30.10.2022 Views

Dans le Jardin de notre Ame - Le Rosaire

Accompagner l'élan et le besoin unanime du Rosaire dans notre vie.

Accompagner l'élan et le besoin unanime du Rosaire dans notre vie.

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Dans le jardin de nôtre âme

Le Rosaire



Eloge de la sagesse

Ecclésiastique, XXIV - Septante

La sagesse louera son âme, et au milieu de son peuple elle se glorifiera. Elle ouvrira

la bouche en l’Eglise du Très-Haut, et devant sa milice elle se glorifiera, disant :

Je suis sortie de la bouche du Très-Haut ; et comme la nuée j’ai enveloppé la terre.

J’ai eu mon tabernacle au plus haut des cieux, et mon trône sur une colonne de nuée.

Seule j’ai fait le tour du ciel, et je me suis promenée au fond de l’abîme. Sur les flots de

la mer, sur la la terre, sur chaque peuple, sur toute nation, j’ai ma part de l’empire. En

tous ces lieux j’ai cherché le repos, et j’ai dit : Quel est celui dont j’habiterai l’héritage

?

Alors le Créateur de toutes choses m’a donné ses ordres, et celui qui m’a créée a fixé

mon tabernacle dans le repos, et il m’a dit : Demeure en Jacob ; prends ton héritage en

Israël. Il m’a créée au commencement, avant les temps, et je ne périria point jusqu’à

la consommation des siècles. Je suis attachée au service du Seigneur, devant lui, dans

le saint tabernacle. Et c’est ainsi que j’ai été établie dans Sion. Dieu m’a donné pour

lieu de repos, comme à lui-même, la ville bien-aimée, et mon pouvoir est en Jérusalem.

Et j’ai pris racine chez un peuple glorifié, dans la part que possède le Seigneur en son

héritage.

Je me suis élevée comme le cèdre sur le Liban, ou le cyprès dans les montagnes. Je

me suis élevée comme le palmier des rivages de la mer, comme un plant de rosier de

Jéricho. Je me suis élevée comme un bel olivier, comme un platane. J’ai donné un

parfum comme le cinnamome, comme le genêt aromatique ; j’ai eu l’odeur suave de la

myrrhe la plus exquise, ou celle du galbanum, de l’onyx et de l’huile de myrrhe, ou celle

de la vapeur d’encens dans le tabernacle. J’ai étendu mes branches comme la térébinthe;

et mes rameaux sont des rameaux d’honneur et de grâce. Je suis comme une vigne d’où

naît la grâce, et mes fleurs sont des fruits de gloire et de richesse. Venez à moi, vous qui

me désirez, et rassassiez-vous de mes fruits.

Mon souvenir est plus doux que le miel ; mon héritage, plus doux qu’un rayon de miel.

Ceux qui me mangent auront encore faim ; ceux qui me boivent auront encore soif.

Celui qui m’écoute ne sera jamais confondu; ceux qui travaillent avec moi ne pèchent

point. Tout ce que je viens de dire est le livre de l’alliance de Dieu Très-Haut ; c’est la

loi qu’a intimée Moïse; c’est l’héritage des tribus de Jacob. C’est Dieu qui remplit la

sagesse comme le Phison, ou comme le Tigre, au retour des jours nouveaux. C’est lui qui

remplit l’intelligence comme l’Euphrate, ou comme le Jourdain au temps de la moisson.

C’est lui qui révèle la doctrine comme la lumière aussi abondante que le Géhon, aux

jours de la vendange. Le premier n’a point connu parfaitement la sagesse ; de même, le

dernier n’a pas pu la suivre à la trace. Car ses pensées sont plus vastes que l’abîme.

J’ai jailli dans le paradis, comme un canal sort d’un fleuve, ou comme l’eau que

transporte un conduit. Et j’ai dit : J’arroserai mon verger ; j’abreuverai mon potager. Et

voilà que soudain mon canal s’est changé en fleuve, et mon fleuve est devenu une mer.

Je rendrai encore la doctrine aussi lumineuse que l’aurore, et je révèlerai ces choses

dans le lointain des siècles. Je répendrai en outre l’instruction comme une prophétie, et

je la laisserai aux générations futures. Sachez que je n’ai point pris de la peine pour moi

seule, mais pour tous ceux qui me cherchent.


Avant Propos

1 - Gal., IV, 4

2 - Rom., XI, 5

3 - Jean, XIII, 35

4 - 1Thess., V, 5

5 - 1Cor., III, 16

Tout le monde s’accorde à dire qu’à vue humaine, notre situation est

inextricable, sans solution. Beaucoup d’entre ceux qui ont une autorité ou qui

ont simplement le moyen de diffuser une parole appellent, avec raison, tous

les fidèles à user du chapelet, voir même du Rosaire. En donnant ces mots d’ordre, ils

semblent considérer que les fidèles sont parfaitement renseignés sur le Rosaire. De

plus ils ne donnent pas toujours une raison pour laquelle il faut le faire. Est-ce pour

infléchir la colère de Dieu, est-ce pour se sanctifier, pour répondre à une demande de

la Vierge Marie ? Les raisons ne semblent pas si nettement tranchées. C’est pourquoi

nous avons souhaité apporter des éléments de réponses aux questions du comment et

du pourquoi, et d’accompagner modestement cet élan, ce besoin unanime du Rosaire

dans notre vie.

Nous voulons voir dans notre époque, un temps qui à bien des égards s’apparente au

temps, de la venue de Notre Seigneur Jésus-Christ, marqué comme la plénitude des

temps 1 . Que constations nous alors ? Une grande part des fidèles de l’Église de la loi,

la Synagogue, abusés par les autorités ecclésiales, incrédules à la Parole du Messie

dont ils attendaient pourtant la venue, devenir un peuple déicide. C’est pourtant au

milieu d’eux, que Dieu s’est réservé 2 des hommes et des femmes pour former le

peuple de la nouvelle alliance, dans la foi. Mais pour les chrétiens d’aujourd’hui qui

se retrouvent indifférents, apostats, idolâtres ne participent-ils pas du même crime

? Non certes...non cela est pire, attendu qu’ils ont reçu puis délaissé la révélation

trinitaire. C’est pourquoi allant au devant de la grâce nous souhaiterions puiser toute

la force de la charité de cette première communauté chrétienne de Jérusalem dont on

pouvait les reconnaître à l’amour qu’ils se portaient les uns les autres 3 .

Si notre époque trouve quelques résonances dans les tous premiers temps apostoliques,

c’est que nous sommes dans un temps d’apostolat. Par la divine action de l’Esprit-

Saint et l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie ; enfants de lumière 4 , nous

devrions rendre la lumière reçue, comme un témoignage, certes pâle, du divin amour

de Jésus-Christ. C’est dans la pratique et la méditation du Rosaire que nous trouverons

la pureté nécessaire afin de recevoir l’abondance des grâces qui ne cesse d’émaner

de Dieu.

Que maintenant Notre Seigneur nous fasse la grâce de ne plus nous appartenir, mais

d’être à Lui exclusivement. Car il est écrit Ne savez-vous pas que vous êtes un temple

de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous 5 ?


Introduction

N

ous nous plaisons à glaner dans le jardin de l’Esprit sanctificateur, toutes

choses qui font briller aux yeux des hommes, la sagesse multiforme de

Dieu 1 . Et de cette harmonie qui fait se correspondre tous les éléments du

monde matériel et du monde de la grâce, nous devrions tirer, il est vrai, de nombreux

motifs aptes à exciter notre désir de posséder Dieu et de lui être soumis. C’est alors

que le monde sombre dans des crimes sans nombres, et que le voile couvrant encore

nos esprits de tiédeur ne fait que s’opacifier. Ne devrions nous pas juger, à l’aulne

de l’histoire, quel pourrait être alors notre destin comme celui du monde ? Si l’an

70 fut témoin de la ruine du Temple, de Jérusalem, et de l’effondrement de la nation

juive, quel écho pouvons nous donner aujourd’hui à cet événement ? Écrite par

l’Esprit-Saint, l’histoire du premier peuple qui a porté les 42 générations 2 amenant

le Christ doit nous instruire sur la Providence de Dieu. O vous gentils, qui avez pris

la place de ces rameaux brisés sur la tige de l’olivier 3 , que du moins leur chute

vous serve d’exemple. L’avantage de ceux qui vivent, comme nous le faisons, sur le

soir du monde, est de pouvoir mettre à profit les leçons du passé, surenchérit Dom

Guéranger. Ensemble nous nous interrogeons, comment rompre avec nos faiblesses

si ce n’est par la grâce ? Et comment obtenir cette grâce si ce n’est par Marie qui

en est la dispensatrice ? Marie a produit avec le Saint-Esprit, la plus grande chose

qui ait été et sera jamais, qui est un Dieu-Homme, et elle produira conséquemment

les plus grandes choses qui seront dans les derniers temps 4 . Que ces derniers temps

soient l’approche certaine de notre mort ou la fin du monde prochaine cela revient au

même, nous devons rendre témoignage à Jésus-Christ par la sainteté de notre âme.

Et ainsi reprenant pied dans notre temple, le jardin de notre âme, nous nous servirons

du Très Saint Rosaire, comme d’une échelle, comme d’un outil tranchant pour tailler

afin de rendre viable notre greffe à l’arbre de vie et accéder à la béatitude éternelle.

Don incomparable de l’amour de Dieu, offert par la bienheureuse Vierge Marie aux

hommes pour combattre l’hérésie, le Très Saint Rosaire est également l’instrument sûr

de notre sanctification, ainsi le préconise l’Église et de nombreux saints. Si l’action

de nos ancêtres, par le très saint Rosaire, prenait la forme extérieure du combat contre

l’hérésie, pour le maintien de la royauté de Notre Seigneur Jésus-Christ, aujourd’hui

dans un monde déchristianisé, nos âmes violentées, doivent, avant tout, retrouver

l’image de leur Créateur avant que d’envisager quelqu’actions. Pour autant il n’est

pas vraiment certain que lorsque nous faisons notre chapelet ou notre rosaire nous

ayons en tête ce désir, cette recherche de l’amour de Dieu, ce désir d’union avec

notre Créateur. Notre pensée se « limiterait » à garantir notre éternité, à faire notre

salut comme l’on dit souvent. Si louable soit t-elle, cette disposition d’esprit, ne nous

semble pas être au niveau du combat que Dieu attend de nous présentement.

Nous voudrions retrouver avec vous, ce qui fait notre raison d’être et tenter de vivre

la vie que notre Créateur nous a donné. Et vivre c’est aimer. Car enfin croyant ou non

croyant, le monde avait fait de nous ses esclaves, quand nous conjuguions le verbe

aimer par s’aimer. L’amour que nous devions à Dieu était réduit à la portion congrue.

Aussi, afin de punir l’apostasie larvée des chrétiens et pour régner à jamais, Dieu

permit à L’Esprit du monde de s’infuser dans toute la société dégageant de tous ces

pores, la pestilence.

1 - Eph., III, 10

2 - Matth., I, 17

3 - Rom., XI, 17

4 - Monfort, VD, 35


1 - Matth., XVI, 24

2 - Somme Théologique / 1a 2ae, q69. Art. 1, corp. /

Beatitudo est ultimus finis humanae vitae

3 - Encyclique Octobri Mense / 22 septembre 1891

4 - Matth., XI, 25-26

5 - Matth., XVI, 16

6 - Gal., IV, 6

7- Gal., V, 13

Occupant le moindre espace, le règne de Satan est une évidence visible pour un

grand nombre. C’est là le signe du stade élevé de pourrissement de la société. Ainsi

le renoncement 1 demandé par Notre Seigneur Jésus, devrait être facilité par le dégoût

qui se dégage d’une telle expérience. Et si besoin était, nous pourrions dire qu’une

société qui n’offre plus même d’espoir dans le temps, ne peut être qu’une motivation

supplémentaire pour ceux qui le place dans l’éternité.

Bien modestement, et après nous en être remis à l’Esprit sanctificateur, à la Très

Sainte Vierge Marie, aux anges et aux saints, par cet ouvrage, nous avons cru devoir

apporter notre contribution au combat chrétien. De l’incroyable richesse de la

littérature catholique, nous avons sélectionné et réuni dans un corpus, des textes

aptes non seulement à aiguiser notre amour de l’Église comme corps vivant du

Christ, mais également de nourrir notre méditation des 15 mystères du Très Saint

Rosaire. Nous sommes entrés, autant qu’il nous était donné de la faire, dans le jeu

divin des multiples interprétations et correspondances entre les mystères et l’Écriture

Sainte. Très tôt nous avons pensé rassembler tout ce que nous récoltions au fil de

nos rosaires, de textes connus et moins connus de l’Écriture Sainte, de saints, de

prélats qui forment comme le chant harmonieux et unanime de notre filiation au Dieu

trois fois saint. Et pour illustrer ces chants, nous avons rehaussé l’ouvrage d’images

notamment d’œuvres originales de Raban Maur et d’Hildegarde Von Bingen.

Avec humilité nous voudrions faire de cet ouvrage, l’ouvrage de la famille, du foyer

ou de toute personne désireuse du progrès intérieur pouvant apporter, au delà du

manuel du Rosaire, un support de réflexion contribuant à l’édification de l’homme

spirituel. Nous rêverions que ce livre ne soit jamais rangé, mais posé sur quelques

meubles dans la pièce principale, où tous les jours, suivant les inspirations des uns

et des autres, il serait compulsé ou simplement regardé. Nous l’avons déjà dit, notre

but est de montrer combien il est approprié de méditer le Rosaire pour accéder à la

transformation, la déification de l’homme ; car la béatitude est la fin dernière de la vie

humaine 2 . En accord avec l’Église, nous sommes en droit de penser que le Rosaire

rempli toutes les conditions pour parvenir à cette fin dernière tout en combattant le

monde, nonobstant l’état d’avancement des uns et des autres. Le Pape Léon XIII,

résume ainsi parfaitement notre situation d’aujourd’hui et la puissance du Rosaire.

Nous, nous plaisons à désigner en particulier et à recommander tout spécialement le

Rosaire. […] Actuellement, l’esprit humain est impuissant à pénétrer la profondeur

des desseins de la Providence ; mais il viendra un jour où, dans Sa grande bonté, Dieu

montrant à découvert les causes et les conséquences des événements, il apparaîtra

clairement combien l’office de la prière aura eu de la puissance à cet égard et que

de choses utiles il aura obtenues. On verra alors que c’est grâce à la prière qu’au

milieu de la corruption si grande d’un monde dépravé, beaucoup se sont gardés

intacts et se sont préservés de toute souillure de la chair et de l’esprit, accomplissant

leur sanctification dans la croyance de Dieu (2Cor., VII, 1), que d’autres, au moment

où ils allaient se laisser entraîner au mal, se sont soudain retenus et ont puisé dans

le danger et dans la tentation même d’heureux accroissements de vertu, que d’autres

enfin, qui avaient succombé, ont senti dans leur âme une certaine sollicitation à se

relever et à se jeter dans le sein du Dieu de miséricorde 3 .

Pater... comme ce mot est doux et fort à la fois, rassurant et obligeant, presque irréel

lorsque nous le prononçons puisque nous nous adressons à Dieu le Père. Ce Père dont

le Fils, éternellement engendré, le bénis 4 , nous fait la grâce incomparable d’en être

héritier tout comme Lui. Ô comme nos prières sont pâles, insignifiantes et comme

nous ressentons notre faiblesse au vu de ce Fils aimant, le Verbe incarné. Lui la

Sagesse, Fils du Dieu vivant 5 nous montre la voie. Ainsi que nous le dit l’Apôtre

faisons comme Notre Seigneur Jésus, crions Abba ! Père ! 6 En nous donnant le

Pater Noster, Notre Seigneur Jésus-Christ, nous y a donné tout son enseignement.

Parce que telle est la volonté de Dieu, l’objet principal de notre prière doit porter sur

l’amour de Dieu et c’est en faisant sa divine volonté que nous réalisons notre propre

transformation. Parmi tout le merveilleux de notre religion, ce perfectionnement,

qui conduit à notre transformation puis à la transfiguration, est l’unique moyen de

recouvrer notre liberté, vous avez été appelés à la liberté 7 , nous dit encore l’Apôtre,

liberté de ne plus être esclave de nos péchés, du démon, et devenir ainsi fils de Dieu


dans le Christ, réalisant ainsi la volonté du Père.

Que cette perspective est enthousiasmante, en accomplissant la volonté du Père, nous

achevons notre transformation. Transformation pour retrouver, par imitation et sous

l’impulsion de l’Esprit-Saint, l’image de notre créateur laissée en nous. Tel est le sens

que nous voulons garder du Rosaire. Il suffit au disciple d’être comme son maître,

et au serviteur comme son seigneur 1 . Nous pensons que cette vision procède d’un

élan qui ne peut que transformer nos vies avant que t’atteindre les hauteurs de la vie

éternelle.

Trop de gens pourraient voir dans cette approche des choses, comme une ambition

déplacée, irréaliste, uniquement valable pour les saints. Mais nous pourrions leur

répondre que pour n’avoir pas cherché à devenir des saints, nous en sommes arrivés

là. Il n’est pas question pour nous de nier l’hostilité du monde, le désordre, notre

propre faiblesse, les difficultés de la vie, qui sont autant d’obstacles sur la voie de

notre déification. Et il est fort probable qu’entre le moment où nous écrivons ces mots

et le jour où ceux-ci seront lus, le monde aura sombré un peu plus dans le chaos,

multipliant à l’envie nos difficultés. Mais le combat n’est-il pas principalement

d’ordre surnaturel ? Ainsi un peu plus loin notre Seigneur nous disait, ne craignez

pas ceux qui tuent le corps, et ne peuvent tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut

perdre l’âme et le corps dans la géhenne 2 . Sursum corda, habémus ad Dominum,

disons-nous à la messe, maintenant croyons le et faisons le ! Et c’est précisément

pour cela que nous voudrions, en toute humilité, nous faire les portes voix de cette

arme spirituelle qu’est le Rosaire. Nous avons confiance, et nous voulons redonner

toute sa mesure à la Divine Providence. Nous voulons sortir de notre passivité, car on

ne se moque pas de Dieu. 3 Plus que jamais nous sentons le besoin impérieux de nous

donner à Dieu, chaud, fervent en esprit 4 , évitant la tiédeur, parce que tu es tiède, et tu

n’es ni froid ni chaud, je vais te vomir de ma bouche 5 . Aussi est-il temps de demander

ce qu’il y a de plus grand, de plus éloigné de notre propre néant : la sainteté - Je ne

me plais que dans mes faiblesses : car lorsque je me sens faible, c’est alors que je

suis puissant 6 . C’est avec les faibles que Dieu montre sa toute puissance. Nous avons

donc toutes nos chances ! Devant nos défaillances, les combats innombrables que

le monde nous livre, il nous semble urgent d’y faire face par une sainte pratique du

Rosaire. Le Pape Pie XII nous en donne l’explication lorsqu’il nous dit, nous mettons

une grande espérance dans le rosaire pour la guérison des maux qui affligent notre

époque. Ce n’est pas avec la force, ni avec les armes, ni avec la puissance humaine,

mais avec l’aide divine obtenue par cette prière que l’Église, forte comme David

avec sa fronde, pourra affronter, intrépide, l’ennemi infernal 7 .

Comment nous avons envisagé cet ouvrage ? Le jardin s’est imposé comme le

temple et l’image de notre âme. Tout au long des Saintes Écritures de l’Eden 8 au

sépulcre 9 , le jardin a un rôle central dans le mystère de l’Incarnation. Il fut le lieu

de la félicité et de la déperdition du premier Adam mais également le lieu de la

mort et de la résurrection du second Adam à l’endroit même où le premier Adam

fut enseveli. Nous posons la question, n’est-ce pas au fond de son âme qu’Adam,

poussé par l’orgueil, est allé chercher dans ce jardin chéri, l’esprit d’indépendance

rompant ainsi l’ordre de Dieu ? Dès lors Dieu fera preuve de sa grande miséricorde

en promettant le Messie, le désiré des nations 9 , pour le renouvellement du monde.

Ainsi dans la formidable économie de l’Incarnation, l’Esprit-Saint crée Jésus-Christ,

la Bienheureuse Vierge Marie, l’Église et le chrétien. Pour suppléer aux faiblesses

des hommes sans cesse croissantes, l’Esprit-Saint a érigé le Rosier Mystique, le Très

Saint Rosaire. Marie Mère d’entre les mères, la deuxième Eve, a désiré le planter

dans le jardin de notre âme afin de sursoir à la condamnation que Dieu avait proféré

à l’encontre de l’homme. Qu’il n’avance pas sa main, qu’il ne prenne pas aussi de

l’arbre de vie, pour en marger et vivre éternellement 10 .

Notre Vision du Rosaire

Mais permettez nous ici, d’aller un peu plus loin dans notre vision du Rosaire. Si

le Rosaire est perçu justement comme une prière, son implication nous incline

à considérer qu’il est bien plus que cela. Par ses répétitions quotidiennes, ses

fréquentes invocations, sa méditation, induit, infuse en nous, la réalité du Dieu

incarné. Ainsi il devient un moyen de transformation en même temps qu’il est

1 - Matth. X, 25

2 - Matth., X, 28

3 - Gal., VI, 7

4- Rom. XII, 11

5 - Apoc. III,16

6 - 2Cor., XII, 10

7 - Encyclique Ingruentium Malorum 15 sept. 1951

8 - Gen., II, 8 9 - Jean, XIX , 41

9 - Agg., II,8 - Gen., III, 15 - Ibid, XLIX, 10

10 - Gen., III, 22


1- Jean, XXI, 11

2 - 2Roi, IV, 34

3 - Gen., XXII, 18

4 - Apoc., II, 7

5 - En Hébreu, rapporte Paul Drach, le nom Jésus écrit

pleinement, ‏,יהושצ signifie : Jéhova nous secourt, nous

sauve. Harm. Eglise - Synagogue - T2

6 - Nb., XVII, 20 (Vulgate Nb., XVII, 5)

7 - Vous êtes Prêtre, seconde parole que l’Eglise dit à

l’homme dans la confirmation.

8 - Nb., XVII, 23 (Vulgate Nb., XVII, 8)

le symbole de cette transformation.

Ce symbole c’est l’arbre de vie sur lequel nous nous greffons, la croix de Jésus-Christ

sur laquelle seront entés les 153 rameaux 1 de tous les élus baptisés. Régénéré par la

mort du fils de l’Homme sur lequel il applique tout son corps 2 , le bois mort de la croix

se fait arbre de vie. De cet arbre de vie, de la croix, Dieu nous offre la possibilité

de nous y agréger afin qu’à notre tour nous nous régénérions. En ton germe seront

bénies toutes les nations de la terre 3 . Le Rosaire, c’est la croix de Jésus-Christ, ce

rosier mystique qui arbore jusqu’aux limites des cieux les fleurs incomparables et

d’excellents fruits, illustre notre transformation dans le temps avant que de connaître

notre transfiguration éternelle à la fin des temps. A celui qui vaincra, je lui donnerai

à manger de l’arbre de vie, qui est dans le paradis de mon Dieu 4 . Selon la place de

chacun, l’économie merveilleuse du Rosaire mu par l’Esprit-Saint et la médiation de

l’Alma conduisent les rameaux entés sur l’arbre de vie à donner des fruits appelés

aussi béatitudes. Souvenons nous que le bois mort de la croix, porté par le Dieu qui

sauve 5 , c’est nous, l’homme pécheur. Lui seul, l’Emmanuel, fait fleurir le bois mort,

telle la verge d’Aaron. L’homme que je choisirai sera celui dont la verge fleurira 6

et cette disposition des verges dans le Temple doit être la confirmation du sacerdoce

d’Aaron. Nous voulons voir ici un signe supplémentaire du changement de vie

qu’implique le Rosaire. En conséquence nous comprenons que le Rosaire est une

façon de vivre, il exprime le sacerdoce 7 que chaque chrétien doit s’appliquer par le

sacrifice quotidien qu’il fait de sa personne. Sacerdoce qui doit donner selon son

application, comme il est dit, des boutons, des fleurs et des fruits, soit les vertus,

les dons et les fruits du Saint-Esprit. Le lendemain, Moïse retourna dans la tente

du témoignage, et voici que la verge d’Aaron avait fleuri, pour la tribu de Lévi : il

y avait poussé des boutons, éclos des fleurs et mûri des amandes 8 . Ainsi posé nous

voulons voir dans le Rosaire une forme de l’Église militante. Le Rosaire, dont l’objet

est d’amener tous ces pratiquants au Christ par Marie et par le Christ au Père, trouve

son corollaire dans l’Église. Le Rosaire c’est le renouvellement des vœux de notre

baptême, le renoncement au monde en s’appliquant les leçons des 15 mystères. C’est

une ode à la l’Épouse du Christ.

Notre jardin se doit d’être beau.

Nous voulons soumettre cet ouvrage à ceux qui souhaitent œuvrer pour le

perfectionnement qu’est le jardin de leur âme. Il présente la particularité de

regrouper dans un même ouvrage une grande variété de textes courts que l’on peut

compulser selon les besoins de tout à chacun sans que le manque de temps souvent

ressenti soit un frein à la lecture. Nous pensons que cela devrait correspondre aux

lecteurs d’aujourd’hui. Jardiniers apprentis, ils évolueront sous la direction de la

Très Sainte Vierge Marie et de l’Esprit-Saint. Ainsi pensé et suivant le souhait que

nous formulions de le voir occuper une place importante dans les intérieurs, le livre

ne devait pas être de petite taille. Sans aucune contrainte, notamment budgétaire

(pour le moment), idéalement nous proposons le format de 33x25cm. Car comme

nous l’avons déjà mentionné, nous voulons offrir également un beau livre agrémenté

d’images en couleurs.

Faire un jardin à notre mesure.

Notre ouvrage se compose de trois parties principales et d’un index. Toutes

rassemblent un corpus de textes tirés de notre trésor commun dont les auteurs sont

l’Esprit-Saint et les intelligences catholiques. Ici nous voulons affirmer, que notre

livre, ne peut se substituer aux ouvrages traditionnels de l’Église, qu’il ne prétend

nullement être une quelconque somme. Que l’arbitraire de nos choix ne s’est fait

sans aucune considération, guidé au fil de nos lectures, oserait-on dire par la divine

providence ? Nous voyons dans ce format une manière de faire découvrir des auteurs

ou des ouvrages aux lecteurs. Certains sont connus de tous mais ont-ils été vraiment

abordé ? Parmi d’autres, nous pensons principalement au Traité du Saint-Esprit de

Mgr Gaume et à l’année liturgique de Dom Guéranger. Nous avons largement exploité

les ressources des bibliothèques numériques en libre accès sur Internet, nombreux

sont les ouvrages scannés et disponibles gratuitement. Outre l’avantage financier,

nous avons pu découvrir des ouvrages qui ne sont malheureusement plus édités ou

extrêmement rares en occasions.


De bons outils pour bien travailler notre jardin.

La première partie intitulée Du Rosaire, traite des questions centrées sur la pratique

du Rosaire, nous y avons inclus des textes provenant principalement de deux

ouvrages. Le premier s’intitule Le Rosier Mystique de la Très Sainte Vierge Marie,

écrit en 1840 par un frère prêcheur, qui résumait bien l’un des motifs du présent

ouvrage lorsqu’il disait, il est grand le nombre de Fidèles qui récitent le Rosaire, il

y en a très peu qui connaissent les trésors spirituels que renferme cette admirable

dévotion. Le second livre nous vient d’Allemagne, Le Saint Rosaire de la Très Sainte

Vierge du R.P. Thomas Esser O.P, écrit en 1889 traduit en 1894 par Mgr Amédée Curé

ancien aumônier de M. le Comte de Chambord et Camérier d’honneur du Pape Léon

XIII. Nul autre que les frères prêcheurs ne pouvait poser des bases plus sûres de notre

édifice.

Sans eau vive et sans fertilisant il n’y a pas de jardin.

Avec plus de 200 pages, la deuxième partie concentre le plus grand nombre de textes,

nous l’avons nommé Éléments de notre religion. Loin d’être exhaustif, ce chapitre

rassemble des aspects qui touchent de près les mystères du Rosaire comme par

exemple : Dieu, le mystère de l’incarnation, l’âme, la prière, la pénitence, la Croix,

les vertus, le combat chrétien...

Nous avons placé à dessein quelques textes plus denses comme avec saint Thomas

d’Aquin pour la question de l’âme afin de nous frotter selon nos envies et nos besoins

à des textes que nous n’aurions pas lu autrement. C’est là le deuxième niveau de

l’enrichissement de notre méditation.

Le jardin est une affaire de pratique quotidienne.

Avec Rosa Mystica, le troisième des grands chapitres, nous arrivons au cœur de

l’ouvrage. C’est en abordant un à un les 15 mystères du Rosaire et en les détaillant de

manière systématique par 12 points éclairants que le lecteur devrait trouver matière

à enrichir de façon plus particulière sa méditation. Après une brève introduction,

nous passons par le texte de l’Évangile lié au mystère, puis une partie qui met en

relation le mystère avec des citations tirées de l’Évangile. Suivie d’une partie qui

met le mystère en relation avec l’ancien testament. Co-rédemptrice des hommes,

nous voulions mettre en lumière le rôle imminent de notre Mère dans chaque mystère

autant qu’il nous en était permis. La Bienheureuse Vierge Marie n’est-elle pas digne

que nous l’imitions en toutes choses ? c’est l’objet du point suivant. Celui qui est

hors du temps s’est inscrit dans le temps notamment par les prophètes, nous voyons

ici les prophéties liées au mystères. Ensuite, nous soulignons l’importance des anges

dans l’œuvre de Dieu, ces intermédiaires zélés que nous retrouvons souvent auprès

des hommes et de Notre Seigneur. Nous vous proposerons une correspondance entre

le Pater et les 10 premiers mystères du Rosaire.

Nous ne saurions assez vous rendre grâce, adorable Trinité et Bienheureuse Vierge

Marie, de nous permettre, à nous pécheurs d’entre les pécheurs, de vivre ici-bas

dans l’unique Eglise de Dieu, l’Eglise catholique. Nous vous rendons grâce, Sagesse

infinie, pour tous ces doctes, amoureux de Votre lumière, qui nous permettent de

vous découvrir, quelque peu, sous le voile qui nous sépare, pour un temps, de Vous.

Si imparfait que soit notre travail, nous sommes malgré tout heureux de pouvoir les

réunir même partiellement, dans un même ouvrage. Nous vous rendons grâce, Esprit-

Saint, de la vie surnaturelle que vous faîtes naitre en nous et de nous avoir donné,

à nous orphelins de l’autorité, des évêques, des prêtres attachés à ne pas mettre la

lumière sous le boisseau 1 . Placés dans ce monde hostile et pécheur jusqu’à l’hystérie,

nous voulons trouver le moyen d’être victorieux dans les épreuves afin qu’il ne soit

pas dit, qu’il a été vain de nous donner tant de grâces 2 !

Nous protestons d’avance, contre toute interprétation que nous aurions adoptée, et

qui serait contraire à la Foi de l’Église catholique, apostolique et romaine, dans le

sein de laquelle nous voulons vivre et mourir. L’Église de toujours comme le disait

Monseigneur Lefebvre.

Puisse ce modeste ouvrage, offert aux pieds de la Bienheureuse Vierge Marie, en

guise de notre éternelle reconnaissance, contribuer à notre édification et attirer sur

nous d’abondantes bénédictions.

Deo Patri sit gloria, ejusque soli Filio, cum Spiritu Paraclito, et nunc, et in perpetuum. Amen.

1 - Matth., V, 15 - Luc, XI, 33

2 - Cor., XV, 10


Grands Chapitres

1-o.

Introduction

1-1. Le Rosaire dans son essence

1-2. Qu’est ce que le Rosaire ?

1-3. Le Rosaire dans sa constitution intime

1-4. De la Méditation des Mystères du Rosaire

1-5. Le Rosaire sacramentel et arme du peuple

1-6. Le Rosaire pour nous tenir unis à Dieu et ses effets sur

la vie de l’homme

1-7. Le Rosaire, méthode pour le dire et prière en commun

1-8. Conclusion


Du

Ro

sai

re 1.


De la dévotion à la sainte Vierge

1-0

Introduction

Par un Frère prêcheur

ROSIER MYSTIQUE

de la Très Sainte Vierge Marie – Lyon 1840

Nous distinguons, avec le Père de Galiffet de la Compagnie de Jésus, deux

sorte de dévotions : la parfaite et l'imparfaite. La dévotion parfaite est celle

des justes, l'imparfaite, celle des pécheurs.

Il y a, dit ce Père, trois actes ou trois sentiments principaux qui constituent l'essentiel de

la dévotion à la sainte Vierge ; ces trois sentiments essentiels sont : 1° Un sentiment de

respect, de vénération, d'hommage, de reconnaissance, de soumission proportionnée

à sa dignité de Mère de Dieu. 2° Un sentiment de confiance proportionnée à son

pouvoir et à sa bonté, qui nous fasse recourir à elle dans nos besoins, comme à notre

secours et à notre refuge. 3° Un sentiment d'amour tendre et filial, qui réponde à ses

perfections et à sa qualité de Mère, à ses bontés et à ses bienfaits.

Ces trois sentiments de respect, de confiance, et d'amour renferment donc l'essentiel

de cette dévotion ; en sorte que tout ce qui n'est pas cela, ou qui ne part pas de

là, ou qui ne va pas là, doit être regardé

comme lui étant étranger. Celui qui n'a pas

ces sentiments vrais et sincères, manque

certainement de dévotion à Marie ; au

contraire, quiconque a cette dévotion, est

tout pénétré d'admiration de ses grandeurs,

de confiance en sa protection, d'affection et

d'amour pour elle, de désir de se consacrer

à son service, et de mériter son assistance

et ses faveurs ; le pécheur, même le plus

coupable, concevra l'espérance de sa

conversion et l'intercession de cette divine

médiatrice.

Quelqu'un pourra nous dire que nous

omettons ici un des principaux traits de

la dévotion à Marie, qui est son imitation,

que la véritable dévotion se trouve, en

effet, dans cette imitation, hors de laquelle

on ne peut avoir une véritable dévotion à

la sainte Vierge.

Voici notre réponse, elle est essentielle à

notre sujet. L'imitation de la sainte Vierge

est sans doute le plus bel ornement de la

dévotion que l'on puisse pratiquer en son

honneur ; mais cette imitation est plutôt

l'effet et le fruit de cette dévotion, qu'elle

n'en est l'essence.

Lorsque la dévotion est parfaite, elle

produit l'imitation de la sainte Vierge ; celui

qui l'imite, se rend par là plus conforme

à elle, plus agréable à ses yeux, et mérite

ainsi de plus en plus sa protection et ses

faveurs. Mais cette même dévotion peut

être faible et imparfaite, et ne produire

pas encore cet effet de l'imitation. Elle est

telle dans plusieurs pécheurs ; mais toute

imparfaite qu'elle est dans le cœur, elle y

est toutefois, et c'est un germe de vie que

Dieu y met, qui produit à la fin, s'il est

cultivé, le fruit de la véritable pénitence,

et d'une conversion parfaite.


Le Rosaire dans son essence

1-1

L'Église elle-même, dans le bréviaire, désigne le Rosaire ou Psautier de Marie

comme une formule de prière en l'honneur de la Très Sainte Vierge, consistant

dans la récitation de cent cinquante Ave Maria, que l'on divise, au moyen de

Pater intercalés, en quinze principaux mystères de notre Rédemption.

D'après cela, le Saint Rosaire se compose de deux parties également nécessaires,

à savoir : premièrement la récitation de cent cinquante Ave avec les quinze Pater

intercalés (et autant de Gloria Patri), et deuxièmement la méditation où pieuse

considération des mystères qui répondent aux quinze dizaines. Ces mystères sont 1°

l'Annonce de l'Incarnation du Fils de Dieu par la bouche de l'ange et sa réalisation

dans le sein de la B. V. Marie (Annonciation) ; 2° la visite de la Sainte Vierge à sa

cousine Élisabeth (Visitation) ; 3°la naissance du Rédempteur du monde dans l'étable

de Béthléem (Nativité de Notre Seigneur) ; 4° la présentation ou l'offrande de Notre

Seigneur au temple de Jérusalem et en même temps la purification de la Très Sainte

Vierge ; 5° le recouvrement de Jésus par ses saints parents dans le Temple ; l'agonie

et la sueur de sang sur le mont des Oliviers ; 7° la flagellation ; 8° le couronnement

d'épines ; 9°le portement de la Croix et toutes les douleurs du chemin de la Croix ;

10° le crucifiement et la mort de Jésus sur le Calvaire ; 11° sa résurrection ; 12° son

ascension ; 13°la descente du Saint-Esprit sur les apôtres ; 14° l'assomption de la

Très Sainte Vierge ; 15° son couronnement comme reine du ciel 1 .

Il faut donc qu'on médite ces mystères dans son cœur, pendant qu'on récite de bouche

les prières du Rosaire. L'un et l'autre vont ensemble. De même que l'âme et le corps

en se réunissant constituent cet être vivant que nous appelons l'homme, de même ce

qui constitue la prière vivante et vivifiante du Rosaire, c'est uniquement la réunion

de la méditation pieuse avec la prière vocale, de la manière que nous avons dite. Non

pas que la simple récitation des prières vocales du Rosaire ne soit pas une bonne

prière, quand elle est bien faite, mais ce n'est pas là ce qui fait l'essence du Rosaire.

Les prières vocales sont dans le Rosaire en quelque sorte la matière, à laquelle la

méditation des mystères donne seule sa forme propre, sa figure caractéristique. De

même que Dieu, à la création de l'homme, acheva cette statue vivante en insufflant

une âme dans le corps formé de la terre ; ainsi la méditation des mystères dans le

Rosaire, insuffle à ses prières vocales une vie supérieure et un esprit nouveau, et c'est

là seulement ce qui fait la nature propre du Rosaire. D'après cela, ce que le cœur est

pour l'homme, la méditation l'est pour le Rosaire. Enlevez à un homme son cœur,

et vous lui enlevez la vie ; retirez au Rosaire la méditation, et vous détruisez son

essence. Ce qu'est l'assaisonnement pour les mets, le diamant pour la bague, les fleurs

pour un jardin, les ruisseaux pour la prairie, les rivières pour la vallée, la méditation

des mystères l'est aussi pour le Rosaire. C'est elle seule qui donne au Rosaire sa

saveur, son éclat, sa beauté, sa fécondité. Sans elle le Rosaire serait comme un jour

sans soleil, une nuit sans lune, un édifice sans chaux et sans ciment.

Ce n'est que l'union régulière de la méditation des mystères, et de la prière vocale du

Rosaire, que nous pouvons nous promettre ces effets profonds sur notre âme, et ces

fruits magnifiques pour l'Église, qui sont attribués à cette prière. Bien plus, mêmeles

indulgences, qui sont attachées en si grand nombre au Rosaire, ne peuvent se gagner,

si on ne le récite pas de cette manière, tant l'Église regarde comme nécessaire l'union

de la méditation des mystères avec les prières vocales dans le Rosaire. Elle ne fait

exception de cette décision qu'en faveur des personnes ignorantes ou illettrées, qui

ne sont pas en état de faire de méditation ou de considération sur les mystères. Ces

personnes peuvent, il est vrai, gagner les indulgences du Saint Rosaire, en se bornant

à réciter pieusement les prières vocales, mais c'est seulement par une faveur spéciale,

que l'Église leur accorde en considération de leur défaut d'instruction 2 .

R.P Thomas Esser, O. P.

Le Saint Rosaire de la Très Sainte Vierge

Marie

Traduction de Mgr Amédée Curé, Ancien aumônier de

M. le Comte de Chambord, Camérier d’honneur de S. S.

Léon XIII – Paris 1894

1 - Remarquons tout de suite, à ce propos, que tout ce qui

s’écarterait des mystères, que nous venons d’énumérer,

entrainerait la perte des indulgences du Rosaire.

2 - Benedictus XIII, Constit. «Pretiosus» d. d. 26 Maj.

1727


Déjà, par ce que nous venons de dire, on voit combien est peu intelligente l'objection

qu'on fait si souvent au Rosaire, de n'être qu'une suite d'Ave Maria dévidés ou débités

sans penser à rien. Ce reproche tombe sur toute prière faite sans dévotion et sans

attention. Notre Seigneur lui-même l'a fait le premier, lorsqu'il a dit : Ce peuple

m'honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi (Matth., X, 8). Mais si la prière est

faite comme il faut, aucune ne mérite moins se reproche que celle du Saint Rosaire.

Les mystères de la vie du divin Sauveur et de la Très Sainte Mère, dont la méditation

accompagne chaque dizaine et même chaque Ave Maria du Rosaire, ne sont-ils pas

les plus augustes et les plus profonds qui puissent être offerts à nos méditations

? Non seulement la richesse du sujet, mais sa variété et ses multiples points de

vue surpassent toute autre prière. En réalité, aucune n'est moins uniforme que le

Rosaire. C'est toute la vie du divin Sauveur et celle de sa sainte Mère qui passent

dans les mystères devant nos yeux, et nous prenons part à chacune des scènes que

nous voyons s'accomplir. Nous voyons l'ange avec son message céleste entrer dans

la petite chambre de la Sainte Vierge, et nous prêtons l'oreille à leur austère entretien.

Nous voyons la Sainte Vierge s'agenouiller devant son divin Enfant, le nourrir de

son lait, s'extasier à son céleste sourire. Nous l'entendons le concert des anges au

près de la crèche. Bientôt nous nous trouvons transportés au milieu des scènes de

douleur : au lieu du sourire, c'est l'agonie ; au lieu du doux lait de sa mère, c'est le fiel

et le vinaigre ; au lieu des harmonies angéliques, ce sont des malédictions brutales

et des blasphèmes ; au lieu des caresses maternelles, des fouets et des marteaux. –

C'est Jésus crucifié pour nous. – Mais de nouveau sa mort va se changer en vie, son

opprobre en une gloire éclatante, et sa mère, après avoir épuisé toutes les douleurs,

va être couronnée reine du ciel.

Et de même que ces scènes sublimes, dont chacune contient de la matière à méditer

pour une éternité, varient sans cesse, de même le fond sur lequel elles se déroulent

déploie, en se succédant, une variété inépuisable de couleurs. Ici, c'est une grotte

glacée qui s'ouvre devant nous ; là, c'est le superbe temple de Jérusalem. Ici, c'est un

jardin où l'on nous a conduits la nuit, en traversant le torrent du Cédron ; à la clarté

de la lune, les oliviers y répandent de longues ombres qui font peur. Là, c'est une

colline dénudée, qui sert de lieu d'exécution pour les criminels. Ici, nous sommes

dans une petite maison de Nazareth, goûtant la douce paix d'une vie de famille ; là,

c'est l'explosion de toutes les passions qui s'agitent dans la discution tumultueuse

d'un tribunal. Qu'est-ce donc qui pourrait offrir à notre esprit, à notre imagination, à

notre cœur, un aliment plus riche que le Rosaire ?

Il y a même dans cette prière un véritable élément dramatique. Ses mystères exerçaient

une telle attraction sur la piété naïve du moyen-age que, bientôt après son institution,

ils étaient représentés dans les églises, ou dans les cimetières, soit par des tableaux

vivants, soit par des pièces théâtrales. Non pas que ces drames religieux fussent

en rapport direct avec le Rosaire, mais ils traitaient les mêmes sujets que lui, et ils

partageaient aussi, d'après l'année ecclésiastique, en drames de Noël, de la Passion

et de Pâques. Il est évident que de telle représentations faisaient sur le cœur et sur

l'imagination plus d'impression que le meilleur sermon. Le peu de ces spectacles

religieux qui a passé jusqu'à nous : la Crêche, avec ses figures, ses bergers et ses images,

à Noël ; la Passion, chantée alternativement pendant la semaine sainte, le tombeau,

avec ses gardes endormis, et la solennité de la résurrection, le matin de Pâques, ne

manquent pas, encore

à présent, d'exercer

une impression

puissante sur les âmes

innocentes et candides.

Il y a toujours, dans ces

représentations, comme

dans maintes coutumes

populaires, qui se

rattachent à certaines

fêtes, une bonne part

de poésie simple mais

sublime.


Le vaste cycle formé par la représentation des quinze mystères du Rosaire, se

divise, d'après son objet, en trois groupe distincts, dont chacun forme un tout

complet. Les cinq premiers mystères comprennent toute l'enfance de Jésus et sa vie

intime auprès de Marie, sa vraie mère, et de saint Joseph, son père putatif. Les cinq

mystères suivants renferment l'œuvre de la Rédemption proprement dite, avec la

part que sa sainte Mère y a prise, c'est à dire sa douloureuse passion et sa mort. Les

cinq derniers enfin ont pour objet la récompense et la gloire de Jésus et de sa sainte

Mère. D'après les sujets différents de ces mystères, qui forment en réalité trois

séries de pensées distinctes – on pourrait dire un drame en trois actes, chacun de

cinq scènes – nous divisons aussi ordinairement tout le psautier de Marie en trois

parties : les mystères joyeux, douloureux et glorieux.

Qu’est-ce

que le

Rosaire ?

1-2

Par un Frère prêcheur

ROSIER MYSTIQUE

de la Très Sainte Vierge Marie – Lyon 1840

Quelle est l’origine du Rosaire ? 1-2-1

Si nous cherchons l'origine du Rosier sacré, dont nous décrivons les excellences, nous trouverons qu'il est venu du ciel, et qu'il

est l'ouvrage du Saint-Esprit, puisqu'il est pour nous d'un puissant secours pour nous sanctifier. Le Saint rosaire est sans doute

une fleur céleste, puisque son odeur nous excite à la vertu, qu'elle nous élève à Dieu et qu'elle nous enflamme de son amour.

Le saint Rosaire, considéré dans sa substance, est la première prière et la première dévotion des fidèles.

L'oraison la plus ordinaire des Apôtres et des Disciples était celle que leur divin Maître leur avait enseignée. Ils récitaient souvent la

Salutation Angélique pour se rappeler le mystère sacré de l'Incarnation, et pour honorer la Très Sainte Mère du Sauveur du monde.

Ils méditaient, jour et nuit, sur sa vie, sur les vertus, sur les souffrances et sur la résurrection de Jésus-Christ ; ils n'avaient d'autre but

dans leurs prédications que d'imprimer fortement ses mystères dans les cœurs, pour les embraser de son amour. O Rosier mystique !

Arbre précieux de la céleste Jérusalem ! Rosaire donné à l'Église par les mains de la divine Marie, Mère de Dieu, ne cesse de pousser

tes racine et d'exhaler partout ta céleste odeur.

De l’auteur du Rosaire

1-2-2

Le Rosaire est si excellent, que plusieurs garnds hommes ont envié à saint Dominique la gloire de l'avoir institué : mais il faut

avouer que par une singulière faveur, la Sainte Vierge lui révélé cette dévotion, qu'elle l'a choisi pour être le premier prédicateur,

et qu'avant ce grand saint, le Rosaire était inconnu dans l'Église.

Pour être persuadé de cette vérité, il faut distinguer deux choses dans le Rosaire, la matière et la forme. L’Oraison Dominicale et la

Salutation Angélique en sont la matière : les quinze dixaines de Salutations Angéliques, entrelacées de quinze Oraisons Dominicales,

avec la méditation des quinze principaux Mystères de la vie de Jésus-Christ et de la Sainte Vierge, en son la forme : ces deux choses


constituent essentiellement ce que nous appelons le

Rosaire.

Il est vrai que tout temps les fidèles ont récité un certain

nombre de Pater et d'Ave, que les anciens ermites et les

Religieux les comptaient avec de petites pierres, ou des

grains enfilés ; mais le bienheureux Alain de la Roche fait

voir, dans son traité du Rosaire, que ces Pater et ces Ave

n'étaient que la matière, et non la forme du rosaire tel que

nous le récitons aujourd'hui ; car nous ne voyons dans

aucune histoire qu'un auteur, autre que saint Dominique,

ait institué cette excellente méthode, composé de quinze

dixaines de Salutations Angéliques et de quinze Oraisons

Dominicales avec une méditation, à la fin de chaque

dixaine, pour honorer les quinze principaux Mystères de

la vie de Jésus-Christ et de la Sainte Vierge. Les Pater et

les Ave que récitaient les fidèles et les anciens religieux,

avant saint Dominique, ne sont donc pas notre Rosaire que

l'Église a approuvé, qu'elle a tant loué, qu'elle a favorisé

de tant d'indulgences, et que le ciel a autorisé par tant de

signes, de prodiges et de miracles, mais ils n'étaient que

la matière ou la substance du nôtre. L'autorité d'un pape aussi saint et aussi éclairé que l'était Pie V, a plus de force pour conserver à saint

Dominique la glorieuse qualité d'auteur du Rosaire, que n'en ont toutes les raisons de ceux qui veulent la lui contester. Ce saint Pape

déclare dans sa bulle : Consueverunt Pontifices romani, du 17 septembre 1569, que saint Dominique ayant prié la très Sainte Vierge de

lui enseigner quelque moyen efficace pour ramener les hérétique au sein de l'Église, et les pécheurs à la pénitence, fut, comme il faut

le croire pieusement, inspiré du Saint-Esprit qui lui enseigna cette très dévote méthode qu'on appelle Rosaire. […] Grégoire XIII dans

sa bulle, Monet apostolus, du 1er avril 1573. Sixte-Quint dans sa bulle, Dum ineffabila, du 30 janvier 1586. Et Léon X, longtemps

au-paravent, dans son bref, Pastoris aeterni, du 6 octobre 1520, assurent unanimement que saint Dominique a institué et prêché cette

excellente manière de prier, qu'on appelle Rosaire, pour honorer Jésus-Christ et sa sainte Mère. La bulle de Pie V, dont nous avons

déjà, porte non-seulement

que saint Dominique a

institué le Rosaire, mais

que le Rosaire consiste

dans ce nombre de quinze

Mystères de la vie de Jésus-

Christ. Car ce saint Pape dit

: Que les fidèles instruits par

saint Dominique sur cette

méthode de prier, animés

par ces méditations et

enflammés par ces prières,

commencèrent à changer de

vie, et devinrent bientôt tout

autres. Enfin Alexandre VII

dans son bref, cum sicut,

de l'an 1664, a déclaré que

saint Dominique est l'auteur

du saint Rosaire.

1-2-3

Rosaire l’abrégé de l’Évangile

Ce n'est pas sans raison qu'on appelle le Rosaire l'abrégé de l'Évangile figuré : Car comme le fils de Dieu est venu sur la terre

pour y allumer le feu de l'amour divin, et qu'il l'en a embrasé par la parole de son Évangile ; de même on peut dire que saint

Dominique a été suscité de dieu pour rallumer ce feu sacré, et pour renouveler la piété presque éteinte parmi les fidèles,

puisque la Sainte Vierge a choisi ce grand saint pour exécuter ce glorieux dessein, en le chargeant de prêcher son Rosaire, et qu'avec

cet excellent abrégé de l'Évangile, il a purgé l'Église de l'hérésie, extirpé les vices, rappelé les hommes à la vertu, et les a remis dans

la voie du salut.


L'établissement du saint Rosaire n'a été guère moins pompeux que celui de la loi mosaïque et de la loi évangélique. En effet, l'ancienne

loi fut donnée à Moïse sur le mont Sinaï, au milieu des foudres et des éclairs pour montrer qu'elle venait de Dieu : et lorsque l'Ancien

Testament prit fin, et que le Nouveau prit naissance, (ce qui, à ce que l'on croit, arriva au moment où Jésus-Christ expira sur la Croix)

le soleil s'éclipsa, la terre trembla, et la nature fut dans un bouleversement général. Lorsque le Saint-Esprit descendit sur les Apôtres,

le jour de la Pentecôte, pour préparer à prêcher la loi de grâce, il parut sous la forme de langues de feu avec un vent impétueux,

accompagné de grands bruits, semblables à ceux du tonnerre ; de même lorsque la Sainte Vierge ordonna à saint Dominique d'établir

la Confrérie du saint Rosaire, et d'en publier les excellences, elle excita une si horrible tempête sur mer, que le vaisseau où était le saint

avec les pirates qui le tenaient esclave, fut sur le point de faire naufrage.

Saint Dominique voyant que les crimes des hommes mettaient obstacle à la conversion des Albigeois, entra dans une forêt près de

Toulouse, et y passa trois jours et trois nuits dans une oraison continuelle, et dans une fort rigoureuse pénitence. Il ne cessait de gémir,

de pleurer et de se macérer le corps à coups de disciplines, pour apaiser la colère de Dieu, en sorte qu'il tomba à demi-mort.

La Sainte Vierge accompagnée de trois princesse du Ciel, lui apparut, le consola, le guérit, et lui dit : Sachez, mon fils Dominique,

que le moyen dont la Sainte Trinité s'est servie pour réformer le monde, a été le salut Angélique qui est le fondement du Nouveau

Testament. C'est pourquoi, si tu veux gagner à Dieu ces cœurs endurcis, prêche mon Rosaire. En Même temps elle lui ordonna d'aller

à Toulouse et de travailler à la conversion de cette grande ville, par la prédication du saint Rosaire, l'an 1214. [...]

Il faut des miracles pour rendre l'institution du Rosaire semblable à la fondation et à la prédication de l'Évangile, et pour prouver que

l'une et l'autre sont l'ouvrage de Dieu. En effet, les miracles sont le sceau de Dieu. Aussi a-t-il opéré plusieurs prodiges très signalés les

premières années de la fondation et du rétablissement du saint Rosaire, afin de l'introduire plus facilement, de l'établir plus solidement,

et de le répandre universellement dans le monde.

Composition du Rosaire

1-2-4

Pourquoi le Rosaire est composé d'un certain nombre d'oraisons ? Quoique nous ne devions donner ni borne, ni mesure à l'amour

et à la vénération de Jésus et de Marie, et que la mesure de les aimer soit de les aimer sans mesure, comme le dit saint Bernard

; cependant nous pouvons légitimement fixer le nombre de nos oraisons, et nous en prescrire le temps et la durée, pour nous

acquitter régulièrement et plus dévotement. Nous imitons en cela la sagesse divine qui fait tout avec poids, nombre et mesure.

Dieu a ordonné aux hommes de lui offrir la dixième partie de leurs biens. Il a déterminé les jours où il veut être particulièrement

honoré. Ses commandements sont au nombre de dix. Jésus-Christ a choisi douze apôtres, il a institué sept sacrements, l'oraison

dominicale contient sept demandes. Les apôtres ont réduit les articles de la foi au nombre de douze.

Le Saint-Esprit a inspiré à saint Dominique de composer le Rosaire d'un certain nombre de Pater et d'Ave : ce nombre est sacré et

mystérieux. Les esprits bienheureux répètent sans cesse dans le temple de la gloire : Sanctus, Sanctus, Sanctus. Les trois enfants qui

furent jetés dans la fournaise de Babylone bénirent Dieu, en répétant plus de trente fois : Benedicite. Le saint roi David louait Dieu

sept fois le jour, et réitérait les mêmes paroles dans les cantiques. Jésus-Christ persévéra trois heures en oraison au jardin des Olives, et

répéta jusqu'à trois fois la même prière. Saint Barthélemy répétait cent fois le jour, et autant la nuit l'Oraison dominicale et la Salutation

Angélique. La Sainte Vierge a révélé au bienheureux Alain de la Roche que saint Dominique disait ordinairement trois Rosaires en son

honneur, soit le jour, soit la nuit, prenant fort souvent de sanglantes disciplines, pendant qu'il en disait quelque partie.

C'est donc avec raison que le Rosaire est composé d'un certain nombre des mêmes Salutations Angéliques : parce que tout ce que Dieu

fait, où inspire, est fait ou inspiré avec ordre et par ordre.

Pourquoi le Rosaire est divisé en trois parties ? Le Rosaire est divisé en trois parties en l’honneur des trois personnes de la Très

Sainte Trinité. La vie de Jésus-Christ est partagée en trois états, qui sont, son enfance, sa passion et sa gloire. Par la première partie du

Rosaire nous honorons son adorable enfance, par la seconde, sa douloureuse passion, et par la troisième, sa gloire admirable. L’Église

est distinguée en trois états.

Le premier est l’Église triomphante, composée des bienheureux qui règnent avec Dieu dans le Ciel ; le second est l’Église militante,

qui sont les fidèles qui combattent sur la terre pour arriver au Ciel ; le troisième est l’Église souffrante, qui sont les âmes justes qui

achèvent de satisfaire à la justice divine dans le purgatoire.

Par le Saint Rosaire nous imitons l’Église triomphante, dont l’exercice est de louer la Très Sainte Trinité par Jésus-Christ. Le Rosaire

aide l’Église militante à combattre les vices, et à marcher dans le chemin du ciel par la pratique de la vertu. Par le Rosaire enfin nous

soulageons l’Église souffrante, en offrant à Dieu nos suffrages pour la délivrance des âmes du purgatoire.

Comme l’Église a divisé l’office de mâtines en trois nocturnes, de même le Rosaire est divisé en trois parties.

La vie chrétienne est partagée en trois états, qui sont la vie purgative, la vie illuminative, et la vie unitive. La première est l’exercice



des pénitents qui commencent à se donner à Dieu ; la seconde est pour ceux qui profitent dans le chemin de la vertu ; et la troisième

est celle des parfaits. Le Rosaire propose la première partie aux pénitents, pour les exciter à quitter le péché par la vue des Mystères

joyeux ; il expose la seconde à ceux qui aspirent à la perfection, pour les animer à la vertu par la vue des Mystères douloureux, et

montre la troisième aux parfaits, pour les unir plus étroitement à Dieu par la vue des Mystères glorieux.

Le psautier de David, composé de cent cinquante psaumes, est divisé en trois parties. La première est pour la vie purgative, et se

termine par le psaume 50, Miserere mei Deus ; la seconde, pour la vie illuminative, et se termine par le psaume 100, Misericordiam et

judicium cantabo tibi, Domine ; et la troisième, pour la vie unitive, et finit par le psaume 150, Laudate Dominum in sanctis ejus. Ainsi

le Rosaire qui est le psautier de la Sainte Vierge, excite les fidèles à la pénitence, à la vertu et à l'union parfaite.

Que signifie les trois cinquantaines d'Ave Maria du saint Rosaire ? Le nombre cinquante est mystérieux. L'arche de Noé qui sauva le

monde du déluge universel avait cinquante coudée de largeur : elle était la figure de la Très Sainte Mère de Dieu, dont la charité reçoit

tous ceux qui se mettent sous sa protection. Nous honorons cette divine et tendre Mère par cinquante Salutations dans chaque partie

du Rosaire. Dieu donna sa loi à Moïse cinquante jours après la délivrance du peuple hébreu des mains de Pharaon. Le Saint-Esprit

descendit sur les apôtres cinquante jours après la résurrection de Jésus-Christ.

Le Pater contient cinquante mots, qui sont sacrés et mystérieux ; et pour en obtenir l'intelligence et les fruits, nous saluons la Sainte

Vierge par trois cinquantaines d'Ave Maria. Dans l'ancienne loi, la cinquantième année était l'année du jubilé, c'est à dire, l'année de

grâce et de rémission, dans laquelle les hébreux rentraient en possession des héritages qu'ils avaient aliénés : ils obtenaient la remise

de leurs dettes, et les esclaves recouvraient la liberté. Jésus et Marie nous ont donné un jubilé plus ample et plus précieux dans la loi

de grâce ; car par les mérites de la passion et de la mort de notre Sauveur, nous rentrons en possession du royaume des cieux, dont le

péché nous avait privés ; nos péchés nous sont pardonnés, nous sommes affranchis de l'esclavage du démon, et remis dans la liberté

des enfants de Dieu.

En reconnaissance de ces trois jubilés, nous louons et nous bénissons Jésus et Marie par les trois cinquantaines de Salutations du

Rosaire, priant Dieu, par l'intercession de la Sainte Vierge, de ne permettre jamais que nous perdions ces trois bienfaits qui nous ont

été acquis et mérités par Jésus-Christ.

Pourquoi chaque Chapelet est composé de cinq Pater et de cinq dizaines d’Ave Maria ? Le nombre de cinq est fort mystérieux.

Dieu y a enfermé une grande quantité de merveilles, et à fait plusieurs choses admirables par ce nombre sacré.

Sans entrer dans l’ancien Testament, nous voyons dans la loi nouvelle que le fils de dieu s’est revêtu de notre chair, au moment où la

Sainte Vierge a exprimé son consentement par ces cinq paroles : fiat mihi secumdum verbum tuum, qu’il me soit fait fait selon votre

parole. Le publicain fut justifié lorsqu’il témoigna son repentir par ces cinq paroles : deus propitius esto mihi peccatori, mon Dieu,

ayez pitié de moi qui suis un pécheur. Jésus-Christ rassasia cinq mille hommes avec cinq pains. Il a institué l’adorable Sacrement de

son corps par la vertu de ses cinq paroles : Hoc est enim corpus meum. Et tous les jours, au moment où les prêtres les prononcent, il

change le pain en son corps. C’est pour honorer les merveilles que Dieu a opérées par ce nombre, que nous récitons cinq dizaines de

Salutations Angéliques dans chaque Chapelet.

Nous disons cinq Oraisons Dominicales dans chaque partie du Rosaire en l’honneur des cinq plaies que notre Rédempteur a reçues

sur son corps sacré, et par lesquelles il nous a sauvés. Et parce qu’il porte dans le ciel ces même plaies sur son corps glorieux, et qu’il

les montre à son Père pour nous obtenir la rémission de nos péchés, nous unissons nos cinq Pater et nos cinq dizaine d’Ave Maria à

ses cinq plaies, afin de coopérer à ses intentions.

C’était la confiance de saint Bernard qui disait : Seigneur, j’ai commis de grands péchés, ma conscience en est toute troublée, mais

je ne désespérerai pas du pardon, quand je me souviendrai des plaies de mon Sauveur. La mort du péché dans notre âme par nos cinq

sens corporels, comme par cinq portes ouvertes.

Pourquoi l’on commence le Rosaire par le signe de la Croix ? Les prêtres commencent les heures canoniales par le signe de la croix,

et les Confrères du Rosaire doivent aussi commencer chaque Chapelet par ce signe sacré. Car le Rosaire est le Psautier de Jésus-Christ

et de la Sainte vierge. C’est une ancienne pratique des chrétiens, que de faire le signe de la croix sur eux, au commencement de toutes

leurs actions, en se levant, en travaillant, en priant, et en se couchant. Ce qu’il y a de plus saint dans l’Église se fait avec le signe de

la croix.

Que signifie les grains enfilés du Rosaire ? Le Rosaire est véritablement une chaine d’or par laquelle le Fils de Dieu est descendu

du ciel sur la terre. Il s’est incarné dans le sein de la Sainte Vierge, qui nous présente cette même chaine pour nous attirer de la terre

au ciel. L’Oraison dominicale et la Salutation Angélique, avec la méditation des mystères sacrés, sont les anneaux par lesquels nous

montons de vertu en vertu pour arriver à la claire vision de Dieu. Le Seigneur promit autrefois d’attirer les hommes à lui avec des

cordes d’Adam, et des chaînes de charités. […]

La fronde et les cinq pierres avec lesquelles David terrassa le géant Goliath, étaient la figure des grains enfilés du saint Rosaire ; car

c’est avec ces armes spirituelles, ces grains et ces chaînes de charité que saint Dominique a triomphé de l’hérésie, de la discorde et de

l’impiété, comme David triompha de Goliath et des Philistins.

Les quinze dizaines de grains enfilés sont l’échelle de Jacob, par laquelle les anges descendent du Ciel sur la terre, et les hommes

montent de la terre au Ciel. Les quinze Pater et les quinze dizaine d’Ave avec la méditation des quinze Mystères sacré du Rosaire,

sont les échelons.


Le Rosaire

dans sa constitution

intime

1-3

R.P Thomas Esser, O. P.

Le Saint Rosaire de la Très Sainte Vierge Marie

Traduction de Mgr Amédée Curé, Ancien aumônier de M. le Comte de Chambord, Camérier d’honneur de S. S. Léon XIII – Paris 1894

Enlevez aux choses leur nombre et leur forme, dit saint Augustin, elles ne seront plus. (De Libero arbitrio, lib. II, cap. 16, n. 42)

Après avoir exposé l'essence ou les parties constitutives du Saint Rosaire, nous avons à considérer l'ordonnance de ces parties,

ou sa composition. Il s'agit ici, presque exclusivement, de l'ordonnance des prières vocales du Saint Rosaire. Car, pour ce qui

concerne la méditation des mystères qui l'accompagne, on pourrait tout au plus demander pourquoi ce sont justement ces

quinze mystères qui ont été choisis, et non pas d'autres ? Mais la réponse est facile. Il est certain que ces mystères n'ont pas été choisis

arbitrairement entre tant d'autres. Si l'on y regarde de près, on verra que ce sont justement ceux qui fournissent le plus d'aliment à

notre piété et le plus de matière à notre méditation. On peut dire que ce sont ceux où l'homme-Dieu se montre surtout homme, et où

il ne laisse tomber, en quelque sorte, qu'un pâle reflet de sa grandeur et de sa majesté divine ; ceux où le Fils et la Mère de Dieu se

présentent particulièrement comme modèles pour toutes les situations de notre vie. A raison de ce but pratique, le Saint Rosaire n'offre

à notre méditation aucun autre mystère, par exemple : aucun des miracles de Notre Seigneur. Il veut être pour nous non seulement la

plus excellente des prières, mais encore une école pratique de vertu.

Saint Pie V, nous indique les raisons pour lesquelles le Rosaire entier se compose de cent cinquante Ave. Dans le Rosaire ou Psautier

de Marie, dit-il, la Très Sainte Vierge est honorée par la répétition de la salutation angélique cent cinquante fois, conformément au

nombre des psaumes de David. Il y a un parallèle, ou une ressemblance, entre le Psautier de Marie (le Rosaire porte ce nom depuis

son origine) et le psautier de David. Autant le psautier de David contient

de psaumes, c'est à dire de pieux cantiques ou d'hymnes sacrées, autant le

psautier de Marie renferme de salutation angélique ou d'Ave Maria. Cette

égalité de nombre n'est sans doute qu'extérieure, et l'on se demande pourquoi

l'on a choisi, pour les salutations angéliques du Rosaire, précisément le

nombre des psaumes et pas un autre ? Cela nous amène à d'autres termes

de comparaisons, plus intimes, entre les deux, et ceux-ci nous ouvrent de

nouveau points de vue pour l'intelligence du Saint Rosaire. Car, nous l'avons

déjà dit, les cent cinquante psaumes sont des hymnes sacrées qui étaient

destinées dans l'Ancien Testament à être chantées pendant l'office divin. La

plus part d'entre eux ont pour auteur le roi David, ce qui leur a fait donner

le nom de roi-prophète, et à cause de cela, toute la collection de psaumes

s'appelle ordinairement, d'après lui ; le psautier ou les psaumes de David.

Ces psaumes,inspirés par le Saint-Esprit et dictés par lui, sont tellement

remplis de l'esprit divin que tous les autres livres de l'Ancien Testament, les

livres prophétiques, les livres historiques, et les livres moraux (Proverbes)

semble y être renfermés, et qu'ils en sont comme la moëlle et la substance.

En réalité le livre des psaumes est l'extrait, la quintessence de toute l'Écriture

Sainte de l'Ancien Testament. Et c'est en cela que consiste le premier trait

de ressemblance du Psautier avec le Saint Rosaire. De même que le premier

contient en soi tout l'Ancien Testament, de même le second, le Rosaire, n'est

pour ainsi dire, qu'un extrait de tout l'Évangile et de la doctrine du Sauveur

incarné. Nous avons besoin pour le prouver que de considérer attentivement

chacune de ses parties.


Déjà Tertullien dit du simple notre Père que c'est presque tout l'enseignement de Notre Seigneur, et l'exposition complète de sa doctrine

morale, en un mot, un abrégé de l'Évangile 1 . Et saint Cyprien dit : Tous les mystères de la doctrine céleste y sont contenus comme dans

un manuel 2 . et il ne pouvait en être autrement. Car qu'est-ce que la prière, sinon une effusion des sentiments religieux, une expression

de la conviction qu'a l'homme des liens qui l'unissent à Dieu, et la communauté de vie qu'il partage avec lui ? Personne ne prierait,

s'il ne reconnaissait ses propres besoins, en même temps que la puissance et la disposition où est Dieu de nous secourir. La marche

régulière des instructions qui ont pour but de vous édifier est que vous appreniez d'abord ce que vous devez croire et ensuite ce que

vous devez demander (Saint Augustin). C'est là l'idée générale que l'on se fait partout de la religion. A mesure que la conception des

rapports de l'homme avec Dieu devient plus précise, la prière, qui en est l'expression pratique, se modifie aussi nécessairement. Car,

précisément parce que la foi est la source, d'où jaillit immédiatement la prière, il s'ensuit que l'élévation des cœurs vers Dieu répond

nécessairement à la connaissance que l'intelligence a de Dieu. Telle sera votre foi, telle sera votre prière ; plus la foi sera vive, et plus

la prière sera fervente. C'est pourquoi, dans la religion révélée par le Fils de Dieu lui-même, il y aura une prière donné par lui, et même

prescrite, qui contiendra l'expression la plus parfaite de cette religion.

En effet, dès les deux premiers mots du Pater noster, tout le christianisme nous est dévoilé. L'Ancien Testament n'osait pas donner à

Dieu, dans la prière, le titre familier de Père ; dans la crainte qu'il lui inspirait, il l'appelait Seigneur, ou Dieu, ou Créateur. Mais nous,

qui sommes devenus les frères du Fils de Dieu par son Incarnation, nous avons reçu de lui , selon les paroles de saint Paul, non pas

l'esprit de servitude dans la crainte, mais bien l'esprit de filiation qui nous fait crier : Abba, Père ! 3 De même que l'Oraison Dominicale,

de même aussi l'Ave Maria n'est qu'un abrégé de l'Évangile. Qu'est-ce que l'Évangile, sinon l'accomplissement de cet Évangile primitif

(proto-evangelicum), de cette promesse pleine d'espoir par laquelle Dieu adoucit la chute dans le péché : Elle t'écrasera la tête 4 ?

Cette joyeuse promesse s'est-elle accomplie en une autre qu'en celle que nous saluons si souvent par l'Ave Maria dans le Rosaire

? Oui, l'Incarnation c'est le mystère fondamental du Christianisme. Et c'est précisément ce mystère qui domine dans la Salutation

Angélique.

Et maintenant les mystères du Saint Rosaire ! Ils nous rappellent les mystères les plus élevés de notre religions, ceux de l'Incarnation

et de la Rédemption ; dans tous leurs détails et tout leur développement historique. Nous y voyons l'annonce de l'Incarnation par

un ange, puis la naissance du Sauveur du sein d'une vierge ; nous le voyons porter sa Croix et accomplir le sacrifice de sa vie sur la

Croix. Nous voyons ses exemples, nous entendons ses paroles. Nous voyons sa gloire et celle de sa Mère, prélude de notre propre

résurrection et de notre ascension. Que faut-il de plus pour prouver que le chapelet est un résumé de toute la religion chrétienne, un

abrégé de la foi et de la morale, et l'on pourrait presque dire un compendium de la théologie ? Oui, c'est cela qu'il est : une théologie

en quinze chapitres bien remplis.

C’est pour cela que nous pouvons dire du Rosaire, ou du Psautier de Marie, et à plus juste titre encore, ce que saint Basile dit des

psaumes : C’est un trésor commun de bonnes leçons qui présente à chacun en particulier ce qui lui est nécessaire. Il guérit toutes les

plaies de l’âme, et pour celles qui sont toutes fraîches encore, il fournit le remède le plus rapide, de même qu’il conserve la santé à

ceux qui ne l’ont pas encore perdue. Également, une digue à toutes les passions qui tourmente l’âme de l’homme de tant de manières,

par leur domination tyrannique. Messager de paix, il apporte à l’âme le repos, il abat les agitations et les fluctuations de pensées, il

réprime la colère, il dissipe la sensualité, il inspire l’amour de la sobriété, il [garde] les amis dans l’union, il rétablit la concorde et

réconcilie les ennemis...Il chasse les démons et attire les anges à notre secours. Dans les frayeurs nocturnes, il est notre bouclier, il est

notre repos dans le travail et les peines du jour. Sauvegarde des enfants, ornement des adolescents, consolation des vieillards, il est la

plus noble parure des femmes. Pour les commençants, c’est la meilleure des bases, pour ceux qui progressent, c’est un accroissement

continu, pour les parfaits, c’est une forteresse solide qui assure la persévérance. Enfin, c’est une voix de l’Église. Oui réellement, c’est

une voix de l’Église entière.

Cette comparaison entre le psautier de Marie et Psautier de David nous fournit encore une explication non moins profonde pour

le nombre de dix Ave Maria dont se compose chaque dizaine. Le mot Psautier (psalterium) ne signifie pas seulement, en effet, la

collection ou le livre des psaumes, mais encore cet instrument de musique avec lequel on chantait ces pieux cantiques. Le psalterium,

qu’on peut aussi appeler harpe, avait dix cordes. C’est pourquoi David s’écrie dans une des ses poésies sacrées : Mon dieu, je veux

vous chanter un nouveau cantique, je veux vous jouer des psaumes sur la harpe à dix cordes. (Ps. CXLIII, 9) Dans une autre, il chante

: Louez le Seigneur sur la cithare, chantez-lui des Psaumes sur la harpe à dix cordes. (Ps. XXXII, 1) Nous suivons à la lettre cette

invitation, dans le Saint Rosaire. Avec ce psautier de Marie, nous jouons à la reine du ciel un nouveau cantique, nous lui chantons

des psaumes sur une harpe à dix cordes. Et ce nombre des salutations angéliques de chaque dizaine est d’autant plus à propos, que le

cantique de Marie lui-même, le Magnificat, se compose précisément de dix versets, ce qui a fait donner à ce sublime cantique le nom

de Psalterium decachordum, psaume que l’on joue sur une harpe à dix cordes.

A ce point de vue, quelle admirable pensée d’attaquer chaque accord de cette harpe à dix cordes, qui s’appelle le Rosaire, par l’Oraison

Dominicale, le Pater noster, et d’en laisser expirer les sons dans le trémolo joyeux, du Gloire au Père, et au Fils et au Saint-Esprit ?

Ces sons seront les derniers qui termineront l’histoire du monde : Gloire au Père, etc., et ils ne cesseront pas de retentir pendant toute

l’éternité.

Les Saints-Pères trouvent aussi, dans les dix cordes du psaltérion, une allusion aux dix commandements dont se compose toute la

doctrine du salut, et dont l’accomplissement est pour Dieu l’hymne de louange la plus agréable. Il est certain que ce souvenir, toutes

les fois que nous récitons les dix Ave d’une dizaine, nous est de la plus grande utilité, car le fruit principal de notre prière doit être

d’établir toujours un plus parfait accord entre nos pensées, nos actions, notre vie et les commandements de Dieu.

_____________

1 - Tertul., De orat., cap. I / 2 - S. Cyprian. Lib. De orat. Dominica, n 28 / 3 - Rom. VIII, 15, Gal. IV, 4 et suiv. / 4 - Gen. III, 15


Non seulement ils nous conduiront, comme les quinze degrés du temple de Jérusalem, dans le portique du Seigneur, mais encore ils

nous feront entrer dans le sanctuaire et le Saint des Saints.

La signification des nombres, dit saint Augustin, n’est pas du tout à dédaigner, attendu que, dans beaucoup d’endroits de l’Écriture

sainte, le lecteur attentif est frappé de son importance ; et ce n’est pas sans raison qu’il est dit, entre autres, à la louange de Dieu :

Vous avez tout ordonné avec mesure, nombre et poids. Ceci ne se rapporte pas seulement au domaine de la nature, mais aussi à celui

de la grâce ; dans l’ancien comme dans le nouveau Testament, toutes les mesures et toutes les dispositions de Dieu pour le salut des

hommes sont prises d’après des nombres déterminés. Pourquoi donc ne retrouverons-nous pas ces nombres dans une prière qui sort si

naturellement de l’esprit du Christianisme, telle que le Saint Rosaire ?

Après cent cinquante jours les eaux du déluge commencèrent à baisser, et nous récitons aussi cent cinquante Ave dans le Rosaire,

pour obtenir, par l’intercession du Secours des Chrétiens, l’éloignement des châtiments temporels et éternels de Dieu. Après chaque

cinquantième année, il y avait dans l’ancien Testament une année jubilaire, pendant la quelle les dettes étaient remises, les prisonniers

délivrés et les esclaves proclamés libres. De même, dans le Nouveau Testament, l’Église, à l’imitation de l’Ancien, avait organisé un

jubilé qui ne revenait autrefois que tous les cinquante ans, et pendant lequel elle remettait solennellement, en échange de certaines

œuvres de piété, toutes les peines dues aux péchés. N’avons-nous donc pas lieu d’espérer qu’après nos cinquante Ave du Rosaire,

nous aurons une abondante part à la vertu expiatrice et sanctificatrice de la Rédemption ? C’est bien l’Ave de l’Ange qui a été

l’annonce du grand jubilé de la Rédemption. Les accents du Je vous salut Marie ont été le carillon mélodieux et solennel sonnant le

jubilé du Christianisme. C’est lui qui nous a délivré de l’esclavage du démon. Cinquante jours après que le Sauveurs eut triomphé

définitivement de lui, un esprit nouveau, l’Esprit-Saint descendit sur les Apôtres, en même temps que sur la Mère de Jésus. Nous

désirons avoir largement part à cet esprit de filiation divine, et être entièrement délivrés du reste de la domination du démon, libre de

tout péché personnel et de toutes les dettes envers Dieu, c’est pour cela que nous invoquons cinquante fois Marie qui a écrasé la tête

à notre ennemi.

Ces cinquante Ave, au moyen des mystères que nous y insérons, forment cinq dizaines, avec lesquelles nous espérons atteindre en plein

front notre redoutable ennemi, comme David avec les cinq cailloux de sa fronde, atteignit le géant Goliath (1Rois, XVII, 40). En outre

ces cinq mystères, dévotement médités, sont une nourriture et une force spirituelle semblables aux cinq pains avec lesquels le Sauveur

nourrit le peuple (Jean, VI, 9 et suiv.). Ce n’est donc pas sans raison que, dans le chapelet ordinaire, nous limitons notre méditation à cinq

principaux mystères. Nous sommes habitués aussi à ramener les nombreuses blessures dont était couvert Notre Sauveur mourant à

cinq plaies principales, que nous regardons comme les marques

spéciales de son amour. Et si nous réunissons justement dix Ave

Maria dans chaque dizaine, cela s’explique suffisamment, parce

que le nombre dix est un nombre fermé, le plsu parfait de tous

; au-delà il n’y en a pas d’autre, quand nous y sommes arrivés,

il nous faut retourner à l’unité. C’est pour cela aussi que, toutes

les divisions des nombres, la plus simple est le système décimal.

C’est pour cette raison encore que Dieu exigeait qu’on lui offrit

la dîme de tout ce que l’on possédait ; à cette condition seule on

pouvait regarder le reste comme sa propriété.

Ainsi le Rosaire a, dans ses nombres, une base et une charpente

strictement conformes à des lois d’architecture, qui en font un

monument admirable, semblable aux cathédrales gothiques

du Moyen-Age. De même qu’en entrant dans une de ces

cathédrales on s’arrête au portail, pour voir la représentation

du péché originel, du Sauveur du monde, ou de la Mère de

Dieu ou de certains Saints choisis, et que, par là seulement, on

a conscience de ce qu’est la Rédemption, et de ce que signifie

la maison de Dieu ; ainsi nous pénétrons dans le temple du

Rosaire, d’abord par le magnifique portail du Credo, orné des

plus riches sujets (Je crois en Dieu, etc.), et par un portique

où la vue des trois vertus théologales nous remplit de dévotion

et nous prépare à l’impression imposante de l’intérieur. Ses

cinq dizaines s’ouvrent devant nous, comme autant de nefs aux

arceaux élancés, qui s’élèvent des piliers comme autant de jets

d’eau, et qui emportent avec eux dans les hauteurs l’esprit et le

cœur, Sursum corda ! Plus près de l’autel, les nefs se réduisent

à trois, et tout autour du chœur s’étend une couronne de

chapelles, dont les autels nous captivent par des représentations

ravissantes, telles que jamais main de maître n’en a fait de plus

magnifiques. Ce sont les mystères, que notre esprit méditatif

voit se reproduire en image devant lui. Et avec cela, la lumière

du soleil tombe si douce pour nos yeux par les vitraux peints !

Nous ne pourrions pas supporter davantage de la clarté céleste.


De la méditation

1-4

des Mystères du

Rosaire

Par un Frère prêcheur

ROSIER MYSTIQUE

de la Très Sainte Vierge Marie – Lyon 1840

L'Âme chrétienne est obligée de méditer sur les Mystères du saint Rosaire

Le soin principal de l'âme chrétienne est de tendre à la perfection. Soyez parfaits, dit Jésus-Christ, comme votre Père céleste

est parfait. Soyez, dit l'Apôtre, les fidèles imitateurs de Dieu comme ses enfants bien-aimés. Cette obligation est comprise dans

le décret éternel de notre prédestination, comme l'unique moyen ordonné pour parvenir à la gloire éternelle.

Ceux, dit saint Paul, que Dieu a aimé de toute éternité, il les a prédestinés pour être conformes à l'image de son fils, et pour leur donner

la qualité de ses enfants adoptifs, et ensuite des cette adoption, le droit à l'héritage du Ciel, afin qu'étant l'aîné, il est plusieurs frères.

Or cette ressemblance doit s'effectuer en deux états et en deux manières dans le Ciel, où nous serons parfaitement semblables à Dieu

par la vue de son essence et par la participation de sa gloire ; et dans ce monde, par la grâce et par l'imitation de Jésus-Christ : et ces

choses étant bien ménagées, nous arrivons à la parfaite ressemblance de Dieu dans la gloire, en réglant dans cette vie nos pensées, nos

paroles et nos actions sur ce modèle achevé de toutes les vertus.

Saint Grégoire de Nysse dit gracieusement que nous sommes peintre. Notre âme est la toile d'attente sur laquelle nous devons appliquer

le pinceau, les vertus sont les couleurs qui doivent relever son éclat, et l'original que nous devons copier, c'est Jésus-Christ, l'image

vivante qui représente parfaitement le Père Éternel. Comme donc un peintre, pour tirer un portrait au naturel, se met devant les yeux

l'original, et qu'à chaque coup de pinceau qu'il donne il rgarde ; de même le chrétien doit toujours avoir devant les yeux la vie et les

vertus de Jésus-Christ, pour ne rien dire, ne rien penser, ni rien faire qui n'y soit conforme.

C'est pour nous aider dans l'important ouvrage de notre prédestination, que la sainte Vierge a ordonné à saint Dominique d'exposer aux

fidèles qui récitent le Rosaire, les Mystères sacrés de la vie de Jésus-Christ, non seulement afin qu'ils l'adorent et le glorifient, mais

principalement afin qu'ils règlent leur vie et leurs action sur ses vertus. Or, comme les enfants imitent leurs parents en les voyant, et en

conversant avec eux, qu'ils apprennent leur langage en les entendant parler ; qu'un apprenti en voyant travailler son maître apprend son

art ; de même les fidèles Confrères du Rosaire en considérant sérieusement et dévotement les vertus de Jésus-Christ dans les quinze

Mystères de sa vie, deviennent semblables à ce divin Maître, avec le secours de sa grâce, et par l'intercession de la sainte Vierge.

L'Âme chrétienne doit méditer sur les Mystères du saint Rosaire

Quoiqu'il ne se trouve pas de commandement exprès de méditer sur la vie et sur les souffrances de Jésus-Christ, il est toutefois

implicitement marqué dans ce précepte de l'amour de Dieu : Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de

tout votre esprit, de toutes vos forces. C'est-à-dire, tout en vous sera employé à m'aimer : vous emploierez à mon amour toutes les

puissances de votre corps et de votre âme : votre entendement par la foi, votre volonté par la charité, votre mémoire par le fréquent

souvenir de mes bienfaits. Et c'est à juste raison, car l'amour de Dieu ne s'allume et ne s'entretient dans nos cœurs que par le souvenir

et la méditation de ses perfections et de ses faveurs qui n'éclatent nulle part avec plus de pompe et de magnificence que dans les

Mystères de l'Incarnation, de la vie et de la passion de Jésus-Christ. Moïse ordonna au peuple hébreu de la part de Dieu de se souvenir

continuellement de ses bienfaits. Écoutez, dit-il, Israël, gravez ces paroles dans votre cœur, portez-les attachées à vos mains, afin que

vous ne les oubliez jamais, et enseignez-les à vos enfants. Lorsque vous reposerez dans votre maison, ou que vous serez en voyage,

vous en ferez le sujet de vos méditations soir et matin, vous les écrirez aussi sur le seuil de votre porte, afin que vous les ayez toujours

devant les yeux. Lorsque Dieu vous aura fait entrer dans la terre qu'il vous a promise, qu'il vous aura donné ces grandes villes, ces

riches maisons, ces citernes, ces oliviers et ces vignes ; lorsque vous aurez mangé, et que vous serez rassasiés, gardez-vous bien

d'oublier le Seigneur qui vous a tirés de la terre d'Égypte et de l'esclavage, qui vous a conduits dans ces vastes solitudes, où vous étiez

sans eau et sans rafraichissement. N'oubliez pas, dit-il encore, le Seigneur qui a fait rejaillir l'eau des rochers, et qui vous a nourris

de manne dans le désert. (Deut., VI,4-15)

Le Fils de Dieu peut à plus forte raison nous commander de graver dans notre cœur, et d'avoir sans cesse devant les yeux les Mystères

de sa vie, de sa passion et de sa gloire, puisque ce sont autant de bienfaits dont il nous a plus favorisés que les hébreux, et par lesquels

il nous a montré l'excès de son amour pour notre salut. O vous tous qui passez, dit-il, arrêtez vous , et considérez s'il y eut jamais


douleurs semblables aux douleurs que j'endure pour votre amour Souvenez-vous de ma pauvreté

et de mes abaissements ; pensez à l'absinthe et au fiel que j'ai pris pour vous dans ma passion. Ces

paroles, et beaucoup d'autres qu'on peut alléguer, nous convainquent assez de l'obligation que nous

avons de ne pas nous contenter de réciter le Rosaire vocalement en l'honneur de jésus-Christ et de

la sainte Vierge, mais de le réciter avec la méditation des Mystères sacrés.

Combien la méditation des Mystères du saint Rosaire glorifie Jésus-Christ, la sainte Vierge

et tous les Saints.

Jésus, le divin époux de nos âmes, notre très doux ami Jésus, désire que nous nous souvenions

de ses bienfaits et que nous les estimions sur toutes choses ; il a une joie accidentelle aussi bien que

la sainte Vierge avec tous les Saints du paradis, lorsque nous méditons dévotement et avec affection

sur les Mystères sacré du Rosaire, qui sont les effets les plus signalés de son amour pour nous, et les

plus riches présents qu’il puisse nous faire, puisque c’est par de tels présents que la sainte Vierge

même et tous les Saints jouissent de la gloire.

La bienheureuse Angèle de Foligni pria un jour notre Seigneur de lui enseigner par quel exercice

elle l’honorerait le plus. Il lui apparut attaché à la croix et lui dit : Ma fille, regarde mes plaies.

Elle apprit de ce très aimable Sauveur, que rien ne lui est plus agréable que la méditation de

ses souffrances. Ensuite il lui découvrit les blessures de sa tête, et plusieurs circonstances de ses

tourments, et lui dit : J’ai souffert tout cela pour ton salut, que peux-tu faire qui égale mon amour

pour toi ?

Le Saint sacrifice de la Messe honore infiniment la sainte Trinité, parce qu’il représente la passion

de Jésus-Christ, et que nous y offrons les mérites de son obéissance, de ses souffrances et de son

sang. Toute la cour céleste en reçoit aussi une gloire accidentelle ; et plusieurs docteurs disent pour

la même raison, qu’elle se réjouit des communions des fidèles, parce que le saint Sacrement est un

mémorial de la passion et de la mort de Jésus-Christ, et que par ce moyen les hommes participent à

ses fruits, et avancent l’affaire de leur salut. (S. Thom. Opusc. 58. de sacro alter)

Or le saint Rosaire récité avec la méditation des Mystères sacrés est un sacrifice de louange à Dieu pour les bienfaits de notre

rédemption, et un dévot souvenir des souffrances , de la mort et de la gloire de Jésus-Christ. Il est donc vrai que le Rosaire cause une

gloire, une joie accidentelles à Jésus-Christ, à la sainte Vierge et à tous les bienheureux ; car ils ne désirent rein de plus grand pour

notre bonheur éternel, que de nous voir occupés à un exercice aussi glorieux à notre Sauveur, et aussi salutaire pour nous.

L’Évangile nous assure qu’un pécheur qui se convertit et fait pénitence, cause de la joie à tous les Anges. Si c’est assez pour jouir des

Anges qu’un pécheur quitte ses péchés et en fasse pénitence, quelle joie, quelle jubilation sera-ce pour toute la cour céleste, quelle

gloire pour Jésus-Christ même de nous voir sur la terre méditer dévotement et avec amour sur ses abaissements, sur ses tourments et

sur sa mort cruelle et ignominieuse ? Y a-t-il rien de plus efficace pour nous toucher et nous porter à une sincère pénitence !

Combien Jésus-Christ mérite que nous méditions sur les Mystères du saint Rosaire.

Le Docteur Angélique enseigne que nous devons conserver tendrement le souvenir du Sauveur, à cause de la rémission de nos

péchés, de notre rédemption et de la continuation des grâces, que nous avons reçues de sa charité infinie, et pour chacun de ces

trois bienfaits signalés, il demande que nous nous souvenions toujours de lui. C’est moi, dit-il par la bouche du prophète Isaïe, c’est

moi, qui efface, qui pardonne et qui oublie les péchés, mais souvenez-vous de moi. N’oubliez pas, dit le sage, la grâce de celui qui,

s’étant fait votre caution, a donné sa vie pour vous : ne perdez pas le souvenir de votre ami.

Où est celui qui nous a aimés et plus obligés que Jésus-Christ, qui est mort pour nous donner la vie éternelle, et qui a souffert de très

cruels tourments pour nous délivrer des peines de l’enfer ? Où est celui qui mérite plus d’être dans notre souvenir que Jésus-Christ ?

Il est le plus ancien, le plus noble, le plus puissant, le plus fidèle et le plsu généreux de tous nos amis ; il est Dieu, il est Roi, il est le

souverain monarque de l’univers ; il nous a comblés de biens dans notre plus grande pauvreté.

Le grand prêtre Aaron portait les noms des douze tribus d’Israël gravés sur le pierres précieuses du Rational. Élevons nos yeux, voyons

les mains de Jésus-Christ dans le séjour de sa gloire. Il est le Grand Prêtre éternel qui s’offre tous les jours en sacrifice à Dieu son Père

pour nos péchés. Voyez nous dit-il, comme je vous ai décrits dans mes mains : Ecce in manibus meis descripsi te. (Isaïe, XLIX) Voyez

comme vous êtes marqués dans mes pieds et dans mon côté. Or, je porterai éternellement ces caractères sur mon corps glorieux pour

vous assurer de l’éternité de mon amour. Il y a des amis qui pour se souvenir de leurs amis, portent leurs noms gravés sur des anneaux

d’or à leurs doigts. Jésus est notre ami qui nous porte gravés, non sur des anneaux d’or, mais dans ses mains, dans ses pieds et dans

son côté ; non écrits avec la plume, mais avec les clous de fer qui lui ont percé les mains et les pieds d’outre en outre, avec la lance

qui lui a ouvert le côté.

Seigneur, disait saint Augustin, regardez, je vous prie, les plaies de vos mains, où vous m’avez écrit, lisez l’écriture de vos plaies, et

sauvez moi. Vous m’avez marqué dans vos mains, pour ne jamais m’oublier, à condition cependant que je me souvinse toujours de

vous. (Soliloq.)

Si un Roi portait notre nom à son doigt, ou s’il avait notre portrait dans son cabinet pour se souvenir toujours de nous, nous nous

glorifierons partout de l’amitié dont il nous honorerait, et nous penserions toujours à ce bon Roi. Jésus-Christ mérite bien davantage


que nous pensions à lui ; il ne nous a jamais oubliés, et ne nous oublie jamais, il nous comble chaque jour de nouveaux bienfaits, et il

désire de nous, par un juste retour, que nous nous entretenions de ses humiliations, de ses plaies et de ses douleurs, puisque c’est par

elles qu’il nous a montré l’excès de son amour, et que par la méditation de ces mêmes douleurs, en récitant le Rosaire, nous pouvons

lui témoigner notre reconnaissance.

Combien l’oubli des Mystères du Rosaire déplait à Jésus-Christ

Jésus-Christ se plaint par les prophètes de l’indifférence qu’ont les hommes pour lui. Le juste souffre, dit-il par la bouche

d’Isaïe, et personne n’y pense. (Isaïe LVII)

Les hommes m’ont oublié comme ils oublient un mort qu’il n’espèrent plus de revoir et comme un vase brisé qui ne peut plus servir.

(Ps. XXX) Mes frères m’ont traité comme un inconnu ; les enfants de ma mère m’ont regardé comme un étranger. (Ps. LXVIII) Quand

un étranger entre dans une ville , on le regarde passer, et puis on n’y pense plus. C’est ainsi que la plupart des chrétiens passent les

fêtes de l’Incarnation, de la Nativité de la passion, de la Résurrection et les autres Mystères de leur salut. Ils les regardent comme des

choses communes, ordinaires et indifférentes, sans y faire réflexion, sans s’exciter à la reconnaissance, et sans penser à imiter Jésus-

Christ dans ces Mystères. Sainte Brigitte étant en oraison, Jésus-Christ lui apparut tout couvert de plaies et de sang, comme il l’était

lorsqu’il fut crucifié. La sainte fondant en larmes de compassion, lui demanda : Seigneur, qui vous a mis dans ce pitoyable état ? Ce

sont, lui répondit-il, ceux qui me méprisent, et qui ne font aucun cas des souffrances de ma Passion. N’est-ce pas nous dire que le

défaut de réflexions sur les douleurs et sur les travaux de Jésus-Christ, lui est aussi sensible que l’ont été ses tourments mêmes, et que

nous renouvelons pour ainsi dire les douleurs de sa Passion, lorsque nous n’y faisons aucune réflexion. Une des causes qui rendirent

l’âme de Jésus-Christ triste jusqu’à la mort au jardin des Olives, fut l’indifférence qu’il

prévoyait alors que les hommes auraient pour sa Passion et pour sa mort. Il vit qu’oubliant

les Mystères de sa vie, de sa pauvreté, et de ses souffrances, ils sacrifieraient aux biens,

aux honneurs, et aux plaisirs sensuels, et que ne retirant aucun fruit de ses exemples,

ni des mérites de son sang, ils seraient damnés éternellement. La perte de tant d’âmes

l’accabla de tristesse, lui fit suer le sang, et répandre des torrents de larmes. N’affligeons

pas davantage Jésus-Christ, considérons attentivement les Mystères de sa vie et de sa

Passion, en récitant le saint Rosaire, afin qu’après avoir pris part à ses souffrances, nous

participions à sa gloire.

Le malheur où tombent ceux qui ne méditent point les Mystères du saint Rosaire

Le Docteur Angélique, saint Thomas, dit que la chute des mauvais anges est venue

de leur propre excellence et de leur félicité, parce qu’ils n’ont point considéré

qu’ils tenaient de la volonté de Dieu leur existence, et toutes leurs belles qualités. L’oubli

des bienfaits de Dieu, comme le défaut de réflexion sur les grandeurs et sur sa puissance,

fut aussi la cause de la chute de nos premiers parents : Et le prophète Jérémie dit en

pleurant, que toute la terre est dans la désolation, parce qu’il n’y a personne qui pense

sérieusement à l’affaire du salut éternel. (Jerem. XII)

Moïse reproche aux Israélites d’être retombé dans l’idolâtrie, et de s’être attiré les justes

vengeances du ciel, pour avoir oublié les bienfaits du Créateur. Les chrétiens se perdent,

les uns parce qu’ils n’ont point de foi, et les autres, parce qu’ils ne réfléchissent pas assez

sur les vérités de la foi. De là vient qu’ils tombent facilement dans toutes sortes de péchés,

quoiqu’ils aient des remèdes contre tous les vices. Car comme une médecine est inutile

à un malade, et qu’elle le laisse mourir, parce qu’il ne la prend pas, de même les chrétiens

meurent dans leurs péchés, quoiqu’ils aient les sources de la grâce, qui sont l’Oraison Dominicale et la Salutation Angélique avec les

Mystères sacrés de leur rédemption, parce qu’ils négligent de les considérer pour s’en appliquer les fruits. Ce défaut de considération

fait que la foi s’éteint peu à peu, et que la charité se refroidit. On se dégoute des choses de Dieu, et l’on tombe enfin dans une

malheureuse insensibilité aux maux du péché, et à la perte de la grâce. On s’attache d’une manière déréglée aux biens de la terre, on

s’enfonce dans les voluptés, on lâche la bride à la haine à la vengeance, à la colère, et à toutes les passions.

La sainte Vierge instruisant saint Dominique sur la manière de convertir les pécheurs, lui dit un jour, que les hérésies, les crimes, et les

malheurs où tombent les hommes, viennent de ce qu’ils oublient les grandes merveilles que son Fils a opérées pour leur salut, ou du

moins de ce qu’ils n’y pensent pas assez ; elle ajouta que le remède à ces maux était la dévotion du Rosaire, qui est une prière vocale

jointe à la méditation de la vie, de la passion et de la gloire de son très saint Fils. (B. Alain)

Les affaires temporelles n’exemptent pas de méditer sur les Mystères du Rosaire

Saint Chrysostôme a bien remarqué que la plupart des personnes du monde sont dans l’erreur de s’imaginer que la méditation

des vérités de la foi et des Mystères de la vie de Jésus-Christ, ne regarde que les prêtres, les Religieux, et ceux qui sont retirés des

embarras du monde. Les uns disent qu’ils sont attachés au barreau, qu’ils sont fonctionnaires publics ; les autres, qu’ils ont un métier,

qu’ils ont une femme et des enfants à nourrir, qu’ils vivent dans le monde, et qu’ainsi ils ne peuvent méditer, que la méditation n’est bonne


que pour les ecclésiastiques, pour les personnes consacrées à Dieu, et qui vivent hors du monde.

Saint Chrysostôme leur répond qu’ils y sont obligés que les Religieux qui en ont moins besoin qu’eux qui vivent au milieu du trouble

et du tracas du monde. Car les Religieux ayant renoncé au barreau et aux charges publiques, n’ont rien à démêler avec personne, ils

sont dans le repos de la retraite, et hors des dangers. Mais ceux qui vivent dans le monde, ont mille occasions de commettre le péché,

ils ont besoin de chercher souvent leur consolation et leur secours dans la vie, et dans les vertus de Jésus-Christ. Une femme irrite son

mari, un enfant afflige son père et sa mère, un domestique fait fâcher son maître, un voisin regarde son voisin avec envie, la pauvreté

inquiète, la perte des biens cause de la douleur, la prospérité enfle le cœur, l’adversité le resserre ; enfin ils voient voler de tout côté

une infinité de traits lancés contre eux. Ils ont donc continuellement besoin de secours spirituels : et où les trouvent-ils ? Dans la vie

de Jésus-Christ, qui est l’école de la sagesse et de toutes les vertus.

Il faut donc avouer que si les religieux et les ecclésiastiques sont obligés de méditer sur les vertus de Jésus-Christ, à cause de la

perfection de leur état, les gens du monde y sont obligés, à cause des dangers où ils sont tous les jours de se perdre, s’ils ne s’arment

du fréquent souvenir de la vie, des vertus et des souffrances du Sauveur, que les quinze Mystères du saint Rosaire représentent.

Le Rosaire avec la méditation des Mystères nous transforme en Jésus-Christ

Le propre effet de la;méditation des Vérités et des Mystères de

la Foi, c’est de nous transformer en Dieu. Cette méditation n’est

point stérile, elle produit en nous de saintes affections ; parce que Dieu,

par ses secrètes et puissantes ardeurs, allume dans nos cœurs le feu de son

amour, qui éteint les flammes de nos affections terrestres, et nous change

parfaitement en lui-même, comme le fer mis dans le feu est changé dans

le même feu, et, sans perdre de sa nature de fer, devient rouge et ardent

comme le feu.

Jésus-Christ nous a montré cette admirable effet de la méditation dans sa

propre personne, car s’étant retiré à l’écart sur le mont Thabor pour prier,

il parut tout changé au milieu de don Oraison, sa face devint brillante

comme le soleil. C’est ainsi, dit Eutimius, que l’Oraison, quand elle est

bien faite, à la vertu de transformer l’homme, de le faire juste de pécheur

qu’il était, et de le rendre semblable à Dieu.

Voilà le bonheur qui nous arrive quand nous récitons le Rosaire avec

la méditation des Mystères. Car comme dit l’Apôtre, en contemplant la

gloire de Dieu dans les Mystères de la vie de Jésus-Christ, nous sommes,

par la réflexion de ses divins rayons, transformés en lui, nous devenons

semblables à lui, nous sommes ses images vivantes par la vertu du Saint-

Esprit et par la participation de sa grâce.

Ceux qui préparent des parfums, qui touchent et qui portent des roses en

contractent l’odeur.

Jésus et Marie sont deux roses célestes, qui parfument le ciel et la terre par

leur vertus : les fidèles qui s’en approchent, qui leur font des couronnes

de roses spirituelles, contractent l’odeur céleste de leurs vertus : leurs

pensés, leurs paroles, et leurs actions exhalent la bonne odeur de Jésus

et de Marie.

Portons donc gravée en nos cœurs l’image de Jésus pauvre, humble, et

souffrant, par la considération des Mystères du Rosaire, afin que nous

portions l’image de Jésus glorieux dans le Ciel pendant l’éternité.


Le Rosaire

sacramentel

et arme du peuple

R.P Thomas Esser, O. P.

Le Saint Rosaire de la Très Sainte Vierge Marie

Traduction de Mgr Amédée Curé, Ancien aumônier de M. le Comte de Chambord, Camérier d’honneur de S. S. Léon XIII – Paris 1894

1-5

Le Rosaire élevé au rang des sacramentaux

Ainsi donc, il n'y a rien de commun entre l'essence propre (intrinsèque) du Rosaire et ce cordon de perles emprunté à des temps

antérieurs. Aussi l'Église n'en fait-elle aucune mention dans la définition du Rosaire. On ressentirait donc l'effet si salutaire et

si fructifiant du Rosaire, quand même on le réciterait sans l'aide d'un chapelet. Mais, le chapelet une fois adopté comme moyen de

compter les prières du Rosaire, l'Église l'a pris sous sa protection particulière, et l'a élevé au rang des sacramentaux, de même que l'eau

bénite, les palmes bénites, etc.

Pour donner une idée de la force de cette bénédiction, il nous suffit de citer les paroles dont l'Église se sert pour la conférer. – Après

avoir fait mention des trois mystères fondamentaux du Rosaire, la formule de bénédiction s'exprime ainsi : Nous conjurons votre bonté

infinie, Seigneur, de daigner bénir et sanctifier ces signes du Rosaire, qui ont été choisis par votre Église fidèle pour honorer et pour

louer la Mère de votre Fils, et d'y appliquer une telle force du Saint-Esprit, que quiconque les portera sur soi, ou s'en servira pour prier

dévotement, en méditant les saints Mystères, conformément aux prescriptions de la confrérie du Rosaire, reçoive avec abondance une

dévotion salutaire et durable, (qu'il participe à toutes les grâces, avantages et indulgences que le siège apostolique a conférés à cette

confrérie), qu'il soit toujours et partout, dans cette vie, délivré de tout ennemi visible et invisible, et qu'il mérite, à sa mort, de vous

être présenté, rempli de bonnes œuvres, par la Bienheureuse Vierge Mère de Dieu, Marie.

Ainsi compris, le Rosaire ressemble, dans ses effets, à cette grande chaîne avec laquelle saint Jean, dans l'Apocalypse, vit un ange

descendre pour enchainer le dragon infernal (Apoc. XX et suiv.). On conçoit dès lors, facilement, pourquoi les fidèles portent toujours et

partout le Rosaire avec eux, et pourquoi ils le mettent même le soir autour de leur cou ; ils ne voudraient pas être surpris par la mort,

sans être munis de cette chaîne qui les rattache à Marie.

Ils savaient manier le Rosaire avec non moins d'adresse que la carabine

Le Rosaire, il est vrai est par excellence la prière du peuple, c'est à dire de cette classe la plus nombreuse de la société, qui est

astreinte au travail des mains pour gagner son pain de chaque jour ; mais précisément, ce peuple que l'Église catholique a tout

particulièrement à cœur. Et elle comprend aussi ses besoins, elle sait ce qu'il lui faut : elle sait combien il lui faut de courage, de force,

de joie, de confiance, mais aussi combien de patience, de résignation, d'humilité, d'obéissance, et par suite, combien de consolation,

d'encouragement, de rafraichissement, pour pouvoir continuer sans se plaindre, son pénible voyage sur cette terre, et maintenir toujours

les yeux fixés sur sa céleste patrie. C'est pour cela justement qu'elle fait de ce peuple, de maternelle sollicitude, conformément aux

paroles de l'Apôtre qui dit : Ce ne sont pas les sages selon la chair, ni les puissants, ni les nobles, mais ce qui est insensé aux yeux du

monde, que Dieu a chois, pour confondre les sages ; il a choisi ce qui est faible aux yeux du monde, pour confondre les puissants ; il a

choisi ce qui est sans valeur et ce qui est méprisé, et ce qui n'est rien, afin d'anéantir ce qui est quelque chose afin qu'aucune chair ne

puisse se glorifier devant lui (1Cor., I,26-29). Véritable épouse du Christ, l'Église catholique répète sans cesse le cri d'amour de son divin

Époux : Venez à moi, vous tous qui souffrez et qui êtes chargés, je vous soulagerai. Prenez sur vous mon joug, et apprenez de moi que

je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez la paix de vos âmes, car mon joug est doux, et mon fardeau est léger (Matth.,XI, 28-30).

Mais elle ne répète pas seulement cette aimable invitation, elle soulage aussi réellement ceux qui sont chargés, elle les aide à prendre le

joug du Seigneur, elle verse le repos dans leurs cœurs, et elle fait tout cela, surtout en engageant ses enfants à se représenter vivement

tous les jours de la vie de Jésus, et à rejeter pendant ce pieux exercice tous leurs soucis sur celui qui prend soin d'eux (1Petr., V, 7)

S'il y eut jamais un tribun du peuple, dans le sens le plus élevé du mot, on peut bien dire que ce fut le libérateur de l'Irlande, Daniel

O'Connell. Dans l'oraison funèbre qu'il lui a consacré, le célèbre P. Ventura, l'une des gloire de la chaire chrétienne, dit à propos de

sa grande vénération pour la Très Sainte Vierge : Il parlait de Marie au peuple, comme de la Mère du peuple, et un jour, entraîné par

son amour filial, il fit l'éloge de la Très Sainte Vierge en présence de plus de cent mille personnes, Catholiques et Protestants. Après

ce fameux discours, qui devait ouvrir aux Catholiques les portes du parlement anglais, pendant ces célébrations où les plus célèbres

orateurs étaient en présence, dans ce moment redoutable d'où dépendait la liberté ou l'esclavage de l'Irlande, O'Connell se tenait


tranquillement dans la salle, et récitait le Rosaire

en l'honneur de Celle qui a vaincu toutes les

hérésies, dans le monde entier. Il avait placé

l'émancipation de son peuple sous la protection

de Marie, et c'est d'elle qu'il espérait plus que de

ses propres efforts. Quand il avait remporté un

succès, il en attribuait la gloire à Marie.

A la suite de ces hommes qui ont tant fait pour

le bien public, qu'il nous soit permis d'ajouter un

héros. Le Rosaire ne sert pas seulement à savoir

ce qu'il faut pour sauver les peuples, mais aussi

à les sauver en réalité. Il est vrai que celui dont

nous voulons parler n'a été qu'un simple paysan

– aubergiste à Passeyer, – mais par son courage

de lion et par sa force d'âme, il s'est élevé au

dessus de beaucoup d'hommes de la plus haute

naissance ; il s'agit d'André Hofer, le défenseur

du Tyrol en 1809. Nous empruntons à la relation

d'un de ses contemporains, qui prit part comme

lui à la défense du pays, les traits rapides mais

caractéristiques sous lesquels se présente à nous cet intrépide guerrier, à qui son empereur rendit toutes sortes d'honneurs. Même à ce

point de vue, Hofer n'était que le premier de ses soldats, tous animés du même esprit que lui. Eux aussi, ils savaient manier le Rosaire

avec non moins d'adresse que la carabine. Un jour que la plus grande partie des compagnies de Méran devaient faire une marche

forcée, ils marchèrent le jour et la nuit à travers des montagne escarpées et non frayées. Une pluie violente et continue leur rendait le

chemin encore plus difficile, et cependant l'on n'entendait pas un mot de murmure, et la courageuse petite armée récitait le Rosaire,

malgré toutes les difficultés, en descendant et en montant les montagnes. Parmi tous ces guerriers, le premier, comme nous l'avons dit,

était Hofer. Aussi rendait-il gloire à Dieu pour la réussite de toutes ses entreprises, et il n'attendait le salut et la délivrance de sa patrie

que du secours divin et de l'intercession de la Très Sainte Vierge. Lorsque, en qualité de commandant et de gouverneur du Tyrol, il prit

possession du palais impérial d'Innsbruck, il se logea avec ses aides de camps et ses intimes dans les appartements les moins distingués

du palais. Il fit tout de suite suspendre un crucifix et un tableau de la Très Sainte Vierge dans la salle à manger. Matin et soir, il visitait

l'église contiguë , où est le tableau miraculeux de Notre-Dame de Bon-Secours, et chaque soir, après le souper, il récitait le Rosaire

avec son entourage, y ajoutant une quantité de Pater, pour obtenir l'intercession de différents saints. Tout son monde devait prier avec

lui, car il avait coutume de dire : Puisque vous avez mangé avec nous, vous pouvez bien aussi prier avec nous. Ainsi ce vrai chrétien

conserva, au milieu de sa fortune, sa simplicité et sa candeur habituelles, il n'omit dans le palais aucun de ses exercices de piété, qu'il

pratiquait déjà avec ses serviteurs dans la salle basse de son auberge. Un jour que les étudiants lui donnaient une sérénade aux violons

devant les fenêtres de son palais, il ne manqua pas de les engager aussi à réciter le Rosaire. Une chanson de Gœrres appelait de son

temps , dans le Mercure, une des compositions les plus entrainantes qui eussent surgi dans cette guerre, et qu'il représente comme

une voix retentissant du sommet des montagnes au-dessus des viles et des campagnes, jusqu'au fond des plaines les plus reculées,

reproduit ses paroles d'une manière tout à fait caractéristique : Agenouillez-vous avec vos rosaires, ce sont là les violons que je préfère.

Quand la prière fera briller vos yeux, le Seigneur Dieu s'y montrera. Ainsi lorsqu'on célébra à l'église de la cour, pour la fête patronale

de l'empereur d'Autriche, l'office solennel en action de grâce des succès obtenus, le prédicateur de la fête, le R.P. Tschiderer put-il

dire, en présence du commandant en chef et des autorité, ce que Hofer lui-même aurait dit : Ce ne sont pas vos balles qui ont vaincu

l'ennemi, ce sont des balles bien différentes ; je veux dire les grains de votre chapelet. C'est aussi à ce même moyen que Hofer dut

cette attitude héroïque dans le malheur, qu'il sut conserver jusque dans la tragique catastrophe qui mit fin à sa vie. Le 20 février 1810

nous le voyons à Mantoue, sur le lieu du supplice. Tout le long de ce chemin douloureux, il a porté à la main son chapelet à gros grains

de coco, avec une croix d'argent. Douze soldats, l'arme au bras, se rangent devant lui. Hofer se tient debout , en face d'eux, avec un

calme, une grandeur d'âme héroïque. Comme dernier souvenir, il offre au prêtre qui l'accompagne son inséparable chapelet, puis, d'une

voix ferme il commande le feu.


Le Rosaire pour nous

tenir unis à Dieu et

ses effets sur la vie de

l’homme

R.P Thomas Esser, O. P.

Le Saint Rosaire de la Très Sainte Vierge Marie

Traduction de Mgr Amédée Curé, Ancien aumônier de M. le Comte de Chambord, Camérier d’honneur de S. S. Léon XIII – Paris 1894

1-6

Mais ce n'est pas le but essentiel du Rosaire de nous élever au-dessus de nos sens et des agitations du monde. Il doit nous tenir

unis à Dieu, au milieu de nos occupations terrestres, et nous attirer du ciel les secours nécessaires à nos travaux et à nos

besoins. C'est pour cela qu'il nous fait faire tout de suite une application pratique à nous-mêmes, en nous rappelant que Jésus

a fait tout cela pour nous, pour moi ; et c'est pour cela qu'il ajoute, aussitôt que nous nous sommes regardés dans le Mystère comme

un modèle, la prière vocale, pour nous obtenir la grâce dont nous avons reconnu la nécessité. Nous avons là aussi le meilleur moyen

de préserver nos pensées du vagabondage pendant la méditations ; dès que l'esprit est fatigués, ou bien qu'il croit avoir épuisé le point

de méditation qui l'occupe, il retombe de lui-même sur la prière vocale. – Il ne serait cependant pas juste de ne considérer le Rosaire

que comme une prière d'impétration. Nous nous élevons à une dévotion plus haute, si nous le récitons comme une prière de louange,

ou d'action de grâce, ou de satisfaction. Notre méditation a alors, par avance, une certaine direction, et la prière devient aussi dans ce

cas moins égoïste, et partant plus pure, plus élevée. Au lieu de la demande : Donnez-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour, ou

de cette autre : Délivrez-nous du mal, nous mettons alors en première ligne celles auxquelles Notre-Seigneur a lui-même donné la

première place : Que votre nom soit sanctifié – que votre règne arrive – que votre volonté soit faite. Qu'il est donc facile ainsi, même à

l'homme du peuple le plus simple, de s'exercer à l'oraison mentale, en suivant le fil conducteur du Rosaire, et par là de s'élever toujours

plus haut dans la vie intérieure. Quel autre moyen aurait-il de s'entretenir avec Dieu ? Le considérer dans son essence divine, dans son

immensité, sa sainteté, sa justice – cela dépasse ses facultés intellectuelles. Il lui faut des méditations qui tombent plus sous le sens

; elles seules sont le guide qui lui convient pour le conduire à la connaissance de Dieu. En connaissant Dieu visiblement, dit l'Église

dans sa préface du jour de Noël, nous sommes entraînés par lui à l'amour des choses invisibles (Voyez saint Thomas, 2, 2, q. 82, a. 3, ad.2). Or

Dieu se montre visiblement à nous dans les mystères du Rosaire, et c'est pour cela qu'il nous est un moyen si facile de nus élever par

la pensée vers le ciel. Selon le vénérable Pape Benoit XIII, le but du Rosaire est d'enseigner à méditer.

Mais la foi vive et la prière ardente ne font-elles pas tout le chrétien ?

Dans les chapitres précédents, nous avons comparé le Saint Rosaire à un de ces magnifiques monuments d’architecture qui

datent de la même époque que lui. Semblable à la cathédrale gothique la plus accomplie, il est là debout au milieu de la

misère humaine, s’élançant hardiment jusque dans les sphères aériennes les plus pures. Nous l’admirons, nous prions dans

son enceinte, et par lui nous sommes transportés à la hauteur de notre destinée. C’est en cela que nous trouvons la haute signification

du Saint Rosaire pur la vie humaine. Car si nous considérons l’homme avec l’œil de la foi, ou même de la simple raison, nous ne

pouvons nous empêcher de voir en lui aussi une œuvre d’art, mais une œuvre d’art brisée. Chef d’œuvre de la création, couronnement

de l’œuvre des six jours, il est cet être formé de la main de Dieu auquel le Créateur lui-même imprima son image et sa ressemblance.

Dieu le regarda après l’avoir formé, et il le trouva très bien. Mais, on dirait qu’une main destructrice a porté le ravage dans ce beau

monument, car son harmonie est détruite, il n’est plus tel qu’il est sorti de la main de Dieu. Le péché originel, le plus fatal de tous

les accidents, y a introduit le désordre. Par lui, les peines, le travail, la pauvreté, les maladies et la mort sont devenus le partage du

roi de la création. Son royaume, la terre, s’est changé pour lui, sous la malédiction de Dieu, en une vallée de larmes ; elle n’est plus

un paradis, un jardin de délice dans lequel il vivait avec Dieu dans une intimité filiale, elle est un champs pierreux qui ne lui porte

plus que des ronces et des épines, et auquel il doit arracher son pain de chaque jour, à la sueur de son front. Il est v rai que le Fils

de Dieu fait homme a rétabli la noblesse abaissée de l’homme ; il est vrai que l’esprit de Dieu, envoyé sur la terre et répandu dans

le cœur des hommes, a renouvelé la face de la terre : mais il reste à chacun en particulier à accomplir en lui-même cette réforme,

en s’appropriant personnellement ce que Jésus-Christ a fait en réalité une fois pour toutes et pour tous les hommes. Il faut donc que

chacun en particulier s’efforce, comme un artiste, d’achever ce qu’il y a d’imparfait dans la noble image de son âme, et de refaire ce


qui est tombé en ruines par le péché. Il faut qu’il rétablisse, autant que possible , ce qui a été autrefois, et qu’il travaille d’avance,

autant qu’il le pourra, à ce qu’il doit être un jour. Nous avons placé plus haut cette tâche du chrétien en parallèle avec la vocation de

l’artiste. De même que la tâche religieuse et morale de l’homme consiste à rétablir la véritable harmonie de sa vie spirituelle, de même

aussi la tâche de tout art véritable consiste à représenter la beauté première des choses, et surtout de l’homme, à présenter à la vie

réelle, désordonnée, le miroir d’une existence meilleure, originelle et idéale. Sous ce rapport Auguste Reichensperger dit (Die Kunst

jedermanns Sache, Francfurt 1865 p. 5) : Il restera à l’homme chassé du paradis le souvenir de son état primitif et le désir de la rétablir,

de se réconcilier avec son Dieu. Comme, en général, toute aspiration à l’idéal, l’art est aussi l’expression de cette nostalgie divine,

de ce besoin de retrouver l’harmonie, qui, avant la chute, pénétrait les choses de la terre et les unissait aux choses du ciel.

Justement en cela le Saint Rosaire peut, d’une certaine façon, lui servir de modèle. Il lui montre l’idéal de l’homme tel qu’il a été avant

la chute, et tel qu’il sera dans la transfiguration. Avec cela, il lui apprend à profiter de sa situation présente, de manière à y trouver

les matériaux de sa gloire à venir. Nous voyons, dans ses mystères joyeux, l’homme tel qu’il était à l’abri du péché, de toute faute

et de toute souillure, tandis que les mystères douloureux nous représentent l’Ecce Homo, l’homme tel qu’il est maintenant, déchu et

racheté, gémissant sous le poids de la croix, dans laquelle seulement se trouve le salut, et qui, surmontée par la patience, attire après

elle le triomphe, la résurrection glorieuse et l’ascension au ciel. On pourrait trouver une allusion à cette signification du Rosaire

dans cette prière où nous demandons à Dieu qu’il daigne répandre sa grâce dans nos âmes, afin qu’ayant connu, par l’entremise de

l’ange, l’Incarnation de son divin Fils, nous soyons admis, par ses souffrances et par sa croix, à la gloire de sa résurrection. – Voyons

maintenant le Rosaire d’un peu plus près à ce point de vue.

En sortant du Paradis terrestre, nos premiers parents n’emportèrent qu’une consolation, la promesse d’une femme qui, par son rejeton,

écraserait la tête du serpent, en d’autres termes, qui mettrait au monde le Sauveur, et qui par là contribuerait à notre salut, de la même

manière qu’Ève avait contribué à notre perte, par la séduction de notre premier père. Cette femme qui, comme une aurore, devait

précéder le soleil de justice, fut choisie pour cela entre toutes les créatures. Elel ne devait pas plus être effleurée du souffle du péché,

que la terre dont Adam avait été formé. Et lorsqu’elle entra dans le monde, elle parut entre les filles de Jérusalem, le peuple choisi,

comme une rose entre les épines. De même que, d’après l’opinion de quelques Pères de l’Église, la rose avant la chute, n’avait

point d’épines, et qu’elles ne poussèrent que sous la malédiction de Dieu, de même Marie est une rose sans épines, qui ne connait ni

l’aiguillon du péché, ni les remords de conscience, ni la crainte

de la mort. Tout autour d’elle, les épines croissent en abondance.

Elle est l’unique de son sexe qui paraisse dans le monde sans la

tache du péché originel. Aussi comme elle est bien l’idéal de la

pure et vrai humanité ! Comme son culte et son invocation sont

de puissant remèdes contre les suites du péché originel sous

lesquels nous gémissons ! Et même sous le rapport du corps, elle

est, pour nos regards étonnés, le plus accompli, l’inaccessible

idéal de la beauté féminine. Car le péché a aussi étendu ses

effets destructeurs à l’organisme corporel. Étant par lui-même

un désordre, une violation coupable des lois données par Dieu,

c’est à dire de la soumission de l’homme à Dieu et à ses lois,

le péché porte son action, ou plutôt ses ravages dans touts les

domaines qui ont quelque rapport avec le pécheur. C’est pour

cela que le corps, compagnon et complice du péché, a dû tout

d’abord être entraîné dans ses conséquences. Non seulement en

ce que les germes de dissolution et de corruption qu’il portait

en lui, dans les éléments des maladies des plus diverses, ont pu

dès lors se développer sans obstacle, mais même l’harmonie

extérieure de sa constitution en a été atteinte. C’est pourquoi

aussi l’expérience nous apprend qu’il ne se trouve presque

pas un homme dont le corps soit parfaitement beau dans

toutes ses parties. Il y a toujours quelques défaut dans l’un ou

l’autre de ces points qui, d’après saint Thomas, constituent la

beauté (Sum. Theol., I, q. 39, a. 8 ; 2, 2, q.145, a. 2 ; q; 180, a. 2, ad. 3) :

parfait développement des différentes parties en elles-mêmes,

proportion et juste rapport des parties entre elles, fusion et

éclat des coloris. Combien les péchés personnels, les passions

peuvent contribuer à rendre un homme laid et même hideux,

dans le sens propre du mot, nous le voyons d’un seul coup d’œil,

soit qu’il s’agisse d’une explosion de passion momentanée et

passagère, soit qu’il s’agisse d’une habitude de péché devenue

une seconde nature. Dans la Très Sainte Vierge il ne pouvait

être question ni de péché personnel, ni de péché originel, aussi

n’y avait-il point de raison pour qu’il eût la moindre difformité,


la moindre laideur dans ses formes extérieures, dans sa constitution physique. Au contraire, si la

noblesse du corps dépend des nobles sentiments de l’âme, qui la vivifie et qui la pénètre de son

esprit, quelle éloquente expression n’a pas dû trouver son âme, si hautement privilégiée, dans la

beauté de son extérieur ! Et si le divin Sauveur, qui avait été formé en elle par la vertu du Saint-

Esprit, sans la moindre désordre de la concupiscence (neque ex voluntate carnis, neque ex voluntate viri, sed

ex Deo natus, Jean, I, 13), a été pour cette raison même le plus beau des enfants des hommes (speciosus

forma prae filiis hominum, Ps XLIV, 3) : ne faudra-t-il pas dire la même chose de la Très Sainte Vierge, à

cause de la ressemblance entre le fils et sa mère ? Ce qui, dans tous les cas, est remarquable, c’est

que toutes les saintes femmes de l’Ancien Testament qui ont été spécialement les figures de la Très

sainte Vierge, sont expressément vantées pour leur beauté.

Je te voie peinte en mille figures, Ô Marie,

Mais aucune ne peut te rendre à mes yeux,

Telle que je te vois dans mon âme.

Le Rosaire, méthode

pour le dire et prière

en commun

R.P Thomas Esser, O. P.

Le Saint Rosaire de la Très Sainte Vierge Marie

Traduction de Mgr Amédée Curé, Ancien aumônier de M. le Comte de Chambord, Camérier d’honneur de S. S. Léon XIII – Paris 1894

1-7

Il s'agit donc de savoir comment nous devons nous y prendre pour joindre la méditation, d'une manière suffisante mais convenable,

avec la récitation du Rosaire. La réponse à cette question équivaut à une méthode pratique, pour bien réciter le Rosaire. Mais

cette méthode exige aussi, pour être complète, quelques indications sur la préparation du cœur qui doit nécessairement précéder

le Rosaire. C'est donc par là que nous commencerons nos explications.

Il est bien certain que nous devons pour le Rosaire, comme pour toute autre prière, suivre l'exhortation du Saint-Esprit qui dit :

Avant de prier, préparez votre âme, et ne soyez pas comme un homme qui tente Dieu. (Eccli., XVIII, 23) En réalité ne serait-ce pas une

présomption que de vouloir entrer en conversation familière avec Dieu, devant qui les anges tremblent de respect, sans même songer

un instant à ce que l'on va faire ? Voilà pourquoi il est dit dans un livre attribué à saint Bernard (Meditat. Piissimæ, c. 6) : Si vous entrez

dans une église pour prier ou psalmodier, laissez dehors le tumulte des pensées qui vous agitent, et repoussez entièrement les soucis

extérieurs, afin que vous puissiez vous occuper de Dieu seul. Car il est impossible de s’entretenir avec Dieu, lorsqu’on s’entretient,

même en silence, avec le monde entier. Il faut donc avant la prière se recueillir et oublier autant que possible, pour instant, toutes les

pensées de ce monde qui rattachent le cœur à la terre, et bannir de ‘esprit tous les soins terrestres qui pèsent comme du plomb sur

l’esprit et qui empêchent son vol, de telle sorte que le cœur et l’esprit puissent sans obstacle prendre leur essor vers Dieu. Prier c’est

élever son cœur vers Dieu, s’approcher de Lui en esprit, pour répandre devant Lui ses prières. Il nous faut donc nous souvenir de sa

grandeur et de sa Majesté, avant de nous souvenir de nous adresser à Lui dans nos prières, afin de nous approcher de Lui avec tout

le respect convenable. Qui ne tremblerait pas, demande saint Laurent Justinien, lorsqu’il se tient devant la Majesté divine ? Qui ne

serait pas rempli d’une sainte frayeur en la présence de Dieu ? Qui ne craindrait pas de déplaire aux yeux de son Seigneur ? Si donc

vous priez et que vous exposiez vos demandes, considérez attentivement le Très-Haut, voyez quel est celui qui prie, et qui est celui

à qui s’adresse la prière, et ne séparez pas ces deux pensées l’une de l’autre. Les deux réunies, nous enseignent l’humilité, aident

notre esprit à se recueillir, chasse les images distrayantes, embellissent la prière, rendent Dieu favorable, attendrissent notre cœur

et obtiennent que nos prières soient exaucées. Sainte Thérèse trouve dans ces deux pensées la meilleure préparation à la prière, et

conseille, pour cette raison, avant que de réciter les heures canoniales ou le Rosaire, de penser à celui à qui nous voulons parler,

de nous représenter qui Il est, et ce que nous sommes, afin que nous sachions comment il faut nous comporter envers Lui. (Chemin de

la perfection, chap. 23) Donc, d’une part, le souvenir de la grandeur de Dieu et de sa présence, d’autre part, celui de notre indignité et


de notre misère : Voilà les deux actes par lesquels nous devons préluder à la récitation

du Rosaire. Si nous sommes dans la disposition requise, et nous pouvons commencer

au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Cependant avant d’exposer nos demandes,

car le Rosaire est principalement une prière d’impétration, nous devons nous souvenir

de ce que nous voulons demander à Dieu par l’intercession de Marie, en récitant

le Rosaire. Car il est certain que nous récitons dans une attention spéciale, que si

nous demandons seulement en général ce qui est contenu dans les paroles du Pater.

Quand à ces intentions spéciales pour lesquelles on peut réciter le Rosaire, personne

ne saurait être embarrassé, car on n’a qu’à regarder autour de soi ou même au dedans

de soi, l’on trouvera partout une quantité de besoins et de difficultés par lesquelles la

prière semble être notre unique ressource.

Et quand on récite le Rosaire pour obtenir une grâce spéciale, par exemple pour obtenir

une vertu dont on a besoin, ou bien la force de résistance aux tentations auxquelles on

est le plus exposé, ou encore si on l’offre pour sa famille, ou pour la conversion d’un

pécheur qui nous touche de près, ou enfin pour les besoins de l’Église universelle ,

on fait bien aussi d’appliquer d’avance les indulgences du Rosaire que l’on va réciter

à une certaine âme du purgatoire, afin que celle-ci seconde notre prière et nous aide

à obtenir ce que nous demandons. C’est une espèce de contrat, où celui qui prie ne

perd certainement rien.

Enfin une petite prière pour obtenir la grâce de bien prier, serait aussi bien à sa place à

la fin de cette préparation. En général, le recueillement absolu et l’élan de la dévotion

dans la prière sont plutôt en effet de la grâce que nos propres efforts. Et certes, c’est

là aussi un objet digne d’une intention spéciale et souvent réitérée dans le Rosaire, que le don de la prière ou le véritable esprit de la

prière, comme on l’appelle ordinairement, ce recueillement passé en habitude, et le continuel entretien avec Dieu qui en découle.

Ce prélude, ou cette préparation à la récitation du Rosaire, n’a pas besoin, naturellement, de durer longtemps ; c’est l’affaire d’un

moment. Après, commence le Rosaire proprement dit. Il a été dit déjà plus haut, que le Credo, les trois Ave Maria, pour les actes de

foi, d’espérance et de charité, qui précédent les dizaines, ne sont pas par conséquent indispensablement nécessaires. Cependant on

fait bien de les réciter, non seulement parce que tout le temps (spécialement en Allemagne) ils ont été réunis au Rosaire, mais parce que,

dès le commencement, ils nous mettent en plein dans le véritable esprit du Rosaire. C’est après seulement que commence le Rosaire

proprement dit, et il s’agit maintenant d’expliquer ce que nous avons désigné tout à l’heure comme condition pour bien réciter le

Rosaire. Comment donc peut-on, comment doit-on réunir la méditation des mystères avec les prières à réciter ?

On pourrait regarder la méthode suivante comme la meilleure méthode de réunir la prière vocale avec la méditation. Avant de

commencer la dizaine, on s’arrête un moment, on se représente le mystère tel qu’il s’est passé, de la manière la plus vivante possible,

et l’on cherche ensuite en le contemplant, c’est à dire en le considérant comme si on l’avait sous les yeux, à exciter dans son âme

des sentiments et des actes de vertu qui y correspondent. Que des images représentant ces mystères puissent rendre là d’excellents

services, c’est une chose hors de doute, vu la nature de l’homme à la fois sensible et spirituelle.

Expliquons ce que nous venons de dire par un exemple.

Nous voulons réciter la troisième dizaine des mystères douloureux, par conséquent, nous devons considérer le couronnement d’épines

de Notre-Seigneur. Avant de commencer le Notre Père, nous faisons une petite pause et nous nous représentons toute la scène. Là, devant

nous, est assis le divin Sauveur, avec le manteau de pourpre sur ses épaules ensanglantées, les soldats tressent une couronne d’épines

et l’enfonce très, très avant sa tête sacrée ; ils ajoutent à cette couronne un sceptre, lui mettent un roseau à la main, et s’agenouillent

par dérision devant lui, en lui disant : Salut, roi des Juifs, puis ils lui arrachent le roseau de la main, lui en donne des coups sur la tête

déjà transpercée ; ils lui crachent à la face, ils lui bandent les yeux, le frappent au visage et lui demandent ironiquement, puisqu’il est

prophète, de dire qui l’a frappé. Cela formerait la première partie de notre méditation. Nous avons le tableau à méditer devant l’esprit,

ou même devant mes yeux, nous savons ce que signifie le mystère. Maintenant nous sommes là, saisis d’étonnement, d’admiration,

ou d’une profonde émotion devant ce tableau. Qu’est-ce que nous disons de tout cela ? C’est là la seconde partie de notre méditation,

et c’est là surtout qu’en est l’utilité pratique. Nous avons déjà dit en quoi elle consiste : dans les sentiments que la vue du tableau du

mystère éveille en notre âme. Un simple coup d’œil sur l’Ecce Homo nous remplira d’une espèce de frisson : nous frémissons à la

vue du péché, qui s’attaque ainsi à Dieu ; nous sommes remplis de compassion pour le pauvre Jésus, objet de ces dérisions cruelles ;

nous admirons sa céleste patience, qui supporte tout sans un mot de colère, sans une parole de plainte. O Jésus ! Comment pourrais-je

encore vous infliger un traitement pareil en faisant de la peine à mon prochain, ou en me moquant de lui ? O Jésus ! Donnez-moi la

patience dans les souffrances que j’ai à supporter de la part de mon prochain !

C’est dans cette disposition que nous commençons à réciter la dizaine? Toutes les fois que nous prononçons le nom de Jésus, nous

voyons de nouveau devant nous l’Ecce Homo, nous le nommons même en propres termes : Jésus qui a été couronné d’épines pour

nous. Et toutes les fois que nous disons Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous, nous nous souvenons (indépendamment des autres

intentions auxquelles nous récitons le Rosaire) de l’humble patience du doux Jésus, que nous sommes prêt à imiter à l’avenir. Comme elle

aimera à prier pour nous cette Mère, des douleurs, dont le Fils bien-aimé que nous implorons son intercession ! Lorsque, ensuite nous

aurons en devant les yeux de nôtre âme, pendant que nous répéterons dix fois la salutations angélique, d’un coté l’affront fait au Fils

de Marie et de l’autre côté , son exemple qui nous plonge dans l’admiration, et qui nous provoque à imiter, comme nous


éclaterons de tout cœur en louanges, lorsque nous en viendrons à ces mots : Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit ! Gloire à Dieu,

nôtre Sauveur, de la part des anges et de tous les hommes, gloire à Dieu de la part de toutes les créature. Gloire à Dieu, en réparation

des ces moqueries qu’il a endurées dans son couronnement d’épines. Gloire à Dieu de notre part, en nous efforçant de ressembler

davantage à ce sublime modèle. C’est ainsi que nous prononcerons aussi avec l’attention et le respect convenables cette louange de

Dieu, qui ne cesse de nous rappeler le but final de toute prière, le but final de nôtre existence elle-même, la gloire de Dieu.

Il ne sera difficile à personne, pas même aux plus ignorants, d’appliquer à toue les autres mystères du rosaire cette méthode de méditation

que nous venons de proposer pour un mystère en particulier. L’essentiel c’est de 1° de se représenter la suite du mystère à méditer,

comme si on l’avait sous les yeux, et 2°, en le contemplant, d’exciter dans son âme des sentiments ou affections et des résolutions en

rapport avec lui. Par rapport au premier point il est très avantageux de se rappeler aussi exactement que possible le récit de l’Écriture

Sainte. Dans les mystères joyeux on peut même, nous ajoutons ceci pour ceux qui sont plus instruits, se rappeler très utilement le texte

de l’Évangile. – Quel fond plein de vie ne sera-ce pas pour le premier mystère, si l’on se représente complétement le dialogue entre

Marie et l’ange ! Comme le second mystère deviendra plus élevé si on le termine par le Magnificat ! Et le troisième, comme il sera

profond, si on le fait précéder ou suivre du Gloria in excelsis Deo ! Comme nous prendrons plus vivement part au quatrième mystère,

si nous récitons le Nunc dimittis avec le vieillard Siméon ! – Par rapport au second point , il est clair qu’en général les sentiments

seront d’accord avec les différentes dispositions des mystères ; car ils ne sont pas autre chose que l’impression des mystères sur l’âme.

Par conséquent, la contemplation sympathique des mystères joyeux excitera dans l’âme la joie ; celle des mystères douloureux y

excitera le regret et la compassion, et enfin celle des mystères glorieux y éveillera l’allégresse

et la jubilation. (Saint Augustin donne la même indication par rapport à la disposition de l’âme quand on récite

les psaumes. In Psalm. 30, ennar.. IV, n. 1)

En particulier, cependant, ces dispositions qui forment comme le fond de l’âme et qui déjà,

de leur côté, ne sont que des ramifications d’un seul et même sentiments, c’est à dire de

l’amour, se transforment en autant d’affections différentes qu’il peut y avoir d’impressions

du bien et du mal dans l’âme. A côté de l’amour compatissant de notre Sauveur et nôtre

Dieu, que chacun des mystères produit en nous à sa manière, ce sera tantôt le désir de

certaines vertus auquel les différents mystères nous disposeront, tantôt l’horreur du péché,

soit en général, soit dans certaines des ses espèces ; tantôt dans l’espoir de la récompense et

de l’union avec Dieu ;tantôt dans la crainte de la punition et de la séparation de Dieu ; tantôt

le courage et la fermeté dans les difficultés, et tantôt la circonspection et la réserve dans les

dangers. (Comp. Saint Thomas, Sum. theol. I, 2, q. 25) On n’a qu’à laisser agir chacun des mystères

sur son cœur, et de lui-même, sous influence de la grâce, le cœur se répandra en soupirs et

affections. Le mieux assurément est que l’on puise ces affections dans son intérieur, à la

source de son cœur. Mais il n’est pas rare malheureusement que cette source ne refuse ses

services : alors on doit y apporter du dehors des considérations appropriées aux mystères

afin d’éveiller sa propre activités. C’est pourquoi il est bon de se servir quelquefois d’un

livre comme d’un stimulant.

Dans un chapitre précédent nous avons fait remarquer que le Rosaire peut être considéré comme un pendant de l’office divin

récité en chœur par l’Église, comme un vrai bréviaire laïque, et que, par la suite, il est tout à fait propre à une récitation

commune et alternative. En réalité, le Rosaire est la prière de beaucoup la plus usité, et presque la seule qui se fasse en

commun ; car les autres, par exemple, les litanies ne sont guère qu’un appendice et un complément du Rosaire. – Quel est le but

et quels sont les effets des cette récitation en commun du Rosaire ? Car, déjà nous pouvons le dire avec les paroles mêmes de saint

Alphonse de Liguori : Il est préférable de réciter le Rosaire en commun que de le réciter en particulier pour soi seul. (Les gloires de

Marie, 2° partie, dévotions diverses, 3)

Pour comprendre toute la portée de cette prière, qui se fait en commun lorsqu’on récite le Rosaire, il nous faut revenir sur une pensée

que nous exposions dans un chapitre précédent, au sujet des matières contenues dans le Rosaire, à savoir que ces matières sont tout

particulièrement propres à remplir l’âme qui prie de l’esprit du christianisme. Il en est de même de la récitation en commun. Si l’on

veut exprimer en un mot l’esprit du christianisme, tel qu’il s’applique à la vie, on doit dire qu’il consiste dans la charité fraternelle.

Notre-Seigneur lui-même disait : Je vous donne un commandement nouveau, qui est que vous vous aimiez les uns les autres comme je

vous ai aimés, qu’ainsi vous vous aimiez mutuellement. C’est à cela que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples, si vous avez de

la charité les uns pour les autres. (Jean, XIII, 34) Ce commandement nouveau de la charité mutuelle, que Notre-Seigneur appelle aussi

tout simplement son commandement (Jean, XV, 12), a pour but de mieux préciser que nous devons aimer notre prochain comme nousmêmes,

et Notre-Seigneur place cette obligation sur le même rang que le premier et le plus grand commandement, celui de l’amour de

Dieu. (Matth., XXII, 39) Par ce seul commandement toute la loi est accomplie (Gal., V, 14) ; il est le lien de la perfection. (Col., III, 14)

Par l’Incarnation, Jésus-Christ est devenu notre frère, et par conséquent son Père, et par conséquent son Père est aussi devenu notre

Père. C’est pourquoi saint Paul l’appelle : Le premier né entre beaucoup de frères. (Rom., VIII, 29) ; et, par opposition à ses proches

selon la chair, Notre-Seigneur lui-même appelait ses frères et ses sœurs ceux qui étaient autour de lui pour entendre sa parole. (Matth.,

XII, 49) Bien plus, il appelle ses frères même les plus petits et les plus pauvres d’entre les hommes(Ibid., XXV, 40) Il dit aux hommes

eux-mêmes : Vous êtes tous frères...car vous n’avez qu’un seul et même Père qui est au Ciel. (Ibid., XXV, 8) Aussi quand il parle du

prochain – nom déjà si significatif par lui-même – , il lui donne presque toujours le nom de frère. Si ton frère a quelque chose contre

toi...réconcilie-toi avec lui. (Ibid., V, 23) Pourquoi vois-tu une paille dans l’œil de ton frère, tandis que tu ne vois pas la poutre dans


le tien ? (Ibid., VII, 3) De même il confie à saint Pierre, en sa qualité de chef de l’Église, la charge de fortifier ses frères dans la foi

(Luc, XXII, 32) Pour ce motif, les apôtres, quand ils commençaient à prêcher, s’adressaient à leur auditoire sous le nom de frères. Viri

fratres. (Act., II, 29 et passim.) – En un mot tous les fidèles du Christ ne forment qu’une seule grande famille, qui, à la suite des luttes

d’ici-bas, s’élèvera en triomphe et se réunira dans la maison de son Père céleste.

Cette association et cette fraternité des chrétiens entre eux, doit se trouver dans la prière, car la prière est, comme nous l’avons dit

plus haut, l’expression de la religion. C’est pourquoi Notre-Seigneur, dans l’oraison dominicale, nous apprend à nous tourner tout

de suite vers notre Père, et à le prier de nous faire arriver son règne et de nous donner notre pain de chaque jour. Et c’est là ce qui

devait faire la règle de nos prières habituelles : C’est ainsi que vous prierez. Par conséquent, même lorsque je prie pour mes propres

besoins, qui me sont personnels et qui ne concernent que moi, je ne dois pas le faire d’une manière tellement exclusive que je ne prie

en même temps pour tous les autres. D’autres ont d’autres besoins et pour cela je leur dois mon appui, de même que je réclame un

appui de leur part pour mes besoins; Les enfants

d’une même famille, les membres d’un même

corps sont en relations si étroites entre eux que la

joie et la peine de l’un, sa douleur et son plaisir,

sont communs. (Voir S. Cyprianus, lib. De Orat. Dominic.,

num. 8) Cet esprit de filiation divine par lequel

nous crions vers lui ; Abba, notre Père, était si

grand parmi les premiers chrétiens qu’il s étendait

même aux choses temporelles. Les Actes des

Apôtre nous rapportent (IV, 32) que la multitude

des fidèles n’avait qu’un cœur et qu’une âme ,

et que personne d’entre eux ne regardait comme

étant à lui seul ce qui lui appartenait, mais que

tout était commun entre eux. Que, dans une telle

communauté de frères, la même union se montrât

dans la prière, cela se comprend de soi-même et

cela peut s’affirmer à coup sûr. Du reste les Actes

des Apôtres nous le disent aussi expressément (I,

14 ; de même XII, 5) : Ils persévéraient unanimement

dans la prière avec les femmes et avec Marie, Mère

de Jésus, et avec ses frères. C’est cet esprit que

saint Paul souhaite aux Romains quand il leur écrit

(XV, 5) : Que le Dieu de patience et de consolation

vous donne d’être tous d’un même sentiment entre

vous avec Jésus-Christ, afin que d’un même cœur

et d’une même bouche vous glorifiiez Dieu, le Père

de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

D’après cela, il est parfaitement clair que la prière

en commun, c’est à dire cette prière que plusieurs

font ensemble et les uns pour les autres, répond,

mieux que toute autre, à l’esprit du christianisme.

Et précisément, cet usage de la prière en commun

sert à entretenir et à développer dans l’âme l’esprit de fraternité chrétienne. (S. Joan Chrys., In Epist. II ad. Cor. Hom. II, num. 4) Où et quand,

en effet, ce lien de la charité qui nous enveloppe tous, se montrerait-il mieux que lorsqu’ils se réunissent pour présenter à Dieu leurs

prières, et pour lui crier comme d’une seul bouche : Abba, notre Père ? Quand nous sentirons-nous plus fortement que nous formons en

quelque sorte qu’une seule famille avec les autres, que lorsque nous prions ensemble notre Père, et que nous supplions notre commune

Mère d’intercéder pour nous dans nos besoins du moment et à l’heure de notre mort ? Il est sûr que le courant puissant qui résulte de

cette dévotion, en parlant par mille voix en même temps, n’est autre chose que la vivante union de tous les cœurs croyants. Par là la

parole de saint Basile sur les psaumes de David, que nous avons citée plus haut, en l’appliquant au psautier de Marie, nous apparaît

sous un nouveau jour. La récitation des psaumes, dit-il, maintient l’amitié, rétablit la concorde entre les dissidents, réconcilie les

ennemis. Car qui pourrait entretenir de la haine contre celui avec qui il fait monter vers Dieu les mêmes accents de la prière ? En

réalité le cœur s’élargit dans la prière faite en commun, et la charité s’étend à tous ceux qui demandent à Dieu et à sa Très Sainte Mère

les mêmes dons, par les mêmes paroles, et en faisant l’aveu des mêmes misères ; et il y a une espèce de réconciliation publique dans le

seul fait que deux personnes récitent ensemble cette prière : Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont

offensés. A raison de cette charité fraternelle, qui est en même temps la racine et le fruit de la prière commune, Notre-Seigneur disait

: Là où deux ou trois personnes sont réunies en mon nom, je suis au milieu d’elles. (Matth., XVIII, 20) Et déjà dans l’ancien Testament,

à la vue des différentes tribus d’Israël réunies pour célébrer les fêtes solennelles dans le temple de Jérusalem, David s’écriait : Qu’il

est bon, qu’il est agréable de voir des frères vivre ensemble dans la paix ! La bénédiction de Dieu descend comme la rosée goutte à

goutte sur une telle communauté de frère. (Ps. CXXXII)


De même que la récitation du Rosaire en commun ajoute à la portée de cette prière, elle ajoute à son efficacité. C'est ne loi générale de

la nature que des forces réunies peuvent produire beaucoup plus si elles agissaient séparément. Une loi semblable n'existerait-elle pas

aussi pour les forces morales ? L'homme est fait, par nature, pour jouir de la société de ses semblables, et pour échanger des rapports

avec eux. C'est pourquoi il tend, par un certain besoin de sa nature, à s'unir à d'autres. Dans cette union seulement se déploient ses forces,

qui perdent au contraire dans l'isolement et la solitude. Cela est vrai aussi, à part les exceptions, pour la vie de la vertu. Les vocations

à la vie d'ermite sont rares et tout à fait extraordinaires. C'est pourquoi il est dit dans le livre des Proverbes (IV, 9) : Il vaut mieux que

deux soient ensemble que d'être seuls, car ils ont un avantage à être unis. Si l'un tombe, l'autre le relève. Malheur à celui qui est seul !

S'il tombe, il n'a personne qui le relève. Par suite, même dans la prière, l'union avec d'autres, l'association, est jusqu'à un certain point

un besoin pour l'homme. Et quand plusieurs se réunissent en réalité pour prier ensemble, il n'est pas possible que leur prière faite en

commun n'ait pas beaucoup plus de force que chacun en particulier. (S. Thom., 2, 2, q. 83, a. 7, ad. 3) Est-ce que si plusieurs crient ensemble,

leurs cris ne pénétreront pas plus facilement

jusqu'au ciel que les cris isolés ? Une seule voix

chantant en solo, quelque forte quelle soit, ne se

fera jamais entendre à une aussi grande distance

qu'une multitude de voix formant un chœur. On ne

trouvera pas cette comparaison trop profane si on

se rap^pelle que l'Écriture Sainte elle-même parle

d'une prière qui pénètre les nues. (Eccl. XXV, 21)

Mais à quoi bon chercher des raisons pour prouver

la plus grande efficacité de la prière en commun,

lorsque les faits eux-mêmes la confirment ? Quand

saint Pierre fut délivré miraculeusement de sa

prison, ne fut-ce pas là l'effet de la prière commune

et pénétrante de la communauté, si récente encore,

des chrétiens ? Saint Paul n'attribue-t-il pas aussi

à la prière d'un grand nombre, à l'intercession de

toute la communauté (2Cor., I, 10), la protection qui

l'a sauvé des nombreux périls dont sa vie même

était fréquemment menacée dans ses courses

apostoliques ? Mais si saint Paul a été sauvé des

périls par les prières de la multitude, dit saint

Jean Chrysostome sur ce passage (De prophetiarum

obscuritate, hom. II, num. 4), n'est-il pas juste et

convenable que nous nous promettions aussi de

grands avantages de ce même moyen ? Si nous

sommes faibles quand nous sommes seuls, nous

serons forts en nous réunissant à d'autres, et en

priant Dieu en commun avec eux. C'est ainsi que

parfois un roi, qui a condamné un coupable à mort,

refusera d'accorder sa grâce à quelqu'un qui lui en

fera la demande, tandis qu'il la laissera facilement

fléchir si toute si toute la ville le supplie de le faire.

A cause de la multitude des suppliants, il accordera au condamné la remise de sa peine, et il lui sauvera la vie, lors même qu'il serait

déjà sur le lieu de l'exécution. Il est bon de se rappeler ces faits dans un temps où tout se courbe devant ce qu'on appelle l'opinion

publique, où l'on efforce si souvent d'obtenir, par des pétitions en masses et par des adresses, ce que l'on n'obtiendrait pas par des

voies pacifiques et légales. On sait la pression qu'exerce une telle solidarité sur les puissants du jour, en haut comme en bas de

l'échelle. La saint à qui nous empruntons cette comparaison ne fait pas de difficulté de reconnaître une pression semblable sur Dieu

lui-même, comme s'il avait honte en quelque sorte de refuser une prière, lorsqu'il voit devant lui toute une multitude qui lui demande

unanimement la même grâce. (S. Joan Chrys., In Epist. II, ad Cor. 1. c) Telle est, continue saint Chrysostome, la puissance de la prière faîte en

commun ! C'est à cause de cela que nous nous réunissons et que nous venons ensemble dans l'église, afin d'attendrir plus facilement

le cœur de Dieu en donnant plus de puissance à notre prière, car si, comme nous le disions toute à l'heure, nous sommes faibles tant

que nous prions isolément, aussitôt que nous nous réunissons dans la charité, nous faisons à Dieu une telle violence qu'il nous accorde

nos demandes. Je dis cela pour que vous vous empressiez toujours de venir à ces prières communes, qui, précisément pour ce motif,

portent le nom de collectes, et vous ne nous disiez pas peut-être : Est-ce que je ne puis pas aussi bien prier chez moi ? Sans doute,

vous pouvez bien prier chez vous, mais votre prière n'y a pas autant de force que lorsque vous vous joignez aux autres membres qui

forment avec vous un seul tout, et qu'ainsi tout le corps de l'Église prie en même temps d'un seul cœur et d'une seule voix.


Conclusion

Le Rosaire quotidien a tant d’ennemis que je regarde comme une des

plus signalées faveurs de Dieu que la grâce d’y persévérer jusqu’à

la mort.

Saint Louis Marie Grignion de Montfort

Le Secret Admirable du Très Saint Rosaire pour se convertir et se sauver

1-8

148.

Pour vous prémunir contre les attaques, non pas tant des hérétiques et des libertins déclarés que des honnêtes gens selon

le monde, et des personnes même dévotes à qui cette pratique ne revient pas, je veux vous rapporter ici simplement

une petite partie de ce qu'ils pensent et disent tous les jours. Quid vult seminiverbius ille ? Venite, opprimamus eum,

contrarius est enim, etc.: Que veut dire ce grand diseur de chapelets et de Rosaires, qu'est-ce qu'il marmotte toujours ?

quelle fainéantise ! il ne fait rien autre chose que chapeleter, il ferait bien mieux de travailler, sans s'amuser à tant de bigoteries. Vraiment

oui !.... Il ne faut que dire son Rosaire, et les alouettes toutes rôties tomberont du ciel ; le Rosaire nous apportera bien de quoi dîner. Le bon Dieu dit:

Aide-toi, je t'aiderai. Pourquoi aller s'embarrasser de tant de prières ? Brevis oratio penetrat coelos; un Pater et un Ave bien dits

suffisent. Le bon Dieu ne nous a point commandé le chapelet ni le Rosaire; cela est bon, c'est une bonne chose quand on a le temps,

mais on n'en sera pas moins sauvé pour cela. Combien de saints qui ne l'ont jamais dit ?

Il y a des gens qui jugent tout le monde à leur aune, il y a des indiscrets qui portent tout à l’extrémité, il y a des scrupuleux

qui mettent du péché où il n’y en a point, ils disent que tous ceux qui ne diront pas leur Rosaire seront damnés. Dire son

chapelet, cela est bon pour les femmelettes, ignorantes, qui ne savent pas lire. Dire son Rosaire ? Vaut-il pas mieux dire

l’Office de la sainte Vierge ou réciter les sept psaumes ? Y a-t-il rien de si beau que ces psaumes que le Saint-Esprit a dictés ?

Vous entreprenez de dire votre Rosaire tous les jours; feu de paille que tout cela, cela ne durera pas longtemps; ne vaut-il pas mieux

en prendre moins et y être plus fidèle ? Allez, mon cher ami, croyez-moi, faites bien votre prière soir et matin et travaillez pour Dieu

pendant la journée, Dieu ne vous demande pas davantage. Si vous n’aviez pas, comme vous avez, votre vie à gagner, encore passe,

vous pourriez vous engager à dire votre Rosaire; vous pouvez le dire les dimanches

et fêtes à votre loisir, mais non pas les jours ouvriers, il vous faut travailler.

Quoi! avoir un si grand chapelet de bonne femme ! J’en ai vu d’une dizaine,

il vaut autant qu’un de quinze dizaines. Quoi ! porter le chapelet à la ceinture,

quelle bigoterie ; je vous conseille de le mettre à votre cou, comme

font les Espagnols ; ce sont de grands diseurs de chapelets, ils portent

un grand chapelet d’une main, tandis qu’ils ont dans l’autre une dague pour donner

un coup de traître. Laissez là, laissez là ces dévotions extérieures, la vraie dévotion

est dans le cœur, etc.

150.

Enfin, mon cher frère, le Rosaire quotidien a tant d’ennemis que je regarde

comme une des plus signalées faveurs de Dieu que la grâce d’y persévérer

jusqu’à la mort. Persévérez-y et vous aurez la couronne admirable qui est

préparée dans les cieux à votre fidélité: Esto fidelis usque ad mortem et dabo tibi

coronam (Ap 2,10).



Grands Chapitres

2-o.

Introduction

2-1. De l’incarnation

2-2. De l’eau

2-3. Du Baptême

2-4. De la prière

2-5. De la grâce

2-6. De la Croix

2-7. Du combat chrétien

2-8. Des Vertus

2-9. De la pénitence

2-10. Du martyre

2-11. De la souffrance

2-12. De la mort

2-13. De la résurrection

2-14. Du sacrifice

2-15. Du divin amour

2-16. De l’imitation

2-17. Des Anges

2-18. Les quatre Créations du Saint-Esprit

2-19. Dieu

2-20. De l’Âme

2-21. Les derniers temps


Eléments

de

notre

religion

2.


Avant qu’Abraham fût, je suis

2-0

Introduction

Abbé Lhomond

Histoire abrégée de la religion avant la

venue de Jésus-Christ – Paris 1791

Tout ce qui est arrivé à l’ancien peuple de Dieu, se rapportait à Jésus-Christ et

à l’établissement de son règne. Placé entre les deux peuples, Jésus-Christ fait

l’union de l’un et de l’autre, puisque, attendu ou donné, il a été dans tous les

temps l’espérance et la consolation des enfants de Dieu. La foi en Jésus-Christ, avant

et après sa venue, a été, il est, et il sera toujours l’unique source de la sainteté ; en

sorte qu’il n’y a jamais eu, et qu’il n’y aura jamais de salut éternel que par la foi en

Jésus-Christ. Le Juif, pour être justifié, devait croire en Jésus-Christ promis, comme

le chrétien doit croire en Jésus-Christ venu. La religion des Juifs et celle des chrétiens

sont donc une seule et même religion pour le fond. Toute la différence consiste en ce

que le Juif était, dans l’ordre de la religion, un enfant qui ne connaissait que les

éléments, à qui l’on n’enseignait que les premiers principes, à cause de la faiblesse

de son âge ; au lieu que le chrétien est un homme fait qui en pénètre la substance, qui

en possède la connaissance pleine et parfaite. Les mystères n’étaient montrés à

l’ancien peuple, qu’en figures et sous des images : ainsi, la Trinité avait commencé

à se déclarer par cette parole de la Genèse : Faisons l’homme, où Dieu parle luimême,

où Dieu parle à quelqu’un qui fait comme lui, qui est un autre lui-même. Elle

s’était montrée à Abraham sous la figure de trois anges, que l’Écriture appelle le

grand nom de Dieu, et à qui se patriarche, quoiqu’il en vît trois, parle néanmoins

comme à un seul, et qu’il adore en nombre singulier. Le mystère de l’incarnation

avait été marqué aux patriarches, dans les différentes apparitions de Dieu, sous la

forme humaine, dans lesquelles le Fils de Dieu préludait, pour ainsi dire, à son

incarnation future, préparait dès lors ce grand mystère, et en faisait voir comme un

essai. Ce même mystère fut annoncé ensuite avec quelque obscurité. Celui de la

rédemption fut montré à Abraham dans le sacrifice d’Isaac, qui était une figure du

Fils de Dieu, livré par son Père et immolé pour nous. Ce mystère était indiqué par les

différents sacrifices de l’ancienne loi, qui n’étaient que des représentations du

sacrifice unique de la nouvelle loi : mais tous ces mystères ont été révélés avec une

entière évidence par Jésus-Christ à qui il était réservé de lever le voile qui les couvrait

avant sa venue. En instituant le baptême, Jésus-Christ nous a appris que le vrai Dieu,

un et indivisible par son essence, est néanmoins Père, Fils et Saint-Esprit. Nous

trouvons dans le Nouveau Testament l’explication des mystères qui étaient

enveloppés et comme scellés dans l’ancien. Nous entendons le secret de cette parole

: Faisons l’homme à notre image ; et la Trinité, marquée dans la création de l’homme,

est expressément déclarée dans sa régénération. Nous y apprenons ce que c’est que

cette sagesse conçue, selon Salomon, avant tous les siècles, dans le sein de Dieu.

Nous savons qui est celui que David a vu engendré avant l’aurore. L’on nous y

enseigne que c’est le Verbe de Dieu, le Fils unique, qu’il engendre éternellement en

se contemplant lui-même, la splendeur de sa gloire et l’image parfaite de sa substance.

Avec le Père et le Fils, nous connaissons le Saint-Esprit, qui est l’amour de l’un et de

l’autre. C’est cet esprit qui fait les prophètes, et qui est en eux pour leur découvrir les

conseils de Dieu et les secrets de l’avenir ; Esprit dont il est écrit, le Seigneur m’a

envoyé son Esprit ; qui est distingué du Seigneur, et qui est aussi le Seigneur même,

puisqu’il envoie les prophètes, et qu’il leur découvre les choses futures. Cet Esprit

est uni au Père et au Fils ; il intervient avec eux dans la consécration du nouvel

homme. Ainsi, le Père, le fils et le Saint-Esprit, un seul Dieu en trois personnes,

montré plus obscurément aux patriarches, est clairement révélé dans la nouvelle

alliance. C’était encore à Jésus-Christ à nous découvrir les mystères de l’incarnation

et de la rédemption : c’était à lui à nous faire entendre pourquoi le Messie promis

comme un homme qui devait sauver les autres hommes, était en même temps montré

comme Dieu de la même manière que le créateur nous est désigné. C’est ce qu’il a

fait en nous enseignant que, quoique fils d’Abraham, il était cependant avant

qu’Abraham fût fait ; qu’il est descendu du Ciel, et toutefois qu’il est au Ciel, qu’il

est Dieu, Fils de Dieu, et tout ensemble Fils de l’homme, le vrai Emmanuel, Dieu

avec nous ; en un mot, le Verbe fait chair, unissant en sa personne la nature humaine

avec la nature divine, afin de réconcilier toutes choses en lui-même. S’il est si tendre


Jésus-Christ nous a fait aussi connaître avec une entière clarté la dignité, l’immortalité

et la destinée éternelle dans notre âme. Nous trouvons sans doute dans les anciennes

Écritures les premières notions de ces vérités. Moïse avait dit que l’âme humaine est

faite à l’image de Dieu et de son souffle, pour nous faire entendre à qui elle tient par

son fond, afin qu’on ne la crût pas de la même nature que le corps. Salomon avait

dit que, comme le corps retourne à la terre d’où il est sorti, l’esprit retourne à Dieu

qui l’a donné. Les patriarches et les prophètes avaient vécu dans cette espérance.

Daniel avait prédit qu’il viendrait un temps où ceux qui dorment dans la poussière

s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour une éternelle confusion.

Job avait dit : « Je sais que mon rédempteur est vivant, et que je ressusciterai au dernier

jour, que je verrai dans ma chair celui qui est mon sauveur. » Mais les merveilles

de la vie future ne furent point alors universellement développées. C’était aux jours

du Messie que cette grande lumière devait paraître à découvert. C’est pourquoi, non

content de nous avoir dit qu’une vie éternelle et heureuse est réservée aux enfants

de Dieu, Jésus-Christ nous a appris en quoi elle consiste : la vie bienheureuse, c’est

d’être avec lui dans la gloire de son Père ; la vie bienheureuse est que Jésus-Christ

soit en nous comme dans ses membres, et que l’amour éternel du Père pour son Fils

s’étendant sur nous, il nous comble des même dons, et nous fasse régner avec lui. La

vie bienheureuse, en un mot, est de connaître le seul vrai Dieu et Jésus-Christ qu’il a

envoyé ; mais le connaître de cette vue claire, de cette vue qui réforme en nous et y

achève l’image de Dieu, selon ce que dit saint Jean, que nous serons semblables à lui,

parce que nous le verrons tel qu’il est. Cette vue sera suivie d’un amour immense,

d’une joie ineffable et d’un triomphe sans fin. Avec de si nouvelles récompenses, il

fallait que Jésus-Christ proposât aussi de nouvelles idées de vertu, des pratiques plus

parfaites et plus épurées. La fin de la religion, l’âme des vertus et l’abrégé de la loi,

c’est la charité. On reconnaissait déjà dans l’ancienne loi l’obligation d’aimer Dieu.

Moïse avait dit expressément : « Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre

cœur, de toute votre âme, de toutes vos forces. » Mais il n’avait pas exposé tous les

motifs de cet amour ; il n’en avait pas montré toute l’étendue. La perfection et les

effets de cette vertu n’étaient pas entièrement connus. Jésus-Christ, pour établir le

règne de la charité, et pour nous en découvrir tous les devoirs, nous propose l’amour

de Dieu jusqu’à nous haïr nous-mêmes, et persécuter sans relâche le principe de

corruption que nous avons dans le cœur. Il nous propose la soumission aux ordres

de Dieu, jusqu’à nous réjouir des souffrances qu’il nous envoie : il nous propose

l’humilité, jusqu’à aimer les opprobres, pour la gloire de Dieu. Sur ce fondement de

la charité, il perfectionne tous les états de la vie humaine : c’est par là que le mariage

est réduit à sa forme primitive : l’amour conjugal n’est plus partagé, comme dans

la loi de Moïse. Une si sainte société n’a plus d’autre terme que la vie. Le célibat

est montré comme la vie des anges, uniquement occupée de Dieu et des chastes

délices de son amour. Les supérieurs qu’ils sont les serviteurs des autres, et dévoués

à leur bonheur. Les inférieurs reconnaissent l’ordre de Dieu dans les puissances

légitimes, lors même qu’elles abusent de leur autorité. Cette pensée adoucit les

peines de la sujétion, et sous des maîtres fâcheux l’obéissance n’est plus fâcheuse

au vrai chrétien. A ces préceptes, Jésus-Christ joint des conseils de la perfection la

plus éminente : renoncer à tout plaisir, vivre dans le corps comme si l’on était sans

corps, quitter tout, donner tout aux pauvres, pour ne posséder que Dieu seul ; vivre

de peu, et attendre ce peu de la Providence divine. L’on voit maintenant la différence

qui se trouve entre la religion de l’ancien peuple et celle du nouveau. Elle consiste

uniquement en ce que la première a reçu de Jésus-Christ son entière perfection. Par

des leçons si sublime, Jésus-Christ a consommé l’œuvre de Dieu, commencée sous

les patriarches et dans la loi de Moïse. Alors Dieu voulait se faire connaître par des

expériences sensibles ; il se montrait magnifique en promesses temporelles ; bon en

comblant ses enfants des biens qui flattent les sens ; puissant en les délivrant de leurs

ennemis ; fidèle en les amenant dans la terre promise de leurs pères : juste par les

récompenses et les châtiments qu’il leur envoyait manifestement selon leurs œuvres.

Toutes ces merveilles préparaient les esprits à recevoir les vérités que Jésus-Christ

devait enseigner, et les disposait à croire aux biens spirituels qu’il devait promettre,

aux récompenses et aux châtiments de la vie future qu’il devait proposer aux hommes

Si Dieu est si bon qu’il nous accorde ce que demande nos sens, combien plus nous

accordera t-il ce que demande notre esprit fait à son image !


et si bienfaisant envers ses enfants, renfermera-t-il son amour et sa libéralité dans ce

peu d’années qui compose notre vie ? Ne donnera-t-il à ceux qu’il aime qu’une

ombre de félicité ? N’y aura-t-il pas un autre séjour, où il répande avec abondance les

biens véritables ? Il en aura sans doute, et Jésus-Christ vient nous le montrer. Il nous

ouvre le Ciel, pour y découvrir à notre foi cette cité permanente, où nous devons

entrer après cette vie. C’est ainsi que les vérités de la vie future nous sont développées

par Jésus-Christ. Il nous les montre même dans la loi, qui les marquait en figures. La

véritable terre promise, c’est le royaume céleste. L’Égypte d’où il faut sortir, le désert

qu’il faut traverser, c’est le monde où nous assujettis au péché. Il faut secouer ce joug

pour arriver à notre patrie et pour trouver dans Jérusalem la véritable liberté, un

repos délicieux. Par cette doctrine de Jésus-Christ, le secret de Dieu est dévoilé ; la

loi est toute spirituelle ; ses promesses nous introduisent à celles de l’Évangile, et

elles y servent de fondement. Une même lumière paraît partout dès l’origine du

monde ; elle se lève sous les patriarches ; elle s’accroît sous Moïse et sous les

prophètes. Jésus-Christ, plus grand que les patriarches, plus autorisé que Moïse, et

plus éclairé que les prophètes, l’a fait briller à nos yeux dans sa plénitude. L’ancien

et le nouveau Testament ont tous deux le même dessein et la même suite : l’un

prépare la voie à la perfection que l’autre montre à découvert ; en un mot, l’un prédit

ce que l’autre fait voir accompli. Ainsi tous les temps sont unis ; la tradition du

peuple juif et celle du peuple chrétien ne font ensemble qu’une même suite de religion

; et les Écritures des deux Testaments ne font aussi qu’un même corps et un même

livre. Notre foi est donc la foi des prophètes : les dogmes qui en sont l’objet, non

seulement ont été figurés par les anciennes Écritures, mais encore ces Écritures

contiennent des preuves très-expresses. C’est donc ne pas connaître le christianisme,

que de le regarder comme une religion nouvelle. La religion que nous professons a

toujours subsisté, puisque dès la naissance du monde, l’attente de Jésus-Christ en a

toujours été l’âme ; puisque dans son premier état, tout y représentait Jésus-Christ et

son œuvre ; puisque Jésus-Christ était la fin de la loi, la vérité des figures, le corps

des ombres ; en un mot, puisque l’ancien testament n’est que la prédiction du nouveau,

et le nouveau l’accomplissement de l’ancien. Les patriarches et les anciens justes

n’avaient donc point une autre religion que la nôtre, puisqu’ils s’appuyaient sur les

mêmes promesses, puisqu’ils soupiraient après la venue du même Sauveur que nous

avons reçu. C’étaient des hommes évangéliques avant l’Évangile, des chrétiens en

esprit avant qu’ils en portassent le nom. « Tous les justes de l’ancienne loi, dit saint

Augustin, étaient membres de l’Église de Jésus-Christ, quoiqu’ils aient vécu avant

que Jésus-Christ notre Seigneur naquît selon la chair : car le Fils unique de Dieu, par

qui toutes choses ont été faites, s’est fait homme pour nous, afin d’être chef de toute

l’Église, comme d’un seul corps : mais de même qu’à la naissance des hommes,

quelque fois une main sort la première avant le reste du corps, auquel elle est unie

sous la dépendance de la tête, de même aussi tous les saints qui ont vécu sur la terre

avant la naissance temporelle de notre Seigneur Jésus-Christ quoique nés avant lui,

ont été unis sous ce chef adorable au corps entier dont il est le chef. Ceux d’entre les

Juifs qui reconnurent Jésus-Christ pour le messie ne changèrent pas de religion en

devenant chrétiens : ils ne firent que croire à la venue de celui qu’ils attendaient, et

dont la promesse avait été jusque là l’objet de leur foi. Ce furent, au contraire, ceux

qui le méconnurent, qui changèrent alors véritablement de religion, puisqu’ils

renoncèrent à la loi de Moïse, qui ordonnait de le recevoir et de l’écouter ; aux

oracles des prophètes qui l’avaient clairement désigné ; en un mot, à l’ancienne

espérance d’Israël. La foi en Jésus-Christ a donc été la religion de tous les siècles.

« Quoique les temps aient changé, dit saint Augustin (liv.I des Retract., chap.XIII.)

quoiqu’on ait annoncé autrefois comme futur mystère de la rédemption, qui est

maintenant annoncé comme accompli, la foi n’a pas changé pour cela : ainsi,

quoiqu’avant la venue de Jésus-Christ, la vraie religion ait été pratiquée sous d’autres

noms et par d’autres signes que depuis sa venue ; quoiqu’elle ait été alors proposée

d’une manière plus voilée, et qu’elle soit maintenant prêchée avec plus de clarté, il

n’y a cependant jamais eu qu’une seule religion, qui a toujours été la même. Celles

que l’on appelle aujourd’hui la religion chrétienne, était chez les anciens, et n’a

jamais cessé de subsister dans le monde, depuis le commencement du genre humain,

jusqu’à l’incarnation de Jésus-Christ, qui est le temps où la vraie religion, déjà

ancienne, a commencé à porter le nom de chrétienne. » Combien une si haute antiquité


ne rend-elle pas de la religion vénérable ! Quel témoignage n’est-ce pas de la divinité

de son origine, de la voir commencer avec le monde ! Mais si, à cet égard, elle mérite

tout notre respect, la perpétuité de cette religion, c’est à dire, sa suite continuée sans

interruption durant tant de siècles, malgré tant d’obstacles survenus, fait voir

manifestement que la main de Dieu la soutient. Qu’à cette première suite de la

religion avant Jésus-Christ l’on joigne une autre suite, qui n’est en effet que la

continuation de celle-là, c’est à dire, la suite de l’Église chrétienne, quelle autorité ne

donne pas à la religion une durée qui embrasse toute l’étendue des siècles ! Peut-on

ne pas voir un dessein toujours soutenu et toujours suivi, un même ordre de conseils

de Dieu, qui prépare dès le commencement du monde ce qu’il achève à la fin des

temps, et qui, sous divers états, mais avec une succession toujours constante, perpétue

aux yeux de l’univers la sainte société où il peut être servi ? Certainement une religion

qui remonte jusqu’au premier homme, et qui a traversé sans altération l’espace

immense des siècles, ne peut avoir pour auteur et pour appui, que celui qui a créé

l’univers, et qui, tenant tout dans sa main, a pu seul commencer et conduire un

dessein où tous les temps sont compris.

Quelle vive lumière, quel caractères de divinité brillent de toutes parts dans la

religion chrétienne ! Qu’elle est solidement établie ! Quelle est inébranlable, cette

religion sainte que nous avons le bonheur de connaître et de professer ! Tout ce qui a

précédé la venue de son divin auteur, ce qui l’a accompagnée, ce qui l’a suivie, tout

concourt à en attester la vérité, à en démontrer la certitude. Promis dès les premiers

jours du monde, Jésus-Christ a été attendu par tout un peuple, montré de loin dans

tous les âges, annoncé pendant 4000 ans par une longue suite de prophètes. Les

patriarches sont morts en désirant le voir, tous les justes ont vécu dans cette attente ;

les grands personnages de l’histoire sainte ont été comme les ébauches du Sauveur.

Melchisédech a représenté son sacerdoce ; Isaac, son sacrifice ; Moïse son office

de médiateur ; Josué, son entré triomphante dans la terre des vivants, à la tête d’un

peuple choisi ; David, les persécutions qu’il a essuyées ; Salomon, la gloire de son

règne. L’histoire de Jésus-Christ se trouve écrite d’avance dans un livre ouvert à tous

les yeux, le plus ancien livre du monde ; livre également révéré par deux peuples

ennemis, entre lesquels on ne peut soupçonner de collusion. Prenez et lisez ; vous

serez forcé de croire, pour me servir de l’expression d’un des premiers apologistes

de la religion ; (Qui studuerint intellegere cogentur et credere. Tertull. Apolog.)

La Bible sera jamais l’écueil inévitable, où viendront se briser tous les efforts de

l’incrédulité. Non, il n’est pas possible que Dieu ait laissé prendre à l’erreur tous les

caractères de la vérité. Si ce que nous croyons d’après tant de preuves, d’après des

preuves convaincantes, était une erreur, nous pourrions dire à juste titre que c’est

Dieu lui-même qui nous a trompés. Domine, si error est, à te decepti sumus.


Grâce à cette union, dans une même personne, de l’Être divin et de l’être humain, du fini et de l’infini,

Dieu sera homme, et l’homme sera Dieu.

Mgr Gaume – Traité du Saint-Esprit


De

l’

Incarnation

2-1-1 L’Incarnation de Jésus contenue dans le nom Dieu -

Paul Drach

2-1-2 Le règne de Dieu par le Verbe - Mgr Gaume

2-1-3 L’Incarnation du Verbe et les Anges - Mgr Gaume

2-1-4 Diviniser la nature humaine - Mgr Gaume

2-1-5 L’Incarnation c’est tout le christianisme - Mgr Gaume

2-1-6 Adam eut la foi explicite du mystrère de l’Incarnation -

Mgr Gaume

2.1


2-1-1

L’Incarnation de Jésus

contenue dans le nom

Dieu « Jéhova »

Paul Drach

Bibliothécaire honoraire de la Sainte

Congrégation de la Propagande

Chevalier de Saint Grégoire, de Saint-

Sylvestre et de Saint Louis

De l’harmonie entre l’Église

et la Synagogue

Paris 1844

L

es trois lettres qui entrent dans le nom hébreu Jéhova désignent, dans le système

cabalistique, les trois personnes de la très-sainte Trinité, selon l’ordre

de procession. Le he ה qui vient après le ‏,יyod point primitif, parce qu’il en

est engendré, revient une seconde fois après la troisième lettre le vav ‏,ו pour désigner

sa sainte humanité qui est un effet de l’opération du Saint-Esprit figuré par le vav.

La valeur numérique de ה est cinq. Les י,ה,ו,‏lettres dont se compose le nom ineffable

de Dieu, ‏,הוהי Jéhova, ont toujours été regardées dans la synagogue comme

désignant la très-sainte Trinité ; savoir : la première, ‏,י est le point origine, le point

générateur, dans lequel rentrent ses émanations pour, le tout, ne former ensemble

qu’un seul point ; la seconde lettre, ‏,ה désigne le Verbe éternel. Les cabalistes appellent

souvent celui-ci la Mère, parce que avec le Père, et moyennant la puissance

génératrice que celle-ci lui communique, il produit une troisième Vertu divine, sans

que le point , qui les renferme tous les trois, cesse d’être un point unique et parfait ;

la troisième lettre, ‏,ו désigne, selon la signification de son nom et son usage dans la

langue comme particule copulative, l’émanation de Dieu, qui est l’accord, la concorde,

le lien d’amour.

La seconde lettre seule se répète, et se répète après la troisième lettre, pour signifier

sa seconde nature, nature humaine associée à la nature divine, qui a valu le beau titre

de Mère de Dieu à la plus pure des vierges, que les anges de la face de Dieu s’honorent

d’avoir pour reine.

On voit que ces lettres du nom ineffable sont disposées selon l’ordre de procession

de la deuxième et de la troisième Personne et de l’incarnation du Verbe.


Le règne de Dieu par le

Verbe

2-1-2

Décrété de toute éternité, le dogme de l’Incarnation du Verbe fut, à son

heure, proposé à l’adoration des anges. Les uns acceptèrent humblement

la supériorité qu’Il créait en faveur de l’homme ; les autres, révoltés de la

préférence donnée à la nature humaine, protestèrent contre le divin conseil. Telle

est la pensée d’un grand nombre de docteurs illustres. A tous égards, elle mérite

l’attention du théologien et du philosophe. Le premier y trouve la solution des plus

hautes questions de la science divine. Au second, elle explique et elle explique

seule le caractère intime de la lutte éternelle du bien et du mal. Trois propositions

incontestables nous semblent, d’ailleurs, en démontrer la justesse. Le mystère de

l’Incarnation fut l’épreuve des anges : si 1°, ils ont eu

connaissance de c e mystère ; si 2°, ce mystère était de

nature à blesser leur orgueil et à exciter leur jalousie ;

si 3°, le Verbe Incarné est l’unique objet de la haine de

Satan et de ses anges.

Écoutons les docteurs établissant cette triple vérité. Dès

le commencement de leur existence, dit saint Thomas,

tous les anges connurent de quelque manière le mystère

du règne de Dieu accompli par le Christ, mais surtout à

partir du moment où ils furent béatifiés par la vision du

Verbe : vision que n’eurent jamais des démons, car elle

fut la récompense de la foi des bons anges. »

Que tous les anges, sans exception, aient eu dès le premier

instant de leur création une certaine connaissance du

Verbe éternel, la raison s’élève jusqu’à le comprendre. Le

Verbe est le soleil de vérité qui éclaire toute intelligence

sortant de la nuit du néant : il n’y en a pas d’autre.

Miroirs d’une rare perfection, les anges ne purent pas

ne point réfléchir quelques rayons de ce divin soleil,

dont ils étaient les images les plus parfaites. Mais, bien

qu’ils eussent la conscience d’eux-mêmes et des vérités

dont ils étaient en possession, ces rayons étaient encore

voilés, et ils devaient l’être.

Créés dans l’état de grâce, les anges ne jouirent pas,

dès l’origine, de la vision béatifique. Ils ne connurent

donc qu’imparfaitement le règne de Dieu par le Verbe.

Que ce Verbe adorable, par qui tout a été fait, serait le

trait d’union entre le fini et l’infini, entre le Créateur

et la création tout entière, et qu’ainsi Il établirait

glorieusement le règne de Dieu sur l’universalité de ses

œuvres : telles furent les connaissances rudimentaires

des esprits angéliques. C’était en germe le mystère de

l’Incarnation ou de l’union hypostatique du Verbe avec

la créature, mais rien de plus.

Expliquant les paroles du maître Les anges, dit un savant

disciple de saint Thomas, ont une double connaissance du

Verbe, une connaissance naturelle, et une connaissance

Mgr Jean-Joseph Gaume

Docteur en théologie

Protonaire apostolique

Chevalier de l’ordre de Saint-Sylvestre

Traité du Saint-Esprit - T1

Paris 1865


surnaturelle.

« Une connaissance naturelle, par laquelle ils connaissent le Verbe dans Son image,

resplendissant dans leur propre nature. Cette première connaissance, éclairée de

la lumière de la grâce et rapportée à la gloire de Dieu et du Verbe, constituait la

béatitude naturelle dans laquelle ils furent créés. Toutefois, ils n’étaient pas encore

parfaitement heureux, puisqu’ils étaient capables d’une plus grande perfection, et

qu’ils pouvaient la perdre, ce qui, en effet, eut lieu pour un grand nombre.

« Une connaissance surnaturelle ou gratuite, en vertu de laquelle les anges connaissent

le Verbe par essence et non par image. Celle-là ne leur fut pas donnée au premier

instant de leur création, mais au second, après une libre élection de leur part. »

Prêtons maintenant l’oreille à Suarez, par la bouche de qui, dit Bossuet, parle toute

l’école : « Il faut tenir pour extrêmement probable le sentiment qui croit que le péché

d’orgueil commis par Lucifer a été le désir de l’union hypostatique : ce qui l’a rendu

dès le principe l’ennemi mortel de Jésus-Christ. J’ai dit que cette opinion est très

vraisemblable, et je continue de le dire. Nous avons montré que tous les anges, dans

l’état d’épreuve, avaient eu révélation du mystère de l’union hypostatique qui devait

s’accomplir dans la nature humaine. Il est donc infiniment croyable que Lucifer aura

trouvé là l’occasion de son péché et de sa chute. »

Une des gloires théologiques du concile de Trente, Catharin, soutient hautement la

même opinion. Avec d’autres commentateurs, il explique ainsi le texte de saint Paul

: Et lorsqu’il l’introduisit de nouveau dans le monde, il dit : Que tous ses anges

l’adorent (Hebr. I, 6) : « Pourquoi ce mot de nouveau, une seconde fois ? Parce

que le Père éternel avait déjà introduit une première fois Son Fils dans le monde,

lorsque, dès le commencement, Il Le proposa à l’adoration des anges et leur révéla le

mystère de l’Incarnation. Il L’introduisit une seconde fois, lorsqu’Il L’envoya sur la

terre pour S’incarner effectivement. Or, à cette première introduction ou révélation,

Lucifer et ses anges refusèrent à Jésus-Christ leur adoration et leur obéissance. Tel

fut leur péché.

« En effet, suivant la doctrine commune des Pères, le démon a péché par envie contre

l’homme ; et il est plus probable qu’il a péché avant que l’homme fût créé. Or, il ne

faut pas croire que les anges aient porté envie à la perfection naturelle de l’homme,

en tant que créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Dans cette supposition,

chaque ange aurait eu la même raison, et même une plus forte, de jalouser les autres

anges. Il est donc plus vraisemblable que le démon a péché par l’envie de la dignité

à laquelle il a vu la nature humaine élevée dans le mystère de l’Incarnation. »


L’Incarnation du Verbe

et les anges

2-1-3

Décrété de toute éternité, le dogme de l’Incarnation du Verbe fut, à son

heure, proposé à l’adoration des anges. Les uns acceptèrent humblement

la supériorité qu’Il créait en faveur de l’homme ; les autres, révoltés de la

préférence donnée à la nature humaine, protestèrent contre le divin conseil. Telle

est la pensée d’un grand nombre de docteurs illustres. A tous égards, elle mérite

l’attention du théologien et du philosophe. Le premier y trouve la solution des plus

hautes questions de la science divine. Au second, elle explique et elle explique

seule le caractère intime de la lutte éternelle du bien et du mal. Trois propositions

incontestables nous semblent, d’ailleurs, en démontrer la justesse. Le mystère de

l’Incarnation fut l’épreuve des anges : si 1°, ils ont eu connaissance de c e mystère ;

si 2°, ce mystère était de nature à blesser leur orgueil et à exciter leur jalousie ; si 3°,

le Verbe Incarné es t l’unique objet de la haine de Satan et de ses anges.

Écoutons les docteurs établissant cette triple vérité. Dès le commencement de leur

existence, dit saint Thomas, tous les anges connurent de quelque manière le mystère

du règne de Dieu accompli par le Christ, mais surtout à partir du moment où ils

furent béatifiés par la vision du Verbe : vision que n’eurent jamais des démons, car

elle fut la récompense de la foi des bons anges. »

Que tous les anges, sans exception, aient eu dès le premier instant de leur création

une certaine connaissance du Verbe éternel, la raison s’élève jusqu’à le comprendre.

Le Verbe est le soleil de vérité qui éclaire toute intelligence sortant de la nuit du

néant : il n’y en a pas d’autre. Miroirs d’une rare perfection, les anges ne purent pas

ne point réfléchir quelques rayons de ce divin soleil, dont ils étaient les images les

plus parfaites. Mais, bien qu’ils eussent la conscience d’eux-mêmes et des vérités

dont ils étaient en possession, ces rayons étaient encore voilés, et ils devaient l’être.

Créés dans l’état de grâce, les anges ne jouirent pas, dès l’origine, de la vision

béatifique. Ils ne connurent donc qu’imparfaitement le règne de Dieu par le Verbe. Que

ce Verbe adorable, par qui tout a été fait, serait le trait d’union entre le fini et l’infini,

entre le Créateur et la création tout entière, et qu’ainsi Il établirait glorieusement

le règne de Dieu sur l’universalité de ses oeuvres : telles furent les connaissances

rudimentaires des esprits angéliques. C’était en germe le mystère de l’Incarnation ou

de l’union hypostatique du Verbe avec la créature, mais rien de plus.

Expliquant les paroles du maître Les anges, dit un savant disciple de saint Thomas, ont

une double connaissance du Verbe, une connaissance naturelle, et une connaissance

surnaturelle.

« Une connaissance naturelle, par laquelle ils connaissent le Verbe dans Son image,

resplendissant dans leur propre nature. Cette première connaissance, éclairée de

la lumière de la grâce et rapportée à la gloire de Dieu et du Verbe, constituait la

béatitude naturelle dans laquelle ils furent créés. Toutefois, ils n’étaient pas encore

parfaitement heureux, puisqu’ils étaient capables d’une plus grande perfection, et

qu’ils pouvaient la perdre, ce qui, en effet, eut lieu pour un grand nombre.

« Une connaissance surnaturelle ou gratuite, en vertu de laquelle les anges connaissent

le Verbe par essence et non par image. Celle-là ne leur fut pas donnée au premier

instant de leur création, mais au second, après une libre élection de leur part. »

Mgr Jean-Joseph Gaume

Traité du Saint-Esprit - T1

Paris 1865


Prêtons maintenant l’oreille à Suarez, par la bouche de qui, dit Bossuet, parle toute

l’école : « Il faut tenir pour extrêmement probable le sentiment qui croit que le péché

d’orgueil commis par Lucifer a été le désir de l’union hypostatique : ce qui l’a rendu

dès le principe l’ennemi mortel de Jésus-Christ. J’ai dit que cette opinion est très

vraisemblable, et je continue de le dire. Nous avons montré que tous les anges, dans

l’état d’épreuve, avaient eu révélation du mystère de l’union hypostatique qui devait

s’accomplir dans la nature humaine. Il est donc infiniment croyable que Lucifer aura

trouvé là l’occasion de son péché et de sa chute. »

Une des gloires théologiques du concile de Trente, Catharin, soutient hautement

la même opinion. Avec d’autres commentateurs, il explique ainsi le texte de saint

Paul : Et lorsqu’il l’introduisit de nouveau

dans le monde, il dit : Que tous ses anges

l’adorent (Hebr. I, 6) : « Pourquoi ce mot

de nouveau, une seconde fois ? Parce que

le Père éternel avait déjà introduit une

première fois Son Fils dans le monde,

lorsque, dès le commencement, Il Le

proposa à l’adoration des anges et leur

révéla le mystère de l’Incarnation. Il

L’introduisit une seconde fois, lorsqu’Il

L’envoya sur la terre pour S’incarner

effectivement. Or, à cette première

introduction ou révélation, Lucifer et

ses anges refusèrent à Jésus-Christ leur

adoration et leur obéissance. Tel fut leur

péché.

« En effet, suivant la doctrine commune

des Pères, le démon a péché par envie

contre l’homme ; et il est plus probable

qu’il a péché avant que l’homme fût créé.

Or, il ne faut pas croire que les anges

aient porté envie à la perfection naturelle

de l’homme, en tant que créé à l’image

et à la ressemblance de Dieu. Dans cette

supposition, chaque ange aurait eu la

même raison, et même une plus forte, de

jalouser les autres anges. Il est donc plus

vraisemblable que le démon a péché par

l’envie de la dignité à laquelle il a vu la

nature humaine élevée dans le mystère de

l’Incarnation. »


Diviniser la nature

humaine, et, en la

divinisant, l’élever

au-dessus des anges

2-1-4

Un autre membre du concile de Trente, le très savant évêque de Foggia, Naclantus,

s’exprime ainsi : « Dès le principe, Lucifer et Adam lui-même connurent le Christ,

au moins par la lumière de la foi ou d’une révélation particulière, comme le Créateur,

le Seigneur et l’océan de tous les biens. Mais, égarés par leur propre faute, ils

détournèrent les yeux de la lumière, et, comme s’ils ne L’avaient pas connu pour

le Seigneur et pour l’auteur de toute grâce et de toute félicité, ils refusèrent de se

soumettre à Lui. Ils Le méprisèrent même de la manière la plus impie ; c’est ce que

l’Écriture appelle ne pas Le connaître. Quant à Lucifer, la chose est évidente. Non

seulement il prétendit s’élever par lui-même jusque dans le ciel, mais encore tuer le

Christ, envahir Son trône et marcher Son égal. »

Afin d’établir que la haine du Verbe Incarné fut le péché de Lucifer, et qu’elle n’a

encore d’autre but que de le

combattre, Naclantus montre

qu’à son tour, le Verbe Incarné

n’a d’autre pensée que de

combattre Satan et de détruire

son oeuvre. « Le Christ est venu

pour détruire les oeuvres du

diable. En effet, le Christ meurt,

et la tête de Satan est écrasée, et

lui-même chassé de son empire.

Le Christ descend aux enfers, et

Satan est dépouillé ; les armes

et les trophées dans lesquels

il mettait sa confiance lui sont

enlevés. Le Christ triomphe, et

Satan, nu et prisonnier, est livré

au mépris du monde et laissé en

exemple à ses partisans. »

Le même enseignement se

trouve, mais d’une manière bien

plus explicite, dans le grand

théologien espagnol Viguiero.

Partant du texte de saint Thomas,

il dit : « Lucifer, considérant

la beauté, la noblesse, la dignité

de sa nature et sa supériorité sur toutes les créatures, oublia la grâce de Dieu, à

laquelle il était redevable de tout. Il méconnut, de plus, les moyens de parvenir à

la félicité parfaite que Dieu réserve à Ses amis. Enflé d’orgueil, il ambitionna cette

félicité suprême, et le ciel des cieux, partage de la nature humaine qui devait être

unie hypostatiquement au Fils de Dieu. Il envia cette place qui, dans l’Écriture, est

appelée la droite de Dieu, jalousa la nature humaine et communiqua son désir à

tous les anges dont il était naturellement le chef.

« Comme, dans les dons naturels, il était supérieur aux anges, il voulut l’être aussi

Mgr Jean-Joseph Gaume

Traité du Saint-Esprit - T1

Paris 1865


dans l’ordre surnaturel. Il leur insinua donc de le choisir pour médiateur ou moyen

de parvenir à la béatitude surnaturelle, au lieu du Verbe Incarné, prédestiné de toute

éternité à cette mission. Tel est le sens de ses paroles : Je monterai dans le ciel ; je

placerai mon trône au-dessus des astres les plus élevés. Je siégerai sur la montagne

de l’alliance, aux flancs de l’Aquilon. Je monterai sur les nuées ; je serai semblable

au Très-Haut (Is., XIV, 13,14).

« Au même instant, les bons anges, se souvenant de la grâce de Dieu, principe de tous

les biens, et connaissant, par la foi la passion du vrai médiateur, le Verbe Incarné,

auquel les décrets éternels avaient réservé la place et l’office de médiateur, dont Lucifer

voulait s’emparer, ne voulurent point

s’associer à sa rapine. Ils lui résistèrent ;

et, grâce au mérite de la passion du Christ

prévue, ils vainquirent par le sang de

l’Agneau. C’est ainsi que la gravitation

vers Dieu, que, dès le premier instant

de leur création, ils avaient commencée,

partie par inclination naturelle, partie par

impulsion de la grâce, librement, mais

imparfaitement, ils la continuèrent en

pleine et parfaite liberté.

« Quant aux mauvais anges, il y en eut de

toutes les hiérarchies et de tous les ordres,

formant en tout la troisième partie du ciel.

Éblouis, comme Lucifer, de la noblesse et

de la beauté de leur nature, ils se laissèrent

prendre au désir d’obtenir la béatitude

surnaturelle, par leurs propres, forces ; et

par le secours de Lucifer, acquiescèrent à

ses suggestions, applaudirent à son projet,

portèrent envie à la nature humaine,

et jugèrent que l’union hypostatique,

l’office de médiateur, et la droite de Dieu,

convenaient mieux à Lucifer qu’à la nature

humaine, inférieure à la nature angélique.

« Après cet instant, dont la durée nous est

inconnue, de libre et complète élection, le

Dieu tout-puissant communiqua aux bons

anges la claire vision de son essence, et

condamna au feu éternel les mauvais, avec

Lucifer, leur chef, auquel il dit : Tu ne

monteras pas mais tu descendras et tu seras

traîné dans l’enfer (Is., XIV, 1). Aussitôt

les bons anges, ayant Michel et Gabriel à

leur tête, exécutèrent l’ordre de Dieu, et

commandèrent à Lucifer et à ses partisans

de sortir du ciel, où ils prétendaient rester.

Malgré eux, il fallut obéir.

« Par ce qui précède, il est évident : 1° que Lucif er n’a pas péché en ambitionnant

d’être égal à Dieu. Il était trop éclairé pour ignorer qu’il est impossible d’égaler Dieu,

puisqu’il est impossible qu’il y ait deux infinis. De plus, il est impossible qu’une

nature d’un ordre inférieur devienne une nature d’un ordre supérieur, attendu qu’il

faudrait, pour cela, qu’elle s’anéantît. Il n’a pu avoir un pareil désir, attendu encore

que toute créature désire, avant tout et invinciblement, sa conservation. Aussi le

prophète Isaïe ne lui fait pas dire : Je serai égal, mais : Je serai semblable à Dieu.

« Il est évident, 2° que Lucifer a péché en désirant d’une manière coupable la

ressemblance avec Dieu. Il ambitionna d’être le chef des anges, non seulement

par l’excellence de sa nature, privilège dont il jouissait, mais en voulant être leur

médiateur pour obtenir la béatitude surnaturelle : béatitude qu’il voulait acquérir lui-


même par ses propres forces. C’est ainsi qu’il désira l’union hypostatique, l’office de

médiateur et la place réservée à l’humanité du Verbe, comme lui convenant mieux

qu’à la nature humaine, à laquelle il savait que le Verbe devait s’unir. Vouloir s’en

emparer était donc de sa part un acte de rapine. Aussi Notre-Seigneur Jésus-Christ

l’appelle voleur. » (Jean., X).

Ruard, Molina et d’autres théologiens éminents professent la même doctrine d’une

manière non moins absolue, absolute. Bien avant eux le célèbre Rupert avait exprimé

le même sentiment. Sur ces paroles du Sauveur : Il fut homicide dès le commencement,

et vous voulez accomplir les désirs de votre Père, il dit : « Le Fils de Dieu parle ici de

sa mort. Ainsi, rien n’empêche d’entendre par cet homicide primitif l’antique haine

de Satan contre le Verbe. Cette haine, antérieure à la naissance de l’homme, Satan

brûle de la satisfaire. Pour en venir à bout, il emploie tous les moyens de faire mettre

à mort ce même Verbe de Dieu, actuellement revêtu de la nature humaine.

« Cela est d’autant plus vrai, que Notre-Seigneur ajoute : Et il ne se tint pas dans la

vérité ; ce qui eut lieu avant la création de l’homme : En effet, à l’instant même où,

s’élevant contre le Fils, qui seul est l’image du Père, il dit dans son orgueil : Je serai

semblable au Très-Haut, il devint homicide devant Dieu, sauf

à le devenir devant les hommes, en faisant mourir par la main

des Juifs l’objet éternel de sa haine... Ces paroles, il ne se tint

pas dans la vérité, signifient qu’il n’a pas continué d’aimer

Celui qui est la vérité, le Fils de Dieu. En effet, demeurer dans

la vérité est la même chose qu’aimer la vérité, et demeurer

ou se tenir dans le Christ est la même chose qu’aimer le

Christ. Satan est donc homicide dès le commencement, parce

qu’il a toujours eu pour la vérité, qui est le Verbe, une haine

indicible.

Ce remarquable témoignage peut se résumer ainsi : avant

sa chute, Lucifer connaissait les adorables personnes de

la Sainte-Trinité, et il Les aimait. Trop grandes étaient ses

lumières pour lui permettre d’être jaloux de Dieu, moins

encore d’avoir la prétention de le devenir. Alors il se tenait

dans la vérité. Mais, quand il sut que le Verbe devait s’unir

à la nature humaine, afin de la diviniser, et, en la divinisant,

l’élever au-dessus des anges, au-dessus de lui-même, Lucifer

: alors il ne se tint pas dans la vérité. L’orgueil entra en lui ;

l’orgueil amena la révolte ; la révolte, la haine ; la haine, la

chute. D’ailleurs, pour peu qu’elle réfléchisse, la raison ellemême

se persuade sans peine que l’épreuve des anges a dû

consister dans la foi au mystère de l’Incarnation.


2-1-5

L’Incarnation c’est

tout le christianisme

Le mystère de l’Incarnation, clef de voûte du monde surnaturel

Mgr Jean-Joseph Gaume

Traité du Saint-Esprit - T1

Paris 1865

Nous avons vu, et, empruntant les paroles de Cornélius à Lapide, nous répétons

que : « Le péché de Lucifer et de ses anges fut un péché d’ambition. Ayant

eu connaissance du mystère de l’Incarnation, ils virent avec jalousie la

nature humaine préférée à la nature angélique. De là, leur haine contre le fils de la

femme, c’est à-dire le Christ. De là leur guerre dans le ciel : guerre à outrance qu’ils

continuent sur la terre. »

N’ayant pu s’opposer au décret de l’union hypostatique de la nature divine avec la

nature humaine, Lucifer et ses satellites sont constamment et uniquement occupés à

le frustrer de ses effets. Rendre impossible ou inutile la foi au dogme de l’Incarnation

: tel est le dernier mot de tous leurs efforts. Ouvrons l’histoire : Grâce à la malice du

démon, l’homme,

qui devait surtout

bénéficier de

l ’ I n c a r n a t i o n ,

c o m m e n c e

par devenir

p r é v a r i c a t e u r.

Afin de le retenir

é t e r n e l l e m e n t

éloigné du Verbe

son libérateur,

Satan charge son

noble esclave

d’une triple

chaîne. Jusqu’à la

venue du Messie,

trois grandes

erreurs dominent

les nations : le

Panthéisme, le

Matérialisme, le

R a t i o n a l i s m e .

Ces trois grandes

erreurs se

résument dans une

seule qui en est le

principe et la fin :

le Satanisme.

Mères de toutes les autres, ces monstrueuses hérésies tendent, comme il est facile

de le voir, à rendre radicalement impossible la croyance au dogme de l’Incarnation.

Le panthéisme : Si tout est Dieu, l’Incarnation est inutile. Le matérialisme : Si

tout est matière, l’Incarnation est absurde. Le rationalisme : Si la suprême sagesse

est de croire à la seule raison, l’Incarnation est chimérique. Voilà pour les nations

païennes.

Quant au peuple juif, chargé de conserver la promesse du grand Mystère, tous les


efforts de Satan ont pour but de le faire tomber dans quelqu’une de ces erreurs et

de l’entraîner dans l’idolâtrie. Diverses fois il y réussit, du moins en partie. Aux

pieds des idoles, Israël oublie le Verbe Incarné, futur libérateur du monde. Alors,

Satan règne en paix sur le genre humain vaincu, et l’histoire de l’antiquité n’est que

l’histoire de son insolent triomphe. Lorsqu’arrive la plénitude des temps, que voyonsnous

? De toutes parts les puissances infernales rugissent. La guerre contre le dogme

de l’Incarnation recommence avec un indicible acharnement. Pour l’empêcher de

s’établir, Satan déchaîne les persécutions.

Pour le ruiner dans l’esprit de ceux qui l’ont accepté, il

déchaîne les hérésies. Pendant huit siècles, depuis le temps

des Apôtres, jusqu’à Élipand et à Félix d’Urgel, en passant

par Arius, l’effort de l’enfer se porte directement sur le

dogme de l’Incarnation. Plus ou moins masquée, les même

attaques continuent pendant les siècles suivants.

Par un retour trop significatif, la divinité de Notre-Seigneur

ou le mystère de l’Incarnation, clef de voûte du monde

surnaturel, est redevenue sous nos yeux ce qu’elle fut au

commencement, le but avoué, le point capital, le dernier mot

de l’éternel combat. Arius n’est-il pas ressuscité et embelli

dans Strauss, dans Renan et consorts, coryphées de la lutte

actuelle ?

En attendant la ruine presque totale de la foi au dogme

réparateur, funeste victoire qui lui est annoncée pour les

derniers jours du monde, Satan multiplie ses efforts, afin de la

rendre inutile à ceux qui la conservent encore. Comme autrefois les Juifs, il pousse

aujourd’hui les chrétiens à toutes sortes d’iniquités : c’est ce que saint Paul appelle

«l’idolâtrie spirituelle, dont l’effet immédiat est d’anéantir en tout ou en partie la

salutaire influence de l’auguste mystère. »

Ainsi, le Verbe Incarné, voilà l’objet éternel de la haine de Satan ; voilà le dernier

mot des persécutions, des schismes, des hérésies, des scandales, des tentations et des

révolutions sociales ; en d’autres termes, voilà l’explication du grand combat qui,

commencé dans le ciel, se perpétue sur la terre, pour aboutir à l’éternité du bonheur

ou à l’éternité du malheur.

Mais pourquoi l’Incarnation a-t-elle été, est-elle encore, sera-t-elle toujours l’unique

objet de la lutte entre le ciel et l’enfer ? Cette question est fondamentale. Seule,

la réponse peut expliquer l’éternel acharnement du combat, ainsi que la nature et

l’ensemble des moyens employés par l’attaque et par la défense.

L’Incarnation, c’est tout le Christianisme. Mais quel est le but de l’Incarnation ?

Déjà, nous l’avons indiqué c’est de déifier l’homme. Dieu ne s’en est pas caché. Ses

paroles, vingt fois répétées, manifestent son conseil. « Je l’ai dit : vous êtes des Dieux

et tous fils du Très-Haut. On les appellera Fils du Dieu vivant. Soyez parfaits comme

votre Père céleste Lui-même est parfait ; car vous participez à la nature divine. Le

pouvoir vous a été donné de devenir fils de Dieu. Voyez quelle est la charité du Père,

il veut que nous ne soyons pas seulement appelés, mais que nous soyons réellement

fils de Dieu».

L’homme connaît le conseil divin, il l’a toujours connu. Il sait, il a toujours su, dans

le sens catholique du mot, qu’il doit devenir Dieu. Il y aspire de toutes les puissances

de son être. Satan le sait aussi, et il prend l’homme par cet endroit. Mangez de ce

fruit, et vous serez comme des Dieux, est la première parole qu’il lui adresse (Gen.,

III, 5.)

Tel en est le sens : « Vous devez être des Dieux, je le sais et ne le conteste pas.

Je vous propose seulement un moyen court et facile de le devenir. Pour être des

Dieux, on vous a dit : Humiliez-vous ; obéissez ; abstenez-vous ; reconnaissez votre

dépendance. Vous soumettre à de pareilles conditions, c’est tourner le dos au but.

L’abaissement ne peut conduire à l’élévation. Voulez-vous y arriver? Brisez vos

entraves. Le premier pas vers la déification, c’est la liberté».


Comme dans toute hérésie, il y a du vrai dans cette parole. Le vrai est que l’homme

doit être déifié. Le faux est qu’il puisse l’être en suivant la voie indiquée par Satan.

Aussi, remarquons-le bien, si étrange qu’elle soit, cette promesse de déification

n’excite, dans les pères du genre humain, ni étonnement, ni indignation, ni sourire

de mépris. Ils l’accueillent ; et, pour l’avoir prise dans le sens du tentateur, ils se

perdent en l’accueillant. Aussi, saint Thomas remarque avec raison que le principal

péché de nos premiers parents ne fut ni la

désobéissance ni la gourmandise, mais

bien le désir déréglé de devenir semblables

à Dieu. La désobéissance et la gourmandise

furent les moyens ; l’ambition illégitime

d’être comme des Dieux, le but final de

leur prévarication.

« Le premier homme, dit le grand docteur,

pécha principalement par le désir de devenir

semblable à Dieu, quant à la science du bien

et du mal, suivant la suggestion du serpent :

de manière à pouvoir, par les seules forces

de sa nature, se fixer à lui-même les règles

du bien et du mal ; ou connaître d’avance et

par lui-même le bonheur ou le malheur qui

pouvait lui arriver. Il pécha secondairement

par le désir de devenir semblable à Dieu,

quant à la puissance d’agir, de manière à

arriver à la béatitude par ses propres forces.

»

Saint Thomas n’est ici que l’écho de saint

Augustin, qui dit nettement : « Adam et Ève

voulurent ravir la divinité, et ils perdirent la

félicité. » Que certains anthropologues, dont

l’audace va jusqu’à nier l’unité de l’espèce

humaine, expliquent l’influence magique de

cette parole sur tous les habitants du globe

: Vous serez comme des Dieux. Victorieuse

des pères de notre race, il y a six mille ans,

cette parole, Satan la répète constamment à

leur postérité, et en obtient le même succès.

Il n’en sait pas d’autre. Celle-là, en effet,

lui suffit. Étudiée avec soin, la psychologie

du mal démontre qu’un désir de divinité

est au fond de toutes les tentations : les

victimes de Satan ne sont ses victimes que

pour avoir voulu être comme des Dieux.

En résumé, de la part de l’Esprit de lumière et de la part de l’Esprit de ténèbres, tout

roule sur la déification de l’homme. Le premier veut l’opérer par l’humilité ; le second,

par l’orgueil. L’un dit à l’homme, sur la terre, le mot déificateur qu’il dit à l’ange,

dans le ciel Soumission. L’autre répète à l’homme le mot radicalement corrupteur,

que lui-même prononça dans le ciel Indépendance. De ces deux principes opposés

découlent, comme deux ruisseaux de leurs sources, les moyens contradictoires de la

déification divine et de la déification satanique.


Adam eut la foi

explicite du mystère

de l’Incarnation

2-1-6

Être sauvé, enseigne la théologie catholique, c’est être incorporé à Jésus-Christ,

le nouvel Adam. Même avant l’Incarnation du Verbe et dès l’origine du monde,

le salut n’a été possible qu’à cette condition. Il est écrit : Il n’y a pas sous le

ciel d’autre nom donné aux hommes pour se sauver. Mais, avant l’Incarnation, les

hommes étaient incorporés à Jésus-Christ par la foi à Son avènement futur. De cette

foi la circoncision fut le signe. Avant la circoncision, c’est par la foi seule et par le

sacrifice, signe de la foi des anciens pères, que les hommes étaient incorporés à Jésus-

Christ : Depuis l’Évangile, c’est par le baptême. Le sacrement même de baptême

n’a donc pas été toujours nécessaire au salut ; mais

la foi dont le baptême est le signe sacramentel a

toujours été nécessaire».

On le voit, la circoncision n’était qu’un, signe local

et passager. Exclusivement propre à la race juive,

il n’était nullement obligatoire pour les autres

peuples. L’application même ne s’étendait qu’aux

fils et non aux filles des Hébreux. Pour l’expiation du

péché originel, les nations étrangères à la postérité

d’Abraham demeuraient, comme les juifs euxmêmes

à l’égard des filles, soumis à la condition

primitive de la loi de nature, la foi manifestée par

le sacrifice.

« Le temps antérieur au Messie et le temps postérieur,

dit un savant commentateur de saint Thomas, sont

entre eux comme l’indéterminé au déterminé.

Avant la circoncision, il n’y avait, pour remettre

le péché originel, aucun sacrifice déterminé, ni

quant à la matière, ni quant au temps, ni quant au

lieu. Les parents pouvaient, dans ce but, offrir le

sacrifice qu’ils voulaient, quand ils voulaient et où

ils voulaient. La circoncision détermina la nature et

le temps du sacrifice, par lequel les fils des Hébreux

devaient être purifiés de la tache originelle.

[...]

Quelle est cette foi qui, chez les Juifs, antérieurement

à la circoncision, et chez les Gentils, jusqu’à

l’Évangile, suffisait pour incorporer les hommes au

second Adam ? Elle consistait essentiellement dans

la croyance plus ou moins explicite d’un vrai Dieu,

rédempteur du monde : croyance manifestée par

un signe extérieur, sacrifice, bénédiction, prière.

Or, qui pourrait prouver que cette foi imparfaite,

Dieu ne l’avait pas conservée chez les païens au

degré suffisant pour le salut ? En ce qui regarde

l’existence d’un seul Dieu : « Jamais, dit saint Augustin, les nations ne sont tombées

Mgr Jean-Joseph Gaume

Traité du Saint-Esprit - T1

Paris 1865


si bas dans l’idolâtrie, qu’elles aient perdu l’idée d’un seul vrai Dieu créateur de

toutes choses».

Quant au Dieu rédempteur, Notre-Seigneur n’est-il pas appelé le Désiré de toutes

les nations ?. On ne désire pas ce qu’on ne connaît pas et ce dont on n’a pas besoin.

Avec la conscience de leur chute, toutes les nations de l’ancien monde, les Gentils

aussi bien que les Juifs, avaient donc la foi au Rédempteur futur.

Sur cette consolante vérité, écoutons l’incomparable saint Thomas. Après avoir

rappelé que Dieu veut le salut de tous les hommes, il ajoute : « Or, la condition

nécessaire du salut, c’est l’Incarnation du Verbe. Il a donc fallu que le mystère

de l’Incarnation fût connu de quelque manière dans tous les temps et par tous les

hommes. Cette connaissance, toutefois, a varié suivant les temps et les personnes.

Avant de pécher, Adam eut la foi explicite du mystère de l’Incarnation, en tant que

destiné à la consommation de la gloire éternelle, mais non en tant que destiné à la

délivrance du péché par la passion du Rédempteur...


ROSA

MYSTICA

3-o.

Introduction

3-1. MYSTERES JOYEUX

3-2. MYSTERES DOULOUREUX

3-3. MYSTERES JOYEUX

3.


3.0 Introduction

Où le soleil pointe aux premières heures du jour, là se trouve le jardin. Nous voici à l’orient, prêt à passer la porte, confiant.

Nous savons pourtant que nos ancêtres, Adam et Ève, en ont été bannis. Mais nous savons aussi, que par la mort de la croix,

qui est l’arbre de vie ; le nouvel Adam nous a restauré dans nos droits et qu’Il nous a mérité bien plus encore ! Rosa Mystica,

roses du rosier mystique, roses du Très Saint Rosaire, nous sentons déjà la suavité de votre parfum. C’est auprès de ce rosier porteur

de grâces que nous allons nous conformer à la dignité ineffable de ce lieu. Étant libre d’entrer, nous marquons une pause et profitons

de ce moment avant que de soumettre, par nos actes, notre vie à la volonté de Dieu ; et ainsi nous délecter du spectacle et faire grandir

notre désir de Dieu, de son divin amour. Là ! Aux reflets scintillants, les 4 bras du fleuve s’étalent telle la bonne nouvelle à travers le

jardin. Sous l’apparente tranquillité de leurs cours, l’on ressent la force inexorable qui en est le principe, irriguant généreusement le

jardin avide, lui-même, d’en recevoir l’eau vive 1 . Maintenant

que nous ne sommes plus aveuglés par le démon et que nous

avons quitté notre incrédulité, nous sommes prêts nous aussi

à recevoir et à nous délecter de l’eau de Celui qui est la vie.

Miroir tout céleste, Phison, Géhon, Tigre, Euphrate, reflètent

sans voile aucun, la gloire de Dieu. Et ainsi brille pour nous,

la lumière du glorieux évangile du Christ, qui est l’image de

Dieu 2 . Au centre du jardin se détache l’arbre de vie sur lequel,

par le baptême nous sommes entés. Ainsi, armés du Rosaire,

nous couperons, nous taillerons, nous arracherons joyeusement

et inlassablement tout ce qui nuira à la pureté d’une telle greffe

afin que sous l’impulsion de l’Esprit-Saint, notre rosier donne

en abondance des fleurs et de bons fruits.

Contemplons maintenant le Rosaire, œuvre de l’Esprit-Saint.

Portons ensuite un regard d’amour et de bienveillance sur une

autre de ses œuvres, la Bienheureuse Vierge Marie. Comment

voyons nous le Rosaire ? Avant toute chose, comme une

glorification de Notre Seigneur Jésus-Christ et de sa Très Sainte

Mère. Ainsi, par une série de prières répétitives, l’Esprit-

Saint nous enjoint de rendre hommage et de graver en nous

le sacrifice de l’Homme-Dieu et de sa Mère pour considérer

ensuite le Père, principe de toutes choses. Mais, pourquoi cette

sainte pratique fut-elle donnée si tardivement à saint Dominique

? Le cœur des hommes s’endurcissait, et la lente chutte des

chrétiens s’enflaient. Et comme pour nous réveiller d’un trop

long assoupissement, Dieu nous dit... l’Incarnation est l’axe

du monde... voilà que de toute éternité cette parfaite harmonie,

précise, régulière, concordante, déroule son merveilleux plan

avec pour témoin, la grande horloge de l’univers. Et vous

? Nous dit-il, Ne voyez-vous rien ! Pourtant tout cela atteste

de l’amour que J’ai pour vous, ma bonté, ma puissance, la

sagesse avec laquelle J’ordonnance toutes choses, toutes ces

vérités ne suffisent-elles pas à vous convertir ? Nous retenons

notre souffle et c’est contrits que nous entendons la fin de cette

vive remontrance. Ainsi poursuit-Il, N’auriez-vous, pas même

entrevu la hauteur du sacrifice de mon Fils bien aimé et de

Marie sa Très Sainte Mère, ma fille chérie que je ne pourrais

vous en tenir rigueur eu égard, précisément, à votre faiblesse.

Mais, là où je ne puis fermer les yeux, ni même retenir ma sainte

colère, c’est bien quand vous ne concevez pas l’Amour qui est

le principe et la fin de ce que vous appelez le grand mystère

de l’Incarnation. En agissant de la sorte, vous péchez contre

le Saint-Esprit, car il n’y a pas, plus grandes œuvres que ses

œuvres, puisqu’elles combinent à la fois ma propre perfection

et celle de mon Fils bien aimé.


Écoutez, cet autre fils, saint Chrysostome, qui disait : Si le Saint-Esprit, qui donne l’impulsion, manque, tout est vain. Aussi, pour

les derniers temps, de la fin des temps, avec le Rosaire, l’Esprit-Saint et la Bienheureuse Vierge Marie vous ont donné le moyen

de retourner dans le jardin de votre âme, d’où Je ne suis, pourtant, jamais sorti. Dans le jardin de votre âme vous reconnaîtrez

en son centre, l’arbre de vie, la croix de Jésus-Christ, sur laquelle vous immolerez votre volonté propre par la soumission à mes

commandements, par la sainte pratique des sacrements et par la méditation quotidienne du Rosaire. Si vous m’aimez et me désirez

vraiment, imitant Mon Fils bien aimé et sa Très Sainte Mère, la Bienheureuse Vierge Marie ; sur la croix de Jésus-Christ vous mourez

au péché, acquérant par cette mort, un perfectionnement formant en vous la ressemblance avec Moi, votre Créateur, votre Dieu.

Car votre âme semblable au Père, elle a l’être ; semblable au Fils, elle a l’intelligence ; semblable au Saint-Esprit, elle a l’amour.

Heureuse créature et parfaitement semblable si elle s’occupe uniquement de Moi. Ainsi parla le Dieu trois fois saint.

Que les vues de Dieu sont grandes et les nôtres puériles, mais nous voilà prévenus, le chantier est vaste mais le moyen est sûr, efficace

pour donner de bons fruits. Avant que nous lancer dans l’étude de chaque mystère, Dieu aidant, continuons d’entrer un peu plus loin

dans cette vision du Rosaire. N’oubliez pas que la première partie « Du Rosaire » du présent ouvrage, couvre exclusivement de ce

sujet là.

Dans un premier temps nous avons mis en relation le Pater

avec le Rosaire. Cette démarche nous a permis de mettre en

évidence la concordance, l’harmonie des œuvres de Dieu. Cette

mise en parallèle n’avait pas pour but de satisfaire une curiosité

intellectuelle, elle nous a permis de souligner la sainteté du

Rosaire et des éléments nouveaux de méditation. Ainsi qu’aux 7

demandes du Pater correspondent les 7 dons du Saint-Esprit nous

avons voulu pousser plus loin notre approche et ainsi montrer

l’économie que l’on pouvait déterminer du Rosaire.

Joyeux, Douloureux, Glorieux, ces trois vérités regroupent 15

mystères. Ce nombre rappelle les 15 marches du Temple que gravi

Marie à l’âge de 3 ans et qu’elle quitera à l’âge de 15 ans. C’est

également la vérité 3 fois saintes des 5 plaies du divin crucifié. Et

c’est nous semble t-il également, 14 mystères qui sont liés à la vie

terrestre et 1 à la vie céleste. Ces 14 mystères sont la recherche

de la perfection que l’on retrouve figurée par Jacob lorsqu’il doit

attendre deux fois 7 ans avant de pouvoir enfin s’unir à Rachel.

Rachel qui signifie la vision du principe, ou le Verbe, ou la Sagesse

qui révèle Dieu... Nous pourrions ajouter que l’application dans

le Rosaire peut se faire comme suit : Les 7 premiers mystères

sont les dons de l’Esprit-Saint descendant, ainsi en est-il pour le

Verbe s’incarnant, c’est à dire, de la sagesse à la crainte, ce qui

correspond au sens indiqué par Isaïe concernant Jésus, le rejeton

de Jessé. Les 7 mystères suivants empruntent le chemin inverse de

la crainte à la sagesse, ce qui correspond au chemin de l’homme

qui cherche à ressembler à Dieu. Mais aux 7 dons du Saint-Esprit

correspondent les 7 béatitudes, et aux 7 béatitudes les 12 fruits du

Saint-Esprit. Voilà la finalité du Rosaire, nous rendre participant

de la vie de Jésus-Christ et de Marie ; pour les imiter, en les imitant

leur ressembler et en leur ressemblant être enfin uni à Dieu.

1 - Jean, IV, 10

2 - 2Cor., IV, 4



3.2

Mystères

Douloureux

3-2-1. L’agonie

3-2-2. La Flagellation

3-2-3. Le couronnement d’épines

3-2-4. Le portement de la Croix

3-2-5. Le Crucifiement


Vous n’avez voulu ni sacrifice, ni oblation, mais vous m’avez formé un corps ; vous n’avez agréé ni holocaustes, ni sacrifices

pour le péché. Alors j’ai dit : Me voici, car il est question de moi dans le rouleau du livre, je viens ô Dieu, pour faire votre

volonté.

Heb., X, 5-7


Le Crucifiement

Hoc Est Enim Corpus Meum

3.2.5

Comment imaginer que le Dieu créateur du ciel et de la terre fut mis à nu, cloué à la croix, moqué, raillé sans qu’il ne donne un

seul signe de sa puissance ? Bien plus, il pardonne à ses bourreaux. Quel mystère ! Il est midi l’astre va décliner lorsqu’on le

crucifie, Lui le Soleil au Zénith, il n’y a pas pas une ombre. Soudain le ciel s’obscurcit, révélant ainsi qu’Il est bien la lumière

du monde, mais le monde ne l’a pas connu 1 . Le deuxième Adam gît, mort sur l’arbre de vie, précisément au lieu où le premier repose.

Le temple a tremblé, le voile s’est déchiré comme pour donner naissance aux nouveaux élus ; la tête penché vers le nord, le Sauveur

du monde désigne son nouveau peuple, et montre que par [la] chute d’Israël, le salut est arrivé aux Gentils 2 .

Pur, le deuxième Adam était nu quand le premier avait dû couvrir son corps de honte après son péché. A la fois matière du sacrifice

et sacrificateur qu’il dépose sur l’autel de la croix, pour que le sacrifice soit consommé, il y donnera jusqu’à la dernière goutte de

son précieux sang. Pontife, seul et unique prêtre à pouvoir présenter à Dieu l’unique sacrifice, il marque son amour du Père dans

sa soumission à sa volonté divine. Pour nous, ce divin amour donne par son cœur transpercé, l’eau et le sang pour notre éternelle

régénération. Puis il nous fait ses frères en nous donnant pour Mère, Marie sa Très Sainte Mère et nous fait héritiers. Élevé de terre, il

attire tout à lui 3 , et ainsi le verbe parle à notre cœur 4 . Il est 15 heures tout est consommé. Par sa mort sur la croix, Jésus-Christ a vaincu

la mort et nous a libéré du mal. Nécessitant notre collaboration jusqu’au dernier instant de notre vie, à notre dernier souffle, nous Lui

demanderons la grâce de nous libérer du mal à jamais, de mourir au péché.

Conditions de la délivrance : le démon vaincu par l’homme. Le démon, dit S. Léon, ne perdrait pas les droits qu’il a sur l’homme

depuis le commencement s’il n’était pas vaincu par celui qu’il s’est asservi. Et pour détruire l’œuvre du démon, pour que la victoire

fut complète, Jésus-Christ a voulu procéder non par mode de puissance, mais selon toutes les règles de la justice. Si la divinité seule

était intervenue en faveur des pécheurs, le démon aurait été vaincu par

la force plus que par la justice.

La mort de Jésus, dit Origène. fut pour nous, non pas seulement un

exemple à imiter pour obtenir la grâce d’une mort pieuse, mais aussi

une victoire sur le mal et le démon qui était le maître de ce monde.

1 - Jean, I,10

2 - Rom., XI, 11

3 - Jean, XII, 32

4 - Saint Augustin, conf., XI, 9

Texte de l’Evangile

Jean XIX, 17-30

Jésus, portant sa croix, arriva hors de la ville au lieu nommé Calvaire,

en Hébreu Golgotha ; c’est là qu’ils le crucifièrent, et deux autres

avec lui, un de chaque côté, et Jésus au milieu. Pilate fit aussi une

inscription, et la fit mettre au haut de la croix ; elle portait ces mots : «

Jésus de Nazareth, le roi des Juifs. «Beaucoup de Juifs lurent cet écriteau,

car le lieu où Jésus avait été crucifié était près de la ville, et l’inscription

était en hébreu, en grec et en latin. Or, les princes des prêtres des Juifs

dirent à Pilate : « Ne mets pas : Le roi des Juifs ; mais que lui-même a

dit : Je suis le roi des Juifs. «Pilate répondit : « Ce que j’ai écrit, je l’ai

écrit. «Les soldats, après avoir crucifié Jésus, prirent ses vêtements, et ils

en firent quatre parts, une pour chacun d’eux. Ils prirent aussi sa tunique

: c’était une tunique sans couture, d’un seul tissu depuis le haut jusqu’en

bas. Ils se dirent donc entre eux : « Ne la déchirons pas, mais tirons au

sort à qui elle sera « : afin que s’accomplît cette parole de l’Écriture : «

Ils se sont partagé mes vêtements, et ils ont tiré ma robe au sort. « C’est

ce que firent les soldats.Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et

la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie-Madeleine. Jésus,

ayant vu sa mère, et auprès d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voilà votre fils. «Ensuite il dit au disciple : « Voilà

votre mère. « Et depuis cette heure-là, le disciple la prit chez lui. Après cela, Jésus sachant que tout était maintenant consommé, afin

que l’Écriture s’accomplît, dit : « J’ai soif. «Il y avait là un vase plein de vinaigre ; les soldats en remplirent une éponge, et l’ayant

fixée au bout d’une tige d’hysope, ils l’approchèrent de sa bouche. Quand Jésus eut pris le vinaigre, il dit : « Tout est consommé « ; et

baissant la tête, il rendit l’esprit.


Relation avec l’Ancien Testament

Et Jéhovah dit à Moïse: «Fais-toi un serpent brûlant et

place-le sur un poteau ; quiconque aura été mordu et

le regardera, conservera la vie.» Moïse fit un serpent

d’airain et le plaça sur un poteau, et, si quelqu’un était mordu

par un serpent, il regardait le serpent d’airain, et il vivait.

Nb 21, 8-9

Les princes des Philistins s’assemblèrent pour offrir un

grand sacrifice à Dagon, leur dieu, et pour se réjouir. Ils

disaient : « Notre dieu a livré entre nos mains Samson,

notre ennemi. « Le peuple le vit, et ils louèrent leur dieu, car ils

disaient : « Notre dieu a livré entre nos mains notre ennemi, celui

qui ravageait notre pays, et qui nous tuait tant de gens. « Quand

leurs cœurs furent devenus joyeux, ils dirent : « Qu’on fasse

venir Samson, et qu’il nous divertisse ! « Ils tirèrent Samson

de la prison, et il dansa devant eux. On l’avait placé entre les

colonnes. Samson dit au jeune homme qui le tenait par la main :

« Laisse-moi toucher les colonnes sur lesquelles se tient la

maison et m’y appuyer. Or la maison était remplie d’hommes et

de femmes ; tous les princes des Philistins étaient là, et il y avait

sur le toit environ trois mille personnes, hommes et femmes,

qui regardaient Samson danser. Alors Samson invoqua Yahweh

et dit : « Seigneur Yahweh, souvenez-vous de moi, je vous prie,

et donnez-moi de la force cette fois seulement, ô Dieu. afin

que d’un seul coup je me venge des Philistins pour mes deux

yeux. « Et Samson, embrassant les deux colonnes du milieu

sur lesquelles se tenait la maison, s’appuya sur elles, sur l’une

de la main droite, sur l’autre de la main gauche. Et Samson

dit : « Que je meure avec les Philistins ! «. Et il se pencha avec

force, et la maison s’écroula sur les princes et sur tout le peuple

qui s’y trouvait. Ceux qu’il fit périr en mourant furent plus nombreux que ceux qu’il avait

tués pendant sa vie.

Juges 16:23-30

Ai-je demandé un fils à mon seigneur ? N’ai-je pas dit : Ne me trompe pas ? »

Et Elisée dit à Giézi : « Ceins tes reins, prends mon bâton dans ta main et pars. Si

tu rencontres quelqu’un, ne le salue pas, et si quelqu’un te salue, ne lui réponds

pas. Tu mettras mon bâton sur le visage de l’enfant. » La mère de l’enfant dit : « Yahweh

est vivant et ton âme est vivante ! je ne te quitterai point. » Et Elisée se leva et la suivit.

Giézi les avait devancés et il avait mis le bâton sur le visage de l’enfant ; mais il n’y eut

ni voix, ni signe d’attention. Il s’en retourna au-devant d’Elisée et lui rapporta la chose en

disant : « L’enfant ne s’est pas réveillé. » Lorsqu’Elisée arriva dans la maison, voici que

l’enfant était mort, couché sur son lit.

Elisée entra et, ayant fermé la porte sur eux deux, il pria Yahweh. Et il monta et se coucha

sur l’enfant ; il mit sa bouche sur sa bouche, ses yeux sur ses yeux, ses mains sur ses mains,

et il s’étendit sur lui ; et la chair de l’enfant se réchauffa. Elisée s’éloigna, et il allait çà et là

dans la maison ; puis il remonta sur le lit et s’étendit sur l’enfant ; et l’enfant éternua sept

fois, et l’enfant ouvrit les yeux. Elisée appela Giézi, et dit : « Appelle la Sunamite. » Giézi

l’ayant appelée, elle vint vers Elisée qui lui dit : « Prends ton fils. » Elle vint tomber à ses

pieds et se prosterna contre terre ; et, prenant son fils, elle sortit.

2Roi, IV, 28-37


Ces deux grands bras qui se sont étendus

Commentaire de l’abbé Joseph Lémann tiré de son ouvrage La religion de combat

L’homme le plus fort qui ait paru en Israël, Samson, étant tombé entre les mains des Philistins, était devenu le captif des

ténèbres: ses ennemis lui avaient arraché les yeux, et il était employé à tourner la meule. Dans une des réjouissances solennelles

en l’honneur de leur dieu Dagon, les Philistins le font venir. Il est amené dans l’intérieur du temple, qui avait un toit plat. Là, il

devient le jouet de ses ennemis, l’objet de leurs insultes et de leurs railleries les plus lâches. Le pauvre aveugle avait été placé, debout,

entre deux colonnes. Il dit au jeune garçon qui le conduisait: Laissez-moi toucher les colonnes qui soutiennent toute la maison, afin

que je m’appuie dessus et que je prenne un peu de repos. Or, la maison était pleine de monde; du toit plat qui formait terrasse, plus de

trois mille personnes, dit la Bible, se divertissaient à le regarder par l’ouverture du milieu, et à le railler; tous les princes des Philistins

y étaient. Samson fait à Dieu cette prière suppliante: Seigneur mon Dieu, souvenez-vous de moi; mon Dieu, rendez-moi maintenant

ma force première. Prenant donc les deux colonnes sur lesquelles la maison était appuyée, tenant

l’une de la main droite, et l’autre de la main gauche, il les secoue avec force, en disant: Que je

meure avec les Philistins! Et la maison s’écroule, l’écrasant avec l’immense assemblée: glorieux

holocauste de lui-même sur les cadavres de ses ennemis! Telle fut la figure; voici, maintenant, la

réalité: Jésus-Christ, le Fort, ainsi que le nomme Isaïe, est venu pour sauver le genre humain; mais

les ténèbres obtiennent aussi, contre lui, une heure de puissance. On s’est emparé de lui, on ne lui a

pas arraché les yeux, on ne le pouvait pas: Il était la lumière du monde! On les lui a bandés dans le

prétoire de Caïphe, et, là, il devient le jouet de ses ennemis: on le bafoue, on l’abreuve d’outrages,

on l’accable de coups. Mais la Passion a commencé par cette exclamation de bravoure que le Christ

a adressée à ses disciples au jardin de Gethsémani, lorsqu’il a entendu les pas de ceux qui venaient

le saisir: Surgite, eamus, Levez-vous, allons! C’était l’attaque, la marche en avant! Il étend ses deux

bras sur la Croix, comme pour bien saisir à droite et à gauche les colonnes de l’empire du prince

des ténèbres, il pousse un grand cri, et il meurt: et à l’instant, l’empire de Satan croule, renversé de

fond en comble; et peu après croule également le Temple de Jérusalem, renversé de fond en comble;

et peu après croulent également tous les temples du paganisme, renversés de fond en comble: rien

ne peut plus lutter contre ces deux grands bras qui se sont étendus pour atteindre le mal et pour le

détruire, à travers tous les espaces et tous les temps.

Relation avec l’Evangile

Nous, nous savons que nous sommes passés de la mort à

la vie, parce que nous aimons nos frères. Celui qui n’aime

pas demeure dans la mort. Quiconque hait son frère est

un homicide ; et vous savez qu’aucun homicide n’a la vie

éternelle demeurant en lui.

Jean III, 13-14

Comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l’homme soit

élevé, afin que tout homme qui croit en lui [ne périsse point, mais qu’il] ait la vie éternelle.

Jean III : 14-15

Car, je vous le dis en vérité, jusqu’à ce que passent le ciel et la terre, un seul iota ou un seul

trait de la Loi ne passera pas, que tout ne soit accompli.

Matth., V, 18

Les 7 dernières parole de Jésus sur la croix

1. Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. Luc 23:34

2. Je te le dis en vérité, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis. Luc 23:43

3. Femme, voilà votre fils. Ensuite il dit au disciple : Voilà votre mère. Jean 19. 26-27

4. Eli, Eli, lema sabbaqthani ? Matt.27:46 ; Marc 15:34 ; Ps. 22:2

5. J’ai soif. Jean 19:28

6. Tout est consommé. Jean 19:30

7.Père, je remets mon esprit entre vos mains. Luc 23:46 ; Ps. 31:6


Les douleurs de cette Mère bien-aimée

M. Olier, La vie de la Très Sainte Vierge Marie, Chap. XII

C’est dans la personne de la très-sainte Vierge que le Fils de Dieu reçoit l’Église pour épouse, car Marie en était le membre

le plus auguste, et elle en possédait en éminence toutes les grâces et toutes les perfections, ainsi qu’il a été dit. Aussi sur le

Calvaire, comme à Cana, Marie n’apparaît que comme épouse : Femme, voilà votre fils; comme aussi Jésus semble perdre sa

qualité de fils, qu’il donne à saint Jean, pour prendre uniquement celle d’époux. Il ne la nomme donc pas sa mère, mais femme, parce

qu’il s’adresse à l’Église elle-même dans la personne de Marie, comme, dans celle de saint Jean, il s’adresse à tous les chrétiens. Il faut

savoir, en effet, que saint Jean, outre qu’il était à l’égard de Marie le substitut de Jésus-Christ ressuscité, à cause des dons magnifiques

qu’il avait reçus à la Cène, figurait de plus tous les enfants que Jésus-Christ devait engendrer avec elle sur la croix, contenant en abrégé

toutes les prérogatives de l’Église, en sa qualité de prophète, d’apôtre, d’évangéliste, de martyr, de confesseur, de vierge.

Marie paraît donc au Calvaire auprès de Jésus-Christ comme Ève dans le paradis terrestre auprès d’Adam, pour être la mère des

croyants. Mais qu’elle y parait dans une condition différente de celle d’Ève ! Celle-ci se trouvait dans un lieu de délices et de voluptés:

le paradis terrestre, le séjour et la couche de l’innocence, où elle était dans l’extase et l’abondance de la joie; au lieu que la nouvelle

Ève est mise avec le nouvel Adam, réparateur des pécheurs sur le Calvaire, dont Dieu le Père veut faire le lieu de leurs noces. Il les

place dans le lieu des supplices, dans la demeure des criminels, dans un lieu de sang, de douleur et de délaissement, et par conséquent

pour y souffrir et y être abîmés dans l’amertume. C’est, en effet, par sa pénitence, par son sang, par sa mort, que Jésus-Christ doit

engendrer des enfants à Dieu; et comme il veut que sa sainte Mère participe à ce mystère, qu’il y ait entre elle et lui union parfaite de

sentiments et de dispositions, pour tout partage c’est la douleur que Marie reçoit de son Fils, qui lui est donné sur le Calvaire, comme

l’homme de douleurs.

Pour comprendre la douleur de Marie, il faut considérer l’excès de celle de Jésus-Christ. Les douleurs les plus accablantes du Sauveur

naissaient, non des souffrances corporelles qu’il endurait sur la croix; mais de la vue nette et distincte de la multitude et de la diversité

des crimes dont il était chargé, et qu’il devait expier par sa pénitence. Hélas! qui saurait concevoir à quoi s’étend cette douleur !

Jésus-Christ était en proie aux peines les plus sensibles qui affligent le coeur, et aux plus mortelles angoisses intérieures qui accablent

l’esprit. « Nous l’avons vu, dit Isaïe, comme celui qui avait reçu sur lui les coups, qui portait les marques de la vengeance divine; et il

n’y avait rien en son corps depuis la plante des pieds jusqu’à la tête qui fût exempt de maux. »

Et toutefois, quelque grands que fussent ses tourments, ils étaient peu de chose, comparés à l’affliction, que causait à son âme la vue

de son Père irrité contre lui. Jésus-Christ tenant la place des pécheurs, et s’exposant en cette qualité à son Père, pour recevoir de lui

ce que chacun de nous méritait, il se voyait comme le sujet sur lequel Dieu le Père déchargeait tout son courroux. Quel tourment plus

rigoureux que de savoir qu’un père est en colère contre nous, qu’il ne peut plus nous supporter, qu’il ne peut nous souffrir davantage,

surtout quand nous avons été longtemps l’objet de son amour, et que nous avons reçu de lui les témoignages d’affection les plus

continuels et les plus touchants !

Ce tourment était extrême pour : Jésus, dont l’amour envers son Père n’avait point de bornes. Mais le voyant justement irrité contre lui,

il s’abandonne entre ses mains pour porter tous les effets de sa colère et de sa vengeance, et cherche, dans la tendresse de sa Mère, ce

qu’il ne rencontre plus dans celle de son Père éternel. Hélas ! Marie, qui semblait seule pouvoir le consoler, lui cause une seconde mort

par la vue des douleurs qu’elle éprouve elle-même des tourments de son Fils. On dit communément que Jésus-Christ souffrait de trèsgrandes

peines par la présence de sa Mère au Calvaire; je crois qu’intérieurement il supportait avec une joie incroyable ses tourments

propres, en voyant qu’ils devaient se changer pour elle-même en repos, en délices et en gloire; mais qu’il souffrait cruellement de la

vue de sa Mère, par ressentiment et par rejaillissement de ses douleurs ! Ces douleurs de Marie, chargée de nos péchés, percée par la

componction qu’elle ressentait de nos crimes et par la vue de son Fils en proie aux horreurs de la mort, étaient donc autant de glaives

qui, sortant de son coeur, allaient traverser celui de Jésus. Le glaive de douleur qui pénétrait le coeur de la Mère faisait, en effet, mille

plaies sur celui de son Fils, et les blessures que son amour pour elle lui faisait ressentir dans le fond de l’âme étaient tout autres que

celles que lui portaient la haine et la cruauté des bourreaux. Ce contre-coup des douleurs de Marie lui causa une douleur plus grande

que toutes les autres douleurs qu’il souffrit dans sa passion, parce que le plus grand amour fait les plus grandes plaies et les peines les

plus véhémentes. Ainsi Notre-Seigneur, qui, dans sa passion, a voulu souffrir toutes les peines possibles, a enduré dans cette occasion

même les douleurs de cette Mère bien-aimée, qui étaient pour lui les plus sensibles et les plus violentes du monde.


Les 7 paroles du Christ en croix

Saint Bonavanture - La vigne Mystique - 1263

« Notre vigne profère sept paroles qui sont toujours vertes ; Il les a prononcées lorsqu’Il fut élevé sur la croix. Ton Époux s’est fait

pour toi cithare, c’est-à-dire que la croix a la forme du bois et son corps celui des cordes qui sont tendues sur le bois. »

La première parole, lorsque le très bienfaisant Jésus a été crucifié, Il a dit : Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font.

Ô feuille toujours verte, ô parole qui convient au Verbe du Père très haut ! Le bon docteur fait ce qu’il commande : il ne prie pas

seulement pour ses amis, mais aussi pour ceux qui le persécutent et le calomnient. - Recueille cette feuille dans le trésor de ton

coeur, pour que chaque jour à la menace de tes ennemis, tu fasses jaillir la mémoire de l’abondante suavité du Bon Jésus. Cette parole

est toujours comme un bouclier que tu présentes aux insultes de tes ennemis. L’Époux prie pour ses assassins et toi tu ne prierais pas

pour ceux qui en ont après toi ?

La seconde feuille de notre vigne et la seconde corde de notre cithare est la seconde parole du Seigneur, qu’il adressa au larron

repentant et qui demandait à partager le sort du Christ. En vérité, lui dit-il, je te le dis : Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis.

Oh ! quelle feuille pleine de vigueur ! Oh ! comme cette corde résonne de douceur ! Comme rapidement Il s’est fait de l’ennemi un

ami, de l’étranger un familier, du lointain un proche, du brigand un confesseur ! Oh ! quelle grande foi Lui accorde le larron : lui

connaisseur de tout mal mais ignorant du bien, transgresseur de la loi, ravisseur de la vie et de la propriété d’autrui, en poste aux portes

de la mort, à la fin de sa vie, désespérant de la vie présente, espérant la vie future qu’il avait souvent déméritée et jamais méritée. Il ne

redoute pas de la demander et de la recevoir. Quel homme pourrait désespérer, alors que le larron espère ? (…)

La troisième feuille et la troisième corde de la cithare est la troisième parole : Femme, dit-il, voici ton fils ; et Voici ta mère. Parole

douce et suave, parole admirable et grandiose, pleine de piété affective ! Nous ne lisons pas que le bon et bienveillant Jésus surtout

lorsqu’il eut atteint l’âge adulte, se soit attaché à sa très chère Mère plus intimement, et qu’avec elle Il a vécu plus souvent et devant

les autres lui ait parlé avec plus d’égards.

Mais quand Il fut sur le point de la quitter

physiquement, Il manifesta en peu de mots

l’amour authentique qu’il lui portait. Et

sans parler du supplice de sa croix, quelle

grande affection, crois-tu, qu’Il éprouva

dans son immense compassion pour sa

Bienheureuse Mère ? Lui qui savait que

son coeur très doux était percé d’un glaive

d’une telle douleur. La compassion que

montrait sa mère augmentait le tourment

de ses blessures. Suspendu, Il la voyait

près de lui se tenir debout courageusement

de toutes les forces de son corps, avec une

telle contrition de coeur, les mains tordues,

les yeux répandant un torrent de larmes, le

visage contracté, la voix plaintive (…)

Elle se tenait près de la croix. Il lui dit

: Voici ton fils. C’est comme s’il disait

: tu es privé physiquement de moi, ton

fils, aussi je te donne, à toi, comme fils

l’ami préféré entre tous. Sa présence te

consolera entre temps de mon absence.

Jean, tu es privé de moi, ton père, aussi

cette Mère qui m’est très chère, je te la

laisse pour mère (…)


La quatrième feuille et la quatrième corde de la cithare est la quatrième parole du Seigneur, qu’Il prononça vers la neuvième heure,

criant d’une voix forte : Eli, Eli, lamma sabacthani ? Ce qui veut dire : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Quels

yeux ne pourraient voir cette feuille ? quelles oreilles ne pourraient entendre cette corde ? Mais pourquoi crie-t-il, sinon pour pouvoir

être mieux entendu ? Comme elle fut ample, vois-tu, cette douleur très cruelle, lorsque le bon Jésus, de son corps tout étiré, criait

! Mais veille à ne pas penser qu’à cause de cette clameur le Seigneur Jésus très humble s’est laissé aller à l’impatience. Car nous

montrerons, dans la feuille et la corde suivante, la patience qu’il a endurée dans cette passion très amère, ainsi que l’ampleur de la

douleur qu’il a montrée.

Mais ces mots sont bien ceux de la personne qui a assumé la nature humaine. Il a bien été lui-même une seule personne avec le Fils

de Dieu. Ce qu’il dit, le montre clairement : Mon Dieu. Cela, il ne pourrait le dire de lui-même, lui un seul Dieu avec le Père, s’Il

n’avait assumé la nature humaine. Alors qu’est-ce donc qu’il dit : Pourquoi m’as-tu abandonné ? Le Père pouvait-il abandonner son

Fils unique ? Loin s’en faut ; mais c’est pour tout le corps, c’est-à-dire pour toute l’Eglise que parle ainsi notre tête, le très bienveillant

Jésus. Car il veut mettre en valeur l’union d’amour qu’il a eue pour l’Eglise son épouse, il montre qu’il souffrira dans tous ses

membres, lui qui a subi alors la passion dans la

tête, c’est-à-dire dans son propre corps, celui assumé de la Vierge. Il crie sa déréliction, Lui qui ne pouvait être abandonné, parce

que beaucoup de ses membres en viendraient à une telle épreuve, qu’ils sembleraient complètement abandonnés. Béni soit l’aimable

Seigneur, le très bienveillant Jésus, qui d’abord daigne souffrir en Lui pour nous, et maintenant assurément souffre avec nous et en

nous l’épreuve que nous endurons en toute justice. Il fait sienne et crie : Avec lui je suis dans son épreuve. Nous tirons ainsi de lui une

plus sûre confiance.

La cinquième feuille et la cinquième corde est la cinquième parole du Jésus très aimant, prononcé sur la croix, lorsqu’il dit :

J’ai soif. Et ils lui donnèrent à boire du vin avec de la myrrhe, mêlé de fiel (…). Mais il faut que cette parole soit proférée pour

accomplir l’Ecriture. De plus, il semble que ce mot j’ai soif signifie quelque chose d’autre. Je pense en effet qu’en la prononçant, il a

voulu exprimer son immense charité, parce

qu’un homme assoiffé désire beaucoup

plus ardemment une boisson qu’un homme

affamé une nourriture. Par sa soif, Il nous

montre le désir d’une chose qu’il désire

très ardemment, par là Il montre en figure

l’ardeur de sa charité (...)

La sixième feuille et la sixième corde de la

cithare est la sixième parole qu’il prononça

lorsqu’il eut pris le vinaigre, douceur vraie

et suprême, le Seigneur Jésus, a dit : Tout

est consommé. Qu’est cela ? Plus haut, il

est dit : parce que le Seigneur voyant que

tout est consommé, pour que les Ecritures

s’accomplissent, dit : J’ai soif ; et lorsqu’il

eut goûté, Il a dit : Tout est accompli. Il a

bien été accompli jusqu’à la perfection, le

témoignage de l’Ecriture, elle qui dit : Ils

m’ont donné comme nourriture du fiel et par

là toute l’Ecriture qui était à son sujet, a reçu

sa consommation.

(…) De même nous, si nous voulons

être les membres de cette tête, en toutes

nos difficultés, utilisons la force de la

persévérance, pour que nous arrivions au

bout de toutes nos souffrances par le très bienveillant Jésus notre chef, et qu’avec lui nous puissions dire en toute confiance : C’est

accompli, c’est-à-dire avec ton aide et non par notre force : j’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course (...)

Septième parole : Jésus très aimant : Père en tes mains je remets mon esprit. Le sens est clair. Mais pourquoi ce fils éternel et

consubstantiel au Père remettait ouvertement son âme dans les mains du Père, à qui elle n’avait pas été moins recommandée, même

s’il ne l’avait pas dit ? Ceci fait, bien qu’il sût que son âme très sainte avait été recommandée au Père, lui qui avait dit peu avant : Il

vient le prince de ce monde, c’est-à-dire Satan, mais en moi il ne prend rien. Il a voulu remettre son âme dans les mains du Père, pour

nous enseigner, nous qui sommes terre et cendre. Que nous apprenions à remettre notre esprit aux mains du Père éternel afin qu’il ne

soit appréhendé, alors qu’il sort de notre corps, par le prince de ce monde. Car, hélas ! celui-ci trouverait en nous bien des choses qui

lui appartiennent. Tandis que Lui, qui ne devait rien au péché, bien plus, alors qu’Il était venu pour enlever le péché, a remis son esprit

saint et pur aux mains de son Père, sur le point de sortir de son corps très pur, non point par nécessité mais pour l’exemple.


Le calvaire

Mgr Gaume - Histoire du bon Larron - Chap. VIII, IX, X - Paris 1868

Immédiatement après la Porte judiciaire, commençait le Calvaire proprement dit. Avant de toucher le sol de cette colline, sur

laquelle vont s’accomplir, dans quelques instants, de si prodigieux mystères, entre autres la mort du Fils de Dieu et la conversion

de Dimas, essayons de la décrire. Afin de nous orienter, disons d’abord un mot de la situation de Jérusalem. Cette ville est bâtie

sur une montagne, ayant la forme d’une presqu’île dont les abords, abrupts au nord, à l’est, au sud et même à l’ouest en partie, sont

circonscrits par les vallées étroites et profondes de Josaphat, de Gihon et de Gehenna. Cette montagne a plusieurs sommets de hauteurs

inégales : le plus célèbre est le Calvaire.

Recueillons-nous pour entendre ce que va nous en dire un grand évêque d’Orient, maître illustre de disciples plus illustres encore, saint

Chrysostôme, saint Basile, saint Athanase. « Le Calvaire, dit Diodore de Tarse, faisait partie du mont Moria. Le mont Moria se divisait

en plusieurs collines et monticules. A la partie orientale, était le sommet appelé Sion, où se trouvait la citadelle de David. Près de là,

était Faire ou le champ d’Ornan le Jébuséen, acheté par David, et qui devint l’emplacement du temple de Salomon, comme il est dit

au second livre des Paralipomènes. Une autre partie du Moria, appelée Calvaire, reste hors de l’enceinte de la ville. C’est là que fut

immolé Isaac, et le Christ, figuré par Isaac (1). »

D’autres voyageurs, postérieurs à l’évêque de Tarse, et non moins exacts, distinguent trois cimes dans le mont Moria : la première,

Sion, ainsi appelée à cause de sa hauteur; la seconde, Moria proprement dit; la troisième, Calvaire. A Sion, la cité et la citadelle de

David; à Moria, le temple de Salomon; au Calvaire, le crucifiement du Christ (2).

De nos jours, un savant prélat, Monseigneur Mislin, nous fait connaître le Calvaire en particulier. « Au temps de Notre-Seigneur,

le Calvaire était hors de l’enceinte de la ville et de la Porte judiciaire : c’est là que Notre-Seigneur souffrit., extra portam passus

est. Aujourd’hui le Calvaire est renfermé dans les murs de Jérusalem. Or, par les recherches sur la situation et la circonférence de

l’ancienne ville, il a été démontré que les murs d’alors n’avaient pas la même direction qu’aujourd’hui.

« D’après l’ancienne délimitation, tout l’espace où se trouvent le couvent latin, la plus grande partie du couvent grec et l’église du

Saint>Sépulcre, est en dehors des anciens murs, dont on remarque des restes incontestables près de la Porte judiciaire. Cette partie de

la ville actuelle, où, déjà du temps de Notre-Seigneur, il y avait des jardins, tels que celui de Joseph d’Arimathie, et quelques maisons

isolées, fut, par Agrippa l’Ancien, entourée d’un mur, qui forma la troisième enceinte de Jérusalem. Ce changement eut lieu environ

dix ans après la mort de Notre-Seigneur (1). »

Malgré cette modification superficielle, le Calvaire conserve en lui-même les preuves de son identité et des prodiges dont il fut le

théâtre. C’est ainsi que, malgré les révolutions du globe, la terre garde dans les fossiles, cachésau fond de ses entrailles, la preuve

palpable du récit mosaïque. Gitons seulement le rocher fendu à la mort de Notre-Seigneur : ce rocher se voit encore.

Le célèbre Adricome, qui Pavait examiné, il y a trois siècles, le décrit

en ces termes : « Sur le mont pierreux du Calvaire existe la preuve de la

rupture des rochers. On peut voir la déchirure qui, à la mort de Notre-

Seigneur, se fit à la gauche de sa croix, perpendiculairement au-dessous

de la croix du mauvais larron. Elle conserve encore les traces du sang du

Seigneur. Telle est la largeur de la déchirure, qu’elle peut laisser passer

un corps humain. Elle est si profonde, que les curieux ont vainement

tenté de la sonder. On dirait qu’elle descend jusqu’aux enfers; et que,

comme au larron de la main droite, la route du ciel fut ouverte par la

mort du Rédempteur ; ainsi, par la déchirure de ce rocher fut préparée au

larron de la main gauche, comme autrefois au rebelle Coré, le chemin de

l’enfer (1). »

Comme il vient d’étre dit, le Calvaire est maintenant renfermé dans

l’enceinte de la ville. (...)Avant d’en gravir le sommet, à la suite de Notre-

Seigneur et de ses compagnons de supplice, arrêtons-nous un instant : car

jusqu’au nom de cette colline tout est mystère.

Calvaire, en syro-chaldaïque Golgotha, veut dire Lieu du crâne. D’où

peut venir cette étrange dénomination? Pour le savoir, il faut interroger la

tradition de l’antique Orient. « Elle vient, répond-elle, de ce que le crâne

d’Adam fut déposé au sommet de cette montagne. Lorsque les eaux du

déluge furent au moment d’envahir la terre et de réduire en poudre les os

des hommes, ou de les mêler avec ceux des animaux, Noé recueillit les

ossements d’Adam et les plaça religieusement dans l’arche.


« Après le déluge, il les partagea entre ses fils. A Sem, comme étant l’aîné, il donna la tête du Père du genre humain, et avec elle la

Judée. Soit par l’ordre prophétique de Noé, soit par son inspiration personnelle, Sem ensevelit sur le Golgotha, la tête du premier

Adam, afin que le sang du second Adam donnât la vie au monde, dans le lieu même, où reposait celui qui lui avait donné la mort. De

ce fait la montagne prit son nom de Calvaire, lieu du crâne (1). »

Quelque étonnante qu’elle paraisse au premier coup d’oeil, les plus illustres Pères de l’Orient et de l’Occident n’ont pas hésité à

recevoir cette belle tradition et à s’en faire les interprètes. Outre l’autorité du savant maître de saint Éphrem, que nous venons de

citer, et celle de tant d’autres que nous citerons bientôt, elle s’appuie sur les conseils mystérieux de la sagesse divine et se trouve en

harmonie, soit avec les sentiments de la nature, soit avec les moeurs des anciens patriarches.

« Tous les peuples du monde, dit le savant Masio, ont pris un soin religieux des dépouilles des morts illustres. C’est un sentiment

inné dans l’homme. Aussi nulle part, on n’a traité les ossements ou les cendres des morts, comme des choses profanes et inanimées.

Bien que séparés de l’âme, ils conservent je ne sais quel germe d’immortalité, qui leur laisse une sorte de vie, en attendant qu’ils la

reprennent tout entière, réintégrés dans leur premier état (1). »

Jacob mourant en Égypte, recommande à ses fils de porter ses dépouilles dans la terre promise pour les y ensevelir : il est fidèlement

obéi. En fuyant de l’Égypte, les Israélites n’eurent garde d’y laisser les os de Joseph. Comme un trésor de respect et d’amour, ils les

emportèrent avec eux et les déposèrent à Sichem, dans le champ acheté par Jacob. Disons-le en passant : malheur au peuple qui oublie

ses morts, qui les relègue loin de lui et que leur souvenir paraît importuner !

Aux sentiments de la nature se joignent, en faveur de la tradition que nous voulons constater, les témoignages les plus explicites

des Pères de l’Église. Ils sont si nombreux que nous en citerons seulement quelques-uns. Aux premiers jours du christianisme nous

trouvons Tertullien. « Golgotha, dit le grand apologiste, est le lieu du crâne, c’est pourquoi la langue de nos pères l’appela Calvaire.

Là, nous avons appris que le premier homme fut enseveli. Là, le Christ souffre ; la terre boit le sang expiateur, afin que la cendre du

vieil Adam, mêlée au sang du Christ, soit purifiée par la vertu de l’eau qui coule de son côté (1). »

La tradition qui, dès le second siècle, était populaire en Occident, n’était pas moins répandue en Orient. Contemporain deTertullien,

Origène la constate en ces termes. « Il se dit que le Calvaire n’a pas eu une destination quelconque, mais qu’il a été spécialement

prédestiné à être le lieu où devait mourir Celui qui devait mourir pour tous les hommes. Une tradition venue jusqu’à moi, m’apprend

que le corps d’Adam, le père du genre humain, fut enseveli là où le Christ a été crucifié. Cela s’est fait, afin que, comme tous reçoivent

la mort dans Adam, ainsi tous reçussent la vie dans Jésus-Christ; et que dans ce lieu appelé le Calvaire, c’est-à-dire le lieu du crâne, le

chef de la race humaine trouvât la résurrection avec toute sa postérité, par la résurrection du Sauveur, qui dans ce même lieu souffrit

et ressuscita. »

Saint Augustin est plus explicite. « Écoutez, dit-il, un autre mystère. Le bienheureux prêtre Jérôme a écrit : « J’ai appris avec certitude

des anciens du peu- « pie juif, qu’Isaac fut immolé à l’endroit même où «plustardNotre-Seigneurfut crucifié...»La tradition des anciens

apprend encore que le premier homme, Adam, fut enterré au lieu même où fut fixée la croix du Sauveur. De là, est venu à ce lieu le

nom de Calvaire, parce que le chef du genre humain y fut enseveli.

« Et vraiment, mes frères, il n’y a rien de déraisonnable à croire que le médecin fut élevé là, où gisait le malade ; qu’il était convenable

que là, où était tombé l’orgueil humain, là aussi descendît la miséricorde divine ; et que le sang précieux découlant de la grande

victime, rachetât, par son contact même corporel, la poussière de l’antique pécheur (1). »

Les siècles n’ont point ébranlé cette belle tradition. Dans les temps modernes, les deux plus savants historiens de la Terre Sainte,

Àdricome et Quaresmus, en constatent la perpétuité et en soutiennent l’authenticité (4).

« On croit, dit le dernier, que ce ne fut point par un simple sentiment de piété filiale, mais en vertu d’un ordre laissé par Adam

à sa postérité, que son corps fut enseveli dans la terre de Juda, et

conséquemment placé dans l’arche pour n’être pas détruit par les

eaux du déluge.

« Entre les mystères que Dieu lui avait révélés, le père du genre

humain connaissait le plus grand de tous. Il savait que le Fils de

Dieu, devenu son Rédempteur, daignerait mourir à Jérusalem, sur le

Calvaire. Rien n’est donc plus naturel qu’il ait exigé de ses enfants,

de déposer son corps à l’endroit même où le Christ devait mourir,

afin que, participant au fruit de sa mort, il retrouvât la vie au lieu

même où la mort le tenait captif (2). (...)

Au Calvaire se rattache une autre tradition, non moins belle et non

moins sûre. Nous devons la connaître , afin de gravir la mystérieuse

colline, à la suite de Notre-Seigneur et de ses compagnons de

supplice, entourés du cortège des souvenirs qu’elle rappelle. C’est

sur le Calvaire qu’eut lieu le sacrifice d’Abraham. La tradition est

sûre. Elle a pour fondement l’Écriture et les Pères. « Prenez, dit le

Seigneur à Abraham, votre fils unique que vous aimez, Isaac, et allez

en la terre de la Vision, et vous me l’immolerez en holocauste, sur

une des collines que je vous montrerai (2). »


La terre de la Vision, en hébreu la terre de Moria,, la terre où est le mont Moria. Or, nous l’avons vu, une des cimes du Moria, c’est le

Calvaire. Ajoutons que la situation de la montagne concorde avec le nom. Lorsqu’il reçut l’ordre d’immoler son fils, Abraham habitait

le pays de Gérar. De là, au mont Moria, il y a trois petites journées de marche ; et l’Écriture dit que ce fut le troisième jour qu’Abraham

aperçut la montagne du sacrifice.

Saint Jérôme lui-même affirme que rien n’est plus certain que cette tradition. Non-seulement elle est sûre, mais elle est belle, de

cette beauté ravissante qui brille dans les oeuvres de la sagesse infinie. Par ordre de son père, Isaac gravit la montagne éternellement

mystérieuse, portant le bois de son bûcher. Par ordre de son Père céleste, Notre-Sei- gneur lui-même la gravit, chargé du bois de sa

croix. Par son sacrifice figuratif, le fils d’Abraham marquait, quinze siècles d’avance, le lieu béni, où le Fils de Dieu devait être immolé

en réalité. Pour prix de leur obéissance, Abraham et Isaac reçurent sur cette montagne les plus magnifiques promesses. Pour prix de sa

mort, Notre-Seigneur reçoit, sur le Calvaire, toutes les nations en héritage. Dans quelle histoire profane trouverait-on de semblables

harmonies ?

Les clous dans le crucifiement

Mgr Gaume - Histoire du bon Larron

L’usage des clous dans le crucifiement était tellement invariable, que le savant Gretzer conclut : «Le crucifiement ne peut se

comprendre sans les clous. » Quel était le nombre des clous ? Il fut le même pour les larrons que pour Notre-Seigneur. Rien

n’autorise à supposer le contraire. Or, la tradition des anciens Pères nous dit que Notre-Seigneur fut attaché à la croix, avec

quatre clous : deux aux mains et deux aux pieds. Luc de Tuy, appelé le Salomon de l’Espagne, rapporte et commente le passage suivant

d’innocent III : « Quatre clous transpercèrent le Sauveur. C’est, le témoignage de ce grand vicaire de Dieu, le docteur de l’Église, le

marteau des hérésies Innocent III : « Il y eut, dit-il, dans la Passion de « Notre-Seigneur quatre clous, qui servirent à fixer « les pieds

et les mains. Quoi de plus autorisé que ce témoignage? Quoi de plus vrai que ces paroles, descendues du trône de Dieu, c’est-à-dire

de l’Église romaine, par la bouche sacrée du Père de tous, Innocent ?»

Représenter Notre-Seigneur et les larrons, attachés à la croix avec trois clous, est donc contraire à l’ancienne tradition, et même à la

raison. Comment percer d’un seul clou les deux pieds superposés? Même pour des bourreaux, l’opération paraît difficile. Au contraire,

sans peine elle se conçoit avec quatre clous. Les pieds posés à plat sur le Suppedaneum, pouvaient être facilement transpercés et

solidement fixés avec les clous patibulaires. Ces clous, dont Rome conserve un précieux échantillon, étaient de forme carrée, longs

d’environ cinq pouces, d’une grosseur proportionnée et à tête de champignon.

La hauteur de la croix

Mgr Gaume - Histoire du bon Larron

Ainsi que nous l’avons vu, la hauteur de la croix variait suivant la dignité du coupable. Toutefois, la croix de Notre- Seigneur ne

paraît pas avoir été plus haute que celle des voleurs. (...) Une tradition autorisée donne à la croix du Sauveur quinze pieds de

long, avec des croisillons de huit pieds de large. Cette dimension n’a rien d’invraisemblable. En supposant la croix, enfoncée

d’un pied et demi dans le sol, la tête de Notre-Seigneur, et par conséquent de ses compagnons, se serait trouvée à treize pieds et demi

au-dessus de terre. On peut croire qu’il en était ainsi, puisque pour atteindre à la bouche sacrée du Sauveur, lorsqu’il dit, fai soif : on

fut obligé d’adapter une éponge au bout d’un roseau.



Table des Matières

Éloge de la sagesse - Ecclésiastique, XXIV - Septante

AVANT PROPOS

INTRODUCTION

1 Du Rosaire

Introduction

1-0 De la dévotion à la sainte Vierge - Par un Frère prêcheur

1-1 Le Rosaire dans son essence - R.P Thomas Esser, O. P.

1-2 Qu’est-ce que le Rosaire ? - Par un Frère prêcheur

1-2-1 Quelle est l’origine du Rosaire ?

1-2-2 De l’auteur du Rosaire

1-2-3 Rosaire l’abrégé de l’Evangile

1-2-4 Composition du Rosaire

1-3 Le Rosaire dans sa constitution intime - R.P Thomas Esser, O. P.

1-4 De la Méditation des Mystères du Rosaire - Par un Frère prêcheur

1-5 Le Rosaire sacramentel et arme du peuple - R.P Thomas Esser, O. P.

1-6 Le Rosaire pour nous tenir unis à Dieu et ses effets sur la vie de l’homme - R.P Thomas Esser, O. P.

1-7 Le Rosaire, méthode pour les dire et prière en commun - R.P Thomas Esser, O. P.

2 Éléments de notre religion

Introduction

2-0 Ce n’est pas connaître le christianisme, que de le regarder comme une religion nouvelle

2-0-1 Avant qu’Abraham fût, je suis - Abbé Lhomond


2-1 De l’Incarnation

2-1-1 L’Incarnation de Jésus contenue dans le nom Dieu « Jéhova » יהוה - Paul Drach

2-1-2 Le règne de Dieu par le Verbe - Mgr Gaume

2-1-3 L’Incarnation du Verbe et les Anges - Mgr Gaume

2-1-4 Diviniser la nature humaine - Mgr Gaume

2-1-5 L’Incarnation c’est tout le christianisme - Mgr Gaume

2-1-6 Adam eut la foiexplicite du mystère de l’Incarnation - Mgr Gaume

2-2 De l’eau

2-2-1 Qu’est-ce que l’eau ? : matière primitive, lancée dans l’espace par le Verbe créateur - Mgr Gaume

2-2-2 Le ciel et la terre ont été faits de l’eau - Mgr Gaume

2-2-3 La conservation des êtres n’est que leur création continuée - Mgr Gaume

2-2-4 Honneurs rendus à l’eau - Mgr Gaume

2-2-5 La miraculeuse transformation de l’eau - Mgr Gaume

2-2-6 L’eau, instrument de la plus divine des merveilles - Dom Prosper Guéranger

2-3 Du Baptême

2-3-1 L’homme nouveau - Rupert de Deutz

2-3-2 Un miracle plus grand que la création du ciel et de la terre - Rupert de Deutz

2-3-3 Dans l’eau baptismale s’accomplit un mystère de mort et un mystère de vie - Rupert de Deutz

2-3-4 Le nouvel Adam a voulu être baptisé, pour consacrer notre baptême par le sien - Rupert de Deutz

2-3-5 La perpétuité du mystère - Rupert de Deutz

2-3-6 Va, et lave-toi sept fois dans le Jourdain ; ta chair te reviendra, et tu seras pur

2-3-7 Dans cette eau nous avons disparu comme le Christ dans son sépulcre - Dom Prosper Guéranger

2-4 De la prière

2-4-1 Toute confiance qui n’est pas fondée sur la prière est présomptueuse - R. P. Réginald Garrigou-Lagrange

2-4-2 La prière c'est l'acte d'espérance.

2-4-3 A ceux qui méritent de les recevoir par ceux qui méritent de les distribuer... - Saint Denys L'Aéropagite

2-4-4 De la prière - Catéchisme du concile de Trente

2-4-5 Du Signe de Croix - Mgr Gaume

2-4-6 Isoler l’esprit des choses sensibles - Père Onésime Lacouture

2-4-7 Le Pater

2-4-8 L'Ave Maria

2-4-9 Du Symbole

2-4-9-1 Profession de Foi et d’Espérance chrétienne - Catéchisme du concile de Trente

2-4-9-2 Du Symbole - Saint Augustin

2-4-10 Le Gloria Patri

2-4-11 C’est pourquoi il faut toujours prier - R. P. Réginald Garrigou-Lagrange

2-4-12 L'Oraison - Sainte Thérèse d'Avilla

2-4-12-1 L'Oraison - Dom Jean De Montléon

2-4-13 Méditation sur la prière - Père Avrillon

2-4-14 Méditation sur la prière - Origène

2-4-15 L’Angelus - M. Olier

2-5 De la grâce

2-5-1 La transformation de l’homme en Dieu - Mrg Gaume

2-5-2 De la grâce de Jésus-Christ - Saint Augustin

2-5-3 La fidélité à la grâce - R.P. Réginald Garrigou-Lagrange

2-5-4 Dons du Saint-Esprit - Mrg Gaume

2-6 De la Croix

2-6-1 Dans la voie du calvaire - Dom P. Guéranger

2-6-2 Dieu me garde de me glorifier, si ce n’est dans la croix - Saint Paul

2-6-3 Amis de la Croix - Saint Louis-Marie Grignion de Montfort

2-6-4 La folie de la Croix - Père Onésime Lacouture, s.j

2-6-5 Les louanges de la Croix - Raban Maur

2-7 Du combat chrétien

2-7-1 Vie purgative, vie illuminative, vie unitive - Mgr Darboy

2-7-2 La vie unitive n’est fermée à aucun des états de ce monde - Dom P. Guéranger

2-7-3 La couronne est promise aux vainqueurs - Saint Augustin


2-7-4 Vaincre Satan, c’est vaincre ses passions - Saint Augustin

2-7-5 Tout est gouverné par la divine providence - Saint Augustin

2-7-6 Le Christ assis à la droite du Père - Saint Augustin

2-7-7 Le jugement futur - Saint Augustin

2-7-8 La résurrection de la chair - Saint Augustin

2-7-9 Il faut grandir par la foi - Saint Augustin

2-8 Des Vertus

2-8-1 D

2-8-2 De la Foi

2-8-2-1 Assentiment aux vérités révélées de Dieu - Catéchisme de Trente

2-8-2-2 Je n’ai pas trouvé si grande foi dans Israël - Saint Matthieu

2-8-2-3 Héroïsme de la foi - Dom Prosper Guéranger

2-8-2-4 La foi nous rend maîtres de notre intelligence - Abbé Lémann

2-8-2-5 Je veux être du nombre de ceux que vous avez appelés heureux - Dom Prosper Guéranger

2-8-3 De l’Espérance

2-8-4 De la Charité

2-8-4-1 De la volonté propre - Vén. Père Louis Du Pont de la Compagnie de Jésus

2-8-4-2 Voyez, combien ils s’aiment ! - Tertullien

2-8-4-3 Accueillez-vous donc les uns les autres, pour la gloire de Dieu - Saint Paul

2-8-4-4 La charité ne passera jamais - Saint Paul

2-8-5 De l’Humilité

2-8-6 De la pureté

2-8-7 De la patience

2-8-7-1 Patient jusqu’à la mort - L’Ecclésiastique

2-8-7-2 Job qui signifie le patient et la patience du Christ - Rupert de Deutz

2-8-8 De l’obéissance

2-8-9 De la persévérance

2-8-9-1 De la persévérance - Saint Augustin

2-8-9-2 Attentif à garder sa maison - Père Avrillon

2-8-10 De la douceur

2-8-10-1 La perte de la douceur la perte de Dieu - Saint Denys L'Aéropagite

2-8-11 Du perfectionnement

2-9 De la pénitence

2-9-1 La pénitence est une dette - R.P - Dom P. Guéranger

2-9-2 Dépasser la simple tempérance - R.P - Dom P. Guéranger

2-9-3 Jeuner pour la santé de l'âme - Saint Basile le Grand

2-9-4 La mortification est une espèce de mort - R.P. Avrillon

2-9-5 Pratiques de la religion et de la pénitence - R.P Dom Prosper Guéranger

2-9-6 A propos du jeûne - R.P Dom Prosper Guéranger

2-9-7 Plus particulièrement du Carême - R.P Dom Prosper Guéranger

2-9-8 Mystique du Carême - R.P Dom Prosper Guéranger

2-9-9 Pratique du carême - R.P Dom Prosper Guéranger

2-9-10 Jeûner du péché

2-9-11 Expiation et réparation - R.P Dom P. Guéranger

2-10 Du Martyre

2-10-1 Encore un moment, encore un moment - Origène

2-10-2 Pour ceux qui ne se sentent pas assez forts - Saint Thomas d'Aquin

2-11 De la souffrance

2-11-1 L’Homme de douleur - R.P Dom P. Guéranger

2-11-1 Mes compagnons, ce sont les ténèbres de la tombe - Psaume 88

2-12 De la mort

2-12-1 Ô mort, où est ta victoire ? - Saint Paul

2-12-2 Je conclus qu’il faut mourir... - Pére Avrillon

2-12-3 Jésus a franchi l’espace - Dom Prosper Guéranger

2-12-4 Je suis vivant, et j’ai été mort - Dom Prosper Guéranger

2-12-5 La mort agit en nous, et la vie en vous - Saint Paul

2-13 De la Résurrection

2-13-1 Les deux résurrections des morts - Rupert de Deutz

2-13-2 Si la résurrection de la chair n’avait pas lieu, celle de Jésus-Christ aurait été superflue - Dom Prosper Guéranger


2-14 Du sacrifice

2-14-1 Une âme brisée de regrets est le sacrifice que Dieu demande - Psaume L

2-14-2 Un Prêtre unique pour un sacrifice unique - Saint Paul

2-14-3 Il n’y eut qu’une victime et qu’un seul sacrifice sous le Nouveau Testament - Abbé Louis-Claude Fillion

2-14-4 Nous sommes sanctifiés, par l’oblation que Jésus-Christ a faite, une fois pour toutes - Saint Paul

2-14-5 Le Sacrifice perpétuel - Paul Drach

2-14-6 Du baptême : Mourir et Renaitre ! - Dom Prosper Guéranger

2-14-7 L’Eucharistie préfigurée - Prosper Devaux

2-14-8 Saint Jean-Baptiste et l’Eucharistie – Le mystère de l’Agneau - Prosper Devaux

2-14-9 L’Adoration perpétuelle - Prosper Devaux

2-14-10 L’Eucharistie et l’avenir - Prosper Devaux

2-14-11 Dans la célébration eucharistique, le Christ est-il immolé ? - Saint Thomas d’Aquin

2-14-12 Il faut le sang d’un Dieu - Dom Prosper Guéranger

2-15 Du Divine Amour

2-15-1 Jésus désir être aimé - Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus

2-16-2 Le divin amour de Marie - Père Avrillon

2-16 De l’imitation

2-16-1 Marchez comme les fils de la lumière - Saint Paul

2-16-2 Les premiers imitateurs - Saint Denys l’Aéropagite

2-17 Des Anges

2-17-1 Les anges dans la liturgie - Saint Denys l’Aéropagite

2-17-2 La hiérarchies et son utilité - Saint Denys l’Aéropagite

2-17-3 Ce que la hiérarchie manifeste et propose à l’imitation des intelligences généreuses et chères au Seigneur

2-17-4 Le nom des anges - Saint Denys l’Aéropagite

2-17-5 Dieu s’est communiqué aux créatures par bonté, et que toutes les créatures participent de Dieu - Saint Denys

2-17-6 Les Anges sont appelés à une participation plus excellente, et chargés de transmettre aux êtres inférieurs les secrets

divins - Saint Denys l’Aéropagite

2-17-7 Dieu ne s'est jamais manifesté dans la pureté de son essence, mais toujours sous le voile de symboles créés

Saint Denys l’Aéropagite

2-17-8 Les êtres inférieurs vont à Dieu par le ministère d'êtres supérieurs, et que toute hiérarchie renferme trois degrés

distincts - Saint Denys l’Aéropagite

2-17-9 Le mystère de l'Incarnation fut d'abord annoncé par les Anges, et que le Christ lui-même, dans sa vie mortelle, reçut

les prescriptions de son Père par le moyen des saints Anges - Saint Denys l’Aéropagite

2-17-10 L’ordre des anges - Saint Denys l’Aéropagite

2-17-11 Les natures célestes se divisent en trois ordres principaux - Saint Denys l’Aéropagite

2-17-12 Le premier rang de la hiérarchie angélique - Saint Denys l’Aéropagite

2-17-13 Séraphins, Chérubins et Trônes forment la première hiérarchie - Saint Denys l’Aéropagite

2-17-14 La première hiérarchie des esprits bienheureux est régie par le souverain initiateur - Saint Denys l’Aéropagite

2-17-15 Le second rang de la hiérarchie angélique - Saint Denys l’Aéropagite

2-17-16 Ce que signifient les noms des Dominations, des Vertus et des Puissances - Saint Denys l’Aéropagite

2-17-17 La seconde hiérarchie obtient pureté, lumière et perfection par la première hiérarchie - Saint Denys l’Aéropagite

2-17-18 De quel façon les esprits inférieurs reçoivent la lumière par le moyen des esprits supérieurs

Saint Denys l’Aéropagite

2-17-19 De la dernière hiérarchie céleste - Saint Denys l’Aéropagite

2-17-20 Ce que signifie le nom des Principautés, des Archanges et des Anges, et quelles sont leurs fonctions respectives

Saint Denys l’Aéropagite

2-17-21 Conclusion de ce qui a été dit touchant de l’ordre angélique - Saint Denys l’Aéropagite

2-17-22 Rien n’exclut la possibilité d’un perfectionnement ultérieur - Saint Denys l’Aéropagite

2-18 Les quatre Créations du Saint-Esprit

2-18-1 Introduction au au Saint-Esprit - Saint Jean

2-18-1-1 Charité Substantielle - Rupert de Deutz

2-18-1-2 Le Saint-Esprit procède - Rupert de Deutz

2-18-2 Première création : Jésus-Christ

2-18-2-1 L’homme nouveau - Rupert de Deutz

2-18-2-2 L’écriture sainte : verbe de Dieu - Rupert de Deutz

2-18-2-3 Le Verbe fut fait âme vivante - R.P-Dom P. Guéranger

2-18-2-4 L’image et la ressemblance de Dieu, s’incarne en Jésus-Christ - Rupert de Deutz

2-18-2-5 Le Christ remplace Adam en toute chose - Rupert de Deutz

2-18-2-6 Jésus, rempli du Saint-Esprit - Rupert de Deutz


2-18-3 Deuxième création : La Bienheureuse Vierge Marie

2-18-3-1 Car celui qui me trouve a trouvé la vie, et il obtient la faveur du Seigneur - Livre des Proverbes

2-18-3-2 Mes fleurs donnent des fruits de gloire et d’abondance - Ecclésiastique

2-18-3-3 Marie l’idéal divin - Dom Prosper Guéranger

2-18-3-4 De son fruit Dieu même doit sortir - Dom Prosper Guéranger

2-18-3-5 Jésus-Christ a plut aimé la divine Marie, qu’il n’a jamais aimé aucune créature - Père Avrillon

2-18-3-6 Là où est né l’amour de Marie - Mgr Bossuet

2-18-3-7 Quae est ista ? (Ct VIII, 5). Qui est celle là ? - Saint Louis-Marie Grignion de Montfort

2-18-3-8 Dieu l’époux de la créature humaine raisonnable - Rupert de Deutz

2-18-3-9 La béatitude de la Vierge Marie - Rupert de Deutz

2-18-3-10 Ad Diem Illum Laetissimum - Saint Pie X

2-18-3-11 Vie intérieure de la Bienheureuse Vierge Marie - M. Olier

2-18-3-12 Prédestination de Marie à la dignité auguste de Mère de Dieu - M. Olier

2-18-3-13 Conception et nativité de la Très-Sainte Vierge Marie - M. Olier

2-18-3-14 Présentation et séjour de Marie au Temple - M. Olier

2-18-4 Troisième création : L’Église

2-18-4-1 Du combat contre l’erreur - Dom Prosper Guéranger

2-18-4-2 L’Église corps du Christ - Dom Prosper Guéranger

2-18-4-3 Les justes temples de Dieu - R.P. Réginald Garrigou-Lagrange

2-18-4-4 L’édification du corps du Christ - Saint Paul

2-18-4-5 Parvenir à la perfection de l’âge du Christ - Dom Columba Marmion

2-18-4-6 Pour les temples du Saint-Esprit - Saint Louis-Marie Grignion de Montfort

2-18-4-7 J’habiterai avec vous en ce lieu - Jérémie

2-18-5 Quatrième création : Le Chrétien

2-18-5-1

2-18-5-2

2-19 Dieu

2-19-1 Dieu est simple

2-19-2 Dieu : Intelligence parfaite et toujours en acte - Saint Denys l’Aéoropagite

2-19-3 Conditions de l'éternité - Saint Denys l’Aéoropagite

2-19-4 Dieu est la gnose radicale - Saint Denys l’Aéoropagite

2-19-5 Dieu est la vérité simple et substantielle - Saint Denys l’Aéoropagite

2-19-6 Vivre, c’est agir ou opérer par soi - Saint Denys l’Aéoropagite

2-19-7 Dieu est tout ce qui est, et rien de ce qui est - Saint Denys l’Aéoropagite

2-19-8 L’Écriture révèle Dieu. Par le sensible ne se saisit pas l’intelligible, et encore moins Dieu - Saint Denys l’Aéoropagite

2-19-9 On ne doit touchant dieu dire et penser que ce nous enseigne l’Écriture - Saint Denys l’Aéoropagite

2-19-10 Dieu est tout ce qui est, et rien de ce qui est - Saint Denys l’Aéoropagite

2-19-11 Tous les noms conviennent à Dieu, comme aussi aucun nom ne lui convient - Saint Denys l’Aéoropagite

2-19-12 Les noms des attributs essentiels, des trois hypostases qui ont la même nature - Saint Denys l’Aéoropagite

2-19-13 De la Trinité dans l’homme

2-19-14 Manifestations de la Trinité dans l’homme-Dieu - Saint Augustin

2-19-15 La Trinité présente en nous - R.P. Réginald Garrigou-Lagrange

2-19-16 De l’unité et de l’union

2-19-17 Nier un Dieu, ou en admettre plusieurs, c’est la même chose - R.P. Avrillon

2-19-18 Unité de l’âme - R.P. Avrillon

2-19-19 Union à l’unité essentielle par imitation de la vie divine - Saint Denys l’Aéoropagite

2-19-20 S’unir à Dieu par la hiérarchie - Saint Denys l’Aéoropagite

2-19-21 Qu’on appelle dieux les natures célestes qui sont au-dessus de nous, et même les pieux et saints personnages qui

ornent nos rangs - Saint Denys l’Aéoropagite

2-19-22 Puissance de l’unité - Mgr Darboy

2-19-23 Une union pleine d’ignorance sublime - Mgr Darboy

2-19-24 De l’union de Dieu avec l’homme - Mgr Gaume

2-19-25 Soyons soucieux de l’unité - Dom Prosper Guéranger

2-19-26 Le mystère de l’union divine réalisé dans sa créature - Dom Prosper Guéranger


2-20 De l’âme

2-20-1 La santé de l’âme - Saint Basile le Grand

2-20-2 Âme principe de vie, souffle vital

2-20-3 La science de l’âme est capital dans le christianisme - Dictionnaire de Théologie Catholique

2-20-4 Justin : L’homme, animal raisonnable - Dictionnaire de Théologie Catholique

2-20-5 Tatien : Unir notre âme au Saint-Esprit - Dictionnaire de Théologie Catholique

2-20-6 Athénagore : L’immortalité de l’âme entraine la résurrection du corps - Dictionnaire de Théologie Catholique

2-20-7 Saint Irénée : L’homme mélange de l’esprit, l’âme et le corps - Dictionnaire de Théologie Catholique

2-20-8 Tertullien : Le corporel de l’âme - Dictionnaire de Théologie Catholique

2-20-9 Origène : L’âme doit s’étudier - Dictionnaire de Théologie Catholique

2-20-10 Où en étaient les doctrines chrétiennes sur l’âme au début du IVe siècle ? - Dictionnaire de Théologie Catholique

2-20-11 St Grégoire de Nysse : L’âme fait le corps à son image - Dictionnaire de Théologie Catholique

2-20-12 Saint Augustin : Dieu et l’âme - Dictionnaire de Théologie Catholique

2-20-13 L’âme dans les saintes Écritures

2-20-14 L’âme dans les saintes écritures

2-20-15 Lutte douloureuse entre les tendances de la chair et celles de l’esprit - Saint Paul

2-20-16 L’âme dans la liturgie et dans les prières

2-20-17 Toute notre science doit avouer son impuissance et son infériorité par rapport à nous

2-20-18 L’âme comme acte - Saint Thomas d’Acquin

2-20-19 Définition de l’âme - Saint Thomas d’Acquin

2-20-20 Une seule âme, plusieurs facultés - Saint Thomas d’Acquin

2-20-21 Différence entre l’âme et l’intellect - Saint Thomas d’Acquin

2-20-22 Les organes du corps - Saint Thomas d’Acquin

2-20-23 Différence entre intelligence et sens - Saint Thomas d’Acquin

2-20-24 De la grandeur de l’âme - Saint Augustin

2-20-25 L’âme est un ciel

2-20-26 L’âme royaume de Dieu et de la Sainte Vierge - Saint Louis Marie Grignon de Montfort

2-20-27 Le royaume des cieux est l’assemblée des justes - Dom Prosper Guéranger

2-20-28 L’âme temple de Dieu

2-20-29 Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic - Saint Jean

2-20-30 L’esprit de religion - R.P. Avrillon

2-20-31 Que sont, en effet, nos âmes, sinon le temple de Dieu ? - Dom Prosper Guéranger

2-20-32 Histoire d'une âme - Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus

2-20-33 Du pain bénit - Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

2-20-34 Une cire molle - Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

2-20-35 Vers l'Époux de mon âme... - Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

2-20-36 Le Feu de l'Amour est plus sanctifiant que celui du purgatoire - Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus

2-21 Les derniers temps

2-21-1 Nous avons péché contre vous

2-21-2 Les jours sont mauvais - Saint Paul

2-21-3 Comprendre la volonté de Dieu - Dom Prosper Guéranger

2-21-4 Dieu demande la fidélité à sa vérité, à son Verbe - Dom Prosper Guéranger

2-21-5 Annoncer le saint Esprit de crainte du Seigneur pour le moment de la résurrection - Rupert de Deutz

2-21-6 Je ne suis pas venu apporter la paix sur terre - Saint Matthieu


3 Rosa Mystica

3-0 Introduction

3-1 Mystères Joyeux

3-1-1 L’Anonciation

3-1-2 La Visitation

3-1-3 La Nativité

3-1-4 La Présentation

3-1-5 Le Recouvrement

3-2 Mystères Douloureux

3-2-1 L’Agonie

3-2-2 La Flagelation

3-2-3 Le Couronnement d’épines

3-2-4 Le Portement de la Croix

3-2-5 Le Crucifiement

3-2-5-1 Introduction - Hoc Est Enim Corpus Meum

3-2-5-2 Texte de l’évangile

3-2-5-3 Relation avec l’ancien testament

3-2-5-4 Ces deux bras qui se sont étendus - abbé Joseph Lémann

3-2-5-5 Relation avec l’évangile

3-2-5-6 Les 7 dernières parole de Jésus sur la croix

3-2-5-7 Les douleurs de cette Mère bien-aimée - M. Olier

3-2-5-8 Les 7 paroles du Christ en croix - Saint Bonavanture

3-2-5-9 Le calvaire - Mgr Gaume

3-2-5-10 Les clous dans le crucifiement - Mgr Gaume

3-2-5-11 La hauteur de la croix - Mgr Gaume

3-3 Mystères Glorieux

3-3-1 La Résurection

3-3-2 L’Ascension

3-3-3 La Pentecôte

3-3-4 L’Assomption

3-3-5 Le Couronnement de gloire

4 Table des Matières

5 Liste et présentation des auteurs

6 Bibliothèque numérique

7 Index Icônographique


Liste et Présentation des auteurs

Saint Louis Marie Grignon de Montfort

Abbé Lhomond

Paul Drach

David Drach, devenu Paul-Louis-Bernard Drach après son baptême, dit aussi Le Chevalier Drach (titre de noblesse pontifical), né le 6 mars 1791 à Strasbourg,

et mort fin janvier 1865 à Rome, est un ancien rabbin français d’origine alsacienne converti au catholicisme. Il travailla pour le pape et fut bibliothécaire de la

congrégation pour la propagation de la foi à Rome.

Saint Jean

Saint Pierre

Mgr Gaume

Dom Prosper Guéranger

Rupert de Deutz

Père Jean Baptiste Elie Avrillon

Né en 1652 et mort en 1729 à Paris, le Père Avrillon est un religieux prédicateur d’une grande éloquence de l’ordre des Minimes. Il est l’auteur d’un grand nombre

d’ouvrage de morale et de piété.

R. P. Réginald Garrigou-Lagrange

Saint Denys L’Aéropagite

Converti par Saint Paul, Évêque de Paris, Patron de la France, patron particulier des rois de France, auteur de traités mystiques, les noms divins, la hiérarchie

céleste, saint Denys l’Aéropagite est mentionné au verset 34 du chapitre 17 des Actes des Apôtres.

Père Onésime Lacouture

Né le 13 avril 1881 à Saint-Ours-sur-le-Richelieu, mort en 1951, est un père jésuite, connu pour avoir initié au Canada français un mouvement spirituel nommé

lacouturisme, assimilable à un perfectionnisme religieux.

Saint Augustin

Sainte Thérèse d’Avilla

Dom Jean De Montléon

Origène

Tertulien

Saint Cyprien de Carthage

Jean Jacques Olier de Verneuil dit Monsieur Olier

Né en 1608 et mort en 1657 à Paris. Curé de la paroisse où il fonde le célèbre séminaire saint Sulpice, Monsieur Olier crée un modèle sulpicien qu’il diffuse à travers

la France. Il est rejoint par Saint Jean Eude qui donne des cours au séminaire avant que de fonder le sien à Caen.

Eusèbe de Césarée

Né en 265 et mort en 381 a Césaré en Palestine, évêque de cette même ville en 315, il est tout d’abord le collaborateur de Pamphile, qui avait recueilli et enrichi

la bibliothèque léguée par Origène. Auteur de la première Histoire de l’Église, des Martyrs de Palestine, des démonstrations évangéliques et de La préparation

évangélique montrant que le triomphe de l’Église est un phénomène historique préparé depuis des siècles.

Saint Paul

De la tribu de Benjamin, Saül né à Tarse vers l’an 3 quand Paul meurt à Rome en 67. Il est le représentant marquant de l’Église de Jésus-Christ qui trouve ses

fondements dans la Synagogue et se poursuit dans l’Église romaine. Génie, héros, le grand Apôtre, l’Apôtre des gentils a voué sa vie à Jésus-Christ après en avoir

persécuté les fidèles, en tant que pharisien. «Si les épitres de saint Paul traitent admirablement du dogme et de la théologie mystique, elle ne savent pas moins proposer

et discuter les questions pratiques, ou répondre aux difficultés de la vie quotidienne, qu’elles tranchent avec une hauteur de vue et une netteté remarquables.» (abbé

Fillion)

Raban Maur

Élève d’Alcuin à Tours, écolâtre, puis chancelier en 812, et abbé (de 822 à 842) de la grande abbaye bénédictine de Fulda, enfin archevêque de Mayence de 847 à

sa mort. Ami de Lothaire, attaché à l’idée impériale, Raban Maur est l’un des grands noms de la renaissance carolingienne.


Liste et Présentation des auteurs

Mgr Darboy

Abbé C.-J. Busson

Saint Matthieu

Abbé Lémann

Vén. Père Louis Du Pont de la Compagnie de Jésus

Saint Basile le Grand

Saint Thomas d’Aquin

Abbé Louis-Claude Fillion

Prosper Devaux

Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus

Saint Bonaventure

Mgr Bossuet

Saint Pie X

Dom Columba Marmion

Saint Luc

Saint Marc

Thomas A Kempis

Saint Jean Chrysostome

Saint Jean Eude

Bibliothèques numériques

Nous tenons à remercier vivement tous ceux qui ont réalisé le travaille de numérisation de nombreuses œuvres et qui les ont porté à

la connaissance de tous. Que Dieu les bénisse. Bien évidement la liste n’est pas exhaustive.

http://jesusmarie.free.fr/

http://archive.org/

http://www.liberius.net/

https://www.bibliotheque-monastique.ch/

https://gallica.bnf.fr

https://livres-mystiques.com/

https://books.google.com/


Index icônographique


Page 1 >The Garden of Eden / Le Jardin d’Eden – Tapisserie anglaise sur soie du XVIe siècle – The Metropolitan Museum of Art – New York

Page 60 > Carte de la Palestine et de Jérusalem – Gravure de Jules Millian – Bible d’Eugène de GENOUDE – Paris 1838



Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!