Sexes et blessures d'arbres
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<strong>Sexes</strong> <strong>et</strong><br />
<strong>blessures</strong><br />
d’arbres<br />
Mouce<br />
Ghazavi
L’origine de l’arbre<br />
La maîtresse demande aux élèves à quoi leur fait penser l’arbre de la cour.<br />
- Moi, à la ferme de ma grand-mère…<br />
- Moi, aux vacances, aux promenades en forêt...<br />
- Et toi, Toto ?, interroge l’institutrice.<br />
- Il me fait penser à l’amour.<br />
- A l’amour ? Et pourquoi ?<br />
- Parce que j’y pense tout le temps.<br />
On pourrait inventer une histoire de c<strong>et</strong> ordre à propos de Mouce Ghazavi.<br />
Elle peut porter son regard sur les pierres, sur l’écume des vagues, sur la nature, chemins ou paysages<br />
- « Vous ne trouvez pas que ces collines ressemblent à des seins ? » -, partout elle ne voit que formes<br />
évocatrices, sensuelles, sexuelles. Quand elle regarde des arbres, elle ne cherche pas des sexes, elle les voit.<br />
Par la grâce de son appareil photo, elle les montre. Ce qu’elle trouve - en ceci elle est une artiste - donne une<br />
idée de ce qu’elle cherche - <strong>et</strong> qu’elle ignorait en le cherchant.<br />
Un proverbe africain assure que trois choses sont mystérieuses : la nuit, la mer <strong>et</strong> le sexe des femmes. A<br />
quoi le bon sens occidental répond que l’homme est une créature qui sort d’un trou <strong>et</strong> passe son existence à<br />
vouloir y revenir…<br />
Qu’y a-t-il donc - espérance, joie, secr<strong>et</strong>, trésor, mystère, vérité ? -, qu’y a-t-il donc derrière ce sexe inconnu<br />
<strong>et</strong> désirable ? Le savoir donnerait une idée de la merveille des merveilles blottie derrière tous ces sexes offerts,<br />
cachés, tendus, proéminents, évidents, mystérieux, que Mouce donne à regarder dans la pénombre moite des<br />
forêts. Magie du sexe, puissance, force, charme inépuisable.<br />
Si elles n’étaient qu’images brutes, toutes ces photographies d’arbres plairaient sans doute, mais ne<br />
sauraient pas nous émouvoir. Elles nous touchent, car elles évoquent notre chair à nous, pauvres humains,<br />
si faibles <strong>et</strong> si grands, pleins de passions, de désirs, de rêves… Ces chairs épanouies, meurtries, rebondies,<br />
gorgées de sève, de vie, nous émeuvent car elles sont animées. Elles débordent de sensibilité, de talent,<br />
d’émotion. Ce que Mouce a su voir en elle, m<strong>et</strong>tre en elle, leur offrir. Cela provoque notre admiration, déjà notre<br />
désir, provoque une envie, maintient en vie.<br />
Ce que Mouce a su voir ? Tout ce qui est derrière le sexe <strong>et</strong> dont le sexe est riche. Le reste ? Une personne.<br />
Une sensibilité. Un épiderme. Un cœur. Un art de vivre. Art d’aimer – qui est une poétique, au sens propre, une<br />
création véritable. Mouce n’est pas seulement photographe : elle écrit aussi des haïkus, denses formes qui<br />
magnifient l’instant, <strong>et</strong> dans l’instant savent trouver l’infini. Le reste ? Une histoire. Qui ne s’écrit bien qu’à deux.<br />
Prodigieux mélange de violence <strong>et</strong> de douceur. D’ardeur <strong>et</strong> de charme. De silence. De parfum. De discrétion,<br />
d’exubérance, d’humidité. De folie.<br />
Mouce a tendu son miroir au sexe des arbres pour raconter sa propre histoire. Ce qu’elle a de précieux,<br />
fragile, unique, rare, ce pour quoi elle dépense le plus d’énergie – <strong>et</strong> qui lui procure la plus grande énergie. Miroir<br />
de l’âme, de ses turbulences, de ses appétits insatiables, de ses contradictions, de ses <strong>blessures</strong>, de sa joie<br />
profonde, de ce qu’elle a de plus déraisonnable – <strong>et</strong> de plus raisonnable aussi. Sexe mémoire. Sexe étendard.<br />
Sexe caché pour mieux révéler. Sexe mis en avant pour mieux dissimuler. Sexe impudique, indispensable,<br />
omniprésent, vital.<br />
Son tableau représentant une femme allongée nue sur un lit, les cuisses écartées, Gustave Courb<strong>et</strong> l’avait<br />
intitulé L’Origine du monde. C’est dans ce sens qu’a près des milliers d’heures de promenades en forêt, Mouce<br />
Ghazavi donne avec ses images à regarder L’Origine de l’arbre. Notre propre naissance Notre vie.<br />
Robert Colonna d’Istria<br />
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Dans le creux de ses jambes une p<strong>et</strong>ite lumière l’entraîne loin d’ici,<br />
sans passés, sans issues.<br />
Les Haïkus qui accompagnent les photos sont de Mouce Ghazani : « extraire de l’ordinaire, l’extraordinaire »<br />
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Le chemin du désir, où frémit ce sexe au duv<strong>et</strong> hérisson.<br />
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De tes lèvres empourprées, tu te prépares à m’apaiser.<br />
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Sensuelle <strong>et</strong> sereine, elle songe à ce sexe qui lui caresse la nuque.<br />
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Plus rien ne lui rappelle… qu’une ombre dans la lumière.<br />
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Des monts inaccessibles, des illusions sommaires, <strong>et</strong> ce sexe…<br />
à la rouge différence.<br />
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Le froid est là… les odeurs de sexe qui jouent dans les sous bois, <strong>et</strong> le fou<br />
s’en moque.<br />
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Le temps s’abolit… ne reste qu’un sexe desséché, rugueux, opacifié.<br />
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L’Amour vient masqué, le matin, le soir <strong>et</strong> la nuit.<br />
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Un rideau de feuilles, une scène d’humus aux jeux de l’amant,<br />
inquiétant <strong>et</strong> jaloux.<br />
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Fragiles coraux sur ton rivage, où parfois viennent se fracasser<br />
d’autres réalités.<br />
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Je garde ma porte close, aux aurores désenchantées.<br />
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La mélancolie vénéneuse, de sa chair exhibée à l’appel de Léda.<br />
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Que ce sexe a-t-il de moins dénudé, de moins exhibé que toi ?<br />
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Avoir pour scène d’Amour une forêt en délire.<br />
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La méduse angoissée croit que chaque branche est un naufrage.<br />
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Face, <strong>et</strong> de face sans revers, comme un voyage sans r<strong>et</strong>our.<br />
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Dans un doux murmure de lune, j’entends la voix de ton sexe<br />
à travers les arbres.<br />
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La jouissance mouillant ses lèvres par un bel après-midi.<br />
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Offerte <strong>et</strong> captée d’indécence, jusqu’à la débauche.<br />
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Derrière elle un murmure d’Amour s’élève de son ventre.<br />
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Son sexe en gouttes lumineuses de mélancolie lactée.<br />
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J’accroche mon Amour à tes défauts.<br />
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Le vent bleu hurle dans le jardin de tes délices.<br />
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Ce sein dans son sommeil me murmure un secr<strong>et</strong>.<br />
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Le bas de te reins te devine après l’amour.<br />
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Mille nuits d’insomnies au creux de tes fesses.<br />
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Elle s’oublie en moi pour que rien ne lui rappelle les parfums de douleurs.<br />
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Des sentiments soudains pour pénètrer ton corps.<br />
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Ton sexe oriflamme m<strong>et</strong> ma mort en extase.<br />
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Emplir ton ciel vide... de mon amour.<br />
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Entre tes cuisses l’obsur fantasme de mon désir.<br />
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Il apparaîtra frippé tel un bourgeon.<br />
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Au delà d’une fracassante rupture.<br />
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