urbanisation en Suisse proche des cours d’eau et les premiers effets du changement de climat.
Le cours polycopié donne une introduction dans les bases théoriques et les techniques d’aménagement des cours d’eau qui sont traités dans le cours « Hydraulique fluviale et aménagement de cours d’eau » au génie civil.
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ENAC - Faculté Environnement naturel architectural et construit
IIC - Institut d’ingénierie civile
LCH - Laboratoire de constructions hydrauliques
AMÉNAGEMENTS DE COURS D'EAU
Dr Anton Schleiss
Professeur
Génie civil Cycle master
Nouvelle édition
Lausanne, septembre 2012
ENAC - Faculté Environnement naturel architectural et construit
IIC - Institut d’ingénierie civile
LCH - Laboratoire de constructions hydrauliques
AMÉNAGEMENTS DE COURS D'EAU
Dr Anton Schleiss
Professeur
Génie civil Cycle master
Nouvelle édition
Lausanne, septembre 2012
Aménagements de cours d'eau
Préface
Les cours d’eau en Suisse au 21 ème siècle – retour à la nature.
Les cours d’eau sont sans doute des éléments qui marquent un paysage. Mais ce
sont aussi des éléments qui lient des paysages et qui permettent un échange entre
les divers biotopes. Les cours d’eau sont donc aussi des éléments prépondérants
pour la biodiversité de notre environnement.
Avec la correction des grandes rivières comme le Rhin, le Rhône, l’Aare etc. au
18 ème et 19 ème siècle, le paysage en Suisse a dû subir un changement très important.
Même au siècle passé, encore beaucoup de rivières ont été corrigées avec le but de
protéger les zones urbanisées contre les crues.
Un autre élément, aussi un élément linéaire, mais pas comme les cours d’eau un
élément liant des paysages, mais plutôt un élément séparant des paysages a
beaucoup influencé le paysage en Suisse, à savoir des autoroutes. Si les cinquante
dernières années ont été marquées par la construction des autoroutes, avec un brin
de provocation, on peut affirmer que ce siècle sera l’époque de la reconstruction de
cours d’eau en Suisse. Cette renaturalisation des cours d’eau deviendra donc une
des tâches les plus importantes pour les ingénieurs hydrauliciens avec le soutien des
paysagistes et ingénieurs de l’environnement dans ce siècle. L’objectif de ces
renaturalisations est de reconstituer l’espace vital nécessaire aux cours, qui a été
fortement restreint par des corrections très techniques durant les deux siècles
passés. Pour ce faire, il convient de trouver le juste milieu entre le respect de la
nature et les exigences de la protection contre les crues. Ces derniers deviennent de
plus en plus préoccupants en ce qui concerne les dangers et les dommages, le
résultat d’une forte urbanisation en Suisse proche des cours d’eau et les premiers
effets du changement de climat.
Le cours polycopié donne une introduction dans les bases théoriques et les
techniques d’aménagement des cours d’eau qui sont traités dans le cours
« Hydraulique fluviale et aménagement de cours d’eau » au génie civil. Ce cours est
donné conjointement avec le Dr Koen Blanckaert qui enseigne les bases de
l’hydraulique fluviale (écoulements permanents et non-permanents, transport de
sédiment par charriage et en suspension, transport de matière par convection –
diffusion) sur les deux premiers tiers du semestre sur la base du traité de Génie Civil
de l’EPFL Vol. 16 « Hydraulique fluviale : Ecoulements et phénomènes de
transport » (Graf / Altinakar).
La version actuelle de ce polycopié est une version revue et étendue de celle de
2005. Elle est toujours fragmentaire dans certaines parties et sera complétée et
améliorée au fur et à mesure en considérant l’expérience tirée de l’enseignement.
Toutes propositions ou remarques sont donc bienvenues.
Prof. Dr Anton Schleiss
EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss
TABLE DES MATIERES
1 Approche du problème de la protection contre les crues et concepts 1
1.1 Analyse de dangers 1
1.1.1 Erosion 1
1.1.2 Inondations 2
1.1.3 Laves torrentielles 2
1.2 Différenciation entre les objectifs de protection 3
1.3 Planification des mesures de protection 4
1.3.1 Entretien approprié des cours d'eau 4
1.3.2 Mesures d'aménagement du territoire 5
1.3.3 Mesures de protection constructives 5
1.4 Principes visant à réduire les effets nuisibles des mesures
constructives de protection 6
1.4.1 Préservation du caractère naturel d'un cours d'eau 7
1.4.2 Configuration naturelle et animée des ouvrages de protection et
des lignes de rive 7
1.4.3 Murs de protection seulement là où ils sont indispensables 7
1.4.4 Renoncement aux seuils fixes 7
1.4.5 Abandon de la modification du lit 7
1.4.6 Ouvrages de protection flexibles 8
1.4.7 Standard de protection différencié pour des rives intérieures et
extérieures dans des tronçons courbés 8
1.4.8 Allégement de la plantation des arbustes et arbres 8
1.4.9 Garantie d'accès aux cours d'eau et son entretien 8
1.5 Principes pour la protection contre les crues des cours d’eau selon
les directives de l’OFEG 8
1.5.1 Bases et besoins d’action 8
1.5.2 Exigences et nouveaux principes 9
1.5.3 Démarche intégrée pour la protection contre les crues 11
1.5.4 Définition des besoins d’action 13
2 Espace vital des cours d'eau (selon le projet STS de Oehy/Aguet [7]) 15
2.1 Zones du cours d'eau 15
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II
Aménagements de cours d'eau
2.1.1 Lit du cours d’eau 15
2.1.2 Zone de rive 16
2.1.3 Zone de divagation 16
2.1.4 Zone-tampon 16
2.2 Concept "espace vital du cours d'eau" 17
2.3 Méthodes de détermination de l'espace vital 18
2.3.1 Approche quantitative 19
2.3.1.1 Détermination de la largeur minimale du lit du cours d’eau B si 20
2.3.1.2 Détermination de la largeur de la zone de rive B u 21
2.3.1.3 Détermination de la largeur de la zone de divagation (B pb ) 22
2.3.1.4 Détermination de la largeur de la zone tampon (B pz ) 22
2.3.1.5 Détermination de la largeur de la zone de détente (B e ) 22
2.3.2 Approche qualitative 23
2.3.2.1 Repérages géographiques et relevés sur le site 23
2.3.2.2 Création d'une base de données 25
2.3.2.3 Classification des tronçons du cours d’eau 26
2.3.2.4 Zones d’intervention 26
2.3.2.5 Planification détaillée 26
2.4 Evaluation écomorphologique 28
3 Importance du charriage pour la protection contre les crues 29
3.1 Introduction 29
3.2 Interaction de l'écoulement avec le charriage 29
3.2.1 Origine de l'interaction 29
3.2.2 Loi de frottement et vitesse de l'écoulement 29
3.2.3 Capacité de transport par charriage 31
3.2.4 Phénomènes locaux 34
3.2.5 Augmentation de la profondeur d'eau suite à une concentration
importante de charriage 34
3.3 Analyse de danger et charriage 34
3.3.1 Erosion 35
3.3.2 Inondations et dépôts des matériaux solides 35
3.3.3 Laves torrentielles 37
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Aménagements de cours d'eau
III
3.4 Objectifs de protection 37
3.5 Planification des mesures 38
3.5.1 Entretien des cours d'eau 39
3.5.2 Mesures d'aménagement du territoire 39
3.5.3 Mesures de protection constructives sur les cours d'eau 39
3.5.3.1 Rétention du charriage 39
3.5.3.2 Déviation du charriage 40
3.5.3.3 Transition du charriage 40
4 Interaction de l’écoulement avec la végétation riveraine 43
4.1 Introduction 43
4.2 Végétation rigide 43
4.3 Végétation flexible 46
4.4 Végétation mixte (rigide et flexible) 47
4.5 Découpage des sections pour considérer l’hétéorogénité de
l’écoulement 48
4.5.1 Origine de l’hétéorogénité de l’écoulement 48
4.5.2 Considération de la surface de séparation fictive pour le lit mineur
selon la formule Strickler 49
4.5.3 Méthode de Schröder en utilisant l’approche de Strickler 52
4.6 Approches basées sur des lois de vitesse logarithmique 53
5 Concept des mesures de protection contre les crues 55
5.1 Concepts principaux 55
5.2 Rétention des crues 55
5.2.1 Principe 55
5.2.2 L'effet de laminage 55
5.2.3 Régulation des lacs naturels 56
5.2.4 Mise en exploitation des zones inondables ou d'épanchement 57
5.2.5 Réalisation des bassins de rétention 58
5.3 Aménagement du cours d'eau 60
EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss
IV
Aménagements de cours d'eau
5.4 Dérivation des crues 61
5.5 Mesures de protection passives dans les zones d'inondation 62
6 Conception et dimensionnement des mesures de protection constructives63
6.1 Correction des cours d'eau 63
6.1.1 Changement du tracé, du profil en long et de la section 63
6.1.1.1 Généralités 63
6.1.1.2 Tracé 63
6.1.1.3 Section 65
6.1.1.4 Profil en long 66
6.1.2 Endiguements 66
6.2 Mesures de protection des rives 67
6.2.1 Enrochements pour les rivières en montagne 67
6.2.1.1 Introduction 67
6.2.1.2 Dimensionnement des enrochements construits par pose de
gros blocs 68
6.2.1.3 Protection contre l'affouillement 70
6.2.1.4 Aspects constructifs 72
6.2.1.5 Aspects écologiques et paysagers 74
6.2.2 Enrochements pour les rivières en plaine 76
6.2.2.1 Dimensionnement des enrochements construits en remblai 76
6.2.2.2 Epaisseur minimale des enrochements en remblai 76
6.2.3 Empierrement avec du mortier ou du béton 77
6.2.4 Murs de protection 77
6.2.4.1 Similitudes avec la nature et le fonctionnement 77
6.2.4.2 Murs de soutènement en angle (en L) 78
6.2.4.3 Murs-poids 80
6.2.4.4 Combinaisons: mur de soutènement en "L" – mur-poids 81
6.2.4.5 Proposition d'un nouveau type de mur de protection: mur plié 82
6.2.4.6 Murs en blocs 84
6.2.4.7 Paroi moulée 84
6.2.5 Epis 85
6.2.5.1 Généralités et fonctionnement 85
6.2.5.2 Types d'épis 88
6.2.5.3 Inclinaison des épis 88
6.2.5.4 Espacement et longueur des épis 89
6.2.5.5 Influence hydraulique des épis 90
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Aménagements de cours d'eau
V
6.2.5.6 Erosion du lit due à l'effet des épis 91
6.2.5.7 Affouillements à proximité de la tête des épis 92
6.2.5.8 Recommandations pour la conception et détails constructifs 93
6.2.5.9 Exemples 95
6.2.6 Blocs résiduels artificiels 98
6.3 Stabilisation des lits contre les érosions 101
6.3.1 Possibilités de protection contre l'érosion 101
6.3.2 Renforcement du lit par couche de pavage artificiel 103
6.3.3 Renforcement du lit par des gros blocs 104
6.3.4 Seuils 106
6.3.4.1 Buts et inconvénients des seuils 106
6.3.4.2 Dimensionnement et emplacement des seuils 106
6.3.4.3 Estimation de l'affouillement au pied des seuils 107
6.3.5 Traversées 107
6.3.5.1 Utilisation et fonctionnement des traversées 107
6.3.5.2 Dimensionnement des traversées 109
6.3.5.3 Types de traversées 111
6.3.6 Rampes en blocs 112
6.3.6.1 Concept et fonctionnement des rampes en blocs 112
6.3.6.2 Dimensionnement des rampes en blocs 114
6.3.7 Elargissements locaux 118
6.3.7.1 Buts et effets 118
6.3.7.2 Longueur de l’élargissement local 118
6.3.7.3 Surélévation du lit dans et à l’amont de l’élargissement 121
6.3.7.4 Risque d’érosion de rives à la sortie de l’élargissement 124
6.3.7.5 Elargissement local dans un cours d’eau en état d’érosion 125
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Aménagements de cours d'eau 1
1 Approche du problème de la protection contre les
crues et concepts
La construction d'un aménagement de cours d'eau dans le but d'améliorer la protection
en cas de crues, entraîne inévitablement des atteintes subies par le cour d'eau
de même que par son environnement. Les concepteurs et les réalisateurs de ces
ouvrages doivent alors prendre des mesures appropriées afin de minimiser ces impacts/atteintes
pendant toutes les étapes de planification et de réalisation des projets
de protection [1, 2] par:
l'analyse des dangers,
la différenciation des objectifs de protection,
la planification des mesures de protection,
la limitation du risque restant.
1.1 Analyse de dangers
La connaissance approfondie d'un danger, des processus dangereux avec leurs déroulements
et conséquences est décisive lors du choix de la solution de protection la
mieux appropriée. Il en est de même pour le dimensionnement des ouvrages de
protection. C'est seulement cette connaissance qui permet de réduire l'application
des mesures techniques au strict minimum, tout en garantissant la sécurité. A part
l'identification de divers dangers possibles, il est nécessaire d'analyser en même
temps le comportement du cours d'eau pendant les processus dangereux pour
détecter les tronçons naturels du cours d'eau résistant à ce type de situations. Ceci
permet de développer des techniques de protection basées ou orientées vers les
éléments naturels d'un cours d'eau.
Les crues et les laves torrentielles sont à l'origine des processus dangereux suivants
(cf. Fig. 1):
1.1.1 Erosion
L'érosion dans les cours d'eau, et tout particulièrement l'érosion des rives, est un
processus dangereux surtout pour la pérennité des bâtiments et des ouvrages d'infrastructure
situés à proximité. L'érosion ne se produit qu'en cas de lits mobiles. La
distinction est faite entre l'érosion verticale dans le lit du cours d'eau, qui change
donc la pente, et l'érosion latérale qui agrandit la largeur du cours d'eau. Il faut noter
que l'érosion influence fortement la capacité de transport solide d'un cours d'eau.
L'érosion latérale provoque des glissements de rives ce qui introduit dans le lit des
quantités importantes de matériaux. En formant un bouchon, ces dépôts peuvent
déclencher des laves torrentielles.
2 Aménagements de cours d'eau
Analyse de
dangers
Erosion
Processus
déterminants
Dépôts des
matériaux
solides
Inondation
Charriage
Eau
Corps
flottants
Laves
torrentielles
Fig. 1.1: Processus déterminants pour l'analyse de dangers
1.1.2 Inondations
Les inondations se produisent suite à un excédant d'eau, ou bien suite à un excédant
de charriage ou bien les deux à la fois. Les inondations sont dangereuses en raison
de la profondeur d'eau ou de la force du courant qui en résultent. Si la hauteur d'une
crue reste inférieure à 1.5 m ou si le produit V*H<0.5 m 2 /s, l'inondation provoque des
dommages, mais en général ne met pas en péril des vies humaines. Les inondations
deviennent dangereuses à partir de V*H>0.5 m 2 /s. Mélangés à l'eau, des matériaux
solides de plus ou moins grande taille quittent le lit et forment souvent des dépôts.
Ces derniers peuvent produire des dégâts importants même lors d'une inondation de
faible hauteur. Ce sont les dépôts d'alluvions dans des chenaux, des embâcles de
bois et d'autres matériaux charriés au droit des ouvrages d'art (tunnels, ponceaux,
ponts) ainsi que les rétrécissements naturels qui peuvent avoir une incidence déterminante
sur la sécurité en cas de crues.
Si l'eau quitte latéralement les endiguements d'un cours d'eau, la capacité de transport
de charriage diminue et des zones d'alluvions se forment dans le lit ce qui a pour
conséquence d'augmenter les déversements et les inondations [3].
1.1.3 Laves torrentielles
Les laves torrentielles sont constituées du mélange eau-sédiments charriés qui se
déplace à grande vitesse par vagues. Ce processus est semblable à une avalanche
de neige lourde. Les laves torrentielles sont souvent considérées comme le
phénomène le plus dangereux. D'importantes charges sédimentaires transportées,
additionnées à l'alluvionnement, provoquent souvent de graves dommages dans la
zone du cône de déjection des torrents.
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Aménagements de cours d'eau 3
1.2 Différenciation entre les objectifs de protection
La nouvelle philosophie de protection contre les crues propose la différenciation entre
les objectifs de protection selon les diverses catégories d'objets et leur vulnérabilité.
Cette différenciation entre les objectifs de protection a pour but d'assurer l'application
de méthodes adaptées à la situation. L'aménagement de cours d'eau canalisé
et monotone peut ainsi être évité.
Fig. 1.2: Exemple de différenciation des objectifs de protection dans le canton d'Uri
Le débit de dimensionnement est adapté aux diverses catégories d'objets à protéger
et se situe entre une limite des dommages et une limite des dangers (Figs. 1.2 et
1.3). Une protection totale peut être garantie jusqu'à la limite des dommages. Pour la
limite des dangers, la protection ne prévient que les dégâts catastrophiques par des
mesures considérées comme raisonnables.
Le débit de dimensionnement doit être évacué aussi pour tous les scénarios imaginables
de transport de charriage. L'apport du charriage est moins une fonction de la
pointe de débit que du volume de la crue (Fig. 1.3). Le plus grand apport de charriage
n'est pas nécessairement lié au débit maximal de dimensionnement: un événement
avec des périodes de retour plus petites peut être plus critique. Pour procéder
à l'analyse du risque dû au charriage, une statistique des volumes de crues est
indispensable. L'apport de charriage dans un tronçon dépend d'une part de la capacité
de transport du cours d'eau et d'autre part du potentiel des matériaux disponibles
dans le bassin versant.
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4 Aménagements de cours d'eau
Catégories
d'objets
Limite des
dommages
Débit de
dimensionnement
Limite des dangers
Hydrologie des crues
Eau
Charriage
Scénario de charriage
• Pointe
• Volume
• Capacité de transport
• Potentiel de charriage
Fig. 1.3: Différenciation des objectifs de protection entre différentes catégories d'objets
en considérant les scénarios de charriage pour le débit de dimensionnement
1.3 Planification des mesures de protection
La démarche suivie dans la planification des mesures de protection contre les crues
est présentée à la Fig. 1.4. Si le degré de protection actuel est inférieur à l'objectif
défini, on se trouve en présence d'une insuffisance de protection. Lorsque certaines
mesures de protection s'avèrent nécessaires pour combler les déficits de sécurité, on
propose tout d'abord un entretien approprié des cours d'eau et le recours aux techniques
d'aménagement du territoire avant l'application des mesures de protection
constructives.
1.3.1 Entretien approprié des cours d'eau
Par entretien approprié on entend la conservation de la capacité hydraulique des
cours d'eau et le maintien de l'efficacité des ouvrages de protection existants. En relation
avec le transport solide (charriage), l'entretien joue un rôle très important. Les
interventions d'entretien servent à réduire les dépôts éventuels de matériaux charriés
et à maintenir la capacité des bassins naturels qui peuvent retenir le charriage. Les
mesures suivantes en font partie:
la vidange des dépotoirs;
l'excavation de dépôts alluvionnaires;
la réparation de petits dommages subis par les ouvrages de correction;
la stabilisation, par drainage et techniques du génie biologique, des versants instables.
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Aménagements de cours d'eau 5
Fig. 1.4: Démarche suivie dans la planification de mesures de protection contre les
crues
En ce qui concerne la végétation des rives, l'entretien comprend notamment l'enlèvement
des buissons et des arbres qui rétrécissent le profil d'écoulement et mettent
en péril la stabilité des ouvrages de correction (par exemple un arrachement des
blocs d'enrochements avec des racines). Il comprend également l'évacuation des
bois morts hors de la zone d'action de la crue. Ces travaux d'entretien, considérés
comme tâche permanente, doivent tenir compte des intérêts de la protection de la
nature et de la pêche.
1.3.2 Mesures d'aménagement du territoire
En évitant les zones dangereuses (p. ex. interdiction de construire dans les zones
dangereuses, mesures visant une protection propre d'objets, prescriptions en matière
de mise en culture de zones agricoles), il est possible de limiter, voire même d'empêcher
une augmentation du dommage potentiel.
1.3.3 Mesures de protection constructives
En raison du développement rapide de l'urbanisation, l'espace libre des cours d'eau
naturels devient de plus en plus étroit ce qui contribue à aggraver les dégâts.
EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss
6 Aménagements de cours d'eau
Comme les mesures d'affectation des sols ne suffiront pas à combler les déficits de
sécurité, il sera inévitable de réaliser des mesures constructives de protection sur les
cours d'eau. Leur planification présuppose la connaissance approfondie des processus
naturels et de leurs effets ainsi que la connaissance du comportement naturel du
cours d'eau. Ces mesures devront respecter autant que possible l'aspect naturel d'un
cours d'eau et contribuer à protéger le paysage.
Les mesures constructives peuvent être classées selon trois concepts (Fig. 1.5):
rétention des crues,
dérivation des crues,
passage des crues.
CRUES
Rétention Dérivation Passage
• bassin de rétention
• réservoir à maîtrise
des crues
• régulation des
lacs naturels
• canaux et galeries
de dérivation
• ouvrages de
dérivation
• ouvrages de
restitution
• endiguement
• abaissement du
lit
• protection des
rives et du lit
contre érosion
(enrochement, etc.)
• correction du
tracée
Fig. 1.5: Concepts de protection contre les crues par des mesures constructives
Les concepts "rétention et dérivation des crues" sont préférables puisqu'ils peuvent
être réalisés sans intervenir sur les cours d'eau ou, au moins, ils permettent de limiter
ces interventions. Ces concepts nécessitent des terrains plus ou moins grands, ce
qui rend leur réalisation difficile dans des régions urbanisées. La dérivation des crues
par des ouvrages souterrains est un concept relativement onéreux. Le passage des
crues sans dégâts est souvent possible grâce aux mesures de correction des cours
d'eau.
1.4 Principes visant à réduire les effets nuisibles des mesures
constructives de protection
Par la suite, sont discutés quelques principes visant à réduire les effets nuisibles des
mesures constructives, si ces dernières sont inévitables pour garantir la sécurité.
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Aménagements de cours d'eau 7
1.4.1 Préservation du caractère naturel d'un cours d'eau
Les mesures constructives doivent s'adapter au caractère naturel d'un cours d'eau
en gardant sa variabilité et sa diversité. Des corrections géométriques et de
canalisation sont à éviter. En principe, lors des crues, un cours d'eau "se souvient"
de son caractère naturel et se libère des corsets trop serrés imposés par la
technique.
1.4.2 Configuration naturelle et animée des ouvrages de protection et
des lignes de rive
Pour éviter l'image d'un cours d'eau corrigé et canalisé, les lignes de rive, les plus
naturelles, doivent être choisies. Les entreprises de construction préfèrent des définitions
géométriques avec des éléments de piquetage (jalonnage) comme dans la
construction des routes. Il est alors nécessaire que l'ingénieur responsable de l'étude
donne des instructions adéquates aux ouvriers au début des travaux. Ceci est très
important pour la réalisation des enrochements et des talus des rives.
Les ouvrages de protection doivent, si possible, être réalisés avec des éléments naturels
comme des blocs en pierre et avec de la protection végétale. Les
enrochements s'y prêtent bien s'ils sont recouverts de terre végétale et de
végétation. La diversité des pentes de berges et l'implantation de risbermes à largeur
variable donne une apparence variée aux rives. Ces risbermes facilitent la plantation
des arbres et l'entretien de la végétation.
1.4.3 Murs de protection seulement là où ils sont indispensables
Un cours d'eau, dont les rives sont protégées par des murs, donne l'impression d'un
canal technique. Etant donné que pour des cours d'eau traversant des villages ou
villes, l'espace est limité, les murs de protection deviennent alors inévitables. Ces
murs doivent non seulement être intégrés à l'architecture du lieu (le long du cours
d'eau) mais si possible contribuer à son amélioration. L'accès au cours d'eau doit
être garanti par des escaliers, etc.
1.4.4 Renoncement aux seuils fixes
Un cours d'eau montrant des signes d'érosion est très souvent corrigé en délimitant
le lit par des seuils fixes. Ces seuils constituent des obstacles souvent infranchissables
pour les poissons et coupent leur migration. D'autres mesures, telles que par
exemple l'élargissement local du cours d'eau, le renforcement du lit avec des gros
blocs et des rampes de blocs, s'avèrent plus avantageuses.
1.4.5 Abandon de la modification du lit
Les interventions sur le lit d'un cours d'eau par dragage ont un impact néfaste sur le
fonctionnement biologique. L'équilibre dynamique du transport solide doit être garanti
par d'autres mesures (adaptation des sections, installation des dépotoirs de sédiments,
etc.).
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8 Aménagements de cours d'eau
1.4.6 Ouvrages de protection flexibles
Les ouvrages de protection des rives devraient se caractériser par un minimum de
flexibilité permettant de résister, dans certaines limites, aux affouillements du lit. Pour
les murs de protection, cette flexibilité est inexistante et leur stabilité ne peut être garantie
que par la construction de fondations profondes. De par leur nature, les enrochements
sont très flexibles et s'adaptent bien aux érosions si un tapis de blocs protège
leur pied. Un remplissage des joints entre les blocs avec du béton est contreproductif
et réduit la sécurité contre les affouillements.
1.4.7 Standard de protection différencié pour des rives intérieures et
extérieures dans des tronçons courbés
Les rives intérieures dans une courbe sont moins sollicitées par l'écoulement. En général,
il est même possible de renoncer à des mesures constructives. Par contre, les
rives extérieures (rives de choc) sont exposées aux fortes vitesses du cours d'eau et
à l'érosion du lit.
Des cours d'eau courbés présentent alors un certain nombre d'avantages car la protection
de leurs rives se limite aux "rives de choc".
1.4.8 Allégement de la plantation des arbustes et arbres
Le fonctionnement biologique d'un cours d'eau nécessite l'introduction des végétations
fluviales le long des rives. Des pentes faibles et des risbermes favorisent la végétalisation.
1.4.9 Garantie d'accès aux cours d'eau et son entretien
L'entretien d'un cours d'eau est possible grâce aux chemins d'entretien qui longent
les rives. Ces chemins facilitent également l'accès au cours d'eau à des pêcheurs et
randonneurs.
1.5 Principes pour la protection contre les crues des cours d’eau
selon les directives de l’OFEG
1.5.1 Bases et besoins d’action
Basé sur la loi fédérale sur l’aménagement des cours d’eau (LACE) et l’ordonnance
correspondante (OACE) ainsi que sur le principe du développement durable, l’Office
fédéral des eaux et de la géologie (OFEG) a donné une nouvelle orientation
conceptionnelle dans le domaine de la protection contre les crues [45].
Dans le passé, la correction des rivières et torrents en Suisse a contribué d’une
manière décisive au développement économique. Toutefois, les évènements
majeurs de crues de 1987, 1993, 1999 et 2000 ont révélé que, malgré des lourds
investissements pour des mesures constructives, une protection absolue contre les
crues ne peut pas être atteinte. Pour éviter l’augmentation des dommages causés
par les crues à l’avenir, les efforts doivent également être concentrés sur la
diminution du potentiel des dommages résultant de :
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Aménagements de cours d'eau 9
- La construction fréquente, par le passé, dans des zones dangereuses (en
particulier dans les zones inondables), ce qui augmente les dégâts dus aux
crues
- Dans les lits rétrécis et canalisés des cours d’eau corrigé dans le passé,
l’écoulement est accéléré ce qui aggrave les pointes des crues sur des
tronçons aval
- Par l’urbanisation, les zones de rétention ou d’évacuation des crues lors
d’évènements extrêmes ont fortement diminué
- Les travaux d’entretien des cours d’eau sont négligés à certains endroits ce
qui peut augmenter la situation de danger
- Le changement climatique a la tendance d’aggraver la situation de danger
A part le déficit de sécurité, on constate que beaucoup de cours d’eau ont été
appauvri écologiquement par les corrections dans le passé :
- Canalisation des lits et tracés des cours d’eau induisant des structures de
paysage monotones
- Utilisation des terrains jusqu’au bord de cours d’eau réduisant son espace
vital et sa dynamique
1.5.2 Exigences et nouveaux principes
La problématique mentionnée ci-dessus conduit aux exigences suivantes pour la
protection contre les crues :
- Notre espace vital et économique doit être protégé de manière appropriée
- Une prévention globale doit éviter que le montant des dégâts ne continue de
croître
- La façon d’appréhender les incertitudes liées aux processus naturels doit être
améliorée et prise en considération lors de l’élaboration des concepts de
protection contre les crues
- Les cours d’eau doivent être respectés en tant qu’élément essentiel et de
liaison de la nature et du paysage
La loi fédérale sur l’aménagement des cours d’eau (LACE) et l’ordonnance sur
l’aménagement des cours d’eau (OACE) s’expriment clairement sur la priorité
comment ces exigences peuvent être satisfaites :
« La protection contre les crues doit être réalisée avec un minimum d’atteintes aux
cours d’eau et une grande importance doit être accordée à la prévention. Cependant,
malgré toutes les mesures préventives, un plan d’urgence approprié et une
organisation en cas d’urgence restent incontournables ».
Les principes suivants découlent de ces exigences (selon [45]) :
- Apprécier la situation de danger. Afin de pouvoir juger des besoins de
protection, il faut connaître de façon globale la situation hydrologique, les
conditions d’aménagement du cours d’eau et les types de danger principaux.
Grâce à la documentation sur les crues comprenant l’analyse des
événements, le cadastre des événements et les cartes indicatives des
dangers, il devient aisé d’identifier les dangers existants et les conflits. Cette
situation de danger doit être contrôlée périodiquement. Les dangers existants
doivent être pris en compte dans les plans directeurs et les plans d’affectation.
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10 Aménagements de cours d'eau
- Identifier les déficits écologiques et y remédier. Une protection contre les
crues durable doit se soucier d’une végétation des rives prospère et doit
laisser suffisamment d’espace pour le développement d’une diversité naturelle
des structures pour les habitats aquatiques, amphibiens et terrestres. Elle
crée des liaisons entre les habitats.
- Différencier les buts de protection. Les concepts de protection contre les
crues sont mis sur pied en différenciant les buts de protection: les objets de
grande valeur doivent être mieux protégés que ceux de moindre valeur. Selon
ce principe, les terrains agricoles et les bâtiments isolés nécessitent une
moins grande protection que les agglomérations, les installations industrielles
ou les infrastructures; alors que les surfaces exploitées extensivement n’ont,
en principe, pas besoin d’une protection spécifique contre les crues.
Cependant, une analyse des dégâts potentiels peut, dans certains cas
particuliers, entraîner une autre pondération: toutes les mesures doivent être
évaluées et examinées par rapport à leur proportionnalité.
- Retenir où cela est possible; évacuer si cela est nécessaire. Autant que
possible, les débits de crue devraient être retardés dans des zones de
rétention afin de pouvoir écrêter les pointes de crues. Les zones naturelles de
rétention de crues doivent donc non seulement être préservés, mais
également, dans la mesure du possible, être reconstituées. Les crues ne
devraient être évacuées que lorsque c’est indispensable, comme par exemple
dans les secteurs étroits des agglomérations. Mais, là aussi, des corridors
d’évacuation des crues devraient être maintenus libre ou créés afin que des
événements extrêmes aient suffisamment d’espace à disposition.
- Minimiser les interventions. Des sections d’écoulement suffisantes
constituent une condition fondamentale pour assurer la protection contre les
crues, pour maintenir le bilan en matériaux solides en équilibre et pour assurer
le drainage. La protection contre les crues peut alors être assurée avec un
minimum d’interventions sur le milieu naturel.
- Examiner les points faibles. Les incertitudes naturelles doivent être mieux
prises en compte. La sécurité constructive des ouvrages de protection doit
être optimisée en conséquence. Le fonctionnement et la résistance des
ouvrages de protection doivent être testés en cas de surcharge (lors
d’événements extrêmes). Grâce à la vérification périodique de l’efficacité des
mesures de protection existantes, les éventuels points faibles peuvent être
détectés à temps et supprimés.
- Garantir l’entretien. L’entretien adapté des cours d’eau est une tâche
permanente. Il assure l’efficacité des ouvrages de protection existants et
maintient les capacités d’écoulement.
- Assurer l’espace nécessaire. Un ruisseau doit être plus qu’un caniveau
d’écoulement, une rivière plus qu’un canal. Pour cette raison, l’utilisation du
sol doit respecter une distance suffisante au cours d’eau. Les cantons sont
tenus de fixer l’espace nécessaire aux cours d’eau, de l’inscrire dans les plans
directeurs et les plans d’affectation, et d’en tenir compte dans toutes les
activités ayant un effet sur l’organisation du territoire.
- Respecter les besoins. Les besoins de chacun, cherchant un espace de
détente au bord des ruisseaux et des rivières et y passant ses loisirs, doivent
également être respectés. En outre, une utilisation durable des ressources en
eau, en particulier de la production d’énergie, doit pouvoir être préservée.
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Aménagements de cours d'eau 11
1.5.3 Démarche intégrée pour la protection contre les crues
En fonction des conditions générales, les besoins d’action doivent être déterminés
compte tenu de la participation de toutes les personnes concernées. Ceci n’est
possible que si une connaissance objective des dangers naturels existants est
établie, si la situation de risque est évaluée correctement, si les différents intérêts en
présence sont coordonnés, si les principes légaux sont pris en compte et si les
priorités sont fixées (Fig. 1.6) :
• Pour parvenir à des solutions acceptables, une planification globale est
nécessaire. Il en résulte un train de mesures en accord avec tous les dangers
naturels ainsi qu’avec toutes les autres mesures ayant un effet sur l’organisation
du territoire, prenant en outre en considération les plans sectoriels*.
• Lorsque, du point de vue de la protection contre les crues, le degré de protection
d’un cours d’eau est considéré comme suffisant et son état écologique est jugé
satisfaisant, ces conditions doivent être assurées et maintenues par des mesures
d’aménagement du territoire et d’entretien.
• Lors de l’évaluation du degré de protection, des mesures adaptées aux conditions
locales doivent être planifiées dès qu’un déficit est constaté. Le terme de déficit
comprend non seulement ceux liés à la protection contre les crues mais aussi
ceux liés à l‘écologie. Pour pouvoir assurer à long terme aussi bien une protection
contre les crues adéquates que les fonctions écologiques des cours d’eau, ces
deux objectifs doivent être traités en parallèle et en toute équité.
• La protection contre les crues ne se résume plus depuis longtemps à empêcher à
tout prix le débordement d’un cours d’eau. Car les ruisseaux ou rivières
constituent d’une part l’habitat d’animaux et de plantes diversifiées et d’autre part
des lieux de détente idéaux. C’est pourquoi une protection contre les crues
moderne prend en considération les diverses fonctions d’un cours d’eau et
cherche, partout où cela est possible, à les maintenir ou à les reconstituer.
• Chaque conception de mesures doit être examinée de façon critique quant à leur
proportionnalité technique, économique et écologique. Si le projet est jugé
disproportionné, alors l’utilisation du sol ou les buts de protection doit être
réexaminé.
• Lorsque les mesures sont proportionnées, un projet d’exécution sera élaboré.
• Des risques résiduels demeurent toujours. Ils sont donc à identifier
systématiquement. Dans ce cadre, l’efficacité des mesures prévues en cas de
surcharge, comme par exemple lors d’une crue extrême, doit être évaluée.
Toutes les mesures prévues doivent être complétées par une planification des
interventions d’urgence et par l’organisation des interventions d’urgence qui
y est associée (y compris concept d’alarme et plan d’évacuation). Cet examen
intégral conduit à vivre consciemment avec les dangers possibles dans l’esprit
d’une culture globale du risque.
* Cette approche se réfère notamment aux recommandations de la VSA « Le plan régional
d’évacuation des eaux » (2000).
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12 Aménagements de cours d'eau
Fig. 1.6: Démarche intégrée
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Aménagements de cours d'eau 13
1.5.4 Définition des besoins d’action
L’évaluation de la situation de danger, la détermination du potentiel de dommages,
l’analyse de l’état du cours d’eau, la détermination des buts de protection et de
l’espace nécessaire au cours d’eau conduisent au jugement sur la nécessité
d’entreprendre une planification des mesures et sur son étendue. On distingue
quatre cas de figures qui peuvent aussi être combinés entre eux.
Cas A:
Pas de déficit de protection contre les crues
L’utilisation des sols actuelle est adaptée à la situation de danger. Cette situation
favorable doit être garantie à long terme. Une transposition dans le plan directeur et
le plan d’affectation est donc nécessaire. On continuera de procéder aux travaux
d’entretien entrepris jusqu’ici, et périodiquement le bon fonctionnement des ouvrages
de protection (ainsi que leur mise en danger) sera contrôlé.
Cas B:
Déficit de protection contre les crues
Si un déficit de protection contre les crues est constaté, des mesures visant à
supprimer ou à amoindrir ce risque doivent être planifiées. Dans ce cas, des
éventuels déficits écologiques sont à prendre en compte. Après la réalisation des
mesures, les dangers résiduels doivent être évalués. A cette fin, une carte des
dangers sera établie et sera transposée dans le plan directeur et le plan
d’affectation. Les risques résiduels doivent être clarifiés et pris en considération
dans la planification des mesures d’urgence. La maintenance des ouvrages de
protection et l’entretien des cours d’eau doivent être assurés à long terme.
Cas C:
Pas de déficit écologique
Il n’y a pas de conflits d’intérêts et le cours d’eau est dans un état proche de l’état
naturel. La sauvegarde de cet état naturel doit être assurée à long terme au moyen
du plan directeur et du plan d’affectation. Les travaux d’entretien et de soins à la
végétation doivent être poursuivis.
Cas D:
Déficit écologique
Si on constate des déficits écologiques, les moyens existants susceptibles
d’améliorer la situation doivent être examinés dans le cadre d’une planification de
mesures. Les intérêts de la protection contre les crues sont néanmoins à prendre en
compte. Une fois la situation améliorée, elle doit être préservée à long terme. Si des
déficits ne peuvent pas être résolus dans l’immédiat, il faut en tout cas réserver et
ainsi garantir un espace suffisant en l’inscrivant dans les instruments de
l’aménagement du territoire.
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Aménagements de cours d'eau 15
2 Espace vital des cours d'eau
(selon le projet STS de Oehy/Aguet [7])
2.1 Zones du cours d'eau
Un cours d'eau a besoin d'un minimum d'espace, appelé espace vital, afin de
conserver une dynamique alluviale et une interface naturelle favorable à la faune et à
la flore d'une rivière. Les réflexions suivantes se référent à des études effectuées récemment
en Suisse [4, 5, 6, 7].
L’espace d’un cours d’eau peut principalement se diviser en un lit du cours d’eau et
sa zone de rive. Cet espace est couramment appelé espace primaire (= minimal)
du cours d’eau et il doit être entièrement à la disposition de celui-ci, pour ses fonctions
et pour son développement spatial et temporel.
A part l’espace primaire, il faudrait, dans la mesure du possible, définir également un
espace secondaire qui permettrait un développement dynamique du cours d’eau
sous forme d’une zone de divagation, ainsi que des zones-tampons supplémentaires.
L’utilisation par l’agriculture de cet espace est admise, mais seulement de
manière limitée et adéquate.
Toutes les différentes zones du cours d’eau sont représentées à la figure 2.1.
Zone de rétention et d'inondation
Niveau de crue
Section d'évacuation
Profondeur du lit
Zone de
bord
Berge
Lit majeur
Lit mineur
Lit majeur
Berge
Zone de rive
Lit du cours d'eau
Zone de rive
Terrain environnant
Espace
secondaire
Zone de divagation
Zone de tampon
Espace primaire
Espace vital du cours d'eau
Fig. 2.1: Schéma des zones du cours d’eau
2.1.1 Lit du cours d’eau
Le lit du cours d’eau peut être divisé en un lit mineur et en des surfaces
supplémentaires représentant le lit majeur.
Le lit mineur du cours d’eau constitue la partie centrale du lit d'un cours d'eau. Il est
formé et légèrement creusé dans des conditions naturelles. La zone du lit mineur est
délimitée par les zones qui sont sèches plus de 90 jours en moyenne. Dans les cours
d’eau avec un faible taux de transport de sédiments, le lit mineur du cours d’eau correspond
généralement au lit total.
Les surfaces de transport de sédiments du lit majeur d'un cours d’eau sont couvertes
de végétation, sur plus de 20 [cm] en dessus de la surface d’eau. Ces zones
16 Aménagements de cours d'eau
n’existent que dans les tronçons des cours d’eau transportant d'importantes quantités
de sédiments.
2.1.2 Zone de rive
La zone de rive peut être divisée en berges et bandes de bord. Les berges représentent
la partie inclinée des rives et les bandes de bord représentent la partie plate
adjacente aux berges.
2.1.3 Zone de divagation
La possibilité d’un développement spatial et temporel, c’est-à-dire la formation de
méandres, la ramification et la création de différents espaces vitaux représentent une
des plus importantes caractéristiques d’un cours d’eau naturel.
Fig. 2.2: Méandre avec zone alluviale à l'intérieur (Venoge, Canton Vaud)
2.1.4 Zone-tampon
Les zones-tampons servent à retenir des substances et forment ainsi, une zone de
transition importante entre la surface agricole riche en engrais et le cours d’eau. La
largeur minimale de la zone-tampon imposée par la loi est de 3 [m].
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Aménagements de cours d'eau 17
Fig. 2.3:
Transition entre l'agriculture et le cours d'eau (Venoge, Canton Vaud)
2.2 Concept "espace vital du cours d'eau"
A la base du concept de "l’espace vital nécessaire" il y a l’idée d’une restriction de
l’espace originellement naturel. Sa réalisation n'est possible que jusqu’à un certain
point, sans que les fonctions du cours d’eau ne soient atteintes.
La détermination de l’espace vital nécessaire du cours d’eau ne part pas d’un état de
référence d’un cours d’eau vierge et naturel. L’objectif est plutôt le développement du
cours d’eau proche de l’état naturel, dans le paysage rural de la Suisse ("Naturnahe
Fliessgewässer in der Kulturlandschaft der Schweiz"). Un tel cours d’eau remplit les
conditions suivantes:
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18 Aménagements de cours d'eau
La demande d’utilisation par l’homme
de l’espace du cours d’eau est reconnue
L’utilisation doit toujours rester possible.
La demande d’une protection contre
les crues est mise en valeur.
Des mesures constructives dans
l’espace du cours d’eau peuvent être
nécessaires pour la protection de bâtiments
ou d'autres objets importants
(protection locale).
L’agriculture peut toujours utiliser
l’espace secondaire, mais de manière
adéquate.
L'excavation, l'exploitation de sédiments
est autorisée si elle sert à la
protection contre les crues.
La demande d’espace du cours d’eau
est reconnue
Le bilan du transport de sédiments
doit rester le plus naturel possible,
sauf si des mesures de protection nécessitent
une excavation/exploitation
de sédiments.
Les cours d’eau doivent garder
l’espace nécessaire pour un développement
naturel ou proche de la nature
(protection du cours d’eau).
Des constructions à l’intérieur de
l’espace du cours d’eau ne sont plus
autorisées.
Le lit principal devrait être continu
pour permettre la vie à sa faune
aquatique (continuité longitudinale)
pour autant que cela corresponde à
son état naturel. Les obstacles fixes
doivent être franchissables.
Le cours d’eau doit être entouré
d’arbres ou de végétation naturelle de
rive et être ombragé dans la plupart
des cas.
La végétation du cours d’eau, spécialement
la végétation des rives, doit
être capable de se développer de
manière naturelle.
L’apport de bois morts est souhaitable
pour autant que le risque
d’obstruction soit éliminé. Les mesures
d’entretien sont limitées au minimum.
L’espace minimal propre à un cours d’eau définit l’espace nécessaire pour une
forme et un développement naturel du cours d’eau en garantissant ainsi la
possibilité de préserver les fonctions vitales du cours d’eau
2.3 Méthodes de détermination de l'espace vital
Pour la mise en pratique du concept "Espace vital du cours d’eau" il faut bien avoir
recours aux méthodes concrètes et pragmatiques. Ces différentes méthodes peuvent
être distinguées selon deux approches: quantitative et qualitative.
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Aménagements de cours d'eau 19
2.3.1 Approche quantitative
La méthode mentionnée ci-dessous a été développée lors d’une étude de l’espace
minimal des cours d’eau, établie pour l’Office fédéral de l’économie des eaux (OFEE)
[4, 5, 6].
La méthode visant à déterminer l’espace vital nécessaire du cours d’eau est basée
sur la détermination et la superposition des besoins d’espace des différentes zones
liées aux quatre fonctions décrites plus loin.
La méthode propose l’attribution des fonctions suivantes aux zones du cours d’eau
(voir aussi Fig. 2.4):
La fonction de transport est liée au lit du cours d’eau. L’espace en dessus du lit
doit permettre une évacuation d’eau sans dégâts. Une importance secondaire est
accordée à la fonction de transport dans les zones de rive. Sa capacité de transport
est négligée, mais les zones de rive peuvent améliorer considérablement la
capacité de rétention.
La fonction de biotope et de paysage est attribuée à l’espace entier du cours
d’eau.
La fonction tampon est attribuée aux zones de bord et aux berges (c-à-d aux zones
de rive). Des substances minérales et des produits organiques (engrais, pesticides)
apportées latéralement dans le cours d’eau, doivent être absorbées par
ces zones–là.
La fonction de détente est principalement attribuée aux zones de rive. Les activités
de détente demandent des aménagements tout le long de la rivière, à
l’exception des endroits inaccessibles.
Fonction de
transport
Fonction de biotope
et de paysage
Fonction de
tampon
Fonction de
détente
Lit du cours Zone de Zones
d'eau rive supplémentaires
Fig. 2.4: Attribution de fonctions aux différentes zones d'un cours d'eau (cf. Fig. 2.1)
La détermination du besoin minimal de l’espace vital se fait par tronçons d’une longueur
moyenne de 500 à 2000 [m]. Les relevés de terrain seront effectués à l’aide
d'un formulaire. La méthode est applicable pour de petits et moyens cours d’eau
(jusqu’à 15 [m] de largeur du lit).
La détermination des différents sous-espaces du cours d’eau est décrite plus loin.
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20 Aménagements de cours d'eau
2.3.1.1 Détermination de la largeur minimale du lit du cours d’eau B si
La largeur minimale du lit du cours d’eau est déterminée par la valeur maximale de
son emprise existante, empirique ou hydraulique - hydrologique.
Largeur existante du lit (B si )
Pour la détermination de la largeur minimale du lit, la largeur existante est utilisée
comme grandeur de comparaison.
Largeur empirique du lit (B se )
Le calcul se fait à l’aide d’un modèle établi empiriquement sur des tronçons naturels
de référence. Il est basé sur la largeur d’un lit développé naturellement. La surface
du bassin versant (E), les précipitations annuelles moyennes (N) et la pente
moyenne pondérée du bassin versant (G) sont prises en considération.
L’équation pour la détermination de la largeur minimale empirique du lit du cours
d’eau est la suivante :
B
B
se
se
0.
876 10
5
0.
876 10
5
N
2
E 2.
5 [m]; pour E 10 [km ]
0.
9
G
N
0.
25
E [m]; pour E 10 [km
0.
9
G
2
]
(2.1)
(2.2)
avec B se : Largeur empirique du cours d’eau en [m]
E : Surface du bassin versant en [km 2 ]
G : Pente moyenne pondérée du terrain en [%]
N : Précipitations annuelles moyennes en [mm]
La largeur minimale empirique du lit garantit en même temps la conservation de la
fonction de biotope aquatique.
Largeur hydraulique du lit (B sh )
Le calcul est effectué à l’aide d’une formule hydraulique - hydrologique simplifiée.
Les paramètres intervenants sont le débit de crue selon les exigences de protection
(Q s ), la profondeur du lit (t), la pente du lit du cours d’eau (J) et le coefficient de rugosité
de Strickler (K st ). La largeur du lit du cours d’eau devra permettre une évacuation
des eaux et des sédiments sans dégâts. Le rayon hydraulique admis est égal à la
profondeur (R h t) et la surface en dessus des berges est négligée (profil rectangulaire).
L’équation pour la détermination de la largeur minimale hydraulique du lit du cours
d’eau est donc la suivante :
avec B sh :
Q s :
B
sh
K
Largeur hydraulique du cours d’eau en [m]
Débit de crue à évacuer en [m 3 /s]
K st : Coefficient de Strickler en [m 1/3 /s -1 ]
st
Qs
5
(2.3)
3
t J
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Aménagements de cours d'eau 21
t :
Profondeur du lit en [m]
J: Pente du lit en [%]
Cette formule simplifiée peut se justifier par le fait qu’en réalité il y a une grande variabilité
de la profondeur t et de la pente moyenne J. Ces paramètres sont beaucoup
plus déterminants que le modèle utilisé. Pour effectuer un calcul hydraulique plus
précis, il faudrait donc des investissements considérables et cela ne se justifie pas à
ce stade du projet. En appliquant cette formule très simplifiée, il faut alors garder un
esprit critique.
La largeur minimale du lit du cours d’eau représente la valeur maximale des trois
valeurs trouvées lors des calculs B s = max (B si , B se , B sh ) et elle doit être conservée
dans toutes les circonstances.
2.3.1.2 Détermination de la largeur de la zone de rive B u
La largeur de la zone de rive est calculée en fonction de la largeur empirique du lit du
cours d’eau. La largeur se situe aux alentours de 5 [m] pour de petits cours d’eau
d’une largeur du lit jusqu’à 2 [m] et de 15 [m] au maximum pour de moyens et grands
cours d’eau. De plus, les prescriptions minimales venant des constructions hydrauliques
interviennent dans le calcul (pente des berges de 1:2).
La largeur minimale de la zone de rives (B u ) est déterminée en prenant comme base
les grandeurs suivantes :
Largeur existante de la zone de rives (B ui )
Largeur empirique de la zone de rives (B ue )
La détermination d’une courbe "largeur du lit – largeur de la zone de rive" est effectuée
à l’aide de certains cours d’eau de référence, ainsi que de l’analyse de la littérature.
La relation retenue est présentée à la figure 2.3.
Détermination de la largeur des rives
20
15
Largeur de la zone de rive [m]
10
5
Biodiversité
Espace minimal nécessaire
0
0 5 10 15 20 25
Largeur du lit du cours d'eau [m]
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22 Aménagements de cours d'eau
Fig. 2.3: Relation empirique entre la largeur du lit et la largeur de la zone de rive
Largeur constructive de la zone de rives (B uw )
La détermination résulte de la pente maximale des berges fixée à 1:2.
B uw = 2 Profondeur du lit
(2.4)
La largeur de la zone de rive est déterminée en prenant aussi la valeur maximale
trouvée lors du calcul B u = max (B ui , B ue , B uw ).
La largeur minimale de la zone de rive (B u ) doit être conservée. Des limitations sont à
éviter ou à compenser par des surfaces environnantes.
2.3.1.3 Détermination de la largeur de la zone de divagation (B pb )
La largeur de la zone de divagation (B pb ) est calculée en fonction de la largeur empirique
du lit du cours d’eau. Le besoin d’espace pour cette zone est considéré comme
une option. Généralement, la zone de divagation est seulement admise sur des tronçons
hors zones urbaines ou alors des vallées, des ravins, des gorges étroites, etc.
La formule suivante a été proposée pour déterminer la largeur nécessaire:
B
pb
5 . 6 B
se
B
si
(2.5)
avec B pb :
B se :
B si :
Largeur de la zone de divagation en [m]
Largeur empirique du lit du cours d’eau en [m]
Largeur existante du lit du cours d’eau en [m]
2.3.1.4 Détermination de la largeur de la zone tampon (B pz )
La largeur minimale de la zone tampon (B pz ) est déterminée à l’aide d’une méthode
du BUWAL (1994). Elle est fonction de l’utilisation et de la pente des surfaces adjacentes,
habituellement d'ordre de 20 à 35 [m], au maximum 45 [m]. Les zonestampons
sont seulement séparées dans les tronçons exploités par de l’agriculture
intensive. La loi prescrit une distance minimale de 3 [m] à partir de la crête des
berges.
2.3.1.5 Détermination de la largeur de la zone de détente (B e )
Le supplément pour la détente est seulement accordé aux zones justifiant ce besoin,
par exemple: par l’accessibilité au cours d’eau, par son fréquentation par des
randonneurs ou des cyclistes, par l’état du cours d’eau ou par la situation du bruit.
Ce supplément est généralement de 3 [m] (largeur d’un chemin d'entretien).
L’espace supplémentaire pour se détendre ou se baigner doit être prévu selon les
cas.
Les différents sous-espaces minimaux définissent le besoin d’espace pour un développement
naturel du cours d’eau et ainsi aussi pour la préservation des fonctions
vitales du cours d’eau. Les sous-espaces pour le lit, la zone de rive, la zone de divagation,
la zone-tampon et la zone de détente seront superposés selon la figure 2.7
pour définir l’espace vital nécessaire.
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Aménagements de cours d'eau 23
La distinction entre un espace primaire et secondaire s’explique par le fait que
l’espace primaire est nécessaire pour que le cours d’eau puisse accomplir ses fonctions
ainsi que son développement temporel et spatial. Les zones en dehors de
l’espace primaire définissent des zones-tampons supplémentaires et font partie de
l’espace secondaire. Dans ces zones, une utilisation adéquate de l’espace est
autorisée.
Les résultats de cette approche sont des largeurs minimales pour les différentes zones.
Ces largeurs ne doivent pas être considérées comme des valeurs absolues,
mais plutôt comme une bande d’espace dont la position par rapport au cours d’eau
est variable.
Les besoins minimaux de l’espace total du cours d’eau peuvent être déterminés à
l’aide de la figure 2.6 ci-après. Ce graphique définit la largeur nécessaire de l’espace
du cours d’eau à l’aide de trois courbes correspondant à la variabilité de la largeur
(prononcée, limitée, absente). Il a été établi lors d’une étude de l’espace minimal des
cours d’eau, élaboré pour l’Office fédéral de l’économie des eaux (OFEE) [4, 5, 6].
70
Espace vital nécessaire d'un cours d'eau
60
Espace total nécessaire [m]
50
40
30
20
10
Variabilité de la largeur du
lit du cours d'eau
absente
limitée
prononcée
0
0 5 10 15
Largeur du lit du cours d'eau [m]
Fig. 2.6: Espace vital nécessaire du cours d'eau en fonction de sa largeur
2.3.2 Approche qualitative
Cette méthode "simpliste" a été élaborée par le Service des déchets, de l’eau, de
l’énergie et de l’air du canton de Zurich (AWEL).
Les différentes étapes, ayant pour but la classification d’une rivière, sont décrites
plus loin.
2.3.2.1 Repérages géographiques et relevés sur le site
Grâce à la carte de la région du cours d’eau à l’échelle 1:5'000 et à un formulaire, on
élabore le relevé sur la partie concernée du projet en question. Généralement, on
commence à la source pour aller jusqu’à l’embouchure du cours d’eau. Si un paramètre
change fondamentalement, on détermine un nouveau tronçon, mais la distance
d’un tronçon est toujours supérieure à 50 [m]. Quelques informations supplé-
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24 Aménagements de cours d'eau
mentaires à prendre en compte, lors du repérage sont la flore aquatique (algues), la
végétation des berges et le bois mort (accumulation dans certains endroits).
Les différents paramètres caractérisant les tronçons du cours d’eau sont:
a) Largeur moyenne du lit
Ce paramètre est un indicateur indirect de la biodiversité aquatique et devient déterminant
pour la largeur nécessaire de l’espace vital.
b) Variabilité de la largeur
Plus la variabilité augmente, plus on favorise la biodiversité, les variations de vitesses
d’écoulement et l'aspect paysager attrayant du cours d’eau. On distingue les degrés
suivants de variabilité de la largeur:
- Prononcée : perpétuel changement de la largeur
- Limitée : quelques changements et niches latérales
- Absente : berges parallèles, peu de changements
c) Pavage du lit
Grâce au pavage, on améliore la dynamique du cours d’eau et surtout, on diminue
l’érosion du lit, ainsi que celle du pied des berges, lors de débits de crues. On distingue
les degrés suivants pour le taux de pavage (en %) d’un tronçon considéré:
Absent 0 %
Ponctuel < 10 %
Partiel 10 ÷ 30 %
Fort 30 ÷ 60 %
Dominant > 60 %
Complet 100 %
d) Stabilisation des berges
La stabilisation naturelle des berges est réalisée à l’aide d’une végétation abondante
le long des berges du cours d’eau. Celle-ci est bénéfique non seulement à la faune
et à la flore, mais procure au cours d’eau une capacité de rétention non négligeable
pendant les crues. La stabilisation des berges dépend surtout du matériau utilisé et
de sa perméabilité.
On distingue le degré de la stabilisation naturelle, selon son taux (en %) d’occupation
le long des berges:
Absent 0 % (stabilisation artificielle)
Ponctuel < 10 %
Partiel 10 ÷ 30 %
Fort 30 ÷ 60 %
Dominant > 60 %
Complet 100 % (stabilisation naturelle)
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Aménagements de cours d'eau 25
e) Variabilité de la profondeur (supplémentaire)
La profondeur résulte principalement des processus d’érosion et du transport et de
sédimentation. Dans le cours d’eau naturel, une grande variabilité de la profondeur
se vérifiera dans le profil en long et dans les profils en travers. On distingue les
degrés suivants de variabilité de la profondeur (Figure 2.7):
- Prononcée : perpétuel changement de la profondeur
- Limitée : quelques changements
- Absente : fond du lit avec peu de changements, quasi
linéaire
absent limité prononcé
Fig. 2.7: Variabilité de la profondeur
Des corrections et des seuils au droit du cours d’eau influencent le bilan du transport
de sédiments. Si la rivière génère peu de transport de sédiments, on obtient le long
de celle-ci:
- une faible variabilité de la profondeur
- une prolifération de la flore aquatique (algues, etc.)
2.3.2.2 Création d'une base de données
On répertorie le relevé effectué sur le site, puis on établit des cartes spéciales par
bassin versant du cours d’eau en question. Ceci, afin d’introduire ces données dans
un système d’information géographique (SIG) pour fournir une base de données
complète de la région étudiée.
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26 Aménagements de cours d'eau
2.3.2.3 Classification des tronçons du cours d’eau
A partir des paramètres les plus importants (largeur moyenne du lit, variabilité de la
largeur, pavage du lit, stabilisation des berges), un système de pondération a été
élaboré. Il permet de classifier les différents tronçons. Pour ce faire, on subdivise les
cours d’eau en quatre classes suivantes:
Cours d'eau naturel
(pas touché par l’homme)
Cours d'eau peu remanié
Cours d'eau fortement remanié
Cours d'eau artificiel (complètement canalisé)
2.3.2.4 Zones d’intervention
La définition des zones d’intervention s’obtient à l’aide d’une représentation graphique
des données du relevé de terrain (obtenu au point 2.3.2.2) et à partir de la carte
de classification (obtenue au point 2.3.2.3).
Ensuite, on propose des mesures selon la classe du tronçon considéré :
Naturel:
- seulement des mesures ponctuelles
- amélioration de la continuité des talus de berges
- stabilisation ponctuelle des berges
Ex. : Suppression des petites chutes, des petits seuils, …
Peu remanié: - analyser la cause du déclassement
- investissement modéré
Ex. : Amélioration de la variabilité de la largeur
Fortement remanié: - nécessite des mesures sur tous les tronçons
- investissement modéré à élevé au niveau des berges
Ex. : Suppression des stabilisations des berges artificielles
Artificiel:
- comme fortement remanié
- investissement considérable aussi au niveau du lit du cours
d’eau
En général, si l'on adopte une mesure, la décision finale sera prise en tenant compte
de la protection contre les crues et de l’exploitation correcte du cours d’eau.
2.3.2.5 Planification détaillée
Une planification détaillée des zones d’intervention le long du cours d’eau devra être
entreprise pour mener à bien les différents travaux envisagés. En préparant une planification
rationnelle des moments opportuns pour effectuer de multiples interven-
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Aménagements de cours d'eau 27
tions le long du cours d’eau, on n’oubliera pas de collaborer avec les milieux écologiques.
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28 Aménagements de cours d'eau
2.4 Evaluation écomorphologique
Basés sur diverses études mentionnées ci-dessus [4, 5, 6] ; des méthodes d’analyse
et d’appréciation des cours d’eau en Suisse par une évaluation écomorphologique
ont été établis [46].
La nécessité d’agir, du point de vue des fonctions naturelles d’un cours d’eau, sera
dictée par une évaluation écomorphologique. Les besoins d’action de ce point de vue
doivent être pris en compte lors de la planification des mesures de manière identique
aux objectifs de protection résultants de l’affectation du sol.
Le terme «écomorphologie» englobe la totalité des spécificités structurelles du
cours d’eau et de ses abords: la morphologie propre du cours d’eau, les mesures
d’aménagement effectuées sur le cours d’eau (stabilisation des berges,
aménagement du fond du lit, barrages) ainsi que les particularités des terrains
environnants (constructions, utilisation des terrains, végétation, espace du cours
d’eau). L’évaluation sera entreprise selon différents degrés de détails. Concernant
l’évaluation régionale des cours d’eau (dénommé niveau R), on distingue cinq
caractéristiques essentielles:
• largeur moyenne du lit
• variabilité de la largeur du lit mouillé
• aménagements du fond du lit
(et obstacles à la migration)
• renforcement du pied de la berge
• largeur et nature des rives
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Aménagements de cours d'eau 29
3 Importance du charriage pour la protection
contre les crues
3.1 Introduction
La présence du charriage dans une rivière provoque une interaction entre l'écoulement
et le lit ce qui produit des dépôts ou de l'érosion. Cette interaction modifie la
section et les caractéristiques hydrauliques de la rivière, ce qui influence de manière
déterminante la capacité de transport par charriage. Le charriage est impliqué directement
ou indirectement dans tous les processus dangereux tels que par exemple
l'érosion, les inondations et les laves torrentielles. Le débit de dimensionnement doit
être maîtrisé en considérant tous les scénarios de charriage possibles. Le choix des
mesures de protection est également fortement influencé par le charriage.
3.2 Interaction de l'écoulement avec le charriage
3.2.1 Origine de l'interaction
Pour les rivières qui s'écoulent sur les terrains alluviaux, c'est-à-dire sur un lit mobile,
une interaction entre l'écoulement et le transport solide s'établit lors de l'érosion ou
du dépôt des matériaux. Cette interaction forme la géométrie du lit de la rivière et
influence ainsi la section effective d'écoulement et la rugosité du lit. En même temps
l'interaction détermine la capacité du transport par charriage.
Les résultats de l'interaction sont soit des phénomènes globaux dans des tronçons
de cours d'eau, tels que par exemple le changement de la forme du lit, l'érosion et
l'alluvionnement, soit des phénomènes locaux tels que les affouillements et bancs de
graviers dans les courbes.
3.2.2 Loi de frottement et vitesse de l'écoulement
Le charriage agit sur le lit d'une rivière comme élément de rugosité et influence ainsi
directement le frottement et les pertes de charge. Pour une rivière à section large,
avec un lit plat et pour un écoulement uniforme et stationnaire, propose pour la
vitesse moyenne la relation empirique suivante basée sur la distribution
logarithmique Jäggi (1984):
h
vm
ghJ' 2.5 In
12.27
(3.1)
2 d90
avec v m : vitesse moyenne
h
J'
: profondeur d'eau
: pente du lit réduite
d 90 : diamètre des grains du lit qui totalise 90% du poids total
de la courbe granulométrique
Le facteur de correction pour la pente:
30 Aménagements de cours d'eau
0.02h
d90
J
J' J 1e (3.2)
tient compte du fait qu'en diminuant h/d 90 , la couche constituée par les sédiments
s'élève de plus en plus au-dessus du lit et provoque des pertes locales plus fortes
(rugosité de forme).
En pratique, une formule plus simple, notamment celle de Manning-Strickler, est utilisée:
avec
2/3 1/2
v k h J (3.3)
m
St
k St
21.1
6
d
90
(en tenant compte des
irrégularités du lit)
Pour les rapports h/d 90 < 10, la formule de Strickler surestime les vitesses d'écoulement.
Avec d 90 comme grain caractéristique, la formation d'une couche de pavage
consécutive à une tri-granulométrie naturelle est considérée.
Pour des sections étroites (B F < 10), l'effet des parois (rives) devient important et le
rayon hydraulique R s effectif sur le lit doit être utilisé à la place de la profondeur d'eau
h dans l'équation (3.1) ou (3.3). Pour le calcul du débit, les surfaces partielles proches
des rives de la section sont considérées séparément, en utilisant pour chacune
d'elles la formule de Stricker. Avec l'hypothèse que la vitesse moyenne est constante
dans toutes les surfaces partielles, le rayon hydraulique R ui de la partie de la surface
sur les rives se calcule comme suit:
R
ui
v
kuiJ
m
1/ 2
1.5
(3.4)
La surface effective pour le calcul du débit résulte de l'équation (3.5):
Aeff RS BF Rui P
ui
(3.5)
avec A eff : surface effective pour le calcul du débit en considérant
l'effet des parois (rives)
k ui : coefficient de frottement d'une surface partielle des rives
R s : rayon hydraulique effectif sur le lit
R ui : rayon hydraulique des parties des rives
B F : largeur du lit
P ui : périmètre mouillé d'une surface partielle des rives
Pour les rivières très larges, l'influence du charriage sur le comportement hydraulique
devient plus importante en raison de la formation des macro-rugosités en forme de
dunes, anti-dunes et bancs de graviers qui provoquent des pertes de charge additionnelles.
Dans le cas de profondeurs d'eau importantes, les pertes de charge dues aux bancs
de graviers peuvent être négligées (Jäggi, 1984; Zarn, 1997). Si une rivière forme
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Aménagements de cours d'eau 31
plusieurs lits parallèles, les calculs se font à l'aide d'un seul lit représentant les lits
parallèles.
3.2.3 Capacité de transport par charriage
La capacité de transport du charriage est un facteur clé de l'interaction entre l'écoulement
et le charriage. Pour les rivières relativement étroites et à lit unitaire, la capacité
de transport en condition d'équilibre dynamique de transport peut être estimée à
l'aide de l'équation VAW pour des pentes entre 1‰ et 20% (Jäggi, 1984; Smart et
Jäggi, 1983):
0.2
4
0.6
d d
90
m
b F
s s m
(3.6)
s 1 12.1 Rs
d30
Q B R v J J
Cette formulation simplifiée tient compte d'une contrainte de cisaillement critique de
cr = 0.05.
Q b
Débit solide
Début du charriage
Capacité de transport
du charriage
Erosion de la couche de pavage
Q 0
Q D
Débit d’eau
Q
Figure 3.1
Représentation schématique de la fonction de transport du charriage
En représentant le transport par charriage en fonction du débit d'eau on obtient la
fonction du transport par charriage (Fig. 3.1). Si le débit dépasse la valeur Q 0 , le
transport du charriage est en principe possible. Mais c'est seulement après l'érosion
de la couche de pavage, c'est-à-dire pour des débits au-dessus de Q 0 , qu'un charriage
régulier avec un équilibre dynamique de transport s'établit (Hunziker, 1995).
Pour l'équilibre dynamique de transport, la pente du lit reste constante et le débit solide
à l'entrée d'un tronçon considéré est égal au débit solide à sa sortie. En outre, la
granulométrie des matériaux transportés est identique à celle de la sous-couche du
lit. Indépendamment de l'apport du charriage, la couche de pavage retarde l'érosion
du lit. La rupture de la couche de pavage se produit à partir d'une certaine profondeur
d'eau qui peut être estimée selon la formule de Günter (1971):
h
D
0.05 ( s1) d
mUS
dmDS
J
dmUS
2/3
(3.7)
d m DS
: diamètre moyen de la couche de pavage
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32 Aménagements de cours d'eau
d m US : diamètre moyen des matériaux du lit (sous-couche)
On obtient ainsi également le débit critique Q D associé à la profondeur d'eau h D . Pour
des débits compris entre Q 0 et Q D (cf. Fig. 3.1), la fonction de transfert du charriage
n'est pas définie clairement.
Capacité de transport
du charriage
Alluvionnement
Rivières
canalisées
Profondeur d’eau h
Pente J
Diamètre caractéristique
des grains d m
Largeur du lit
Forme du lit
Rivières naturelles
Erosion
Q bu < Q bo
Q bu
Q bu > Q bo
Q bu = Q bo
Equilibre
dynamique
Figure 3.2:
Influence de la capacité de transport par charriage sur l'équilibre
dynamique de transport dans un tronçon d'une rivière
La capacité de transport par charriage dépend des paramètres tels que la profondeur
d'eau, la pente, la largeur du lit et le diamètre caractéristique des grains (Fig. 3.2). Si
pour des débits supérieurs à Q D les apports en sédiments Q b0 sont plus grands que
la capacité de transport Q bu du tronçon considéré, le charriage est déposé, ce qui résulte
en la surélévation du lit et par conséquent en la surélévation du niveau d'eau.
Pour atteindre de nouveau un équilibre dynamique de transport, les paramètres tels
que la pente, la profondeur d'eau et éventuellement le diamètre caractéristique de
grains doivent être modifiés (Fig. 3.2).
En cas de Q b0 < Q bu , les matériaux charriés manquants sont fournis par l'érosion du
lit si ce dernier n'est pas stable (rocheux).
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Aménagements de cours d'eau 33
Capacité de transportQ b
Q bmax
B opt
Valeur limite
J, Q = constant
Largeur du lit B F
Valeur limite
Pente J
J min
Q b , Q = constant
B opt
Largeur du lit
B F
Figure 3.3:
Influence de la largeur du lit sur la capacité de transport par
charriage et sur la pente du lit (selon Zarn 1997).
Ces considérations sont valables pour les largeurs de lits constantes comme c'est le
cas pour les rivières corrigées et canalisées. En calculant la capacité de transport
par charriage selon l'équation (6) on obtient, pour une pente constante, la capacité
maximale de transport Q b max correspondant à la largeur optimale du lit B opt (Fig. 3.3
en haut).
Par contre, en variant la largeur du lit et en gardant constant le débit solide Q b , la largeur
optimale du lit B opt est caractérisée par une pente minimale J min (Fig. 3.3 en
bas). Théoriquement, la capacité de transport par charriage approcherait le zéro pour
des largeurs du lit très importantes si l'on admet un lit plat. En réalité, la capacité de
transport tendra vers une valeur limite (supérieure à zéro), parce que l'écoulement
est divisé en plusieurs lits partiels. Pour les rivières larges avec bancs de graviers, ou
pour les rivières à lits multiples, une approche alternative de l'estimation de la capacité
de transport par charriage doit être choisie. Les études récentes de Zarn (1997)
ont montré que la capacité de transport pour les rivières à lits multiples dépend de la
largeur du lit par rapport à la largeur optimale et dépend également de la capacité
maximale du transport:
8.86U
1.5U
Qb
Qb
max
3.65e 4e 0.35
(3.8)
avec U = B F /B opt
et Q b max = Q b (B opt ).
Le charriage influence alors fortement la morphologie des rivières naturelles en
changeant la forme du lit et de la section. Dans le but d'obtenir la capacité maximale
de transport par charriage, les largeurs des rivières ont été réduites jusqu'à la largeur
optimale par les mesures de corrections. Dans les rivières corrigées, le degré de
liberté de stocker ou d'éroder le charriage est restreint au mouvement vertical du lit.
Par contre, les rivières naturelles ont un degré de liberté supérieur car la
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34 Aménagements de cours d'eau
morphologie du lit (largeur et forme) peut changer (Fig. 3.2 à droite). Ainsi, les
rivières naturelles disposent de plus d'espace pour les dépôts ou l'érosion dus au
charriage. Mais si dans les rivières corrigées et canalisées le débit critique (débit de
dimensionnement) est dépassé, la rupture des mesures de protection peut aussi
provoquer brusquement un changement de la morphologie (la rivière se débarrasse
de son corset).
3.2.4 Phénomènes locaux
La capacité de transport par charriage d'une rivière est déterminante pour
l'interaction globale entre l'écoulement et le transport par charriage. De plus, des
érosions et des dépôts locaux peuvent former des affouillements à l'extérieur des
courbes et former des bancs de sable à l'intérieur. Les phénomènes locaux
n'influencent en principe pas la pente globale d'un cours d'eau.
3.2.5 Augmentation de la profondeur d'eau suite à une concentration
importante de charriage
Dans les rivières à faibles pentes, la proportion du charriage par rapport à la section
d'écoulement est, dans la plupart des cas, plus petite que 1% et peut être négligée
lors du calcul du débit d'eau. Pour les pentes plus importantes (> 5%), la profondeur
d'eau est surélevée considérablement par le transport par charriage. Cette influence
peut être estimée par la formule suivante (Smart et Jäggi, 1983):
h / h 11.1J q d (3.9)
1.14 0.18 0.27
mw mg B m
avec h mw : profondeur moyenne de l'eau propre
h mg : profondeur moyenne du mélange eau-charriage
Cette équation est applicable seulement pour la condition d'équilibre dynamique de
transport et pour des pentes inférieures à 20%. Pour ces pentes, en raison du
transport par charriage, la profondeur d'eau peut atteindre le double de l'eau propre.
Si les pentes sont plus raides (> 20%), les laves torrentielles apparaissent. Leur
comportement ne peut pas être exprimé par les lois de frottement selon l'équation (1)
ou (3).
3.3 Analyse de danger et charriage
Le charriage influence directement ou indirectement tous les processus dangereux
lors des crues, à savoir l'érosion, l'inondation, le dépôt des matériaux et les laves torrentielles
(Figure 3.4).
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Aménagements de cours d'eau 35
Analyse de
dangers
Erosion
Processus
déterminants
Dépôts des
matériaux
solides
Inondation
Charriage
Eau
Corps
flottants
Laves
torrentielles
Figure 3.4:
Processus déterminant lors de l'analyse de danger
3.3.1 Erosion
C'est uniquement grâce à la présence du charriage dans un cours d'eau, autrement
dit grâce à l'existence d'un lit mobile, que les érosions deviennent possibles. On distingue
l'érosion verticale dans le lit propre du cours d'eau, l'érosion latérale attaquant
les rives. L'érosion verticale influence la pente des rivières et par conséquent change
la capacité de transport par charriage. Une érosion latérale agrandit la largeur du lit
et réduit ainsi la capacité de transport par charriage. De plus, la formation des
méandres est rendu possible suite aux érosions latérales qui créent des affouillements
à l'extérieur des courbes amplifiant eux-mêmes l'érosion latérale. En outre,
les érosions latérales provoquent des glissements profonds des rives qui introduisent
beaucoup de matériaux dans le cours d'eau qui ne peuvent plus être emportés par
l'écoulement. Il existe alors le risque de création de barrages temporaires dont la
rupture peut être à l'origine d'une lave torrentielle. Les matériaux érodés influencent
donc sensiblement l'équilibre dynamique du transport par charriage. Il en résulte la
formation de dépôts dangereux dans les tronçons à capacité critique.
3.3.2 Inondations et dépôts des matériaux solides
Les inondations sont la conséquence de l'excédent d'eau ou de l'excédent de charriage
ou des deux. Si l'apport en sédiments dans un tronçon d'un cours d'eau dépasse
sa capacité de transport, des dépôts sur le lit se forment et par conséquent le
niveau d'eau augmente.
En cas de déversement d'eau par dessus les endiguements, la capacité de transport
par charriage est encore plus diminuée et la formation des dépôts sur le lit s'amplifie.
En conséquence, les déversements s'aggravent jusqu'au point où le charriage quitte
également le cours d'eau et dépose des matériaux solides dans des zones inondées.
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36 Aménagements de cours d'eau
Les endroits particulièrement menacés par l'alluvionnement du lit sont ceux où la
pente du lit change ou bien des sections critiques comme celles situées sous les
ponts.
Zone d’érosion
Tronçon raide Cône d’alluvions
(tronçon d’alimentation)
Débit
d’eau
(rocheux)
Capacité
de transport
Excédent du charriage
V 1 -V 3
Alluvionnement du lit
V Apport maximal
2 V 1 V 3
Figure 3.5:
Profil en long schématique avec l'hydrogramme de l'eau et du charriage
(en haut). Capacité de transport maximale pour les divers tronçons
(en bas).
Des changements abrupts surviennent toujours sur les cônes d'alluvions (Bezzola et
al. 1996). Pour augmenter la capacité de transport, les cours d'eau sur des cônes
d'alluvions ont été canalisés et souvent stabilisés par un lit fixe (revêtement en pierre
taillée). Le tronçon raide à l'amont du cône se trouve normalement dans une vallée
encaissée dans un lit rocheux ou stabilisé par de gros blocs résiduels qui empêchent
l'érosion verticale et l'entraînement par charriage jusqu'au torrent (Fig. 3.5).
L'apport possible du charriage est donc déterminé pour la plupart des cas par la zone
d'érosion à l'amont du tronçon raide; on parle alors d'un tronçon clé (Bezzola et al.
1996). L'excédent du charriage, qui est égal à la différence entre l'apport du tronçon
clé et la capacité de transport sur le cône d'alluvions, provoque la formation des dépôts
dans la zone de rupture de pente (Fig. 3.5). Cet alluvionnement du lit peut être
calculé à l'aide de simulations numériques (Hunziker, 1995). Les surélévations
maximales du lit ne se produisent qu'après le passage de la pointe de crue et résultent
par conséquent en les plus hauts niveaux d'eau.
Des ponts implantés dans des tronçons d'alluvionnement avec des sections
insuffisantes peuvent être à l'origine de processus dangereux. Si un écoulement en
charge par dessous le pont se produit, la capacité de transport par charriage dans la
section du pont est également augmentée. En principe ceci n'arrive pas et l'on
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Aménagements de cours d'eau 37
observe plutôt des déversements latéraux qui se produisent à l'amont du pont,
entraînant la réduction de la capacité de transport du charriage. Ce processus peut
s'amplifier jusqu'à ce que le lit soit complètement couvert par charriage. Ceci résulte
en des inondations combinées avec des dépôts catastrophiques de matériaux, voir la
crue de Brig-Gils en 1993 (Bezzola et al, 1994).
3.3.3 Laves torrentielles
Le charriage excédant est à l'origine des laves torrentielles. Les laves torrentielles
sont des écoulements biphasiques (eau-matériaux solides) à haute vitesse qui se déplacement
par vagues. D'importantes concentrations des matériaux solides et des
vitesses élevées dans les laves torrentielles sont à l'origine des forces gigantesques
qui rendent ce processus très dangereux.
3.4 Objectifs de protection
Les objectifs de protection sont différenciés selon diverses catégories d'objets et leur
vulnérabilité (cf. chapitre 1.2). Le débit de dimensionnement est adapté aux diverses
catégories d'objets à protéger et se situe entre la limite de dommages et la limite de
dangers (cf. Fig. 1.3). La protection totale doit être garantie jusqu'à la limite de dommages.
Pour la limite de dangers, la protection ne prévient que les dégâts catastrophiques
par des mesures considérées comme raisonnables. La figure 3.6 montre
l'exemple de la matrice générale pour la mise en place d'une protection différenciée
contre les crues pour le Rhône dans le cadre de la 3 ème correction du Rhône en Valais.
Fig. 3.6: Matrice générale pour la mise en place d'une protection différenciée contre
les crues pour la 3 ème correction du Rhône en Valais.
Le débit de dimensionnement doit être évacué aussi pour tous les scénarios imaginables
de transport par charriage. L'apport du charriage est moins fonction de la
pointe de débit que du volume de la crue. Pour procéder à l'analyse du risque dû au
charriage, une statistique des volumes de crues est indispensable.
L'apport du charriage dans un tronçon dépend d'une part de la capacité de transport
du cours d'eau et d'autre part du potentiel des matériaux disponibles dans le bassin
EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss
38 Aménagements de cours d'eau
versant (cf. Fig. 1.3). Souvent, le potentiel de transport dépasse la quantité des matériaux
à charrier dans d'une rivière.
Le potentiel de charriage d'un bassin versant dépend tout d'abord des dépôts de
matériaux dans le lit du cours d'eau mais aussi des conditions géologiques et de la
topographie proche du lit.
Le charriage peut être initié par les processus suivants (Bezzola et al. 1996):
Nettoyage / lavage des dépôts dans le lit: par rapport à la granulométrie du lit.
Les dépôts sont composés de matériaux relativement fins, déposés lors de la décrue.
Erosion verticale:
Erosion de la couche de pavage et mouvement de gros blocs.
Erosion latérale:
Déstabilisation des rives et talus.
Apport des confluents:
Par transport du charriage ou par des laves torrentielles.
Rupture des ouvrages de protection:
Mise en mouvement abrupte des matériaux suite à la rupture des barrages en torrent.
Divers scénarios des apports de charriage résultent d'une analyse de la capacité de
transport et de l'inventaire des sources du débit solide.
3.5 Planification des mesures
Le charriage joue un rôle important dans le choix des mesures de protection. Selon
la loi fédérale sur l'aménagement des cours d'eau, les mesures visant l'entretien du
cours d'eau ont la priorité. Les mesures de protection constructives proprement dites
viennent ensuite (Fig. 3.7).
Entretien des cours d’eau
Mesures d’aménagement
du territoire
Mesures de
protection
constructives
Fig. 3.7:
Trois niveaux de mesures de protection et leurs priorités.
EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss
Aménagements de cours d'eau 39
3.5.1 Entretien des cours d'eau
L'entretien des cours d'eau a un caractère préventif; il s'agit de conserver la capacité
hydraulique du lit d'un cours d'eau et de maintenir l'efficacité des ouvrages de protection
(OFEG, 1995). L'entretien comprend notamment l'enlèvement des buissons et
des arbres qui rétrécissent le profil d'écoulement en mettant en péril la stabilité des
ouvrages de correction, l'évacuation des bois morts hors de la zone d'action de la
crue, l'enlèvement de dépôts alluvionnaires, la vidange des dépotoirs et la réparation
des petits dommages subis par les ouvrages de correction. Ces travaux d'entretien –
tâche permanente – doivent tenir compte des intérêts de la protection de la nature et
de la pêche. Même minutieusement accompli, l'entretien ne pourra éviter la limitation
de la longévité de certains ouvrages de protection. Des contrôles périodiques de l'efficacité
des ouvrages de protection permettront de déceler d'éventuels points faibles
avant qu'un sinistre ne survienne (p.ex. instabilité de vieilles digues).
3.5.2 Mesures d'aménagement du territoire
Lorsque le charriage est à l'origine de processus dangereux, le danger est
particulièrement prononcé et les mesures d'aménagement du territoire deviennent
une nécessité. Dans les zones présentant des risques de dépôts des matériaux
solides ou des laves torrentielles, l'interdiction de construire est souvent la seule
mesure appropriée. Dans certains cas, des mesures visent la protection localisée
d'objets ou limitent le droit d'utilisation des terrains (comme par exemple places de
camping proches des cours d'eau!). Le but des mesures d'aménagement du territoire
est de limiter les dommages potentiels. Les cartes de dangers servent de base
légale (OFEG, 1997).
Il est important de prendre également en compte les aspects relevant de l'économie
publique (pesée des intérêts). Les cantons sont tenus d'élaborer des cadastres et
cartes de dangers et d'en tenir compte dans leurs plans directeurs et d'affectation. En
principe, aucune indemnité n'est accordée pour la mise en place des mesures de
protection des ouvrages et des installations aménagés dans des zones désignées
comme dangereuses ou sur les territoires réputés dangereux. Des dérogations à ce
principe sont toutefois possibles dans les cas d'agglomérations existantes, situées
dans des zones dangereuses et dont la protection est requise dans l'intérêt général
ou dans les cas de constructions et d'installations liées à un site.
3.5.3 Mesures de protection constructives sur les cours d'eau
La présence du charriage pendant les crues peut souvent amener à des situations
où des crues ne sont pas provoquées par l'excès d'eau mais par l'excès du transport
solide ainsi que l'attaque et l'érosion intensives des rives par l'écoulement chargé en
matériaux solides. De même que pour la protection contre l'excès de l'eau (cf. 1.3.3),
les meures constructives servant à maîtriser l'excès du transport solide peuvent être
classées en celles visant la rétention, la déviation et la transition du charriage.
3.5.3.1 Rétention du charriage
La rétention du charriage est possible soit dans le bassin versant soit dans le cours
d'eau lui-même:
EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss
40 Aménagements de cours d'eau
mesures appliquées dans le bassin versant telles que par exemple la
stabilisation des sources de matériaux solides à l'aide du reboisement, méthodes
issues du génie biologique, installation de caissons en bois, de parois
en caissons, etc.
mesures le long et dans le cours d'eau: aménagement de dépotoirs, barrages
de retenue, barrages en torrent.
Il faut savoir que la rétention du charriage est une entreprise plus difficile que la rétention
de l'eau elle-même. Les dépotoirs ne se vident pas automatiquement comme
les bassins de rétention d'eau; ils doivent être vidés mécaniquement après chaque
événement. De plus, une transition dosée du charriage vers l'aval des dépotoirs est
difficile à réaliser; on doit donc s'attendre à l'apparition de l'érosion du lit à l'aval des
dépotoirs due au déficit de matériaux.
Les dépotoirs les plus efficaces sont des tronçons de cours d'eau naturels ayant une
grande capacité de stockage du charriage. Il est alors impératif de veiller à préserver
ces tronçons naturels tout particulièrement ceux situés à l'amont des tronçons
corrigés et canalisés à capacité de transport limitée. Ils permettent également de laminer
les pointes de crues.
3.5.3.2 Déviation du charriage
Les ouvrages de dérivation des crues et en même temps du charriage sont plutôt rares.
Dans cas des galeries de dérivation, il faut éviter le tranist du charriage qui provoque
l'abrasion du radier. De plus, la séparation du charriage entre le lit principal et
l'ouvrage de dérivation est difficile à réaliser sans dépotoir.
3.5.3.3 Transition du charriage
Dans la plupart des cas le charriage doit transiter dans le cours d'eau et les mesures
appropriées doivent être utilisées pour faciliter ce transit.
Ces mesures ont pour but de limiter l'alluvionnement et dans la mesure du possible
doivent permettre d'éviter les érosions dangereuses.
Les mesures les plus importantes empêchant la formation d'alluvions sont les suivantes:
agrandissement de la section afin d'éviter le déversement latéral en cas d'alluvionnement
du lit;
augmentation de la capacité du transport, conduisant normalement à la création
de sections assez étroites combinées avec les lits fixes (p. ex. revêtement
en pierres taillées pour les torrents). Afin de tenir compte des contraintes
écologiques, les lits fixes ne sont pas réalisés pour de grandes rivières.
Les alluvionnements proches des ponts sont particulièrement dangereux. Les mesures
visant à éviter l'obstruction des ponts par le charriage ou par les corps flottants
peuvent être résumées comme suit:
garantir une section de passage suffisante;
favoriser l'écoulement en charge au-dessus des ponts par l'installation de parois
de guidage latérales et des parapets ( la vitesse d'écoulement et par
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Aménagements de cours d'eau 41
conséquent la capacité de transport par charriage sont augmentées) (Jäggi et
al. 1987);
profiter de l'affouillement en courbe qui accroît la surface de la section au-dessous
du pont ( la fondation du pont et les rives à l'amont doivent résister à
ces érosions locales) (Schleiss, 1996).
Les érosions peuvent être aussi dangereuses que les alluvionnements. L'augmentation
de la section du cours d'eau par les érosions est, en principe, un phénomène
positif. Toutefois, les érosions peuvent endommager les ouvrages de protection des
rives et les infrastructures proches des rives. Comme déjà mentionné (cf. 3.3.1), on
distingue entre l'érosion verticale et horizontale.
Les érosions verticales apparaissent dans des tronçons de cours d'eau où l'apport du
transport solide est inférieur à la capacité de transport si le lit est mobile. La résistance
du lit contre les érosions peut être garantie par les mesures suivantes:
couche de pavage artificiel (en augmentant le diamètre moyen des sédiments
par implantation de gros blocs, revêtement par granulométrie grossière);
seuils (points fixes du lit), barrages en torrent;
traversées;
rampes de blocs;
élargissement local du cours d'eau (Zarn, 1993);
stabilisation avec des éléments en béton (prismes, tétrapodes, etc.) (Schleiss
et al. 1998).
Les érosions latérales ne peuvent être maîtrisées qu'avec des ouvrages de protection
tels que par exemple des enrochements, épis ou murs de protection combinés
avec des mesures du génie biologique.
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Aménagements de cours d'eau 43
4 Interaction de l’écoulement avec la végétation riveraine
4.1 Introduction
Les cours d’eau naturel ou revitalisé sont caractérisés par une végétation riveraine
qui influence l’écoulement en fonction de leur densité, rigidité et degré de
submersion [49].
Dans le cas de profils combinés, la végétation est surtout présente dans les lits
majeurs. La résistance exercée par la végétation riveraine sur l’écoulement dépend
avant tout de la hauteur, de l’âge, de la densité de la végétation mais également de
la saison.
Il y a une distinction entre végétation flexible et rigide. La végétation flexible est pliée
par l’écoulement et même mise en oscillation. L’écoulement contourne, traverse ou
submerge la végétation. En cas de submersion, la végétation est souvent traitée
comme élément de rugosité de surface. La traversée ou le contournement de la
végétation se traduit par une force de résistance à l’écoulement. Dans le cas d’une
végétation flexible, cette résistance s’adapte aux conditions de l’écoulement. La
végétation rigide, comme des grands arbres, sont des obstacles proprement dit à
l’écoulement.
Les arbustes à faible hauteur et l’herbe sur les rives sont déjà pliés et submergés par
de faible hauteur d’eau. Une telle végétation pliée se comporte hydrauliquement
comme une surface rugueuse en dessus du lit ou berge.
4.2 Végétation rigide
La végétation rigide est contournée par l’écoulement et fait ainsi obstacle à
l’écoulement.
En considérant un tronçon d’une rivière I v avec une végétation riveraine caractérisée
avec n arbres ou arbustes (Figure 4.1) dont chacun produit la force de résistance
(traînée) suivante :
F
v
i
g CT
, i
AV
, i
(4.1)
2g
T , i
2
avec
C
T , i
: coefficient de traînée pour arbre ou arbuste i
A V,i : section s’opposant à l’écoulement pour arbre ou arbuste i
: vitesse d’approche à l’amont d’un un arbre ou arbuste
v i
Puisque la vitesse d’approche v i ne peut pas être déterminée pratiquement, il est
recommandé de prendre des valeurs moyennes [50] :
C T = 1.5 et v = Q/A
avec A : section sans végétation
44 Aménagements de cours d'eau
v A F T,1
F T,2 F T,i
A
l v
Fig. 4.1 : Section longitudinale avec végétation riveraine rigide (au total n éléments
de végétation)
A part la résistance de la végétation, les berges ou le lit rugueux freinent
l’écoulement par une force de cisaillement :
F
R
I
I
(4.2)
P
V
avec
g R h
J
I p : périmètre mouillé
R h : rayon hydraulique
J : pente de frottement
En admettant un écoulement uniforme et stationnaire selon la formule de Strickler, la
contrainte de cisaillement devient
2
v
g
(4.3)
2 1/ 3
k St
R h
La dynamique des forces accélérant (gravité) et freinant (rugosité, végétation),
l’écoulement donne
2
n
2
v
v
g A IV
J g IP
IV
g CT
A
2 1/ 3
V , i
(4.4)
k R
0 2g
St
h
La résolution de cette formule pour la vitesse moyenne selon la formule de Strickler,
en définissant un coefficient de Strickler tenant compte de la végétation rigide k St,V et
une densité de la végétation hydrauliquement effective D v,hy peut être obtenu par les
équations suivantes :
v
2 / 3 1/ 2
St, V
Rh
J
k
(4.5)
EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss
Aménagements de cours d'eau 45
kSt
k
St,
V
(4.6)
1/ 2
2
1/ 3
kSt
1
D
V , hy
Rh
2
g
P
h
CT
AV
, i
0
DV
, hy
I I
(4.7)
V
La densité de la végétation hydrauliquement effective D V,hy varie fortement selon le
type de la végétation (Figure 2).
1a : Fruitiers peu dense
1b : Fruitiers dense
2 : Saules
3 : Arbres et saules
4a : Chênes, cyprès et
gommiers en été
4b : Chênes, cyprès et
gommiers en hiver
5 : Millet
6 : Froment, blé
Fig. 4.2 : Densité de la végétation hydrauliquement effective obtenue par des essais
pour différents types de végétation [49].
La végétation rigide peut être caractérisée par la variable
2
1/ 3
kSt
Rh
DV
, hy
rigide
(4.8)
2g
et selon la formule de Strickler
k
St,
V
k
St
1
1
rigide
v
v
sv
(4.9)
avec k St,V
v sV
: coefficient de Strickler tenant compte de la résistance de la végétation
: vitesse de l’écoulement sans végétation
EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss
46 Aménagements de cours d'eau
4.3 Végétation flexible
La résistance d’une végétation flexible a été étudiée par Oplatka [51, 52] en faisant
des essais en laboratoire avec des types de saules différents. La végétation est
déformée en fonction de la vitesse de l’écoulement.
Fig. 4.3 : Déformation des saules en fonction de la vitesse de l’écoulement selon
Oplatka [51,52] (gauche : vue de côté ; droite : vue par-dessus)
Basé sur cette étude, Indlekofer [53] donne la force de résistance F T,k d’un élément
de végétation flexible comme suit (Fig. 4.4)
F
T , k
CT
, flex
AV
, flex,
o,
8
k
v
(4.10)
avec C T, flex :
A V,flex,o,k :
coefficient de traînée pour élément de végétation flexible
section s’opposant à l’écoulement par l’élément de végétation
flexible k avant sa déformation (en eau calme)
V
A
F T,1
F T,k
A
l v
Fig. 4.4 : Section longitudinale avec végétation riveraine flexible (au total k éléments
de végétation)
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Aménagements de cours d'eau 47
En analogie à la dérivation pour la végétation rigide (paragraphe 4.2), la dynamique
de force conduit à l’expression suivante pour la vitesse moyenne
2
n
v
g A IV
J g IP
IV
CT
, flex Av
, flex,
o,
k
v
(4.11)
2 1/ 3
k R
0 8
St
h
Avec la définition d’une densité de la végétation flexible hydrauliquement effective
n
CT
, flex
Av
, flex,
o,
k
0
Dv
, hy,
flex
I I
(4.12)
P
V
on obtient l’équation quadratique pour la vitesse moyenne v :
v
2
k
2
St
R
1/ 3
h
D
8.0 g
V , hy,
flex
v
k
2
St
R
4 / 3
h
J
0
(4.13)
La végétation flexible peut être caractérisée par la variable
kSt
DV
, hy,
flex
flexible
(4.14)
1/ 2
16 g R
J
1/ 3
h
La vitesse moyenne selon la formule de Strickler devient ainsi :
v
2
3 1/ 2
flexible 1 k R
2 /
flexible St
h
J
(4.15)
On peut écrire également sur la base de formule de Strickler :
k
St,
v,
flex
k
St
2
flexible 1
flexible
v
v
sV
(4.16)
avec k St,V,flex
k St :
v sV :
: coefficient de Strickler tenant compte de la résistance de la
végétation flexible
coefficient de Strickler sans végétation
vitesse d’écoulement sans végétation
4.4 Végétation mixte (rigide et flexible)
La densité de la végétation mixte hydrauliquement effective correspond à la somme
de la végétation rigide et flexible :
n
P
V
n
CT
, flex
AV
, flex,
o,
k
CT
, rig
Av
, i
0 0
DV
, hy
I I
(4.17)
EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss
48 Aménagements de cours d'eau
D
V , hy,
flex
DV
, hy,
rig
La dynamique des forces s’écrit :
F
e
FR
FT
, rigide
FT
, flexible
(4.18)
avec
F
F
e
g A I
J
(force de l’écoulement)
V
v
l l
(résistance due à la rugosité de surface)
2
R
g
2 1/ P
kSt
R
3
h
2
FT , rigide
CT, rig
AV,
i
v
2
F
, flexible
CT
, flex A
8
T V , flex,
o,
k
V
v
En utilisant les variables rigide et flexible on obtient
v
2
v
sV
2
1
flexible
rigide
v
sV
v
1
2
rigide
0
(4.19)
avec la solution pour la vitesse moyenne selon Strickler
flexible
flexible
v
v
sV
1
rigide
1
rigide
1
rigide
2
1
(4.20)
avec
v
sV
k
St
R
2 / 3
h
J
1/ 2
Il suit également :
k
St,
V , mix
k
St
v
v
sV
1
flexible
rigide
2
1
1
rigide
1
flexible
rigide
(4.21)
4.5 Découpage des sections pour considérer l’hétéorogénité de
l’écoulement
4.5.1 Origine de l’hétéorogénité de l’écoulement
En utilisant les modèles de calcul traditionnel unidimensionnel, un découpage des
sections s’impose si l’écoulement au travers de la section est fortement inhomogène.
Cette hétéorogénité de l’écoulement se manifeste par exemple dans des cours d’eau
avec profils combinés (lit mineur et lit majeur) (Fig. 4.5 a). Même dans le cas de
profils simples, une grande différence de rugosité entre lit et rives peut provoquer un
écoulement non-homogène. Une telle différence de rugosité est par exemple
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Aménagements de cours d'eau 49
produite par une végétation riveraine (Fig. 4.5 b). Le but du découpage de la section
est d’obtenir des sous-sections dans lesquelles les vitesses peuvent être
considérées plus ou moins comme homogènes. Aux interfaces de ces sous-sections
fictives, des interactions hydrauliques avec un échange d’énergie et de masse entre
les sous-sections voisines se produisent en se manifestant par des tourbillons. Cette
interaction peut être considérée dans des modèles unidimensionnels par une
contrainte de cisaillement fictive T agissant le long de la séparation fictive entre les
divers sous-sections (Fig. 4.5).
Lit majeur
Séparation
fictive
Lit mineur
A Maj
A Min
Lit mineur
Séparation
fictive
A Min
A V
Zone de végétation
Fig. 4.5 : Exemples des profils combinés des cours d’eau
a) Séparation fictive entre lit mineur et lit majeur (seulement à gauche)
b) Séparation fictive entre lit mineur et zone de végétation
(La contrainte de cisaillement fictive T agissant sur la sous-section sur le
lit mineur est considérée dans le calcul hydraulique comme coefficient de
résistance T ou coefficient de frottement équivalent selon Strickler k St, T )
Cette contrainte de cisaillement T freine l’écoulement dans la sous-section avec la
vitesse la plus haute (normalement lit mineur), tandis que l’écoulement dans la soussection
voisine avec, avec une vitesse plus faible (lits mineurs) est accélérée par
celle-ci. Dans le calcul hydraulique, ceci est considéré en négligeant la séparation
fictive pour le rayon hydraulique des zones avec des vitesses plus faibles (par
exemple lits majeurs) que la sous-section voisine.
La séparation fictive la plus simple et la plus fréquente entre des sous-sections est la
séparation verticale (Fig. 4.5).
4.5.2 Considération de la surface de séparation fictive pour le lit mineur selon
la formule Strickler
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50 Aménagements de cours d'eau
La surface de séparation fictive divise le profil entre le lit mineur et les lits majeurs
avec des vitesses d’écoulement beaucoup plus faibles, comme c’est le cas d’une
végétation riveraine (Fig. 4.5).
Pour le lit mineur, la continuité des surfaces donne
n
A Min
A Min , i
(4.22)
i 1
avec
i,
Min
, ,
1/ 2 i P i
kSt,
i,
Min
J
3 / 2
v
A I
Min
(4.23)
A min,i :
I P,Min,i :
v Min,i :
K St,i :
sous-section du lit mineur
périmètre dans la sous-section i du lit mineur
vitesse dans la sous-section
rugosité selon Strickler dans la sous-section i
Pour la formule de Strickler resp. Darcy-Weisbach, on obtient ainsi
k
I
P,
Min
3 / 2
St,
Min
resp.
I
n
P,
Min,
i
3 / 2
i 1 k St,
Min,
i
(4.24)
n
P, Min
Min,
i
i 1
I
I
(4.25)
Min
P,
Min,
i
Pour la totalité du lit mineur et pour chaque sous-section du lit mineur, la vitesse
correspondante peut être calculée qui doit être identique
v
Min
2 / 3 1/ 2
Min, i
kSt,
Min,
i
Rh,
Min,
i
J
v
(Strickler) (4.26)
resp.
v
Min
v
Min,
i
8 g
Min,
i
1/ 2
R
1/ 2
h,
Min,
i
J
1/ 2
(Darcy-Weisbach) (4.27)
En divisant les équations (4.24) et (4.25) par le quotient droite on obtient les relations
valables pour chaque sous-section :
I
P,
Min,
i
Min,
i
P,
Min,
i
2
k
/ k 3 /
Min
IP,
Min
St,
Min,
i
/ l
P,
Min
St,
Min
I
(4.28)
et
k
St,
Min,
i
k
St,
Min
Min
Min,
i
2 / 3
(4.29)
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Aménagements de cours d'eau 51
En utilisant l’indice T pour la séparation fictive du lit mineur
k
St, Min,
i
kSt,
T
resp.
Min,
i
on obtient la rugosité équivalente de la séparation fictive :
T
k St
k
Min
, , T St Min
T
2 / 3
(4.30)
Selon les équations (4.26) et (4.27), on obtient pour la moyenne pondérée du
coefficient de résistance Min du lit mineur
v
Min
k
St,
Min
R
2 / 3
h,
Min
J
1/ 2
8 g
Min
1/ 2
R
1/ 2
h,
Min
J
1/ 2
8 g
donc
Min
(4.31)
2 1/ 3
k R
St,
Min
h,
Min
et par conséquence le coefficient de frottement correspondant selon Strickler pour la
surface de séparation contre le lit mineur :
k
St,
T
1
T
k
1/ 2
St,
Min
8 g
R
1/ 3
h,
Min
2 / 3
(4.32)
Le coefficient de résistance T de la surface de séparation peut donc être facilement
transformée dans un coefficient de frottement (selon Strickler) correspondant k St,T .
Pour le calcul de k St,T , le coefficient de frottement moyen pondéré sur le périmètre
k St,Min et le rayon hydraulique correspondant R h,Min doivent être déterminés par :
2 / 3
P,
Min
k
St,
Min
(4.33)
n
I
P,
Min,
i
3 / 2
i 1
kSt,
T
R
A
I
Min
h, Min
(4.34)
I
p,
Min
avec
n
I P
I
, Min
i 1
P,
Min,
i
L’équation (4.32) peut être résolue que interactivement car k St,T est également inclus
dans le coefficient de frottement du lit mineur k St,Min selon l’équation (4.33).
Néanmoins, en considérant que
d’itération.
k
St T
kSt,
Min
,
, le résultat est obtenu après peu de pas
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52 Aménagements de cours d'eau
4.5.3 Méthode de Schröder en utilisant l’approche de Strickler
Sur la base de nombreux essais en laboratoire avec diverses configurations de
section et végétation, Schröder [54] propose pour le coefficient de résistance T de la
surface de séparation
v R
,
hMaj
b
oMin
T
2log
v
, h b
2
, Majeff ,
oMaj T Min
(4.35)
avec (cf. Fig 4.5)
v o,Min : vitesse sur le lit mineur sans interaction avec le lit majeur, resp.
végétation riveraine ( T =0)
v o,Maj : vitesse sur le lit majeur sans interaction avec le lit mineur ( T =0)
h T :
profondeur d’eau à la séparation fictive
b Min : largeur du lit mineur défini par b
Min
AMin
/ hT
largeur de la surface
de l’eau sur lit mineur (sinon la valeur géométrique)
b Maj,eff : largeur effective du lit majeur ou largeur effective de la zone de
végétation
La largeur effective du lit majeur b Maj,eff où la zone de végétation effective dépend de
la largeur de la zone des tourbillons b N à l’aval des éléments de végétation
b
N
a
d 1/ 2
(4.36)
3.2
x P,
m
avec
b N :
a x ,a y :
d P,m :
zone de tourbillons à l’aval des éléments de végétation
espacement des éléments de végétation sur la rive resp. lits majeurs
(x : parallèle à la direction de l’écoulement ; y : perpendiculaire à
l’écoulement)
diamètre moyen de l’élément de végétation
La largeur effective du lit majeur b Maj,eff est ainsi définie par les critères suivants :
b Maj,eff = b N pour b N a y
b Maj,eff = a y pour bN
ay
avec des limites supérieures et inférieures
b A / h
Maj, eff
bMaj
Maj
T
b 0. 15h
Maj, eff
T
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Aménagements de cours d'eau 53
Le rayon hydraulique du lit majeur ou de la zone de végétation riveraine est défini par
R
h, Maj
AMaj
/ IP,
Maj
(I p,Maj : périmètre mouillé du lit majeur)
ou
R
h, V
AV
/ IP,
V
(I p,v : périmètre mouillé de la zone de végétation)
En utilisant la formule de Strickler, le coefficient de frottement correspondant est
obtenu pour la surface de séparation fictive :
k
St,
T
1
v
2log
v
o,
Min
o,
Maj
2
k
8 g
1/ 2
St,
Min
R
1/ 3
h,
Min
2 / 3
(4.37)
avec
k
St, T
kSt,
Min
R
et
h
h,
Maj
T
b
b
Maj,
eff
Min
Le rapport des vitesses v o,Min / v o,Maj se réfère à un cas de référence théorique pour
lequel les interactions aux séparations fictives sont négligées ( T =0). Il s’agit donc de
calculer une vitesse théorique sur le lit mineur et les lits majeurs en négligeant les
interactions entre ses sous-sections. La hauteur d’eau h T à la séparation fictive n’est
donc pas considérée pour la détermination du rayon hydraulique. Pour les lits
majeurs ou les zones de végétation, il suit
v
v
ou
v
o, Maj Maj
(
o,
V V
v
)
Le calcul selon l’équation est interactive car k St,min dépend également de k St,T .
4.6 Approches basées sur des lois de vitesse logarithmique
Les démarches présentées dans les chapitres 4.2 à 4.4 se sont basées sur un calcul
des vitesses selon la formule de Strickler, une simplification acceptable pour la
plupart des cas en pratique. Néanmoins, des analyses plus approfondies devraient
se baser sur des lois de vitesse logarithmique, par exemple selon Keulegan [50] :
Sections compactes, proche d’un demi cercle
v m /v * = 5.75log (14.84R h /k)
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54 Aménagements de cours d'eau
Sections trapézoïdales
v m /v * = 5.75log (12.27R h /k)
avec
v m :
vitesse moyenne
v * : vitesse de cisaillement R h
J
k : élément de rugosité déterminant (pour lit par exemple k = 1.5 d 90 )
R h :
rayon hydraulique de la section considérée
Sur la base des lois de frottement logarithmiques, plusieurs approches ont été
proposées, par exemple par Pasche [55] et Mertens [56] qui ont été intégrées dans
des directives DVWK en Allemagne [50].
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Aménagements de cours d'eau 55
5 Concept des mesures de protection contre les crues
5.1 Concepts principaux
En général, les mesures de protection contre les crues peuvent être classifiées dans
deux groupes de concepts principaux:
les mesures de protection actives visant à retenir, dévier ou faire transiter les
crues;
les mesures de protection passives, visant à protéger les objets (bâtiments, infrastructures,
etc.) dans les zones d'inondation.
5.2 Rétention des crues
5.2.1 Principe
Dans le cas de rétention des crues, il s'agit de déplacer la zone d'inondation dans
une zone appropriée à l'amont (Fig. 5.1).
Zone d’inondation
Bassin de rétention
Fig. 5.1
Protection contre les crues par rétention: au lieu d'une zone d'inondation
(en haut), un bassin artificiel assure la fonction de rétention des crues (en
bas).
Dans cette zone de rétention, les inondations sont souhaitées pour obtenir une rétention
et par conséquent un laminage de l'hydrogramme de crue.
5.2.2 L'effet de laminage
La rétention des crues dans un bassin versant a pour objectif la réduction des pointes
de crues dans les zones menacées par les inondations au-dessous de la limite
critique (Fig. 5.2).
56 Aménagements de cours d'eau
Débit
HQ
Q e (non laminé)
HQ critique
HQ laminé
Q s (laminé)
Fig. 5.2
Hydrogramme de crues: le volume disponible pour la rétention lamine l'hydrogramme
de HQ à HQ laminé < HQ crit .
Le volume disponible pour la rétention peut être obtenu par la régularisation des lacs
naturels, la création de zones d'épanchement et la construction de bassins de rétention.
dh d
Q Q Q A
(5.1)
dt dt
R
e
s
avec Q : débit laminé
Q e : débit entrant
Q s : débit sortant
A : surface du bassin de rétention (A = f(h))
h : niveau d'eau dans le bassin de rétention
: volume stocké dans le basin
5.2.3 Régulation des lacs naturels
Un lac naturel non régulé, fonctionne comme un volume de rétention s'il peut être
combiné avec le régime du cours d'eau dans le lac. Cette méthode a été appliquée
plusieurs fois en Suisse.
Quelques exemples:
correction de la Linth par la déviation dans le lac de Walensee;
déviation de la Kander dans le lac de Thoune;
correction des eaux de Jura par la dérivation de l'Aare dans le lac de Bienne.
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Aménagements de cours d'eau 57
Fig. 5.3
Correction de la Linth: par la dérivation de la Linth dans le lac de Walensee,
la capacité de rétention de ce dernier a pu être mis au profit du
laminage (1807-1816) (Vischer, 1986).
La dérivation des rivières a pu également résoudre le problème du transport solide;
les matériaux solides sont déposés dans un delta.
Un lac qui est déjà traversé par une rivière, peut mettre à disposition un volume de
rétention supplémentaire seulement si son niveau est contrôlé par un barrage de réglage
à son exutoire. Avant la saison de crues, le niveau d'eau dans le lac peut être
abaissé pour créer un volume de rétention suffisant. Les barrages de régulation sont
équipés d'organes de réglage tels que par exemple les clapets, les vannes toits ou
les barrages gonflables. Souvent, les barrages de réglage sont combinés avec des
centrales hydroélectriques (exemple: centrale hydroélectrique du Seujet à Genève
qui contrôle le niveau du lac Léman). Les consignes de manœuvre des vannes doivent
tenir compte des intérêts divers, à savoir la protection contre les crues, la navigation,
les activités sportives et les loisirs.
5.2.4 Mise en exploitation des zones inondables ou d'épanchement
Pour protéger les zones menacées par des inondations et présentent un potentiel de
dégâts important, d'autres zones, plus à l'amont, peuvent être utilisées comme zones
d'épanchement en cas de crue. La mise en exploitation de ces zones inondables se
fait par des mesures qui favorisent le déversement latéral dans ces zones inondables
telles que des rétrécissements locaux du cours d'eau (ponts, orifices) combinés avec
des ouvrages de déversement (déversoirs latéraux, digues submersibles et fusibles)
(Fig. 5.4).
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58 Aménagements de cours d'eau
Rivière
Déversement latéral
dans la zone
d’épanchement
év. canaux de
drainage
Section de contrôle
(par ex. pont)
Fig. 5.4
Création d'une zone d'épanchement par un pont avec un orifice pour réduire
le débit et pour faciliter le déversement latéral dans la zone inondable.
5.2.5 Réalisation des bassins de rétention
Le laminage nécessaire d'une crue peut être garanti par la réalisation des bassins de
rétention artificiels aux endroits appropriés du bassin versant donné. Le bassin de
rétention est composé d'un barrage (barrage en remblai ou en béton) et d'ouvrages
de contrôle (organe de service, évacuateur de crues, vidange de fond).
L'efficacité d'un bassin de rétention est augmentée si ce dernier est situé près de la
zone d'inondation à protéger. Un bassin situé directement à l'amont de la zone
d'inondation est capable de contrôler la totalité du bassin versant; par contre un bassin
placé plus à l'amont ne contrôle qu'une partie du bassin versant (Fig. 5.5).
Bassin 2 Bassin 1 Zone d’inondation
Fig. 5.5
Efficacité des bassins de rétention: Bassin 1 contrôle tout le bassin versant,
Bassin 2 n'en contrôle qu'une partie.
La gestion des bassins de rétention dépend avant tout de leur affectation. Selon le
concept de gestion, un bassin de rétention peut être laissé vide ou rempli. Si la retenue
est vide, couverte de végétation et exploitée par l'agriculture, on parle d'un bassin
vert. Il existe également des bassins de rétention remplis partiellement en permanence.
Le volume de remplissage permanent correspond à la tranche non vidangeable
qui sert de tranche morte pour accueillir des matériaux solides. Ce type de
retenues est appelé zones de détente ou biotope. Dans certains cas, une partie de la
retenue est exploitée pour la production d'énergie ou pour l'irrigation.
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Aménagements de cours d'eau 59
Du point de vue de la gestion de crues, on distingue les bassins dont le débit de
sortie est contrôlé par des vannes de ceux dont le débit n'est pas contrôlé par ces
organes.
Dans le cas des bassins non contrôlés par les vannes, le débit de sortie ne dépend
que du niveau dans la retenue. Ce genre de bassins est équipé d'un ouvrage de
contrôle fixe (orifice) qui limite le débit dans le cours d'eau à l'aval d'un bassin et d'un
évacuateur de crues (déversoir) qui empêche le déversement non contrôlé du barrage
en cas de crue extrême. La figure 5.6 montre quelques dispositions possibles
pour les bassins non contrôlés à leurs sorties par des vannes.
Volume de rétention
des crues
Volume de rétention
des crues
Lac permanent
Volume de rétention
des crues
Fig. 5.6
Concept des bassins de rétention non contrôlés par les vannes (Vischer,
Huber, 1993):
a) Bassin sans retenue permanente (bassin vert) créé par une digue avec
un organe de service (orifice – ponceau) suivi d'un bassin amortisseur.
Evacuateur en tulipe pour les crues extrêmes.
b) Ouvrage de contrôle combiné avec un évacuateur de crues ("ouvrage
moine" "Mönchsbauwerk").
c) Bassin avec une retenue permanente, ouvrage de contrôle combiné.
d) Bassin de rétention créé par un barrage-voûte; orifice comme ouvrage
de contrôle, déversoir latéral avec auge comme évacuateur de crues et
galerie d'évacuation.
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60 Aménagements de cours d'eau
Les bassins de rétention non contrôlés à la sortie sont plus fiables puisque le risque
de défaillance des organes de vidange fixes est moins élevé. Toutefois leur efficacité
de laminer les crues est inférieure à celle des bassins contrôlés. L'organe de vidange
– sortie contrôlée par une vanne (Fig. 5.7) – permet la gestion optimale du volume de
rétention. Par contre, les évacuateurs de crues ne sont pas équipés de vannes (déversoir
libre).
Evacuateur de crues
Ouvrage de contrôle, vidange de fond
Lac permanent
Ouvrage de contrôle combiné avec la
vidange de fond ("ouvrage de moine")
Fig. 5.7
Concept des bassins de rétention contrôlés par les vannes:
a) Barrage conventionnel avec un organe de contrôle (vidange de fond)
et un évacuateur de crues (déversoir sur le couronnement).
b) Barrage en remblai avec un ouvrage de contrôle combiné, évacuateur
en escalier (revêtement de la surface).
5.3 Aménagement du cours d'eau
Sous "aménagement du cours d'eau", on entend toutes les mesures qui augmentent
la capacité du cours d'eau et permettent le passage sans danger des hydrogrammes
de crues comme:
Elimination des obstacles à l'écoulement: rétrécissements locaux, végétation,
ponts à faible hauteur et ponceaux à faible capacité.
Agrandissement de la section du cours d'eau par des endiguements (levées),
élargissement et approfondissement du lit (Fig. 5.8).
Augmentation de la capacité par raccourcissement du tracé du cours d'eau et
en même temps agrandissement de la pente du lit (Fig. 5.9).
Réduction de la rugosité du lit.
Diminution de la largeur du lit en combinaison avec l'augmentation de la section
(dragage).
Renforcement du lit et du pied des rives contre l'érosion en cas de contraintes
de cisaillement importantes.
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Aménagements de cours d'eau 61
a) b) c)
Fig. 5.8
Agrandissement de la section par a) endiguements/levées; b) dragage et
c) élargissement.
Correction du cours d'eau
Fig. 5.9
Raccourcissement du tracé du cours d'eau par la coupure des méandres.
5.4 Dérivation des crues
La dérivation des crues est réalisée par des ouvrages de dérivation comme des galeries,
canaux ouverts ou découverts. Le but de ces ouvrages de dérivation est de limiter
le débit dans un cours d'eau à une valeur qui ne provoque plus de dommages
en cas de crues. La figure 5.10 montre quelques possibilités principales.
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62 Aménagements de cours d'eau
a)
Ouvrage de dérivation
Q dérivé
Q amont
Q restitué
b)
Q dérivé
Q amont
Ouvrage de dérivation
c)
Q dérivé
Q amont
Q restitué
Ouvrage de dérivation
Fig. 5.10 Possibilités de dérivation des crues.
a) Dérivation par ramification: Le débit Q amont est divisé par l'ouvrage de
dérivation, la pointe du débit de crue Q dérivé est dérivée dans le canal de
dérivation, le débit Q restitué reste dans le cours d'eau.
b) Dérivation dans un cours d'eau dans le même bassin versant.
c) Dérivation dans un cours d'eau dans un bassin versant voisin.
5.5 Mesures de protection passives dans les zones d'inondation
Les mesures de protection passives dans les zones d'inondation comprennent:
les mesures d'aménagement du territoire (cf. 1.3.2 et 3.5.2): interdiction de
construire, prescriptions en matière de mise en culture de zones agricoles;
les services d'alerte et plans d'évacuation avant et pendant les évènements;
services de sauvetage pendant et après les évènements:
planification des mesures visant à protéger des objets (bâtiments, infrastructures)
dans des zones d'inondation: bâtiments sur des remblais, interdiction
d'aménager des espaces habitables au-dessous du niveau de crues, fondations
plus profondes des ouvrages (danger d'érosion), mesures de protection
temporaires (barrières, sacs de sable, etc.).
EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss
Aménagements de cours d'eau 63
6 Conception et dimensionnement des mesures de
protection constructives
6.1 Correction des cours d'eau
6.1.1 Changement du tracé, du profil en long et de la section
6.1.1.1 Généralités
Le tracé, le profil et la section, en tant qu'éléments tridimensionnels d'un cours d'eau,
sont liés de manière inséparable. Le changement d'un de ces éléments influence
inévitablement les deux autres puisque ces trois éléments déterminent la capacité
hydraulique et le transport par charriage.
6.1.1.2 Tracé
Le changement du tracé d'un cours d'eau se traduit directement par un changement
de la pente du lit et influence par conséquent la capacité hydraulique et le transport
solide de la rivière.
L'objectif de beaucoup de corrections de cours d'eau effectuées dans le passé était
d'obtenir des tracés étroits et des lits plats. L'intention était de maximaliser la capacité
hydraulique et le transport par charriage afin de minimiser l'emprise du cours
d'eau. En même temps, on voudrait éviter des affouillements profonds dans les courbes
et réduire les forces d'écoulement sur les berges.
Dans la nature, un tel tracé rectiligne n'existe que très rarement. Même des cours
d'eau corrigés se déforment selon des lois de la nature. Un cours d'eau rectiligne
avec un lit plat reste stable seulement dans le cas où la granulométrie du lit est composée
principalement de sédiments grossiers.
Très souvent, on observe la formation de bancs alternés sur les tronçons rectilignes
des cours d'eau corrigés (par exemple dans le Rhin, à l'amont du Lac de Constance).
Les affouillements peuvent menacer la stabilité des berges, mais on peut considérer
que ces bancs augmentent la variabilité des conditions d'écoulement (formation de
rapides) et contribuent à la valeur écologique du site (Fig. 6.1).
rapide
banc
affouillement
Fig. 6.1 Formation de bancs alternés sur un tronçon rectiligne d'une rivière
corrigée (Jäggi, 1999).
64 Aménagements de cours d'eau
L'influence des bancs alternés sur le frottement du lit et sur les pertes de charge
pendant le passage de crues est négligeable. Mais dans le cas des débits moyens et
d'étiage, les bancs influencent considérablement l'écoulement et la capacité de
transport par charriage.
Le critère de la formation de bancs alternés dans un cours d'eau pour un débit donné
est défini par la formule suivante (Jäggi, 1983, 1999)
0.15
2.93 3.13
Z (6.1)
h
J
avec
( s1) dm cr
B
J
B
( s1)
d
Z
B
B/
d
B
m
m
cr
B
La raison de la formation de ces bancs semble être inhérente à l'écoulement, par
exemple par déformation périodique de la vitesse à cause des macroturbulences.
L'apparition des bancs différés peut être également estimée par la figure 6.2 en fonction
de la pente du lit J, de la largeur du lit B et du diamètre des grains d m .
J
[% ]
10
8
6
4
2
1
Matériaux du fond
uniformes
Matériaux du fond
répartis selon Fuller
Domaine sans
formation de bancs
Matériaux du fond
répartition log-normale
l
domaine de
formation de
bancs
1 2 3
10 10 10
Z = B / d
B
10 4
Fig. 6.2 Formation de bancs alternés sur un tronçon rectiligne d'une rivière
corrigée en fonction de la pente du lit (Jäggi, 1999).
Sous certaines conditions, des méandres très réguliers se forment dans les cours
d'eau naturels. La longueur des ondes (Fig. 6.3) peut être estimée par la formule
suivante (Jäggi, 1999)
10 B
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Aménagements de cours d'eau 65
a
Fig. 6.3
Méandres définis par la longueur de l'onde et l'amplitude a (Jäggi,
1999).
Pour des rivières raides avec un transport de gravier ou de sable, plusieurs lits peuvent
se former dans les cas où le lit est large et le débit important. On parle alors des
rivières en tresse ou des lits multiples.
Une grande largeur (due soit à une forte pente, soit à une tendance accentuée au
dépôt) rend un chenal unique instable et favorise la formation d'un chenal en tresse.
A première vue, ces formes ont l'air chaotique. Pourtant, il semblerait que pour un
débit constant, la formation de bancs médians serait assez régulière, mais qu'en
somme chaque débit continue à sculpter le lit ce qui crée une superposition des
bancs et chenaux multiples à différentes échelles (cf. Fig. 6.4).
Dans les limites du possible, les projets de correction des cours d'eau devraient
suivre aujourd'hui les tracés naturels des cours d'eau.
Fig. 6.4
Rivières en tresse: formation régulière de bancs pour le débit constant et
l'effet des débits variables (Jäggi, 1999).
6.1.1.3 Section
La section d'une petite rivière est souvent proche d'un canal trapézoïdal mais elle
possède des pentes de talus variables le long du tracé (Fig. 6.5).
En principe, pour de grandes rivières, le régime de l'écoulement est très variable
accompagné de périodes d'étiage et de fortes crues. Toutes ces conditions de sections
combinées conviennent à des lits majeurs et des lits mineurs. Dans certaines
limites, les lits mineurs, rarement inondés, peuvent être couverts de végétation (év.
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66 Aménagements de cours d'eau
d'alluvions) ou utilisés comme terrains agricoles. Le transport solide ne doit être garanti
que par le lit majeur.
a) b)
c)
Fig. 6.5 Sections des rivières corrigées: a) section proche d'un trapèze; b) section
avec chenal d'étiage; c) profil combiné d'un lit mineur et des lits majeurs.
6.1.1.4 Profil en long
Le profil en long est fixé par les limites amont et aval d'un tronçon de correction.
Souvent les points fixes, tels que les seuils rocheux ou artificiels ainsi que les infrastructures,
ne laissent pas une grande liberté pour le choix du profil en long dans
le cadre d'un projet de correction.
6.1.2 Endiguements
La hauteur des digues est donnée par la capacité hydraulique nécessaire et le transport
par charriage. Une revanche doit être considérée par rapport aux différents niveaux
de crues pour tenir compte des vagues et des courbes de remous locales. La
revanche est donc directement liée à la valeur de la vitesse à travers v 2 /2g. Pour des
vitesses d'écoulement faible (< 2 m/s), une revanche minimale de 0.5 m est recommandée.
Pour des vitesses élevées, des valeurs de 1 à 1.5 m sont utilisées.
Pour garantir l'accès permettant l'entretien du cours d'eau, la largeur du couronnement
des digues devrait être de 3.0 m au minimum. Les pentes de talus des digues
utilisées dans le projet de correction varient entre 2 : 3 et 1 : 2. Ces pentes garantissent
normalement une sécurité suffisante au glissement et à la boulance.
En règle générale les digues sont construites comme des digues homogènes. La
stabilité doit être contrôlée en considérant la percolation à travers la digue. Pour limiter
l'influence sur la nappe phréatique et pour accueillir les confluents, les digues
doivent être combinées avec des contre-canaux (Fig. 6.6).
canal de drainage
limitation du niveau
de la nappe supérieure
Fig. 6.6
Lignes équipotentielles de l'écoulement souterrain autour d'un canal
équipé d'un contre-canal
Les racines de grands arbres et les rongeurs (rats, etc.) peuvent créer des cavités
dans les digues et favoriser ainsi l'érosion interne.
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Aménagements de cours d'eau 67
6.2 Mesures de protection des rives
6.2.1 Enrochements pour les rivières en montagne
6.2.1.1 Introduction
Les rives des rivières de montagne sont souvent protégées contre l'érosion latérale
par des enrochements. Les rivières de montagne se caractérisent par des pentes du
lit raides et des courants à haute vitesse. Dans ces conditions, la résistance suffisante
contre l'érosion ne peut être garantie que par des enrochements si le poids des
blocs utilisés est assez élevé. Le poids nécessaire des blocs peut atteindre plusieurs
tonnes. Pour des raisons de construction, les blocs de cette taille ne peuvent pas
être mis en place en remblai, une pose bloc par bloc est nécessaire (Fig. 6.7).
Fig. 6.7: Pose mécanique des
blocs d'un enrochement
(poids des blocs
4 – 4.5 t)
On obtient ainsi un revêtement des rives par blocs avec des joints relativement petits.
Ce type de revêtement qui ressemble beaucoup à une combinaison d'empierrements
réguliers différents d'un enrochement en remblai. Toutefois, en raison de la
taille de ces blocs, la rugosité de surface correspond à celle d'un enrochement en
remblai. Le dimensionnement et la conception des enrochements construits dans les
rivières de montagne par la méthode de pose de blocs en pierre, présentent quelques
particularités par rapport aux enrochements en remblai dans les rivières en
plaine qui sont discutées aux paragraphes suivants.
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68 Aménagements de cours d'eau
6.2.1.2 Dimensionnement des enrochements construits par pose de gros blocs
Il existe plusieurs méthodes de dimensionnement pour les enrochements en remblai
avec des blocs relativement petits (Maynord et al., 1989; Isbash, 1935). Ces méthodes
ne sont pas applicables aux enrochements par pose de gros blocs sur les rives
des rivières de montagne.
Dans le cadre de la réalisation des mesures de protection dans la vallée de Reuss,
en Suisse centrale, de très bonnes expériences ont été faites avec la méthode de
Stevens et al. (1976). Elle a été appliquée pour analyser le comportement des enrochements
et leur stabilité. En particulier, la résistance des enrochements calculée, a
été confirmée par les résultats des essais sur modèles physiques (Schleiss, 1996;
Jäggi et al. 1996).
Pour le dimensionnement, Stevens et al. (1976) proposent la démarche suivante:
calculer tout d'abord le coefficient adimensionnel qui est égal au rapport de la
contrainte de cisaillement existant et la contrainte de cisaillement critique cr :
0.
77 h J
(s 1)
cr d B
avec h: profondeur de l'eau (au-dessus des blocs)
J: pente moyenne du lit
s: B / E = 2.65
d B : diamètre moyen du bloc
cr : contrainte de cisaillement adimensionnelle critique
cr
(6.2)
Avec un facteur 0.77, on considère que la contrainte de cisaillement est plus petite
au pied de l'enrochement qu'au milieu de la rivière. Pour des blocs de grande taille
cr peut prendre des valeurs qui dépassent souvent nettement la valeur maximale
selon Shields (0.05) (Jäggi, 1983). De plus, le lit des rivières de montagne est souvent
stabilisé par des blocs résiduels (blocs d'éboulement ou blocs erratiques), formant
un profil en long en escalier. Ce profil en escalier réduit la pente locale déterminante
pour le dimensionnement des blocs. Cette pente réduite peut être considérée
en approximation en augmentant la contrainte de cisaillement critique cr . Par
expérience en prenant cr = 0.1, on tient compte de ces effets pour des rivières de
montagne à pentes importantes.
Pour le coefficient on obtient ainsi:
7.
7 h J
(6.3)
(s 1)
Selon Stevens et al. (1976) la sécurité de l'enrochement est déterminée ensuite avec
d B
et
S
m
(6.4)
cos
tan
S m (6.5)
tan
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Aménagements de cours d'eau 69
S
S
m
2
4 -
2
où : talus de la rive protégée (tan = 1 : m)
(6.6)
: angle d'équilibre du talus de l'enrochement sans écoulement
L'angle d'équilibre du talus, sans écoulement, pour des gros blocs (> 1 t), est
considérablement plus grand que celui des enrochements en remblai (< 0.5 t). Théoriquement,
des gros blocs pourraient être posés presque verticalement. Néanmoins,
en pratique, pour le dimensionnement des blocs de grande taille à angles vifs, des
angles de 50 o (> 1 t) à 60 o (> 2 t) sont conseillés.
Exemple de dimensionnement:
Pour une pente du lit de 4%, cr = 0.1, s = 2.65 et = 60 o , on obtient, selon la méthode
de Stevens et al. (1976), les coefficients de sécurité suivants en fonction de la
profondeur d'eau et de la taille des blocs:
Diamètre moyen des blocs 1.50 m 1.20 m
Poids des blocs 4.0 – 4.5 t 2.0 – 2.5 t
Profondeur d'eau Sécurité Sécurité
1.0 m 2.12 2.02
2.0 m 1.76 1.61
3.0 m 1.48 1.31
4.0 m 1.26 1.09
5.0 m 1.09 -
5.5 m 1.02 -
Selon la période de retour des crues de dimensionnement, on exige des coefficients
de sécurité de 1.0 (crues rares, extrêmes) à 1.3 (crues fréquentes). Dans la partie
supérieure de la rive, la taille des blocs peut être réduite selon la profondeur de l'eau
(plus ou moins élevée) – Figs. 6.8 et 6.11.
HHQ
Poids du
bloc réduit
HQ 10 - HQ 20
Géotextil
Tapis des blocs/
Protection contre l'affouillement
Fig. 6.8:
Enrochement par pose avec une seule couche et protection contre l'affouillement
au pied
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70 Aménagements de cours d'eau
6.2.1.3 Protection contre l'affouillement
La sécurité à l'affouillement est déterminante pour la résistance à l'érosion des enrochements.
Les enrochements protègent la rive extérieure dans les tronçons-courbes
ou les rives de choc. La sécurité à l'affouillement est garantie d'une part par une
profondeur suffisante de la fondation des blocs de pied et d'autre part par des tapis
de blocs (Fig. 6.8). Dès que le processus de l'affouillement commence, les blocs de
tapis glissent immédiatement dans la fosse d'érosion et retardent ainsi l'affouillement.
La profondeur nécessaire de la fondation du pied de l'enrochement ou l'épaisseur
nécessaire du tapis dépendant de la profondeur attendue d'affouillement. Pour son
estimation, plusieurs théories existent. Par exemple, l'affouillement à l'extérieur des
tronçons-courbes peut être estimé selon Kikkawa et al. (1976), et celui causé par un
écoulement méandrant, selon Jäggi (1983) et Zarn (1997). L'expérience montre que
pour des tronçons presque rectilignes une profondeur de fondation correspondant
approximativement à 2 fois le diamètre des blocs de pied, devrait être suffisante.
a) Estimation des affouillements à l'extérieur des tronçons-courbes
L'écoulement secondaire dans les courbes est à l'origine du transport de matériaux
de l'extérieur de la courbe vers la rive intérieure. Il en résulte une érosion locale à
l'extérieur et des dépôts (bancs de sable/gravier) à l'intérieur de la courbe.
S
h m
S
h m
Fig. 6.9: Affouillement à l'extérieur d'un tronçon-courbe dans le cas des rives
verticales ou inclinées vers l'aval.
La plupart des formules servant à l'estimation de la profondeur maximale de l'érosion
à l'extérieur de la courbe ont la structure suivante:
k
R
i
S hm
Rm
et
(6.7)
hm
sin k R
avec S : profondeur de l'érosion mesurée à partir de la surface de l'eau
h m : profondeur d'eau moyenne
R i : rayon local
R m : rayon moyen
sin β : pente transversale locale du lit
i
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Aménagements de cours d'eau 71
L'exposant k selon l'approche de Kikkawa (1976) vaut:
avec
k (2.575 c 4.078)
(6.8)
θ : facteur de Shields (contrainte de cisaillement adimensionnelle)
hm
J
( s1)
d
m
c v
m
/ V* , v
*
g hm
J (vitesse de cisaillement)
Dans le cas des rives inclinées, la profondeur maximale est obtenue au point d'intersection
du lit avec la rive (calculé avec les formules 6 et 7) (Fig. 6.9 à droite).
Dans le cas des rivières en montagne avec une granulométrie étendue et grossière,
la formule selon Bridge [47], modifiée par Hersberger [48] donne des meilleurs
résultats :
dhs
hm
Rc
hs
sin
0.394 11
23 tan
(6.9)
dr B B r
avec : transversal pente du lit
h m : profondeur moyenne de l’eau
B : largeur de la section
R c : rayon de la courbe sur l’axe
: angle de frottement des matériaux du lit (30° à 35°)
h s : profondeur d’eau locale jusqu’au lit érodé / alluvionné
r : rayon variable
b) Estimation des affouillements causés par un écoulement méandreux
Si dans un tronçon plus ou moins rectiligne, des bancs alternés se forment, les rives
situées en face de chaque banc sont également menacées par des érosions locales.
Ces affouillements causés par des écoulements méandreux entre les bancs de graviers/sable
peuvent être estimés par les formules suivantes (Jäggi, 1983; Zarn,
1997):
Profil rectangulaire:
Profil trapézoïdal:
S h
m
B
S h
(6.10)
m
B
/ d 0. 15
6
m
B
2 n( S
hm
)
B2 n( Sh
)
m
6
dm
avec S : profondeur de l'érosion mesurée à partir de la surface de l'eau
h m : profondeur d'eau moyenne
B : largeur du lit
d m : diamètre moyen de la granulométrie du lit
n : pente de talus de la rive (1 : n)
0.15
(6.11)
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72 Aménagements de cours d'eau
6.2.1.4 Aspects constructifs
Choix du tracé et pentes des talus
Même dans le tronçon rectiligne d'un cours d'eau, l'enrochement ne devrait pas être
aligné géométriquement, mais de manière légèrement ondulée (Fig. 6.10). La ligne
du pied et la limite inférieure de l'enrochement devraient se situer dans une bande
correspondant à 1 à 2 fois la hauteur de l'enrochement. En même temps, une variation
irrégulière des talus entre les parties raides (max. 4:5) et à faible pente (jusqu'à
1:2) est souhaitable. Le choix du tracé et des pentes de talus variées présente les
avantages suivants:
l'impression d'une mesure de protection de rive très géométrique et monotone est
diminuée en faveur d'une rive plus naturelle;
la rugosité de la rive est augmentée grâce à sa forme non uniforme qui, en même
temps, contribue à réduire le danger d'affouillement du pied;
les baies ainsi créées peuvent servir de refuge aux poissons pendant les crues.
Pied du talus
de l'enrochement
Lit
Fig. 6.10:
Remblai
Ligne ondulée du pied du talus d'un enrochement dans un tronçon rectiligne
d'une rivière (pente du talus 2:3)
Les blocs ne doivent pas être posés de telle manière à ce que la surface soit relativement
lisse. Les blocs sont placés de façon à obtenir une rugosité de surface
maximale. Toutefois, les blocs ne doivent pas être posés tant que leur diamètre
maximal soit posé perpendiculairement au talus (Fig. 6.11).
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Aménagements de cours d'eau 73
surface
trop lisse
blocs posés
défavorablement
blocs posés
favorablement
Fig. 6.11:
Rugosité de surface des enrochements (selon la manière de pose)
Possibilités d'augmentation de la résistance
En considérant que la taille maximale des blocs extraits des carrières à poser dans
des cours d'eau est de 6 à 7 tonnes (maniabilité), on constate qu'en cas de fortes
pentes (> 4%) et de profondeurs d'eau considérables (> 5 m), les coefficients de sécurité,
selon l'équation (5), atteignent difficilement 1.0. Pour garantir plus de sécurité,
l'enrochement peut être réalisé en deux couches (Figs. 6.11 et 6.12). Le gain de sécurité
grâce à cette deuxième couche est difficile à quantifier, néanmoins les essais
sur modèle physique indiquent que la sécurité augmente de 30 à 50%.
Dans la partie supérieure du talus, où l'eau est moins profonde, un enrochement
composé d'une seule couche est suffisant. Cette partie du talus se prête bien à être
recouverte avec du terrain meuble sur lequel une végétation adéquate sera ensuite
plantée (Figs. 6.12 et 6.13).
Si, pour des raisons de construction, il est impossible d'atteindre un coefficient de
sécurité de 1.0 au pied de l'enrochement, un couplage des blocs par câbles en acier
peut être envisagé (Figs. 6.12 et 6.13). Toutefois, il faut rester attentif à ce que la
liaison par câbles entre les blocs ne soit pas trop rigide et tendue. Il est recommandé
de coupler les blocs plutôt en groupes de 4 à 8 blocs avec des liaisons fixes aux premier
et dernier blocs et une fixation glissante, avec des anneaux entre les blocs du
milieu (Fig. 6.12). Pour des enrochements à deux couches par exemple, un guidage
du câble en spirale dans la direction longitudinale entre la couche inférieure et supérieure,
s'est avéré en pratique être une bonne solution. La couche supérieure doit
être posée de telle manière à ce que les fixations soient orientées vers les joints et
que les câbles en acier ne soient pas visibles.
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74 Aménagements de cours d'eau
HHQ
poids réduit
du bloc
HQ 10 - HQ 50
géotextil
Fig. 6.12:
blocs du pied couplés
avec des câbles en acier
tapis des blocs / protection
contre l'affouillement
Enrochement posé en deux couches (pente de talus 4:5 en bas, 2:3 en
haut dans la partie avec une couche). Les blocs du pied sont liés entre
eux par des câbles en acier.
La pose des blocs dans un lit de béton maigre et le remplissage des joints entre les
blocs également avec du béton sont en principe déconseillés. D'une part, ce genre
de mesures de protection empêche la végétation de se développer et d'autre part les
blocs liés avec du béton créent un élément en forme de dalle qui, une fois exposée à
la pression dynamique de l'eau, peut être facilement emportée par l'écoulement. Un
enrochement noyé dans le béton est rigide et par conséquent plus sensible aux affouillements
car les blocs ne peuvent pas glisser dans la fosse potentielle d'érosion
et retarder ainsi le processus de l'érosion.
Les points d'un enrochement les plus exposés à l'érosion sont ses extrémités amont
et aval. Le plus souvent, la détérioration d'un enrochement est tout d'abord observée
à son extrémité amont pour être poursuivie vers l'aval. Un encastrement suffisamment
profond de l'enrochement dans les rives à ses deux extrémités est alors indispensable.
Cet encastrement est le plus efficace s'il est réalisé avec une tranchée
remplie de blocs sur toute la hauteur de l'enrochement.
Protection des enrochements contre l'érosion interne et le lavage de la fondation
L'utilisation de gros blocs exige des joints relativement larges. A travers ces joints,
non étanches, les matériaux meubles de la fondation peuvent être exposés à l'érosion,
subir des transformations et être emportés par l'écoulement. Par conséquent, la
stabilité de l'enrochement est mise en danger. Le lavage et l'érosion internes peuvent
être évités si l'enrochement est posé sur une couche filtre. Pour des raisons pratiques,
les géotextiles sont d'habitude utilisés comme filtres (Fig. 6.13). Une fois l'enrochement
couvert par la végétation, les racines reprennent la fonction de protection
contre l'érosion interne.
6.2.1.5 Aspects écologiques et paysagers
Le choix d'un tracé varié et de pentes de talus variables est déjà un bon pas vers une
intégration satisfaisante de l'enrochement dans le paysage. La végétation des rives
EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss
Aménagements de cours d'eau 75
constitue un autre élément important. La croissance de la végétation riveraine peut
être favorisée en recouvrant l'enrochement avec du terrain meuble et de la terre végétale
jusqu'au niveau d'une crue décennale ou vingtennale (Figs. 6.8, 6.12 et 6.14).
Les matériaux d'excavation ou des terres végétales et organiques peuvent servir de
remblai. Les matériaux d'excavation favorisent plutôt la végétation typique pour des
lieux secs, les matériaux organiques plutôt la végétation grasse.
Fig. 6.13: Enrochement à deux couches en construction (pose sur le géotextile).
Les blocs de pied sont liés avec des anneaux pour faciliter le couplage
avec des câbles en acier (poids des blocs: 4.0 – 4.5 t)
L'épaisseur du remblai devrait atteindre au minimum une fois le diamètre des blocs.
A l'amont du remblai, les joints de l'enrochement doivent être remplis hydrauliquement,
en ajoutant beaucoup d'eau aux matériaux. La couverture des enrochements
est plus facilement réalisable si les pentes de talus de cette partie supérieure sont
faibles (Fig. 6.8) ou si l'enrochement est réduit à une couche (Fig. 6.12).
Par exemple la plantation de saules, en rangées régulières et en continu le long des
rives, n'est pas très naturelle. L'utilisation des plantes locales et la prévision d'espaces
libres pour leur prolifération naturelle est beaucoup plus écologique.
Si les talus des rives sont longs, des risbermes le long du cours d'eau devraient être
prévus. Ces risbermes, selon leur largeur, peuvent servir de chemins pédestres (1 à
2 m) ou chemins d'entretien (env. 3 m) (Fig. 6.14).
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76 Aménagements de cours d'eau
HHQ
risberme
chemin de rive
poids réduit
du bloc
HQ 10 - HQ 50
groupe de blocs
géotextil
tapis des blocs /
protection contre
l'affouillement
Fig. 6.14:
Enrochement avec risberme comme chemin de rive. Groupe de blocs
comme refuge à poissons
Avec des groupes de blocs placés au pied de l'enrochement, des refuges supplémentaires
pour les poissons peuvent être créés (Fig. 6.14). A long terme, ces refuges
doivent être aménagés à distances irrégulières du bord pour le niveau moyen
d'eau. La disposition de ces groupes de blocs sur les rives de choc est à éviter. Les
groupes de blocs sont faits de blocs de taille au minimum égale à celle des blocs utilisés
pour la protection des rives. Ils sont posés sur le tapis de blocs qui protègent le
pied de l'enrochement contre l'affouillement. Pour que ces groupes de blocs résistent
aux crues, ils doivent être combinés à des blocs résiduels, près des rives si possible.
Le tracé ondulé mentionné sous 6.2.1.3 crée également des zones d'eau morte qui
servent de refuge aux poissons.
6.2.2 Enrochements pour les rivières en plaine
6.2.2.1 Dimensionnement des enrochements construits en remblai
Les enrochements pour les rivières en plaine sont réalisés avec des blocs relativement
petits. Leur mise en place par remblai est alors possible. Le dimensionnement
peut également être fait avec la démarche de Stevens et al. (1976) décrite au chapitre
6.2.1.2 mais en l'utilisant pour θ cr = 0.05.
6.2.2.2 Epaisseur minimale des enrochements en remblai
L'épaisseur minimale de l'enrochement en remblai dépend de la granulométrie choisie:
granulométrie avec les grains de diamètre presque uniforme d min = 0.9 d m ,
d max = 1.1 d m :
épaisseur minimale s = 1 à 3 d m
granulométrie étendue avec d min = 0.6 d m , d max = 1.6 d m :
épaisseur minimale s = 1.5 d m
Le pied de l'enrochement doit être fondé à une profondeur suffisante pour résister
aux affouillements attendus (cf. 6.2.1.3).
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Aménagements de cours d'eau 77
6.2.3 Empierrement avec du mortier ou du béton
Pour obtenir, même avec des blocs relativement petits, une résistance suffisante
contre l'érosion provoquée par l'eau, les petits blocs sont posés sur un lit en béton ou
mortier et les joints sont également remplis de béton ou de mortier. On parle alors
d'un empierrement de la rive dont la surface devient très lisse et géométrique (Fig.
6.15).
Fig. 6.15:
Empierrement en béton de la rive de la Reuss conçu pour protéger la
ligne de chemin de fer de Gotthard (à l'aval de Göschenen, Canton
d'Uri).
Si une fondation du pied de l'empierrement sur le rocher n'est pas possible à réaliser,
cette protection n'est pas conseillée pour des rivières à forte pente (en montagne).
En liant les blocs avec du mortier ou du béton, on obtient des éléments de protection
semblables à une dalle placée sur la rive. Ces éléments, une fois soumis à la poussée
dynamique de l'eau par dessous, peuvent être facilement transportés par
l'écoulement. De plus, le risque de l'affouillement du pied de l'empierrement est plus
prononcé puisqu'il s'agit d'un élément rigide qui ne peut pas glisser dans la fosse
d'érosion. Finalement, du point de vue écologique et environnemental, les revêtements
de rive complètement étanches, comme l'empierrement, sont moins favorables.
Ils empêchent tout échange avec la nappe phréatique, le développement de la
végétation en rivière et pratiquement toute vie aquatique.
6.2.4 Murs de protection
6.2.4.1 Similitudes avec la nature et le fonctionnement
Les rives ressemblant à des murs de protection existent dans la nature pour des
tronçons creusés par la rivière dans un rocher. Les parois en rocher le long des rives
surplombent souvent la rivière, suite à l'abrasion de l'écoulement. Aux rives de choc
des affouillements profonds se créent dans le cas d'un lit mobile. Ces phénomènes
observés sur les rivières naturelles deviennent plus visibles (marquants) lors du di-
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78 Aménagements de cours d'eau
mensionnement des murs de protection et doivent être pris en considération lors des
études de
stabilité,
résistance contre les abrasions,
sécurité contre les affouillements au pied.
Les murs de rives doivent aussi résister aux crues extrêmes permettant ainsi d'éviter
l'érosion des rives. Les murs de rive deviennent nécessaires là où d'autres mesures
de protection (par exemple en enrochements) ne sont pas réalisables à cause de
l'espace très limité le long du cours d'eau, par exemple pour une rivière qui traverse
un village.
6.2.4.2 Murs de soutènement en angle (en L)
La plupart des murs de protection sont réalisés comme murs de soutènement en
angle (Fig. 6.16). Le poids propre du mur et la forme du pied en "L" garantissent la
stabilité lors des poussées actives de terre et des poussées d'eau agissant sur les
rives. La construction relativement mince est réalisée en béton armé pour résister au
moment important au pied. Selon le rétrécissement de la section du mur du pied vers
le couronnement, le parement est légèrement incliné (1 : 8 à 1 : 10) ce qui favorise la
stabilité globale du mur côté rivière.
Fig. 6.16: Mur de soutènement en "L" comme mur de protection à Gurtnellen-Willer
(canton d'Uri). La fouille est stabilisée par des éléments en béton ancrés.
La dérivation, grâce à un canal, permet l'excavation très profonde pour la
fondation d'un mur sur la rive extérieure (Schleiss, 1996, 1992).
La sécurité contre l'affouillement doit être garantie par une fondation assez profonde
du mur de soutènement. L'érosion au pied du mur peut amener au renversement de
l'ouvrage. Le danger de l'affouillement du pied est plus grand quand la surface du
mur est lisse. Si les murs sont munis de macro-rugosités en forme de nervures verticales,
l'affouillement peut être considérablement réduit (Figs. 6.17 et 6.18).
En disposant des nervures verticales comme macro-rugosité sur le mur de rive
extérieur en courbe, la profondeur d’érosion le long du mur est réduite également
d’une manière significative et les fosses d’érosion sont considérablement atténuées
(20 % à 40 % par rapport à un mur lisse). L’espacement optimal des nervures
verticales du point de réduction d’érosion correspond entre 10 à 15 fois de leur
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Aménagements de cours d'eau 79
épaisseur. L’effet optimal est obtenu par des épaisseurs de nervures de 2.5 fois le
diamètre moyen de la granulométrie du lit [48].
Fig. 6.17:
Mur de soutènement avec macro-rugosités verticales en pierres taillées
trapézoïdalement (Gurtnellen, Canton d'Uri).
Fig. 6.18:
Mur de soutènement avec macro-rugosités verticales en pierres irrégulières
(Saas-Almagell, Canton du Valais).
Les excavations profondes pour la fondation du pied du mur de soutènement doivent
souvent être stabilisées par des éléments en béton ancrés (Fig. 6.16). La résistance
contre l'abrasion doit normalement être garantie par un revêtement de pierres en
taille (granite, gneiss).
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80 Aménagements de cours d'eau
Les murs de soutènement en "L" présentent un grand inconvénient du fait que leur
résistance au renversement est basée principalement sur des efforts qui agissent du
côté de la rivière. Tant que le mur peut s'appuyer sur le terrain situé à l'aval, la poussée
de l'eau et de l'écoulement ne constitue pas un cas de charge critique. Cependant,
la situation devient dangereuse si le mur est submergé et si le terrain aval est
érodé. Puisque la sécurité au renversement est moindre pour des efforts du côté de
la rivière, la poussée de l'écoulement peut renverser le mur érodé. Si le risque résiduel
d'une érosion à l'aval ne peut pas être exclu, la stabilité doit être augmentée
pour des poussées du côté de la rivière (à l'amont). Cette stabilité peut être garantie
par exemple par des corps ou des parois de soutènement placés derrière le mur, à
des intervalles réguliers (Fig. 6.19). Dans ces corps de soutènement en forme de
blocs en béton, des chambres de contrôle des canalisations peuvent être intégrées.
Corps de stabilisation
Canalisation
Mur de protection
Elément de rugosité
Arrêt au pied de la fondation
Fig. 6.19: Mur de soutènement revêtu de pierres en taille et renforcé par des corps
de soutènement en béton.
Pour éviter l'érosion du chenal le long du mur pendant des périodes d'étiage, le pied
doit être recouvert par un remblai jusqu'à un niveau d'eau correspondant aux crues
moyennes (HQ 5 jusqu'à HQ 20 ). Une risberme est ainsi obtenue. Elle sert de chemin
le long de la rive et permet la plantation de la végétation de rive. Le remblai doit être
protégé par un enrochement léger, résistant aux crues moyennes. Le développement
de la végétation riveraine est ainsi garanti. De plus, la rive le long des murs doit être
aménagée par des groupes de blocs servant de refuge aux poissons lors des crues
moyennes. Pendant les crues extrêmes, les remblais ainsi que les groupes de blocs
sont détruits par l'érosion.
6.2.4.3 Murs-poids
Les murs-poids sont réalisés en béton non armé et résistent uniquement avec leur
poids propre aux poussées amont (du côté de la rivière et de la rive). Le mur-poids,
par rapport au mur de soutènement en "L", a l'avantage de rester stable même en
cas d'érosion des terrains à l'aval. Par contre, la largeur du mur-poids est plus importante
et par conséquent son emprise sur le terrain l'est aussi.
Le mur-poids peut être bétonné sans coffrage directement contre le terrain excavé
(Fig. 6.20).
Du côté de la rivière, les diverses étapes de bétonnage sont arrêtées par des blocs
qui servent en même temps de protection contre l'abrasion. L'utilisation du béton relativement
maigre et le compactage avec un rouleau sont possibles (BCR). La fondation
du mur-poids peut s'adapter facilement aux conditions du terrain; de gros
blocs trouvés p. ex. lors de l'excavation peuvent être intégrés directement dans la
EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss
Aménagements de cours d'eau 81
fondation du mur. La réalisation par étapes relativement courtes le long de la rivière
est possible (p. ex. par tranches de 5 m), ce qui permet de renoncer aux mesures de
stabilisation de la fouille et à la nécessité de dériver la rivière.
Puisque le béton du mur-poids est non armé et non coffré, le temps de réalisation est
beaucoup plus court que celui nécessaire à la réalisation d'un mur de soutènement
conventionnel.
Revêtement
avec blocs
Etapes de bétonnage
Fig. 6.20:
Mur-poids coffré avec des blocs et bétonné par étapes directement
contre le terrain en utilisant du béton compacté au rouleau.
6.2.4.4 Combinaisons: mur de soutènement en "L" – mur-poids
Si le sous-sol est garni de blocs très grossiers (blocs de plusieurs tonnes), l'excavation
pour la fondation d'un mur de soutènement devient très difficile et coûteuse.
Pour de telles conditions, un mur-poids, construit dans la partie proche de la fondation,
est très indiqué car il est facilement adaptable à la géologie du sous-sol. Sur ce
mur-poids, un mur de soutènement conventionnel peut être posé (Fig. 6.21). Une
telle combinaison a été choisie pour la protection de la rive le long du tracé du chemin
de fer à Gurtnellen-Wiler (Canton d'Uri). Pour éviter une stabilisation coûteuse
de la fouille, la partie en mur-poids a été réalisée avec une pente relativement importante
contre la Reuss (Fig. 6.21). Les tronçons de bétonnage d'environ 5 m de
longueur ont été coffrés contre la Reuss avec des blocs de gneiss de 0.5 à 1.0 t et
bétonnés par couches. L'excavation du mur de soutènement posé sur le mur-poids a
été stabilisée par des éléments en béton ancrés dans le terrain pour éviter des tassements
intolérables du remblai du chemin de fer.
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82 Aménagements de cours d'eau
Fig. 6.21:
Mur-poids surplombé d'un mur de soutènement (Gurtnellen-Wiler, Canton
d'Uri). Le remblai du pied et l'enrochement secondaire servent à la
création d'une risberme recouverte de végétation riveraine.
6.2.4.5 Proposition d'un nouveau type de mur de protection: mur plié
En recherchant un type de mur de protection qui peut résister à la fois aux forces
agissant du côté des rives et du côté de la rivière et dont la surface est rugueuse,
une solution qui consiste à réalisater des formes pliées a été trouvée (Figs. 6.22 et
6.23). La paroi verticale de ce mur est pliée ou ondulée dans la direction de la rivière
(Fig. 6.22). La stabilité de cette paroi verticale relativement mince est garantie par
des dalles de fondation et de couverture (Fig. 6.23). On obtient ainsi un nouveau
type de mur, appelé par la suite mur plié, qui se caractérise par une grande sécurité
au renversement des deux côtés. De plus, la macro-rugosité de la surface et la dalle
de fondation rendent ce type de mur très résistant lors de l'affouillement.
La longueur déroulée du mur plié est bien évidemment plus importante que celle d'un
mur de soutènement rectiligne. Par contre, les parois peuvent être plus minces tout
en offrant la même sécurité au renversement. Le tableau comparatif ci-dessous illustre
bien les caractéristiques du mur de soutènement et du mur plié:
Mur de soutènement en "L" (Fig. 6.24) Mur plié (Figs. 6.22/23)
Epaisseur:
0.6 à 1.40 m
Sécurité au renversement: 1.50
Volume du béton par m' de longueur:
12.72 m 3 /m (100%)
Epaisseur:
0.6 m
Sécurité au renversement: 1.50
Volume du béton par m' de longueur:
80% (90% sans dalle de couverture)
Cette comparaison est basée sur une poussée de terres triangulaire (2.6 t/m au pied)
et sur des sous-pressions effectives de 100%. Elle montre que le mur plié est économiquement
très concurrentiel par rapport au mur de soutènement conventionnel.
La largeur de l'excavation ne nécessite aucune augmentation. Pour une même largeur
de rivière, l'excavation du mur plié doit par contre être plus profonde dans la direction
horizontale vers la rive. Grâce à la possibilité de construire des parois plus
minces, la réalisation d'un mur plié en utilisant des éléments préfabriqués est alors
envisageable.
1
2
0 1 5 m
1
Dalle de pied
resp. de couverture
2
Mur plié avec revêtement
en pierres taillées
EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss
Aménagements de cours d'eau 83
Fig. 6.22:
Mur plié en forme trapézoïdale (plié à 45 o , largeur de la construction:
3.25 m, épaisseur des parois: 0.6 m).
Dalle de
couverture
Mur plié
revêtement
en pierres
0 1 5 m
Coupe 2-2
Dalle de pied
Coupe 1-1
Fig. 6.23:
Sections en travers d'un mur plié revêtu de pierres en taille (selon la Fig.
6.22).
Affouillement max. Kolktiefe
maximal
A
0 1
5 m
Fig. 6.24:
Sections en travers d'un mur de soutènement revêtu de pierres en taille
(comparaison de stabilité et du volume avec un mur plié selon Figs. 6.22
et 6.23).
Hauteur: 8.6 m; largeur de la fondation: 3.6 m; l'épaisseur du pied au
couronnement diminue de 1.4 à 0.6 m.
Avec une dalle de couverture, l'espace au-dessus du mur plié peut être exploité
comme par exemple un sentier. Outre les avantages statiques et hydrauliques, le
mur plié s'intègre mieux au paysage et à l'environnement:
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84 Aménagements de cours d'eau
la forme pliée ou ondulée n'est pas monotone et peut être adaptée à l'architecture
du village (ville);
les baies du mur plié facilitent la vue sur le cours d'eau;
les entailles du mur plié créent des érosions et des dépôts locaux qui constituent
de précieux refuges pour les poissons.
6.2.4.6 Murs en blocs
Les murs en blocs sont construits avec des blocs de rocher posés sur les couches
de béton ou de mortier. Pour de faibles hauteurs, les murs secs (sans béton ou mortier)
sont envisageables. Même en utilisant du mortier ou du béton, les joints entre
les blocs doivent être laissés libres jusqu'à une profondeur d'environ 20 cm pour faciliter
le développement de la végétation dans les niches.
Si les blocs en rocher ne sont pas disponibles, on utilise, surtout à l'étranger, des
blocs coulés en béton. Un mur de blocs en béton particulier a été développé par
Dénes (1994) en Bolivie, il est aussi appelé "enrochement synthétique" (Fig. 6.25).
Fig. 6.25:
Mur de blocs en béton fabriqués sur place (béton non armé, volume
d'environ 1 m 3 ), espacés, laissés ouverts pour la végétation (selon
Dénes, 1994).
6.2.4.7 Paroi moulée
Une paroi moulée est constituée de pieux en béton réalisés par des forages le long
de la rivière à partir d'un chemin de rive. Une dérivation de la rivière n'est donc pas
nécessaire. Un remblai de la paroi, situé du côté de la rivière, est préférable du point
de vue de l'intégration dans le paysage. Ce remblai doit être protégé contre l'érosion
par un enrochement dimensionné pour des crues moyennes (par exemple HQ 10 à
HQ 20 ) pour favoriser le développement de la végétation. Les parois moulées sont
normalement très coûteuses, en particulier si l'on rencontre des gros blocs de roche
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Aménagements de cours d'eau 85
dans le sous-sol. Selon les heures de cisèlement pendant le forage des pieux, les
coûts des parois moulées se situent entre 1000 et 2000 Fr/m 2 . La stabilité de la paroi
moulée doit être garantie par une fondation des pieux suffisamment profonde audessous
de l'affouillement prévu. La profondeur d'encastrement des pieux correspond
à la portée libre.
6.2.5 Epis
6.2.5.1 Généralités et fonctionnement
Les épis ont été utilisés depuis longtemps dans la réalisation des aménagements de
cours d'eau. Lors de la première correction du Rhône en Valais, les épis ont été utilisés
pour rétrécir la section et augmenter la capacité du transport solide (Fig. 6.26).
Lors de la 2 ème correction du Rhône, les épis ont été couverts par un enrochement et
intégrés dans le lit majeur (Fig. 6.27).
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86 Aménagements de cours d'eau
Fig. 6.26:
Epis en empierrement pour la première correction du Rhône.
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Aménagements de cours d'eau 87
Fig. 6.27:
Rétrécissement de la section du Rhône lors de la 1 ère correction et
l'intégration des épis avec des enrochements dans le lit majeur lors de la
2 ème correction.
Les épis sont des constructions en remblai. Positionnés transversalement dans la
direction de l'écoulement, ils protégent les rives contre l'érosion (Weber et al., 2000).
Il en résulte un rétrécissement de la section ainsi que des conditions complexes
d'écoulement (conditions tridimensionnelles). Dans la plupart des cas, une surélévation
du niveau d'eau, ainsi qu'un abaissement du lit de la rivière et une augmentation
de capacité du transport par charriage sont observés. Par contre, un affouillement
se développe au droit des extrémités des épis et peut être à l'origine de leur
instabilité.
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88 Aménagements de cours d'eau
En général, les épis sont utilisés dans des rivières trop larges du point de vue de la
capacité du transport solide (cf. chapitre 3.2.3). Ils sont également utilisés pour rendre
navigable des rivières en:
garantissant un chenal ayant une profondeur minimale d'eau nécessaire pour
la navigation;
limitant les rayons minimaux dans les courbes;
améliorant l'écoulement et en empêchant des dépôts de graviers nuisibles à la
navigation.
6.2.5.2 Types d'épis
Les divers types d'épis peuvent être caractérisés selon les critères suivants (Weiss,
2000):
Système: ▪ épis singuliers
▪ épis en rangées
Submersion: ▪ épis non submergés
▪ épis submergés
Perméabilité: ▪ épis non perméables
▪ épis perméables
Inclinaison: ▪ épis perpendiculaires
▪ épis inclinés vers l'aval
▪ épis inclinés vers l'amont
Construction: ▪ épis massifs (enrochement, empierrement, éléments artificiels
en béton, blocs ou pierres en taille éventuellement posés sur
du mortier ou sur du béton)
▪ épis en génie biologique (caissons en bois, fascines,
pieux en bois)
▪ épis combinés.
6.2.5.3 Inclinaison des épis
Dans le cas d'un écoulement fort dans une rivière, la réalisation d'épis inclinés vers
l'aval (Fig. 6.28) est plus facile. L'inconvénient de ce type d'ouvrages est que
l'écoulement est dévié en direction des rives en cas de submersion, ce qui augmente
le risque d'érosion (Lichtenhahn, 1977) [39]. Par contre, l'écoulement de fond est
mieux concentré par les épis ce qui favorise le transport solide (Jäggi, 1999) [35].
Les épis inclinés vers l'amont sont plus avantageux en cas de submersion car
l'écoulement est dirigé depuis les rives vers l'axe de la rivière. On obtient ainsi un
plus grand alluvionnement entre les épis. L'inclinaison optimale des épis inclinés vers
l'amont par rapport à l'axe de la rivière est comprise entre 60 o et 80 o .
Les épis perpendiculaires peuvent être réalisés plus courts que les épis inclinés
vers l'aval ou vers l'amont. Ils sont souvent appliqués à la création des canaux de
navigation dans les rivières naturelles.
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Aménagements de cours d'eau 89
perpendiculaire incliné vers l'aval incliné vers l'amont
Fig. 6.28:
Principales conceptions des épis.
6.2.5.4 Espacement et longueur des épis
L'espacement entre les épis dépend de la déviation de l'écoulement à l'aval de la tête
de l'épi. L'angle de déviation de l'écoulement est d'environ β = 6° à 9° (Fig. 6.29).
L'espacement entre les épis est donné par le critère admettant que l'écoulement
dévié ne heurte pas la rive mais l'épis en aval.
Avec ce critère on obtient théoriquement pour = 6° la distance minimale entre les
épis:
B0
B1
B0
B1
L cot 9.5 9. 5 b
2 2
(6.12)
avec L : espacement des épis
β : angle de déviation de l'écoulement
B 0 : largeur de la rivière sans épis
B 1 : largeur de la rivière entre les têtes des épis (largeur de la correction)
b : longueur des épis (= 1 2 (B 0 – B 1 ))
Pratiquement cet espacement n'est pas tolérable; on exige que l'écoulement dévié
rejoigne l'épis aval environ au milieu de sa longueur, donc
B0 B1
L 4.5
4.5 b (6.13)
2
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90 Aménagements de cours d'eau
Pour b = ¼ L selon les conditions locales, les espacements suivants sont recommandés:
L 5 / 4 B dans la transition entre un tronçon rectiligne et une courbe
1
L 1B 1
à la rive extérieure dans une courbe
L
1.5 à 2 B à la rive intérieure dans une courbe
1
La longueur de l'épis résulte du rétrécissement souhaité B 1 de la rivière pour favoriser
le transport solide.
B 1 B 0
b
L
Fig. 6.29:
Définitions géométriques pour l'espacement et la longueur des épis
6.2.5.5 Influence hydraulique des épis
Par la réalisation des épis, la largeur du cours d'eau est géométriquement et hydrauliquement
réduite ce qui résulte en une surélévation du plan d'eau. En provoquant le
détachement des tourbillons et des courants de retour, les épis agissent comme des
macro-rugosités. Pour une première estimation de l'influence hydraulique des épis, le
concept de la section équivalente est souvent utilisé (Fig. 6.30). Avec ce concept,
l'effet hydraulique des épis est considéré d'une part par la réduction de la largeur efficace
B eff du cours d'eau et d'autre part par une rugosité augmentée k paroi aux parois
fictives (du chenal avec la largeur B eff ).
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Aménagements de cours d'eau 91
B 1
b
B 0
k paroi
k paroi
Fig. 6.30:
Concept de la section équivalente pour la considération de l'effet
hydraulique des épis (selon [37]).
Le rapport = B eff / B 1 est inférieur à 1.0 pour des épis non submergés et supérieur
à 1.0 mais plus petit que B 0 / B 1 pour des épis submergés.
Comme première approximation, on admet souvent = 1 (B eff = B 1 ) ce qui est plutôt
conservateur pour des épis submergés. La rugosité des parois fictives k paroi peut être
calée à l'aide des mesures de niveau d'eau, si ces mesures dans des tronçons avec
des épis semblables sont disponibles. En général, k paroi varie entre 15 m 1/3 /s pour
des faibles profondeurs d'eau (épis non submergés) à 25 m 1/3 /s pour des profondeurs
d'eau importantes (épis submergés).
6.2.5.6 Erosion du lit due à l'effet des épis
Le rétrécissement de la section par la construction d'épis provoque non seulement
une surélévation du plan d'eau mais également une augmentation des contraintes de
cisaillement due à l'écoulement et par conséquent une érosion du lit. Cette érosion
compense partiellement ou entièrement la surélévation du plan d'eau due au rétrécissement
du cours d'eau par les épis.
L'érosion maximale du lit, ∆Z max , peut être estimée par la formule suivante (Spannring
et al., 2000) [40]:
3/7 6/7
0
B0
Zmax
h0
1
(6.14)
crit
B1
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92 Aménagements de cours d'eau
avec h 0 :
0 :
B 0 :
profondeur d'eau dans la section sans épis
contrainte du cisaillement au lit dans la section sans épis
largeur de la section sans épis
B 1 : largeur de la section entre les têtes des épis
: coefficient des épis
Cette formule est valable pour l'effet stationnaire de l'érosion. Le coefficient des épis
peut être déterminé selon la figure 6.31 (Spannring et al., 2000). Le coefficient des
épis est fonction de (Fig. 6.31):
A ü :
section de l'écoulement au-dessus des épis
A ges : section totale de l'écoulement (sans épis)
gr :
1/ 2
B
0 0
gr
correspond à la limite supérieure de
B1
cr
selon l'équation 5.12 pour ∆Z max = 0.
Fig. 6.31:
Diagramme pour la détermination du coefficient des épis (Spannring et
al., 2000) [40].
Pour les géométries typiques des épis, le coefficient des épis est d'environ = 0.8.
6.2.5.7 Affouillements à proximité de la tête des épis
Le détachement des tourbillons à la tête des épis et les courants de retour entre les
épis provoquent un écoulement très turbulent à proximité de la tête et par conséquent
des affouillements. On trouve les affouillements les plus profonds à l'amont et
à côté de la tête des épis non submergés (Fig. 6.32). Dès que les épis sont submergés,
les affouillements se produisent également à l'amont et à l'aval des épis en entraînant
un risque d'érosion des rives, surtout dans le cas des épis inclinés vers l'aval
(Fig. 6.32 à droite).
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Aménagements de cours d'eau 93
non submergé
submergé
Fig. 6.32:
Affouillement des épis non submergés (à gauche) et des épis submergés
(à droite) (selon [37]).
L'estimation de l'affouillement maximal à proximité de la tête des épis peut être fait à
l'aide des formules empiriques développées pour des appuis ou piles de ponts (par
exemple: formule de Méville (1997)).
Pour les épis aménagés sur l'Aare entre Thun et Berne, des affouillements maximaux
entre 0.7 m et 2.3 m ont été observés (pente du lit J = 2.1‰, largeur du lit sans
épis B 0 = 70 m, longueur des épis b = 15 m, largeur des épis d = 10 m, espacement
L = 70 m, épis submergés dès 300 m 3 /s, selon Weber et al. 2000). Une mesure
constructive visant à diminuer les affouillements à proximité de la tête des épis
consiste en un choix de leur forme en "L" (en crochet) (Fig. 6.33).
Fig. 6.33:
Epis avec tête en "L" (en crochet).
6.2.5.8 Recommandations pour la conception et détails constructifs
Recommandations :
• Les épis destinés à dévier l’écoulement dans une autre direction devraient avoir
une longueur minimum d’un tiers de la largeur de la rivière. Les épis qui doivent
seulement protéger la rive contre l’érosion devraient être plus courts d’un tiers de
la largeur de la rivière.
• Dans le cas d’épis submergés, l’écoulement déverse perpendiculairement sur la
crête de l’épi. Pour diriger l’eau vers l’axe de la rivière, une inclinaison des épis
légèrement vers l’amont est favorable dans des tronçons rectilignes (angle avec
la rive de 75° à 80°).
• Les épis non submergés devraient être plutôt inclinés vers l’aval.
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94 Aménagements de cours d'eau
• Les plus grands affouillements se produisent à la tête des épis, ce qui doit être
considéré dans le dimensionnement de la fondation.
• Les épis doivent être suffisamment encastrés dans la rive.
• La cote de la racine de l’épi doit correspondre à un niveau d’eau d’une crue
moyenne (HQ 20 à HQ 50 ).
Corps des épis :
• pente amont : 1 : 1.5 (empierrement) à 1 : 2.0 (enrochement);
en cas de glace flottante: la meilleure solution: 1 : 1
(empierrement) ; en cas de submersion, des pentes plus
faibles (1 : 3 à 1 : 5) réduisent l’affouillement
• pente aval : 1 : 2.0 (empierrement) à 1 : 3.0 (enrochement);
pour des pentes plus faibles l'affouillement en cas de
submersion est ainsi réduit (jusqu’à 1 : 5)
• pente longitudinale: typiquement 1 : 8 à 1 : 10.
Tête des épis: • normalement élargies par rapport au corps avec une pente
de 1 : 3.
• hauteur de la tête par rapport au niveau du débit de
dimensionnement dans des tronçons en courbe:
– rive extérieure + 0.50 m
– rive intérieure – 0.50 m.
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Aménagements de cours d'eau 95
6.2.5.9 Exemples
a) Variantes d’épis utilisés sur la Thur dans le Canton de Zurich
Epis pour lits majeurs profonds
Vue en plan
1:3
75°
1:1
1:2.5
1.00 2.50 1.00 6.25 1.25
2.00
2.50
1:1
1:1
1:1 1:1
1:1
1.00
7.00
max. 22.00
1.00
7.00
Elargissement lit mineur
max. 22.00
env. 1:10
Coupe
Lit projeté
Talweg
1:1
1.00
2.50
env. 1:3
1.50
1:2
6.50
2.50
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96 Aménagements de cours d'eau
Epis pour lits majeurs peu profonds
Vue en plan
1:2
1:5
1:1
1.60 4.00
2.00
75°
1:1
2.00 1.60
6.00 5.00 5.00
9.00 + 14.00
6.00 5.00 3.00 11.00 + 16.00
20
2:3
20
5%
Coupe
Lit projeté
Talweg
1.50
80
3.00
1:2
Elargissement lit mineur
1:2
2.00
1.50
8.00 10.00 7.00 12.00
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Aménagements de cours d'eau 97
Epis combinés avec une protection du lit majeur avec des saules
Vue en plan
1:5
4.00 1.70
1:2
1:2 75°
1.60
1.70
6.00 5.00
14.00 + 19.00
6.00 5.00 14.00 + 19.00
Elargissement lit
mineur
3 – 5 m long
Coupe
Lit projeté
Talweg
var.
80
3.00
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98 Aménagements de cours d'eau
b) Variantes d’épis construits avec des arbres sur la Thur et Töss
6.2.6 Blocs résiduels artificiels
L’érosion des rives et du lit d’une rivière sont des processus susceptibles de
provoquer les dégâts catastrophiques lors des crues. Souvent, les gros blocs de
rocher disséminés, appelés également blocs résidents, dans les rivières de
montagne protègent de manière naturelle les rives et le lit contre l’érosion. Un effet
similaire peut être obtenu avec des éléments en béton enterrés ou recouverts de
terre. De bonne expériences ont été faites avec des cubes de béton divisés
diagonalement, c'est-à-dire des prismes, rangés en ligne ou en groupe ou encore
structurés en épis, constituent un moyen flexible de protection des rives et du lit
contre l’érosion [60,61]. En recouvrant ces prismes en béton d’une couche de sol et
en ajoutant des enrochements secondaires, les parties de la rives stabilisées par des
éléments en béton s’intègrent bien dans le paysage et retrouvent leurs qualités
écologiques.
Basé sur une analyse des résultats des essais sur modèles, le volume nécessaire
V nèc des prismes peut être estimé à l’aide de la formule de Bezzola (2005) [62]
V
néc
2
6.25q
2/3
J g( s1)
avec q : débit unitaire
J : pente du lit
s : ρ B /ρ E = 2.50
Figures 6.34 à 6.37 montrent quelques exemples d’application des blocs résiduels
artificiels pour la protection des rives de la Reuss à Göschenen du Canton d’Uri
(Schleiss et al. 1998) [60].
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Aménagements de cours d'eau 99
Gotthard
Route Nationale
Tunnel
Erosion des rives lors
de la crue 1987
Enrochement
Groupes de blocs
Blocs résiduels artificiels en béton
(cubes divisés diagonalement)
Fig. 6.34:
Protection des rives à Göschenen – Stäfeligand. Cubes en béton entérré
le long de chemin de rive et disposés en groupes (coupe voir Fig. 6.35)
Chemin de rive
Enrochement
Cubes en béton divisé
diagonalement
Fig. 6.35
Protection des rives à Göschenen – Stäfeligand. Coupe à travers
enrochement et les cubes en béton entérrés dans le chemin de rive.
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100 Aménagements de cours d'eau
Route Nationale
Erosion des rives lors
de la crue 1987
Enrochement
Epis de cubes en béton
divisés diagonalement
Chemin de rive
Route Cantonale
Fig. 6.36
Protection des rives à Göschenen – Teufelstein. Epis de déviation
construits par des cubes en béton divisés diagonalement.
Plantation des
saules et aunes
Couverture avec
matériaux d’excavation
Chemin de rive
Végétation spontanée
Epis de cubes en béton
divisés diagonalement
Enrochement
Fig. 6.37
Protection des rives à Göschenen – Teufelstein. Intégration et
végetalisation des épis en cubes de béton recouverts avec terre et
enrochement
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Aménagements de cours d'eau 101
6.3 Stabilisation des lits contre les érosions
6.3.1 Possibilités de protection contre l'érosion
Afin d'éviter qu'un cours d'eau, déjà atteint par l'érosion ne s'érode encore plus, des
mesures suivantes sont envisageables:
Augmentation de la résistance du lit
lit artificiel (canal bétonné)
pavage du lit par des blocs en pierre (couche de pavage artificiel)
renforcer le lit par de gros blocs (rocher ou éléments en béton)
Réduction de la pente du lit
fixation du lit par des seuils et traversées (en bois, blocs, pierres de taille, béton)
fixation du lit par des rampes de blocs
changement du tracé du cours d'eau (prolongement du talweg par des méandres,
etc.)
Elargissement du lit
élargissement sur longues distances
élargissement local
dérivation partielle du cours d'eau dans un lit secondaire
Intervention sur le transport solide
renversement du gravier dans le cours d'eau (localement à l'amont du tronçon
érodé)
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102 Aménagements de cours d'eau
Crue
Débit moyen
Fig. 6.38:
Fixation du lit par des ouvrages transversaux: a) seuil; b) coursier bétonné;
c) rampe de blocs; d) rampe de blocs à grande rugosité; e) coursier
avec pavage artificiel; f) seuils en bois, cascade; g) seuil de fixation
en blocs; g) seuil de fixation en bois; k) traversée; i) seuil en bois avec
refuge pour poissons.
La figure 6.38 montre quelques exemples d'ouvrages transversaux pour la fixation du
lit.
Il est évident que l'application des mesures "dures", telles que l'arrêt de l'érosion par
la création d'un lit artificiel et canalisé ou la construction des traversées, sont des mesures
qui se font au détriment du fonctionnement écologique du cours d'eau.
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Aménagements de cours d'eau 103
6.3.2 Renforcement du lit par couche de pavage artificiel
Le dimensionnement d'une couche de pavage artificiel se fait à l'aide des théories qui
décrivent la résistance contre l'érosion du lit d'un cours d'eau. Une approche souvent
utilisée est celle de Günter (1971):
h cr :
cr
( s 1) dmUS dm DS
hcr
J
dmUS
hauteur d'eau critique pour laquelle la couche de pavage est détruite
cr : contrainte de cisaillement critique adimensionnelle (selon Shields)
cr < 0.03 aucun mouvement
cr < 0.047 quelques petits grains en mouvement
d m US : diamètre moyen des grains de la sous-couche (au-dessous du pavage)
d m DS : diamètre moyen des grains de la couche de pavage
2/3
(6.15)
Pour un débit de dimensionnement et une granulométrie du lit donnés, le diamètre
minimal d m DS d'une couche de pavage artificiel peut être déterminé comme suit:
Exemple:
h = 3 m (pour le débit de dimensionnement)
s = 2.65
J = 3%
d m US = 0.4 m
cr = 0.03
3/2
h
J
2/3
dmDS
dmUS
1.0
m
cr
( s 1)
Pour les torrents à pentes raides (> 3%) et à profondeurs d'eau importantes (> 5 m),
le diamètre moyen minimal d'une couche de pavage artificiel correspond à celui de
blocs non exploitables dans des carrières. Par conséquent, des éléments en béton
doivent être utilisés pour stabiliser le lit (tétrapodes, etc.).
Pour des pentes faibles, le lit peut être renforcé en déversant dans le cours d'eau, à
partir d'une barge, des matériaux à granulométrie uniforme ou étendue. L'épaisseur
minimale de la couche de pavage peut être déterminée selon 6.2.2.2 (analogie avec
le renforcement par enrochements).
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104 Aménagements de cours d'eau
6.3.3 Renforcement du lit par des gros blocs
Fig. 6.39:
Coupe longitudinale schématique d'un cours d'eau dont le lit est renforcé
par des gros blocs (blocs résiduels)
La résistance du lit d'une rivière de montagne, renforcé par des gros blocs (blocs
résiduels), peut être estimée à l'aide de divers "modèles de blocs". La figure 6.39
illustre le modèle développé par Whittaker et al. (1988).
Calcul hydraulique en considérant des gros blocs
résistance hydraulique des matériaux de base du lit (sans gros blocs)
V
c
m
12R
s
s
2 . 5In
'
V ks
*
(6.16)
R s :
rayon hydraulique de l'écoulement sur le lit
k s : élément de rugosité déterminant des matériaux de base
du lit k s = 1.5 d mD
d mD : diamètre moyen de la couche de pavage des matériaux de
base (d mD d 90 )
résistance hydraulique des blocs résiduels
Vm
12R
c b
s
2 . 5In
'
V kb
*
(6.17)
k b : élément de rugosité déterminant des blocs résiduels
k b
= a
D
17.8 0.47 h
D
(6.18)
D :
a :
diamètre équivalent du bloc résiduel
concentration adimensionnelle de surface des blocs
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Aménagements de cours d'eau 105
résiduels n D 2
n = concentration de surface des blocs résiduels [nombre/m 2 ]
résistance totale du lit
c
1
2
1 1
2 2
c s c b
vitesse moyenne d'écoulement (loi de Chézy) V
m
c
g R
s
J
Calcul de la pente réduite du lit J'
V
'
* s
g R J'
(6.19)
et ainsi
Vm
c g RsJ
cs
(6.20)
'
V g R J'
*
c
J'
J
cs
2
s
(6.21)
Contrainte adimensionnelle agissant sur les matériaux de base du lit
Rs
J'
(6.22)
(s 1)d
m
d m : diamètre moyen de la sous-couche des matériaux de base du lit
(sans blocs résiduels)
Résistance des matériaux de base selon Günter (1971)
2 / 3
dmD
cD c
d
(6.23)
m
c : coefficient de Shields pour un lit comparable composé de grains
unitaires ( c = 0.05)
d mD : diamètre moyen de la couche de pavage des matériaux de base
(d mD d 90 )
Condition limite pour l'érosion de la couche de pavage
> cD
Cette procédure de calcul permet de trouver le nombre n et le diamètre D des gros
blocs pour augmenter la stabilité du lit composé de matériaux de base.
Finalement, la stabilité de ces gros blocs, exposés à l'écoulement et partiellement
encastrés dans les matériaux de base, doit être vérifiée. La sécurité au renversement
d'un bloc est contrôlée en considérant le poids propre, la poussée d'Archimède, la
force de traînée et la force de portée.
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106 Aménagements de cours d'eau
6.3.4 Seuils
6.3.4.1 Buts et inconvénients des seuils
Le lit d'une rivière à forte pente peut être stabilisé par la réalisation de seuils. Les
seuils diminuent la pente du lit, ce qui permet d'obtenir une pente d'équilibre pour un
débit de dimensionnement.
Beaucoup de rivières de montagne en Suisse ont été stabilisées au passé par des
seuils (par exemple Grande et Petite Emme, Kander). Du point de vue d'hydraulique,
les seuils sont caractérisés par le fait qu'ils fonctionnement comme déversoirs dénoyés
pour les débits inférieurs ou égaux au débit de dimensionnement; c'est-à-dire
un écoulement critique se produit toujours sur le seuil. L'énergie déversante de l'eau
résulte en une fosse d'érosion de profondeur importante.
Les inconvénients des seuils sont:
obstacle à la libre migration de poissons;
fondation profonde pour garantir la stabilité des affouillements au pied;
réalisation difficile en présence de l'eau (dérivation coûteuse du cours d'eau
pendant la construction).
A cause de ces inconvénients, les seuils sont remplacés aujourd'hui dans les projets
de correction fluviale par des rampes de blocs.
Les seuils peuvent être réalisés en bois (troncs d'arbres, problème de durabilité) ou
en béton. Pour résister à l'abrasion, le couronnement des seuils en béton doit être
revêtu de pierres en taille.
6.3.4.2 Dimensionnement et emplacement des seuils
La relation entre débit Q et charge H sur le seuil de largeur b est donnée par la formule
d'un déversoir à seuil épais:
Q C b
2g H
d
3/2
avec un coefficient de débit C d = 0.326 pour un seuil large.
Les seuils produisent un alluvionnement du lit à l'amont et ainsi une réduction de la
pente (Fig. 6.40).
L'alluvionnement du lit est donnée par
avec ∆h :
h ( J J)
L
J 0 :
0
hauteur de l'alluvionnement à l'amont du seuil
pente initiale du lit
cr
( s1)
dm
J : pente du lit après l'alluvionnement J Jcr
h
J cr est égal à la pente du lit pour laquelle le lit ne s'érode pas
selon la formule de charriage de Smart & Jäggi (cf. chapitre 3.2.3).
En admettant que le niveau d'alluvionnement reste pour ∆z au-dessous du couronnement
du seuil, la hauteur nécessaire s du seuil devient
s hz ( J J ) Lz avec z d'environ 0.5 à 1.0 m.
0
cr
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Aménagements de cours d'eau 107
J
Z
S
J
L
h
J 0
Fig. 6.40:
Protection du lit avec des seuils
Pour une hauteur s du seuil donné, la distance maximale L max entre les seuils devient
sz h
Lmax
(6.24)
J J J J
0 cr 0
cr
La combinaison optimale entre la hauteur s des seuils et leur espacement L doit être
optimisée selon les considérations économiques (les seuils à une hauteur importante
nécessitent une fondation plus profonde).
6.3.4.3 Estimation de l'affouillement au pied des seuils
Pour estimer la profondeur maximale de l'affouillement au pied des seuils, les formules
empiriques suivantes peuvent être utilisées:
granulométrie grossière du lit (Kotoulas, 1973)
0.35 0.7
S 0.78 H q
(6.25)
0.4
d
90
granulométrie fine du lit (Tschopp/Bisaz, 1972)
0.5 0.25
S 2.76 q H 7.22
d (6.26)
avec S :
q :
H :
d 90 :
90
profondeur de l'affouillement au-dessous du niveau d'eau
à l'aval du seuil
débit spécifique sur le seuil (= Q/b)
différence entre les charges amont et aval du seuil
diamètre caractéristique des grains du lit
6.3.5 Traversées
6.3.5.1 Utilisation et fonctionnement des traversées
Les traversées sont des ouvrages transversaux ou seuils de faible hauteur, espacées
étroitement, ayant pour but la stabilisation du lit. Pour des débits importants, les
traversées n'agissent pas comme déversoirs dénoyés. L'écoulement entre les traversées
est fortement non uniforme.
L'effet hydraulique des traversées peut être comparé aux macro-rugosités du lit qui
se forment naturellement. Pour des pentes faibles, les traversées se comportent
analogiquement aux dunes; pour des pentes fortes, analogiquement aux anti-dunes.
Un écoulement dénoyé ou critique sur les traversées ne se produit que pour des dé-
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108 Aménagements de cours d'eau
bits faibles. Sous ces conditions, l'affouillement au pied des traversées devient important
et peut être estimé avec les formules pour les seuils données au chapitre
6.3.4.
Les débits très importants passent sur les traversées comme des écoulements torrentiels.
L'affouillement est concentré à l'amont des traversées et peut atteindre des
profondeurs très importantes. Cette transition entre l'écoulement à surface ondulée
et l'écoulement torrentiel à surface plane, conduit normalement à la destruction des
traversées. Un écoulement torrentiel ne peut donc être accepté que dans les cas de
petites rivières et de traversées à faible espacement, si la profondeur de leur fondation
correspond à environ la moitié de leur espacement.
La figure 6.41 montre les conditions possibles d'écoulement et le développement du
lit correspondant. A partir des pentes de 7%, l'écoulement passe par les traversées
en vagues avec une surélévation momentanée de la profondeur d'eau qui érode les
rives.
a)
b)
c)
Fig. 6.41: Conditions d'écoulement sur les traversées (selon [35]):
a) petits débits avec écoulement critique sur les traversées (déversoir
dénoyé), comportement similaire aux seuils (chapitre 5.3.4)
b) écoulement avec surface ondulée, l'affouillement que se produit est
analogique aux dunes ou anti-dunes
c) écoulement fortement torrentiel avec une forte érosion à l'amont
des traversées.
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Aménagements de cours d'eau 109
6.3.5.2 Dimensionnement des traversées
Par analogie aux formes naturelles du lit (dunes, etc.), les méthodes de calcul de
pertes de charge causées par macro-rugosités du lit (pertes de forme) peuvent être
utilisées. La pente de la ligne d'énergie se compose de la pente de frottement J ' et
de la pente due aux pertes de forme J ".
Pour éviter l'érosion du lit, la pente de frottement admissible J ' est déterminée pour
les cas sans transport par charriage avec le critère de stabilité d'une couche de pavage.
Dans le cas du transport par charriage, on applique par exemple la formule de
Smart & Jäggi avec la fonction de transport. La pente d'énergie due aux pertes de
forme du lit peut être estimée par l'approche des pertes d'élargissement selon Bordat-Carnot.
Le résultat de calcul est la capacité hydraulique et le rayon hydraulique R b du lit nécessaires
à la dérivation de la fonction du transport par charriage.
Fig. 6.42: Système de traversées avec définition des paramètres moyens de la
section.
Puisque le calcul est non explicite, une hypothèse sur la pente réduite J ' et le rayon
hydraulique R b de la section du lit est nécessaire. Pour la profondeur moyenne d'eau
h m et le rayon hydraulique, un niveau du lit est choisi; il correspond à la moyenne
entre la section minimale de l'écoulement sur les traversées et la section maximale à
l'endroit de l'affouillement maximal (Fig. 6.42).
Il en résulte
ymax
Rb
R b,
red
(6.27)
2
y max est inconnu et doit donc être estimé au début du calcul.
Puis, avec une loi de vitesse connue (Strickler ou Keulegan) on obtient:
v f( R , J ')
m
b
le calcul des pertes de forme selon Bordat-Carnot donne:
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110 Aménagements de cours d'eau
2
2
V
m
ymax
1
J ''
(6.28)
2g
Rbred
,
ymax
L
avec L comme distance entre les traversées.
Avec la condition
J J'
J
''
la valeur y max peut donc être trouvée par itération.
En connaissant la rugosité des rives et le rayon hydraulique de l'écoulement sur la
section partielle des rives, le rayon hydraulique R b du lit, le rayon hydraulique total R
de la section peuvent être obtenus. Les relations géométriques donnent la profondeur
d'eau h m et finalement le débit Q.
Pour de petits rapports J '/J l'affouillement y max augmente fortement ce qui correspond
au changement de régime de l'écoulement. Ce changement du régime est caractérisé
par un déplacement de l'affouillement du pied des traversées vers l'aval
(Fig. 6.41 c)).
Pour éviter ce changement du régime et la destruction des traversées, la règle
approximative J'/ J 1/ 3 doit être considérée.
A la fin, la stabilité de la couche de pavage entre les traversées doit être contrôlée.
Pour des pentes entre 7‰ et 7% les formules empiriques développées par Volkart
(1972) peuvent être appliquées.
L'affouillement maximal sans apport de charriage de l'amont peut être estimé par
0.5 0.5 0.67
1.25 q J L
y0max
(6.29)
0.25 0.42
( s1)
g d
avec L :
90
distance entre les traversées
q : débit spécifique
Cette équation est valable pour:
10 L/ d 340
q
90
q
1.39‰ (q B : débit solide spécifique)
q
B
*
s
L'affouillement maximal avec apport de charriage de l'amont devient
L
ymax
y0 max 10.53 J q*
d90
qB
avec q*
q
s
La sécurité contre le changement de régime est garantie si
ymax 0.2 L
La profondeur maximale d'eau z max peut être estimée avec
0.12
(6.30)
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Aménagements de cours d'eau 111
z
0.88
q
1
0.9
( s 1) g d L J
max 0.44 0.3 0.02 0.09
90
6.3.5.3 Types de traversées
Les traversées peuvent être réalisées par des troncs d'arbres (rondins) ou par de
gros blocs (Figs. 6.43 et 6.44).
rondins 25 cm
encastrés dans les rives
blocs 80 cm
rondin encastré dans les rives
refuge pour
poissons
seuil
en
bois
seuil
en
béton
Fig. 6.43:
Types de traversées en bois ou en bloc de rocher.
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112 Aménagements de cours d'eau
refuge pour
poissons
3 5
6
2
4
1 1
Fig. 6.44:
Traversée en bois avec refuge pour poissons (les numéros correspondent à la
procédure de montage).
6.3.6 Rampes en blocs
6.3.6.1 Concept et fonctionnement des rampes en blocs
Les rampes en blocs sont des ouvrages avec une pente longitudinale d'environ 10%
permettant de franchir un dénivellement local du cours d'eau sans provoquer l'érosion
du lit et des rives. Les conceptions suivantes peuvent être distinguées:
Type et matériaux
rampes fixes en béton
(revêtues de pierres en taille)
rampes fixes en blocs de rocher placés
dans une couche de rocher
rampes mobiles en gros blocs
posées en espaces réguliers
rampes mobiles en gros blocs posées en
espaces irréguliers (en remblai)
Rugosité de surface
très lisse
assez rugueux
Rugueux
très rugueux
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Aménagements de cours d'eau 113
Du point de vue d'hydraulique, une rampe est efficace si elle fonctionne comme un
déversoir dénoyé et si un écoulement critique se produit au début de la rampe (Fig.
6.45).
h cr
Fig. 6.45
Rampe dénoyée construite en blocs.
Lors des crues extrêmes un écoulement sur la rampe noyée de l'aval est en principe
accepté. Pour les niveaux aval très importants il n'y a qu'une faible accélération
d'écoulement liée à un abaissement local du niveau d'eau sur la rampe qui se produit
(Fig. 6.46). Dans ce cas, la perte de charge sur la rampe est faible et la pente du lit à
l'amont s'adapte à celle de l'aval. Par conséquent, les débits extrêmes sur les rampes
dépassant le débit de dimensionnement provoquent une érosion du lit à l'amont
de la rampe. Cette érosion est limitée dans le temps, c'est-à-dire sa durée est égale
à celle de la crue. Elle ne se présente que localement. Tout de suite après, lors de la
décrue, le lit de la rivière se remplit d'alluvions.
Ligne d'énergie
Lit normal
Lit pendant la crue
Fig. 6.46:
Rampe noyée construite en blocs.
Par rapport aux rampes fixes, les rampes mobiles construites en gros blocs présentent
les avantages suivants:
réalisation plus aisée dans l'eau (la dérivation du cours d'eau n'est pas nécessaire),
migration des poissons devient possible grâce à la surface rugueuse:
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114 Aménagements de cours d'eau
Le dimensionnement des rampes fixes suit les règles de construction de massifs en
béton. La perte de charge sur la rampe assez lisse peut être augmentée par l'aménagement
sur la rampe des macro-rugosités (blocs dissipateurs en béton).
En principe, les rampes fixes produisent les affouillements plus profonds au pied
(Fig. 6.47), car la dissipation d'énergie est plus faible sur la rampe fixe que sur une
rampe en blocs.
Fig. 6.47:
Conditions de l'écoulement sur une rampe lisse et une rampe rugueuse.
Influence de la rugosité sur l'affouillement au pied.
6.3.6.2 Dimensionnement des rampes en blocs
Les processus résultant en la destruction des rampes construites en gros blocs mobiles
sont les suivants:
l'érosion directe des blocs, c'est-à-dire l'instabilité de blocs particuliers due aux
forces d'écoulement (renversement, glissement et transport par l'écoulement);
l'érosion indirecte de la rampe par le lavage des matériaux du lit situé au-dessous
se fait à travers les joints entre les blocs;
l'affouillement du pied stabilisant de la rampe.
En principe les rampes en blocs correspondent au tronçon d'une rivière dont le lit est
stabilisé par une couche de pavage artificiel composé de blocs grossiers. Toutefois,
puisqu'il s'agit d'un aménagement sur le lit très rugueux, la démarche de dimensionnement
du chapitre 6.3.3 n'est pas directement applicable.
Pour contrôler la résistance ou la stabilité de la rampe pour un débit donné, l'hypothèse
de l'écoulement uniforme sur la rampe est faite. C'est une approche plutôt
conservatrice.
Pour des fortes crues, la pente maximale de la ligne d'énergie le long de la rampe
noyée de l'aval doit être déterminée à l'aide du calcul de la courbe de remous et du
ressaut qui se forment à un certain endroit de la rampe. Ce calcul doit être répété
pour toute la gamme des débits possibles car le débit critique, avec la plus grande
sollicitation de la rampe, n'est pas connu d'avance.
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Aménagements de cours d'eau 115
Erosion directe des blocs ou l'instabilité des blocs particuliers
Pour ce premier processus de rupture d'une rampe en blocs et pour une pente
d'énergie connue, le débit maximal admissible peut être estimé avec l'équation empirique
suivante (Whittaker, Jäggi, 1986):
avec q :
q
g( s1)
D
3
65
0.257
7/6
J
débit par mètre de largeur sur la rampe [m 3 /s]
s : B / E ( 2.65) densité des blocs par rapport à l'eau
D :
diamètre des blocs [m]
(6.31)
J : pente de la ligne d'énergie sur la rampe (en cas d'un enrochement
uniforme égal à la pente du lit)
Pour un débit spécifique donné, le diamètre caractéristique D 65 peut être déterminé.
L'équation ci-dessus est valable pour la rampe dont les blocs sont mis en place en
remblai ou par la méthode blocs par blocs. Cette équation donne une valeur inférieure
à la limite de rupture. En principe, les rampes construites par la pose soigneuse
de blocs par blocs ont une stabilité plus élevée. Toutefois les ruptures surviennent
fréquemment à l'endroit le plus faible de la rampe.
Erosion indirecte de la rampe par lavage de la fondation
Si les matériaux de fondation de la rampe peuvent être lavés à travers les joints entre
les blocs, deux types de ruptures sont possibles. Pour des rapports entre le diamètre
des blocs et le diamètre moyen des matériaux de fondation (ou du lit) supérieurs
à 17, l'affaissement des blocs dans le lit mobile de la fondation se produit. Pour
des rapports inférieurs à 6, les gros blocs glissent sur la fondation à cause de leur
exposition importante. Il existe, entre ces deux types de rupture une zone de transition.
Pour les rapports D/d m > 10, une équation empirique a été trouvée à l'aide des essais
en laboratoire. Elle donne le débit maximal admissible pour une rampe de
conception donnée où la densité minimale de pose des blocs en cas d'un débit
donné se calcule par l'équation de Whittaker, Jäggi, 1986):
2.35 2
2.35
s
1
d65
q 14.47
g
0.85 1.9
s D J D
avec q : débit unitaire sur la rampe [m 3 /sm]
J :
D :
d 65 :
pente de la ligne d'énergie sur la rampe
(6.32)
diamètre équivalent d'une sphère ayant le poids des blocs moyens [m]
diamètre caractéristique des matériaux du lit de la fondation de la
rampe [m]
β : densité de pose des blocs en t/m 2
ρ s : densité des matériaux solides (blocs, lit) [t/m 3 ]
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116 Aménagements de cours d'eau
Pour D/d m < 10 cette équation n'est plus applicable. Les essais en laboratoire n'ont
pas permis de trouver de relation entre ces conditions. La destruction de la rampe
par glissement des blocs commence toujours à partir d'un trou dans la rampe. Si les
blocs ont été soigneusement posés en veillant à minimiser l'espacement entre eux, la
rupture par érosion directe des blocs peut être empêchée. La structure de la rampe
doit alors être serrée au maximum (joints minimaux entre les blocs) pour limiter l'exposition
des blocs à l'écoulement.
Affouillement du pied de la rampe
Pour empêcher l'affouillement du pied de la rampe, l'aménagement d'une surface rugueuse
s'avère favorable. Afin d'obtenir la rugosité maximale de la surface, le côté
rugueux des blocs doit être placé en direction de l'écoulement (Fig. 6.11). Il faut cependant
veiller à éviter de placer les blocs avec le diamètre maximal perpendiculairement
à la fondation car leur exposition à l'écoulement devient critique.
L'affouillement au pied de la rampe peut être estimé par l'équation de Tschopp-Bisaz
(1972) modifiée:
avec S :
S 0.85 qv 7.125
d
90
(6.33)
q :
v :
profondeur de l'affouillement au-dessous du niveau d'eau [m]
débit unitaire sur la rampe [m 3 /sm]
vitesse d'écoulement au pied de la rampe [m/s]
d 90 : diamètre caractéristique des matériaux du lit [m]
Par rapport à la formule originale (chapitre 6.3.4.3), la chute H est remplacée par la
vitesse qui devient déterminante au pied de la rampe. Pour les cas critiques, le coefficient
0.85 de l'équation doit être légèrement augmenté.
Par rapport aux seuils et traversées, le nombre de Froude pour l'écoulement sur la
rampe est relativement petit. Il en résulte un ressaut ondulé au pied produisant une
longue mais relativement peu profonde fosse d'érosion. L'affouillement maximal se
trouve donc à une certaine distance du pied de la rampe.
Du point de vue de la réalisation, il est difficile de prolonger la rampe jusqu'à la profondeur
maximale de l'affouillement. Néanmoins, dans tous les cas, la rampe doit
être suffisamment longue pour éviter que la dernière rangée de blocs n’agisse
comme déversoir avec un écoulement critique pour les débits critiques.
La dernière rangée de blocs peut être protégée contre les affouillements par des tapis
de blocs, des rails de chemin de fer ou des pieux (Fig. 6.47). En cas de longues
rampes, les affouillements importants le long des rives sont possibles. Ils peuvent
être évités grâce aux enrochements fondés à une profondeur suffisante.
Une faible courbure de la rampe présente un certain nombre d'avantages et notamment
le débit au pied, et par conséquent l'affouillement, est concentré sur l'axe du
cours d'eau (Fig. 6.48).
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Aménagements de cours d'eau 117
Lit construit
Affouillement
Niveau d'étiage
NW
Fig. 6.47: Mesures constructives contre l'affouillement au pied des rampes en
blocs. En haut: tapis de blocs. Au milieu: prolongation de la rampe jusqu'à
la profondeur maximale de l'affouillement. En bas: stabilisation du
pied avec des rails de chemin de fer ou des pieux (selon Jäggi
1999/2000).
Afouillement
Fig. 6.48: Disposition d'une rampe incurvée en plan (selon Jäggi 1999/2000).
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118 Aménagements de cours d'eau
6.3.7 Elargissements locaux
6.3.7.1 Buts et effets
Au lieu de stabiliser un tronçon d’un cours d’eau par des points fixes comme des
seuils, des élargissements locaux peuvent produire un effet similaire (Fig. 6.49).
Ecologiquement, les élargissements locaux sont également très positifs en
augmentant la richesse des structures morphologiques par la formation des bancs de
sable et de gravier.
Fig. 6.49: Stabilisation d’un profil en long par une série d’élargissements (Bezzola,
2005).
L’effet d’un élargissement local sur le régime de transport solide et le profil en long
dépend de la longueur de l’élargissement, du rapport de la largeur du profil élargi et
non-élargi ainsi que de la situation de l’élargissement par rapport au point fixe le plus
proche et de l’apport solide.
Pour des rivières dans un état d’équilibre dynamique, Hunzinger (1998) a établi des
critères de dimensionnement basé sur des essais physique en laboratoire, qui sont
résumés comme suit (6.3.7.2 à 6.3.7.4) :
6.3.7.2 Longueur de l’élargissement local
En principe, des élargissements longs et courts peuvent être distingués (Fig. 6.50).
EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss
Aménagements de cours d'eau 119
Fig. 6.50:
Elargissement long (gauche) et court (droite). Profil en long schématique
pour le niveau moyen du lit (en haut) et situation avec formations des
bancs de sédiments (en bas). Définition des paramètres essentiels
(Bezzola, 2005).
Après la réalisation d’un élargissement, un abaissement du niveau d’eau se produit
dans la section élargie (Fig. 6.51). Dans la partie aval de l’élargissement,
l’écoulement est ralenti dû au rétrécissement et une courbe de remous se forme. A
cet endroit, le transport solide est donc réduit. Par conséquence, des sédiments sont
déposés en créant une barre avec surélévation du lit. La dernière se produit jusqu’à
ce que le niveau d’eau dans l’élargissement soit de nouveau égalisé (sans
abaissement).
Fig. 6.51: Surélévation du lit par la formation d’une barre dans l’élargissement et
égalisation du niveau d’eau après la réalisation de l’élargissement
(Bezzola, 2005).
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120 Aménagements de cours d'eau
Pour un élargissement court, un tronçon libre de l’écoulement entre l’élargissement
et le rétrécissement n’existe pas ou est trop court. La formation de la barre
n’influence donc pas le niveau du lit à l’amont de l’élargissement.
Pour un élargissement long, la distance entre l’élargissement et le rétrécissement de
l’écoulement est longue et un tronçon libre existe, dans lequel une nouvelle pente
d’équilibre J A s’établit à cause de la largeur plus grande. Cette pente J A est plus
grande que la pente initiale du canal non-élargi J K . Le résultat est donc une
surélévation du lit :
J J L L L
(6.34)
A K tot w v
avec J A : pente du lit dans l’élargissement
J K : pente du lit du cours d’eau non-élargi
L tot : longueur de l’élargissement
L w : longueur de zone d’élargissement de l’écoulement
L v : longueur de la zone de rétrécissement de l’écoulement
L’effet d’un élargissement long peut être comparé avec un seuil qui produit une
surélévation locale du lit et le stabilise contre l’érosion.
La longueur de la zone d’élargissement de l’écoulement L w peut être estimée par la
formule empirique de Hunzinger (1998) :
avec
BA
BK
Lw
12.8ln1F
2
(6.35)
7.1
3.5
e
F 0.21
(6.36)
et le rapport des largeurs
B
A
(6.37)
BK
Pour que l’écoulement puisse se distribuer sur toute la largeur B A , une longueur
d’environ 2 fois L W est nécessaire. Un élargissement abrupt ne réduit pas cette
valeur de L W puisque des zones de séparation de l’écoulement et de courants de
retour avec dépôts de sédiments fins se créent. Ces dépôts limitent la diffusion du jet
à l’entrée de la section élargie avant qu’il ne se partage dans des lits multiples. Selon
les équations 6.35 à 6.37, L W ne dépend que des largeurs B K et B A .
Les rives dans la zone d’élargissement sont peu sollicitées et une protection massive
n’est pas nécessaire.
La longueur de la zone de rétrécissement de l’écoulement L V dépend de la
géométrie choisie de la sortie. Un rétrécissement trop abrupt augmente le risque de
l’affouillement local à la sortie. L’angle de rétrécissement ne devrait donc pas
dépasser 45.
EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss
Aménagements de cours d'eau 121
Pour des largeurs B K et B A données, les longueurs L w et L v des zones de transition
sont également connues. Ainsi, les critères pour la distinction entre élargissements
courts et longs peuvent être obtenus :
Elargissement court sans influence sur le niveau du lit à l’amont
Ltot Lw Lv
(6.38)
Elargissement long avec surélévation du lit à l’amont
Ltot Lw Lv
(6.39)
6.3.7.3 Surélévation du lit dans et à l’amont de l’élargissement
Les résultats des calculs suivants dépendent du débit. Approximativement un débit e
crues avec une période de retour de 2 à 5 ans peut être considéré comme débit
déterminant pour la formation de la morphologie du lit.
La surélévation du lit s (ou la hauteur de la barre) dans l’élargissement est le résultat
de la continuité de la ligne d’énergie en négligeant les pertes dues à l’élargissement
et le rétrécissement de l’écoulement (Fig. 6.52).
Fig. 6.52: Détermination de la surélévation s du lit dans un élargissement à l’aide
de la continuité de la ligne d’énergie à l’extrémité aval de l’élargissement.
En négligeant la perte due à la contraction H on obtient la relation
s HK HA
bw
(6.40)
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122 Aménagements de cours d'eau
avec
2
UK
HK
hK
(6.41)
2g
et
2
UA
HA hA b
(6.42)
2g
L’écoulement dans le canal à l’amont de l’élargissement peut être considéré comme
unidimensionnel (1D) et l’énergie spécifique H K peut être obtenue sans correction de
la vitesse moyenne U K = Q / B K h K . L’écoulement tridimensionnel dans l’élargissement
est caractérisé par un coefficient de vitesse b proposé par Hunzinger (1998) :
5.58
B / h
1.47 A A
b
e
(6.43)
Les profondeurs h K et h A peuvent être obtenues avec un calcul d’un écoulement
uniforme. Néanmoins dans l’élargissement, les caractéristiques morphologiques
avec formation des lits multiples influencent le calcul de h A . Selon la procédure de
Zarn (1997), les lits multiples sont remplacés par une section rectangulaire à lit plat
et une largeur w équivalente. Pour une profondeur h le débit correspondant Q est
calculé par les relations suivantes :
Largeur w équivalente en fonction de la profondeur d’eau h et la largeur totale
de la rivière (à lits multiples)
b
0.0016
h
w 1.05be
(6.44)
Réduction de la pente due à la sinuosité Si
b
0.001
h
e
Si 1.081 0.087
(6.45)
Résistance hydraulique des matériaux de base du lit c Grain
aR
cGrain
2.5ln (6.46)
2d
avec
m
h
h
1.041 3.104
w
w
a 12.9e 1.78e
(6.47)
hw
R
(6.48)
2h
w
Résistance hydraulique des bancs de sédiments c Bancs
c
1
2
Bancs
' Canal équivalent
4.82
c
0.158e
(6.49)
Résistance hydraulique totale
1 1 1
(6.50)
c c c
2 2 2
Grain Bancs
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Aménagements de cours d'eau 123
Contrainte adimensionnelle ’ Canal équivalent agissant sur les matériaux de base
du lit pour la section rectangulaire équivalente
'
Canal équivalent
Vitesse moyenne
RJ c
Si s 1
d c
m
2
2
Grain
(6.51)
U
m
J
c gR (6.52)
Si
Continuité
Q U hw
(6.53)
m
Le calcul de c Bancs (Eq. 6.49) est itérative en estimant ’ Canal équivalent et contrôlant sa
valeur avec Eq. 6.51.
La procédure de calcul (Eq. 6.44 à 6.53) a été établie par Zarn (1997) sur la base
des essais physiques dans le domaine des paramètres suivants :
6 < b/h < 370
6 < h/d m < 50
0.0033 < J < 0.012s
Le niveau moyen du lit est calculé sur toute la largeur de l’élargissement B A . En cas
de bancs de sable non-submergé par un débit moyen, les paramètres comme
profondeur d’eau et énergie spécifique ne se réfèrent plus au niveau moyen du lit
mais seulement à la partie du lit submergée. Le niveau moyen de ce lit
« hydraulique » est bw plus bas que le lit moyen.
Hunzinger (1998) a trouvé la relation empirique suivante :
159.23
B / h
A A
0.62he
(6.54)
bw
A
Pour un certain débit et avec les valeurs h K , h A et bw , la surélévation du lit dans
l’élargissement peut être déterminé selon Eq. 6.40.
Dans un élargissement long, une pente caractéristique J A s’établit sur une distance
de L tot -L w -L v . Selon Zarn (1997) dans une rivière à lits multiples, cette nouvelle pente
d’équilibre est obtenue par
avec
0.354
J J e
U
0.335U
A
min
/
opt
U B B
1.78
(6.55)
La largeur optimale du lit B opt est capable de transporter un certain débit solide avec
une pente minimale J min (cf. Fig. 3.3).
L’équation 6.34 permet finalement de calculer la surélévation totale du lit à l’amont
de l’élargissement (cf. Fig. 6.50).
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124 Aménagements de cours d'eau
6.3.7.4 Risque d’érosion de rives à la sortie de l’élargissement
L’évolution du lit moyen dans un long élargissement dans le cas d’un débit constant
et un apport constant de sédiments sont illustrés par la Figure 6.53.
Fig. 6.53 : Evolution du lit moyen dans un élargissement selon les essais de
Hunzinger (1998) avec un débit liquide et solide constant
On constate que l’évolution du lit commence avec une érosion locale à la sortie de
l’élargissement avant que la barre resp. la surélévation du lit se forme. Cette érosion
peut provoquer un affouillement des rives à l’aval de l’élargissement.
Ce danger peut être réduit si les matériaux excavés lors de la réalisation de
l’élargissement sont laissés dans l’élargissement. Ainsi la surélévation du lit est
anticipée.
Si cette mesure n’est pas possible, les rives à l’aval de l’élargissement doivent être
protégées contre les profondeurs d’affouillement maximales attendues. Selon
Hunzinger (1998), l’affouillement maximal peut atteindre dans le rétrécissement la
valeur suivante :
avec
et
S h h 2.7K In
1)
(6.56)
K
A
0.36 1.78
B
A
h
A
BK
hK
(6.57)
K = 1 pour = 45 (6.58)
K = 0.7 pour = 25
Le niveau d’eau dans un élargissement lors de crues, après la formation des dépôts,
est comparable à celui d’un canal non-élargi. Un élargissement donc n’améliore que
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Aménagements de cours d'eau 125
peu la situation de protection contre les crues. Un long élargissement peut même
aggraver la situation à l’amont dans le tronçon non-élargi par la surélévation du lit.
6.3.7.5 Elargissement local dans un cours d’eau en état d’érosion
Si un élargissement est réalisé dans un cours d’eau qui se trouve dans un état
d’érosion, la surélévation du lit dans l’élargissement, estimé selon Hunzinger (1998),
correspond à une limite inférieure (Requena et al., 2005). La surélévation croît avec
le déficit de transport solide selon la relation suivante :
H = s Hunzinger pour G b < G TC (6.59)
G
b
H = s Hunzinger f 1 pour Gb
GTC
(6.60)
GTC
avec
H : surélévation du lit dans un élargissement dans un cours d’eau
en état d’érosion
s Hunzinger : surélévation du lit dans un élargissement dans une rivière en
état d’équilibre (selon Hunzinger)
G b : apport solide (en g/s)
G TC : capacité de transport (en g/s)
Sans apport solide de l’amont, la surélévation du lit dans l’élargissement atteint un
maximum d’environ 20 % plus grand que dans un cours d’eau en état d’équilibre
(H = 1.2s Hunzinger ).
Les élargissements réalisés sur un cours d’eau en état d’érosion ne sont pas
capables d’atténuer ou d’arrêter la tendance d’érosion. Même si dans l’élargissement
une surélévation du lit par formation des dépôts a lieu, la tendance d’érosion à
l’amont et à l’aval continue. L’érosion à l’amont est, dans certains cas, même plus
grande que sans élargissement (cf. Fig. 6.54). Cet effet négatif peut être limité par
les mesures suivantes :
A l’aval de l’élargissement
o Par un renforcement du lit contre l’érosion
o Surélévation anticipée du lit dans l’élargissement lors de sa réalisation
(si les matériaux excavés sont adéquats)
A l’amont de l’élargissement
o Surélévation anticipée du lit dans la partie amont de l’élargissement
pour réduire l’érosion dans le canal vers l’amont
o Limitation de la surélévation H par un élargissement en étapes qui
permet au cours d’eau de s’adapter à la nouvelle largeur
o Elargissement par érosion latérale des rives ; sans excavation
mécanique des matériaux mais en enlevant les protections des rives
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126 Aménagements de cours d'eau
Fig. 6.54 :
Effets de plusieurs paramètres sur l’évolution du niveau du lit suit à un
élargissement local dans un cours d’eau en état d’érosion (Requena et
al., 2005)
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Aménagements de cours d'eau
I
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