15.09.2020 Views

EPFL CIVIL-410 Polycopié "Hydraulique fluviale et aménagement de cours d'eau", édition 2012

Les cours d’eau sont sans doute des éléments qui marquent un paysage. Mais ce sont aussi des éléments qui lient des paysages et qui permettent un échange entre les divers biotopes. Les cours d’eau sont donc aussi des éléments prépondérants pour la biodiversité de notre environnement. Avec la correction des grandes rivières comme le Rhin, le Rhône, l’Aare etc. au 18ème et 19ème siècle, le paysage en Suisse a dû subir un changement très important. Même au siècle passé, encore beaucoup de rivières ont été corrigées avec le but de protéger les zones urbanisées contre les crues. Un autre élément, aussi un élément linéaire, mais pas comme les cours d’eau un élément liant des paysages, mais plutôt un élément séparant des paysages a beaucoup influencé le paysage en Suisse, à savoir des autoroutes. Si les cinquante dernières années ont été marquées par la construction des autoroutes, avec un brin de provocation, on peut affirmer que ce siècle sera l’époque de la reconstruction de cours d’eau en Suisse. Cette renaturalisation des cours d’eau deviendra donc une des tâches les plus importantes pour les ingénieurs hydrauliciens avec le soutien des paysagistes et ingénieurs de l’environnement dans ce siècle. L’objectif de ces renaturalisations est de reconstituer l’espace vital nécessaire aux cours, qui a été fortement restreint par des corrections très techniques durant les deux siècles passés. Pour ce faire, il convient de trouver le juste milieu entre le respect de la nature et les exigences de la protection contre les crues. Ces derniers deviennent de plus en plus préoccupants en ce qui concerne les dangers et les dommages, le résultat d’une forte urbanisation en Suisse proche des cours d’eau et les premiers effets du changement de climat. Le cours polycopié donne une introduction dans les bases théoriques et les techniques d’aménagement des cours d’eau qui sont traités dans le cours « Hydraulique fluviale et aménagement de cours d’eau » au génie civil.

Les cours d’eau sont sans doute des éléments qui marquent un paysage. Mais ce sont aussi des éléments qui lient des paysages et qui permettent un échange entre les divers biotopes. Les cours d’eau sont donc aussi des éléments prépondérants pour la biodiversité de notre environnement.

Avec la correction des grandes rivières comme le Rhin, le Rhône, l’Aare etc. au 18ème et 19ème siècle, le paysage en Suisse a dû subir un changement très important. Même au siècle passé, encore beaucoup de rivières ont été corrigées avec le but de protéger les zones urbanisées contre les crues.

Un autre élément, aussi un élément linéaire, mais pas comme les cours d’eau un élément liant des paysages, mais plutôt un élément séparant des paysages a beaucoup influencé le paysage en Suisse, à savoir des autoroutes. Si les cinquante dernières années ont été marquées par la construction des autoroutes, avec un brin de provocation, on peut affirmer que ce siècle sera l’époque de la reconstruction de cours d’eau en Suisse. Cette renaturalisation des cours d’eau deviendra donc une des tâches les plus importantes pour les ingénieurs hydrauliciens avec le soutien des paysagistes et ingénieurs de l’environnement dans ce siècle. L’objectif de ces renaturalisations est de reconstituer l’espace vital nécessaire aux cours, qui a été fortement restreint par des corrections très techniques durant les deux siècles passés. Pour ce faire, il convient de trouver le juste milieu entre le respect de la nature et les exigences de la protection contre les crues. Ces derniers deviennent de plus en plus préoccupants en ce qui concerne les dangers et les dommages, le résultat d’une forte urbanisation en Suisse proche des cours d’eau et les premiers effets du changement de climat.

Le cours polycopié donne une introduction dans les bases théoriques et les techniques d’aménagement des cours d’eau qui sont traités dans le cours « Hydraulique fluviale et aménagement de cours d’eau » au génie civil.

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

ENAC - Faculté Environnement naturel architectural et construit

IIC - Institut d’ingénierie civile

LCH - Laboratoire de constructions hydrauliques

AMÉNAGEMENTS DE COURS D'EAU

Dr Anton Schleiss

Professeur

Génie civil Cycle master

Nouvelle édition

Lausanne, septembre 2012



ENAC - Faculté Environnement naturel architectural et construit

IIC - Institut d’ingénierie civile

LCH - Laboratoire de constructions hydrauliques

AMÉNAGEMENTS DE COURS D'EAU

Dr Anton Schleiss

Professeur

Génie civil Cycle master

Nouvelle édition

Lausanne, septembre 2012



Aménagements de cours d'eau

Préface

Les cours d’eau en Suisse au 21 ème siècle – retour à la nature.

Les cours d’eau sont sans doute des éléments qui marquent un paysage. Mais ce

sont aussi des éléments qui lient des paysages et qui permettent un échange entre

les divers biotopes. Les cours d’eau sont donc aussi des éléments prépondérants

pour la biodiversité de notre environnement.

Avec la correction des grandes rivières comme le Rhin, le Rhône, l’Aare etc. au

18 ème et 19 ème siècle, le paysage en Suisse a dû subir un changement très important.

Même au siècle passé, encore beaucoup de rivières ont été corrigées avec le but de

protéger les zones urbanisées contre les crues.

Un autre élément, aussi un élément linéaire, mais pas comme les cours d’eau un

élément liant des paysages, mais plutôt un élément séparant des paysages a

beaucoup influencé le paysage en Suisse, à savoir des autoroutes. Si les cinquante

dernières années ont été marquées par la construction des autoroutes, avec un brin

de provocation, on peut affirmer que ce siècle sera l’époque de la reconstruction de

cours d’eau en Suisse. Cette renaturalisation des cours d’eau deviendra donc une

des tâches les plus importantes pour les ingénieurs hydrauliciens avec le soutien des

paysagistes et ingénieurs de l’environnement dans ce siècle. L’objectif de ces

renaturalisations est de reconstituer l’espace vital nécessaire aux cours, qui a été

fortement restreint par des corrections très techniques durant les deux siècles

passés. Pour ce faire, il convient de trouver le juste milieu entre le respect de la

nature et les exigences de la protection contre les crues. Ces derniers deviennent de

plus en plus préoccupants en ce qui concerne les dangers et les dommages, le

résultat d’une forte urbanisation en Suisse proche des cours d’eau et les premiers

effets du changement de climat.

Le cours polycopié donne une introduction dans les bases théoriques et les

techniques d’aménagement des cours d’eau qui sont traités dans le cours

« Hydraulique fluviale et aménagement de cours d’eau » au génie civil. Ce cours est

donné conjointement avec le Dr Koen Blanckaert qui enseigne les bases de

l’hydraulique fluviale (écoulements permanents et non-permanents, transport de

sédiment par charriage et en suspension, transport de matière par convection –

diffusion) sur les deux premiers tiers du semestre sur la base du traité de Génie Civil

de l’EPFL Vol. 16 « Hydraulique fluviale : Ecoulements et phénomènes de

transport » (Graf / Altinakar).

La version actuelle de ce polycopié est une version revue et étendue de celle de

2005. Elle est toujours fragmentaire dans certaines parties et sera complétée et

améliorée au fur et à mesure en considérant l’expérience tirée de l’enseignement.

Toutes propositions ou remarques sont donc bienvenues.

Prof. Dr Anton Schleiss

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss



TABLE DES MATIERES

1 Approche du problème de la protection contre les crues et concepts 1

1.1 Analyse de dangers 1

1.1.1 Erosion 1

1.1.2 Inondations 2

1.1.3 Laves torrentielles 2

1.2 Différenciation entre les objectifs de protection 3

1.3 Planification des mesures de protection 4

1.3.1 Entretien approprié des cours d'eau 4

1.3.2 Mesures d'aménagement du territoire 5

1.3.3 Mesures de protection constructives 5

1.4 Principes visant à réduire les effets nuisibles des mesures

constructives de protection 6

1.4.1 Préservation du caractère naturel d'un cours d'eau 7

1.4.2 Configuration naturelle et animée des ouvrages de protection et

des lignes de rive 7

1.4.3 Murs de protection seulement là où ils sont indispensables 7

1.4.4 Renoncement aux seuils fixes 7

1.4.5 Abandon de la modification du lit 7

1.4.6 Ouvrages de protection flexibles 8

1.4.7 Standard de protection différencié pour des rives intérieures et

extérieures dans des tronçons courbés 8

1.4.8 Allégement de la plantation des arbustes et arbres 8

1.4.9 Garantie d'accès aux cours d'eau et son entretien 8

1.5 Principes pour la protection contre les crues des cours d’eau selon

les directives de l’OFEG 8

1.5.1 Bases et besoins d’action 8

1.5.2 Exigences et nouveaux principes 9

1.5.3 Démarche intégrée pour la protection contre les crues 11

1.5.4 Définition des besoins d’action 13

2 Espace vital des cours d'eau (selon le projet STS de Oehy/Aguet [7]) 15

2.1 Zones du cours d'eau 15

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


II

Aménagements de cours d'eau

2.1.1 Lit du cours d’eau 15

2.1.2 Zone de rive 16

2.1.3 Zone de divagation 16

2.1.4 Zone-tampon 16

2.2 Concept "espace vital du cours d'eau" 17

2.3 Méthodes de détermination de l'espace vital 18

2.3.1 Approche quantitative 19

2.3.1.1 Détermination de la largeur minimale du lit du cours d’eau B si 20

2.3.1.2 Détermination de la largeur de la zone de rive B u 21

2.3.1.3 Détermination de la largeur de la zone de divagation (B pb ) 22

2.3.1.4 Détermination de la largeur de la zone tampon (B pz ) 22

2.3.1.5 Détermination de la largeur de la zone de détente (B e ) 22

2.3.2 Approche qualitative 23

2.3.2.1 Repérages géographiques et relevés sur le site 23

2.3.2.2 Création d'une base de données 25

2.3.2.3 Classification des tronçons du cours d’eau 26

2.3.2.4 Zones d’intervention 26

2.3.2.5 Planification détaillée 26

2.4 Evaluation écomorphologique 28

3 Importance du charriage pour la protection contre les crues 29

3.1 Introduction 29

3.2 Interaction de l'écoulement avec le charriage 29

3.2.1 Origine de l'interaction 29

3.2.2 Loi de frottement et vitesse de l'écoulement 29

3.2.3 Capacité de transport par charriage 31

3.2.4 Phénomènes locaux 34

3.2.5 Augmentation de la profondeur d'eau suite à une concentration

importante de charriage 34

3.3 Analyse de danger et charriage 34

3.3.1 Erosion 35

3.3.2 Inondations et dépôts des matériaux solides 35

3.3.3 Laves torrentielles 37

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau

III

3.4 Objectifs de protection 37

3.5 Planification des mesures 38

3.5.1 Entretien des cours d'eau 39

3.5.2 Mesures d'aménagement du territoire 39

3.5.3 Mesures de protection constructives sur les cours d'eau 39

3.5.3.1 Rétention du charriage 39

3.5.3.2 Déviation du charriage 40

3.5.3.3 Transition du charriage 40

4 Interaction de l’écoulement avec la végétation riveraine 43

4.1 Introduction 43

4.2 Végétation rigide 43

4.3 Végétation flexible 46

4.4 Végétation mixte (rigide et flexible) 47

4.5 Découpage des sections pour considérer l’hétéorogénité de

l’écoulement 48

4.5.1 Origine de l’hétéorogénité de l’écoulement 48

4.5.2 Considération de la surface de séparation fictive pour le lit mineur

selon la formule Strickler 49

4.5.3 Méthode de Schröder en utilisant l’approche de Strickler 52

4.6 Approches basées sur des lois de vitesse logarithmique 53

5 Concept des mesures de protection contre les crues 55

5.1 Concepts principaux 55

5.2 Rétention des crues 55

5.2.1 Principe 55

5.2.2 L'effet de laminage 55

5.2.3 Régulation des lacs naturels 56

5.2.4 Mise en exploitation des zones inondables ou d'épanchement 57

5.2.5 Réalisation des bassins de rétention 58

5.3 Aménagement du cours d'eau 60

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


IV

Aménagements de cours d'eau

5.4 Dérivation des crues 61

5.5 Mesures de protection passives dans les zones d'inondation 62

6 Conception et dimensionnement des mesures de protection constructives63

6.1 Correction des cours d'eau 63

6.1.1 Changement du tracé, du profil en long et de la section 63

6.1.1.1 Généralités 63

6.1.1.2 Tracé 63

6.1.1.3 Section 65

6.1.1.4 Profil en long 66

6.1.2 Endiguements 66

6.2 Mesures de protection des rives 67

6.2.1 Enrochements pour les rivières en montagne 67

6.2.1.1 Introduction 67

6.2.1.2 Dimensionnement des enrochements construits par pose de

gros blocs 68

6.2.1.3 Protection contre l'affouillement 70

6.2.1.4 Aspects constructifs 72

6.2.1.5 Aspects écologiques et paysagers 74

6.2.2 Enrochements pour les rivières en plaine 76

6.2.2.1 Dimensionnement des enrochements construits en remblai 76

6.2.2.2 Epaisseur minimale des enrochements en remblai 76

6.2.3 Empierrement avec du mortier ou du béton 77

6.2.4 Murs de protection 77

6.2.4.1 Similitudes avec la nature et le fonctionnement 77

6.2.4.2 Murs de soutènement en angle (en L) 78

6.2.4.3 Murs-poids 80

6.2.4.4 Combinaisons: mur de soutènement en "L" – mur-poids 81

6.2.4.5 Proposition d'un nouveau type de mur de protection: mur plié 82

6.2.4.6 Murs en blocs 84

6.2.4.7 Paroi moulée 84

6.2.5 Epis 85

6.2.5.1 Généralités et fonctionnement 85

6.2.5.2 Types d'épis 88

6.2.5.3 Inclinaison des épis 88

6.2.5.4 Espacement et longueur des épis 89

6.2.5.5 Influence hydraulique des épis 90

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau

V

6.2.5.6 Erosion du lit due à l'effet des épis 91

6.2.5.7 Affouillements à proximité de la tête des épis 92

6.2.5.8 Recommandations pour la conception et détails constructifs 93

6.2.5.9 Exemples 95

6.2.6 Blocs résiduels artificiels 98

6.3 Stabilisation des lits contre les érosions 101

6.3.1 Possibilités de protection contre l'érosion 101

6.3.2 Renforcement du lit par couche de pavage artificiel 103

6.3.3 Renforcement du lit par des gros blocs 104

6.3.4 Seuils 106

6.3.4.1 Buts et inconvénients des seuils 106

6.3.4.2 Dimensionnement et emplacement des seuils 106

6.3.4.3 Estimation de l'affouillement au pied des seuils 107

6.3.5 Traversées 107

6.3.5.1 Utilisation et fonctionnement des traversées 107

6.3.5.2 Dimensionnement des traversées 109

6.3.5.3 Types de traversées 111

6.3.6 Rampes en blocs 112

6.3.6.1 Concept et fonctionnement des rampes en blocs 112

6.3.6.2 Dimensionnement des rampes en blocs 114

6.3.7 Elargissements locaux 118

6.3.7.1 Buts et effets 118

6.3.7.2 Longueur de l’élargissement local 118

6.3.7.3 Surélévation du lit dans et à l’amont de l’élargissement 121

6.3.7.4 Risque d’érosion de rives à la sortie de l’élargissement 124

6.3.7.5 Elargissement local dans un cours d’eau en état d’érosion 125

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss



Aménagements de cours d'eau 1

1 Approche du problème de la protection contre les

crues et concepts

La construction d'un aménagement de cours d'eau dans le but d'améliorer la protection

en cas de crues, entraîne inévitablement des atteintes subies par le cour d'eau

de même que par son environnement. Les concepteurs et les réalisateurs de ces

ouvrages doivent alors prendre des mesures appropriées afin de minimiser ces impacts/atteintes

pendant toutes les étapes de planification et de réalisation des projets

de protection [1, 2] par:

l'analyse des dangers,

la différenciation des objectifs de protection,

la planification des mesures de protection,

la limitation du risque restant.

1.1 Analyse de dangers

La connaissance approfondie d'un danger, des processus dangereux avec leurs déroulements

et conséquences est décisive lors du choix de la solution de protection la

mieux appropriée. Il en est de même pour le dimensionnement des ouvrages de

protection. C'est seulement cette connaissance qui permet de réduire l'application

des mesures techniques au strict minimum, tout en garantissant la sécurité. A part

l'identification de divers dangers possibles, il est nécessaire d'analyser en même

temps le comportement du cours d'eau pendant les processus dangereux pour

détecter les tronçons naturels du cours d'eau résistant à ce type de situations. Ceci

permet de développer des techniques de protection basées ou orientées vers les

éléments naturels d'un cours d'eau.

Les crues et les laves torrentielles sont à l'origine des processus dangereux suivants

(cf. Fig. 1):

1.1.1 Erosion

L'érosion dans les cours d'eau, et tout particulièrement l'érosion des rives, est un

processus dangereux surtout pour la pérennité des bâtiments et des ouvrages d'infrastructure

situés à proximité. L'érosion ne se produit qu'en cas de lits mobiles. La

distinction est faite entre l'érosion verticale dans le lit du cours d'eau, qui change

donc la pente, et l'érosion latérale qui agrandit la largeur du cours d'eau. Il faut noter

que l'érosion influence fortement la capacité de transport solide d'un cours d'eau.

L'érosion latérale provoque des glissements de rives ce qui introduit dans le lit des

quantités importantes de matériaux. En formant un bouchon, ces dépôts peuvent

déclencher des laves torrentielles.


2 Aménagements de cours d'eau

Analyse de

dangers

Erosion

Processus

déterminants

Dépôts des

matériaux

solides

Inondation

Charriage

Eau

Corps

flottants

Laves

torrentielles

Fig. 1.1: Processus déterminants pour l'analyse de dangers

1.1.2 Inondations

Les inondations se produisent suite à un excédant d'eau, ou bien suite à un excédant

de charriage ou bien les deux à la fois. Les inondations sont dangereuses en raison

de la profondeur d'eau ou de la force du courant qui en résultent. Si la hauteur d'une

crue reste inférieure à 1.5 m ou si le produit V*H<0.5 m 2 /s, l'inondation provoque des

dommages, mais en général ne met pas en péril des vies humaines. Les inondations

deviennent dangereuses à partir de V*H>0.5 m 2 /s. Mélangés à l'eau, des matériaux

solides de plus ou moins grande taille quittent le lit et forment souvent des dépôts.

Ces derniers peuvent produire des dégâts importants même lors d'une inondation de

faible hauteur. Ce sont les dépôts d'alluvions dans des chenaux, des embâcles de

bois et d'autres matériaux charriés au droit des ouvrages d'art (tunnels, ponceaux,

ponts) ainsi que les rétrécissements naturels qui peuvent avoir une incidence déterminante

sur la sécurité en cas de crues.

Si l'eau quitte latéralement les endiguements d'un cours d'eau, la capacité de transport

de charriage diminue et des zones d'alluvions se forment dans le lit ce qui a pour

conséquence d'augmenter les déversements et les inondations [3].

1.1.3 Laves torrentielles

Les laves torrentielles sont constituées du mélange eau-sédiments charriés qui se

déplace à grande vitesse par vagues. Ce processus est semblable à une avalanche

de neige lourde. Les laves torrentielles sont souvent considérées comme le

phénomène le plus dangereux. D'importantes charges sédimentaires transportées,

additionnées à l'alluvionnement, provoquent souvent de graves dommages dans la

zone du cône de déjection des torrents.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 3

1.2 Différenciation entre les objectifs de protection

La nouvelle philosophie de protection contre les crues propose la différenciation entre

les objectifs de protection selon les diverses catégories d'objets et leur vulnérabilité.

Cette différenciation entre les objectifs de protection a pour but d'assurer l'application

de méthodes adaptées à la situation. L'aménagement de cours d'eau canalisé

et monotone peut ainsi être évité.

Fig. 1.2: Exemple de différenciation des objectifs de protection dans le canton d'Uri

Le débit de dimensionnement est adapté aux diverses catégories d'objets à protéger

et se situe entre une limite des dommages et une limite des dangers (Figs. 1.2 et

1.3). Une protection totale peut être garantie jusqu'à la limite des dommages. Pour la

limite des dangers, la protection ne prévient que les dégâts catastrophiques par des

mesures considérées comme raisonnables.

Le débit de dimensionnement doit être évacué aussi pour tous les scénarios imaginables

de transport de charriage. L'apport du charriage est moins une fonction de la

pointe de débit que du volume de la crue (Fig. 1.3). Le plus grand apport de charriage

n'est pas nécessairement lié au débit maximal de dimensionnement: un événement

avec des périodes de retour plus petites peut être plus critique. Pour procéder

à l'analyse du risque dû au charriage, une statistique des volumes de crues est

indispensable. L'apport de charriage dans un tronçon dépend d'une part de la capacité

de transport du cours d'eau et d'autre part du potentiel des matériaux disponibles

dans le bassin versant.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


4 Aménagements de cours d'eau

Catégories

d'objets

Limite des

dommages

Débit de

dimensionnement

Limite des dangers

Hydrologie des crues

Eau

Charriage

Scénario de charriage

• Pointe

• Volume

• Capacité de transport

• Potentiel de charriage

Fig. 1.3: Différenciation des objectifs de protection entre différentes catégories d'objets

en considérant les scénarios de charriage pour le débit de dimensionnement

1.3 Planification des mesures de protection

La démarche suivie dans la planification des mesures de protection contre les crues

est présentée à la Fig. 1.4. Si le degré de protection actuel est inférieur à l'objectif

défini, on se trouve en présence d'une insuffisance de protection. Lorsque certaines

mesures de protection s'avèrent nécessaires pour combler les déficits de sécurité, on

propose tout d'abord un entretien approprié des cours d'eau et le recours aux techniques

d'aménagement du territoire avant l'application des mesures de protection

constructives.

1.3.1 Entretien approprié des cours d'eau

Par entretien approprié on entend la conservation de la capacité hydraulique des

cours d'eau et le maintien de l'efficacité des ouvrages de protection existants. En relation

avec le transport solide (charriage), l'entretien joue un rôle très important. Les

interventions d'entretien servent à réduire les dépôts éventuels de matériaux charriés

et à maintenir la capacité des bassins naturels qui peuvent retenir le charriage. Les

mesures suivantes en font partie:

la vidange des dépotoirs;

l'excavation de dépôts alluvionnaires;

la réparation de petits dommages subis par les ouvrages de correction;

la stabilisation, par drainage et techniques du génie biologique, des versants instables.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 5

Fig. 1.4: Démarche suivie dans la planification de mesures de protection contre les

crues

En ce qui concerne la végétation des rives, l'entretien comprend notamment l'enlèvement

des buissons et des arbres qui rétrécissent le profil d'écoulement et mettent

en péril la stabilité des ouvrages de correction (par exemple un arrachement des

blocs d'enrochements avec des racines). Il comprend également l'évacuation des

bois morts hors de la zone d'action de la crue. Ces travaux d'entretien, considérés

comme tâche permanente, doivent tenir compte des intérêts de la protection de la

nature et de la pêche.

1.3.2 Mesures d'aménagement du territoire

En évitant les zones dangereuses (p. ex. interdiction de construire dans les zones

dangereuses, mesures visant une protection propre d'objets, prescriptions en matière

de mise en culture de zones agricoles), il est possible de limiter, voire même d'empêcher

une augmentation du dommage potentiel.

1.3.3 Mesures de protection constructives

En raison du développement rapide de l'urbanisation, l'espace libre des cours d'eau

naturels devient de plus en plus étroit ce qui contribue à aggraver les dégâts.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


6 Aménagements de cours d'eau

Comme les mesures d'affectation des sols ne suffiront pas à combler les déficits de

sécurité, il sera inévitable de réaliser des mesures constructives de protection sur les

cours d'eau. Leur planification présuppose la connaissance approfondie des processus

naturels et de leurs effets ainsi que la connaissance du comportement naturel du

cours d'eau. Ces mesures devront respecter autant que possible l'aspect naturel d'un

cours d'eau et contribuer à protéger le paysage.

Les mesures constructives peuvent être classées selon trois concepts (Fig. 1.5):

rétention des crues,

dérivation des crues,

passage des crues.

CRUES

Rétention Dérivation Passage

• bassin de rétention

• réservoir à maîtrise

des crues

• régulation des

lacs naturels

• canaux et galeries

de dérivation

• ouvrages de

dérivation

• ouvrages de

restitution

• endiguement

• abaissement du

lit

• protection des

rives et du lit

contre érosion

(enrochement, etc.)

• correction du

tracée

Fig. 1.5: Concepts de protection contre les crues par des mesures constructives

Les concepts "rétention et dérivation des crues" sont préférables puisqu'ils peuvent

être réalisés sans intervenir sur les cours d'eau ou, au moins, ils permettent de limiter

ces interventions. Ces concepts nécessitent des terrains plus ou moins grands, ce

qui rend leur réalisation difficile dans des régions urbanisées. La dérivation des crues

par des ouvrages souterrains est un concept relativement onéreux. Le passage des

crues sans dégâts est souvent possible grâce aux mesures de correction des cours

d'eau.

1.4 Principes visant à réduire les effets nuisibles des mesures

constructives de protection

Par la suite, sont discutés quelques principes visant à réduire les effets nuisibles des

mesures constructives, si ces dernières sont inévitables pour garantir la sécurité.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 7

1.4.1 Préservation du caractère naturel d'un cours d'eau

Les mesures constructives doivent s'adapter au caractère naturel d'un cours d'eau

en gardant sa variabilité et sa diversité. Des corrections géométriques et de

canalisation sont à éviter. En principe, lors des crues, un cours d'eau "se souvient"

de son caractère naturel et se libère des corsets trop serrés imposés par la

technique.

1.4.2 Configuration naturelle et animée des ouvrages de protection et

des lignes de rive

Pour éviter l'image d'un cours d'eau corrigé et canalisé, les lignes de rive, les plus

naturelles, doivent être choisies. Les entreprises de construction préfèrent des définitions

géométriques avec des éléments de piquetage (jalonnage) comme dans la

construction des routes. Il est alors nécessaire que l'ingénieur responsable de l'étude

donne des instructions adéquates aux ouvriers au début des travaux. Ceci est très

important pour la réalisation des enrochements et des talus des rives.

Les ouvrages de protection doivent, si possible, être réalisés avec des éléments naturels

comme des blocs en pierre et avec de la protection végétale. Les

enrochements s'y prêtent bien s'ils sont recouverts de terre végétale et de

végétation. La diversité des pentes de berges et l'implantation de risbermes à largeur

variable donne une apparence variée aux rives. Ces risbermes facilitent la plantation

des arbres et l'entretien de la végétation.

1.4.3 Murs de protection seulement là où ils sont indispensables

Un cours d'eau, dont les rives sont protégées par des murs, donne l'impression d'un

canal technique. Etant donné que pour des cours d'eau traversant des villages ou

villes, l'espace est limité, les murs de protection deviennent alors inévitables. Ces

murs doivent non seulement être intégrés à l'architecture du lieu (le long du cours

d'eau) mais si possible contribuer à son amélioration. L'accès au cours d'eau doit

être garanti par des escaliers, etc.

1.4.4 Renoncement aux seuils fixes

Un cours d'eau montrant des signes d'érosion est très souvent corrigé en délimitant

le lit par des seuils fixes. Ces seuils constituent des obstacles souvent infranchissables

pour les poissons et coupent leur migration. D'autres mesures, telles que par

exemple l'élargissement local du cours d'eau, le renforcement du lit avec des gros

blocs et des rampes de blocs, s'avèrent plus avantageuses.

1.4.5 Abandon de la modification du lit

Les interventions sur le lit d'un cours d'eau par dragage ont un impact néfaste sur le

fonctionnement biologique. L'équilibre dynamique du transport solide doit être garanti

par d'autres mesures (adaptation des sections, installation des dépotoirs de sédiments,

etc.).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


8 Aménagements de cours d'eau

1.4.6 Ouvrages de protection flexibles

Les ouvrages de protection des rives devraient se caractériser par un minimum de

flexibilité permettant de résister, dans certaines limites, aux affouillements du lit. Pour

les murs de protection, cette flexibilité est inexistante et leur stabilité ne peut être garantie

que par la construction de fondations profondes. De par leur nature, les enrochements

sont très flexibles et s'adaptent bien aux érosions si un tapis de blocs protège

leur pied. Un remplissage des joints entre les blocs avec du béton est contreproductif

et réduit la sécurité contre les affouillements.

1.4.7 Standard de protection différencié pour des rives intérieures et

extérieures dans des tronçons courbés

Les rives intérieures dans une courbe sont moins sollicitées par l'écoulement. En général,

il est même possible de renoncer à des mesures constructives. Par contre, les

rives extérieures (rives de choc) sont exposées aux fortes vitesses du cours d'eau et

à l'érosion du lit.

Des cours d'eau courbés présentent alors un certain nombre d'avantages car la protection

de leurs rives se limite aux "rives de choc".

1.4.8 Allégement de la plantation des arbustes et arbres

Le fonctionnement biologique d'un cours d'eau nécessite l'introduction des végétations

fluviales le long des rives. Des pentes faibles et des risbermes favorisent la végétalisation.

1.4.9 Garantie d'accès aux cours d'eau et son entretien

L'entretien d'un cours d'eau est possible grâce aux chemins d'entretien qui longent

les rives. Ces chemins facilitent également l'accès au cours d'eau à des pêcheurs et

randonneurs.

1.5 Principes pour la protection contre les crues des cours d’eau

selon les directives de l’OFEG

1.5.1 Bases et besoins d’action

Basé sur la loi fédérale sur l’aménagement des cours d’eau (LACE) et l’ordonnance

correspondante (OACE) ainsi que sur le principe du développement durable, l’Office

fédéral des eaux et de la géologie (OFEG) a donné une nouvelle orientation

conceptionnelle dans le domaine de la protection contre les crues [45].

Dans le passé, la correction des rivières et torrents en Suisse a contribué d’une

manière décisive au développement économique. Toutefois, les évènements

majeurs de crues de 1987, 1993, 1999 et 2000 ont révélé que, malgré des lourds

investissements pour des mesures constructives, une protection absolue contre les

crues ne peut pas être atteinte. Pour éviter l’augmentation des dommages causés

par les crues à l’avenir, les efforts doivent également être concentrés sur la

diminution du potentiel des dommages résultant de :

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 9

- La construction fréquente, par le passé, dans des zones dangereuses (en

particulier dans les zones inondables), ce qui augmente les dégâts dus aux

crues

- Dans les lits rétrécis et canalisés des cours d’eau corrigé dans le passé,

l’écoulement est accéléré ce qui aggrave les pointes des crues sur des

tronçons aval

- Par l’urbanisation, les zones de rétention ou d’évacuation des crues lors

d’évènements extrêmes ont fortement diminué

- Les travaux d’entretien des cours d’eau sont négligés à certains endroits ce

qui peut augmenter la situation de danger

- Le changement climatique a la tendance d’aggraver la situation de danger

A part le déficit de sécurité, on constate que beaucoup de cours d’eau ont été

appauvri écologiquement par les corrections dans le passé :

- Canalisation des lits et tracés des cours d’eau induisant des structures de

paysage monotones

- Utilisation des terrains jusqu’au bord de cours d’eau réduisant son espace

vital et sa dynamique

1.5.2 Exigences et nouveaux principes

La problématique mentionnée ci-dessus conduit aux exigences suivantes pour la

protection contre les crues :

- Notre espace vital et économique doit être protégé de manière appropriée

- Une prévention globale doit éviter que le montant des dégâts ne continue de

croître

- La façon d’appréhender les incertitudes liées aux processus naturels doit être

améliorée et prise en considération lors de l’élaboration des concepts de

protection contre les crues

- Les cours d’eau doivent être respectés en tant qu’élément essentiel et de

liaison de la nature et du paysage

La loi fédérale sur l’aménagement des cours d’eau (LACE) et l’ordonnance sur

l’aménagement des cours d’eau (OACE) s’expriment clairement sur la priorité

comment ces exigences peuvent être satisfaites :

« La protection contre les crues doit être réalisée avec un minimum d’atteintes aux

cours d’eau et une grande importance doit être accordée à la prévention. Cependant,

malgré toutes les mesures préventives, un plan d’urgence approprié et une

organisation en cas d’urgence restent incontournables ».

Les principes suivants découlent de ces exigences (selon [45]) :

- Apprécier la situation de danger. Afin de pouvoir juger des besoins de

protection, il faut connaître de façon globale la situation hydrologique, les

conditions d’aménagement du cours d’eau et les types de danger principaux.

Grâce à la documentation sur les crues comprenant l’analyse des

événements, le cadastre des événements et les cartes indicatives des

dangers, il devient aisé d’identifier les dangers existants et les conflits. Cette

situation de danger doit être contrôlée périodiquement. Les dangers existants

doivent être pris en compte dans les plans directeurs et les plans d’affectation.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


10 Aménagements de cours d'eau

- Identifier les déficits écologiques et y remédier. Une protection contre les

crues durable doit se soucier d’une végétation des rives prospère et doit

laisser suffisamment d’espace pour le développement d’une diversité naturelle

des structures pour les habitats aquatiques, amphibiens et terrestres. Elle

crée des liaisons entre les habitats.

- Différencier les buts de protection. Les concepts de protection contre les

crues sont mis sur pied en différenciant les buts de protection: les objets de

grande valeur doivent être mieux protégés que ceux de moindre valeur. Selon

ce principe, les terrains agricoles et les bâtiments isolés nécessitent une

moins grande protection que les agglomérations, les installations industrielles

ou les infrastructures; alors que les surfaces exploitées extensivement n’ont,

en principe, pas besoin d’une protection spécifique contre les crues.

Cependant, une analyse des dégâts potentiels peut, dans certains cas

particuliers, entraîner une autre pondération: toutes les mesures doivent être

évaluées et examinées par rapport à leur proportionnalité.

- Retenir où cela est possible; évacuer si cela est nécessaire. Autant que

possible, les débits de crue devraient être retardés dans des zones de

rétention afin de pouvoir écrêter les pointes de crues. Les zones naturelles de

rétention de crues doivent donc non seulement être préservés, mais

également, dans la mesure du possible, être reconstituées. Les crues ne

devraient être évacuées que lorsque c’est indispensable, comme par exemple

dans les secteurs étroits des agglomérations. Mais, là aussi, des corridors

d’évacuation des crues devraient être maintenus libre ou créés afin que des

événements extrêmes aient suffisamment d’espace à disposition.

- Minimiser les interventions. Des sections d’écoulement suffisantes

constituent une condition fondamentale pour assurer la protection contre les

crues, pour maintenir le bilan en matériaux solides en équilibre et pour assurer

le drainage. La protection contre les crues peut alors être assurée avec un

minimum d’interventions sur le milieu naturel.

- Examiner les points faibles. Les incertitudes naturelles doivent être mieux

prises en compte. La sécurité constructive des ouvrages de protection doit

être optimisée en conséquence. Le fonctionnement et la résistance des

ouvrages de protection doivent être testés en cas de surcharge (lors

d’événements extrêmes). Grâce à la vérification périodique de l’efficacité des

mesures de protection existantes, les éventuels points faibles peuvent être

détectés à temps et supprimés.

- Garantir l’entretien. L’entretien adapté des cours d’eau est une tâche

permanente. Il assure l’efficacité des ouvrages de protection existants et

maintient les capacités d’écoulement.

- Assurer l’espace nécessaire. Un ruisseau doit être plus qu’un caniveau

d’écoulement, une rivière plus qu’un canal. Pour cette raison, l’utilisation du

sol doit respecter une distance suffisante au cours d’eau. Les cantons sont

tenus de fixer l’espace nécessaire aux cours d’eau, de l’inscrire dans les plans

directeurs et les plans d’affectation, et d’en tenir compte dans toutes les

activités ayant un effet sur l’organisation du territoire.

- Respecter les besoins. Les besoins de chacun, cherchant un espace de

détente au bord des ruisseaux et des rivières et y passant ses loisirs, doivent

également être respectés. En outre, une utilisation durable des ressources en

eau, en particulier de la production d’énergie, doit pouvoir être préservée.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 11

1.5.3 Démarche intégrée pour la protection contre les crues

En fonction des conditions générales, les besoins d’action doivent être déterminés

compte tenu de la participation de toutes les personnes concernées. Ceci n’est

possible que si une connaissance objective des dangers naturels existants est

établie, si la situation de risque est évaluée correctement, si les différents intérêts en

présence sont coordonnés, si les principes légaux sont pris en compte et si les

priorités sont fixées (Fig. 1.6) :

• Pour parvenir à des solutions acceptables, une planification globale est

nécessaire. Il en résulte un train de mesures en accord avec tous les dangers

naturels ainsi qu’avec toutes les autres mesures ayant un effet sur l’organisation

du territoire, prenant en outre en considération les plans sectoriels*.

• Lorsque, du point de vue de la protection contre les crues, le degré de protection

d’un cours d’eau est considéré comme suffisant et son état écologique est jugé

satisfaisant, ces conditions doivent être assurées et maintenues par des mesures

d’aménagement du territoire et d’entretien.

• Lors de l’évaluation du degré de protection, des mesures adaptées aux conditions

locales doivent être planifiées dès qu’un déficit est constaté. Le terme de déficit

comprend non seulement ceux liés à la protection contre les crues mais aussi

ceux liés à l‘écologie. Pour pouvoir assurer à long terme aussi bien une protection

contre les crues adéquates que les fonctions écologiques des cours d’eau, ces

deux objectifs doivent être traités en parallèle et en toute équité.

• La protection contre les crues ne se résume plus depuis longtemps à empêcher à

tout prix le débordement d’un cours d’eau. Car les ruisseaux ou rivières

constituent d’une part l’habitat d’animaux et de plantes diversifiées et d’autre part

des lieux de détente idéaux. C’est pourquoi une protection contre les crues

moderne prend en considération les diverses fonctions d’un cours d’eau et

cherche, partout où cela est possible, à les maintenir ou à les reconstituer.

• Chaque conception de mesures doit être examinée de façon critique quant à leur

proportionnalité technique, économique et écologique. Si le projet est jugé

disproportionné, alors l’utilisation du sol ou les buts de protection doit être

réexaminé.

• Lorsque les mesures sont proportionnées, un projet d’exécution sera élaboré.

• Des risques résiduels demeurent toujours. Ils sont donc à identifier

systématiquement. Dans ce cadre, l’efficacité des mesures prévues en cas de

surcharge, comme par exemple lors d’une crue extrême, doit être évaluée.

Toutes les mesures prévues doivent être complétées par une planification des

interventions d’urgence et par l’organisation des interventions d’urgence qui

y est associée (y compris concept d’alarme et plan d’évacuation). Cet examen

intégral conduit à vivre consciemment avec les dangers possibles dans l’esprit

d’une culture globale du risque.

* Cette approche se réfère notamment aux recommandations de la VSA « Le plan régional

d’évacuation des eaux » (2000).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


12 Aménagements de cours d'eau

Fig. 1.6: Démarche intégrée

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 13

1.5.4 Définition des besoins d’action

L’évaluation de la situation de danger, la détermination du potentiel de dommages,

l’analyse de l’état du cours d’eau, la détermination des buts de protection et de

l’espace nécessaire au cours d’eau conduisent au jugement sur la nécessité

d’entreprendre une planification des mesures et sur son étendue. On distingue

quatre cas de figures qui peuvent aussi être combinés entre eux.

Cas A:

Pas de déficit de protection contre les crues

L’utilisation des sols actuelle est adaptée à la situation de danger. Cette situation

favorable doit être garantie à long terme. Une transposition dans le plan directeur et

le plan d’affectation est donc nécessaire. On continuera de procéder aux travaux

d’entretien entrepris jusqu’ici, et périodiquement le bon fonctionnement des ouvrages

de protection (ainsi que leur mise en danger) sera contrôlé.

Cas B:

Déficit de protection contre les crues

Si un déficit de protection contre les crues est constaté, des mesures visant à

supprimer ou à amoindrir ce risque doivent être planifiées. Dans ce cas, des

éventuels déficits écologiques sont à prendre en compte. Après la réalisation des

mesures, les dangers résiduels doivent être évalués. A cette fin, une carte des

dangers sera établie et sera transposée dans le plan directeur et le plan

d’affectation. Les risques résiduels doivent être clarifiés et pris en considération

dans la planification des mesures d’urgence. La maintenance des ouvrages de

protection et l’entretien des cours d’eau doivent être assurés à long terme.

Cas C:

Pas de déficit écologique

Il n’y a pas de conflits d’intérêts et le cours d’eau est dans un état proche de l’état

naturel. La sauvegarde de cet état naturel doit être assurée à long terme au moyen

du plan directeur et du plan d’affectation. Les travaux d’entretien et de soins à la

végétation doivent être poursuivis.

Cas D:

Déficit écologique

Si on constate des déficits écologiques, les moyens existants susceptibles

d’améliorer la situation doivent être examinés dans le cadre d’une planification de

mesures. Les intérêts de la protection contre les crues sont néanmoins à prendre en

compte. Une fois la situation améliorée, elle doit être préservée à long terme. Si des

déficits ne peuvent pas être résolus dans l’immédiat, il faut en tout cas réserver et

ainsi garantir un espace suffisant en l’inscrivant dans les instruments de

l’aménagement du territoire.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss



Aménagements de cours d'eau 15

2 Espace vital des cours d'eau

(selon le projet STS de Oehy/Aguet [7])

2.1 Zones du cours d'eau

Un cours d'eau a besoin d'un minimum d'espace, appelé espace vital, afin de

conserver une dynamique alluviale et une interface naturelle favorable à la faune et à

la flore d'une rivière. Les réflexions suivantes se référent à des études effectuées récemment

en Suisse [4, 5, 6, 7].

L’espace d’un cours d’eau peut principalement se diviser en un lit du cours d’eau et

sa zone de rive. Cet espace est couramment appelé espace primaire (= minimal)

du cours d’eau et il doit être entièrement à la disposition de celui-ci, pour ses fonctions

et pour son développement spatial et temporel.

A part l’espace primaire, il faudrait, dans la mesure du possible, définir également un

espace secondaire qui permettrait un développement dynamique du cours d’eau

sous forme d’une zone de divagation, ainsi que des zones-tampons supplémentaires.

L’utilisation par l’agriculture de cet espace est admise, mais seulement de

manière limitée et adéquate.

Toutes les différentes zones du cours d’eau sont représentées à la figure 2.1.

Zone de rétention et d'inondation

Niveau de crue

Section d'évacuation

Profondeur du lit

Zone de

bord

Berge

Lit majeur

Lit mineur

Lit majeur

Berge

Zone de rive

Lit du cours d'eau

Zone de rive

Terrain environnant

Espace

secondaire

Zone de divagation

Zone de tampon

Espace primaire

Espace vital du cours d'eau

Fig. 2.1: Schéma des zones du cours d’eau

2.1.1 Lit du cours d’eau

Le lit du cours d’eau peut être divisé en un lit mineur et en des surfaces

supplémentaires représentant le lit majeur.

Le lit mineur du cours d’eau constitue la partie centrale du lit d'un cours d'eau. Il est

formé et légèrement creusé dans des conditions naturelles. La zone du lit mineur est

délimitée par les zones qui sont sèches plus de 90 jours en moyenne. Dans les cours

d’eau avec un faible taux de transport de sédiments, le lit mineur du cours d’eau correspond

généralement au lit total.

Les surfaces de transport de sédiments du lit majeur d'un cours d’eau sont couvertes

de végétation, sur plus de 20 [cm] en dessus de la surface d’eau. Ces zones


16 Aménagements de cours d'eau

n’existent que dans les tronçons des cours d’eau transportant d'importantes quantités

de sédiments.

2.1.2 Zone de rive

La zone de rive peut être divisée en berges et bandes de bord. Les berges représentent

la partie inclinée des rives et les bandes de bord représentent la partie plate

adjacente aux berges.

2.1.3 Zone de divagation

La possibilité d’un développement spatial et temporel, c’est-à-dire la formation de

méandres, la ramification et la création de différents espaces vitaux représentent une

des plus importantes caractéristiques d’un cours d’eau naturel.

Fig. 2.2: Méandre avec zone alluviale à l'intérieur (Venoge, Canton Vaud)

2.1.4 Zone-tampon

Les zones-tampons servent à retenir des substances et forment ainsi, une zone de

transition importante entre la surface agricole riche en engrais et le cours d’eau. La

largeur minimale de la zone-tampon imposée par la loi est de 3 [m].

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 17

Fig. 2.3:

Transition entre l'agriculture et le cours d'eau (Venoge, Canton Vaud)

2.2 Concept "espace vital du cours d'eau"

A la base du concept de "l’espace vital nécessaire" il y a l’idée d’une restriction de

l’espace originellement naturel. Sa réalisation n'est possible que jusqu’à un certain

point, sans que les fonctions du cours d’eau ne soient atteintes.

La détermination de l’espace vital nécessaire du cours d’eau ne part pas d’un état de

référence d’un cours d’eau vierge et naturel. L’objectif est plutôt le développement du

cours d’eau proche de l’état naturel, dans le paysage rural de la Suisse ("Naturnahe

Fliessgewässer in der Kulturlandschaft der Schweiz"). Un tel cours d’eau remplit les

conditions suivantes:

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


18 Aménagements de cours d'eau

La demande d’utilisation par l’homme

de l’espace du cours d’eau est reconnue

L’utilisation doit toujours rester possible.

La demande d’une protection contre

les crues est mise en valeur.

Des mesures constructives dans

l’espace du cours d’eau peuvent être

nécessaires pour la protection de bâtiments

ou d'autres objets importants

(protection locale).

L’agriculture peut toujours utiliser

l’espace secondaire, mais de manière

adéquate.

L'excavation, l'exploitation de sédiments

est autorisée si elle sert à la

protection contre les crues.

La demande d’espace du cours d’eau

est reconnue

Le bilan du transport de sédiments

doit rester le plus naturel possible,

sauf si des mesures de protection nécessitent

une excavation/exploitation

de sédiments.

Les cours d’eau doivent garder

l’espace nécessaire pour un développement

naturel ou proche de la nature

(protection du cours d’eau).

Des constructions à l’intérieur de

l’espace du cours d’eau ne sont plus

autorisées.

Le lit principal devrait être continu

pour permettre la vie à sa faune

aquatique (continuité longitudinale)

pour autant que cela corresponde à

son état naturel. Les obstacles fixes

doivent être franchissables.

Le cours d’eau doit être entouré

d’arbres ou de végétation naturelle de

rive et être ombragé dans la plupart

des cas.

La végétation du cours d’eau, spécialement

la végétation des rives, doit

être capable de se développer de

manière naturelle.

L’apport de bois morts est souhaitable

pour autant que le risque

d’obstruction soit éliminé. Les mesures

d’entretien sont limitées au minimum.

L’espace minimal propre à un cours d’eau définit l’espace nécessaire pour une

forme et un développement naturel du cours d’eau en garantissant ainsi la

possibilité de préserver les fonctions vitales du cours d’eau

2.3 Méthodes de détermination de l'espace vital

Pour la mise en pratique du concept "Espace vital du cours d’eau" il faut bien avoir

recours aux méthodes concrètes et pragmatiques. Ces différentes méthodes peuvent

être distinguées selon deux approches: quantitative et qualitative.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 19

2.3.1 Approche quantitative

La méthode mentionnée ci-dessous a été développée lors d’une étude de l’espace

minimal des cours d’eau, établie pour l’Office fédéral de l’économie des eaux (OFEE)

[4, 5, 6].

La méthode visant à déterminer l’espace vital nécessaire du cours d’eau est basée

sur la détermination et la superposition des besoins d’espace des différentes zones

liées aux quatre fonctions décrites plus loin.

La méthode propose l’attribution des fonctions suivantes aux zones du cours d’eau

(voir aussi Fig. 2.4):

La fonction de transport est liée au lit du cours d’eau. L’espace en dessus du lit

doit permettre une évacuation d’eau sans dégâts. Une importance secondaire est

accordée à la fonction de transport dans les zones de rive. Sa capacité de transport

est négligée, mais les zones de rive peuvent améliorer considérablement la

capacité de rétention.

La fonction de biotope et de paysage est attribuée à l’espace entier du cours

d’eau.

La fonction tampon est attribuée aux zones de bord et aux berges (c-à-d aux zones

de rive). Des substances minérales et des produits organiques (engrais, pesticides)

apportées latéralement dans le cours d’eau, doivent être absorbées par

ces zones–là.

La fonction de détente est principalement attribuée aux zones de rive. Les activités

de détente demandent des aménagements tout le long de la rivière, à

l’exception des endroits inaccessibles.

Fonction de

transport

Fonction de biotope

et de paysage

Fonction de

tampon

Fonction de

détente

Lit du cours Zone de Zones

d'eau rive supplémentaires

Fig. 2.4: Attribution de fonctions aux différentes zones d'un cours d'eau (cf. Fig. 2.1)

La détermination du besoin minimal de l’espace vital se fait par tronçons d’une longueur

moyenne de 500 à 2000 [m]. Les relevés de terrain seront effectués à l’aide

d'un formulaire. La méthode est applicable pour de petits et moyens cours d’eau

(jusqu’à 15 [m] de largeur du lit).

La détermination des différents sous-espaces du cours d’eau est décrite plus loin.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


20 Aménagements de cours d'eau

2.3.1.1 Détermination de la largeur minimale du lit du cours d’eau B si

La largeur minimale du lit du cours d’eau est déterminée par la valeur maximale de

son emprise existante, empirique ou hydraulique - hydrologique.

Largeur existante du lit (B si )

Pour la détermination de la largeur minimale du lit, la largeur existante est utilisée

comme grandeur de comparaison.

Largeur empirique du lit (B se )

Le calcul se fait à l’aide d’un modèle établi empiriquement sur des tronçons naturels

de référence. Il est basé sur la largeur d’un lit développé naturellement. La surface

du bassin versant (E), les précipitations annuelles moyennes (N) et la pente

moyenne pondérée du bassin versant (G) sont prises en considération.

L’équation pour la détermination de la largeur minimale empirique du lit du cours

d’eau est la suivante :

B

B

se

se

0.

876 10

5

0.

876 10

5

N

2

E 2.

5 [m]; pour E 10 [km ]

0.

9

G

N

0.

25

E [m]; pour E 10 [km

0.

9

G

2

]

(2.1)

(2.2)

avec B se : Largeur empirique du cours d’eau en [m]

E : Surface du bassin versant en [km 2 ]

G : Pente moyenne pondérée du terrain en [%]

N : Précipitations annuelles moyennes en [mm]

La largeur minimale empirique du lit garantit en même temps la conservation de la

fonction de biotope aquatique.

Largeur hydraulique du lit (B sh )

Le calcul est effectué à l’aide d’une formule hydraulique - hydrologique simplifiée.

Les paramètres intervenants sont le débit de crue selon les exigences de protection

(Q s ), la profondeur du lit (t), la pente du lit du cours d’eau (J) et le coefficient de rugosité

de Strickler (K st ). La largeur du lit du cours d’eau devra permettre une évacuation

des eaux et des sédiments sans dégâts. Le rayon hydraulique admis est égal à la

profondeur (R h t) et la surface en dessus des berges est négligée (profil rectangulaire).

L’équation pour la détermination de la largeur minimale hydraulique du lit du cours

d’eau est donc la suivante :

avec B sh :

Q s :

B

sh

K

Largeur hydraulique du cours d’eau en [m]

Débit de crue à évacuer en [m 3 /s]

K st : Coefficient de Strickler en [m 1/3 /s -1 ]

st

Qs

5

(2.3)

3

t J

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 21

t :

Profondeur du lit en [m]

J: Pente du lit en [%]

Cette formule simplifiée peut se justifier par le fait qu’en réalité il y a une grande variabilité

de la profondeur t et de la pente moyenne J. Ces paramètres sont beaucoup

plus déterminants que le modèle utilisé. Pour effectuer un calcul hydraulique plus

précis, il faudrait donc des investissements considérables et cela ne se justifie pas à

ce stade du projet. En appliquant cette formule très simplifiée, il faut alors garder un

esprit critique.

La largeur minimale du lit du cours d’eau représente la valeur maximale des trois

valeurs trouvées lors des calculs B s = max (B si , B se , B sh ) et elle doit être conservée

dans toutes les circonstances.

2.3.1.2 Détermination de la largeur de la zone de rive B u

La largeur de la zone de rive est calculée en fonction de la largeur empirique du lit du

cours d’eau. La largeur se situe aux alentours de 5 [m] pour de petits cours d’eau

d’une largeur du lit jusqu’à 2 [m] et de 15 [m] au maximum pour de moyens et grands

cours d’eau. De plus, les prescriptions minimales venant des constructions hydrauliques

interviennent dans le calcul (pente des berges de 1:2).

La largeur minimale de la zone de rives (B u ) est déterminée en prenant comme base

les grandeurs suivantes :

Largeur existante de la zone de rives (B ui )

Largeur empirique de la zone de rives (B ue )

La détermination d’une courbe "largeur du lit – largeur de la zone de rive" est effectuée

à l’aide de certains cours d’eau de référence, ainsi que de l’analyse de la littérature.

La relation retenue est présentée à la figure 2.3.

Détermination de la largeur des rives

20

15

Largeur de la zone de rive [m]

10

5

Biodiversité

Espace minimal nécessaire

0

0 5 10 15 20 25

Largeur du lit du cours d'eau [m]

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


22 Aménagements de cours d'eau

Fig. 2.3: Relation empirique entre la largeur du lit et la largeur de la zone de rive

Largeur constructive de la zone de rives (B uw )

La détermination résulte de la pente maximale des berges fixée à 1:2.

B uw = 2 Profondeur du lit

(2.4)

La largeur de la zone de rive est déterminée en prenant aussi la valeur maximale

trouvée lors du calcul B u = max (B ui , B ue , B uw ).

La largeur minimale de la zone de rive (B u ) doit être conservée. Des limitations sont à

éviter ou à compenser par des surfaces environnantes.

2.3.1.3 Détermination de la largeur de la zone de divagation (B pb )

La largeur de la zone de divagation (B pb ) est calculée en fonction de la largeur empirique

du lit du cours d’eau. Le besoin d’espace pour cette zone est considéré comme

une option. Généralement, la zone de divagation est seulement admise sur des tronçons

hors zones urbaines ou alors des vallées, des ravins, des gorges étroites, etc.

La formule suivante a été proposée pour déterminer la largeur nécessaire:

B

pb

5 . 6 B

se

B

si

(2.5)

avec B pb :

B se :

B si :

Largeur de la zone de divagation en [m]

Largeur empirique du lit du cours d’eau en [m]

Largeur existante du lit du cours d’eau en [m]

2.3.1.4 Détermination de la largeur de la zone tampon (B pz )

La largeur minimale de la zone tampon (B pz ) est déterminée à l’aide d’une méthode

du BUWAL (1994). Elle est fonction de l’utilisation et de la pente des surfaces adjacentes,

habituellement d'ordre de 20 à 35 [m], au maximum 45 [m]. Les zonestampons

sont seulement séparées dans les tronçons exploités par de l’agriculture

intensive. La loi prescrit une distance minimale de 3 [m] à partir de la crête des

berges.

2.3.1.5 Détermination de la largeur de la zone de détente (B e )

Le supplément pour la détente est seulement accordé aux zones justifiant ce besoin,

par exemple: par l’accessibilité au cours d’eau, par son fréquentation par des

randonneurs ou des cyclistes, par l’état du cours d’eau ou par la situation du bruit.

Ce supplément est généralement de 3 [m] (largeur d’un chemin d'entretien).

L’espace supplémentaire pour se détendre ou se baigner doit être prévu selon les

cas.

Les différents sous-espaces minimaux définissent le besoin d’espace pour un développement

naturel du cours d’eau et ainsi aussi pour la préservation des fonctions

vitales du cours d’eau. Les sous-espaces pour le lit, la zone de rive, la zone de divagation,

la zone-tampon et la zone de détente seront superposés selon la figure 2.7

pour définir l’espace vital nécessaire.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 23

La distinction entre un espace primaire et secondaire s’explique par le fait que

l’espace primaire est nécessaire pour que le cours d’eau puisse accomplir ses fonctions

ainsi que son développement temporel et spatial. Les zones en dehors de

l’espace primaire définissent des zones-tampons supplémentaires et font partie de

l’espace secondaire. Dans ces zones, une utilisation adéquate de l’espace est

autorisée.

Les résultats de cette approche sont des largeurs minimales pour les différentes zones.

Ces largeurs ne doivent pas être considérées comme des valeurs absolues,

mais plutôt comme une bande d’espace dont la position par rapport au cours d’eau

est variable.

Les besoins minimaux de l’espace total du cours d’eau peuvent être déterminés à

l’aide de la figure 2.6 ci-après. Ce graphique définit la largeur nécessaire de l’espace

du cours d’eau à l’aide de trois courbes correspondant à la variabilité de la largeur

(prononcée, limitée, absente). Il a été établi lors d’une étude de l’espace minimal des

cours d’eau, élaboré pour l’Office fédéral de l’économie des eaux (OFEE) [4, 5, 6].

70

Espace vital nécessaire d'un cours d'eau

60

Espace total nécessaire [m]

50

40

30

20

10

Variabilité de la largeur du

lit du cours d'eau

absente

limitée

prononcée

0

0 5 10 15

Largeur du lit du cours d'eau [m]

Fig. 2.6: Espace vital nécessaire du cours d'eau en fonction de sa largeur

2.3.2 Approche qualitative

Cette méthode "simpliste" a été élaborée par le Service des déchets, de l’eau, de

l’énergie et de l’air du canton de Zurich (AWEL).

Les différentes étapes, ayant pour but la classification d’une rivière, sont décrites

plus loin.

2.3.2.1 Repérages géographiques et relevés sur le site

Grâce à la carte de la région du cours d’eau à l’échelle 1:5'000 et à un formulaire, on

élabore le relevé sur la partie concernée du projet en question. Généralement, on

commence à la source pour aller jusqu’à l’embouchure du cours d’eau. Si un paramètre

change fondamentalement, on détermine un nouveau tronçon, mais la distance

d’un tronçon est toujours supérieure à 50 [m]. Quelques informations supplé-

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


24 Aménagements de cours d'eau

mentaires à prendre en compte, lors du repérage sont la flore aquatique (algues), la

végétation des berges et le bois mort (accumulation dans certains endroits).

Les différents paramètres caractérisant les tronçons du cours d’eau sont:

a) Largeur moyenne du lit

Ce paramètre est un indicateur indirect de la biodiversité aquatique et devient déterminant

pour la largeur nécessaire de l’espace vital.

b) Variabilité de la largeur

Plus la variabilité augmente, plus on favorise la biodiversité, les variations de vitesses

d’écoulement et l'aspect paysager attrayant du cours d’eau. On distingue les degrés

suivants de variabilité de la largeur:

- Prononcée : perpétuel changement de la largeur

- Limitée : quelques changements et niches latérales

- Absente : berges parallèles, peu de changements

c) Pavage du lit

Grâce au pavage, on améliore la dynamique du cours d’eau et surtout, on diminue

l’érosion du lit, ainsi que celle du pied des berges, lors de débits de crues. On distingue

les degrés suivants pour le taux de pavage (en %) d’un tronçon considéré:

Absent 0 %

Ponctuel < 10 %

Partiel 10 ÷ 30 %

Fort 30 ÷ 60 %

Dominant > 60 %

Complet 100 %

d) Stabilisation des berges

La stabilisation naturelle des berges est réalisée à l’aide d’une végétation abondante

le long des berges du cours d’eau. Celle-ci est bénéfique non seulement à la faune

et à la flore, mais procure au cours d’eau une capacité de rétention non négligeable

pendant les crues. La stabilisation des berges dépend surtout du matériau utilisé et

de sa perméabilité.

On distingue le degré de la stabilisation naturelle, selon son taux (en %) d’occupation

le long des berges:

Absent 0 % (stabilisation artificielle)

Ponctuel < 10 %

Partiel 10 ÷ 30 %

Fort 30 ÷ 60 %

Dominant > 60 %

Complet 100 % (stabilisation naturelle)

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 25

e) Variabilité de la profondeur (supplémentaire)

La profondeur résulte principalement des processus d’érosion et du transport et de

sédimentation. Dans le cours d’eau naturel, une grande variabilité de la profondeur

se vérifiera dans le profil en long et dans les profils en travers. On distingue les

degrés suivants de variabilité de la profondeur (Figure 2.7):

- Prononcée : perpétuel changement de la profondeur

- Limitée : quelques changements

- Absente : fond du lit avec peu de changements, quasi

linéaire

absent limité prononcé

Fig. 2.7: Variabilité de la profondeur

Des corrections et des seuils au droit du cours d’eau influencent le bilan du transport

de sédiments. Si la rivière génère peu de transport de sédiments, on obtient le long

de celle-ci:

- une faible variabilité de la profondeur

- une prolifération de la flore aquatique (algues, etc.)

2.3.2.2 Création d'une base de données

On répertorie le relevé effectué sur le site, puis on établit des cartes spéciales par

bassin versant du cours d’eau en question. Ceci, afin d’introduire ces données dans

un système d’information géographique (SIG) pour fournir une base de données

complète de la région étudiée.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


26 Aménagements de cours d'eau

2.3.2.3 Classification des tronçons du cours d’eau

A partir des paramètres les plus importants (largeur moyenne du lit, variabilité de la

largeur, pavage du lit, stabilisation des berges), un système de pondération a été

élaboré. Il permet de classifier les différents tronçons. Pour ce faire, on subdivise les

cours d’eau en quatre classes suivantes:

Cours d'eau naturel

(pas touché par l’homme)

Cours d'eau peu remanié

Cours d'eau fortement remanié

Cours d'eau artificiel (complètement canalisé)

2.3.2.4 Zones d’intervention

La définition des zones d’intervention s’obtient à l’aide d’une représentation graphique

des données du relevé de terrain (obtenu au point 2.3.2.2) et à partir de la carte

de classification (obtenue au point 2.3.2.3).

Ensuite, on propose des mesures selon la classe du tronçon considéré :

Naturel:

- seulement des mesures ponctuelles

- amélioration de la continuité des talus de berges

- stabilisation ponctuelle des berges

Ex. : Suppression des petites chutes, des petits seuils, …

Peu remanié: - analyser la cause du déclassement

- investissement modéré

Ex. : Amélioration de la variabilité de la largeur

Fortement remanié: - nécessite des mesures sur tous les tronçons

- investissement modéré à élevé au niveau des berges

Ex. : Suppression des stabilisations des berges artificielles

Artificiel:

- comme fortement remanié

- investissement considérable aussi au niveau du lit du cours

d’eau

En général, si l'on adopte une mesure, la décision finale sera prise en tenant compte

de la protection contre les crues et de l’exploitation correcte du cours d’eau.

2.3.2.5 Planification détaillée

Une planification détaillée des zones d’intervention le long du cours d’eau devra être

entreprise pour mener à bien les différents travaux envisagés. En préparant une planification

rationnelle des moments opportuns pour effectuer de multiples interven-

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 27

tions le long du cours d’eau, on n’oubliera pas de collaborer avec les milieux écologiques.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


28 Aménagements de cours d'eau

2.4 Evaluation écomorphologique

Basés sur diverses études mentionnées ci-dessus [4, 5, 6] ; des méthodes d’analyse

et d’appréciation des cours d’eau en Suisse par une évaluation écomorphologique

ont été établis [46].

La nécessité d’agir, du point de vue des fonctions naturelles d’un cours d’eau, sera

dictée par une évaluation écomorphologique. Les besoins d’action de ce point de vue

doivent être pris en compte lors de la planification des mesures de manière identique

aux objectifs de protection résultants de l’affectation du sol.

Le terme «écomorphologie» englobe la totalité des spécificités structurelles du

cours d’eau et de ses abords: la morphologie propre du cours d’eau, les mesures

d’aménagement effectuées sur le cours d’eau (stabilisation des berges,

aménagement du fond du lit, barrages) ainsi que les particularités des terrains

environnants (constructions, utilisation des terrains, végétation, espace du cours

d’eau). L’évaluation sera entreprise selon différents degrés de détails. Concernant

l’évaluation régionale des cours d’eau (dénommé niveau R), on distingue cinq

caractéristiques essentielles:

• largeur moyenne du lit

• variabilité de la largeur du lit mouillé

• aménagements du fond du lit

(et obstacles à la migration)

• renforcement du pied de la berge

• largeur et nature des rives

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 29

3 Importance du charriage pour la protection

contre les crues

3.1 Introduction

La présence du charriage dans une rivière provoque une interaction entre l'écoulement

et le lit ce qui produit des dépôts ou de l'érosion. Cette interaction modifie la

section et les caractéristiques hydrauliques de la rivière, ce qui influence de manière

déterminante la capacité de transport par charriage. Le charriage est impliqué directement

ou indirectement dans tous les processus dangereux tels que par exemple

l'érosion, les inondations et les laves torrentielles. Le débit de dimensionnement doit

être maîtrisé en considérant tous les scénarios de charriage possibles. Le choix des

mesures de protection est également fortement influencé par le charriage.

3.2 Interaction de l'écoulement avec le charriage

3.2.1 Origine de l'interaction

Pour les rivières qui s'écoulent sur les terrains alluviaux, c'est-à-dire sur un lit mobile,

une interaction entre l'écoulement et le transport solide s'établit lors de l'érosion ou

du dépôt des matériaux. Cette interaction forme la géométrie du lit de la rivière et

influence ainsi la section effective d'écoulement et la rugosité du lit. En même temps

l'interaction détermine la capacité du transport par charriage.

Les résultats de l'interaction sont soit des phénomènes globaux dans des tronçons

de cours d'eau, tels que par exemple le changement de la forme du lit, l'érosion et

l'alluvionnement, soit des phénomènes locaux tels que les affouillements et bancs de

graviers dans les courbes.

3.2.2 Loi de frottement et vitesse de l'écoulement

Le charriage agit sur le lit d'une rivière comme élément de rugosité et influence ainsi

directement le frottement et les pertes de charge. Pour une rivière à section large,

avec un lit plat et pour un écoulement uniforme et stationnaire, propose pour la

vitesse moyenne la relation empirique suivante basée sur la distribution

logarithmique Jäggi (1984):

h

vm

ghJ' 2.5 In

12.27

(3.1)

2 d90

avec v m : vitesse moyenne

h

J'

: profondeur d'eau

: pente du lit réduite

d 90 : diamètre des grains du lit qui totalise 90% du poids total

de la courbe granulométrique

Le facteur de correction pour la pente:


30 Aménagements de cours d'eau

0.02h

d90

J

J' J 1e (3.2)

tient compte du fait qu'en diminuant h/d 90 , la couche constituée par les sédiments

s'élève de plus en plus au-dessus du lit et provoque des pertes locales plus fortes

(rugosité de forme).

En pratique, une formule plus simple, notamment celle de Manning-Strickler, est utilisée:

avec

2/3 1/2

v k h J (3.3)

m

St

k St

21.1

6

d

90

(en tenant compte des

irrégularités du lit)

Pour les rapports h/d 90 < 10, la formule de Strickler surestime les vitesses d'écoulement.

Avec d 90 comme grain caractéristique, la formation d'une couche de pavage

consécutive à une tri-granulométrie naturelle est considérée.

Pour des sections étroites (B F < 10), l'effet des parois (rives) devient important et le

rayon hydraulique R s effectif sur le lit doit être utilisé à la place de la profondeur d'eau

h dans l'équation (3.1) ou (3.3). Pour le calcul du débit, les surfaces partielles proches

des rives de la section sont considérées séparément, en utilisant pour chacune

d'elles la formule de Stricker. Avec l'hypothèse que la vitesse moyenne est constante

dans toutes les surfaces partielles, le rayon hydraulique R ui de la partie de la surface

sur les rives se calcule comme suit:

R

ui

v

kuiJ

m

1/ 2

1.5

(3.4)

La surface effective pour le calcul du débit résulte de l'équation (3.5):

Aeff RS BF Rui P

ui

(3.5)

avec A eff : surface effective pour le calcul du débit en considérant

l'effet des parois (rives)

k ui : coefficient de frottement d'une surface partielle des rives

R s : rayon hydraulique effectif sur le lit

R ui : rayon hydraulique des parties des rives

B F : largeur du lit

P ui : périmètre mouillé d'une surface partielle des rives

Pour les rivières très larges, l'influence du charriage sur le comportement hydraulique

devient plus importante en raison de la formation des macro-rugosités en forme de

dunes, anti-dunes et bancs de graviers qui provoquent des pertes de charge additionnelles.

Dans le cas de profondeurs d'eau importantes, les pertes de charge dues aux bancs

de graviers peuvent être négligées (Jäggi, 1984; Zarn, 1997). Si une rivière forme

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 31

plusieurs lits parallèles, les calculs se font à l'aide d'un seul lit représentant les lits

parallèles.

3.2.3 Capacité de transport par charriage

La capacité de transport du charriage est un facteur clé de l'interaction entre l'écoulement

et le charriage. Pour les rivières relativement étroites et à lit unitaire, la capacité

de transport en condition d'équilibre dynamique de transport peut être estimée à

l'aide de l'équation VAW pour des pentes entre 1‰ et 20% (Jäggi, 1984; Smart et

Jäggi, 1983):

0.2

4

0.6

d d

90

m

b F

s s m

(3.6)

s 1 12.1 Rs

d30

Q B R v J J

Cette formulation simplifiée tient compte d'une contrainte de cisaillement critique de

cr = 0.05.

Q b

Débit solide

Début du charriage

Capacité de transport

du charriage

Erosion de la couche de pavage

Q 0

Q D

Débit d’eau

Q

Figure 3.1

Représentation schématique de la fonction de transport du charriage

En représentant le transport par charriage en fonction du débit d'eau on obtient la

fonction du transport par charriage (Fig. 3.1). Si le débit dépasse la valeur Q 0 , le

transport du charriage est en principe possible. Mais c'est seulement après l'érosion

de la couche de pavage, c'est-à-dire pour des débits au-dessus de Q 0 , qu'un charriage

régulier avec un équilibre dynamique de transport s'établit (Hunziker, 1995).

Pour l'équilibre dynamique de transport, la pente du lit reste constante et le débit solide

à l'entrée d'un tronçon considéré est égal au débit solide à sa sortie. En outre, la

granulométrie des matériaux transportés est identique à celle de la sous-couche du

lit. Indépendamment de l'apport du charriage, la couche de pavage retarde l'érosion

du lit. La rupture de la couche de pavage se produit à partir d'une certaine profondeur

d'eau qui peut être estimée selon la formule de Günter (1971):

h

D

0.05 ( s1) d

mUS

dmDS

J

dmUS

2/3

(3.7)

d m DS

: diamètre moyen de la couche de pavage

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


32 Aménagements de cours d'eau

d m US : diamètre moyen des matériaux du lit (sous-couche)

On obtient ainsi également le débit critique Q D associé à la profondeur d'eau h D . Pour

des débits compris entre Q 0 et Q D (cf. Fig. 3.1), la fonction de transfert du charriage

n'est pas définie clairement.

Capacité de transport

du charriage

Alluvionnement

Rivières

canalisées

Profondeur d’eau h

Pente J

Diamètre caractéristique

des grains d m

Largeur du lit

Forme du lit

Rivières naturelles

Erosion

Q bu < Q bo

Q bu

Q bu > Q bo

Q bu = Q bo

Equilibre

dynamique

Figure 3.2:

Influence de la capacité de transport par charriage sur l'équilibre

dynamique de transport dans un tronçon d'une rivière

La capacité de transport par charriage dépend des paramètres tels que la profondeur

d'eau, la pente, la largeur du lit et le diamètre caractéristique des grains (Fig. 3.2). Si

pour des débits supérieurs à Q D les apports en sédiments Q b0 sont plus grands que

la capacité de transport Q bu du tronçon considéré, le charriage est déposé, ce qui résulte

en la surélévation du lit et par conséquent en la surélévation du niveau d'eau.

Pour atteindre de nouveau un équilibre dynamique de transport, les paramètres tels

que la pente, la profondeur d'eau et éventuellement le diamètre caractéristique de

grains doivent être modifiés (Fig. 3.2).

En cas de Q b0 < Q bu , les matériaux charriés manquants sont fournis par l'érosion du

lit si ce dernier n'est pas stable (rocheux).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 33

Capacité de transportQ b

Q bmax

B opt

Valeur limite

J, Q = constant

Largeur du lit B F

Valeur limite

Pente J

J min

Q b , Q = constant

B opt

Largeur du lit

B F

Figure 3.3:

Influence de la largeur du lit sur la capacité de transport par

charriage et sur la pente du lit (selon Zarn 1997).

Ces considérations sont valables pour les largeurs de lits constantes comme c'est le

cas pour les rivières corrigées et canalisées. En calculant la capacité de transport

par charriage selon l'équation (6) on obtient, pour une pente constante, la capacité

maximale de transport Q b max correspondant à la largeur optimale du lit B opt (Fig. 3.3

en haut).

Par contre, en variant la largeur du lit et en gardant constant le débit solide Q b , la largeur

optimale du lit B opt est caractérisée par une pente minimale J min (Fig. 3.3 en

bas). Théoriquement, la capacité de transport par charriage approcherait le zéro pour

des largeurs du lit très importantes si l'on admet un lit plat. En réalité, la capacité de

transport tendra vers une valeur limite (supérieure à zéro), parce que l'écoulement

est divisé en plusieurs lits partiels. Pour les rivières larges avec bancs de graviers, ou

pour les rivières à lits multiples, une approche alternative de l'estimation de la capacité

de transport par charriage doit être choisie. Les études récentes de Zarn (1997)

ont montré que la capacité de transport pour les rivières à lits multiples dépend de la

largeur du lit par rapport à la largeur optimale et dépend également de la capacité

maximale du transport:

8.86U

1.5U

Qb

Qb

max

3.65e 4e 0.35

(3.8)

avec U = B F /B opt

et Q b max = Q b (B opt ).

Le charriage influence alors fortement la morphologie des rivières naturelles en

changeant la forme du lit et de la section. Dans le but d'obtenir la capacité maximale

de transport par charriage, les largeurs des rivières ont été réduites jusqu'à la largeur

optimale par les mesures de corrections. Dans les rivières corrigées, le degré de

liberté de stocker ou d'éroder le charriage est restreint au mouvement vertical du lit.

Par contre, les rivières naturelles ont un degré de liberté supérieur car la

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


34 Aménagements de cours d'eau

morphologie du lit (largeur et forme) peut changer (Fig. 3.2 à droite). Ainsi, les

rivières naturelles disposent de plus d'espace pour les dépôts ou l'érosion dus au

charriage. Mais si dans les rivières corrigées et canalisées le débit critique (débit de

dimensionnement) est dépassé, la rupture des mesures de protection peut aussi

provoquer brusquement un changement de la morphologie (la rivière se débarrasse

de son corset).

3.2.4 Phénomènes locaux

La capacité de transport par charriage d'une rivière est déterminante pour

l'interaction globale entre l'écoulement et le transport par charriage. De plus, des

érosions et des dépôts locaux peuvent former des affouillements à l'extérieur des

courbes et former des bancs de sable à l'intérieur. Les phénomènes locaux

n'influencent en principe pas la pente globale d'un cours d'eau.

3.2.5 Augmentation de la profondeur d'eau suite à une concentration

importante de charriage

Dans les rivières à faibles pentes, la proportion du charriage par rapport à la section

d'écoulement est, dans la plupart des cas, plus petite que 1% et peut être négligée

lors du calcul du débit d'eau. Pour les pentes plus importantes (> 5%), la profondeur

d'eau est surélevée considérablement par le transport par charriage. Cette influence

peut être estimée par la formule suivante (Smart et Jäggi, 1983):

h / h 11.1J q d (3.9)

1.14 0.18 0.27

mw mg B m

avec h mw : profondeur moyenne de l'eau propre

h mg : profondeur moyenne du mélange eau-charriage

Cette équation est applicable seulement pour la condition d'équilibre dynamique de

transport et pour des pentes inférieures à 20%. Pour ces pentes, en raison du

transport par charriage, la profondeur d'eau peut atteindre le double de l'eau propre.

Si les pentes sont plus raides (> 20%), les laves torrentielles apparaissent. Leur

comportement ne peut pas être exprimé par les lois de frottement selon l'équation (1)

ou (3).

3.3 Analyse de danger et charriage

Le charriage influence directement ou indirectement tous les processus dangereux

lors des crues, à savoir l'érosion, l'inondation, le dépôt des matériaux et les laves torrentielles

(Figure 3.4).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 35

Analyse de

dangers

Erosion

Processus

déterminants

Dépôts des

matériaux

solides

Inondation

Charriage

Eau

Corps

flottants

Laves

torrentielles

Figure 3.4:

Processus déterminant lors de l'analyse de danger

3.3.1 Erosion

C'est uniquement grâce à la présence du charriage dans un cours d'eau, autrement

dit grâce à l'existence d'un lit mobile, que les érosions deviennent possibles. On distingue

l'érosion verticale dans le lit propre du cours d'eau, l'érosion latérale attaquant

les rives. L'érosion verticale influence la pente des rivières et par conséquent change

la capacité de transport par charriage. Une érosion latérale agrandit la largeur du lit

et réduit ainsi la capacité de transport par charriage. De plus, la formation des

méandres est rendu possible suite aux érosions latérales qui créent des affouillements

à l'extérieur des courbes amplifiant eux-mêmes l'érosion latérale. En outre,

les érosions latérales provoquent des glissements profonds des rives qui introduisent

beaucoup de matériaux dans le cours d'eau qui ne peuvent plus être emportés par

l'écoulement. Il existe alors le risque de création de barrages temporaires dont la

rupture peut être à l'origine d'une lave torrentielle. Les matériaux érodés influencent

donc sensiblement l'équilibre dynamique du transport par charriage. Il en résulte la

formation de dépôts dangereux dans les tronçons à capacité critique.

3.3.2 Inondations et dépôts des matériaux solides

Les inondations sont la conséquence de l'excédent d'eau ou de l'excédent de charriage

ou des deux. Si l'apport en sédiments dans un tronçon d'un cours d'eau dépasse

sa capacité de transport, des dépôts sur le lit se forment et par conséquent le

niveau d'eau augmente.

En cas de déversement d'eau par dessus les endiguements, la capacité de transport

par charriage est encore plus diminuée et la formation des dépôts sur le lit s'amplifie.

En conséquence, les déversements s'aggravent jusqu'au point où le charriage quitte

également le cours d'eau et dépose des matériaux solides dans des zones inondées.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


36 Aménagements de cours d'eau

Les endroits particulièrement menacés par l'alluvionnement du lit sont ceux où la

pente du lit change ou bien des sections critiques comme celles situées sous les

ponts.

Zone d’érosion

Tronçon raide Cône d’alluvions

(tronçon d’alimentation)

Débit

d’eau

(rocheux)

Capacité

de transport

Excédent du charriage

V 1 -V 3

Alluvionnement du lit

V Apport maximal

2 V 1 V 3

Figure 3.5:

Profil en long schématique avec l'hydrogramme de l'eau et du charriage

(en haut). Capacité de transport maximale pour les divers tronçons

(en bas).

Des changements abrupts surviennent toujours sur les cônes d'alluvions (Bezzola et

al. 1996). Pour augmenter la capacité de transport, les cours d'eau sur des cônes

d'alluvions ont été canalisés et souvent stabilisés par un lit fixe (revêtement en pierre

taillée). Le tronçon raide à l'amont du cône se trouve normalement dans une vallée

encaissée dans un lit rocheux ou stabilisé par de gros blocs résiduels qui empêchent

l'érosion verticale et l'entraînement par charriage jusqu'au torrent (Fig. 3.5).

L'apport possible du charriage est donc déterminé pour la plupart des cas par la zone

d'érosion à l'amont du tronçon raide; on parle alors d'un tronçon clé (Bezzola et al.

1996). L'excédent du charriage, qui est égal à la différence entre l'apport du tronçon

clé et la capacité de transport sur le cône d'alluvions, provoque la formation des dépôts

dans la zone de rupture de pente (Fig. 3.5). Cet alluvionnement du lit peut être

calculé à l'aide de simulations numériques (Hunziker, 1995). Les surélévations

maximales du lit ne se produisent qu'après le passage de la pointe de crue et résultent

par conséquent en les plus hauts niveaux d'eau.

Des ponts implantés dans des tronçons d'alluvionnement avec des sections

insuffisantes peuvent être à l'origine de processus dangereux. Si un écoulement en

charge par dessous le pont se produit, la capacité de transport par charriage dans la

section du pont est également augmentée. En principe ceci n'arrive pas et l'on

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 37

observe plutôt des déversements latéraux qui se produisent à l'amont du pont,

entraînant la réduction de la capacité de transport du charriage. Ce processus peut

s'amplifier jusqu'à ce que le lit soit complètement couvert par charriage. Ceci résulte

en des inondations combinées avec des dépôts catastrophiques de matériaux, voir la

crue de Brig-Gils en 1993 (Bezzola et al, 1994).

3.3.3 Laves torrentielles

Le charriage excédant est à l'origine des laves torrentielles. Les laves torrentielles

sont des écoulements biphasiques (eau-matériaux solides) à haute vitesse qui se déplacement

par vagues. D'importantes concentrations des matériaux solides et des

vitesses élevées dans les laves torrentielles sont à l'origine des forces gigantesques

qui rendent ce processus très dangereux.

3.4 Objectifs de protection

Les objectifs de protection sont différenciés selon diverses catégories d'objets et leur

vulnérabilité (cf. chapitre 1.2). Le débit de dimensionnement est adapté aux diverses

catégories d'objets à protéger et se situe entre la limite de dommages et la limite de

dangers (cf. Fig. 1.3). La protection totale doit être garantie jusqu'à la limite de dommages.

Pour la limite de dangers, la protection ne prévient que les dégâts catastrophiques

par des mesures considérées comme raisonnables. La figure 3.6 montre

l'exemple de la matrice générale pour la mise en place d'une protection différenciée

contre les crues pour le Rhône dans le cadre de la 3 ème correction du Rhône en Valais.

Fig. 3.6: Matrice générale pour la mise en place d'une protection différenciée contre

les crues pour la 3 ème correction du Rhône en Valais.

Le débit de dimensionnement doit être évacué aussi pour tous les scénarios imaginables

de transport par charriage. L'apport du charriage est moins fonction de la

pointe de débit que du volume de la crue. Pour procéder à l'analyse du risque dû au

charriage, une statistique des volumes de crues est indispensable.

L'apport du charriage dans un tronçon dépend d'une part de la capacité de transport

du cours d'eau et d'autre part du potentiel des matériaux disponibles dans le bassin

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


38 Aménagements de cours d'eau

versant (cf. Fig. 1.3). Souvent, le potentiel de transport dépasse la quantité des matériaux

à charrier dans d'une rivière.

Le potentiel de charriage d'un bassin versant dépend tout d'abord des dépôts de

matériaux dans le lit du cours d'eau mais aussi des conditions géologiques et de la

topographie proche du lit.

Le charriage peut être initié par les processus suivants (Bezzola et al. 1996):

Nettoyage / lavage des dépôts dans le lit: par rapport à la granulométrie du lit.

Les dépôts sont composés de matériaux relativement fins, déposés lors de la décrue.

Erosion verticale:

Erosion de la couche de pavage et mouvement de gros blocs.

Erosion latérale:

Déstabilisation des rives et talus.

Apport des confluents:

Par transport du charriage ou par des laves torrentielles.

Rupture des ouvrages de protection:

Mise en mouvement abrupte des matériaux suite à la rupture des barrages en torrent.

Divers scénarios des apports de charriage résultent d'une analyse de la capacité de

transport et de l'inventaire des sources du débit solide.

3.5 Planification des mesures

Le charriage joue un rôle important dans le choix des mesures de protection. Selon

la loi fédérale sur l'aménagement des cours d'eau, les mesures visant l'entretien du

cours d'eau ont la priorité. Les mesures de protection constructives proprement dites

viennent ensuite (Fig. 3.7).

Entretien des cours d’eau

Mesures d’aménagement

du territoire

Mesures de

protection

constructives

Fig. 3.7:

Trois niveaux de mesures de protection et leurs priorités.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 39

3.5.1 Entretien des cours d'eau

L'entretien des cours d'eau a un caractère préventif; il s'agit de conserver la capacité

hydraulique du lit d'un cours d'eau et de maintenir l'efficacité des ouvrages de protection

(OFEG, 1995). L'entretien comprend notamment l'enlèvement des buissons et

des arbres qui rétrécissent le profil d'écoulement en mettant en péril la stabilité des

ouvrages de correction, l'évacuation des bois morts hors de la zone d'action de la

crue, l'enlèvement de dépôts alluvionnaires, la vidange des dépotoirs et la réparation

des petits dommages subis par les ouvrages de correction. Ces travaux d'entretien –

tâche permanente – doivent tenir compte des intérêts de la protection de la nature et

de la pêche. Même minutieusement accompli, l'entretien ne pourra éviter la limitation

de la longévité de certains ouvrages de protection. Des contrôles périodiques de l'efficacité

des ouvrages de protection permettront de déceler d'éventuels points faibles

avant qu'un sinistre ne survienne (p.ex. instabilité de vieilles digues).

3.5.2 Mesures d'aménagement du territoire

Lorsque le charriage est à l'origine de processus dangereux, le danger est

particulièrement prononcé et les mesures d'aménagement du territoire deviennent

une nécessité. Dans les zones présentant des risques de dépôts des matériaux

solides ou des laves torrentielles, l'interdiction de construire est souvent la seule

mesure appropriée. Dans certains cas, des mesures visent la protection localisée

d'objets ou limitent le droit d'utilisation des terrains (comme par exemple places de

camping proches des cours d'eau!). Le but des mesures d'aménagement du territoire

est de limiter les dommages potentiels. Les cartes de dangers servent de base

légale (OFEG, 1997).

Il est important de prendre également en compte les aspects relevant de l'économie

publique (pesée des intérêts). Les cantons sont tenus d'élaborer des cadastres et

cartes de dangers et d'en tenir compte dans leurs plans directeurs et d'affectation. En

principe, aucune indemnité n'est accordée pour la mise en place des mesures de

protection des ouvrages et des installations aménagés dans des zones désignées

comme dangereuses ou sur les territoires réputés dangereux. Des dérogations à ce

principe sont toutefois possibles dans les cas d'agglomérations existantes, situées

dans des zones dangereuses et dont la protection est requise dans l'intérêt général

ou dans les cas de constructions et d'installations liées à un site.

3.5.3 Mesures de protection constructives sur les cours d'eau

La présence du charriage pendant les crues peut souvent amener à des situations

où des crues ne sont pas provoquées par l'excès d'eau mais par l'excès du transport

solide ainsi que l'attaque et l'érosion intensives des rives par l'écoulement chargé en

matériaux solides. De même que pour la protection contre l'excès de l'eau (cf. 1.3.3),

les meures constructives servant à maîtriser l'excès du transport solide peuvent être

classées en celles visant la rétention, la déviation et la transition du charriage.

3.5.3.1 Rétention du charriage

La rétention du charriage est possible soit dans le bassin versant soit dans le cours

d'eau lui-même:

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


40 Aménagements de cours d'eau

mesures appliquées dans le bassin versant telles que par exemple la

stabilisation des sources de matériaux solides à l'aide du reboisement, méthodes

issues du génie biologique, installation de caissons en bois, de parois

en caissons, etc.

mesures le long et dans le cours d'eau: aménagement de dépotoirs, barrages

de retenue, barrages en torrent.

Il faut savoir que la rétention du charriage est une entreprise plus difficile que la rétention

de l'eau elle-même. Les dépotoirs ne se vident pas automatiquement comme

les bassins de rétention d'eau; ils doivent être vidés mécaniquement après chaque

événement. De plus, une transition dosée du charriage vers l'aval des dépotoirs est

difficile à réaliser; on doit donc s'attendre à l'apparition de l'érosion du lit à l'aval des

dépotoirs due au déficit de matériaux.

Les dépotoirs les plus efficaces sont des tronçons de cours d'eau naturels ayant une

grande capacité de stockage du charriage. Il est alors impératif de veiller à préserver

ces tronçons naturels tout particulièrement ceux situés à l'amont des tronçons

corrigés et canalisés à capacité de transport limitée. Ils permettent également de laminer

les pointes de crues.

3.5.3.2 Déviation du charriage

Les ouvrages de dérivation des crues et en même temps du charriage sont plutôt rares.

Dans cas des galeries de dérivation, il faut éviter le tranist du charriage qui provoque

l'abrasion du radier. De plus, la séparation du charriage entre le lit principal et

l'ouvrage de dérivation est difficile à réaliser sans dépotoir.

3.5.3.3 Transition du charriage

Dans la plupart des cas le charriage doit transiter dans le cours d'eau et les mesures

appropriées doivent être utilisées pour faciliter ce transit.

Ces mesures ont pour but de limiter l'alluvionnement et dans la mesure du possible

doivent permettre d'éviter les érosions dangereuses.

Les mesures les plus importantes empêchant la formation d'alluvions sont les suivantes:

agrandissement de la section afin d'éviter le déversement latéral en cas d'alluvionnement

du lit;

augmentation de la capacité du transport, conduisant normalement à la création

de sections assez étroites combinées avec les lits fixes (p. ex. revêtement

en pierres taillées pour les torrents). Afin de tenir compte des contraintes

écologiques, les lits fixes ne sont pas réalisés pour de grandes rivières.

Les alluvionnements proches des ponts sont particulièrement dangereux. Les mesures

visant à éviter l'obstruction des ponts par le charriage ou par les corps flottants

peuvent être résumées comme suit:

garantir une section de passage suffisante;

favoriser l'écoulement en charge au-dessus des ponts par l'installation de parois

de guidage latérales et des parapets ( la vitesse d'écoulement et par

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 41

conséquent la capacité de transport par charriage sont augmentées) (Jäggi et

al. 1987);

profiter de l'affouillement en courbe qui accroît la surface de la section au-dessous

du pont ( la fondation du pont et les rives à l'amont doivent résister à

ces érosions locales) (Schleiss, 1996).

Les érosions peuvent être aussi dangereuses que les alluvionnements. L'augmentation

de la section du cours d'eau par les érosions est, en principe, un phénomène

positif. Toutefois, les érosions peuvent endommager les ouvrages de protection des

rives et les infrastructures proches des rives. Comme déjà mentionné (cf. 3.3.1), on

distingue entre l'érosion verticale et horizontale.

Les érosions verticales apparaissent dans des tronçons de cours d'eau où l'apport du

transport solide est inférieur à la capacité de transport si le lit est mobile. La résistance

du lit contre les érosions peut être garantie par les mesures suivantes:

couche de pavage artificiel (en augmentant le diamètre moyen des sédiments

par implantation de gros blocs, revêtement par granulométrie grossière);

seuils (points fixes du lit), barrages en torrent;

traversées;

rampes de blocs;

élargissement local du cours d'eau (Zarn, 1993);

stabilisation avec des éléments en béton (prismes, tétrapodes, etc.) (Schleiss

et al. 1998).

Les érosions latérales ne peuvent être maîtrisées qu'avec des ouvrages de protection

tels que par exemple des enrochements, épis ou murs de protection combinés

avec des mesures du génie biologique.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss



Aménagements de cours d'eau 43

4 Interaction de l’écoulement avec la végétation riveraine

4.1 Introduction

Les cours d’eau naturel ou revitalisé sont caractérisés par une végétation riveraine

qui influence l’écoulement en fonction de leur densité, rigidité et degré de

submersion [49].

Dans le cas de profils combinés, la végétation est surtout présente dans les lits

majeurs. La résistance exercée par la végétation riveraine sur l’écoulement dépend

avant tout de la hauteur, de l’âge, de la densité de la végétation mais également de

la saison.

Il y a une distinction entre végétation flexible et rigide. La végétation flexible est pliée

par l’écoulement et même mise en oscillation. L’écoulement contourne, traverse ou

submerge la végétation. En cas de submersion, la végétation est souvent traitée

comme élément de rugosité de surface. La traversée ou le contournement de la

végétation se traduit par une force de résistance à l’écoulement. Dans le cas d’une

végétation flexible, cette résistance s’adapte aux conditions de l’écoulement. La

végétation rigide, comme des grands arbres, sont des obstacles proprement dit à

l’écoulement.

Les arbustes à faible hauteur et l’herbe sur les rives sont déjà pliés et submergés par

de faible hauteur d’eau. Une telle végétation pliée se comporte hydrauliquement

comme une surface rugueuse en dessus du lit ou berge.

4.2 Végétation rigide

La végétation rigide est contournée par l’écoulement et fait ainsi obstacle à

l’écoulement.

En considérant un tronçon d’une rivière I v avec une végétation riveraine caractérisée

avec n arbres ou arbustes (Figure 4.1) dont chacun produit la force de résistance

(traînée) suivante :

F

v

i

g CT

, i

AV

, i

(4.1)

2g

T , i

2

avec

C

T , i

: coefficient de traînée pour arbre ou arbuste i

A V,i : section s’opposant à l’écoulement pour arbre ou arbuste i

: vitesse d’approche à l’amont d’un un arbre ou arbuste

v i

Puisque la vitesse d’approche v i ne peut pas être déterminée pratiquement, il est

recommandé de prendre des valeurs moyennes [50] :

C T = 1.5 et v = Q/A

avec A : section sans végétation


44 Aménagements de cours d'eau

v A F T,1

F T,2 F T,i

A

l v

Fig. 4.1 : Section longitudinale avec végétation riveraine rigide (au total n éléments

de végétation)

A part la résistance de la végétation, les berges ou le lit rugueux freinent

l’écoulement par une force de cisaillement :

F

R

I

I

(4.2)

P

V

avec

g R h

J

I p : périmètre mouillé

R h : rayon hydraulique

J : pente de frottement

En admettant un écoulement uniforme et stationnaire selon la formule de Strickler, la

contrainte de cisaillement devient

2

v

g

(4.3)

2 1/ 3

k St

R h

La dynamique des forces accélérant (gravité) et freinant (rugosité, végétation),

l’écoulement donne

2

n

2

v

v

g A IV

J g IP

IV

g CT

A

2 1/ 3

V , i

(4.4)

k R

0 2g

St

h

La résolution de cette formule pour la vitesse moyenne selon la formule de Strickler,

en définissant un coefficient de Strickler tenant compte de la végétation rigide k St,V et

une densité de la végétation hydrauliquement effective D v,hy peut être obtenu par les

équations suivantes :

v

2 / 3 1/ 2

St, V

Rh

J

k

(4.5)

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 45

kSt

k

St,

V

(4.6)

1/ 2

2

1/ 3

kSt

1

D

V , hy

Rh

2

g

P

h

CT

AV

, i

0

DV

, hy

I I

(4.7)

V

La densité de la végétation hydrauliquement effective D V,hy varie fortement selon le

type de la végétation (Figure 2).

1a : Fruitiers peu dense

1b : Fruitiers dense

2 : Saules

3 : Arbres et saules

4a : Chênes, cyprès et

gommiers en été

4b : Chênes, cyprès et

gommiers en hiver

5 : Millet

6 : Froment, blé

Fig. 4.2 : Densité de la végétation hydrauliquement effective obtenue par des essais

pour différents types de végétation [49].

La végétation rigide peut être caractérisée par la variable

2

1/ 3

kSt

Rh

DV

, hy

rigide

(4.8)

2g

et selon la formule de Strickler

k

St,

V

k

St

1

1

rigide

v

v

sv

(4.9)

avec k St,V

v sV

: coefficient de Strickler tenant compte de la résistance de la végétation

: vitesse de l’écoulement sans végétation

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


46 Aménagements de cours d'eau

4.3 Végétation flexible

La résistance d’une végétation flexible a été étudiée par Oplatka [51, 52] en faisant

des essais en laboratoire avec des types de saules différents. La végétation est

déformée en fonction de la vitesse de l’écoulement.

Fig. 4.3 : Déformation des saules en fonction de la vitesse de l’écoulement selon

Oplatka [51,52] (gauche : vue de côté ; droite : vue par-dessus)

Basé sur cette étude, Indlekofer [53] donne la force de résistance F T,k d’un élément

de végétation flexible comme suit (Fig. 4.4)

F

T , k

CT

, flex

AV

, flex,

o,

8

k

v

(4.10)

avec C T, flex :

A V,flex,o,k :

coefficient de traînée pour élément de végétation flexible

section s’opposant à l’écoulement par l’élément de végétation

flexible k avant sa déformation (en eau calme)

V

A

F T,1

F T,k

A

l v

Fig. 4.4 : Section longitudinale avec végétation riveraine flexible (au total k éléments

de végétation)

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 47

En analogie à la dérivation pour la végétation rigide (paragraphe 4.2), la dynamique

de force conduit à l’expression suivante pour la vitesse moyenne

2

n

v

g A IV

J g IP

IV

CT

, flex Av

, flex,

o,

k

v

(4.11)

2 1/ 3

k R

0 8

St

h

Avec la définition d’une densité de la végétation flexible hydrauliquement effective

n

CT

, flex

Av

, flex,

o,

k

0

Dv

, hy,

flex

I I

(4.12)

P

V

on obtient l’équation quadratique pour la vitesse moyenne v :

v

2

k

2

St

R

1/ 3

h

D

8.0 g

V , hy,

flex

v

k

2

St

R

4 / 3

h

J

0

(4.13)

La végétation flexible peut être caractérisée par la variable

kSt

DV

, hy,

flex

flexible

(4.14)

1/ 2

16 g R

J

1/ 3

h

La vitesse moyenne selon la formule de Strickler devient ainsi :

v

2

3 1/ 2

flexible 1 k R

2 /

flexible St

h

J

(4.15)

On peut écrire également sur la base de formule de Strickler :

k

St,

v,

flex

k

St

2

flexible 1

flexible

v

v

sV

(4.16)

avec k St,V,flex

k St :

v sV :

: coefficient de Strickler tenant compte de la résistance de la

végétation flexible

coefficient de Strickler sans végétation

vitesse d’écoulement sans végétation

4.4 Végétation mixte (rigide et flexible)

La densité de la végétation mixte hydrauliquement effective correspond à la somme

de la végétation rigide et flexible :

n

P

V

n

CT

, flex

AV

, flex,

o,

k

CT

, rig

Av

, i

0 0

DV

, hy

I I

(4.17)

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


48 Aménagements de cours d'eau

D

V , hy,

flex

DV

, hy,

rig

La dynamique des forces s’écrit :

F

e

FR

FT

, rigide

FT

, flexible

(4.18)

avec

F

F

e

g A I

J

(force de l’écoulement)

V

v

l l

(résistance due à la rugosité de surface)

2

R

g

2 1/ P

kSt

R

3

h

2

FT , rigide

CT, rig

AV,

i

v

2

F

, flexible

CT

, flex A

8

T V , flex,

o,

k

V

v

En utilisant les variables rigide et flexible on obtient

v

2

v

sV

2

1

flexible

rigide

v

sV

v

1

2

rigide

0

(4.19)

avec la solution pour la vitesse moyenne selon Strickler

flexible

flexible

v

v

sV

1

rigide

1

rigide

1

rigide

2

1

(4.20)

avec

v

sV

k

St

R

2 / 3

h

J

1/ 2

Il suit également :

k

St,

V , mix

k

St

v

v

sV

1

flexible

rigide

2

1

1

rigide

1

flexible

rigide

(4.21)

4.5 Découpage des sections pour considérer l’hétéorogénité de

l’écoulement

4.5.1 Origine de l’hétéorogénité de l’écoulement

En utilisant les modèles de calcul traditionnel unidimensionnel, un découpage des

sections s’impose si l’écoulement au travers de la section est fortement inhomogène.

Cette hétéorogénité de l’écoulement se manifeste par exemple dans des cours d’eau

avec profils combinés (lit mineur et lit majeur) (Fig. 4.5 a). Même dans le cas de

profils simples, une grande différence de rugosité entre lit et rives peut provoquer un

écoulement non-homogène. Une telle différence de rugosité est par exemple

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 49

produite par une végétation riveraine (Fig. 4.5 b). Le but du découpage de la section

est d’obtenir des sous-sections dans lesquelles les vitesses peuvent être

considérées plus ou moins comme homogènes. Aux interfaces de ces sous-sections

fictives, des interactions hydrauliques avec un échange d’énergie et de masse entre

les sous-sections voisines se produisent en se manifestant par des tourbillons. Cette

interaction peut être considérée dans des modèles unidimensionnels par une

contrainte de cisaillement fictive T agissant le long de la séparation fictive entre les

divers sous-sections (Fig. 4.5).

Lit majeur

Séparation

fictive

Lit mineur

A Maj

A Min

Lit mineur

Séparation

fictive

A Min

A V

Zone de végétation

Fig. 4.5 : Exemples des profils combinés des cours d’eau

a) Séparation fictive entre lit mineur et lit majeur (seulement à gauche)

b) Séparation fictive entre lit mineur et zone de végétation

(La contrainte de cisaillement fictive T agissant sur la sous-section sur le

lit mineur est considérée dans le calcul hydraulique comme coefficient de

résistance T ou coefficient de frottement équivalent selon Strickler k St, T )

Cette contrainte de cisaillement T freine l’écoulement dans la sous-section avec la

vitesse la plus haute (normalement lit mineur), tandis que l’écoulement dans la soussection

voisine avec, avec une vitesse plus faible (lits mineurs) est accélérée par

celle-ci. Dans le calcul hydraulique, ceci est considéré en négligeant la séparation

fictive pour le rayon hydraulique des zones avec des vitesses plus faibles (par

exemple lits majeurs) que la sous-section voisine.

La séparation fictive la plus simple et la plus fréquente entre des sous-sections est la

séparation verticale (Fig. 4.5).

4.5.2 Considération de la surface de séparation fictive pour le lit mineur selon

la formule Strickler

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


50 Aménagements de cours d'eau

La surface de séparation fictive divise le profil entre le lit mineur et les lits majeurs

avec des vitesses d’écoulement beaucoup plus faibles, comme c’est le cas d’une

végétation riveraine (Fig. 4.5).

Pour le lit mineur, la continuité des surfaces donne

n

A Min

A Min , i

(4.22)

i 1

avec

i,

Min

, ,

1/ 2 i P i

kSt,

i,

Min

J

3 / 2

v

A I

Min

(4.23)

A min,i :

I P,Min,i :

v Min,i :

K St,i :

sous-section du lit mineur

périmètre dans la sous-section i du lit mineur

vitesse dans la sous-section

rugosité selon Strickler dans la sous-section i

Pour la formule de Strickler resp. Darcy-Weisbach, on obtient ainsi

k

I

P,

Min

3 / 2

St,

Min

resp.

I

n

P,

Min,

i

3 / 2

i 1 k St,

Min,

i

(4.24)

n

P, Min

Min,

i

i 1

I

I

(4.25)

Min

P,

Min,

i

Pour la totalité du lit mineur et pour chaque sous-section du lit mineur, la vitesse

correspondante peut être calculée qui doit être identique

v

Min

2 / 3 1/ 2

Min, i

kSt,

Min,

i

Rh,

Min,

i

J

v

(Strickler) (4.26)

resp.

v

Min

v

Min,

i

8 g

Min,

i

1/ 2

R

1/ 2

h,

Min,

i

J

1/ 2

(Darcy-Weisbach) (4.27)

En divisant les équations (4.24) et (4.25) par le quotient droite on obtient les relations

valables pour chaque sous-section :

I

P,

Min,

i

Min,

i

P,

Min,

i

2

k

/ k 3 /

Min

IP,

Min

St,

Min,

i

/ l

P,

Min

St,

Min

I

(4.28)

et

k

St,

Min,

i

k

St,

Min

Min

Min,

i

2 / 3

(4.29)

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 51

En utilisant l’indice T pour la séparation fictive du lit mineur

k

St, Min,

i

kSt,

T

resp.

Min,

i

on obtient la rugosité équivalente de la séparation fictive :

T

k St

k

Min

, , T St Min

T

2 / 3

(4.30)

Selon les équations (4.26) et (4.27), on obtient pour la moyenne pondérée du

coefficient de résistance Min du lit mineur

v

Min

k

St,

Min

R

2 / 3

h,

Min

J

1/ 2

8 g

Min

1/ 2

R

1/ 2

h,

Min

J

1/ 2

8 g

donc

Min

(4.31)

2 1/ 3

k R

St,

Min

h,

Min

et par conséquence le coefficient de frottement correspondant selon Strickler pour la

surface de séparation contre le lit mineur :

k

St,

T

1

T

k

1/ 2

St,

Min

8 g

R

1/ 3

h,

Min

2 / 3

(4.32)

Le coefficient de résistance T de la surface de séparation peut donc être facilement

transformée dans un coefficient de frottement (selon Strickler) correspondant k St,T .

Pour le calcul de k St,T , le coefficient de frottement moyen pondéré sur le périmètre

k St,Min et le rayon hydraulique correspondant R h,Min doivent être déterminés par :

2 / 3

P,

Min

k

St,

Min

(4.33)

n

I

P,

Min,

i

3 / 2

i 1

kSt,

T

R

A

I

Min

h, Min

(4.34)

I

p,

Min

avec

n

I P

I

, Min

i 1

P,

Min,

i

L’équation (4.32) peut être résolue que interactivement car k St,T est également inclus

dans le coefficient de frottement du lit mineur k St,Min selon l’équation (4.33).

Néanmoins, en considérant que

d’itération.

k

St T

kSt,

Min

,

, le résultat est obtenu après peu de pas

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


52 Aménagements de cours d'eau

4.5.3 Méthode de Schröder en utilisant l’approche de Strickler

Sur la base de nombreux essais en laboratoire avec diverses configurations de

section et végétation, Schröder [54] propose pour le coefficient de résistance T de la

surface de séparation

v R

,

hMaj

b

oMin

T

2log

v

, h b

2

, Majeff ,

oMaj T Min

(4.35)

avec (cf. Fig 4.5)

v o,Min : vitesse sur le lit mineur sans interaction avec le lit majeur, resp.

végétation riveraine ( T =0)

v o,Maj : vitesse sur le lit majeur sans interaction avec le lit mineur ( T =0)

h T :

profondeur d’eau à la séparation fictive

b Min : largeur du lit mineur défini par b

Min

AMin

/ hT

largeur de la surface

de l’eau sur lit mineur (sinon la valeur géométrique)

b Maj,eff : largeur effective du lit majeur ou largeur effective de la zone de

végétation

La largeur effective du lit majeur b Maj,eff où la zone de végétation effective dépend de

la largeur de la zone des tourbillons b N à l’aval des éléments de végétation

b

N

a

d 1/ 2

(4.36)

3.2

x P,

m

avec

b N :

a x ,a y :

d P,m :

zone de tourbillons à l’aval des éléments de végétation

espacement des éléments de végétation sur la rive resp. lits majeurs

(x : parallèle à la direction de l’écoulement ; y : perpendiculaire à

l’écoulement)

diamètre moyen de l’élément de végétation

La largeur effective du lit majeur b Maj,eff est ainsi définie par les critères suivants :

b Maj,eff = b N pour b N a y

b Maj,eff = a y pour bN

ay

avec des limites supérieures et inférieures

b A / h

Maj, eff

bMaj

Maj

T

b 0. 15h

Maj, eff

T

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 53

Le rayon hydraulique du lit majeur ou de la zone de végétation riveraine est défini par

R

h, Maj

AMaj

/ IP,

Maj

(I p,Maj : périmètre mouillé du lit majeur)

ou

R

h, V

AV

/ IP,

V

(I p,v : périmètre mouillé de la zone de végétation)

En utilisant la formule de Strickler, le coefficient de frottement correspondant est

obtenu pour la surface de séparation fictive :

k

St,

T

1

v

2log

v

o,

Min

o,

Maj

2

k

8 g

1/ 2

St,

Min

R

1/ 3

h,

Min

2 / 3

(4.37)

avec

k

St, T

kSt,

Min

R

et

h

h,

Maj

T

b

b

Maj,

eff

Min

Le rapport des vitesses v o,Min / v o,Maj se réfère à un cas de référence théorique pour

lequel les interactions aux séparations fictives sont négligées ( T =0). Il s’agit donc de

calculer une vitesse théorique sur le lit mineur et les lits majeurs en négligeant les

interactions entre ses sous-sections. La hauteur d’eau h T à la séparation fictive n’est

donc pas considérée pour la détermination du rayon hydraulique. Pour les lits

majeurs ou les zones de végétation, il suit

v

v

ou

v

o, Maj Maj

(

o,

V V

v

)

Le calcul selon l’équation est interactive car k St,min dépend également de k St,T .

4.6 Approches basées sur des lois de vitesse logarithmique

Les démarches présentées dans les chapitres 4.2 à 4.4 se sont basées sur un calcul

des vitesses selon la formule de Strickler, une simplification acceptable pour la

plupart des cas en pratique. Néanmoins, des analyses plus approfondies devraient

se baser sur des lois de vitesse logarithmique, par exemple selon Keulegan [50] :

Sections compactes, proche d’un demi cercle

v m /v * = 5.75log (14.84R h /k)

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


54 Aménagements de cours d'eau

Sections trapézoïdales

v m /v * = 5.75log (12.27R h /k)

avec

v m :

vitesse moyenne

v * : vitesse de cisaillement R h

J

k : élément de rugosité déterminant (pour lit par exemple k = 1.5 d 90 )

R h :

rayon hydraulique de la section considérée

Sur la base des lois de frottement logarithmiques, plusieurs approches ont été

proposées, par exemple par Pasche [55] et Mertens [56] qui ont été intégrées dans

des directives DVWK en Allemagne [50].

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 55

5 Concept des mesures de protection contre les crues

5.1 Concepts principaux

En général, les mesures de protection contre les crues peuvent être classifiées dans

deux groupes de concepts principaux:

les mesures de protection actives visant à retenir, dévier ou faire transiter les

crues;

les mesures de protection passives, visant à protéger les objets (bâtiments, infrastructures,

etc.) dans les zones d'inondation.

5.2 Rétention des crues

5.2.1 Principe

Dans le cas de rétention des crues, il s'agit de déplacer la zone d'inondation dans

une zone appropriée à l'amont (Fig. 5.1).

Zone d’inondation

Bassin de rétention

Fig. 5.1

Protection contre les crues par rétention: au lieu d'une zone d'inondation

(en haut), un bassin artificiel assure la fonction de rétention des crues (en

bas).

Dans cette zone de rétention, les inondations sont souhaitées pour obtenir une rétention

et par conséquent un laminage de l'hydrogramme de crue.

5.2.2 L'effet de laminage

La rétention des crues dans un bassin versant a pour objectif la réduction des pointes

de crues dans les zones menacées par les inondations au-dessous de la limite

critique (Fig. 5.2).


56 Aménagements de cours d'eau

Débit

HQ

Q e (non laminé)

HQ critique

HQ laminé

Q s (laminé)

Fig. 5.2

Hydrogramme de crues: le volume disponible pour la rétention lamine l'hydrogramme

de HQ à HQ laminé < HQ crit .

Le volume disponible pour la rétention peut être obtenu par la régularisation des lacs

naturels, la création de zones d'épanchement et la construction de bassins de rétention.

dh d

Q Q Q A

(5.1)

dt dt

R

e

s

avec Q : débit laminé

Q e : débit entrant

Q s : débit sortant

A : surface du bassin de rétention (A = f(h))

h : niveau d'eau dans le bassin de rétention

: volume stocké dans le basin

5.2.3 Régulation des lacs naturels

Un lac naturel non régulé, fonctionne comme un volume de rétention s'il peut être

combiné avec le régime du cours d'eau dans le lac. Cette méthode a été appliquée

plusieurs fois en Suisse.

Quelques exemples:

correction de la Linth par la déviation dans le lac de Walensee;

déviation de la Kander dans le lac de Thoune;

correction des eaux de Jura par la dérivation de l'Aare dans le lac de Bienne.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 57

Fig. 5.3

Correction de la Linth: par la dérivation de la Linth dans le lac de Walensee,

la capacité de rétention de ce dernier a pu être mis au profit du

laminage (1807-1816) (Vischer, 1986).

La dérivation des rivières a pu également résoudre le problème du transport solide;

les matériaux solides sont déposés dans un delta.

Un lac qui est déjà traversé par une rivière, peut mettre à disposition un volume de

rétention supplémentaire seulement si son niveau est contrôlé par un barrage de réglage

à son exutoire. Avant la saison de crues, le niveau d'eau dans le lac peut être

abaissé pour créer un volume de rétention suffisant. Les barrages de régulation sont

équipés d'organes de réglage tels que par exemple les clapets, les vannes toits ou

les barrages gonflables. Souvent, les barrages de réglage sont combinés avec des

centrales hydroélectriques (exemple: centrale hydroélectrique du Seujet à Genève

qui contrôle le niveau du lac Léman). Les consignes de manœuvre des vannes doivent

tenir compte des intérêts divers, à savoir la protection contre les crues, la navigation,

les activités sportives et les loisirs.

5.2.4 Mise en exploitation des zones inondables ou d'épanchement

Pour protéger les zones menacées par des inondations et présentent un potentiel de

dégâts important, d'autres zones, plus à l'amont, peuvent être utilisées comme zones

d'épanchement en cas de crue. La mise en exploitation de ces zones inondables se

fait par des mesures qui favorisent le déversement latéral dans ces zones inondables

telles que des rétrécissements locaux du cours d'eau (ponts, orifices) combinés avec

des ouvrages de déversement (déversoirs latéraux, digues submersibles et fusibles)

(Fig. 5.4).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


58 Aménagements de cours d'eau

Rivière

Déversement latéral

dans la zone

d’épanchement

év. canaux de

drainage

Section de contrôle

(par ex. pont)

Fig. 5.4

Création d'une zone d'épanchement par un pont avec un orifice pour réduire

le débit et pour faciliter le déversement latéral dans la zone inondable.

5.2.5 Réalisation des bassins de rétention

Le laminage nécessaire d'une crue peut être garanti par la réalisation des bassins de

rétention artificiels aux endroits appropriés du bassin versant donné. Le bassin de

rétention est composé d'un barrage (barrage en remblai ou en béton) et d'ouvrages

de contrôle (organe de service, évacuateur de crues, vidange de fond).

L'efficacité d'un bassin de rétention est augmentée si ce dernier est situé près de la

zone d'inondation à protéger. Un bassin situé directement à l'amont de la zone

d'inondation est capable de contrôler la totalité du bassin versant; par contre un bassin

placé plus à l'amont ne contrôle qu'une partie du bassin versant (Fig. 5.5).

Bassin 2 Bassin 1 Zone d’inondation

Fig. 5.5

Efficacité des bassins de rétention: Bassin 1 contrôle tout le bassin versant,

Bassin 2 n'en contrôle qu'une partie.

La gestion des bassins de rétention dépend avant tout de leur affectation. Selon le

concept de gestion, un bassin de rétention peut être laissé vide ou rempli. Si la retenue

est vide, couverte de végétation et exploitée par l'agriculture, on parle d'un bassin

vert. Il existe également des bassins de rétention remplis partiellement en permanence.

Le volume de remplissage permanent correspond à la tranche non vidangeable

qui sert de tranche morte pour accueillir des matériaux solides. Ce type de

retenues est appelé zones de détente ou biotope. Dans certains cas, une partie de la

retenue est exploitée pour la production d'énergie ou pour l'irrigation.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 59

Du point de vue de la gestion de crues, on distingue les bassins dont le débit de

sortie est contrôlé par des vannes de ceux dont le débit n'est pas contrôlé par ces

organes.

Dans le cas des bassins non contrôlés par les vannes, le débit de sortie ne dépend

que du niveau dans la retenue. Ce genre de bassins est équipé d'un ouvrage de

contrôle fixe (orifice) qui limite le débit dans le cours d'eau à l'aval d'un bassin et d'un

évacuateur de crues (déversoir) qui empêche le déversement non contrôlé du barrage

en cas de crue extrême. La figure 5.6 montre quelques dispositions possibles

pour les bassins non contrôlés à leurs sorties par des vannes.

Volume de rétention

des crues

Volume de rétention

des crues

Lac permanent

Volume de rétention

des crues

Fig. 5.6

Concept des bassins de rétention non contrôlés par les vannes (Vischer,

Huber, 1993):

a) Bassin sans retenue permanente (bassin vert) créé par une digue avec

un organe de service (orifice – ponceau) suivi d'un bassin amortisseur.

Evacuateur en tulipe pour les crues extrêmes.

b) Ouvrage de contrôle combiné avec un évacuateur de crues ("ouvrage

moine" "Mönchsbauwerk").

c) Bassin avec une retenue permanente, ouvrage de contrôle combiné.

d) Bassin de rétention créé par un barrage-voûte; orifice comme ouvrage

de contrôle, déversoir latéral avec auge comme évacuateur de crues et

galerie d'évacuation.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


60 Aménagements de cours d'eau

Les bassins de rétention non contrôlés à la sortie sont plus fiables puisque le risque

de défaillance des organes de vidange fixes est moins élevé. Toutefois leur efficacité

de laminer les crues est inférieure à celle des bassins contrôlés. L'organe de vidange

– sortie contrôlée par une vanne (Fig. 5.7) – permet la gestion optimale du volume de

rétention. Par contre, les évacuateurs de crues ne sont pas équipés de vannes (déversoir

libre).

Evacuateur de crues

Ouvrage de contrôle, vidange de fond

Lac permanent

Ouvrage de contrôle combiné avec la

vidange de fond ("ouvrage de moine")

Fig. 5.7

Concept des bassins de rétention contrôlés par les vannes:

a) Barrage conventionnel avec un organe de contrôle (vidange de fond)

et un évacuateur de crues (déversoir sur le couronnement).

b) Barrage en remblai avec un ouvrage de contrôle combiné, évacuateur

en escalier (revêtement de la surface).

5.3 Aménagement du cours d'eau

Sous "aménagement du cours d'eau", on entend toutes les mesures qui augmentent

la capacité du cours d'eau et permettent le passage sans danger des hydrogrammes

de crues comme:

Elimination des obstacles à l'écoulement: rétrécissements locaux, végétation,

ponts à faible hauteur et ponceaux à faible capacité.

Agrandissement de la section du cours d'eau par des endiguements (levées),

élargissement et approfondissement du lit (Fig. 5.8).

Augmentation de la capacité par raccourcissement du tracé du cours d'eau et

en même temps agrandissement de la pente du lit (Fig. 5.9).

Réduction de la rugosité du lit.

Diminution de la largeur du lit en combinaison avec l'augmentation de la section

(dragage).

Renforcement du lit et du pied des rives contre l'érosion en cas de contraintes

de cisaillement importantes.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 61

a) b) c)

Fig. 5.8

Agrandissement de la section par a) endiguements/levées; b) dragage et

c) élargissement.

Correction du cours d'eau

Fig. 5.9

Raccourcissement du tracé du cours d'eau par la coupure des méandres.

5.4 Dérivation des crues

La dérivation des crues est réalisée par des ouvrages de dérivation comme des galeries,

canaux ouverts ou découverts. Le but de ces ouvrages de dérivation est de limiter

le débit dans un cours d'eau à une valeur qui ne provoque plus de dommages

en cas de crues. La figure 5.10 montre quelques possibilités principales.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


62 Aménagements de cours d'eau

a)

Ouvrage de dérivation

Q dérivé

Q amont

Q restitué

b)

Q dérivé

Q amont

Ouvrage de dérivation

c)

Q dérivé

Q amont

Q restitué

Ouvrage de dérivation

Fig. 5.10 Possibilités de dérivation des crues.

a) Dérivation par ramification: Le débit Q amont est divisé par l'ouvrage de

dérivation, la pointe du débit de crue Q dérivé est dérivée dans le canal de

dérivation, le débit Q restitué reste dans le cours d'eau.

b) Dérivation dans un cours d'eau dans le même bassin versant.

c) Dérivation dans un cours d'eau dans un bassin versant voisin.

5.5 Mesures de protection passives dans les zones d'inondation

Les mesures de protection passives dans les zones d'inondation comprennent:

les mesures d'aménagement du territoire (cf. 1.3.2 et 3.5.2): interdiction de

construire, prescriptions en matière de mise en culture de zones agricoles;

les services d'alerte et plans d'évacuation avant et pendant les évènements;

services de sauvetage pendant et après les évènements:

planification des mesures visant à protéger des objets (bâtiments, infrastructures)

dans des zones d'inondation: bâtiments sur des remblais, interdiction

d'aménager des espaces habitables au-dessous du niveau de crues, fondations

plus profondes des ouvrages (danger d'érosion), mesures de protection

temporaires (barrières, sacs de sable, etc.).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 63

6 Conception et dimensionnement des mesures de

protection constructives

6.1 Correction des cours d'eau

6.1.1 Changement du tracé, du profil en long et de la section

6.1.1.1 Généralités

Le tracé, le profil et la section, en tant qu'éléments tridimensionnels d'un cours d'eau,

sont liés de manière inséparable. Le changement d'un de ces éléments influence

inévitablement les deux autres puisque ces trois éléments déterminent la capacité

hydraulique et le transport par charriage.

6.1.1.2 Tracé

Le changement du tracé d'un cours d'eau se traduit directement par un changement

de la pente du lit et influence par conséquent la capacité hydraulique et le transport

solide de la rivière.

L'objectif de beaucoup de corrections de cours d'eau effectuées dans le passé était

d'obtenir des tracés étroits et des lits plats. L'intention était de maximaliser la capacité

hydraulique et le transport par charriage afin de minimiser l'emprise du cours

d'eau. En même temps, on voudrait éviter des affouillements profonds dans les courbes

et réduire les forces d'écoulement sur les berges.

Dans la nature, un tel tracé rectiligne n'existe que très rarement. Même des cours

d'eau corrigés se déforment selon des lois de la nature. Un cours d'eau rectiligne

avec un lit plat reste stable seulement dans le cas où la granulométrie du lit est composée

principalement de sédiments grossiers.

Très souvent, on observe la formation de bancs alternés sur les tronçons rectilignes

des cours d'eau corrigés (par exemple dans le Rhin, à l'amont du Lac de Constance).

Les affouillements peuvent menacer la stabilité des berges, mais on peut considérer

que ces bancs augmentent la variabilité des conditions d'écoulement (formation de

rapides) et contribuent à la valeur écologique du site (Fig. 6.1).

rapide

banc

affouillement

Fig. 6.1 Formation de bancs alternés sur un tronçon rectiligne d'une rivière

corrigée (Jäggi, 1999).


64 Aménagements de cours d'eau

L'influence des bancs alternés sur le frottement du lit et sur les pertes de charge

pendant le passage de crues est négligeable. Mais dans le cas des débits moyens et

d'étiage, les bancs influencent considérablement l'écoulement et la capacité de

transport par charriage.

Le critère de la formation de bancs alternés dans un cours d'eau pour un débit donné

est défini par la formule suivante (Jäggi, 1983, 1999)

0.15

2.93 3.13

Z (6.1)

h

J

avec

( s1) dm cr

B

J

B

( s1)

d

Z

B

B/

d

B

m

m

cr

B

La raison de la formation de ces bancs semble être inhérente à l'écoulement, par

exemple par déformation périodique de la vitesse à cause des macroturbulences.

L'apparition des bancs différés peut être également estimée par la figure 6.2 en fonction

de la pente du lit J, de la largeur du lit B et du diamètre des grains d m .

J

[% ]

10

8

6

4

2

1

Matériaux du fond

uniformes

Matériaux du fond

répartis selon Fuller

Domaine sans

formation de bancs

Matériaux du fond

répartition log-normale

l

domaine de

formation de

bancs

1 2 3

10 10 10

Z = B / d

B

10 4

Fig. 6.2 Formation de bancs alternés sur un tronçon rectiligne d'une rivière

corrigée en fonction de la pente du lit (Jäggi, 1999).

Sous certaines conditions, des méandres très réguliers se forment dans les cours

d'eau naturels. La longueur des ondes (Fig. 6.3) peut être estimée par la formule

suivante (Jäggi, 1999)

10 B

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 65

a

Fig. 6.3

Méandres définis par la longueur de l'onde et l'amplitude a (Jäggi,

1999).

Pour des rivières raides avec un transport de gravier ou de sable, plusieurs lits peuvent

se former dans les cas où le lit est large et le débit important. On parle alors des

rivières en tresse ou des lits multiples.

Une grande largeur (due soit à une forte pente, soit à une tendance accentuée au

dépôt) rend un chenal unique instable et favorise la formation d'un chenal en tresse.

A première vue, ces formes ont l'air chaotique. Pourtant, il semblerait que pour un

débit constant, la formation de bancs médians serait assez régulière, mais qu'en

somme chaque débit continue à sculpter le lit ce qui crée une superposition des

bancs et chenaux multiples à différentes échelles (cf. Fig. 6.4).

Dans les limites du possible, les projets de correction des cours d'eau devraient

suivre aujourd'hui les tracés naturels des cours d'eau.

Fig. 6.4

Rivières en tresse: formation régulière de bancs pour le débit constant et

l'effet des débits variables (Jäggi, 1999).

6.1.1.3 Section

La section d'une petite rivière est souvent proche d'un canal trapézoïdal mais elle

possède des pentes de talus variables le long du tracé (Fig. 6.5).

En principe, pour de grandes rivières, le régime de l'écoulement est très variable

accompagné de périodes d'étiage et de fortes crues. Toutes ces conditions de sections

combinées conviennent à des lits majeurs et des lits mineurs. Dans certaines

limites, les lits mineurs, rarement inondés, peuvent être couverts de végétation (év.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


66 Aménagements de cours d'eau

d'alluvions) ou utilisés comme terrains agricoles. Le transport solide ne doit être garanti

que par le lit majeur.

a) b)

c)

Fig. 6.5 Sections des rivières corrigées: a) section proche d'un trapèze; b) section

avec chenal d'étiage; c) profil combiné d'un lit mineur et des lits majeurs.

6.1.1.4 Profil en long

Le profil en long est fixé par les limites amont et aval d'un tronçon de correction.

Souvent les points fixes, tels que les seuils rocheux ou artificiels ainsi que les infrastructures,

ne laissent pas une grande liberté pour le choix du profil en long dans

le cadre d'un projet de correction.

6.1.2 Endiguements

La hauteur des digues est donnée par la capacité hydraulique nécessaire et le transport

par charriage. Une revanche doit être considérée par rapport aux différents niveaux

de crues pour tenir compte des vagues et des courbes de remous locales. La

revanche est donc directement liée à la valeur de la vitesse à travers v 2 /2g. Pour des

vitesses d'écoulement faible (< 2 m/s), une revanche minimale de 0.5 m est recommandée.

Pour des vitesses élevées, des valeurs de 1 à 1.5 m sont utilisées.

Pour garantir l'accès permettant l'entretien du cours d'eau, la largeur du couronnement

des digues devrait être de 3.0 m au minimum. Les pentes de talus des digues

utilisées dans le projet de correction varient entre 2 : 3 et 1 : 2. Ces pentes garantissent

normalement une sécurité suffisante au glissement et à la boulance.

En règle générale les digues sont construites comme des digues homogènes. La

stabilité doit être contrôlée en considérant la percolation à travers la digue. Pour limiter

l'influence sur la nappe phréatique et pour accueillir les confluents, les digues

doivent être combinées avec des contre-canaux (Fig. 6.6).

canal de drainage

limitation du niveau

de la nappe supérieure

Fig. 6.6

Lignes équipotentielles de l'écoulement souterrain autour d'un canal

équipé d'un contre-canal

Les racines de grands arbres et les rongeurs (rats, etc.) peuvent créer des cavités

dans les digues et favoriser ainsi l'érosion interne.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 67

6.2 Mesures de protection des rives

6.2.1 Enrochements pour les rivières en montagne

6.2.1.1 Introduction

Les rives des rivières de montagne sont souvent protégées contre l'érosion latérale

par des enrochements. Les rivières de montagne se caractérisent par des pentes du

lit raides et des courants à haute vitesse. Dans ces conditions, la résistance suffisante

contre l'érosion ne peut être garantie que par des enrochements si le poids des

blocs utilisés est assez élevé. Le poids nécessaire des blocs peut atteindre plusieurs

tonnes. Pour des raisons de construction, les blocs de cette taille ne peuvent pas

être mis en place en remblai, une pose bloc par bloc est nécessaire (Fig. 6.7).

Fig. 6.7: Pose mécanique des

blocs d'un enrochement

(poids des blocs

4 – 4.5 t)

On obtient ainsi un revêtement des rives par blocs avec des joints relativement petits.

Ce type de revêtement qui ressemble beaucoup à une combinaison d'empierrements

réguliers différents d'un enrochement en remblai. Toutefois, en raison de la

taille de ces blocs, la rugosité de surface correspond à celle d'un enrochement en

remblai. Le dimensionnement et la conception des enrochements construits dans les

rivières de montagne par la méthode de pose de blocs en pierre, présentent quelques

particularités par rapport aux enrochements en remblai dans les rivières en

plaine qui sont discutées aux paragraphes suivants.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


68 Aménagements de cours d'eau

6.2.1.2 Dimensionnement des enrochements construits par pose de gros blocs

Il existe plusieurs méthodes de dimensionnement pour les enrochements en remblai

avec des blocs relativement petits (Maynord et al., 1989; Isbash, 1935). Ces méthodes

ne sont pas applicables aux enrochements par pose de gros blocs sur les rives

des rivières de montagne.

Dans le cadre de la réalisation des mesures de protection dans la vallée de Reuss,

en Suisse centrale, de très bonnes expériences ont été faites avec la méthode de

Stevens et al. (1976). Elle a été appliquée pour analyser le comportement des enrochements

et leur stabilité. En particulier, la résistance des enrochements calculée, a

été confirmée par les résultats des essais sur modèles physiques (Schleiss, 1996;

Jäggi et al. 1996).

Pour le dimensionnement, Stevens et al. (1976) proposent la démarche suivante:

calculer tout d'abord le coefficient adimensionnel qui est égal au rapport de la

contrainte de cisaillement existant et la contrainte de cisaillement critique cr :

0.

77 h J

(s 1)

cr d B

avec h: profondeur de l'eau (au-dessus des blocs)

J: pente moyenne du lit

s: B / E = 2.65

d B : diamètre moyen du bloc

cr : contrainte de cisaillement adimensionnelle critique

cr

(6.2)

Avec un facteur 0.77, on considère que la contrainte de cisaillement est plus petite

au pied de l'enrochement qu'au milieu de la rivière. Pour des blocs de grande taille

cr peut prendre des valeurs qui dépassent souvent nettement la valeur maximale

selon Shields (0.05) (Jäggi, 1983). De plus, le lit des rivières de montagne est souvent

stabilisé par des blocs résiduels (blocs d'éboulement ou blocs erratiques), formant

un profil en long en escalier. Ce profil en escalier réduit la pente locale déterminante

pour le dimensionnement des blocs. Cette pente réduite peut être considérée

en approximation en augmentant la contrainte de cisaillement critique cr . Par

expérience en prenant cr = 0.1, on tient compte de ces effets pour des rivières de

montagne à pentes importantes.

Pour le coefficient on obtient ainsi:

7.

7 h J

(6.3)

(s 1)

Selon Stevens et al. (1976) la sécurité de l'enrochement est déterminée ensuite avec

d B

et

S

m

(6.4)

cos

tan

S m (6.5)

tan

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 69

S

S

m

2

4 -

2

où : talus de la rive protégée (tan = 1 : m)

(6.6)

: angle d'équilibre du talus de l'enrochement sans écoulement

L'angle d'équilibre du talus, sans écoulement, pour des gros blocs (> 1 t), est

considérablement plus grand que celui des enrochements en remblai (< 0.5 t). Théoriquement,

des gros blocs pourraient être posés presque verticalement. Néanmoins,

en pratique, pour le dimensionnement des blocs de grande taille à angles vifs, des

angles de 50 o (> 1 t) à 60 o (> 2 t) sont conseillés.

Exemple de dimensionnement:

Pour une pente du lit de 4%, cr = 0.1, s = 2.65 et = 60 o , on obtient, selon la méthode

de Stevens et al. (1976), les coefficients de sécurité suivants en fonction de la

profondeur d'eau et de la taille des blocs:

Diamètre moyen des blocs 1.50 m 1.20 m

Poids des blocs 4.0 – 4.5 t 2.0 – 2.5 t

Profondeur d'eau Sécurité Sécurité

1.0 m 2.12 2.02

2.0 m 1.76 1.61

3.0 m 1.48 1.31

4.0 m 1.26 1.09

5.0 m 1.09 -

5.5 m 1.02 -

Selon la période de retour des crues de dimensionnement, on exige des coefficients

de sécurité de 1.0 (crues rares, extrêmes) à 1.3 (crues fréquentes). Dans la partie

supérieure de la rive, la taille des blocs peut être réduite selon la profondeur de l'eau

(plus ou moins élevée) – Figs. 6.8 et 6.11.

HHQ

Poids du

bloc réduit

HQ 10 - HQ 20

Géotextil

Tapis des blocs/

Protection contre l'affouillement

Fig. 6.8:

Enrochement par pose avec une seule couche et protection contre l'affouillement

au pied

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


70 Aménagements de cours d'eau

6.2.1.3 Protection contre l'affouillement

La sécurité à l'affouillement est déterminante pour la résistance à l'érosion des enrochements.

Les enrochements protègent la rive extérieure dans les tronçons-courbes

ou les rives de choc. La sécurité à l'affouillement est garantie d'une part par une

profondeur suffisante de la fondation des blocs de pied et d'autre part par des tapis

de blocs (Fig. 6.8). Dès que le processus de l'affouillement commence, les blocs de

tapis glissent immédiatement dans la fosse d'érosion et retardent ainsi l'affouillement.

La profondeur nécessaire de la fondation du pied de l'enrochement ou l'épaisseur

nécessaire du tapis dépendant de la profondeur attendue d'affouillement. Pour son

estimation, plusieurs théories existent. Par exemple, l'affouillement à l'extérieur des

tronçons-courbes peut être estimé selon Kikkawa et al. (1976), et celui causé par un

écoulement méandrant, selon Jäggi (1983) et Zarn (1997). L'expérience montre que

pour des tronçons presque rectilignes une profondeur de fondation correspondant

approximativement à 2 fois le diamètre des blocs de pied, devrait être suffisante.

a) Estimation des affouillements à l'extérieur des tronçons-courbes

L'écoulement secondaire dans les courbes est à l'origine du transport de matériaux

de l'extérieur de la courbe vers la rive intérieure. Il en résulte une érosion locale à

l'extérieur et des dépôts (bancs de sable/gravier) à l'intérieur de la courbe.

S

h m

S

h m

Fig. 6.9: Affouillement à l'extérieur d'un tronçon-courbe dans le cas des rives

verticales ou inclinées vers l'aval.

La plupart des formules servant à l'estimation de la profondeur maximale de l'érosion

à l'extérieur de la courbe ont la structure suivante:

k

R

i

S hm

Rm

et

(6.7)

hm

sin k R

avec S : profondeur de l'érosion mesurée à partir de la surface de l'eau

h m : profondeur d'eau moyenne

R i : rayon local

R m : rayon moyen

sin β : pente transversale locale du lit

i

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 71

L'exposant k selon l'approche de Kikkawa (1976) vaut:

avec

k (2.575 c 4.078)

(6.8)

θ : facteur de Shields (contrainte de cisaillement adimensionnelle)

hm

J

( s1)

d

m

c v

m

/ V* , v

*

g hm

J (vitesse de cisaillement)

Dans le cas des rives inclinées, la profondeur maximale est obtenue au point d'intersection

du lit avec la rive (calculé avec les formules 6 et 7) (Fig. 6.9 à droite).

Dans le cas des rivières en montagne avec une granulométrie étendue et grossière,

la formule selon Bridge [47], modifiée par Hersberger [48] donne des meilleurs

résultats :

dhs

hm

Rc

hs

sin

0.394 11

23 tan

(6.9)

dr B B r

avec : transversal pente du lit

h m : profondeur moyenne de l’eau

B : largeur de la section

R c : rayon de la courbe sur l’axe

: angle de frottement des matériaux du lit (30° à 35°)

h s : profondeur d’eau locale jusqu’au lit érodé / alluvionné

r : rayon variable

b) Estimation des affouillements causés par un écoulement méandreux

Si dans un tronçon plus ou moins rectiligne, des bancs alternés se forment, les rives

situées en face de chaque banc sont également menacées par des érosions locales.

Ces affouillements causés par des écoulements méandreux entre les bancs de graviers/sable

peuvent être estimés par les formules suivantes (Jäggi, 1983; Zarn,

1997):

Profil rectangulaire:

Profil trapézoïdal:

S h

m

B

S h

(6.10)

m

B

/ d 0. 15

6

m

B

2 n( S

hm

)

B2 n( Sh

)

m

6

dm

avec S : profondeur de l'érosion mesurée à partir de la surface de l'eau

h m : profondeur d'eau moyenne

B : largeur du lit

d m : diamètre moyen de la granulométrie du lit

n : pente de talus de la rive (1 : n)

0.15

(6.11)

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


72 Aménagements de cours d'eau

6.2.1.4 Aspects constructifs

Choix du tracé et pentes des talus

Même dans le tronçon rectiligne d'un cours d'eau, l'enrochement ne devrait pas être

aligné géométriquement, mais de manière légèrement ondulée (Fig. 6.10). La ligne

du pied et la limite inférieure de l'enrochement devraient se situer dans une bande

correspondant à 1 à 2 fois la hauteur de l'enrochement. En même temps, une variation

irrégulière des talus entre les parties raides (max. 4:5) et à faible pente (jusqu'à

1:2) est souhaitable. Le choix du tracé et des pentes de talus variées présente les

avantages suivants:

l'impression d'une mesure de protection de rive très géométrique et monotone est

diminuée en faveur d'une rive plus naturelle;

la rugosité de la rive est augmentée grâce à sa forme non uniforme qui, en même

temps, contribue à réduire le danger d'affouillement du pied;

les baies ainsi créées peuvent servir de refuge aux poissons pendant les crues.

Pied du talus

de l'enrochement

Lit

Fig. 6.10:

Remblai

Ligne ondulée du pied du talus d'un enrochement dans un tronçon rectiligne

d'une rivière (pente du talus 2:3)

Les blocs ne doivent pas être posés de telle manière à ce que la surface soit relativement

lisse. Les blocs sont placés de façon à obtenir une rugosité de surface

maximale. Toutefois, les blocs ne doivent pas être posés tant que leur diamètre

maximal soit posé perpendiculairement au talus (Fig. 6.11).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 73

surface

trop lisse

blocs posés

défavorablement

blocs posés

favorablement

Fig. 6.11:

Rugosité de surface des enrochements (selon la manière de pose)

Possibilités d'augmentation de la résistance

En considérant que la taille maximale des blocs extraits des carrières à poser dans

des cours d'eau est de 6 à 7 tonnes (maniabilité), on constate qu'en cas de fortes

pentes (> 4%) et de profondeurs d'eau considérables (> 5 m), les coefficients de sécurité,

selon l'équation (5), atteignent difficilement 1.0. Pour garantir plus de sécurité,

l'enrochement peut être réalisé en deux couches (Figs. 6.11 et 6.12). Le gain de sécurité

grâce à cette deuxième couche est difficile à quantifier, néanmoins les essais

sur modèle physique indiquent que la sécurité augmente de 30 à 50%.

Dans la partie supérieure du talus, où l'eau est moins profonde, un enrochement

composé d'une seule couche est suffisant. Cette partie du talus se prête bien à être

recouverte avec du terrain meuble sur lequel une végétation adéquate sera ensuite

plantée (Figs. 6.12 et 6.13).

Si, pour des raisons de construction, il est impossible d'atteindre un coefficient de

sécurité de 1.0 au pied de l'enrochement, un couplage des blocs par câbles en acier

peut être envisagé (Figs. 6.12 et 6.13). Toutefois, il faut rester attentif à ce que la

liaison par câbles entre les blocs ne soit pas trop rigide et tendue. Il est recommandé

de coupler les blocs plutôt en groupes de 4 à 8 blocs avec des liaisons fixes aux premier

et dernier blocs et une fixation glissante, avec des anneaux entre les blocs du

milieu (Fig. 6.12). Pour des enrochements à deux couches par exemple, un guidage

du câble en spirale dans la direction longitudinale entre la couche inférieure et supérieure,

s'est avéré en pratique être une bonne solution. La couche supérieure doit

être posée de telle manière à ce que les fixations soient orientées vers les joints et

que les câbles en acier ne soient pas visibles.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


74 Aménagements de cours d'eau

HHQ

poids réduit

du bloc

HQ 10 - HQ 50

géotextil

Fig. 6.12:

blocs du pied couplés

avec des câbles en acier

tapis des blocs / protection

contre l'affouillement

Enrochement posé en deux couches (pente de talus 4:5 en bas, 2:3 en

haut dans la partie avec une couche). Les blocs du pied sont liés entre

eux par des câbles en acier.

La pose des blocs dans un lit de béton maigre et le remplissage des joints entre les

blocs également avec du béton sont en principe déconseillés. D'une part, ce genre

de mesures de protection empêche la végétation de se développer et d'autre part les

blocs liés avec du béton créent un élément en forme de dalle qui, une fois exposée à

la pression dynamique de l'eau, peut être facilement emportée par l'écoulement. Un

enrochement noyé dans le béton est rigide et par conséquent plus sensible aux affouillements

car les blocs ne peuvent pas glisser dans la fosse potentielle d'érosion

et retarder ainsi le processus de l'érosion.

Les points d'un enrochement les plus exposés à l'érosion sont ses extrémités amont

et aval. Le plus souvent, la détérioration d'un enrochement est tout d'abord observée

à son extrémité amont pour être poursuivie vers l'aval. Un encastrement suffisamment

profond de l'enrochement dans les rives à ses deux extrémités est alors indispensable.

Cet encastrement est le plus efficace s'il est réalisé avec une tranchée

remplie de blocs sur toute la hauteur de l'enrochement.

Protection des enrochements contre l'érosion interne et le lavage de la fondation

L'utilisation de gros blocs exige des joints relativement larges. A travers ces joints,

non étanches, les matériaux meubles de la fondation peuvent être exposés à l'érosion,

subir des transformations et être emportés par l'écoulement. Par conséquent, la

stabilité de l'enrochement est mise en danger. Le lavage et l'érosion internes peuvent

être évités si l'enrochement est posé sur une couche filtre. Pour des raisons pratiques,

les géotextiles sont d'habitude utilisés comme filtres (Fig. 6.13). Une fois l'enrochement

couvert par la végétation, les racines reprennent la fonction de protection

contre l'érosion interne.

6.2.1.5 Aspects écologiques et paysagers

Le choix d'un tracé varié et de pentes de talus variables est déjà un bon pas vers une

intégration satisfaisante de l'enrochement dans le paysage. La végétation des rives

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 75

constitue un autre élément important. La croissance de la végétation riveraine peut

être favorisée en recouvrant l'enrochement avec du terrain meuble et de la terre végétale

jusqu'au niveau d'une crue décennale ou vingtennale (Figs. 6.8, 6.12 et 6.14).

Les matériaux d'excavation ou des terres végétales et organiques peuvent servir de

remblai. Les matériaux d'excavation favorisent plutôt la végétation typique pour des

lieux secs, les matériaux organiques plutôt la végétation grasse.

Fig. 6.13: Enrochement à deux couches en construction (pose sur le géotextile).

Les blocs de pied sont liés avec des anneaux pour faciliter le couplage

avec des câbles en acier (poids des blocs: 4.0 – 4.5 t)

L'épaisseur du remblai devrait atteindre au minimum une fois le diamètre des blocs.

A l'amont du remblai, les joints de l'enrochement doivent être remplis hydrauliquement,

en ajoutant beaucoup d'eau aux matériaux. La couverture des enrochements

est plus facilement réalisable si les pentes de talus de cette partie supérieure sont

faibles (Fig. 6.8) ou si l'enrochement est réduit à une couche (Fig. 6.12).

Par exemple la plantation de saules, en rangées régulières et en continu le long des

rives, n'est pas très naturelle. L'utilisation des plantes locales et la prévision d'espaces

libres pour leur prolifération naturelle est beaucoup plus écologique.

Si les talus des rives sont longs, des risbermes le long du cours d'eau devraient être

prévus. Ces risbermes, selon leur largeur, peuvent servir de chemins pédestres (1 à

2 m) ou chemins d'entretien (env. 3 m) (Fig. 6.14).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


76 Aménagements de cours d'eau

HHQ

risberme

chemin de rive

poids réduit

du bloc

HQ 10 - HQ 50

groupe de blocs

géotextil

tapis des blocs /

protection contre

l'affouillement

Fig. 6.14:

Enrochement avec risberme comme chemin de rive. Groupe de blocs

comme refuge à poissons

Avec des groupes de blocs placés au pied de l'enrochement, des refuges supplémentaires

pour les poissons peuvent être créés (Fig. 6.14). A long terme, ces refuges

doivent être aménagés à distances irrégulières du bord pour le niveau moyen

d'eau. La disposition de ces groupes de blocs sur les rives de choc est à éviter. Les

groupes de blocs sont faits de blocs de taille au minimum égale à celle des blocs utilisés

pour la protection des rives. Ils sont posés sur le tapis de blocs qui protègent le

pied de l'enrochement contre l'affouillement. Pour que ces groupes de blocs résistent

aux crues, ils doivent être combinés à des blocs résiduels, près des rives si possible.

Le tracé ondulé mentionné sous 6.2.1.3 crée également des zones d'eau morte qui

servent de refuge aux poissons.

6.2.2 Enrochements pour les rivières en plaine

6.2.2.1 Dimensionnement des enrochements construits en remblai

Les enrochements pour les rivières en plaine sont réalisés avec des blocs relativement

petits. Leur mise en place par remblai est alors possible. Le dimensionnement

peut également être fait avec la démarche de Stevens et al. (1976) décrite au chapitre

6.2.1.2 mais en l'utilisant pour θ cr = 0.05.

6.2.2.2 Epaisseur minimale des enrochements en remblai

L'épaisseur minimale de l'enrochement en remblai dépend de la granulométrie choisie:

granulométrie avec les grains de diamètre presque uniforme d min = 0.9 d m ,

d max = 1.1 d m :

épaisseur minimale s = 1 à 3 d m

granulométrie étendue avec d min = 0.6 d m , d max = 1.6 d m :

épaisseur minimale s = 1.5 d m

Le pied de l'enrochement doit être fondé à une profondeur suffisante pour résister

aux affouillements attendus (cf. 6.2.1.3).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 77

6.2.3 Empierrement avec du mortier ou du béton

Pour obtenir, même avec des blocs relativement petits, une résistance suffisante

contre l'érosion provoquée par l'eau, les petits blocs sont posés sur un lit en béton ou

mortier et les joints sont également remplis de béton ou de mortier. On parle alors

d'un empierrement de la rive dont la surface devient très lisse et géométrique (Fig.

6.15).

Fig. 6.15:

Empierrement en béton de la rive de la Reuss conçu pour protéger la

ligne de chemin de fer de Gotthard (à l'aval de Göschenen, Canton

d'Uri).

Si une fondation du pied de l'empierrement sur le rocher n'est pas possible à réaliser,

cette protection n'est pas conseillée pour des rivières à forte pente (en montagne).

En liant les blocs avec du mortier ou du béton, on obtient des éléments de protection

semblables à une dalle placée sur la rive. Ces éléments, une fois soumis à la poussée

dynamique de l'eau par dessous, peuvent être facilement transportés par

l'écoulement. De plus, le risque de l'affouillement du pied de l'empierrement est plus

prononcé puisqu'il s'agit d'un élément rigide qui ne peut pas glisser dans la fosse

d'érosion. Finalement, du point de vue écologique et environnemental, les revêtements

de rive complètement étanches, comme l'empierrement, sont moins favorables.

Ils empêchent tout échange avec la nappe phréatique, le développement de la

végétation en rivière et pratiquement toute vie aquatique.

6.2.4 Murs de protection

6.2.4.1 Similitudes avec la nature et le fonctionnement

Les rives ressemblant à des murs de protection existent dans la nature pour des

tronçons creusés par la rivière dans un rocher. Les parois en rocher le long des rives

surplombent souvent la rivière, suite à l'abrasion de l'écoulement. Aux rives de choc

des affouillements profonds se créent dans le cas d'un lit mobile. Ces phénomènes

observés sur les rivières naturelles deviennent plus visibles (marquants) lors du di-

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


78 Aménagements de cours d'eau

mensionnement des murs de protection et doivent être pris en considération lors des

études de

stabilité,

résistance contre les abrasions,

sécurité contre les affouillements au pied.

Les murs de rives doivent aussi résister aux crues extrêmes permettant ainsi d'éviter

l'érosion des rives. Les murs de rive deviennent nécessaires là où d'autres mesures

de protection (par exemple en enrochements) ne sont pas réalisables à cause de

l'espace très limité le long du cours d'eau, par exemple pour une rivière qui traverse

un village.

6.2.4.2 Murs de soutènement en angle (en L)

La plupart des murs de protection sont réalisés comme murs de soutènement en

angle (Fig. 6.16). Le poids propre du mur et la forme du pied en "L" garantissent la

stabilité lors des poussées actives de terre et des poussées d'eau agissant sur les

rives. La construction relativement mince est réalisée en béton armé pour résister au

moment important au pied. Selon le rétrécissement de la section du mur du pied vers

le couronnement, le parement est légèrement incliné (1 : 8 à 1 : 10) ce qui favorise la

stabilité globale du mur côté rivière.

Fig. 6.16: Mur de soutènement en "L" comme mur de protection à Gurtnellen-Willer

(canton d'Uri). La fouille est stabilisée par des éléments en béton ancrés.

La dérivation, grâce à un canal, permet l'excavation très profonde pour la

fondation d'un mur sur la rive extérieure (Schleiss, 1996, 1992).

La sécurité contre l'affouillement doit être garantie par une fondation assez profonde

du mur de soutènement. L'érosion au pied du mur peut amener au renversement de

l'ouvrage. Le danger de l'affouillement du pied est plus grand quand la surface du

mur est lisse. Si les murs sont munis de macro-rugosités en forme de nervures verticales,

l'affouillement peut être considérablement réduit (Figs. 6.17 et 6.18).

En disposant des nervures verticales comme macro-rugosité sur le mur de rive

extérieur en courbe, la profondeur d’érosion le long du mur est réduite également

d’une manière significative et les fosses d’érosion sont considérablement atténuées

(20 % à 40 % par rapport à un mur lisse). L’espacement optimal des nervures

verticales du point de réduction d’érosion correspond entre 10 à 15 fois de leur

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 79

épaisseur. L’effet optimal est obtenu par des épaisseurs de nervures de 2.5 fois le

diamètre moyen de la granulométrie du lit [48].

Fig. 6.17:

Mur de soutènement avec macro-rugosités verticales en pierres taillées

trapézoïdalement (Gurtnellen, Canton d'Uri).

Fig. 6.18:

Mur de soutènement avec macro-rugosités verticales en pierres irrégulières

(Saas-Almagell, Canton du Valais).

Les excavations profondes pour la fondation du pied du mur de soutènement doivent

souvent être stabilisées par des éléments en béton ancrés (Fig. 6.16). La résistance

contre l'abrasion doit normalement être garantie par un revêtement de pierres en

taille (granite, gneiss).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


80 Aménagements de cours d'eau

Les murs de soutènement en "L" présentent un grand inconvénient du fait que leur

résistance au renversement est basée principalement sur des efforts qui agissent du

côté de la rivière. Tant que le mur peut s'appuyer sur le terrain situé à l'aval, la poussée

de l'eau et de l'écoulement ne constitue pas un cas de charge critique. Cependant,

la situation devient dangereuse si le mur est submergé et si le terrain aval est

érodé. Puisque la sécurité au renversement est moindre pour des efforts du côté de

la rivière, la poussée de l'écoulement peut renverser le mur érodé. Si le risque résiduel

d'une érosion à l'aval ne peut pas être exclu, la stabilité doit être augmentée

pour des poussées du côté de la rivière (à l'amont). Cette stabilité peut être garantie

par exemple par des corps ou des parois de soutènement placés derrière le mur, à

des intervalles réguliers (Fig. 6.19). Dans ces corps de soutènement en forme de

blocs en béton, des chambres de contrôle des canalisations peuvent être intégrées.

Corps de stabilisation

Canalisation

Mur de protection

Elément de rugosité

Arrêt au pied de la fondation

Fig. 6.19: Mur de soutènement revêtu de pierres en taille et renforcé par des corps

de soutènement en béton.

Pour éviter l'érosion du chenal le long du mur pendant des périodes d'étiage, le pied

doit être recouvert par un remblai jusqu'à un niveau d'eau correspondant aux crues

moyennes (HQ 5 jusqu'à HQ 20 ). Une risberme est ainsi obtenue. Elle sert de chemin

le long de la rive et permet la plantation de la végétation de rive. Le remblai doit être

protégé par un enrochement léger, résistant aux crues moyennes. Le développement

de la végétation riveraine est ainsi garanti. De plus, la rive le long des murs doit être

aménagée par des groupes de blocs servant de refuge aux poissons lors des crues

moyennes. Pendant les crues extrêmes, les remblais ainsi que les groupes de blocs

sont détruits par l'érosion.

6.2.4.3 Murs-poids

Les murs-poids sont réalisés en béton non armé et résistent uniquement avec leur

poids propre aux poussées amont (du côté de la rivière et de la rive). Le mur-poids,

par rapport au mur de soutènement en "L", a l'avantage de rester stable même en

cas d'érosion des terrains à l'aval. Par contre, la largeur du mur-poids est plus importante

et par conséquent son emprise sur le terrain l'est aussi.

Le mur-poids peut être bétonné sans coffrage directement contre le terrain excavé

(Fig. 6.20).

Du côté de la rivière, les diverses étapes de bétonnage sont arrêtées par des blocs

qui servent en même temps de protection contre l'abrasion. L'utilisation du béton relativement

maigre et le compactage avec un rouleau sont possibles (BCR). La fondation

du mur-poids peut s'adapter facilement aux conditions du terrain; de gros

blocs trouvés p. ex. lors de l'excavation peuvent être intégrés directement dans la

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 81

fondation du mur. La réalisation par étapes relativement courtes le long de la rivière

est possible (p. ex. par tranches de 5 m), ce qui permet de renoncer aux mesures de

stabilisation de la fouille et à la nécessité de dériver la rivière.

Puisque le béton du mur-poids est non armé et non coffré, le temps de réalisation est

beaucoup plus court que celui nécessaire à la réalisation d'un mur de soutènement

conventionnel.

Revêtement

avec blocs

Etapes de bétonnage

Fig. 6.20:

Mur-poids coffré avec des blocs et bétonné par étapes directement

contre le terrain en utilisant du béton compacté au rouleau.

6.2.4.4 Combinaisons: mur de soutènement en "L" – mur-poids

Si le sous-sol est garni de blocs très grossiers (blocs de plusieurs tonnes), l'excavation

pour la fondation d'un mur de soutènement devient très difficile et coûteuse.

Pour de telles conditions, un mur-poids, construit dans la partie proche de la fondation,

est très indiqué car il est facilement adaptable à la géologie du sous-sol. Sur ce

mur-poids, un mur de soutènement conventionnel peut être posé (Fig. 6.21). Une

telle combinaison a été choisie pour la protection de la rive le long du tracé du chemin

de fer à Gurtnellen-Wiler (Canton d'Uri). Pour éviter une stabilisation coûteuse

de la fouille, la partie en mur-poids a été réalisée avec une pente relativement importante

contre la Reuss (Fig. 6.21). Les tronçons de bétonnage d'environ 5 m de

longueur ont été coffrés contre la Reuss avec des blocs de gneiss de 0.5 à 1.0 t et

bétonnés par couches. L'excavation du mur de soutènement posé sur le mur-poids a

été stabilisée par des éléments en béton ancrés dans le terrain pour éviter des tassements

intolérables du remblai du chemin de fer.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


82 Aménagements de cours d'eau

Fig. 6.21:

Mur-poids surplombé d'un mur de soutènement (Gurtnellen-Wiler, Canton

d'Uri). Le remblai du pied et l'enrochement secondaire servent à la

création d'une risberme recouverte de végétation riveraine.

6.2.4.5 Proposition d'un nouveau type de mur de protection: mur plié

En recherchant un type de mur de protection qui peut résister à la fois aux forces

agissant du côté des rives et du côté de la rivière et dont la surface est rugueuse,

une solution qui consiste à réalisater des formes pliées a été trouvée (Figs. 6.22 et

6.23). La paroi verticale de ce mur est pliée ou ondulée dans la direction de la rivière

(Fig. 6.22). La stabilité de cette paroi verticale relativement mince est garantie par

des dalles de fondation et de couverture (Fig. 6.23). On obtient ainsi un nouveau

type de mur, appelé par la suite mur plié, qui se caractérise par une grande sécurité

au renversement des deux côtés. De plus, la macro-rugosité de la surface et la dalle

de fondation rendent ce type de mur très résistant lors de l'affouillement.

La longueur déroulée du mur plié est bien évidemment plus importante que celle d'un

mur de soutènement rectiligne. Par contre, les parois peuvent être plus minces tout

en offrant la même sécurité au renversement. Le tableau comparatif ci-dessous illustre

bien les caractéristiques du mur de soutènement et du mur plié:

Mur de soutènement en "L" (Fig. 6.24) Mur plié (Figs. 6.22/23)

Epaisseur:

0.6 à 1.40 m

Sécurité au renversement: 1.50

Volume du béton par m' de longueur:

12.72 m 3 /m (100%)

Epaisseur:

0.6 m

Sécurité au renversement: 1.50

Volume du béton par m' de longueur:

80% (90% sans dalle de couverture)

Cette comparaison est basée sur une poussée de terres triangulaire (2.6 t/m au pied)

et sur des sous-pressions effectives de 100%. Elle montre que le mur plié est économiquement

très concurrentiel par rapport au mur de soutènement conventionnel.

La largeur de l'excavation ne nécessite aucune augmentation. Pour une même largeur

de rivière, l'excavation du mur plié doit par contre être plus profonde dans la direction

horizontale vers la rive. Grâce à la possibilité de construire des parois plus

minces, la réalisation d'un mur plié en utilisant des éléments préfabriqués est alors

envisageable.

1

2

0 1 5 m

1

Dalle de pied

resp. de couverture

2

Mur plié avec revêtement

en pierres taillées

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 83

Fig. 6.22:

Mur plié en forme trapézoïdale (plié à 45 o , largeur de la construction:

3.25 m, épaisseur des parois: 0.6 m).

Dalle de

couverture

Mur plié

revêtement

en pierres

0 1 5 m

Coupe 2-2

Dalle de pied

Coupe 1-1

Fig. 6.23:

Sections en travers d'un mur plié revêtu de pierres en taille (selon la Fig.

6.22).

Affouillement max. Kolktiefe

maximal

A

0 1

5 m

Fig. 6.24:

Sections en travers d'un mur de soutènement revêtu de pierres en taille

(comparaison de stabilité et du volume avec un mur plié selon Figs. 6.22

et 6.23).

Hauteur: 8.6 m; largeur de la fondation: 3.6 m; l'épaisseur du pied au

couronnement diminue de 1.4 à 0.6 m.

Avec une dalle de couverture, l'espace au-dessus du mur plié peut être exploité

comme par exemple un sentier. Outre les avantages statiques et hydrauliques, le

mur plié s'intègre mieux au paysage et à l'environnement:

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


84 Aménagements de cours d'eau

la forme pliée ou ondulée n'est pas monotone et peut être adaptée à l'architecture

du village (ville);

les baies du mur plié facilitent la vue sur le cours d'eau;

les entailles du mur plié créent des érosions et des dépôts locaux qui constituent

de précieux refuges pour les poissons.

6.2.4.6 Murs en blocs

Les murs en blocs sont construits avec des blocs de rocher posés sur les couches

de béton ou de mortier. Pour de faibles hauteurs, les murs secs (sans béton ou mortier)

sont envisageables. Même en utilisant du mortier ou du béton, les joints entre

les blocs doivent être laissés libres jusqu'à une profondeur d'environ 20 cm pour faciliter

le développement de la végétation dans les niches.

Si les blocs en rocher ne sont pas disponibles, on utilise, surtout à l'étranger, des

blocs coulés en béton. Un mur de blocs en béton particulier a été développé par

Dénes (1994) en Bolivie, il est aussi appelé "enrochement synthétique" (Fig. 6.25).

Fig. 6.25:

Mur de blocs en béton fabriqués sur place (béton non armé, volume

d'environ 1 m 3 ), espacés, laissés ouverts pour la végétation (selon

Dénes, 1994).

6.2.4.7 Paroi moulée

Une paroi moulée est constituée de pieux en béton réalisés par des forages le long

de la rivière à partir d'un chemin de rive. Une dérivation de la rivière n'est donc pas

nécessaire. Un remblai de la paroi, situé du côté de la rivière, est préférable du point

de vue de l'intégration dans le paysage. Ce remblai doit être protégé contre l'érosion

par un enrochement dimensionné pour des crues moyennes (par exemple HQ 10 à

HQ 20 ) pour favoriser le développement de la végétation. Les parois moulées sont

normalement très coûteuses, en particulier si l'on rencontre des gros blocs de roche

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 85

dans le sous-sol. Selon les heures de cisèlement pendant le forage des pieux, les

coûts des parois moulées se situent entre 1000 et 2000 Fr/m 2 . La stabilité de la paroi

moulée doit être garantie par une fondation des pieux suffisamment profonde audessous

de l'affouillement prévu. La profondeur d'encastrement des pieux correspond

à la portée libre.

6.2.5 Epis

6.2.5.1 Généralités et fonctionnement

Les épis ont été utilisés depuis longtemps dans la réalisation des aménagements de

cours d'eau. Lors de la première correction du Rhône en Valais, les épis ont été utilisés

pour rétrécir la section et augmenter la capacité du transport solide (Fig. 6.26).

Lors de la 2 ème correction du Rhône, les épis ont été couverts par un enrochement et

intégrés dans le lit majeur (Fig. 6.27).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


86 Aménagements de cours d'eau

Fig. 6.26:

Epis en empierrement pour la première correction du Rhône.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 87

Fig. 6.27:

Rétrécissement de la section du Rhône lors de la 1 ère correction et

l'intégration des épis avec des enrochements dans le lit majeur lors de la

2 ème correction.

Les épis sont des constructions en remblai. Positionnés transversalement dans la

direction de l'écoulement, ils protégent les rives contre l'érosion (Weber et al., 2000).

Il en résulte un rétrécissement de la section ainsi que des conditions complexes

d'écoulement (conditions tridimensionnelles). Dans la plupart des cas, une surélévation

du niveau d'eau, ainsi qu'un abaissement du lit de la rivière et une augmentation

de capacité du transport par charriage sont observés. Par contre, un affouillement

se développe au droit des extrémités des épis et peut être à l'origine de leur

instabilité.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


88 Aménagements de cours d'eau

En général, les épis sont utilisés dans des rivières trop larges du point de vue de la

capacité du transport solide (cf. chapitre 3.2.3). Ils sont également utilisés pour rendre

navigable des rivières en:

garantissant un chenal ayant une profondeur minimale d'eau nécessaire pour

la navigation;

limitant les rayons minimaux dans les courbes;

améliorant l'écoulement et en empêchant des dépôts de graviers nuisibles à la

navigation.

6.2.5.2 Types d'épis

Les divers types d'épis peuvent être caractérisés selon les critères suivants (Weiss,

2000):

Système: ▪ épis singuliers

▪ épis en rangées

Submersion: ▪ épis non submergés

▪ épis submergés

Perméabilité: ▪ épis non perméables

▪ épis perméables

Inclinaison: ▪ épis perpendiculaires

▪ épis inclinés vers l'aval

▪ épis inclinés vers l'amont

Construction: ▪ épis massifs (enrochement, empierrement, éléments artificiels

en béton, blocs ou pierres en taille éventuellement posés sur

du mortier ou sur du béton)

▪ épis en génie biologique (caissons en bois, fascines,

pieux en bois)

▪ épis combinés.

6.2.5.3 Inclinaison des épis

Dans le cas d'un écoulement fort dans une rivière, la réalisation d'épis inclinés vers

l'aval (Fig. 6.28) est plus facile. L'inconvénient de ce type d'ouvrages est que

l'écoulement est dévié en direction des rives en cas de submersion, ce qui augmente

le risque d'érosion (Lichtenhahn, 1977) [39]. Par contre, l'écoulement de fond est

mieux concentré par les épis ce qui favorise le transport solide (Jäggi, 1999) [35].

Les épis inclinés vers l'amont sont plus avantageux en cas de submersion car

l'écoulement est dirigé depuis les rives vers l'axe de la rivière. On obtient ainsi un

plus grand alluvionnement entre les épis. L'inclinaison optimale des épis inclinés vers

l'amont par rapport à l'axe de la rivière est comprise entre 60 o et 80 o .

Les épis perpendiculaires peuvent être réalisés plus courts que les épis inclinés

vers l'aval ou vers l'amont. Ils sont souvent appliqués à la création des canaux de

navigation dans les rivières naturelles.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 89

perpendiculaire incliné vers l'aval incliné vers l'amont

Fig. 6.28:

Principales conceptions des épis.

6.2.5.4 Espacement et longueur des épis

L'espacement entre les épis dépend de la déviation de l'écoulement à l'aval de la tête

de l'épi. L'angle de déviation de l'écoulement est d'environ β = 6° à 9° (Fig. 6.29).

L'espacement entre les épis est donné par le critère admettant que l'écoulement

dévié ne heurte pas la rive mais l'épis en aval.

Avec ce critère on obtient théoriquement pour = 6° la distance minimale entre les

épis:

B0

B1

B0

B1

L cot 9.5 9. 5 b

2 2

(6.12)

avec L : espacement des épis

β : angle de déviation de l'écoulement

B 0 : largeur de la rivière sans épis

B 1 : largeur de la rivière entre les têtes des épis (largeur de la correction)

b : longueur des épis (= 1 2 (B 0 – B 1 ))

Pratiquement cet espacement n'est pas tolérable; on exige que l'écoulement dévié

rejoigne l'épis aval environ au milieu de sa longueur, donc

B0 B1

L 4.5

4.5 b (6.13)

2

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


90 Aménagements de cours d'eau

Pour b = ¼ L selon les conditions locales, les espacements suivants sont recommandés:

L 5 / 4 B dans la transition entre un tronçon rectiligne et une courbe

1

L 1B 1

à la rive extérieure dans une courbe

L

1.5 à 2 B à la rive intérieure dans une courbe

1

La longueur de l'épis résulte du rétrécissement souhaité B 1 de la rivière pour favoriser

le transport solide.

B 1 B 0

b

L

Fig. 6.29:

Définitions géométriques pour l'espacement et la longueur des épis

6.2.5.5 Influence hydraulique des épis

Par la réalisation des épis, la largeur du cours d'eau est géométriquement et hydrauliquement

réduite ce qui résulte en une surélévation du plan d'eau. En provoquant le

détachement des tourbillons et des courants de retour, les épis agissent comme des

macro-rugosités. Pour une première estimation de l'influence hydraulique des épis, le

concept de la section équivalente est souvent utilisé (Fig. 6.30). Avec ce concept,

l'effet hydraulique des épis est considéré d'une part par la réduction de la largeur efficace

B eff du cours d'eau et d'autre part par une rugosité augmentée k paroi aux parois

fictives (du chenal avec la largeur B eff ).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 91

B 1

b

B 0

k paroi

k paroi

Fig. 6.30:

Concept de la section équivalente pour la considération de l'effet

hydraulique des épis (selon [37]).

Le rapport = B eff / B 1 est inférieur à 1.0 pour des épis non submergés et supérieur

à 1.0 mais plus petit que B 0 / B 1 pour des épis submergés.

Comme première approximation, on admet souvent = 1 (B eff = B 1 ) ce qui est plutôt

conservateur pour des épis submergés. La rugosité des parois fictives k paroi peut être

calée à l'aide des mesures de niveau d'eau, si ces mesures dans des tronçons avec

des épis semblables sont disponibles. En général, k paroi varie entre 15 m 1/3 /s pour

des faibles profondeurs d'eau (épis non submergés) à 25 m 1/3 /s pour des profondeurs

d'eau importantes (épis submergés).

6.2.5.6 Erosion du lit due à l'effet des épis

Le rétrécissement de la section par la construction d'épis provoque non seulement

une surélévation du plan d'eau mais également une augmentation des contraintes de

cisaillement due à l'écoulement et par conséquent une érosion du lit. Cette érosion

compense partiellement ou entièrement la surélévation du plan d'eau due au rétrécissement

du cours d'eau par les épis.

L'érosion maximale du lit, ∆Z max , peut être estimée par la formule suivante (Spannring

et al., 2000) [40]:

3/7 6/7

0

B0

Zmax

h0

1

(6.14)

crit

B1

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


92 Aménagements de cours d'eau

avec h 0 :

0 :

B 0 :

profondeur d'eau dans la section sans épis

contrainte du cisaillement au lit dans la section sans épis

largeur de la section sans épis

B 1 : largeur de la section entre les têtes des épis

: coefficient des épis

Cette formule est valable pour l'effet stationnaire de l'érosion. Le coefficient des épis

peut être déterminé selon la figure 6.31 (Spannring et al., 2000). Le coefficient des

épis est fonction de (Fig. 6.31):

A ü :

section de l'écoulement au-dessus des épis

A ges : section totale de l'écoulement (sans épis)

gr :

1/ 2

B

0 0

gr

correspond à la limite supérieure de

B1

cr

selon l'équation 5.12 pour ∆Z max = 0.

Fig. 6.31:

Diagramme pour la détermination du coefficient des épis (Spannring et

al., 2000) [40].

Pour les géométries typiques des épis, le coefficient des épis est d'environ = 0.8.

6.2.5.7 Affouillements à proximité de la tête des épis

Le détachement des tourbillons à la tête des épis et les courants de retour entre les

épis provoquent un écoulement très turbulent à proximité de la tête et par conséquent

des affouillements. On trouve les affouillements les plus profonds à l'amont et

à côté de la tête des épis non submergés (Fig. 6.32). Dès que les épis sont submergés,

les affouillements se produisent également à l'amont et à l'aval des épis en entraînant

un risque d'érosion des rives, surtout dans le cas des épis inclinés vers l'aval

(Fig. 6.32 à droite).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 93

non submergé

submergé

Fig. 6.32:

Affouillement des épis non submergés (à gauche) et des épis submergés

(à droite) (selon [37]).

L'estimation de l'affouillement maximal à proximité de la tête des épis peut être fait à

l'aide des formules empiriques développées pour des appuis ou piles de ponts (par

exemple: formule de Méville (1997)).

Pour les épis aménagés sur l'Aare entre Thun et Berne, des affouillements maximaux

entre 0.7 m et 2.3 m ont été observés (pente du lit J = 2.1‰, largeur du lit sans

épis B 0 = 70 m, longueur des épis b = 15 m, largeur des épis d = 10 m, espacement

L = 70 m, épis submergés dès 300 m 3 /s, selon Weber et al. 2000). Une mesure

constructive visant à diminuer les affouillements à proximité de la tête des épis

consiste en un choix de leur forme en "L" (en crochet) (Fig. 6.33).

Fig. 6.33:

Epis avec tête en "L" (en crochet).

6.2.5.8 Recommandations pour la conception et détails constructifs

Recommandations :

• Les épis destinés à dévier l’écoulement dans une autre direction devraient avoir

une longueur minimum d’un tiers de la largeur de la rivière. Les épis qui doivent

seulement protéger la rive contre l’érosion devraient être plus courts d’un tiers de

la largeur de la rivière.

• Dans le cas d’épis submergés, l’écoulement déverse perpendiculairement sur la

crête de l’épi. Pour diriger l’eau vers l’axe de la rivière, une inclinaison des épis

légèrement vers l’amont est favorable dans des tronçons rectilignes (angle avec

la rive de 75° à 80°).

• Les épis non submergés devraient être plutôt inclinés vers l’aval.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


94 Aménagements de cours d'eau

• Les plus grands affouillements se produisent à la tête des épis, ce qui doit être

considéré dans le dimensionnement de la fondation.

• Les épis doivent être suffisamment encastrés dans la rive.

• La cote de la racine de l’épi doit correspondre à un niveau d’eau d’une crue

moyenne (HQ 20 à HQ 50 ).

Corps des épis :

• pente amont : 1 : 1.5 (empierrement) à 1 : 2.0 (enrochement);

en cas de glace flottante: la meilleure solution: 1 : 1

(empierrement) ; en cas de submersion, des pentes plus

faibles (1 : 3 à 1 : 5) réduisent l’affouillement

• pente aval : 1 : 2.0 (empierrement) à 1 : 3.0 (enrochement);

pour des pentes plus faibles l'affouillement en cas de

submersion est ainsi réduit (jusqu’à 1 : 5)

• pente longitudinale: typiquement 1 : 8 à 1 : 10.

Tête des épis: • normalement élargies par rapport au corps avec une pente

de 1 : 3.

• hauteur de la tête par rapport au niveau du débit de

dimensionnement dans des tronçons en courbe:

– rive extérieure + 0.50 m

– rive intérieure – 0.50 m.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 95

6.2.5.9 Exemples

a) Variantes d’épis utilisés sur la Thur dans le Canton de Zurich

Epis pour lits majeurs profonds

Vue en plan

1:3

75°

1:1

1:2.5

1.00 2.50 1.00 6.25 1.25

2.00

2.50

1:1

1:1

1:1 1:1

1:1

1.00

7.00

max. 22.00

1.00

7.00

Elargissement lit mineur

max. 22.00

env. 1:10

Coupe

Lit projeté

Talweg

1:1

1.00

2.50

env. 1:3

1.50

1:2

6.50

2.50

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


96 Aménagements de cours d'eau

Epis pour lits majeurs peu profonds

Vue en plan

1:2

1:5

1:1

1.60 4.00

2.00

75°

1:1

2.00 1.60

6.00 5.00 5.00

9.00 + 14.00

6.00 5.00 3.00 11.00 + 16.00

20

2:3

20

5%

Coupe

Lit projeté

Talweg

1.50

80

3.00

1:2

Elargissement lit mineur

1:2

2.00

1.50

8.00 10.00 7.00 12.00

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 97

Epis combinés avec une protection du lit majeur avec des saules

Vue en plan

1:5

4.00 1.70

1:2

1:2 75°

1.60

1.70

6.00 5.00

14.00 + 19.00

6.00 5.00 14.00 + 19.00

Elargissement lit

mineur

3 – 5 m long

Coupe

Lit projeté

Talweg

var.

80

3.00

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


98 Aménagements de cours d'eau

b) Variantes d’épis construits avec des arbres sur la Thur et Töss

6.2.6 Blocs résiduels artificiels

L’érosion des rives et du lit d’une rivière sont des processus susceptibles de

provoquer les dégâts catastrophiques lors des crues. Souvent, les gros blocs de

rocher disséminés, appelés également blocs résidents, dans les rivières de

montagne protègent de manière naturelle les rives et le lit contre l’érosion. Un effet

similaire peut être obtenu avec des éléments en béton enterrés ou recouverts de

terre. De bonne expériences ont été faites avec des cubes de béton divisés

diagonalement, c'est-à-dire des prismes, rangés en ligne ou en groupe ou encore

structurés en épis, constituent un moyen flexible de protection des rives et du lit

contre l’érosion [60,61]. En recouvrant ces prismes en béton d’une couche de sol et

en ajoutant des enrochements secondaires, les parties de la rives stabilisées par des

éléments en béton s’intègrent bien dans le paysage et retrouvent leurs qualités

écologiques.

Basé sur une analyse des résultats des essais sur modèles, le volume nécessaire

V nèc des prismes peut être estimé à l’aide de la formule de Bezzola (2005) [62]

V

néc

2

6.25q

2/3

J g( s1)

avec q : débit unitaire

J : pente du lit

s : ρ B /ρ E = 2.50

Figures 6.34 à 6.37 montrent quelques exemples d’application des blocs résiduels

artificiels pour la protection des rives de la Reuss à Göschenen du Canton d’Uri

(Schleiss et al. 1998) [60].

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 99

Gotthard

Route Nationale

Tunnel

Erosion des rives lors

de la crue 1987

Enrochement

Groupes de blocs

Blocs résiduels artificiels en béton

(cubes divisés diagonalement)

Fig. 6.34:

Protection des rives à Göschenen – Stäfeligand. Cubes en béton entérré

le long de chemin de rive et disposés en groupes (coupe voir Fig. 6.35)

Chemin de rive

Enrochement

Cubes en béton divisé

diagonalement

Fig. 6.35

Protection des rives à Göschenen – Stäfeligand. Coupe à travers

enrochement et les cubes en béton entérrés dans le chemin de rive.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


100 Aménagements de cours d'eau

Route Nationale

Erosion des rives lors

de la crue 1987

Enrochement

Epis de cubes en béton

divisés diagonalement

Chemin de rive

Route Cantonale

Fig. 6.36

Protection des rives à Göschenen – Teufelstein. Epis de déviation

construits par des cubes en béton divisés diagonalement.

Plantation des

saules et aunes

Couverture avec

matériaux d’excavation

Chemin de rive

Végétation spontanée

Epis de cubes en béton

divisés diagonalement

Enrochement

Fig. 6.37

Protection des rives à Göschenen – Teufelstein. Intégration et

végetalisation des épis en cubes de béton recouverts avec terre et

enrochement

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 101

6.3 Stabilisation des lits contre les érosions

6.3.1 Possibilités de protection contre l'érosion

Afin d'éviter qu'un cours d'eau, déjà atteint par l'érosion ne s'érode encore plus, des

mesures suivantes sont envisageables:

Augmentation de la résistance du lit

lit artificiel (canal bétonné)

pavage du lit par des blocs en pierre (couche de pavage artificiel)

renforcer le lit par de gros blocs (rocher ou éléments en béton)

Réduction de la pente du lit

fixation du lit par des seuils et traversées (en bois, blocs, pierres de taille, béton)

fixation du lit par des rampes de blocs

changement du tracé du cours d'eau (prolongement du talweg par des méandres,

etc.)

Elargissement du lit

élargissement sur longues distances

élargissement local

dérivation partielle du cours d'eau dans un lit secondaire

Intervention sur le transport solide

renversement du gravier dans le cours d'eau (localement à l'amont du tronçon

érodé)

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


102 Aménagements de cours d'eau

Crue

Débit moyen

Fig. 6.38:

Fixation du lit par des ouvrages transversaux: a) seuil; b) coursier bétonné;

c) rampe de blocs; d) rampe de blocs à grande rugosité; e) coursier

avec pavage artificiel; f) seuils en bois, cascade; g) seuil de fixation

en blocs; g) seuil de fixation en bois; k) traversée; i) seuil en bois avec

refuge pour poissons.

La figure 6.38 montre quelques exemples d'ouvrages transversaux pour la fixation du

lit.

Il est évident que l'application des mesures "dures", telles que l'arrêt de l'érosion par

la création d'un lit artificiel et canalisé ou la construction des traversées, sont des mesures

qui se font au détriment du fonctionnement écologique du cours d'eau.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 103

6.3.2 Renforcement du lit par couche de pavage artificiel

Le dimensionnement d'une couche de pavage artificiel se fait à l'aide des théories qui

décrivent la résistance contre l'érosion du lit d'un cours d'eau. Une approche souvent

utilisée est celle de Günter (1971):

h cr :

cr

( s 1) dmUS dm DS

hcr

J

dmUS

hauteur d'eau critique pour laquelle la couche de pavage est détruite

cr : contrainte de cisaillement critique adimensionnelle (selon Shields)

cr < 0.03 aucun mouvement

cr < 0.047 quelques petits grains en mouvement

d m US : diamètre moyen des grains de la sous-couche (au-dessous du pavage)

d m DS : diamètre moyen des grains de la couche de pavage

2/3

(6.15)

Pour un débit de dimensionnement et une granulométrie du lit donnés, le diamètre

minimal d m DS d'une couche de pavage artificiel peut être déterminé comme suit:

Exemple:

h = 3 m (pour le débit de dimensionnement)

s = 2.65

J = 3%

d m US = 0.4 m

cr = 0.03

3/2

h

J

2/3

dmDS

dmUS

1.0

m

cr

( s 1)

Pour les torrents à pentes raides (> 3%) et à profondeurs d'eau importantes (> 5 m),

le diamètre moyen minimal d'une couche de pavage artificiel correspond à celui de

blocs non exploitables dans des carrières. Par conséquent, des éléments en béton

doivent être utilisés pour stabiliser le lit (tétrapodes, etc.).

Pour des pentes faibles, le lit peut être renforcé en déversant dans le cours d'eau, à

partir d'une barge, des matériaux à granulométrie uniforme ou étendue. L'épaisseur

minimale de la couche de pavage peut être déterminée selon 6.2.2.2 (analogie avec

le renforcement par enrochements).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


104 Aménagements de cours d'eau

6.3.3 Renforcement du lit par des gros blocs

Fig. 6.39:

Coupe longitudinale schématique d'un cours d'eau dont le lit est renforcé

par des gros blocs (blocs résiduels)

La résistance du lit d'une rivière de montagne, renforcé par des gros blocs (blocs

résiduels), peut être estimée à l'aide de divers "modèles de blocs". La figure 6.39

illustre le modèle développé par Whittaker et al. (1988).

Calcul hydraulique en considérant des gros blocs

résistance hydraulique des matériaux de base du lit (sans gros blocs)

V

c

m

12R

s

s

2 . 5In

'

V ks

*

(6.16)

R s :

rayon hydraulique de l'écoulement sur le lit

k s : élément de rugosité déterminant des matériaux de base

du lit k s = 1.5 d mD

d mD : diamètre moyen de la couche de pavage des matériaux de

base (d mD d 90 )

résistance hydraulique des blocs résiduels

Vm

12R

c b

s

2 . 5In

'

V kb

*

(6.17)

k b : élément de rugosité déterminant des blocs résiduels

k b

= a

D

17.8 0.47 h

D

(6.18)

D :

a :

diamètre équivalent du bloc résiduel

concentration adimensionnelle de surface des blocs

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 105

résiduels n D 2

n = concentration de surface des blocs résiduels [nombre/m 2 ]

résistance totale du lit

c

1

2

1 1

2 2

c s c b

vitesse moyenne d'écoulement (loi de Chézy) V

m

c

g R

s

J

Calcul de la pente réduite du lit J'

V

'

* s

g R J'

(6.19)

et ainsi

Vm

c g RsJ

cs

(6.20)

'

V g R J'

*

c

J'

J

cs

2

s

(6.21)

Contrainte adimensionnelle agissant sur les matériaux de base du lit

Rs

J'

(6.22)

(s 1)d

m

d m : diamètre moyen de la sous-couche des matériaux de base du lit

(sans blocs résiduels)

Résistance des matériaux de base selon Günter (1971)

2 / 3

dmD

cD c

d

(6.23)

m

c : coefficient de Shields pour un lit comparable composé de grains

unitaires ( c = 0.05)

d mD : diamètre moyen de la couche de pavage des matériaux de base

(d mD d 90 )

Condition limite pour l'érosion de la couche de pavage

> cD

Cette procédure de calcul permet de trouver le nombre n et le diamètre D des gros

blocs pour augmenter la stabilité du lit composé de matériaux de base.

Finalement, la stabilité de ces gros blocs, exposés à l'écoulement et partiellement

encastrés dans les matériaux de base, doit être vérifiée. La sécurité au renversement

d'un bloc est contrôlée en considérant le poids propre, la poussée d'Archimède, la

force de traînée et la force de portée.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


106 Aménagements de cours d'eau

6.3.4 Seuils

6.3.4.1 Buts et inconvénients des seuils

Le lit d'une rivière à forte pente peut être stabilisé par la réalisation de seuils. Les

seuils diminuent la pente du lit, ce qui permet d'obtenir une pente d'équilibre pour un

débit de dimensionnement.

Beaucoup de rivières de montagne en Suisse ont été stabilisées au passé par des

seuils (par exemple Grande et Petite Emme, Kander). Du point de vue d'hydraulique,

les seuils sont caractérisés par le fait qu'ils fonctionnement comme déversoirs dénoyés

pour les débits inférieurs ou égaux au débit de dimensionnement; c'est-à-dire

un écoulement critique se produit toujours sur le seuil. L'énergie déversante de l'eau

résulte en une fosse d'érosion de profondeur importante.

Les inconvénients des seuils sont:

obstacle à la libre migration de poissons;

fondation profonde pour garantir la stabilité des affouillements au pied;

réalisation difficile en présence de l'eau (dérivation coûteuse du cours d'eau

pendant la construction).

A cause de ces inconvénients, les seuils sont remplacés aujourd'hui dans les projets

de correction fluviale par des rampes de blocs.

Les seuils peuvent être réalisés en bois (troncs d'arbres, problème de durabilité) ou

en béton. Pour résister à l'abrasion, le couronnement des seuils en béton doit être

revêtu de pierres en taille.

6.3.4.2 Dimensionnement et emplacement des seuils

La relation entre débit Q et charge H sur le seuil de largeur b est donnée par la formule

d'un déversoir à seuil épais:

Q C b

2g H

d

3/2

avec un coefficient de débit C d = 0.326 pour un seuil large.

Les seuils produisent un alluvionnement du lit à l'amont et ainsi une réduction de la

pente (Fig. 6.40).

L'alluvionnement du lit est donnée par

avec ∆h :

h ( J J)

L

J 0 :

0

hauteur de l'alluvionnement à l'amont du seuil

pente initiale du lit

cr

( s1)

dm

J : pente du lit après l'alluvionnement J Jcr

h

J cr est égal à la pente du lit pour laquelle le lit ne s'érode pas

selon la formule de charriage de Smart & Jäggi (cf. chapitre 3.2.3).

En admettant que le niveau d'alluvionnement reste pour ∆z au-dessous du couronnement

du seuil, la hauteur nécessaire s du seuil devient

s hz ( J J ) Lz avec z d'environ 0.5 à 1.0 m.

0

cr

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 107

J

Z

S

J

L

h

J 0

Fig. 6.40:

Protection du lit avec des seuils

Pour une hauteur s du seuil donné, la distance maximale L max entre les seuils devient

sz h

Lmax

(6.24)

J J J J

0 cr 0

cr

La combinaison optimale entre la hauteur s des seuils et leur espacement L doit être

optimisée selon les considérations économiques (les seuils à une hauteur importante

nécessitent une fondation plus profonde).

6.3.4.3 Estimation de l'affouillement au pied des seuils

Pour estimer la profondeur maximale de l'affouillement au pied des seuils, les formules

empiriques suivantes peuvent être utilisées:

granulométrie grossière du lit (Kotoulas, 1973)

0.35 0.7

S 0.78 H q

(6.25)

0.4

d

90

granulométrie fine du lit (Tschopp/Bisaz, 1972)

0.5 0.25

S 2.76 q H 7.22

d (6.26)

avec S :

q :

H :

d 90 :

90

profondeur de l'affouillement au-dessous du niveau d'eau

à l'aval du seuil

débit spécifique sur le seuil (= Q/b)

différence entre les charges amont et aval du seuil

diamètre caractéristique des grains du lit

6.3.5 Traversées

6.3.5.1 Utilisation et fonctionnement des traversées

Les traversées sont des ouvrages transversaux ou seuils de faible hauteur, espacées

étroitement, ayant pour but la stabilisation du lit. Pour des débits importants, les

traversées n'agissent pas comme déversoirs dénoyés. L'écoulement entre les traversées

est fortement non uniforme.

L'effet hydraulique des traversées peut être comparé aux macro-rugosités du lit qui

se forment naturellement. Pour des pentes faibles, les traversées se comportent

analogiquement aux dunes; pour des pentes fortes, analogiquement aux anti-dunes.

Un écoulement dénoyé ou critique sur les traversées ne se produit que pour des dé-

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


108 Aménagements de cours d'eau

bits faibles. Sous ces conditions, l'affouillement au pied des traversées devient important

et peut être estimé avec les formules pour les seuils données au chapitre

6.3.4.

Les débits très importants passent sur les traversées comme des écoulements torrentiels.

L'affouillement est concentré à l'amont des traversées et peut atteindre des

profondeurs très importantes. Cette transition entre l'écoulement à surface ondulée

et l'écoulement torrentiel à surface plane, conduit normalement à la destruction des

traversées. Un écoulement torrentiel ne peut donc être accepté que dans les cas de

petites rivières et de traversées à faible espacement, si la profondeur de leur fondation

correspond à environ la moitié de leur espacement.

La figure 6.41 montre les conditions possibles d'écoulement et le développement du

lit correspondant. A partir des pentes de 7%, l'écoulement passe par les traversées

en vagues avec une surélévation momentanée de la profondeur d'eau qui érode les

rives.

a)

b)

c)

Fig. 6.41: Conditions d'écoulement sur les traversées (selon [35]):

a) petits débits avec écoulement critique sur les traversées (déversoir

dénoyé), comportement similaire aux seuils (chapitre 5.3.4)

b) écoulement avec surface ondulée, l'affouillement que se produit est

analogique aux dunes ou anti-dunes

c) écoulement fortement torrentiel avec une forte érosion à l'amont

des traversées.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 109

6.3.5.2 Dimensionnement des traversées

Par analogie aux formes naturelles du lit (dunes, etc.), les méthodes de calcul de

pertes de charge causées par macro-rugosités du lit (pertes de forme) peuvent être

utilisées. La pente de la ligne d'énergie se compose de la pente de frottement J ' et

de la pente due aux pertes de forme J ".

Pour éviter l'érosion du lit, la pente de frottement admissible J ' est déterminée pour

les cas sans transport par charriage avec le critère de stabilité d'une couche de pavage.

Dans le cas du transport par charriage, on applique par exemple la formule de

Smart & Jäggi avec la fonction de transport. La pente d'énergie due aux pertes de

forme du lit peut être estimée par l'approche des pertes d'élargissement selon Bordat-Carnot.

Le résultat de calcul est la capacité hydraulique et le rayon hydraulique R b du lit nécessaires

à la dérivation de la fonction du transport par charriage.

Fig. 6.42: Système de traversées avec définition des paramètres moyens de la

section.

Puisque le calcul est non explicite, une hypothèse sur la pente réduite J ' et le rayon

hydraulique R b de la section du lit est nécessaire. Pour la profondeur moyenne d'eau

h m et le rayon hydraulique, un niveau du lit est choisi; il correspond à la moyenne

entre la section minimale de l'écoulement sur les traversées et la section maximale à

l'endroit de l'affouillement maximal (Fig. 6.42).

Il en résulte

ymax

Rb

R b,

red

(6.27)

2

y max est inconnu et doit donc être estimé au début du calcul.

Puis, avec une loi de vitesse connue (Strickler ou Keulegan) on obtient:

v f( R , J ')

m

b

le calcul des pertes de forme selon Bordat-Carnot donne:

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


110 Aménagements de cours d'eau

2

2

V

m

ymax

1

J ''

(6.28)

2g

Rbred

,

ymax

L

avec L comme distance entre les traversées.

Avec la condition

J J'

J

''

la valeur y max peut donc être trouvée par itération.

En connaissant la rugosité des rives et le rayon hydraulique de l'écoulement sur la

section partielle des rives, le rayon hydraulique R b du lit, le rayon hydraulique total R

de la section peuvent être obtenus. Les relations géométriques donnent la profondeur

d'eau h m et finalement le débit Q.

Pour de petits rapports J '/J l'affouillement y max augmente fortement ce qui correspond

au changement de régime de l'écoulement. Ce changement du régime est caractérisé

par un déplacement de l'affouillement du pied des traversées vers l'aval

(Fig. 6.41 c)).

Pour éviter ce changement du régime et la destruction des traversées, la règle

approximative J'/ J 1/ 3 doit être considérée.

A la fin, la stabilité de la couche de pavage entre les traversées doit être contrôlée.

Pour des pentes entre 7‰ et 7% les formules empiriques développées par Volkart

(1972) peuvent être appliquées.

L'affouillement maximal sans apport de charriage de l'amont peut être estimé par

0.5 0.5 0.67

1.25 q J L

y0max

(6.29)

0.25 0.42

( s1)

g d

avec L :

90

distance entre les traversées

q : débit spécifique

Cette équation est valable pour:

10 L/ d 340

q

90

q

1.39‰ (q B : débit solide spécifique)

q

B

*

s

L'affouillement maximal avec apport de charriage de l'amont devient

L

ymax

y0 max 10.53 J q*

d90

qB

avec q*

q

s

La sécurité contre le changement de régime est garantie si

ymax 0.2 L

La profondeur maximale d'eau z max peut être estimée avec

0.12

(6.30)

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 111

z

0.88

q

1

0.9

( s 1) g d L J

max 0.44 0.3 0.02 0.09

90

6.3.5.3 Types de traversées

Les traversées peuvent être réalisées par des troncs d'arbres (rondins) ou par de

gros blocs (Figs. 6.43 et 6.44).

rondins 25 cm

encastrés dans les rives

blocs 80 cm

rondin encastré dans les rives

refuge pour

poissons

seuil

en

bois

seuil

en

béton

Fig. 6.43:

Types de traversées en bois ou en bloc de rocher.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


112 Aménagements de cours d'eau

refuge pour

poissons

3 5

6

2

4

1 1

Fig. 6.44:

Traversée en bois avec refuge pour poissons (les numéros correspondent à la

procédure de montage).

6.3.6 Rampes en blocs

6.3.6.1 Concept et fonctionnement des rampes en blocs

Les rampes en blocs sont des ouvrages avec une pente longitudinale d'environ 10%

permettant de franchir un dénivellement local du cours d'eau sans provoquer l'érosion

du lit et des rives. Les conceptions suivantes peuvent être distinguées:

Type et matériaux

rampes fixes en béton

(revêtues de pierres en taille)

rampes fixes en blocs de rocher placés

dans une couche de rocher

rampes mobiles en gros blocs

posées en espaces réguliers

rampes mobiles en gros blocs posées en

espaces irréguliers (en remblai)

Rugosité de surface

très lisse

assez rugueux

Rugueux

très rugueux

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 113

Du point de vue d'hydraulique, une rampe est efficace si elle fonctionne comme un

déversoir dénoyé et si un écoulement critique se produit au début de la rampe (Fig.

6.45).

h cr

Fig. 6.45

Rampe dénoyée construite en blocs.

Lors des crues extrêmes un écoulement sur la rampe noyée de l'aval est en principe

accepté. Pour les niveaux aval très importants il n'y a qu'une faible accélération

d'écoulement liée à un abaissement local du niveau d'eau sur la rampe qui se produit

(Fig. 6.46). Dans ce cas, la perte de charge sur la rampe est faible et la pente du lit à

l'amont s'adapte à celle de l'aval. Par conséquent, les débits extrêmes sur les rampes

dépassant le débit de dimensionnement provoquent une érosion du lit à l'amont

de la rampe. Cette érosion est limitée dans le temps, c'est-à-dire sa durée est égale

à celle de la crue. Elle ne se présente que localement. Tout de suite après, lors de la

décrue, le lit de la rivière se remplit d'alluvions.

Ligne d'énergie

Lit normal

Lit pendant la crue

Fig. 6.46:

Rampe noyée construite en blocs.

Par rapport aux rampes fixes, les rampes mobiles construites en gros blocs présentent

les avantages suivants:

réalisation plus aisée dans l'eau (la dérivation du cours d'eau n'est pas nécessaire),

migration des poissons devient possible grâce à la surface rugueuse:

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


114 Aménagements de cours d'eau

Le dimensionnement des rampes fixes suit les règles de construction de massifs en

béton. La perte de charge sur la rampe assez lisse peut être augmentée par l'aménagement

sur la rampe des macro-rugosités (blocs dissipateurs en béton).

En principe, les rampes fixes produisent les affouillements plus profonds au pied

(Fig. 6.47), car la dissipation d'énergie est plus faible sur la rampe fixe que sur une

rampe en blocs.

Fig. 6.47:

Conditions de l'écoulement sur une rampe lisse et une rampe rugueuse.

Influence de la rugosité sur l'affouillement au pied.

6.3.6.2 Dimensionnement des rampes en blocs

Les processus résultant en la destruction des rampes construites en gros blocs mobiles

sont les suivants:

l'érosion directe des blocs, c'est-à-dire l'instabilité de blocs particuliers due aux

forces d'écoulement (renversement, glissement et transport par l'écoulement);

l'érosion indirecte de la rampe par le lavage des matériaux du lit situé au-dessous

se fait à travers les joints entre les blocs;

l'affouillement du pied stabilisant de la rampe.

En principe les rampes en blocs correspondent au tronçon d'une rivière dont le lit est

stabilisé par une couche de pavage artificiel composé de blocs grossiers. Toutefois,

puisqu'il s'agit d'un aménagement sur le lit très rugueux, la démarche de dimensionnement

du chapitre 6.3.3 n'est pas directement applicable.

Pour contrôler la résistance ou la stabilité de la rampe pour un débit donné, l'hypothèse

de l'écoulement uniforme sur la rampe est faite. C'est une approche plutôt

conservatrice.

Pour des fortes crues, la pente maximale de la ligne d'énergie le long de la rampe

noyée de l'aval doit être déterminée à l'aide du calcul de la courbe de remous et du

ressaut qui se forment à un certain endroit de la rampe. Ce calcul doit être répété

pour toute la gamme des débits possibles car le débit critique, avec la plus grande

sollicitation de la rampe, n'est pas connu d'avance.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 115

Erosion directe des blocs ou l'instabilité des blocs particuliers

Pour ce premier processus de rupture d'une rampe en blocs et pour une pente

d'énergie connue, le débit maximal admissible peut être estimé avec l'équation empirique

suivante (Whittaker, Jäggi, 1986):

avec q :

q

g( s1)

D

3

65

0.257

7/6

J

débit par mètre de largeur sur la rampe [m 3 /s]

s : B / E ( 2.65) densité des blocs par rapport à l'eau

D :

diamètre des blocs [m]

(6.31)

J : pente de la ligne d'énergie sur la rampe (en cas d'un enrochement

uniforme égal à la pente du lit)

Pour un débit spécifique donné, le diamètre caractéristique D 65 peut être déterminé.

L'équation ci-dessus est valable pour la rampe dont les blocs sont mis en place en

remblai ou par la méthode blocs par blocs. Cette équation donne une valeur inférieure

à la limite de rupture. En principe, les rampes construites par la pose soigneuse

de blocs par blocs ont une stabilité plus élevée. Toutefois les ruptures surviennent

fréquemment à l'endroit le plus faible de la rampe.

Erosion indirecte de la rampe par lavage de la fondation

Si les matériaux de fondation de la rampe peuvent être lavés à travers les joints entre

les blocs, deux types de ruptures sont possibles. Pour des rapports entre le diamètre

des blocs et le diamètre moyen des matériaux de fondation (ou du lit) supérieurs

à 17, l'affaissement des blocs dans le lit mobile de la fondation se produit. Pour

des rapports inférieurs à 6, les gros blocs glissent sur la fondation à cause de leur

exposition importante. Il existe, entre ces deux types de rupture une zone de transition.

Pour les rapports D/d m > 10, une équation empirique a été trouvée à l'aide des essais

en laboratoire. Elle donne le débit maximal admissible pour une rampe de

conception donnée où la densité minimale de pose des blocs en cas d'un débit

donné se calcule par l'équation de Whittaker, Jäggi, 1986):

2.35 2

2.35

s

1

d65

q 14.47

g

0.85 1.9

s D J D

avec q : débit unitaire sur la rampe [m 3 /sm]

J :

D :

d 65 :

pente de la ligne d'énergie sur la rampe

(6.32)

diamètre équivalent d'une sphère ayant le poids des blocs moyens [m]

diamètre caractéristique des matériaux du lit de la fondation de la

rampe [m]

β : densité de pose des blocs en t/m 2

ρ s : densité des matériaux solides (blocs, lit) [t/m 3 ]

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


116 Aménagements de cours d'eau

Pour D/d m < 10 cette équation n'est plus applicable. Les essais en laboratoire n'ont

pas permis de trouver de relation entre ces conditions. La destruction de la rampe

par glissement des blocs commence toujours à partir d'un trou dans la rampe. Si les

blocs ont été soigneusement posés en veillant à minimiser l'espacement entre eux, la

rupture par érosion directe des blocs peut être empêchée. La structure de la rampe

doit alors être serrée au maximum (joints minimaux entre les blocs) pour limiter l'exposition

des blocs à l'écoulement.

Affouillement du pied de la rampe

Pour empêcher l'affouillement du pied de la rampe, l'aménagement d'une surface rugueuse

s'avère favorable. Afin d'obtenir la rugosité maximale de la surface, le côté

rugueux des blocs doit être placé en direction de l'écoulement (Fig. 6.11). Il faut cependant

veiller à éviter de placer les blocs avec le diamètre maximal perpendiculairement

à la fondation car leur exposition à l'écoulement devient critique.

L'affouillement au pied de la rampe peut être estimé par l'équation de Tschopp-Bisaz

(1972) modifiée:

avec S :

S 0.85 qv 7.125

d

90

(6.33)

q :

v :

profondeur de l'affouillement au-dessous du niveau d'eau [m]

débit unitaire sur la rampe [m 3 /sm]

vitesse d'écoulement au pied de la rampe [m/s]

d 90 : diamètre caractéristique des matériaux du lit [m]

Par rapport à la formule originale (chapitre 6.3.4.3), la chute H est remplacée par la

vitesse qui devient déterminante au pied de la rampe. Pour les cas critiques, le coefficient

0.85 de l'équation doit être légèrement augmenté.

Par rapport aux seuils et traversées, le nombre de Froude pour l'écoulement sur la

rampe est relativement petit. Il en résulte un ressaut ondulé au pied produisant une

longue mais relativement peu profonde fosse d'érosion. L'affouillement maximal se

trouve donc à une certaine distance du pied de la rampe.

Du point de vue de la réalisation, il est difficile de prolonger la rampe jusqu'à la profondeur

maximale de l'affouillement. Néanmoins, dans tous les cas, la rampe doit

être suffisamment longue pour éviter que la dernière rangée de blocs n’agisse

comme déversoir avec un écoulement critique pour les débits critiques.

La dernière rangée de blocs peut être protégée contre les affouillements par des tapis

de blocs, des rails de chemin de fer ou des pieux (Fig. 6.47). En cas de longues

rampes, les affouillements importants le long des rives sont possibles. Ils peuvent

être évités grâce aux enrochements fondés à une profondeur suffisante.

Une faible courbure de la rampe présente un certain nombre d'avantages et notamment

le débit au pied, et par conséquent l'affouillement, est concentré sur l'axe du

cours d'eau (Fig. 6.48).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 117

Lit construit

Affouillement

Niveau d'étiage

NW

Fig. 6.47: Mesures constructives contre l'affouillement au pied des rampes en

blocs. En haut: tapis de blocs. Au milieu: prolongation de la rampe jusqu'à

la profondeur maximale de l'affouillement. En bas: stabilisation du

pied avec des rails de chemin de fer ou des pieux (selon Jäggi

1999/2000).

Afouillement

Fig. 6.48: Disposition d'une rampe incurvée en plan (selon Jäggi 1999/2000).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


118 Aménagements de cours d'eau

6.3.7 Elargissements locaux

6.3.7.1 Buts et effets

Au lieu de stabiliser un tronçon d’un cours d’eau par des points fixes comme des

seuils, des élargissements locaux peuvent produire un effet similaire (Fig. 6.49).

Ecologiquement, les élargissements locaux sont également très positifs en

augmentant la richesse des structures morphologiques par la formation des bancs de

sable et de gravier.

Fig. 6.49: Stabilisation d’un profil en long par une série d’élargissements (Bezzola,

2005).

L’effet d’un élargissement local sur le régime de transport solide et le profil en long

dépend de la longueur de l’élargissement, du rapport de la largeur du profil élargi et

non-élargi ainsi que de la situation de l’élargissement par rapport au point fixe le plus

proche et de l’apport solide.

Pour des rivières dans un état d’équilibre dynamique, Hunzinger (1998) a établi des

critères de dimensionnement basé sur des essais physique en laboratoire, qui sont

résumés comme suit (6.3.7.2 à 6.3.7.4) :

6.3.7.2 Longueur de l’élargissement local

En principe, des élargissements longs et courts peuvent être distingués (Fig. 6.50).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 119

Fig. 6.50:

Elargissement long (gauche) et court (droite). Profil en long schématique

pour le niveau moyen du lit (en haut) et situation avec formations des

bancs de sédiments (en bas). Définition des paramètres essentiels

(Bezzola, 2005).

Après la réalisation d’un élargissement, un abaissement du niveau d’eau se produit

dans la section élargie (Fig. 6.51). Dans la partie aval de l’élargissement,

l’écoulement est ralenti dû au rétrécissement et une courbe de remous se forme. A

cet endroit, le transport solide est donc réduit. Par conséquence, des sédiments sont

déposés en créant une barre avec surélévation du lit. La dernière se produit jusqu’à

ce que le niveau d’eau dans l’élargissement soit de nouveau égalisé (sans

abaissement).

Fig. 6.51: Surélévation du lit par la formation d’une barre dans l’élargissement et

égalisation du niveau d’eau après la réalisation de l’élargissement

(Bezzola, 2005).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


120 Aménagements de cours d'eau

Pour un élargissement court, un tronçon libre de l’écoulement entre l’élargissement

et le rétrécissement n’existe pas ou est trop court. La formation de la barre

n’influence donc pas le niveau du lit à l’amont de l’élargissement.

Pour un élargissement long, la distance entre l’élargissement et le rétrécissement de

l’écoulement est longue et un tronçon libre existe, dans lequel une nouvelle pente

d’équilibre J A s’établit à cause de la largeur plus grande. Cette pente J A est plus

grande que la pente initiale du canal non-élargi J K . Le résultat est donc une

surélévation du lit :

J J L L L

(6.34)

A K tot w v

avec J A : pente du lit dans l’élargissement

J K : pente du lit du cours d’eau non-élargi

L tot : longueur de l’élargissement

L w : longueur de zone d’élargissement de l’écoulement

L v : longueur de la zone de rétrécissement de l’écoulement

L’effet d’un élargissement long peut être comparé avec un seuil qui produit une

surélévation locale du lit et le stabilise contre l’érosion.

La longueur de la zone d’élargissement de l’écoulement L w peut être estimée par la

formule empirique de Hunzinger (1998) :

avec

BA

BK

Lw

12.8ln1F

2

(6.35)

7.1

3.5

e

F 0.21

(6.36)

et le rapport des largeurs

B

A

(6.37)

BK

Pour que l’écoulement puisse se distribuer sur toute la largeur B A , une longueur

d’environ 2 fois L W est nécessaire. Un élargissement abrupt ne réduit pas cette

valeur de L W puisque des zones de séparation de l’écoulement et de courants de

retour avec dépôts de sédiments fins se créent. Ces dépôts limitent la diffusion du jet

à l’entrée de la section élargie avant qu’il ne se partage dans des lits multiples. Selon

les équations 6.35 à 6.37, L W ne dépend que des largeurs B K et B A .

Les rives dans la zone d’élargissement sont peu sollicitées et une protection massive

n’est pas nécessaire.

La longueur de la zone de rétrécissement de l’écoulement L V dépend de la

géométrie choisie de la sortie. Un rétrécissement trop abrupt augmente le risque de

l’affouillement local à la sortie. L’angle de rétrécissement ne devrait donc pas

dépasser 45.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 121

Pour des largeurs B K et B A données, les longueurs L w et L v des zones de transition

sont également connues. Ainsi, les critères pour la distinction entre élargissements

courts et longs peuvent être obtenus :

Elargissement court sans influence sur le niveau du lit à l’amont

Ltot Lw Lv

(6.38)

Elargissement long avec surélévation du lit à l’amont

Ltot Lw Lv

(6.39)

6.3.7.3 Surélévation du lit dans et à l’amont de l’élargissement

Les résultats des calculs suivants dépendent du débit. Approximativement un débit e

crues avec une période de retour de 2 à 5 ans peut être considéré comme débit

déterminant pour la formation de la morphologie du lit.

La surélévation du lit s (ou la hauteur de la barre) dans l’élargissement est le résultat

de la continuité de la ligne d’énergie en négligeant les pertes dues à l’élargissement

et le rétrécissement de l’écoulement (Fig. 6.52).

Fig. 6.52: Détermination de la surélévation s du lit dans un élargissement à l’aide

de la continuité de la ligne d’énergie à l’extrémité aval de l’élargissement.

En négligeant la perte due à la contraction H on obtient la relation

s HK HA

bw

(6.40)

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


122 Aménagements de cours d'eau

avec

2

UK

HK

hK

(6.41)

2g

et

2

UA

HA hA b

(6.42)

2g

L’écoulement dans le canal à l’amont de l’élargissement peut être considéré comme

unidimensionnel (1D) et l’énergie spécifique H K peut être obtenue sans correction de

la vitesse moyenne U K = Q / B K h K . L’écoulement tridimensionnel dans l’élargissement

est caractérisé par un coefficient de vitesse b proposé par Hunzinger (1998) :

5.58

B / h

1.47 A A

b

e

(6.43)

Les profondeurs h K et h A peuvent être obtenues avec un calcul d’un écoulement

uniforme. Néanmoins dans l’élargissement, les caractéristiques morphologiques

avec formation des lits multiples influencent le calcul de h A . Selon la procédure de

Zarn (1997), les lits multiples sont remplacés par une section rectangulaire à lit plat

et une largeur w équivalente. Pour une profondeur h le débit correspondant Q est

calculé par les relations suivantes :

Largeur w équivalente en fonction de la profondeur d’eau h et la largeur totale

de la rivière (à lits multiples)

b

0.0016

h

w 1.05be

(6.44)

Réduction de la pente due à la sinuosité Si

b

0.001

h

e

Si 1.081 0.087

(6.45)

Résistance hydraulique des matériaux de base du lit c Grain

aR

cGrain

2.5ln (6.46)

2d

avec

m

h

h

1.041 3.104

w

w

a 12.9e 1.78e

(6.47)

hw

R

(6.48)

2h

w

Résistance hydraulique des bancs de sédiments c Bancs

c

1

2

Bancs

' Canal équivalent

4.82

c

0.158e

(6.49)

Résistance hydraulique totale

1 1 1

(6.50)

c c c

2 2 2

Grain Bancs

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 123

Contrainte adimensionnelle ’ Canal équivalent agissant sur les matériaux de base

du lit pour la section rectangulaire équivalente

'

Canal équivalent

Vitesse moyenne

RJ c

Si s 1

d c

m

2

2

Grain

(6.51)

U

m

J

c gR (6.52)

Si

Continuité

Q U hw

(6.53)

m

Le calcul de c Bancs (Eq. 6.49) est itérative en estimant ’ Canal équivalent et contrôlant sa

valeur avec Eq. 6.51.

La procédure de calcul (Eq. 6.44 à 6.53) a été établie par Zarn (1997) sur la base

des essais physiques dans le domaine des paramètres suivants :

6 < b/h < 370

6 < h/d m < 50

0.0033 < J < 0.012s

Le niveau moyen du lit est calculé sur toute la largeur de l’élargissement B A . En cas

de bancs de sable non-submergé par un débit moyen, les paramètres comme

profondeur d’eau et énergie spécifique ne se réfèrent plus au niveau moyen du lit

mais seulement à la partie du lit submergée. Le niveau moyen de ce lit

« hydraulique » est bw plus bas que le lit moyen.

Hunzinger (1998) a trouvé la relation empirique suivante :

159.23

B / h

A A

0.62he

(6.54)

bw

A

Pour un certain débit et avec les valeurs h K , h A et bw , la surélévation du lit dans

l’élargissement peut être déterminé selon Eq. 6.40.

Dans un élargissement long, une pente caractéristique J A s’établit sur une distance

de L tot -L w -L v . Selon Zarn (1997) dans une rivière à lits multiples, cette nouvelle pente

d’équilibre est obtenue par

avec

0.354

J J e

U

0.335U

A

min

/

opt

U B B

1.78

(6.55)

La largeur optimale du lit B opt est capable de transporter un certain débit solide avec

une pente minimale J min (cf. Fig. 3.3).

L’équation 6.34 permet finalement de calculer la surélévation totale du lit à l’amont

de l’élargissement (cf. Fig. 6.50).

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


124 Aménagements de cours d'eau

6.3.7.4 Risque d’érosion de rives à la sortie de l’élargissement

L’évolution du lit moyen dans un long élargissement dans le cas d’un débit constant

et un apport constant de sédiments sont illustrés par la Figure 6.53.

Fig. 6.53 : Evolution du lit moyen dans un élargissement selon les essais de

Hunzinger (1998) avec un débit liquide et solide constant

On constate que l’évolution du lit commence avec une érosion locale à la sortie de

l’élargissement avant que la barre resp. la surélévation du lit se forme. Cette érosion

peut provoquer un affouillement des rives à l’aval de l’élargissement.

Ce danger peut être réduit si les matériaux excavés lors de la réalisation de

l’élargissement sont laissés dans l’élargissement. Ainsi la surélévation du lit est

anticipée.

Si cette mesure n’est pas possible, les rives à l’aval de l’élargissement doivent être

protégées contre les profondeurs d’affouillement maximales attendues. Selon

Hunzinger (1998), l’affouillement maximal peut atteindre dans le rétrécissement la

valeur suivante :

avec

et

S h h 2.7K In

1)

(6.56)

K

A

0.36 1.78

B

A

h

A

BK

hK

(6.57)

K = 1 pour = 45 (6.58)

K = 0.7 pour = 25

Le niveau d’eau dans un élargissement lors de crues, après la formation des dépôts,

est comparable à celui d’un canal non-élargi. Un élargissement donc n’améliore que

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau 125

peu la situation de protection contre les crues. Un long élargissement peut même

aggraver la situation à l’amont dans le tronçon non-élargi par la surélévation du lit.

6.3.7.5 Elargissement local dans un cours d’eau en état d’érosion

Si un élargissement est réalisé dans un cours d’eau qui se trouve dans un état

d’érosion, la surélévation du lit dans l’élargissement, estimé selon Hunzinger (1998),

correspond à une limite inférieure (Requena et al., 2005). La surélévation croît avec

le déficit de transport solide selon la relation suivante :

H = s Hunzinger pour G b < G TC (6.59)

G

b

H = s Hunzinger f 1 pour Gb

GTC

(6.60)

GTC

avec

H : surélévation du lit dans un élargissement dans un cours d’eau

en état d’érosion

s Hunzinger : surélévation du lit dans un élargissement dans une rivière en

état d’équilibre (selon Hunzinger)

G b : apport solide (en g/s)

G TC : capacité de transport (en g/s)

Sans apport solide de l’amont, la surélévation du lit dans l’élargissement atteint un

maximum d’environ 20 % plus grand que dans un cours d’eau en état d’équilibre

(H = 1.2s Hunzinger ).

Les élargissements réalisés sur un cours d’eau en état d’érosion ne sont pas

capables d’atténuer ou d’arrêter la tendance d’érosion. Même si dans l’élargissement

une surélévation du lit par formation des dépôts a lieu, la tendance d’érosion à

l’amont et à l’aval continue. L’érosion à l’amont est, dans certains cas, même plus

grande que sans élargissement (cf. Fig. 6.54). Cet effet négatif peut être limité par

les mesures suivantes :

A l’aval de l’élargissement

o Par un renforcement du lit contre l’érosion

o Surélévation anticipée du lit dans l’élargissement lors de sa réalisation

(si les matériaux excavés sont adéquats)

A l’amont de l’élargissement

o Surélévation anticipée du lit dans la partie amont de l’élargissement

pour réduire l’érosion dans le canal vers l’amont

o Limitation de la surélévation H par un élargissement en étapes qui

permet au cours d’eau de s’adapter à la nouvelle largeur

o Elargissement par érosion latérale des rives ; sans excavation

mécanique des matériaux mais en enlevant les protections des rives

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


126 Aménagements de cours d'eau

Fig. 6.54 :

Effets de plusieurs paramètres sur l’évolution du niveau du lit suit à un

élargissement local dans un cours d’eau en état d’érosion (Requena et

al., 2005)

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau

I

REFERENCES

[1] Exigences posées à la protection contre les crues'95. Office fédéral de l'économie

des eaux, Communication n o 7.

[2] J.P. Jordan: Approche actuelle de la protection contre les crues. Wasser, Energie,

Luft; Heft 7/8, 1997.

[3] A. Schleiss: Bedeutung des Geschiebes beim Hochwasserschutz. Wasser,

Energie, Luft; Heft 3/4, 1999.

[4] J. Heed, A. Schönborn, Th. Mosimann, F. Huber: Raumbedarf von Fliessgewässern,

Teil 1: Naturwissenschaftliche Grundlagen, Schlussbericht und Anhang,

Dezember 1997.

[5] Sigmaplan, Impuls, J. Guntern, U. Eymann: Raumbedarf von Fliessgewässern,

Teil 2: Umsetzung, Februar 1997.

[6] U. Roth: Raumbedarf von Fliesswässern, Wasser, energie, luft; Heft 1/2, 1997

[7] Ch. Oehy, O. Auget: Espace vital des cours d'eau. Projet STS de l'EPFL, Laboratoire

de constructions hydrauliques, 1998 (non publié).

[8] Maynord S.T.; Ruff J.F.; Abt. S.R.: Riprap design, Journal of Hydraulic

Engineering, Vol. 115, No. 7, July 1989.

[9] Isbash, S.V.: Construction of dams by dumping stones in flowing water. Translated

by A. Dorijikov, U.S. Army Engineer District, Eastport, ME, 1945.

[10] Schleiss A.; Gmür A.: Hochwasserschutzmassnahmen zu Verhinderung von

Seitenerosion an der Reuss in Göschenen. Interpraevent, Garmisch-Partenkirchen,

Tagungspublikation, Band 4, S. 234-254, 1996.

[11] Jäggi M.; Bezzola G.R.; Kuster P.: Hydraulische Modellversuche für das

Hochwasserschutzprojekt Gurtnellen. Wasser, Energie, Luft, Heft 5/6, S. 99-

103, 1996.

[12] Stevens M.A.; Simons D.B.: Lewis G.L.: Safety factors for riprap protection.

Journal of the Hydraulic Division, Vol. 102, No. HY5, 1976.

[13] Kikkawa H.; Ikeda S.; Kitagawa A.: Flow and bed topography in curved open

channels. Journal of Hydraulic Division, ASCE 102, 1976.

[14] Jäggi M.: Alternierende Kiesbänke. Mitteilung Nr. 62 der Versuchsanstalt für

Wasserbau, Hydrologie und Glaziologie der ETH Zürich, 1983.

[15] Zarn B.: Einfluss der Flussbettbreite auf Wechselwirkung zwischen Abfluss,

Morphologie und Geschiebetransportkapazität. Mitteilung Nr. 154 der

Versuchsanstalt für Wasserbau, Hydrologie und Glaziologie der ETH Zürich,

1997

[16] Whittaker, J., Jäggi M.: Blockschwellen. Mitteilung Nr. 91 der Versuchsanstalt

für Wasserbau, Hydrologie und Glaziologie der ETH Zürich, 1986.

[17] Günter, A.: Die kritische mittlere Sohlenschubspannung bei Geschiebemischungen

unter Berücksichtigung der Deckschichtbildung und der turbulenzbedingten

Sohlen-Schubspannung. Mitteilung Nr. 3 der Versuchsanstalt für

Wasserbau, Hydrologie und Glaziologie der ETH Zürich, 1971.

[18] Anforderung an den Hochwasserschutz. Bundesamt für Wasserwirtschaft,

August 1995.


II

Aménagements de cours d'eau

[19] Jäggi, M.: Abflussberechnung in kiesführenden Flüssen. Wasserwirtschaft, 74.

Jhrg., Heft 5. S. 263-267, 1984.

[20] Jäggi, M.: Der Geschiebetransport in Flüssen mit der VAW-Formel 1983.

Schweizer Ingenieur und Architekt; Heft 47, 1984.

[21] Smart, G.; Jäggi, M.: Sedimenttransport in steilen Rinnen. Mitteilungen der

Versuchsanstalt für Wasserbau, Hydrologie und Glaziologie der ETH Zürich; Nr.

64, Zürich, 1983.

[22] Hunziker, R.: Fraktionsweiser Geschiebetransport. Mitteilungen der Versuchsanstalt

für Wasserbau, Hydrologie und Glaziologie der ETH Zürich; Nr. 138,

Zürich, 1995.

[23] Bezzola, G.R.; Schilling, M.; Oplatka, M.: Reduzierte Hochwassersicherheit

durch Geschiebe. Schweizer Ingenieur und Architekt; Heft 41, 1996.

[24] Bezzola, G.R.; Abegg, J.; Jäggi, M.: Saltinabrücke Brig-Glis, Rekonstruktion des

Hochwassers vom 24. September 1993 in Brig-Glis. Schweizer Ingenieur und

Architekt; Heft 11, 1994.

[25] Empfehlungen zur Berücksichtigung der Hochwassergefahren bei raumwirksamen

Tätigkeiten. Bundesamt für Wasserwirtschaft; 1997.

[26] Jäggi, M.; Abegg, J.: Cimavilla-Brücke Poschiavo – eine unkonventionelle Lösung

aufgrund der Erfahrungen aus dem Unwetter vom Juli 1987. Schweizer

Ingenieur und Architekt; Heft 16/17, 1993.

[27] Zarn, B.: Sohlenstabilisierung der Emme bei Utzensdorf mit einer lokalen

Gerinneaufweitung. Wasser, Energie, Luft, 85. Jhrg., Heft 3/4, 1993.

[28] Boillat, J.-L.; Divet, E.: Lutte contre les inondations – Le Doubs à St-Ursanne.,

Internationales Symposium Interpraevent 1992, Band 5, 1992.

[29] Schleiss, A.; Aemmer, M.; Philipp, E.; Weber, H.: Erosionsschutz an Gebirgsflüssen

mit eingegrabenen Betonprismen. Wasser, Energie, Luft; 90. Jhrg.,

Heft 3/4, 1998.

[30] Schleiss, A.: Flussbauliche Massnahmen an der Reuss zum Hochwasserschutz

von Gurtnellen. Wasser, Energie, Luft; 88. Jhrg., Heft 5/6, 1996.

[31] Vischer, D., Huber, A.: Wasserbau,. Springer-Verlag; Berlin, Heidelberg, 1993.

[32] Vischer, D.: Schweizerische Flusskorrektionen im 18. und 19. Jahrhundert.

Mitteilungen der Versuchsanstalt für Wasserbau, Hydrologie und Glaziologie

der ETH Zürich; Nr. 84, 1996.

[33] Schleiss, A.: Uferschutz an Gebirgsflüssen. Wasser, Energie, Luft; 92. Jhrg.,

Heft 9/10, pp. 271-280, 2000.

[34] Schleiss, A.: Conception et dimensionnement des enrochements de rivière en

montagne. IAS – Ingénieurs et Architectes Suisses; N o 23, pp. 450-453, 29

novembre 2000.

[35] Jäggi, M.: Vorlesung Flussbau. ETHZ, 1999.

[36] Dénes, R.: Uferschutzmauern mit hoher hydraulischer Rauhigkeit. Schweizer

Ingenieur und Architekt; 93. Nr. 4, pp. 45-52, 1994.

[37] Weber, H.; Roth, M.; Hermann, F.: Der Einfluss von Buhnen auf die Hydraulik,

die Flussmorphologie und Geschiebetransport. Wasser, Energie, Luft; 92. Jhrg.,

Heft 5/60, pp. 125-130, 2000.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


Aménagements de cours d'eau

III

[38] Weiss, H.-W.: Einsatzbereiche von Buhnen. Wasser, Energie, Luft; 92. Jhrg.,

Heft 5/6, pp. 131-133, 2000.

[39] Lichtenhahn, L.: Flussbau Vorlesungmanuskript ETHZ, 1977.

[40] Spannring, M.; Sens, G.J.: Die Wirkung von Buhnen auf Strömung und Sohle

eines Fliessgewässers. Wasserwirtschaft 90, pp. 94-99, 2000.

[41] Meville, B.: Pier and abutment scour integrated approach. Journal of Hydraulic

Engineering, ASCE, pp. 125-136, 1997.

[42] Kotoulas, D.: Das Kolkproblem unter besonderer Berücksichtigung der

Faktoren. "Zeit" und "Geschiebemischung" im Rahmen der Wildbachverbauung.

Schweiz. Anstalt für das forstliche Versuchwesen, Vol. 43, Heft 1, 1973.

[43] Tschopp, J.; Bisaz, E.: Profundidad de erosion al pie de un vertedero para la

applicación de corrección de arroyos en quebrados empinades. 5th Congreso

Latinamericano de Hydraulics, IAHR, Lima, 1972.

[44] Whittaker, J.; Jäggi, M: Blockschwellen. Mitteilungen der Versuchanstalt für

Wasserbau, Hydrologie und Glaziologie, VAW, ETH Zürich, Nr. 91, 1986.

[45] Office fédéral des eaux et de la géologie : Protection contre les crues des cours

d’eau, Directives 2001 (Bienne 2001, 72 p.)

[46] Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) :

Méthodes d’analyse et d’appréciation des cours d’eau en Suisse –

Ecomorphologie niveau R. Information concernant la protection des eaux no 27.

[47] Bridge J.S.: Bed topography and grain size in open channel bends.

Sedimentology, In. Association of Sedimentologists, 23, pp. 407 – 414, 1976

[48] Hersberger D.: Wall roughness effects on flow and scouring in curved channels

with gravel bed. Communication No 14 of Laboratory of Hydraulic

Constructions: Editor A. Schleiss, EPFL, Lausanne, 2003.

[49] Indlekofer H.M.F.: Abflussberechnung für Fliessgewässer bei Rauheits- sowie

Profilgliederung auf der Grundlage der Strickler-Formel. Wasserbau – Heft 5,

Wasserbau und Wasserwirtschaft FH Aachen, 2003.

[50] DVWK: Hydraulische Berechnung von Fliessgewässern. Merkblätter zur

Wasserwirtschaft 220 / 1991.

[51] Oplatka M.: Stabilität von Weidenverbauungen an Flussufern. Mitt. der

Versuchsanstalt für Wasserbau, Hydrologie und Glaziologie (VAW), ETH

Zürich, Nr. 156, 1998.

[52] Vischer, D., Oplatka, M.: Der Strömungswiderstand eines flexiblen Ufer- und

Vorlandbewachses. Wasserwirtschaft 88, H.6, S. 1-5, 1998.

[53] Indlekofer H.M.F.: Die Bestimmung des hydraulischen Einflusses von flexiblem

Bewuchs auf die Abflusskapazität von Fliessgewässern. Wasserbau – Heft 7,

Wasserbau und Wasserwirtschaft FH Aachen, 2003.

[54] Schröder, W.: Hydraulik. In „Grundlagen des Wasserbaus“, Werner-Verlag,

Düsseldorf, 1999.

[55] Pasche, E.: Turbulenzmechanismen in naturnahen Fliessgewässern und die

Möglichkeit ihrer mathematischen Erfassung. Mitt. Institut für Wasserbau und

Wasserwirtschaft, RWTH Aachen, Heft 52, 1984.

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss


IV

Aménagements de cours d'eau

[56] Martens, W.: Zur Frage hydraulischer Berechnungen naturnaher

Fliessgewässer. Wasserwirtschaft 79, Heft 4, pp. 170-179, 1989.

[57] Bezzola, G.R.: Vorlesungsmanuskript Flussbau, Fassung WS 05/06, ETH,

Zürich, 2005.

[58] Hunzinger, L.: Flussaufweitungen – Morphologie, Geschiebehaushalt und

Grundsätze der Bemessung. Mitteilung Nr. 159 der Versuchanstalt für

Wasserbau, Hydrologie und Glaziologie, ETH, Zürich, 1998.

[59] Requena, P. ; Bezzola, G.R. ; Minor, H.-E. : Aufweitungen in erodierenden

Flüssen. Wasser, Energie, Luft, 97. Jahrgang, Heft 7/8, 2006, pp. 183-189.

[60] A. Schleiss, M. Aemmer, E. Philipp, H. Weber (1998). Erosionsschutz an

Gebirgsflüssen mit eingegrabenen Betonprismen. Wasser, Energie, Luft 90,

Heft 3/4 (1998), pp. 45-52

[61] T. Meile, A. Schleiss, M. Bodenmann, J.-L. Boillat, M. Jäggi (2005).

„Hochwasserschutzmassnahmen an der Gamsa mit eingegrabenen

Betonprismen“, Wasser Energie Luft 97, Heft 3/4 (2005), pp. 59-66

[62] G.R. Bezzola (2005). Von der Küste in den Wildbach. Erosionsschutz mit

Betonelementen, Wasser Energie Luft 97, Heft 9/10 (2005), pp. 289-296

EPFL 2012 Prof. Dr. A. Schleiss

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!