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Crumb Magazine 14

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TRISTESSE<br />

CONTEMPORAINE<br />

friends<br />

- www.crumb.fr -<br />

HOT CHIP<br />

BERTRAND<br />

BURGALAT<br />

KINDNESS<br />

MINA<br />

TINDLE<br />

ROVER<br />

AIR WANKERS<br />

BARBARA CARLOTTI<br />

<strong>Magazine</strong> numérique à feuilleter


+ CRUMB #<strong>14</strong><br />

<strong>Crumb</strong> magazine - 40, rue Notre-Dame de Nazareth 75003 Paris<br />

DIRECTEUR DE LA REDACTION. Thomas Carrié<br />

COORDINATEUR DE LA REDACTION. Brice Portolano<br />

RELATIONS PUBLIQUES Laurie Cassagnes<br />

EQUIPE DE REDACTION / TEXTES Elsa Launay, Marie<br />

Polo, Elen Huynh, Bastien Internicola, Anne-<br />

Louise Sevaux, Camélia Mohamed, Tina<br />

Moeglin, Margaux Canac, Laurie Cassagnes,<br />

Arthur Pillu-Perrier, Charline Buda, Paul<br />

Bousquet, Théo Moncassin, Thomas Carrié<br />

PHOTOGRAPHIES. François Berthier, Fabien<br />

Pochez, Diane Sagnier, Brice Portolano,<br />

Ludovic Zuli, Pauline Darley, Maxime Stange,<br />

Salomé Jartoux, Camille Anne-Louise Gorin<br />

DESSINS ET ILLUSTRATIONS. Uberkraaft, Henrietta<br />

Harris, vtwCr et les graphistes du site<br />

www.famousdeadclothing.co.uk<br />

ONT CONTRIBUE A CE NUMERO Noémie Kressmann,<br />

Tina Moeglin, Margaux Canac, Marie Polo et<br />

les équipes du site 1disque1jour.com, Clémznt<br />

Puig, Bebopix et Fabrice Labit (photographies)<br />

CORRESPONDANTES A L’ETRANGER Wendy Huynh<br />

(Londres), Jennifer Païs (Québec), Roxane<br />

Auriel (Espagne), Miranda Bleiddian<br />

(Helsinki)<br />

EGALEMENT MEMBRES DE LA REDACTION Brice<br />

Bossavie, Cyrus Goberville, Krystian Carrié,<br />

Stéphane Bourbon de Penthièvre, Adrien<br />

Petrache, Jérémie de Gueltzl, Lola Pillu-<br />

Perrier, Jérémy Leclerc<br />

PHOTOGRAPHIE DE COUVERTURE. Diane Sagnier pour<br />

<strong>Crumb</strong> magazine (Electric Guest w/ Because<br />

Music)<br />

contact-redaction@crumb.fr<br />

FONDATEUR ET DIRECTEUR DE LA REDACTION<br />

AVEC LE SOUTIEN DE NOS PARTENAIRES. ARTE<br />

(service des actions culturelles), France 5,<br />

RADIO NOVA, VP Greensleeves Records,<br />

Street Tease, Universal Music, Sony Music,<br />

Because Music, Cinq7, Polydor France, La<br />

Flèche d’or (Paris), Tammy and Benjamin,<br />

Faguo Shoes,Phenüm, Pias France, l’agence<br />

Waaa, Le Charivari, Snatch magazine,<br />

Brain magazine, Atmosphériques, Tôt ou<br />

Tard, Record Makers, Excuse My French,<br />

Cooperative Music, Cracki Records,<br />

Believe Digital, CanalStreet,<br />

MyMajorCompany<br />

UN GRAND GRAND MERCI A Emilie Butel<br />

(Because Music), Elisabeth Lavarenne, Eric<br />

Marjault (Cinq7), Michele Marcolungo,<br />

Quentin Vacheri (Coop Music), Elsa<br />

Launay, les équipes du festival de Dour,<br />

Cécile Di Salvo, Maud Pouzin, Audrey<br />

Bouc, Judith Giacommetti, Netta<br />

Margulies, Florence Kovalesky, Brigitte<br />

Batcave, Axelle Giraud-Carrier, Camélia<br />

Mohamed, Lucas Sorel, Théo Haggai<br />

& Garance Moreau Champfleury<br />

NOUS TRAVAILLONS A CE QUE VOUS PUISSIEZ TENIR<br />

RAPIDEMENT ENTRE VOS PETITES MAINS UNE VERSION<br />

IMPRIMEE DU MAGAZINE. POUR NOUS AIDER, PENSEZ A<br />

LE FAIRE CONNAÎTRE AUTOUR DE VOUS ET A LE<br />

PARTAGER !<br />

<strong>Crumb</strong> - E.I.R.L au capital variable. Parution<br />

bimestrielle : 6 numéros par an.<br />

<strong>Crumb</strong> est une marque déposée. La reproduction même<br />

partielle des articles, textes et photographies parues dans<br />

ce numéro est interdite sans autorisation écrite préalable<br />

du représentant légal. La rédaction n’est pas responsable<br />

des textes, illustrations, photos et dessins publiés qui<br />

engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. Les<br />

documents reçus ne sont pas rendus et leur envoi implique<br />

l’accord de l’auteur pour leur libre publication.<br />

PROPULSE NUMERIQUEMENT PAR ISSUU<br />

INCORPORATION<br />

Si vous trouvez des fautes d’orthographes dans les pages de ce<br />

numéro, merci de ne pas les regarder et surtout de nous excuser.<br />

www.crumb.fr


+ SOMMAIRE<br />

INTERVIEWS<br />

Air Wankers ………………..………………..…………………....p. p. 22<br />

Soko ……………….………………..…………..… p. 36<br />

Electric Guest …………………………………..……..……..p. p. 44<br />

Hot Chip ………………………………..………….…..p. p. 36 52<br />

Barbara Carlotti ………………………………..………..…….p. p. 56 58<br />

Kindness ………………………………..………..........p. p. 60 68<br />

Bertrand Burgalat …………………………..………..……….…..p p. 72<br />

Friends………………………………………………….p. p. 80 94<br />

Rover …….…………………………………………….p. p. 80 104<br />

Mina Tindle…….…………………………………………….p. p. 110 80<br />

CHRONIQUES ET BILLETS<br />

Willy Moon…………………….……………..................... p. 13<br />

Darius…..………………………………..……….…....p. p. 12 <strong>14</strong><br />

Tristesse Contemporaine ………………..………..……………..p. p. 18 1<br />

Tous Ego…. ………………………………..…..……..p. p. 1 20<br />

Nuit d’été …………………………………………………….. p.103<br />

Second Tour …………………………………………………….. p. 108<br />

Festivals /…………………………………………………….. p. 1<strong>14</strong><br />

Le mot de la fin : Arthur ……………………………………….. p. 132<br />

BONUS MUSIQUE<br />

La sélection du site 1disque1jour.com …………………..p. p. 134 116<br />

SERIES PHOTOS ET ILLUSTRATIONS<br />

Famous Dead Clothing………………………………… p. 30<br />

Anastasia, par Salomé Jartoux …………………………….….. p. 60<br />

A Ride In La Havana, par Brice Portolano ………………….….. p. 80<br />

Araw, par Ludovic Zuili …………………………….…..p. p. 116<br />

44


C’est une musique qui n’existait jusqu’alors pas, et qui<br />

risque de ne décevoir personne. Puisqu’il y a dans le projet<br />

de Willy Moon des influences multiples, variées et<br />

inédites. C’est sans doute le rockabilly qui domine.<br />

Engoncé dans un stricte costume So fifties, Willy Moon<br />

fait tourner les jupes, et saccade la danse par une<br />

rythmique électro/soul solide et maitrisée. Les hanches se<br />

balancent alors au rythme de percussions venues<br />

d’ailleurs. Sa voix à lui, c’est celle de James Brown, son<br />

univers, celui des années cinquante un peu chic. Le<br />

mélange est détonnant, la danse n’en est que plus folle.<br />

Son image est jusqu’à présent parfaitement parfaite et<br />

maitrisée. Ses trois clips nous le présentent comme un<br />

jeune néo-zélandais de 21ans, rasé de près, à la posture<br />

droite et élégante.<br />

C’est en 2008, alors qu’il quitte son île natale pour<br />

découvrir Londres, que Willy Moon commence à<br />

s’intéresser à la musique. Et c’est une réussite, l’année il<br />

livrera d’ailleurs une première version d’I Wanna Be Your<br />

Man.<br />

WILLY MOON<br />

Aujourd’hui dans un clip en noir et blanc, il crie à qui veut<br />

bien l’entendre (et il semble y avoir du monde...) qu’il<br />

veut « être ton homme », une accroche So British,<br />

scandaleuse à souhait, qui faisait déjà craquer les fans des<br />

Beatles au siècle dernier. Ce jeune homme semble<br />

maitriser la séduction autant que la musique ! Prometteur<br />

donc, pour autant ne cherchez pas de jeu de mots sur le<br />

thème de la lune, nous n’en ferons pas !<br />

On parle d’un album pour l’année en cours, d’une tournée<br />

entre l’Europe et la Nouvelle Zélande. D’ici là, nos soirées<br />

ne seront rythmées que par ces quelques vidéos, déjà trop<br />

visionnées... A suivre et découvrir.<br />

■ Anne-Louise Sevaux<br />

Willy Moon – I Wanna Be Your Man (EP) / 2012<br />

Label : Universal Music Division Barclay -<br />

www.wilymoon.com


Concernant la scène électronique française, 2012 se<br />

présente peu à peu comme un millésime. Après<br />

l’excellent EP - Down The Road des C2C en début<br />

d’année, c’est au tour d’un jeune bordelais d’haranguer<br />

les foules. Darius aka Terence N’Guyen crée la bande<br />

son de l’été en sortant son premier EP, Velour.<br />

Le Velour, c’est cette matière noble, chaude et<br />

sensuelle qui se décoiffe dès qu’on l’érafle.<br />

D’apparence sensuelle avec des titres béats comme<br />

Falling In Love ou Dans Tes Yeux, la musique de<br />

Darius se révèle très vite remplie de ces petites<br />

aspérités charmantes que l’on ne ressent qu’avec les<br />

doigts. Armé de ses samplers, Terence N’Guyen a créé<br />

une bulle synthétique, remplie de sable chaud, de<br />

surfeurs photoshopés et de nanas intellectuelles en<br />

bikini, pimbêches aux yeux clairs de la côte Atlantique,<br />

toujours plus blondes, toujours plus bonnes. Une carte<br />

postale de fin d’après-midi où les corps naïfs et satinés<br />

côtoient du bout de l’orteil les écumes bleues nuit dans<br />

un soleil couchant. Ces corps qui se meuvent sous les<br />

synthétiseurs hypnotiques et finissent par se désosser<br />

sous les beats funky. Des sonorités french-touch très<br />

90’s qui ne sont pas sans rappeler les débuts des Daft<br />

Punk et leur Homework !<br />

En bref, cet EP est un hymne à cette belle saison qu’est<br />

l’été : ses Road Trip, ses afterworks éthyliques en<br />

terrasse et ses plans dragues éphémères de gros lourd<br />

qui ne reste qu’une semaine. Que dire de plus ? Bonnes<br />

vacances, vous les avez bien méritées.<br />

Ecouter l’EP :<br />

■ Paul Bousquet<br />

Darius – Velour (EP) / 2012<br />

Label : Shiny Disco Club<br />

www. soundcloud.com/dariusofficial


TRIS-<br />

TESSE<br />

CONTEMP<br />

ORAINE<br />

D’apparence cosmopolite, nos métropoles sont<br />

rapidement devenues tentaculaires. Erigeant les<br />

fantômes et le sang versé en statues, portant les<br />

cicatrices des époques, nos villes contemporaines<br />

reflètent le poids des combats. Les combats<br />

triomphants de nos idéaux démocratiques sur la<br />

sauvagerie, le poids des âmes écorchées.<br />

Cet héritage culturel que l’on balaie par habitude, d’un<br />

revers de main chaque matin en se rendant au bureau<br />

prend une toute autre ampleur avec des yeux étrangers.<br />

Ce n’est qu’à l’étranger que l’on prend le temps de<br />

s’enivrer de l’histoire pour essayer de capter<br />

l’ambiance, la culture, les mimiques, ce n’est qu’à<br />

l’étranger que l’on mesure le poids du passé.<br />

Malgré son patronyme français, Tristesse<br />

Contemporaine est un groupe d’exilés venus poser<br />

leurs valises à Paris. Narumi est japonaise, Léo est<br />

suédois et Maik est anglais et accessoirement, le<br />

chanteur d’Earthling.


Assommés par le poids de l’histoire et assoiffés de<br />

comprendre l’époque dans laquelle ils vivent, Tristesse<br />

contemporaine érige un constat froid et métronomique<br />

manière de The XX en 2009. C’est sensiblement la<br />

même ambiance nocturne qui se dégage de cet album.<br />

Une voix trip-hop feutrée et fatiguée, des chœurs<br />

cotonneux, une ligne de basse omniprésente, des<br />

références communes - Joy Division, The Cure, mais<br />

aussi une pointe de modernité grâce à la production<br />

léchée de Pilooski qui trace le sentier de nos oreilles<br />

via une mise en relief des basses, permettant de se<br />

retrouver dans ces sonorités brumeuses et entêtantes.<br />

Tristesse Contemporaine érige le constat vaporeux et<br />

hypnotique d’une génération nombriliste qui se perd<br />

dans les dédales de ses pensées nocturnes, une<br />

génération de fourmis grandiloquentes et déracinées<br />

qui se réveillent tous les matins avec la gueule de bois.<br />

Un univers que les milieux branchés, adeptes des<br />

énergies froides, se sont empressés d’incorporer<br />

notamment avec «I Didn’t Know» qui rythma le<br />

dernier défilé Chanel. Un excellent disque en somme,<br />

parsemé de volutes d’opium, lorgnant plus du côté<br />

narcotique que mélancolique. Foncez. !<br />

Ecouter l’EP :<br />

■ Paul Bousquet<br />

Tristesse Contemporaine – Tristesse Contemporaine /<br />

2012 - Label : Pschent<br />

www. soundcloud.com/tristesse-contemporaine


TOUS EGO Le<br />

Illustration : Henrietta Harris<br />

billet d’humeur de Margaux


Comme le disait ce très cher et regretté Raymond<br />

Devos : «Mesdames et messieurs ... Je vous signale<br />

tout de suite que je vais parler pour ne rien dire. Oh! Je<br />

sais! Vous pensez : "S'il n'a rien à dire ... il ferait mieux<br />

de se taire!" Evidemment ! Mais c´est trop facile! Vous<br />

voudriez que je fasse comme tous ceux qui n´ont rien à<br />

dire et qui le gardent pour eux? Eh bien non!<br />

Mesdames et messieurs, moi, lorsque je n'ai rien à dire,<br />

je veux qu'on le sache! Je veux en faire profiter les<br />

autres! Et si, vous-mêmes, mesdames et messieurs,<br />

vous n´avez à rien dire, eh bien, on en parle, on en<br />

discute!»<br />

C’est tout à fait mon cas. Je n’ai aucune légitimité à<br />

m’exprimer mais j’en ai envie. Je veux partager.<br />

Le syndrome de narcisse nous a tous atteint mes amis.<br />

Pour le pire et pour le meilleur. Mégalomanes,<br />

égocentriques, nombrilistes et égoïstes sont rois. Les<br />

altruistes se font rares. A la recherche du bonheur et du<br />

bien-être avant tout. Ne dépendre de rien et surtout de<br />

personne. Nous et seulement nous. Quelle noble cause.<br />

Nous sommes en représentation. Tout le temps. On<br />

s’adapte, on veut le consensus, on veut marquer.<br />

Autant de paradoxes que d’absurdités. Dans un monde<br />

de masse, il faut se démarquer; tout en plaisant au plus<br />

grand nombre. Un jeu d’enfant. Le pathos de la<br />

différence à l'unisson.<br />

Facebook et réseaux sociaux offrent un bel exemple de<br />

cette idée : je poste, on like, je me sens populaire, je<br />

suis beaucoup plus cool que dans mon poste précédent.<br />

Youpi. «Faire le buzz», quelle jolie expression, telle<br />

l’abeille, on buzz. Mais ce n’est pas un peu agaçant<br />

une abeille qui buzz dans nos pauvres oreilles? Je tiens<br />

un bon truc, je vais peut-être le poster.<br />

J’ai le sentiment d’appartenir à un monde (je vois<br />

grand) dans lequel chacun fait tout pour «se faire<br />

mousser», se rendre différent. A tous vouloir la même<br />

chose, on devient tout le monde.<br />

Je dénombre 4 catégories de personnes comportant ces<br />

caractéristiques : ceux qui s’assument, dont l’arrogance<br />

dépasse toutes «les bornes des limites»; ceux qui se<br />

retranchent dans une fausse modestie à la recherche<br />

désespérée du compliment et les mythomanes. - Je ne<br />

m’épancherai pas sur ce dernier cas, le temps, l'énergie<br />

et mes connaissances ne suivent pas. Si vous ne vous<br />

retrouvez dans aucune de ces trois catégories, c’est que<br />

vous appartenez au commun des mortels : bravo - ou<br />

pas, ça dépend de quel côté vous vous placez. LE<br />

COMMUN DES MORTELS? ÊTRE NORMAL? OH<br />

MON DIEU QUELLE HORREUR ! «Autant ne pas<br />

vivre sur cette terre» « je préfère manger des<br />

excréments de chevaux pour le restant de mes jours<br />

plutôt qu’être comme les autres». MAIS C’EST QUI<br />

LES AUTRES? «Non, parce que tout le monde pense<br />

ça» : il y a ceux que ça rassurent de se cacher derrière<br />

la foule, c’est beaucoup plus facile pour affirmer son<br />

opinion. D’ailleurs, c’est cocasse d’utiliser ce genre<br />

d’expression dans un contexte où il ne faut SURTOUT<br />

PAS, OH NON! OH GRAND JAMAIS! faire comme<br />

tout le monde.<br />

Il paraît même que le pervers narcissique utilise<br />

souvent cette phrase, ironie quand tu nous tiens. Ce<br />

pervers narcissique d’ailleurs, on ne deviendrait pas<br />

tous un peu pervers narcissique? OH NON MON<br />

DIEU CELA VOUDRAIT DIRE QUE L’ON FAIT<br />

COMME TOUT LE MONDE. Je retire ce que je viens<br />

de dire. Il est triste ce pervers narcissique, il fait du mal<br />

en plus. Bim bam boum. Il rend fou celui-là. On<br />

l’oublie. Jusqu’à la prochaine. Enfin bref, vous tous,<br />

les narcisso/égocentro/nombrilistes, ça va pas ou quoi?<br />

Vous pensez jamais aux pauvres «commun des<br />

mortels»? - je n’ai pas la prétention de m’inclure dans<br />

cette fabuleuse et fantasmagorique (oui oui) quatrième<br />

catégorie. Assumez ce que vous être, looser ou cool,<br />

les loosers sont cools. Et inversement. On ne vous<br />

aimera pas plus parce que vous voulez être cool. C’est<br />

antinaturel. Et dans une époque écolo, on aime la<br />

nature.<br />

Pourquoi avoir peur du jugement des autres lorsque<br />

nous sommes sincères ? Nous nuisons à notre<br />

spontanéité par crainte de ne pas être aimé. Nous<br />

manquons foncièrement d'honnêteté, cruellement de<br />

courage. Quel genre de plaisir pouvons-nous avoir<br />

dans ce genre de relation ?<br />

Fini l’empathie ! On ne se comprend plus, on s’écoute<br />

d’abord. Le bonheur intra-personnel avant tout. On en<br />

oublie les principes d’amour, d’amitié, on est tellement<br />

centrés sur nous même qu’on manque l’essentiel. Il est<br />

pourtant pas mal l’essentiel. Tout est une question<br />

d’équilibre. La balance se renverse. Il faut voir et se<br />

faire voir. On parle pour dire ce qu’il faut dire à CET<br />

instant. On se crée une image. Nous sommes des<br />

truands sociaux, des Christophe Rocancourt des temps<br />

modernes. Il s’agit de jouer des rôles, de s’adapter à<br />

chaque moment. Mais qui sommes-nous? A force de<br />

s’adapter, on s’oublie complètement. Un moule ? Hop,<br />

vite, sautons! Préconçus. Tout le monde y passe :<br />

pseudos intellectuels, pseudos névrosés, pseudos<br />

heureux, pseudos! pseudos! pseudos ...! Nous sommes<br />

des pseudos, des statuts Facebook.<br />

Prenez du recul. Regardez-vous.<br />

■ Margaux Canac


On dit souvent que 90% de ce que l'on doit savoir<br />

d'un artiste se trouve dans son album. Après avoir<br />

suivi pendant plusieurs mois les deux jeunes<br />

bordelais du duo AIR WANKERS à travers leur<br />

page Soundcloud, nous avons voulu savoir ce qu'il<br />

en était des 10% restant, histoire de confirmer ce<br />

qui nous semblait être un coup de cœur. Nous leur<br />

avons donc donné rendez-vous. Rencontre.<br />

+<br />

En vous suivant depuis quelques temps maintenant,<br />

on constate une réelle évolution en écoutant Waves<br />

Empire. Avez-vous travaillé vos dernières tracks<br />

différemment, que ce soit en termes d'investissement,<br />

de technique … ?<br />

Effectivement nous nous sommes d’avantage investis<br />

pour cet EP là que pour Wall of Sound pour lequel les<br />

sons étaient plus électro, plus saturés, moins subtils,<br />

plus bruts. En fait, nous n’étions même pas sûrs de<br />

vouloir sortir W.O.S. Après réflexion, nous avons réuni<br />

quelques productions faites au cours de l'année et nous<br />

les avons sorties dans le but de pouvoir lancer la<br />

machine, avoir le sentiment de passer un cap quant à<br />

l'évolution de notre projet musical. Sur ce second EP,<br />

nous avons essayé de construire des morceaux plus<br />

complexes en essayant de travailler un peu plus sur des<br />

sons que nous avons enregistrés (guitare, voix...) pour<br />

obtenir des morceaux plus personnels, plus « AIR<br />

WANKERS » quoi (rires) Nous avons aussi développé<br />

l'aspect technique pour que les morceaux soit plus<br />

sympas à écouter.<br />

Les duos : on en connaît, on en entend, on peut en<br />

citer un bon nombre dans votre milieu, mais ce qui<br />

est intéressant, c'est de savoir de quelle manière on<br />

crée lorsqu'on est deux et qui fait quoi ?<br />

Maxime: Pour l'instant, Alex s’occupe de la production<br />

et des arrangements ...<br />

Alexandre: En fait, vous voulez savoir qui porte la<br />

culotte chez A.W (rires) ! Plus sérieusement, je<br />

m’occupe effectivement de la production “technique“,<br />

mais Max a son importance dans le processus. Il<br />

permet d'avoir du recul sur les ébauches et greffe ses<br />

idées. C'est cette complémentarité qui nous permet<br />

d'avancer. On ne finit jamais un morceau sans être<br />

d'accord à 100% et surtout, on ne sample jamais<br />

(hormis certains vocaux comme pour The Alley).<br />

Vous êtes dans une optique plutôt autonome donc…<br />

C’est vraiment ça ! Nous sommes tous deux<br />

autodidactes, nous faisons tout chez nous avec nos<br />

propres moyens sans jamais faire appel à des<br />

professionnels. Du coup nous sommes obligés de<br />

travailler davantage pour arriver à un résultat correct.<br />

Le plus dur, c’est d’avoir assez de self-control pour ne<br />

pas balancer le studio, l’ordi et le chat -ou le lapin- par<br />

la fenêtre quand on vient de passer dix heures à mixer<br />

des pistes et qu’il faut tout recommencer.<br />

Waves Empire sonne beaucoup plus radical et<br />

déployé, moins nerveux que Wall Of Sound mais il y<br />

a toujours cet aspect "Headbang". Il est quand même<br />

complexe de vous définir un style, de vous mettre<br />

dans une case… Pensez-vous que c'est aussi un<br />

moyen de capter et de retenir l’attention ?<br />

Ce qui nous intéresse avec AW, c'est d'essayer de créer<br />

quelque chose d'original, dans notre propre style. On<br />

n’a jamais cherché à rentrer dans les tendances.<br />

Grâce au regroupement de diverses influences, autant<br />

musicales que cinématographiques et le fruit de notre<br />

complémentarité, nous sommes assez naturellement<br />

arrivés à créer notre propre univers : un son un peu<br />

hybride, une synthèse entre rock 70/90 et électro, sans<br />

pour autant se rattacher aux styles que l'on connaît.<br />

Pour ce qui est de la case, on espère que les gens qui<br />

écoutent de la musique, écoutent d'abord un son avant<br />

de lui étiqueter un genre mais nous avons constaté que<br />

ceux qui nous écoutent sont plus ou moins déjà issus<br />

d’un univers électro/rock.<br />

D’ailleurs, n discutant avec pas mal de personnes sur<br />

leurs goûts musicaux, on s'est rendu compte d’un truc<br />

assez paradoxal : ils ont accès à tout mais ne<br />

plébiscitent pratiquement que les classiques.


Par moment, l'écoute de certains titres peut générer<br />

une quantité d'images, une incitation au voyage,<br />

quasiment proche d’un travail de B.O. …<br />

Ce n'est pas volontaire mais c'est vrai qu'on nous dit<br />

souvent que nos sons correspondraient bien à des<br />

musiques de films. D'une manière générale, il y a une<br />

corrélation entre sons et images et tant mieux ! Ces<br />

deux univers nous parlent beaucoup. Le clip de<br />

Backbone met bien en image le morceau, il reste fidèle<br />

à notre univers tout en lui donnant du relief. Nous<br />

espérons pouvoir renouveler rapidement cette<br />

expérience, excitante et satisfaisante.<br />

Vous n'avez pas peur que le clip constitue une limite<br />

à l’imagination ?<br />

Une mise en image est rarement assez forte pour la<br />

bloquer ou la limiter. Les gens qui regardent un clip<br />

après avoir écouté le même morceau ont déjà chacun<br />

leur interprétation du son ainsi que leurs propres<br />

images. Bien au contraire, mettre en image permet de<br />

montrer ce que nous avons voulu faire passer avec<br />

notre morceau et de les laisser imaginer d'autres choses<br />

à partir de ça.<br />

Nous appartenons à cette même génération ayant le<br />

choix entre la gratuité ou l’achat. Avec vos jolies<br />

pochettes, vous allez bientôt envoyer votre public chez<br />

le disquaire ou allez-vous continuer à lâcher vos<br />

morceaux gratuitement ?<br />

La gratuité est volontaire. Nous avons été démarchés<br />

par quelques labels qui nous proposaient de distribuer<br />

notre musique sur des plateformes commerciales, ce<br />

qui ne nous intéresse absolument pas ! Nous<br />

recherchons vraiment à rentrer dans une maison<br />

d'artistes avec des gens qui nous suivent et nous aident<br />

à donner à AW une plus grande dimension. Nous<br />

prenons notre temps et évitons de nous précipiter. C'est<br />

un peu à l’inverse de la tendance actuelle en somme.<br />

Que pensez-vous de l’évolution des réseaux sociaux<br />

dans la promotion des artistes notamment ceux qui,<br />

comme vous, s’autoproduisent ?<br />

Si aujourd'hui nous n’avions pas tous ces outils, nous<br />

faire connaître auprès du public serait compliqué. Un<br />

aspect négatif des réseaux sociaux est que les<br />

utilisateurs ainsi que les organisateurs accordent<br />

beaucoup d'importance aux chiffres et basent notre<br />

crédibilité là-dessus. S'ils voient un nombre de fans ou<br />

de lectures un peu moins élevé que les autres, ils ne<br />

chercheront pas forcement à en savoir plus et iront voir<br />

autre chose. C’est un peu l’apothéose de la tyrannie du<br />

chiffre, l’équivalent du célèbre “Si à 50 ans tu n'as pas<br />

de Rolex, tu as raté ta vie”, mais en musique. De ce<br />

point de vue, MySpace - et oui, nous avons connu<br />

MySpace - était carrément mieux. Avant de baser la<br />

crédibilité sur les chiffres, l’utilisateur voyait en le<br />

design et donc l’univers du groupe, des dates passées et<br />

à venir, le label... finalement, la crédibilité du groupe<br />

dérivait d’une synthèse de tous les éléments qui en font<br />

la réussite et c’était plutôt cohérent.<br />

Nous nous rappelons avec émotion du MySpace de<br />

Danger ou encore de celui de Kavinsky. Il faut dire<br />

aussi que les “nouveaux” réseaux sociaux mettent<br />

l’accent sur la quantité plus que sur la qualité quand<br />

sur Myspace on devait stratégiquement choisir<br />

quelques morceaux à présenter. De notre côté, nous ne<br />

considérons pas cela comme un handicap, car c’est<br />

seulement de l’apparence. Les gens qui nous suivent<br />

sont des personnes qui apprécient notre musique et<br />

notre univers, pas seulement parce que nous avons<br />

buzzé sur un remix ou sur un morceau. Nous préférons<br />

soigner le fond plutôt que la forme même si cela<br />

implique un chemin un peu plus long.<br />

D'ailleurs, on a entendu parler de vous pour vos<br />

remix et notamment celui fait sur Roadgame, le<br />

dernier titre de Kavinsky...<br />

Oui, c'est vrai que pendant une période nous faisions<br />

beaucoup de remixes et des remixes Contest. C'est en<br />

partie pour essayer de nous faire connaître auprès d'un<br />

public plus large. Ceci dit, c'était une période un peu<br />

charnière où nous nous cherchions en terme de style, la<br />

plupart de nos remixes sont assez peu représentatifs de<br />

ce que nous faisons maintenant. A ce niveau-là, il est<br />

vrai que Wall of Sound a marqué une rupture et nous a<br />

fait prendre conscience de ce dont nous avions<br />

vraiment envie. Nous en avons fait très peu depuis, le<br />

dernier étant celui du morceau Roadgame de Kavinsky,<br />

qui reflète bien le deuxième EP que nous venons de<br />

sortir.<br />

Au niveau des collaborations, vous seriez intéressés<br />

pour travailler avec d’autres ? Si oui, qui ?<br />

Cela dépend à quel niveau. Musicalement, nous<br />

aimons avoir un contrôle sur la sonorité des morceaux<br />

et sur leur style. Après, pourquoi ne pas faire des<br />

collaborations pour des voix ou des instruments<br />

particuliers... Nous voulons essayer de préserver notre<br />

univers afin d'être cohérents dans notre projet, et l'idée<br />

de mixer deux univers différents sur un morceau pour<br />

AW ne nous intéresse pas tellement. Dans l'idéal, ces<br />

collaborations concerneraient surtout le travail avec<br />

des professionnels (producteurs, ingénieurs du son...),<br />

disposant de moyens que nous n'avons pas. Cela nous<br />

Suite de l’interview page 28


permettrait de nous concentrer moins sur l'aspect<br />

technique des morceaux pour nous focaliser sur la<br />

création et développer davantage d'idées sans avoir à se<br />

dire « Ah non, ce n’est pas possible je n’ai pas le<br />

matos ». Actuellement, nous avons beaucoup d'envies,<br />

d'inspirations, beaucoup de choses à essayer, le<br />

problème est que nous sommes plus ou moins bloqués<br />

par la technique et par nos moyens.<br />

Vous avez eu l'opportunité de faire quelques dates sur<br />

Paris, Bordeaux, Toulouse depuis vos débuts, mais<br />

toujours des dj set, jamais de live....<br />

Oui. Nous avons eu la chance de jouer avec de grands<br />

noms dans des salles de renom, en ayant toujours un<br />

bon retour du public. Jusqu'à maintenant, nous<br />

naviguions dans un milieu électro qui ne nous<br />

correspondait pas forcement, et de ce fait les soirées<br />

dans lesquelles nous jouions était aux antipodes de<br />

notre style. Néanmoins, nous avons toujours respecté le<br />

public et fait des sets en cohérence avec le thème ou le<br />

style de la soirée où nous mixions. La scène est l'aspect<br />

de notre projet que nous apprécions le plus. Que l'on<br />

passe nos morceaux ou ceux des autres, ce sont<br />

toujours des moments très intenses. Nous avons<br />

cependant beaucoup d'idées pour donner vie à un live<br />

et pas mal d'ambitions mais le moment n'est pas<br />

propice pour déterminer quelque chose de précis.<br />

Vous parlez de milieu électro, vous le percevez<br />

comment ce milieu en ce moment ?<br />

On aime pas mal ce qui sort actuellement, genre chez<br />

Bromance entre autre. On écoute aussi quelques sons<br />

mainstream sympas… Il est assez marrant de voir la<br />

tournure que prend la scène Française, elle a toujours<br />

été réputée pour la musique électronique et maintenant<br />

elle évolue avec de la pop et d’autre groupes comme<br />

The Shoes. C’est vraiment cool ! De notre côté, on ne<br />

fait définitivement pas parti des sectaires de la musique<br />

se gargarisant de n'aimer que quelques trucs, critiquant<br />

la réussite des autres. On ratisse large (rires) !<br />

Finalement 2 EP, des scènes, un clip : on sent que<br />

vous passez progressivement des étapes majeures de<br />

la reconnaissance d’un groupe. Quels sont vos<br />

futurs projets, vos envies ?<br />

C'est vrai que nous avons une bonne dynamique depuis<br />

le début, avec toujours de bonnes opportunités et l'EP<br />

que nous venons de sortir est une étape de plus.<br />

Maintenant, nous aimerions vraiment rencontrer des<br />

professionnels pour pouvoir continuer à évoluer<br />

positivement. Dans tous les cas, nous continuons à<br />

avancer... Waves Empire viens tout juste de sortir et il<br />

est un peu tôt pour faire des prévisions mais nous<br />

travaillerons davantage les voix...<br />

Que pouvons-nous vous souhaiter pour la suite ?<br />

De continuer à faire ce qu’on aime, que l’EP et le clip<br />

de Backbone plaisent ! On prend un plaisir dingue à<br />

voir Air Wankers grandir, évoluer, plaire au gens, on<br />

ne veut pas que ça s’arrête !<br />

+<br />

■ Propos recueillis par<br />

Laurie Cassagnes<br />

Photographies :<br />

Brice Portolano<br />

www.airwankers.fr<br />

Retrouvez AW sur Soundcloud :<br />

Soundcloud.com/airwankers<br />

Et sur leur page Facebook :<br />

www.facebook.com/pages/Air-<br />

Wankers/413926541951058<br />

Et retrouvez les photos de Brice Portolano sur :<br />

www.briceportolano.com<br />

Et retrouvez le clip « BlackBone » réalisé par Brice Portolano en cliquant sur :<br />

http://www.youtube.com/watch?v=58PqVwgxpRo&feature=g-all-u


Illustrations by www.famousdeadclothing.co.uk


INTERVIEW / RENCONTRE : Elsa Launay, assistée de Charline Buda<br />

PHOTOGRAPHIES : Diane Sagnier


SOKO. Quatre lettres qui vous rappelle à hier<br />

lorsque vous fredonniez peut-être sans le savoir son<br />

fameux « I’ll Kill Her ». Mais Soko c’est surtout un<br />

univers envoûtant et onirique, des images<br />

inspiration enfance tournées au 8mm et un premier<br />

album inventif et personnel à l’image d’une<br />

autobiographie musicale sans cesse renouvelée. Et<br />

son style alors ? Un genre ovni dirait-on ou bien<br />

alien, au choix. Premier album. Rencontre.<br />

+<br />

Comment qualifierais-tu le style de ce premier album<br />

?<br />

Je voulais que cet album soit très intime, honnête et<br />

touchant. Un ensemble vrai, intense et un peu dreamy.<br />

Les chansons comme des secrets racontés.<br />

Un peu journal intime ?<br />

Oui, parce que tout ce que j'écris, je l’ai vraiment vécu.<br />

Je ne me verrais pas du tout monter sur scène et<br />

raconter des histoires fausses ou des trucs inventés.<br />

On sent dans tes chansons le besoin de parler d'un<br />

certain mal-être…<br />

J’ai vraiment ce truc débile d'artiste torturé qui ne peut<br />

écrire que quand il ne va pas bien. J'imagine que ça<br />

transparaît forcément. Je suis tout le temps un peu up<br />

and down et les chansons que j'écoute ne sont pas très<br />

gaies… donc j’ai écrit beaucoup de paroles sur la<br />

dépression et le suicide.<br />

Et tu penses qu'un jour tu pourrais parler de tes joies<br />

aussi ? Que ça t'inspirerait ?<br />

Je ne sais pas. Je crois que je suis un peu trop torturée<br />

pour ça. (Rires)<br />

Dans tes vidéos et tes textes, tu as un fort rapport à<br />

l'enfance, c'est une source d'inspiration très<br />

importante ?<br />

J'ai un vrai côté nostalgique. J’ai grandi trop vite et<br />

voulu être une adulte trop tôt. Je suis partie de chez<br />

mes parents à 16 ans et à 20 ans j'avais l'impression<br />

d'être une mamie, d'avoir déjà tout fait. Si je restais là,<br />

immobile, j'allais stagner et ma vie allait être<br />

misérable. J’ai fait une espèce de crise d'adolescence,<br />

du genre bombe à retardement. J'avais envie d'être<br />

complètement sans attaches, insouciante et vivre un<br />

peu comme un enfant.<br />

Hook, c'est mon film préféré. Je pense que quand on<br />

sait ça de moi, on sait beaucoup de choses. C'est<br />

vraiment important pour moi de ne pas perdre l'enfant<br />

qu'on était, de pouvoir encore s'amuser, voler et aller<br />

au pays imaginaire si on en a envie.<br />

Et ce premier album, c’est ton bébé ?<br />

Oui ! À chaque montée de chaque petite marche,<br />

j'avais envie d'y arriver toute seule. Je voulais pouvoir<br />

jouer de tous les instruments, faire tous les<br />

arrangements, être à fond dans la production, réaliser<br />

tout mon artwork, faire mon site internet, tourner mes<br />

vidéos... Pour moi, c'est un ensemble ! Le truc le plus<br />

flippant aujourd'hui dans la musique, ce serait d’être un<br />

produit contrôlé par d'autres. J’ai la chance qu'on me<br />

laisse faire un peu ce que je veux, donc j'en profite et je<br />

contrôle tout !<br />

Et sans perdre ce pouvoir-là, tu as tout de même<br />

collaboré avec des artistes à L.A. ? Comment ça s'est<br />

passé, et avec qui ?<br />

À L.A., il y a une vraie scène musicale et quand on<br />

joue un peu là-bas, on rencontre vite tout le monde.<br />

Stella de Warpaint, une de mes super potes, a fait des<br />

guitares sur mon album. Harper Simon, le fils de Paul<br />

Simon, a aussi joué de la guitare vingt secondes sur un<br />

morceau. C'était très spontané, j'habitais à Echo Park,<br />

j'avais une grande maison avec un studio, les gens<br />

passaient prendre le thé tout le temps et on faisait de la<br />

musique.<br />

Suite de l’interview page 41


Tu as aussi collaboré avec Alexander Ebert… (NDLR<br />

- album solo Alexander sorti en 2011 et chanteur du<br />

groupe Edward Sharpe and the Magnetic Zeros)<br />

Pas musicalement, mais c'était mon amoureux. Il m'a<br />

aidée de manière différente, à choisir les chansons de<br />

l'album, à faire le séquençage… On n'était plus<br />

ensemble quand je finissais l'album mais il a vraiment<br />

été d'un soutien incroyable. Et quand j'avais arrêté de<br />

faire de la musique pendant un an, parce que je ne<br />

supportais plus et que je ne m'en sortais pas avec mon<br />

album, c'est lui qui m'a motivée à m’y remettre.<br />

Tu écris cet album depuis un bout de temps et il est<br />

prêt depuis juin 2011. Comment te sens-tu depuis la<br />

sortie ?<br />

J'ai été complètement en énorme dépression et je suis<br />

sous antidépresseurs depuis un mois. Voilà comment je<br />

me sens.<br />

...<br />

Je ne m’étais jamais dit quand j'écrivais que les gens<br />

allaient écouter. Dans la vie, tu n’as qu’une chance<br />

pour faire un truc une première fois ; ça y est, cette<br />

première fois est passée, qu'est-ce que je fais après ?<br />

Tu commences à réfléchir à tes projets futurs ?<br />

Je fais peut-être un film cet été et je vais à LA dans<br />

quatre jours pour faire une autre vidéo et mixer.<br />

Que tu vas aussi réaliser ?<br />

Oui.<br />

Toujours avec un iPhone ?<br />

Oui, avec l’application 8mm.<br />

D’autres projets musicaux ?<br />

J’ai déjà deux autres albums prêts que j'ai juste à<br />

mixer. J'écris et je fais de la musique tous les jours. Je<br />

suis une grosse music nerd, le premier truc que je fais<br />

quand je me réveille le matin c'est mettre la musique et<br />

le dernier truc c'est éteindre la musique. C’est ma vie,<br />

je ne fais pas un album et j'arrête !<br />

Quels sont les albums qui tournent en ce moment<br />

dans ton iPod/iPhone ?<br />

Le nouveau Perfume Genius, quelques chansons du<br />

nouveau Baxter Jury, le dernier The Tallest Man On<br />

Earth, le dernier Kurt Vile, que j'écoute depuis un an...<br />

Le dernier Deerhunter dont je ne me lasse pas...<br />

Des influences plus anciennes, depuis l'enfance par<br />

exemple ?<br />

J'ai Odyssey and Oracle des Zombies, qui est un de<br />

mes albums préférés. Leonard Cohen, Paul Simon, qui<br />

sont des génies...<br />

Tu as aimé le dernier album de Leonard Cohen ?<br />

Je n’ai pas vraiment écouté, j'ai un peu peur...<br />

Ton meilleur souvenir musical à L.A. ?<br />

Monsters of Folk au Greek Theater. Tous mes<br />

musiciens préférés dans le même groupe : M.Ward,<br />

Conor Oberst et le mec de My Morning Jacket.<br />

Y-a-il une question que tu aurais aimé qu'on te pose<br />

en particulier ?<br />

Non, moins on m'en pose, mieux je me porte !<br />

Dans la chanson I Just Want to Make it New with<br />

You, on dirait presque que tu conclues un genre de<br />

pacte avec tes fans. Est-ce que tu avais peur de les<br />

décevoir après ta longue absence ?<br />

Je n’ai pas du tout écrit cette chanson pour ça, j'ai écrit<br />

cette chanson pour un mec dont j'étais complètement<br />

amoureuse et qui fait de la musique très différente de la<br />

mienne. On s'était dit tous les deux que dès qu'on<br />

découvrirait la musique de l'autre, on serait tellement<br />

déçus, on allait se détester et jamais s'aimer. Donc<br />

toutes les paroles « you'll discover me from my songs,<br />

my heartbreaks and fears and depression », c'était un<br />

peu « tu vas découvrir toutes les pires facettes de moi<br />

dans mes chansons et après tu vas me détester » !<br />

Et quelles paroles de tes chansons te résumeraient le<br />

mieux tu penses ?<br />

« We might be dead by tomorrow ».<br />

■ Textes et propos recueillis par<br />

Elsa Launay<br />

Assistée de Charline Buda<br />

Photographies : Diane Sagnier<br />

Merci à Emilie Butel (Because Music)<br />

Retrouvez Soko sur son site internet :<br />

www.sokomusic.com<br />

Et sur Facebook :<br />

www.facebook.com/soko<br />

Charles Berling – I Thought I Was An Alien /<br />

2012 - BECAUSE MUSIC


ELECTRIC<br />

BERLING


GUEST<br />

BERLING<br />

INTERVIEW : Marie Polo<br />

PHOTOGRAPHIES : Diane Sagnier


Electric Guest : sweet electro venu de LA, guidé par<br />

la voix soul d’Asa Taccone et l’élan indie/rock du<br />

batteur Matthiew Compton. Cité dans la presse<br />

comme étant « les futurs MGMT », le duo est en<br />

pleine ascension ! Déjà soutenu par Danger Mouse<br />

(Gorillaz, Gnarls Barkley, The Black Keys),<br />

Electric Guest a de grandes chances de déchirer<br />

tout sur son passage et pour nous, c’est déjà l’un<br />

des groupes révélation de l’année !<br />

Rencontre avec Asa et Matthew dans l’entrée du<br />

label Because Music (Breakbot, Connan Mockasin,<br />

Metronomy, Justice, etc) à Paris. Terrasse, air doux<br />

et interview…<br />

+<br />

D’où sortez-vous ? Electric Guest est encore peu<br />

connu en Europe…Comment tout ça a commencé<br />

pour vous ?<br />

Matthiew : (Rires) On s’est rencontré il y a environ 7<br />

ans à Los Angeles. Je venais d’arriver de Virginia et<br />

Asa débarquait de Berkeley. A l’époque, Asa vivait<br />

dans une baraque remplie de musiciens et de gens qui<br />

gravitaient autour de l’art. J’ai emménagé avec eux. De<br />

mon lit, j’entendais tout le temps Asa jouer de la<br />

guitare ou chanter. Un jour il a débarqué dans ma<br />

chambre et m’a demandé si je pouvais y rajouter<br />

quelques beats de batterie. On a commencé à jouer<br />

ensemble, de plus en plus régulièrement...Je ne<br />

connaissais pas grand monde a LA et Asa est devenu<br />

un très bon ami. Et tout en continuant à jouer pour le<br />

plaisir, on a commencé à prendre ça plus au sérieux, à<br />

vouloir enregistrer un album… On était tous les deux<br />

venus à LA pour ça : la musique.<br />

Et alors, quelles ont été vos inspirations, vos<br />

influences pour l’album Mondo ?<br />

Asa : C’est difficile à dire ! L’album nous a pris 5 ans.<br />

En 5 ans, nos gouts musicaux ont beaucoup évolué…Je<br />

venais d’un univers très hip hop et soul. Alors que<br />

Matthiew avait un background plus indie/rock. On a<br />

un peu fait un mix des deux…<br />

Les choses ont beaucoup évolué pour vous depuis vos<br />

débuts…Qu’est-ce que ça vous fait d’avoir le support<br />

de Danger Mouse aujourd’hui ?<br />

Asa : Symboliquement, c’est une grande fierté ! Et<br />

puis Brian (Burton) est vraiment un mec génial. C’est<br />

incroyable de voir à quel point il nous soutient…Il<br />

vient à absolument tous les concerts qu’on fait en<br />

Californie ! Un jour il a même traîné sa caisse jusqu’en<br />

Arizona pour venir nous voir jouer ! Et puis il est à<br />

chaque fois très nerveuse : il déteste qu’on lui parle<br />

pendant le concert et il connaît toutes les paroles par<br />

cœur. Enfin, c’est un peu comme un père pour nous,<br />

musicalement …<br />

Les médias français parlent de vous comme d’un<br />

groupe « électro funk psychédélique ». Vos<br />

instruments et voix sont souvent comparés à Vampire<br />

Weekend, Two Door Cinema Club… Et votre<br />

musique est assez trippante pour qu’on vous vous<br />

appelle les « nouveaux MGMT ». Ça vous plaît ?<br />

Asa : MGMT ! Wow, j’aime beaucoup ce dernier<br />

commentaire ! Enfin, Vampire Weekend ont fait deux<br />

albums vraiment cool mais ils ne sont pas si bien passé<br />

que ça aux US…Quant à Two Door Cinema Club,<br />

c’est un peu trop pop pour moi…<br />

Matthiew : Par contre, j’adore vraiment MGMT !<br />

Asa : Mais c’est génial que les gens croient autant en<br />

nous !<br />

Quel serait le pire groupe auquel on puisse vous<br />

comparer ?<br />

Asa : Ouh ! Je crois qu’on sait tous les deux la réponse<br />

à cette question !<br />

Matthiew : Ah oui ! Quel est ta chanson préféré mec ?<br />

« Pumped up kicks » ! (Rires)<br />

Foster The People ?<br />

Matthiew: Oh … Je ne peux juste pas ! C’est une<br />

différence de culture je crois…<br />

Asa : Je sais que ça va sonner bizarre et je crois que<br />

c’est quasiment impossible d’expliquer ça à un<br />

français. Mais la base du problème c’est que Foster the<br />

People est comment dire … « fourbe ». Quand on


« Les Foster The People sont fourbes […]<br />

On a l’impression qu’ils ont étudié ce qui<br />

était populaire en musique et en ont fait<br />

un package pour avoir du succès […] On<br />

a quand même fait leur première partie »<br />

connaît toutes les tendances musicales qu’il peut y<br />

avoir aux US, ce qui est sorti ces dernières années, les<br />

différents genres,…On a vraiment l’impression qu’ils<br />

ont étudié ce qui était populaire et ont fait un parfait<br />

package de ce qui était en vogue. Enfin, on a quand<br />

même fait leur première partie (rires)<br />

Quel serait le plus grand artiste de tous les temps<br />

alors ?<br />

Asa : Wow, c’est hard comme question ! Je suis sûr<br />

que la plupart des gens disent Bob Dylan…<br />

Matthiew : Je n’ai pas envie de répondre Michael<br />

Jackson mais il a quand même apporté quelque chose<br />

de dingue à la musique : il a fait du très très bon boulot<br />

sur le plan de l’innovation musicale !<br />

Quel est le morceau que vous auriez rêvé de créer ?<br />

Asa : Très bonne question…Ah il y a ce morceau,<br />

« Follow », de Danny Richie Havens. C’est lui qui a<br />

ouvert à Woodstock. Son arrivée sur scène en<br />

hélicoptère a marqué les esprits... Il y avait tellement<br />

de monde qu’il ne pouvait pas y accéder autrement !<br />

Une fois sur scène, on lui a dit qu’il devait y rester 2H<br />

alors qu’il n’avait que 8 morceaux à jouer. Alors il<br />

s’est mis à improviser…C’est de là qu’est né<br />

« Follow ». Ça reste quand même le meilleur morceau<br />

de tous les temps à mon avis !<br />

Pourquoi avez-vous appelé l’album : MONDO ?<br />

Matthiew : C’est le nom du studio de Brian (Danger<br />

Mouse). Il est juste en bas de la rue où on habitait et<br />

on y allait très souvent…Quand on rentrait à la maison<br />

et qu’on écoutait les morceaux qu’on avait enregistrés<br />

sur Itunes, il y avait toujours « Electric Guest-<br />

MONDO » qui s’affichait. Et on a trouvé ça plutôt<br />

cool. Voilà !<br />

Il y a de grandes chances que « This Head I hold »<br />

soit un tube mais qu’est-ce qui vous laisse penser que<br />

votre album va cartonner ?<br />

Asa : Très honnêtement, on n’en sait rien ! On espère<br />

vraiment que ça va marcher mais … En fait c’est assez<br />

drôle parce qu’on a longtemps hésité à retirer « This<br />

Head I hold » de l’album ! Mais il n’y a que 10<br />

morceaux sur Mondo et ils sont tous très différents les<br />

uns des autres. Au début je voyais ça comme un<br />

manque d’unité et une faiblesse mais au final je pense<br />

qu’on a notre univers bien à nous tout en restant très<br />

ouverts : c’est ça notre force !<br />

Et quel est votre morceau préféré sur l’album ?<br />

Asa : J’aime beaucoup « Amber », une mélodie douce<br />

un peu venue d’ailleurs…<br />

Matthiew : Non, je crois que je préfère « Under the<br />

gun » : son rythme est plus envoutant.<br />

Et quel est le mot qui pourrait retranscrire l’énergie<br />

de votre album ?<br />

Matthiew : Beaucoup de gens disent qu’il est<br />

« sunny » et qu’il rappelle la Californie, etc. Mais<br />

« Amber » par exemple, me semble très « dark » au<br />

contraire…<br />

C’est vrai que même de manière générale, derrière la<br />

mélodie de vos chansons, les paroles sont assez dures.<br />

Chaque morceau semble être une critique ou un<br />

zoom sur des choses néfastes de la société…<br />

Asa : C’est vrai qu’avec les temps qui courent et la<br />

nouvelle génération d’artistes, en tout cas aux US, les<br />

gens ne veulent pas forcément faire passer un message<br />

dans leur musique. Mais pour moi c’est essentiel ! La<br />

musique est un moyen de se faire entendre sur tous les<br />

plans et ce que je vais dire dans mes chansons compte<br />

beaucoup. Les paroles que j’écris sont travaillées et<br />

pensées pour chaque morceau.<br />

Suite de l’interview page 50


Quel est le moment et le lieu le plus propice pour<br />

écouter votre album ?<br />

Matthiew : Je l’écoute que le soir en fait. Jamais<br />

pendant la journée …<br />

Asa : Je ne l’écoute jamais en fait… (rires) J’ai passé<br />

tellement d’années sur cet album que je peux plus.<br />

Mais je pense que ça peut être assez agréable de<br />

l’écouter au petit matin. Enfin chaque morceau a son<br />

meilleur moment pour être écouté … « Awake » par<br />

exemple, clairement à écouter le matin !<br />

La couverture de l’album est assez « arty ». Vous<br />

devez être inspirés par d’autres arts que la musique…<br />

Matthiew : Je suis un grand fan de cinéma ! En fait<br />

j’écoute surtout les BO des films…Un de mes préférés<br />

reste le compositeur John Berry !<br />

Asa : Je crois que la couverture de l’album vient d’une<br />

vieille photo que j’ai trouvé de la tête d’une statue<br />

grecque qui s’effrite à moitié…J’aimais bien la<br />

référence à la chute de Rome et à tout ce passé<br />

grandiose qui a survécu comme il a pu. On a quand<br />

même décidé de moderniser un peu l’image. En la<br />

rendant digitale, on a pu faire un mix entre le passé et<br />

futur. Symboliquement, ça nous représentait bien.<br />

Certains parlent de vous comme du « hold-up du<br />

printemps ». Quel effet ça fait ? Comment<br />

appréhendez-vous tout ça ?<br />

Matthiew : J’y pense pas trop perso. Je trouve ça<br />

génial qu’on puisse faire une tournée en Europe et que<br />

les choses avancent…Etre ici ça nous permet de voir<br />

autre chose et de rencontrer des personnes d’autres<br />

cultures…C’est une super ouverture ! Je pense que je<br />

commencerai à réfléchir à tout ce qui est célébrité,<br />

succès, etc. quand on aura fait plus de concerts…<br />

Asa : Perso…Je flippe à mort ! (rires) J’espère juste<br />

qu’on va y arriver. Ce n’est pas évident de tenir le cap<br />

et puis c’est intense. Ça devient rare de pouvoir<br />

prendre le temps de vraiment dormir par exemple…Les<br />

décalages horaires, les interviews, les rendezvous…c’est<br />

crevant mine de rien !<br />

Quel est votre plus grand rêve ?<br />

Matthiew : C’est de pouvoir faire ça toute ma<br />

vie…J’ai l’impression de vivre un rêve aujourd’hui. Je<br />

suis un peu parano sur le fait de pouvoir vivre de ma<br />

musique. C’est très dur d’être un artiste toute sa vie.<br />

Très peu de personnes arrivent à faire de la musique et<br />

gagner leur vie une fois qu’ils ont 50 piges…C’est<br />

presque impossible !<br />

Asa : Et puis il y a une vraie différence entre ce qu’on<br />

est vraiment et comment les gens nous perçoivent.<br />

Parce que les gens nous voient à la TV, ils pensent<br />

comment on évolue dans les années qui viennent et<br />

qu’on est riches et connus…ce qui n’est pas encore le<br />

cas ! (rires) Je pense que ça va être déterminant de voir<br />

comment on évolue dans les années qui viennent et<br />

comment on s’en sort financièrement avec notre<br />

musique.<br />

Quel est le plus beau compliment qu’on vous ait fait<br />

jusque- là ?<br />

Asa : Hier, cette journaliste nous a sorti un truc de<br />

fou…<br />

Matthiew : Ah oui, elle a dit qu’un album comme le<br />

nôtre n’était pas sorti depuis longtemps et qu’il ferait<br />

avancer la musique. Et le plus fort c’est la manière<br />

dont elle l’a dit. Elle y croyait vraiment et nous l’a dit<br />

droit dans les yeux … D’ailleurs c’est dingue comme<br />

ici les gens sont vrais ! Ils t’écoutent vraiment quand tu<br />

parles, ils sont vraiment concentrés et là avec toi. Ca<br />

fait du bien…<br />

Bon Asa, je dois te dire que beaucoup de gens sont<br />

fans de tes pas de danse… (Rires) On dirait un<br />

« Elvis latino » !<br />

Asa : (Rires) Oh non, t’as vu la vidéo du pseudo clip<br />

de « This head I hold » c’est ça ?! Ce truc est horrible !<br />

On a joué le morceau en live et on l’a joué beaucoup<br />

plus vite que l’enregistrement. Puis ils ont décidé de<br />

rajouter la version album sur la vidéo du concert. Mais<br />

ça ne colle pas du tout ! Les gens doivent croire que je<br />

n’ai aucun sens du rythme…Et pour l’ « Elvis latino »,<br />

je crois que ça va être notre prochain meilleur<br />

compliment !<br />

Question/Joker : qui est Jenny ?<br />

Asa : Euh…Une fille avec qui je suis sorti quand<br />

j’étais à l’université… (Silence) Bon en s’en fout, elle<br />

lira jamais cette interview de toutes manière ! Le<br />

morceau « Jenny » raconte sa galère. Quand on s’est<br />

séparés, elle m’appelait tout le temps pour me dire<br />

qu’elle allait se suicider, etc. Une fois l’album<br />

enregistré, je lui ai dit que j’avais composé une<br />

chanson pour elle, enfin sur elle…Mais elle ne l’a<br />

jamais écouté. Le refrain dit : « Jenny turned away » et<br />

c’est vraiment ce qui s’est passé. Au début, elle était la<br />

fille la plus normale qui puisse exister et après elle<br />

s’est mise avec un mec qui la battait, qui l’a mise<br />

enceinte et ils se sont mariés…Enfin bon, le pire qui<br />

pouvait lui arriver ! Et maintenant elle est comme<br />

déconnectée du monde, perdue … On change de sujet ?<br />

(Sourire).<br />

Bonne idée ! Bon…vous…vous êtes de Californie !<br />

De quel cliché californien vous rapprochez-vous le<br />

plus : Z-boys, surfers, skaters, fumeurs de weed sur<br />

les toits… ?<br />

Matthiew : C’est toi le Cali-boy ! (rires)


Asa : Ok, ok…Skater ! J’adorais ça et j’étais super<br />

bon…Enfin mon frère était encore meilleur que moi. Il<br />

a même été sponsorisé pendant un moment ! Et puis<br />

moi, j’ai vieilli et je me suis mis à la musique, et mes<br />

genoux me font mal, et mon dos me fait mal … (rires).<br />

J’arrive plus à marcher…Vous pensez que je danse<br />

mais en fait je m’effondre sur place ! (rires)<br />

Bon pour finir, racontez-moi une histoire folle !<br />

Asa : (RIRES) D’où te sortent ce genre de questions !<br />

(rires) Euh…Quand on était en train d’enregistrer<br />

l’album, on est resté quasiment 2 semaines cloitrés<br />

dans le studio avec Danger Mouse. Il y avait toujours<br />

Brian et ses deux ingénieurs du son. A force d’être H-<br />

24 ensemble, Brian et moi avons eu quelques<br />

tensions…Un jour, je rentre dans le studio et les deux<br />

ingénieurs, qui ne sortaient JAMAIS, décident d’aller<br />

au Starbucks. « Weird ! » Bref, je me retrouve en tête à<br />

tête avec Brian dans une atmosphère très tendue…Au<br />

bout d’un moment, il me dit : « Asa, viens t’asseoir !<br />

Faut qu’on parle. Il va falloir qu’on arrive à s’entendre<br />

tous les deux si on veut réussir à travailler<br />

ensemble… ». Et là, il me met l’album entier de David<br />

Bowie et il me dit : « Il faut que t’écoutes ça. Que tu<br />

l’écoutes vraiment. Fais en l’expérience totale… ». Et<br />

il est parti. C’est peut-être la manière de régler ses<br />

problèmes la plus étrange que j’ai connu…Et ça a<br />

marché !<br />

Belle histoire ! En tout cas, on vous souhaite plein de<br />

belles rencontres, de belles scènes et d’expériences<br />

musicales toutes plus riches les unes que les autres…<br />

Asa : Merci beaucoup ! D’ailleurs je suis en train de<br />

bosser avec Charlotte Gainsbourg sur les paroles de<br />

son prochain album…<br />

+<br />

■ Propos recueillis par<br />

Marie Polo<br />

Merci à Emilie Butel (Because Music)<br />

Photographies :<br />

Diane Sagnier<br />

www.electricguest.com<br />

Retrouvez Electric Guest sur leur page Facebook :<br />

facebook.com/electricguest<br />

Et retrouvez les photos de Diane Sagnier sur :<br />

www.dianesagnier.com


Si les chansons de Hot Chip prédominent sur votre<br />

playlist Time To Move, c'est normal. Hot Chip, c'est<br />

un peu le groupe qui fait danser des foules entières<br />

sans pour autant finir dans une techno parade.<br />

Avec des morceaux comme Over and Over, One Life<br />

Stand ou encore A Boy From School accompagnés<br />

d'une voix que l'on reconnaîtrait parmi 1000, le<br />

quintette est devenu en l'espace de quelques années<br />

l'un des groupes préférés de Pitchfork dit la bible<br />

musicale par excellence. En effet, Hot Chip a fait ses<br />

preuves montrant à chaque album leur talent et<br />

leur efficacité à toujours nous surprendre quoi qu'il<br />

arrive. Avec ce nouvel opus In Our Heads (Domino<br />

Records) qui sortira en juin prochain, vous serez<br />

habillés pour l'été. A défaut de ne pas pouvoir<br />

écouter l'album tout de suite, vous aurez au moins<br />

l'explication pour mieux l'apprécier. Rencontre<br />

avec Alexis Taylor et Owen Clarke, deux têtes<br />

pensantes de la bande.<br />

+<br />

Comment allez-vous les gars ?<br />

Ca va mais on est plutôt fatigués.<br />

J'ai cru comprendre que vous partiez à Berlin...<br />

Oui mais on va plutôt se reposer ce soir et reprendre la<br />

promo demain.<br />

Parlons de votre label. Après avoir signé trois albums<br />

chez EMI en Europe, pourquoi avoir choisi Domino<br />

pour ce nouvel album ?<br />

A vrai dire, cela s'est fait naturellement. L'opportunité<br />

d'arrêter de travailler avec EMI nous a été donnée car<br />

nous étions à la fin de notre contrat. Nous leur avions<br />

donc demandé : « Est-ce qu'on peut partir alors? »<br />

(Rires) et ils ont accepté. Etant donné que c'est une très<br />

grosse entreprise, il n'y a pas eu de problème. Puis,<br />

nous voulions travailler avec de nouvelles personnes et<br />

l'idée de travailler avec le label Domino nous est<br />

venue.<br />

Et comment se passe cette collaboration ?<br />

Très bien, mieux qu'on ne l'aurait pensé (rires). C'est<br />

plus facile de travailler avec eux et quand on a des<br />

moments difficiles, ils sont assez intègres. En plus, ils<br />

ont cette même passion pour la musique. C'est<br />

vraiment un plaisir de travailler avec eux.<br />

Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez<br />

choisi In Our Heads comme titre du nouvel album<br />

alors qu'aucune chanson ne porte ce nom ?<br />

Quand il a fallu donner un nom à l'album, on a choisi<br />

In Our Heads. En fait, c'est une phrase qui est présente<br />

dans la dernière chanson du disque qui s'appelle<br />

Always Been Your Love. On a voulu donner ce nom car<br />

In Our Heads représente bien l'album, il reflète tout à<br />

fait ce que l'on pense et surtout ce que l'on veut<br />

partager pour donner envie de nous écouter.<br />

Avant d'entrer en studio, aviez-vous des idées sur la<br />

façon dont cet album allait sonner ?<br />

Avant d'entrer en studio, on avait seulement deux<br />

chansons : Ends Of The Earth and Flutes. On n'avait<br />

pas planifié la suite de l'album, on n'a juste trouvé que<br />

ces deux chansons étaient un bon départ puis on a<br />

improvisé pour écrire le reste. Certes, on avait une<br />

petite idée de ce qu'on voulait mais aucune raison ne<br />

nous poussait à écrire telle ou telle chose ou sonner de<br />

telle ou telle manière. Ces deux premières chansons<br />

sont un peu plus noires et techno que les autres. Par<br />

exemple, Always Been Love sonne plus Beatles, plus<br />

McCartney d'une certaine manière. Elle a un son plus<br />

soul que le reste du disque. Quant à Night and Day,<br />

c'est une chanson plutôt sombre avec une ambiance qui<br />

rappelle un peu Sexy Back de Justin Timberlake<br />

produit par Timbaland notamment dans les voix. C'est<br />

un son assez futuriste.<br />

Oui, vous sonnez de plus en plus électronique et<br />

futuriste au fil de vos albums. Comment expliquezvous<br />

cela ?


Pour nous, c'est une sorte de progression qui est<br />

devenue plus prononcée. Sur notre premier album<br />

Coming On Strong, on ne savait pas vraiment ce que<br />

l'on faisait. De plus, il n'y avait pas vraiment<br />

d'influence disco tandis que le deuxième The Warning<br />

sonnait plus house et justement plus disco. Cela<br />

prédominait presque sur chaque morceau. Mais la<br />

musique change et les genres changent. Le premier<br />

album était plus pop contrairement au dernier qui se<br />

rapproche plus du hip hop. Cependant, il y a de la pop<br />

dans chaque disque. Dans chaque interview, les gens<br />

cherchent à savoir quel est le disque le plus pop, le plus<br />

doux, le plus électro. Nous avons tous un avis différent<br />

sur un disque, c'est juste une opinion. Par exemple,<br />

certains disent qu'un groupe déchire et par conséquent,<br />

qu'ils font du rock (plus logique en anglais : « You<br />

guys rock so you make rock music !!! (Rires).<br />

Vous avez récemment sorti une vidéo assez originale<br />

pour le premier extrait de votre album. Elle donne un<br />

peu le tournis. Parlez-nous un peu de cette vidéo.<br />

Eh bien, pour Flutes, nous voulions réaliser une idée<br />

très simple à comprendre qui s'est avérée plus<br />

compliquée qu'on le ne pensait. En fait, lorsqu'un<br />

disque sort, il arrive que des gens filment le disque qui<br />

tourne sur une platine vinyle et vont ensuite partager ça<br />

sur Youtube. Le son que l'on entend sur ces vidéos est<br />

seulement celui de la caméra. Cependant, pour notre<br />

vidéo, nous avons choisi de poser la caméra sur le<br />

disque afin de voir uniquement ce que la caméra peut<br />

voir.<br />

Vous avez remixé de nombreux artistes jusqu'à<br />

maintenant comme Junior Boys ou encore Gorillaz.<br />

Y-a-il de nouveaux artistes que vous aimeriez remixer<br />

aujourd'hui ?<br />

Owen : Tom Waits. Je trouve que ces chansons sont<br />

remarquables et que l'on pourrait prendre du plaisir à le<br />

remixer.<br />

Alexis : J'ai déjà fait des remixes à mon nom. Ce que je<br />

préfère par-dessus tout, c'est de remixer des chansons<br />

qui ne sont pas faites pour danser en général. J'y prends<br />

plus de plaisir car les gens ne s'attendent pas à ce que<br />

je remixe ce genre de chansons. C'est plus drôle de<br />

surprendre les gens en remixant des musiques qu'ils<br />

n'aiment pas comme par exemple Prince ou encore<br />

Lana Del Rey qui ont de très jolies voix mais qui ne<br />

sont pas vraiment faites pour danser.<br />

En parlant de remixes de Lana Del Rey, as-tu écouté<br />

celui de Penguin Prison ? Je le trouve pas mal. C'est<br />

un artiste de Brooklyn.<br />

Alexis : Non, mais je vais l'écouter merci. Il y a un<br />

remix de Lana Del Rey que j'aime particulièrement,<br />

c'est celui de Joy Orbison sur sa chanson Video<br />

Games. Tu devrais l'écouter.<br />

Owen : Ah ça y est, vous échangez vos remixes entre<br />

vous maintenant ! (rires)<br />

+<br />

■ Propos recueillis par<br />

Elen Huynh<br />

Photographie : HT Backdrops<br />

www.hotchip.co.uk<br />

Et retrouvez Hot Chip sur Facebook :<br />

facebook.com/pages/hotchip


BARBARA<br />

CARLOTTI


L’heure de l’ascension a sonné pour Barbara<br />

Carlotti. Avec son nouvel album « l’Amour,<br />

l’argent et le vent » la chanteuse de 37ans, au long<br />

parcours, sème un vent d’amour sur la scène<br />

musicale et vu l’engouement du public qui<br />

l’accueille bras ouverts l’argent ne devrait pas être<br />

loin, manque encore le vent. Ou pas. Du vent il y en<br />

avait ce jour-là à l’hôtel Amour, à Paris où nous lui<br />

avions donné rendez-vous.<br />

+<br />

Tu as produit tes deux précédents albums sur un label<br />

anglais. Aujourd’hui, tu sors un nouvel album chez<br />

ATMOSPHERIQUES, un label partenaire que l’on<br />

aime beaucoup. Pourquoi ce choix ?<br />

L’équipe du précédent label chez qui j’étais a changé.<br />

Les gens avec qui j’avais signé ‘n’étaient plus là, ce<br />

n’était plus ceux qui avaient aimé et défendu mon<br />

projet. Il y avait comme une distance, de fait. J’ai donc<br />

décidé de partir. Ma manageuse et moi avons cherché<br />

un label en France et la suite de l’histoire s’écrit donc<br />

chez Atmosphériques.<br />

D’ailleurs, dans ce dernier album tu chantes<br />

exclusivement en français…<br />

Oui. C’est finalement dans cette langue que je travaille<br />

mieux. Quand j’écrivais des chansons en anglais,<br />

c’était généralement pour le fun. Je suis, bien<br />

évidemment plus à l’aise avec le français. Je peux<br />

développer davantage les choses il me semble.<br />

Pour ce nouvel opus, tu as voyagé en Inde au brésil<br />

au japon… une quête d’inspiration ?<br />

A peu près ça, oui. Le Brésil est le point de départ de<br />

ma chanson L’amour, l’argent et le vent. C’est<br />

surement celle qui a la plus forte empreinte. Le but de<br />

ces voyages, c’était surtout d’être imprégnée d’endroits<br />

différents, de m’accrocher à d’autres repères. Ça m’a<br />

permis de porter une attention particulière à la<br />

musique, de développer des couleurs de sons que je ne<br />

connaissais pas. Mais c’est surtout un contexte<br />

d’écriture en fait, comment ailleurs on réagit dans un<br />

environnement et comment ça joue sur la manière<br />

d’aborder les choses.<br />

Justement on perçoit quelque chose de fort dans ton<br />

écriture. Tu cites très souvent Baudelaire ou Verlaine<br />

qui sont de grands mélancoliques. Te considères-tu<br />

comme telle ?<br />

Ce que j’aime chez Baudelaire c’est les thèmes qu’il<br />

aborde, après oui il y a une forme de mélancolie en<br />

filigrane, cela va de soi. Je pense que la chanson a<br />

intrinsèquement quelque chose d’introspectif. A<br />

l’intérieur se développe la mélancolie. Mais pas que, je<br />

ne crois pas. Il y a aussi de l’humour, de la distance et<br />

de la légèreté, c’est un mélange de pleins de trucs. Les<br />

références à Baudelaire viennent du fait qu’ils abordent<br />

des thèmes qui me sont chers, comme l’invitation au<br />

voyage tout simplement.<br />

Tu signes un duo avec Philippe Katerine, qui me<br />

semble avoir une personnalité relativement opposée à<br />

la tienne. Pourquoi cette collaboration ?<br />

Avec Philippe on s’est rencontré sur mes premiers<br />

concerts, je l’ai croisé dans un festival à Rennes, il y a<br />

huit ans, je ne sais plus. On est resté amis. J’adore son<br />

côté exubérant, drôle plein d’humour un peu décalé et<br />

en même temps je trouve que c’est un super musicien<br />

qui écrit des mélodies magnifiques et ça fait longtemps<br />

qu’on se dit qu’on va faire une chanson ensemble. On<br />

s’est retrouvé en soirée, on a écrit des cadavres exquis<br />

et on les a conclus en chanson. Voilà comment cela<br />

s’est fait.<br />

Cet album, qu’a-t-il de plus que les précédents ?<br />

Je pense qu’il est plus affirmé plus direct en fait, les<br />

rythmiques sont plus denses. Il y a en tout cas quelque<br />

chose de plus libre, un je-ne-sais quoi.<br />

Qu’attends-tu du public vis-à-vis de la réception de<br />

cet opus ?<br />

(Elle ouvre grand les yeux) que le public m’adore enfin<br />

(rires). Enfin, surtout de faire des concerts et de<br />

pouvoir partager des moments avec tous ceux qui<br />

m’écoutent. Et puis la scène… monter un beau<br />

spectacle, avec des lumières un déroulement entres les


une vraie histoire et que ce soit encore plus vivant que<br />

sur l’album.<br />

Si tu devais choisir un morceau, ce serait lequel ?<br />

Je suis incapable de choisir, j’aime un milliard de trucs<br />

dans le monde. Pour moi le titre le plus affectif c’est<br />

« quatorze ans ». En même temps quand on écrit c’est<br />

difficile de choisir, y a une raison pour tout.<br />

Tu aurais aimé vivre à une autre époque ?<br />

Non, je ne suis pas une nostalgique dans l’âme mais on<br />

vit une époque où les choses sont difficiles avec la<br />

crise on sait que les choses sont difficiles, notamment<br />

par rapport aux disques. J’ai tout de même mis deux<br />

ans à trouver un label qu’i veuille bien de moi, il y a<br />

quelques années de ça ce n’était pas le cas. J’ai mis<br />

quand même 2 ans et demi à trouver un label et ce<br />

n'était pas le cas à l’époque quoi. Aujourd’hui, internet<br />

a pris le relais. On est dans une période de transition,<br />

qui demande de s’adapter. Ça demande à réfléchir<br />

aussi, à se poser des questions, notamment sur ce que<br />

l’on vit, ce que l’on s’apprête à vivre et ce que l’on a<br />

envie de vivre !<br />

« Les choses importantes de la vie », ça renvoie<br />

d’emblée au titre de ton album « l’amour, l’argent et<br />

le vent ». Quand tu dis « vent » est ce que ça veut dire<br />

que finalement l’amour et l’argent ne sont<br />

qu’éphémères ?<br />

(Elle rigole) Ca peut être une lecture en effet. Dans ces<br />

trois choses, il y a une valeur, un élément et un<br />

sentiment. C’est impalpable, ça nous traverse c’est<br />

toujours avec nous. Un vent s’il est trop fort peut faire<br />

des ravages. C’est à peu près pareil si on se préoccupe<br />

trop de l’argent ou de l’amour. Ca bouleverse tout. Ce<br />

titre, c’était une manière poétique de mettre en<br />

perspective tout cela.<br />

Tes textes sont relativement tristes…<br />

Non ! Il n’y a pas que des choses tristes. Je pense<br />

qu’écrire des chansons permet de mettre les choses à<br />

distance, des choses que l’on n’exprime pas forcément<br />

publiquement. Mais il y aussi des clins d’œil, de<br />

l’ironie…C’est un rapport à la vie. Elle n’est pas tout le<br />

temps gaie, ni tout le temps joyeuse. On n’est pas<br />

toujours heureux d’exister. Exprimer ça en mots, dans<br />

des textes permet d’immortaliser ces instants de vie et<br />

finalement de mieux s’en débarrasser.<br />

Dans une de tes chansons « Ouai Ouai Ouai », tu<br />

parles d’une icône des années 60, ça m’a fait penser<br />

au titre Ava…<br />

Cette chanson, elle aurait pu parler de Lana del Rey<br />

(rires). Non mais elle m’a inspirée un personnage<br />

totalement fictif. Ca m’amusait d’imaginer quelqu’un<br />

style jeune fille superficielle qui pourrait être mal<br />

menée, un peu perdue, qui passe ses nuits en boite de<br />

nuit mais qui est un peu fragile en fait.<br />

C’est en effet un hommage pur à Lana Del Rey<br />

(rires). Pour revenir à la musique, as-tu un rituel<br />

avant de monter sur scène ?<br />

Oui. J’ai toujours un trac de malade avant d’y aller.<br />

Avec mes musiciens on fait le check des « Chivers »<br />

qui est tiré du film « Steak » de Quentin Dupieux.<br />

C’est super débile mais ça marche ! (Rires).<br />

« La chanson a forcément quelque<br />

chose d’introspectif. A l’intérieur se<br />

développe la mélancolie »…<br />

■ Propos recueillis par<br />

Camélia Mohamed<br />

Photographies :<br />

Ludovic Zuili<br />

Merci à Axelle Giraud-Carrier !<br />

www.barbaracarlotti.com<br />

Retrouvez Barbara Carlotti sur Myspace :<br />

www.myspace.com/barbaracarlotti<br />

Et sur sa page Facebook :<br />

facebook.com/barbaracarlottiofficiel<br />

Et retrouvez une sélection de travaux<br />

photographiques de Ludovic Zuili dans la série<br />

« ARAW » en page 116 de ce numéro


ANASTASIA


Photographies : Salomé Jartoux<br />

Modèle : Anastasia Jouanguy


Kindness, si vous n'avez pas entendu ce nom durant ces derniers mois, c'est que vous avez raté quelque<br />

chose. En fait, c'est un peu la révélation de l'année. Son premier opus World, You Need A Change Of<br />

Mind est un mélange de Talking Heads (l'intelligence du mélange des genres), Ariel Pink (à cause de ses<br />

cheveux longs mais pas que ça), Arthur Russel (ce je-ne-sais-quoi de lenteur plaisante) mais aussi<br />

Alexander O'Neal (du rnb '80 tout droit sorti du jeu Driver). Ce jeune anglais sorti de nulle part vient de<br />

poser son pied dans l'étrier pop et semble s'y plaire comme un poisson dans l'eau. Si on avait pu produire<br />

son album sur MyMajorCompany, on aurait misé toute notre tune. Mais bon, Philippe Zdar a fait du bon<br />

boulot (encore une fois) en produisant ce bijou musical. C'est avec plaisir que l'on a papoté musique,<br />

musique et encore musique avec Adam Bainbridge, un timide pourtant rempli d'humour british.<br />

KINDNESS<br />

Tu viens à peine de débarquer mais toute la presse<br />

s'est déjà emparé de toi. Chez <strong>Crumb</strong>, on voudrait que<br />

tu te présentes toi-même en quelques mots.<br />

Ok mais 500 mots ou 10 ? (rires) Bon on va dire<br />

anglais, enthousiaste, fan de musique et... quelque...<br />

chose... de... différent. (il compte avec ses doigts pour<br />

arriver jusqu'à 10).<br />

Parlons de ta musique. La considères-tu plutôt<br />

comme disco, funk, électro, pop ou un mélange de<br />

tous ces genres ?<br />

Je dirais juste pop parce-que sa définition change<br />

constamment. Cela peut être tout mais aussi n'importe<br />

quoi.<br />

Justement, tu disais à propos de Grace Jones qu'elle<br />

était une grande artiste pop car elle avait ce don de<br />

prendre des choses venant de nulle part pour<br />

construire sa propre identité. La pop est-elle un genre<br />

complexe ?<br />

Je pense que la plupart des gens ont simplifié la<br />

définition de la pop. Tu peux réduire la pop à la danse<br />

mais si tu vas plus loin, c'est plus compliqué que cela.<br />

Si tu penses que les Black Eyed Peas font de la pop, tu<br />

te trompes. Il faut être plus intelligent et savoir<br />

s'intéresser à tout, que ce soit dans tes influences, ta<br />

production, ton son etc. Lady Gaga par exemple a<br />

toujours su saisir les opportunités. Elle écrit des<br />

chansons sensées, assez bien construites mais sa<br />

production est horrible. Tout simplement qu’ils avaient<br />

déjà une idée de ce qu'ils voulaient faire. Ils n'ont donc<br />

presque rien changé à ses chansons, ils les ont juste<br />

rendu plus agressives et plus cheap. En fait, ils ont<br />

juste ajouté un peu de merde hollywoodienne (ndlr : «<br />

some hollywood bullshit » comme il l'a si bien dit).<br />

Certaines personnes comparent d'ailleurs Lady Gaga<br />

à Gracy Jones. Qu'en penses-tu ?<br />

Suite de l’interview en page 70


Lady Gaga est intéressante car c'est une star de la pop<br />

mais elle n'apporte rien en tant que musicienne. Elle a<br />

une jolie voix et elle s'y connaît en musique mais elle<br />

ne crée rien de nouveau. C'est dommage parce qu’elle<br />

a beaucoup de potentiel.<br />

Et Madonna ?<br />

C'est un cas particulier car elle était la reine de la pop<br />

pendant très longtemps. Elle est intéressante mais<br />

maintenant, seulement en tant que personnalité. Dans<br />

les années 80, tous ces artistes avaient de l'importance.<br />

Aujourd'hui, on les reçoit sur les plateaux télé le<br />

dimanche soir et on se moque d'eux. Ils ont l'air fatigué<br />

et ressemblent plus à nos grands-parents. Madonna,<br />

c'est un peu différent parce-que je ne sais pas quelle<br />

potion magique elle boit (rires) mais elle a cette<br />

ambition incroyable de rester sur le devant de la scène<br />

et tu ne peux que respecter cela, surtout quand tu<br />

travailles avec elle. Par ailleurs, sa prestation lors du<br />

Superbowl était assez ridicule.<br />

Bon, parlons maintenant un peu de toi (rires). Tu es<br />

né à Peterborough, tu as fait tes études à Paris, tu as<br />

enregistré à Philly et tu as vécu à Berlin. Peux-tu<br />

nous dire en quoi ces voyages ont affecté ta musique<br />

et s'ils ont été d'importantes inspirations ?<br />

Ah et je vis à Londres maintenant (rires). Je pense que<br />

parfois, nous avons besoin de partir de chez nous pour<br />

apprendre un peu plus sur nous-mêmes sans pour<br />

autant oublier d'où l'on vient. Dans les autres cultures,<br />

nous arrivons à mieux exprimer ce que l'on ressent au<br />

plus profond de nous-mêmes, ce que l’on n’a jamais pu<br />

oser faire dans notre ville natale. Paris a été la première<br />

grande ville que j'ai découverte car la ville dans<br />

laquelle je viens n'avait ni galeries ni magasins de cds<br />

indépendants. C'est vrai qu'il y en avait un peu plus<br />

quand j'étais ado mais quand j'y suis retourné, il ne se<br />

passait rien parce-que les jeunes partent dès qu'ils le<br />

peuvent. Donc, il n'y a rien qui peut t'ouvrir les yeux,<br />

rien qui puisse te cultiver contrairement à Paris. En<br />

Amérique, le hip hop était comme la pop aujourd'hui :<br />

partout. Par exemple dans ma ville, on trouve du hip<br />

hop seulement dans un club de hip hop. Ce que tu<br />

pensais underground il y a quelques années est<br />

aujourd'hui mainstream. Je pense qu'il y a une vraie<br />

connexion entre le rap et le r&b aux Etats-Unis. Dans<br />

ma ville, on se fait une culture à travers Youtube, il n'y<br />

a pas vraiment d'expérience si ce n'est visuelle.<br />

Voyager m'a permis de réaliser qu'il faut utiliser la<br />

musique de manière intelligente.<br />

Tu es le premier artiste que Zdar a choisi pour<br />

produire le premier album. Comment astu réussi à le<br />

convaincre et comment cela s'est-il passé ?<br />

Ce fut très long (rires). Non, en fait, je lui ai<br />

simplement expliqué les buts que j'avais en tête pour ce<br />

premier album, son concept et comment il allait<br />

sonner. Il m'a dit « Attends, attends ! (rires) On va<br />

faire ça ensemble. » Il a travaillé avec beaucoup de<br />

groupes connus dont on connaissait déjà la musique, et<br />

où le son était déjà pensé comme par exemple, les<br />

Beastie Boys. Avec moi, c'était un peu plus différent<br />

car comme c'est mon premier album, j'étais ouvert à<br />

tout. On voulait le meilleur pour les chansons. J'étais<br />

excité à l'idée de faire cela avec lui. On a pris beaucoup<br />

du plaisir à faire ce premier album. Il est assez organisé<br />

mentalement et retravailler avec lui me plairait<br />

beaucoup.<br />

En tant que dessinateur et photographe, penses-tu<br />

que l’artwork et le packaging sont aussi importants<br />

que la musique ?<br />

Malheureusement oui. Lorsque j'ai fini d'enregistrer<br />

l'album, j'étais épuisé et j'ai réalisé qu'il fallait encore<br />

faire ce putain de packaging (rires). Contrairement à la<br />

musique qui est plutôt un travail instinctif et plaisant,<br />

travailler avec le graphiste est clairement l'opposé.<br />

C'est chiant et compliqué. C'est dommage que le visuel<br />

soit aussi important que la musique car les gens vont se<br />

faire une idée de ta musique seulement à travers ta<br />

pochette. C'est la première chose qu'ils voient de toi et<br />

tu ne peux rien y faire.<br />

J'ai regardé un site où étaient exposés tes dessins.<br />

Dessines-tu toujours ?<br />

Eh bien, ce n'est pas moi ! C'est un autre mec avec le<br />

même nom. Il doit me détester ! (rires) Tout le monde<br />

nous confond, certains viennent même me voir pour<br />

me féliciter en me disant « Oh ! J'adore tes dessins »<br />

(rires). En plus, on est nés la même année.<br />

As-tu eu l'occasion de le rencontrer ?<br />

Non mais je pense que s'il me voit, il me frappe au<br />

visage. (Rires)


Mais je pense que lui aussi a eu le droit à des<br />

réflexions concernant ta musique ! (Rires)<br />

(rires) C'est fort probable !<br />

■ Propos recueillis par Elen Huynh<br />

Retrouvez KIDNESS sur son MysPace officiel :<br />

http://www.myspace.com/kindnesses


B comme Burgalat, génie sans langue de bois. Tour<br />

à tour pyromane, magicien, chanteur mais surtout<br />

producteur/arrangeur (Alain Chamfort, Katerine,<br />

April March, Supergrass, Christophe Willem,<br />

Alizée, Depeche Mode, Mick Harvey…), Bertrand<br />

Burgalat a sorti son quatrième album sous son<br />

propre nom « Toutes Directions ». Monstre de la<br />

scène musicale mais pas que, le fondateur du label<br />

Tricatel a donné une interview fleuve à <strong>Crumb</strong>. On<br />

a parlé d’à peu près tout et quand on est parti on<br />

s’est dit que ce mec-là avait tout d’un génie.<br />

+<br />

Toutes Directions n’est que votre quatrième album et<br />

pourtant quand on regarde votre parcours, vous êtes<br />

un monstre de la musique depuis de nombreuses<br />

années. Vous avez collaboré avec énormément<br />

d’artistes dans votre carrière, notamment Charles<br />

Berling que j’ai interviewé pour notre précédent<br />

numéro. A ce propos, il me parlait d’un texte de<br />

Genet qui évoquait Rembrandt. Genet écrit que<br />

Rembrandt a passé sa vie à peindre des portraits pour<br />

à la fin de ses jours ne finir par peindre que des<br />

autoportraits… Est-ce que pour créer et dépeindre<br />

votre univers à vous, vous avez besoin un peu à la<br />

manière de Rembrandt de peindre celui des autres, de<br />

vous immiscer dans le leur ?<br />

C’est une question intéressante. Je ne sais pas<br />

vraiment. La musique n’est bien que si on la partage, si<br />

on crée des rencontres. Travailler avec d’autres<br />

personnes permet souvent de se libérer, de livrer des<br />

choses plus personnelles. Il m’arrive de donner<br />

quelques trucs intimes, de les placer sur les disques des<br />

autres parce que ça libère et que du coup je peux me<br />

autres parce que ça libère et que du coup je peux me<br />

livrer sans avoir peur d’être impudique, vu qu’il ne<br />

s’agit pas de mes disques.<br />

L’exemple de Charles Berling est marrant, parce qu’il<br />

m’avait fait écouter ce qu’il faisait, en souhaitant que<br />

je lui compose quelque chose qui sortait un peu de son<br />

univers. Les trucs que j’ai faits pour lui sont parmi les<br />

meilleures choses que j’ai fait dans ma vie et il ne les a<br />

pas gardé (rires). Au final, il avait parfaitement le<br />

droit, après tout c’est son disque.<br />

Un temps.<br />

Quand je produis et/ou que j’arrange le disque d’un<br />

autre, j’essaie de faire en sorte que cela m’amène dans<br />

un univers que je n’ai pas encore emprunté. Et chez<br />

Berling justement, il me semble qu’il y avait quelque<br />

chose de théâtral dans la diction. J’ai aimé travailler làdessus.<br />

Il y a des choses que vous avez testé dans les<br />

productions de certains artistes et que vous avez<br />

réutilisé ensuite pour vos créations personnelles ?<br />

Non. Ou bien si je l’ai fait ce n’était pas volontaire. S’il<br />

y a un réglage en studio que j’aime bien ou bien un<br />

instrument/une sonorité qui soudainement me plaît, je<br />

ne le note pas, pour ne pas tomber dans la paresse et la<br />

facilité de le reproduire sur d’autres enregistrements. Je<br />

trouve qu’il est agréable de repartir à zéro à chaque<br />

fois.<br />

Comment avez-vous travaillé sur ce nouvel album ?<br />

Sans doute de manière plus conventionnelle que pour<br />

les précédents. Je l’ai fait en composant les<br />

rythmiques, en les arrangeant et en les mixant tous. A<br />

la base, j’avais enregistré 21 morceaux.<br />

Vous aviez déjà une idée précise de là où vous vouliez<br />

aller ou bien vous êtes parti dans, pour ainsi dire<br />

« toutes les directions » ?<br />

(Sourire). Un peu les deux. J’ai travaillé d’abord sur<br />

Voyage Sans Retour. Je savais que je voulais<br />

commencer par ce morceau, qu’il serait placé au début<br />

de l’album. Ensuite, les choses se sont faites de fil en<br />

aiguille mais la priorité a été donnée aux textes. Sur cet<br />

album, ils occupent vraiment une place importante.<br />

C’est un disque autobiographique ?<br />

Je ne sais pas, pas vraiment. Disons que les textes<br />

expriment des choses que je ressens mais si je me<br />

risque à les interpréter c’est parce qu’il me semble<br />

qu’ils ont une portée davantage universelle. D’ailleurs<br />

ce n’est pas moi qui les ai écrits. J’ai voulu quelque<br />

chose de pudique. Raconter sa vie et ses états d’âmes<br />

n’a de sens que si on les transcende. Faire appel à des<br />

auteurs permet de se libérer.


Vous saviez déjà les personnes avec qui vous aviez<br />

envie de travailler en vous lançant dans le projet ou<br />

bien les rencontres se sont faites au fur et mesure du<br />

développement de l’album ?<br />

J’avais déjà une idée pour la plupart, oui comme<br />

Mathias Debureaux, Elisabeth Barillé avec qui j’avais<br />

déjà fait pas mal de choses auparavant. La suite c’est<br />

construite de façon empirique. Mais à chaque<br />

rencontre, je suis tombé sur des auteurs qui ont su<br />

trouver parfaitement ce que je voulais exprimer.<br />

Vous n’avez jamais tenté d’écrire vous-même ?<br />

Si, bien sûr que si, mais je n’y suis pas arrivé. Pour<br />

Sentinelle Mathématique, par exemple, j’avais le titre<br />

et l’idée depuis un an et demi. Je visualisais quelque<br />

chose sur la société. J’avais l’impression d’avoir déjà<br />

tout dit dans le titre, d’avoir tout exprimé. Plusieurs<br />

auteurs ont essayé d’y apposer des paroles, ça n’a<br />

jamais marché ou bien ça ne fonctionnait pas avec la<br />

mélodie. Et puis j’ai confié le truc à Barbara (Ndlr :<br />

Barbara Carlotti), je lui ai envoyé le mp3, trois jours<br />

après, elle avait écrit le texte définitif que je trouve<br />

super.<br />

Vous partez toujours de la mélodie ?<br />

Parfois du texte, tout dépend. Pour des chansons<br />

comme Bardot Dance ou Double Peine, j’ai<br />

directement composé la mélodie au piano, à partir des<br />

paroles.<br />

Revenons en arrière, vous êtes parti en Slovénie après<br />

vos études, la musique s’est révélée à vous. Quand on<br />

regarde votre parcours on se dit que vous ne pouviez<br />

faire que ça, je veux dire de la musique. Sans elle,<br />

vous auriez fait quoi ?<br />

Probablement pas grand-chose. Pendant longtemps j’ai<br />

vécu de petits boulots. J’ai passé mon bac à 16ans, je<br />

suis arrivé à Paris sans rien, je ne connaissais personne,<br />

je n’avais pas les codes. Je trouve que c’est une<br />

connerie d’être en avance sur son âge parce que<br />

finalement on a une maturité sur certaines choses mais<br />

pas sur d’autres. Après le bac, j’ai perdu confiance en<br />

moi, mon père est mort quand j’avais 20 ans, je n’avais<br />

personne pour me guider, je me suis retrouvé seul, livré<br />

à moi-même, et dans cet interstice-là est venue se<br />

glisser la musique. Mais ça m’intimidait, me paraissait<br />

inabordable.<br />

Autrefois les gens qui sortaient des disques avaient une<br />

vraie légitimité et ils se la pétaient. Aujourd’hui tout le<br />

monde sort des disques, ça n’a plus la même<br />

résonnance, quelque chose a changé. Le Paris branché<br />

était aussi beaucoup libre que celui d’aujourd’hui qui<br />

reste finalement relativement conformiste. Mais le<br />

circuit en lui-même est resté le même : on rencontre<br />

des gens, on monte des groupes, on fait des concerts.<br />

Et finalement, on peut continuer comme ça pendant<br />

Et finalement, on peut continuer comme ça pendant<br />

assez longtemps…<br />

En parlant de sorties de disque, est-ce que vous<br />

pouvez nous dire un mot sur Tricatel, le label musical<br />

que vous avez fondé ?<br />

Ce n’était pas vraiment mon idée, je n’ai jamais rêvé<br />

de label. En fait, je ne me suis jamais senti capable de<br />

diriger une entreprise, je n’ai aucune notion de gestion.<br />

Au milieu des années 90, je bossais pas mal en<br />

Angleterre et avoir une boite de production là-bas, ça<br />

aide. J’ai monté le truc sans réfléchir, d’ailleurs je n’ai<br />

même pas fait gaffe au nom, c’était une blague. D’un<br />

côté ça m’a servi, de l’autre non. Les gens un peu<br />

hâtifs ou sans humour ont vu sans ça comme l’apologie<br />

des années 70. En même temps, quand on regarde le<br />

nombre de labels qui ont des noms idiots… (rires).<br />

Signer et aider des artistes, c’est un peu votre<br />

manière de renvoyer l’ascenseur, d’aider des<br />

personnes là où vous auriez aimé l’être…<br />

Absolument. Je trouve que c’est assez plaisant<br />

d’essayer d’éviter de faire subir aux autres ce que l’on<br />

a subit. Mais c’est assez difficile pour moi. Quand des<br />

gens me soumettent des projets, des compositions, je<br />

suis loin de répondre positivement à chaque fois mais<br />

je me dis que peut-être parfois je ne percute pas le truc,<br />

j’ai toujours peur de blesser ou de passer à côté. Il y a<br />

plein de gens intéressants qui ne savent pas se vendre.<br />

Quand j’écoute une démo, j’essaie de faire abstraction<br />

de la qualité, de l’enregistrement pour ne me<br />

concentrer que sur la musique et sur la création. A<br />

l’inverse, il y a vraiment des gens qui n’ont pas grandchose<br />

d’intéressant à dire mais qui savent très bien le<br />

vendre. Je crois qu’on en connaît tous (rires).<br />

En tant que responsable de label, quel regard portezvous<br />

sur la crise du disque ?<br />

Disons que la crise du disque je ne l’ai pas vraiment<br />

ressenti, du fait que depuis ses débuts, Tricatel n’a<br />

jamais été un gros vendeur. Ce qui est marrant c’est<br />

que ce que les autres ont subi cette année, nous on le<br />

subissait déjà il y a 15 ans et on nous riait au nez.<br />

Sinon, je suis plutôt content que cela ait baissé<br />

l’arrogance de certaines personnes. Tout le monde est<br />

désormais face à ses responsabilités et aux envies et<br />

désirs passionnés. Puisqu’on ne vend plus de disques,<br />

autant faire ceux qu’on aime.<br />

Ce que je vois arriver cependant et qui m’embête, c’est<br />

un secteur musical subventionné avec tout ce que cela<br />

peut représenter de magouilles et d’arbitraire. Les<br />

labels ne signent plus de projets, ils les créent, pour<br />

répondre spécifiquement aux quotas, aux crédits<br />

d’impôts, aux aides de l’état…Ça devient triste.<br />

Suite de l’interview page 76


« Autrefois les gens qui sortaient des disques<br />

avaient une vraie légitimité, ils pouvaient se la<br />

péter. Aujourd’hui tout le monde sort des<br />

disques, ça n’a plus la même résonnance,<br />

quelque chose a changé »


Un temps. Encore plus long. Je commence à ouvrir la<br />

bouche, il interrompt.<br />

Je trouve qu’en musique, ce qui est chouette, c’est de<br />

rencontrer des gens. J’ai tendance à travailler avec des<br />

gens plus âgés ou bien plus jeunes que moi, surtout des<br />

gens de 20 ans, parce que je trouve qu’il y a une<br />

curiosité à cet âge-là, un niveau intéressant et surtout<br />

une vraie culture musicale depuis l’arrivée d’internet.<br />

Je suis aussi de moins en moins attiré par le rock. Je<br />

trouve que c’est devenu un instrument d’oppression<br />

dans la façon dont il est réutilisé et revendiqué par la<br />

pub, la mode… On en a fait quelque chose de scolaire,<br />

un archétype du conformisme. J’ai tendance à me<br />

diriger plutôt vers d’autres choses. J’ai mes périodes.<br />

Pop, chanson, jazz…<br />

Toutes Directions est quelque peu en rupture avec vos<br />

albums précédents. Comment aimeriez-vous qu’il soit<br />

perçu ?<br />

(D’un air sérieux) « L’album de la maturité » (rires).<br />

Non je déconne. Je ne pense pas qu’il soit si en rupture<br />

que ça, disons qu’il est en progression. A l’évidence je<br />

suis condamné à progresser, je n’ai pas eu assez de<br />

succès pour pouvoir oser me répéter ou suivre une<br />

direction précise. J’essaie de toujours me renouveler.<br />

Je trouve que quand on fait des choses en marge, il est<br />

facile de s’endormir. Ca procure d’ailleurs un certain<br />

confort intellectuel. En France, il y a vraiment des gens<br />

qui aiment la musique mais il y aussi des beaufs qui ne<br />

comprennent pas toujours tout. Je trouve que la<br />

réponse à ce problème de compréhension c’est<br />

d’essayer de faire les choses le plus sérieusement et<br />

sincèrement possible. C’est une arme beaucoup plus<br />

efficace que l’indignation. Histoire de rétablir un<br />

équilibre. Comme pour beaucoup d’autres choses<br />

d’ailleurs. Ou bien des fois ça se fait tout seul. Par<br />

exemple les gens riches sont souvent très bêtes, c’est<br />

une sorte de justice (rires).<br />

Vous parliez d’un manque de succès. Est-ce que<br />

justement le fait de consacrer autant de temps à des<br />

collaborations ou des travaux extérieurs à votre<br />

univers n’a pas nui à votre carrière personnelle ?<br />

Non. Parce que beaucoup de choses que je fais pour les<br />

autres est jeté à la poubelle mais me sert d’expérience.<br />

Ce disque (Toutes Directions), j’aurais pu le faire il y a<br />

deux ans, entre temps j’ai eu un enfant, j’ai préféré<br />

m’occuper de l’enfant.<br />

La plupart des artistes sortent des disques personnels<br />

parce qu’ils ne s’intéressent qu’à eux. Ils font leurs 12<br />

chansons tous les 4 ans, ils se reposent 1 an et puis<br />

retentent de trouver l’inspiration et ainsi de suite. Moi<br />

je ne travaille pas à ce rythme. Je ne suis pas toujours<br />

dans la production permanente mais pour vivre, je<br />

prends tout, des commandes, des pubs, des trucs<br />

chouettes, d’autres moins. Il y a un moment où je suis à<br />

deux doigts de perdre l’appétit pour la musique, où je<br />

frôle la lassitude à force de multiplier les travaux<br />

forcés et pas toujours inspirés. Mais je trouve que le<br />

fait d’avoir à se bouger le cul pour vivre est assez<br />

plaisant, ça permet de rester en équilibre.


Vous êtes toujours aussi pudique quand vous parlez.<br />

Est-ce que c’est pour ça que vous faites appel aux<br />

autres pour l’écriture, parce que le monde autour sait<br />

mieux exprimer que vous ce que vous ressentez ?<br />

Peut-être. Au début, je n’avais aucune confiance en<br />

moi. Le fait d’être sur le devant de la scène m’a<br />

longtemps embarrassé et je pense que c’était également<br />

frustrant pour les gens avec qui je travaillais. Les<br />

collaborations m’ont rassuré mais il y a là encore<br />

quelques limites. Quand vous n’êtes pas connus, les<br />

gens ne vous respectent pas, vous pouvez travailler sur<br />

un album de A à Z et n’être crédité de rien sur la<br />

pochette. A l’inverse (et ce sont souvent les mêmes<br />

personnes) quand vous commencez à acquérir une<br />

certaine notoriété, même si vous n’avez joué que deux<br />

notes de triangle, on met votre nom en gros en gras. Ça<br />

fait partie des choses que j’ai connues.<br />

Pour reprendre votre chanson, si vous pouviez faire<br />

un Voyage Sans retour, ce serait où ?<br />

(Rires). C’est tentant. Il y a un poète grec, je ne sais<br />

plus son nom qui disait que n’importe où que l’on aille<br />

on amène toujours nos problèmes avec nous. Il y a des<br />

impondérables, des choses liées à l’existence qui font<br />

que n’importe où l’on se déplace, on recrée toujours ce<br />

que l’on a quitté, je crois que c’est vrai. Ceci dit, quand<br />

je suis à la Montagne, dans les Pyrénées, j’ai toujours<br />

un peu de mal à rentrer à Paris.<br />

Votre bar préféré à Paris ?<br />

L’Embuscade, pas très loin de chez moi, quartier des<br />

L’Embuscade, pas très loin de chez moi, quartier des<br />

Batignolles.<br />

On interview dans ce numéro Barbara Carlotti, est-ce<br />

que vous avez un message à lui faire passer ?<br />

Ah bah c’est con, si j’avais su, je lui ai envoyé un mail<br />

toute à l’heure, je vous l’aurai passé (rires).<br />

+<br />

■ Propos recueillis par<br />

Thomas Carrié<br />

Photographies :<br />

Maxime Stange & Pauline Darley<br />

Merci à Elisabeth Lavarenne pour sa confiance !<br />

Retrouvez Bertrand Burgalat sur Myspace :<br />

www.myspace.com/tricatelburgalat<br />

Et sur sa page Facebook :<br />

facebook.com/bertrand.burgalat<br />

Et retrouvez les travaux photographiques de<br />

Maxime Stange et Pauline Darley<br />

sur leurs sites respectifs :<br />

www.maxime-stange.com<br />

www.paulinedarley.com


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grille des tarifs.<br />

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redaction@cru<br />

mb.fr


A RIDE IN<br />

Photographies : Brice Portolano – www.briceportolano.com


LA HAVANA


FRIE


On en avait gardé une sous le coude : Friends, le<br />

groupe de cinq jeunes, originaire de Brooklyn.<br />

Autour de la chanteuse Samantha Urbani<br />

gesticulent Lesley Hann, Nikki Shapiro, Matthew<br />

Molnar et Oliver Duncan. On les a rencontrés le 1er<br />

février dernier, alors que les vitres à moitié brisées<br />

de la flèche d'or, côté chemin de fer, ne laissaient<br />

heureusement pas rentrer le froid glacial de l'hiver.<br />

Leur single I'm His Girl est sorti en octobre dernier,<br />

l'album Manifest ! sort le 4 juin avant que la clique<br />

ne fasse la tournée des festivals cet été. On a parlé<br />

ne fasse la tournée des festivals cet été. On a parlé<br />

de choses gaies avec Sam et Matt. Lisez-donc.<br />

+<br />

Où en est l'album? Que trouvera-t-on dessus?<br />

Samantha Urbani : Il est terminé ! Il y a quelques<br />

modifications à faire mais il est quasiment prêt. Même<br />

si artistiquement, j'ai l'impression que rien n'est jamais<br />

vraiment abouti, terminé : tout est en constante<br />

évolution. Si cela ne tenait qu'à moi, il aurait fallu<br />

bloquer encore un mois entier pour travailler cet<br />

album. J'aime travailler et perfectionner les choses,<br />

mais arrivé à un certain point, il faut laisser les choses<br />

être ce qu'elles veulent être et passer à autre chose,<br />

pour laisser la place à de nouvelles idées.<br />

Il va falloir attendre jusqu'à avril ou mai avant qu'il<br />

sorte cela dit. Cela va être frustrant de l'écouter sans<br />

vouloir à nouveau tout changer -parce que j'ai tendance<br />

à faire cela, souvent.<br />

C'est un mélange de différents styles. Les titres sont<br />

parfois très éloignés les uns des autres dans leur<br />

sonorité. Je ne sais pas s'il y a beaucoup de disques qui<br />

sonnent comme ça en ce moment. Je suis curieuse de<br />

voir comment les gens vont réagir face à l'album. Dix<br />

ou douze chansons sont prévues, alors que nous en<br />

avons enregistré une vingtaine au départ -sans compter<br />

celles qui sont à moitié écrites. Mes préférées ne sont<br />

malheureusement pas toutes dessus. Si j'avais eu plus


de temps pour le parfaire, avec uniquement mes<br />

morceaux favoris, cela serait différent. Il fallait cela dit<br />

sortir quelque chose qui soit la "base" de notre groupe<br />

et qui rassemble les morceaux que l'on joue depuis le<br />

début.<br />

C'est toi qui écris toutes les chansons?<br />

Oui, au début du moins, avec la voix, les mélodies ou<br />

la structure de la chanson et parfois des prémices<br />

d'instrumentations guitare ou basse. Je créée aussi des<br />

rythmes grâce à des percussions sur mon ordinateur,<br />

avec des boucles, pour les démos. Une fois les idées<br />

lancées, tout le monde participe à l'élaboration du<br />

morceau et à la définition de son caractère.<br />

Les chansons proviennent d'expériences personnelles.<br />

Je converse seule, dans ma tête, à propos de certains<br />

sentiments, qui se transforment en chansons. Si c'est<br />

quelque chose que je ne crois pas pouvoir nommer ou<br />

articuler d'une manière productive, je me retrouve,<br />

comme beaucoup d'entre nous, à avoir des dialogues<br />

intérieurs. Car nous avons tous une relation avec nousmêmes<br />

qui nous permet de nous en sortir et de<br />

comprendre. Je fais cela en musique. Comme si une<br />

chanson, déjà écrite, apparaissait dans ma tête. Il faut<br />

alors faire un choix : l'enregistrer et la transformer en<br />

chanson grâce à mes amis. Parfois, je la laisse<br />

simplement être, comme une bande originale<br />

momentanée de ma vie, que je laisse se libérer.<br />

I'm His Girl, tu l'as écrite pourquoi?<br />

J'ai été dans une situation assez délicate avec un ami,<br />

durant un mois. C'était mon colocataire, il dormait dans<br />

ma chambre chaque nuit et nous sommes tombés<br />

amoureux. Cela dit, nous restions justes amis, sans<br />

savoir quoi faire. Jusqu'au moment où nous avons<br />

décidé d'avoir une relation "ouverte", d'être avec<br />

d'autres gens, même sexuellement si telle était notre<br />

envie, mais nous savions que nous étions ensemble<br />

d'un point de vue spirituel et émotionnel. Au niveau<br />

des paroles, beaucoup de mes chansons correspondent<br />

à des conversations internes mais celle-là, c'est plus<br />

une déclaration publique sur ma relation avec cette<br />

personne. C'est une manière de dire aux autres "si tu<br />

vois mon mec avec une autre meuf à une soirée, pas la<br />

peine de le crier partout ni de venir me le raconter, car<br />

je serais probablement ailleurs en train de faire la<br />

même chose". J'ai toujours eu cette conviction, que ce<br />

soit au niveau des relations avec un amant, des amis,<br />

un boulot ou même le gouvernement : je refuse de<br />

posséder quoi que ce soit, pour être en symbiose avec<br />

mon autonomie.<br />

C'est à peu près cela, l'histoire. J'étais en tournée, et<br />

puis je suis retournée dans notre ancien appartement<br />

pour passer une journée avec lui avant d'aller voir des<br />

amis à un concert. Leur groupe est super, ils jouent un<br />

genre de rock psyché avec de longues chansons qui<br />

partent parfois en impro. À la fin, on faisait un bœuf, et<br />

comme hypnotisée par le beat, j'ai commencé à<br />

Suite de l’interview page 98


chanter I'm his girl par-dessus. Le lendemain, je n'avais<br />

plus de voix parce que j'étais en tournée. En<br />

expérimentant différentes manières de chanter, je me<br />

suis retrouvée à chanter très bas, car ma voix me faisait<br />

très mal. J'étais dans ma chambre, dans cet<br />

appartement que je partageais avec huit autres<br />

personnes, et j'essayais de ne pas trop faire de bruit<br />

alors je murmurais la chanson à mon ordinateur. C'est<br />

comme cela qu'est née la démo que j'ai envoyée à<br />

Nikki. Il l'a écoutée et la première chose qu'il a joué,<br />

c'était la ligne de basse et les claviers. On a très peu<br />

travaillé dessus ensuite, le morceau a été enregistré très<br />

vite pour donner la version que vous connaissez<br />

aujourd'hui.<br />

J'écris des chansons introspectives et honnêtes dans<br />

l'idée que tout n'est pas rose non plus. Tu peux trouver<br />

de la joie dans tout, de la paix dans n'importe quelle<br />

émotion parce que tu dois être conscient de ce que tu<br />

ressens et l'apprécier en tant que sensation. Car rien<br />

que le fait que l'on ait des sensations est magnifique,<br />

même si certaines sensations sont, par nature,<br />

négatives. Les paroles de l'album ne sont pas toutes<br />

optimistes. Certaines chansons parlent de la mort,<br />

d'autres de ruptures amoureuses ; elles ne parlent pas<br />

toutes de se faire des amis, de créer des liens avec les<br />

gens.<br />

Matthew Molnar : Les paroles ne reflètent pas<br />

forcément l'esprit de la chanson. La musique semble<br />

parfois joyeuse et l'air entraînant, alors que ce que le<br />

texte raconte ne l'est pas du tout.<br />

Samantha Urbani : Ideas and ghosts parle de la mort,<br />

et d'être conscient du fait que l'on va mourir, de la<br />

même manière que tous les gens que l'on connaît. La<br />

raison pour laquelle je ne suis pas morte, c'est parce<br />

que je n'y suis pas encore préparée. La vie est une sorte<br />

d'apprentissage de la mort. Et quand cela arrive, tu sais<br />

que tu dois le faire, et comment tu dois le faire. Je veux<br />

que cela se passe bien : le jour où je meurs, je veux que<br />

tout soit parfait, cela sera la dernière chose que je veux<br />

apprendre à faire. C'est un morceau très rythmé, on<br />

peut danser dessus !<br />

J'aime l'idée de jouer une chanson qui fait bouger un<br />

public entier, et qu'ils écoutent ou non les paroles, ils<br />

dansent pour célébrer leur propre mort et la mienne.<br />

C'est un concept que les gens doivent assimiler<br />

davantage : ressentir la beauté et l'énergie partout, pas<br />

seulement dans le positif. On pourrait en parler pendant<br />

des heures !<br />

Vous êtes cinq sur scène, vous vous entendez toujours<br />

tous bien?<br />

Oui, je n'ai aucun souvenir de grosse bagarre entre<br />

nous. Voyager avec quatre autres personnes, cela peut<br />

s'avérer fatigant. À la longue, des petites choses<br />

m'énervent. Je mange de manière assez rituelle.<br />

Regarder des gens manger McDo devant moi est assez<br />

pénible. Je ne veux pas passer pour une moralisatrice<br />

ni dire "c'est dégueulasse, mange pas ça" alors je ne le<br />

dis pas. Même si c'est difficile. (rires).<br />

Tu es végétarienne?<br />

Non, mais Matt l'est. J'ai été végétalienne par le passé,<br />

mais plus aujourd'hui. Ce qui m'importe, c'est<br />

davantage l'origine de la nourriture et la manière dans<br />

laquelle elle est produite. Qui la vend, la prépare. Je<br />

préfère la nourriture bio, même si ça peut faire très à la<br />

mode de dire ça, c'est vrai. Je pense qu'il faut faire<br />

attention à ce que l'on mange. Sur la route, il est<br />

difficile de respecter ces convictions, mais j'essaie.<br />

J'aime aussi faire du yoga, mais c'est difficile à<br />

pratiquer quand on passe huit heures dans un van, à<br />

cinq. Une tournée, ce n'est pas ce qu'il y a de plus<br />

amusant ou sain même s'il y a de nombreux bons côtés<br />

tout de même. C'est un peu un challenge pour moi :<br />

s'adapter à ce mode de vie, en apprenant comment<br />

fonctionner sainement tout en voyageant.<br />

THINGS YOU CAN DO WHEN YOU'RE FIVE<br />

PEOPLE<br />

Sam :<br />

On peut :<br />

- Ecrire des chansons.<br />

- Ah. J'ai fait ça avec tout le monde dans le groupe<br />

: tirer les cartes. Le jeu de tarot reflète des tonnes de<br />

choses intéressantes.<br />

- Se tenir ensemble, en pleurant dans les bras des<br />

uns et des autres, sur le bord de la route pendant que<br />

notre van est en flammes. On l'a vraiment fait, l'hiver<br />

dernier, lors de notre tournée dans le Wyoming pendant<br />

que notre van brûlait.<br />

- Faire une pyramide humaine. Matt : Une pile<br />

humaine aussi. Ou même une chaise humaine.<br />

- Sam : S'échanger nos vêtements. Du coup on a<br />

tout le temps des nouveaux trucs cool à porter vu qu'on<br />

partage notre garde-robe.<br />

- Matt : tu peux jouer une chanson sans aucun<br />

instrument, en tapant sur des objets et en chantant. Les<br />

chansons sonnent du coup très "complètes", avec un<br />

minimum d'instruments et des gens qui tapent dans<br />

leurs mains et qui chantent.<br />

- Sam : rencontrer des gens français.


- Entrer dans des tombes ! J'ai fait ça aujourd'hui,<br />

au père Lachaise. Un caveau était ouvert, je suis entrée<br />

à l'intérieur pour y allumer des encens et même laisser<br />

un cristal. Je leur ai même un peu parlé, pour être<br />

honnête. Matt : on a même mimé le clip de Thriller en<br />

sortant de là. (rires).<br />

- Tu peux faire n'importe quoi à cinq en fait.<br />

Justement, la deuxième partie de la question, c'est<br />

WHAT CAN'T YOU DO WHEN YOU'RE FIVE<br />

PEOPLE?<br />

- Avoir son intimité.<br />

- Être d'accord sur tout, c'est couru d'avance.<br />

- Faire une tournée en voiture. Ce n’est juste pas<br />

possible, on a essayé.<br />

- Prendre une photo de groupe qui tienne la route.<br />

On est trop pour faire une photo cool.<br />

- Jouer au volley. C'est dur de jouer à deux contre<br />

deux. Il faut un arbitre ou un remplaçant du coup.<br />

- Matt : j'ai six frères et sœurs, j'ai l'habitude<br />

(rires)<br />

Vous pensez quoi de la décennie qui vient de<br />

s'écouler? Tant au niveau de la mode que…<br />

Sam : En-nu-yeux !<br />

Aujourd'hui, plus que jamais, tout semble être<br />

dérivé d'autre chose. La manière dont les médias se<br />

sont développés plonge les gens dans cet étrange cycle<br />

de nostalgie envers les vingt dernières années. La<br />

musique actuelle sonne comme celle des eighties et<br />

nineties, ou même sixties parfois, très affectée,<br />

influencée. Pour la mode, c'est la même chose : les<br />

gens portent des vêtements vintage. Je trouve cela<br />

génial cela dit, pourquoi acheter de habits neufs? C'est<br />

un peu du gaspillage. Les gens ont accès à tout, surtout<br />

au passé, grâce à internet. Il y a peu de choses<br />

foncièrement nouvelles. Dans les années soixante-dix,<br />

itunes n'existait pas, difficile alors d'écouter tout et<br />

n'importe quoi, ce qui rendait les musiciens bien plus<br />

inventifs. Grâce à cette nouvelle culture, il est plus<br />

facile de se réapproprier des concepts pour les recontextualiser<br />

et leur donner une toute nouvelle<br />

signification. Je serais cela dit curieuse de voir ou<br />

d'entendre quelque chose d'entièrement nouveau.<br />

Comment réagis-tu face à cela?<br />

Il m'arrive parfois d'être très têtue, cela me pousse<br />

à n'écouter rien de nouveau. J'écoute de vielles<br />

musiques. Je ne regarde presque pas de vidéos. Pour ne<br />

pas être affectée, même si techniquement, c'est<br />

difficile. De toute évidence, toute création combine un<br />

peu une multitude d'influences. Après tout, les humains<br />

fonctionnent comme cela. Dans une optique cyclique,<br />

on enregistre des informations pour ensuite les<br />

restituer. Tu en penses quoi Matt?<br />

Matt : Si tu n'adhères pas à certains aspects culturels,<br />

ils s'effacent en l'espace de cinq ans de toute manière.<br />

Tu peux contribuer à son changement, car quand les<br />

cycles s'essoufflent, libre à toi d'y participer ou<br />

d'intégrer de nouvelles idées, de nouvelles formes de<br />

créativité que d'autres expriment. Je trouve les années<br />

2000 plus excitantes que les années 90, pâles, vieux<br />

jeu, cinématographiquement, musicalement. Il y avait<br />

des aspects sympas mais je préfère les 2000. Il y a<br />

toujours de nouvelles idées, prêtes à sortir. C'est aux<br />

artistes de faire l'effort de les trouver.<br />

2020 sera comment?<br />

Sam : Aujourd'hui, les gens réalisent le potentiel de<br />

chacun au sein de la masse. Grâce au phénomène<br />

Youtube et au moyens de communication, il devient<br />

aisé de créer sa propre culture. Pour l'instant, c'est une<br />

démarche de consommateurs qui nous définissait,<br />

gobant la culture sur les médias pour notre plaisir.<br />

Chacun se réveille et réalise ce qu'il est possible<br />

d'insuffler à ce système à notre tour. Les gens créent<br />

des mouvements artistiques de manière indépendante<br />

et peuvent les propager à l'échelle mondiale, c'est ce<br />

qui est excitant à propos d'aujourd'hui. Si quelqu'un a<br />

une idée, un concept, une vision, les outils de<br />

communication sont dans ses mains !<br />

Alors, en 2020, j'espère que les démarches<br />

indépendantes prendront le pas sur les corporations et<br />

les industriels qui décident encore aujourd'hui ce que<br />

les gens aiment ou désirent. Avec un peu de chance,<br />

ceux qui sont créatifs surpasseront ce mode<br />

d'expression en trouvant un moyen de faire vivre leur<br />

art. Nous pouvons nous faire entendre partout dans le<br />

monde. Voilà ce qui est génial à propos de notre<br />

génération.<br />

Samantha, tu as participé à la réalisation du clip de<br />

I'm His girl. Vous savais faire quoi d'autre?<br />

A la base, je restais très discrète sur ma musique, car à<br />

la maison, personne n'était musicien, tout le monde<br />

travaillait sur de l'art visuel, moi y compris. Je peins, je<br />

sculpte, je fais de la sérigraphie aussi. Avec une<br />

formation d'institutrice de maternelle, j'ai beaucoup<br />

étudié la psychologie infantile. J'ai également fait pas<br />

mal de bénévolat pour aider les sans-abris. J'ai toujours<br />

cru que je deviendrais documentariste, car cela<br />

combine des dimensions sociales et des médias. Je suis


également plutôt punk, j'aime défier l'autorité.<br />

Aujourd'hui, mon projet c'est Friends, mais je ne sais<br />

pas de quoi sera fait demain.<br />

Matt : J'ai toujours été dans des groupes, depuis que<br />

j'ai 12-13ans. Je n'ai jamais vraiment eu d'autre<br />

passion. Je dessinais beaucoup quand j'étais ado, mais<br />

c'est tout. J'ai déjà essayé d'être normal aussi, d'aller à<br />

la fac, etc… mais cela n'a pas marché. (Rires).<br />

Vous êtes deux sur cinq. Ils auraient dit quoi, les<br />

autres?<br />

Sam: Lesley aurait dit quelque chose de perspicace<br />

mais minimal.<br />

Oliver aurait dit quelque chose d'intelligent, mais il<br />

aurait ensuite douté de ses propres paroles en étant<br />

plein d'autodérision.<br />

Nikki aurait fait les meilleures blagues. À chaque fois<br />

que j'aurais essayé de dire un truc sérieux ou politique<br />

il aurait dit un truc marrant pour me déconcentrer.<br />

Matt : Nikki-good ideas : c'est lui qui fait que tout<br />

fonctionne à merveille !<br />

+<br />

■ Propos recueillis par<br />

Bastien Internicola<br />

Assisté de Noémie Kressmann<br />

Photographies :<br />

Camille Anne-Louise Gorin<br />

Merci à Michele Marcolungo (Coop Music)<br />

Retrouvez les clichés de Camille Anne-Louise<br />

Gorin sur http://camilleALG.tumblr.com


Aube. Aurore. Peu importe.<br />

Nuits d’été<br />

La lune savoure le peu de règne qui lui reste tandis que<br />

le soleil, encore timide, envoie un coup d’œil taquin à<br />

cette dernière. Amour impossible.<br />

La douce fraîcheur de la nuit enivre. Un chemin de<br />

terre, une route déserte, un sentier calme. Le traverser<br />

pieds nus, une musique dans les oreilles, libre, sans se<br />

soucier des mœurs étrangères. Esprit tranquille. Seule ?<br />

Ou très bien accompagné(e). Laissons les prises de<br />

têtes inutiles aux personnes faisant preuve de<br />

masturbation trop intense de l’esprit. Pas de<br />

préoccupations extérieures, seulement une focalisation<br />

sur l’instant présent, le ressenti positif de ce moment.<br />

Merveilleux. Orgasmique. Pire encore.<br />

Dégustation d’une chaleur humaine provenant de la<br />

peau en feu de l’être aimé. Un baiser. Une caresse. Le<br />

désir enivrant d’une communion charnelle, parfois sans<br />

lendemain.<br />

Pas de questions. Laissons cela à ceux qui se disent<br />

érudits et intellectuels. N’éprouvons que de la joie à<br />

l’état pur, la simple sensation d’être vivant.<br />

Le plaisir de l’herbe foulée sous la plante des pieds<br />

mise à nue. Le frisson de l’air sur la peau découverte.<br />

Pas d’artifices. Pas de surfait. Une communion avec la<br />

nature, un retour aux sources.<br />

Texte : Tina Moeglin<br />

Passion. Jeu. Privilège.<br />

Personne pour dicter quoi que ce soit. Liberté d’action,<br />

de parole et de pensée. Les cris animaliers des<br />

créatures nocturnes se font entendre. Ouïe faible de<br />

l’être humain. Odorat trop peu développé. La ville nuit<br />

aux sens. Un besoin de se recomposer, un besoin de<br />

redécouvrir.<br />

Comme un jeune enfant, on apprend. On replonge dans<br />

l’émerveillement de chaque image nouvelle, de chaque<br />

odeur, son, endroit. L’homme est fait pour s’adapter, il<br />

survivra.<br />

Vécu. Eprouvé. Souvenir inoubliable.<br />

La frustration refoulée depuis la plus tendre enfance est<br />

à présent extériorisée. Quel soulagement. Quel<br />

sentiment d’aise, de bien-être.<br />

Mais chut. Uniquement ici, et maintenant. Comme une<br />

chaude nuit d’été.<br />

■ Tina Moeglin


Rover de vrai nom Timothée Régner 33ans, un air<br />

romantique comme l’on peut voir sur les portraits<br />

de Rimbaud ou Musset, une voix aussi mélodieuse<br />

que rock’n’roll, un parcours personnel qui s’est<br />

tissé aux quatre coins du monde. Ne pouvait en<br />

découler de ce grand gaillard à la coupe sauvage et<br />

l’aspect distingué qu’un album touchant<br />

authentique et cru. Rover est son premier album<br />

solo, et l’artiste qui travaille déjà sur son deuxième<br />

album alors qu’il est en pleine tournée nous livre ici<br />

l’histoire dans ses moindres détails d’un disque qui<br />

fait fureur auprès du public.<br />

J’arrive en avance et l’attends assise à une table<br />

ronde des studios. Lorsque je vois arriver un<br />

immense homme baraqué l’air angélique qui fait la<br />

bise à tout le monde, je devine que c’est lui. La<br />

veille il était en concert à la Maroquinerie et le<br />

lendemain matin il est d’aplomb pour une séance<br />

photos et entretiens.<br />

D’un air timide, il me dit bonjour me demande<br />

comment je vais (en plus il est sympa) et prend<br />

place. Rencontre / Camélia Mohamed.<br />

+<br />

Avant d’entamer j’aimerais te demander comment<br />

tu te portes, car deux jours plus tôt tu annulais un<br />

concert à la Rochelle pour raison de santé…<br />

Ben écoute c’est très gentil de t’en soucier je vais<br />

mieux, j’ai pu me reposer et reprendre des forces.<br />

Tu as choisis comme nom de scène Rover, j’avais<br />

donc envie de te demander quelle est la marque de ta<br />

voiture mais je constate que tu es venu en moto (il a<br />

un casque).<br />

un casque à la main).<br />

(Il rigole) : J’ai aussi une voiture et c’est une jaguar, je<br />

suis très anglais pour les voitures !<br />

J’ai pleins de questions à te poser, je t’avouerai que je<br />

ne te connaissais pas d’abord parce que je ne regarde<br />

pas la télé (il me coupe et me dit que lui non plus) mais<br />

j’ai écouté et Adoré surtout « Silver » (titre numéro 7<br />

de l’album) que j’ai repassé en boucle une quinzaine de<br />

fois,<br />

En ce moment tu fais une série de concerts et pour<br />

celui d’hier une de tes fans Cathia m’a dit que tu<br />

semblais étonné, très ému, en particulier lors du<br />

second rappel quand le public chantait avec toi. Tu<br />

ne t’attendais pas à ce succès ?<br />

Non. Je ne m’attendais absolument pas à ce que Rover<br />

soit reçu comme ça. Tant mieux d’ailleurs, c’est une<br />

bonne surprise quand le public est au rendez-vous que<br />

les gens sont réceptifs, c’est cela qui nous touche.<br />

J’avais connu d’autres succès avec d’autres groupes, là<br />

j’ai la chance d’être dans un label (nos amis de Cinq7)<br />

qui travaille en amont pour la sortie d’un album et qui<br />

me permet de toucher un maximum de gens et de façon<br />

peut-être plus qualitative en terme de support<br />

médiatique, ce qui fait que ça a touché un public et hier<br />

en l’occurrence j’avais un public qui connaissait les<br />

titres. Jouer devant des gens qui connaissent mes<br />

chansons, c’était une première. Quand les paroles d’un<br />

refrain sont reprises par 300 personnes, c’est<br />

inexplicable, c’est un rêve d’enfant.<br />

Tu as toujours beaucoup voyagé… le Liban, New<br />

York…, grâce à ton père qui travaillait dans une<br />

compagnie aérienne. Tu n’as jamais vraiment posé<br />

tes bagages, et pourtant le Liban tu es parti pour une<br />

durée définie de 3 semaines tu es finalement resté 3<br />

ans avant d’être expulsé. Peux-tu nous en dire<br />

quelques mots ?<br />

Il y a quelque chose d’abominable dans le fait d’être<br />

délogé d’un endroit où on s’est installé, d’un pays,<br />

d’une société où l’on joue le jeu, c’est-à-dire que je<br />

n’étais pas un délinquant je consommais je payais les<br />

taxes (il rigole), je respectais les mœurs les coutumes,<br />

malgré ça il y a des lois, comme en France pour les<br />

ressortissants les étrangers. Je me suis retrouvé dans la<br />

situation d’un sans-papier. Tu as 4 jours pour partir<br />

avec un horaire précis qu’il ne faut pas dépasser. C’est<br />

une cassure violente. Voilà pourquoi le projet Rover<br />

est aussi important dans ma vie c’est qu’il est né suite à<br />

un moment important de ma vie où j’ai dû tout<br />

reprendre à zéro, me détacher du matériel, d’une vie<br />

que j’avais fondée.<br />

Suite de l’interview page 106


En revenant en France, tu as choisi la Bretagne,<br />

pourquoi ?<br />

Ma mère est Bretonne, et on a une maison de famille<br />

dans le nord de la Bretagne, une vieille bâtisse toute<br />

déglinguée. J’y ai réuni beaucoup d’objets qui me<br />

tiennent à cœur mais qui n’ont de grande valeur<br />

pécuniaire. J’y ai construit un petit studio. C’est là où<br />

j’ai composé les titres de l’album. La solitude est<br />

jouissive, surtout lorsque l’on écrit des chansons,<br />

surtout en Bretagne, surtout en hiver (rires).<br />

Cet album, tu l’as écrit dans un été de colère, de<br />

haine, de frustration, car c’était tout juste après ton<br />

expulsion ?<br />

Un peu de tout ça. La musique m’a servie de thérapie.<br />

Evidemment j’en voulais au Liban, j’étais triste,<br />

rancunier, presque haineux. C’est un pays que j’ai<br />

aimé, où j’ai vécu des moments extrêmement forts. J’y<br />

ai connu la guerre, rencontré beaucoup de gens (il se<br />

racle la gorge et en riant me dit qu’il a la voix de<br />

Garou ce matin). Mais avec le projet Rover, j’ai appris<br />

à être heureux de musique, à défier mes sentiments, un<br />

peu comme quelqu’un qui coule au fond de l’eau et<br />

s’appuie sur le sol pour repartir plus haut. On dit bien<br />

« ce qui ne te tue pas te rends plus fort ». Je crois que<br />

c’est ça ! Il y a des adages que l’on entend depuis<br />

toujours et un jour tu te rends compte qu’il<br />

s’appliquant à ta vie. Enfin (avec un sourire<br />

malicieux), il y en a un que je n’ai jamais compris c’est<br />

« vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué », je ne<br />

sais pas trop comment il faut procéder (rires). En tout<br />

cas, voilà, Rover m’a sauvé la vie.<br />

Au Liban, tu formais un groupe avec ton frère, lui au<br />

chant, toi à la guitare. Quel regard porte- t-il<br />

aujourd’hui sur ton travail personnel ?<br />

Il est très fier et très content pour moi. Il y a une<br />

pudeur entre nous qui est évidente mais il y a un vrai<br />

respect mutuel, une concurrence que l’on a su garder<br />

saine.<br />

N’a-t-il pas un brin de jalousie pour ton succès ?<br />

Peut-être (rires). Mais la jalousie n’est pas forcément<br />

un vilain défaut. Cette jalousie-là, en tout cas, ne me<br />

fait pas peur.<br />

Tu as tout réalisé sur cet album. Tu voulais quelque<br />

chose d’authentique. C’est important pour toi<br />

l’authenticité ?<br />

Oui c’est crucial ! J’ai une sensibilité musicale aussi<br />

bien qu’artistique. Rover surplombe tout. J’avais<br />

besoin d’exprimer des émotions. Après, il est<br />

évidemment difficile de tout faire soi-même. Je n’étais<br />

pas dans un vrai studio, je n’avais pas d’ordinateur.<br />

Tout devait être bon dès la première prise. I faut que<br />

chaque prise soit magique, dans prétention. Et puis je<br />

suis un grand fan de McCartney et notamment de ces<br />

disques que j’écoutais quand j’étais petit et sur lesquels<br />

il avait tout enregistré tout seul. Ca s’inscrit sûrement<br />

dans cette lignée…<br />

Tu parlais de sensibilité artistique, on peut continuer<br />

la conversation sur la peinture ?<br />

Ahah. Je ne suis pas un historien de l’art mais la<br />

peinture me fascine. J’ai en fond d’écran « La Nuit<br />

Etoilée » de Van Gogh. Cette sensibilité-là, je la<br />

retrouve dans la musique classique que je consomme<br />

énormément. Il y a des dissonances qui me plaisent, de<br />

façon peut-être très naïve. Je n’ai jamais appris le<br />

solfège, je fais tout à l’oreille. La théorie m’a toujours<br />

emmerdé, je veux dire aussi bien dans les études que<br />

dans la vie. Pour apprécier une œuvre, on n’a pas<br />

besoin de connaître la technique à partir de laquelle<br />

elle a été faite, seulement de ressentir sa lumière et<br />

qu’elle transperce le cerveau. J’aime l’art à l’état<br />

d’instinct.<br />

Et cette sensibilité on l’a retrouve également dans<br />

l’amour, qui fait partie de tes thèmes de<br />

prédilection…<br />

Oui. L’amour est une de mes sources principales<br />

d’inspiration. J’aime les choses que l’on ne peut pas<br />

maîtriser. L’amour est un des rares domaines, avec<br />

l’art où les choses ne s’expliquent pas. Dans Aqulast,<br />

je parle « d’écrire ton nom sur mon cœur ». Il y a<br />

quelque chose d’extrêmement romantique là-dedans.<br />

On ne sait jamais quand les choses arrivent, quand<br />

elles disparaissent.<br />

Tu l’as trouvé l’amour toi ?<br />

(Il sourit) : Oui, je l’espère. On pense l’avoir trouvé à<br />

chaque fois mais les nuages finissent toujours par<br />

arriver.<br />

On te souhaite qu’ils ne reviennent pas. Qu’as-tu fait<br />

de plus fou dans ta vie par amour ?<br />

Ecrire Aqualast, qui m’est venu en une demi-heure !<br />

Ton groupe au Liban s’appelait The New<br />

Government. En période de guerre, c’est assez<br />

révélateur. Essaies-tu inconsciemment de faire passer<br />

des messages quand tu écris, composes, interprète… ?<br />

Surement. Il y a toujours quelque chose que l’on veut<br />

faire entendre. De ce nom de groupe que l’on avait<br />

choisi, dans un pays où il n’y avait plus de<br />

gouvernement émanait une provocation saine. Ce<br />

n’était pas non plus acte profondément politique. Dans<br />

Rover, cela se ressent moins à part peut-être sur le titre<br />

Silver, que j’ai écrit spécifiquement sur ça.<br />

Tu as également repris une chanson de Depeche<br />

Mode Enjoy The Silence…


Silver fait partie de mes titres préférés, Lou<br />

également. Toi sur l’album, si tu ne devais garder<br />

qu’une chanson ce serait laquelle ?<br />

La Roche, un titre-bonus. Je me suis battu pour qu’il<br />

soit conservé. Je trouve que c’est l’un des morceaux les<br />

plus audacieux que j’ai fait.<br />

Tu as un rituel avant de monter sur scène ?<br />

Oui. Mais il est imperceptible, du moins, tout se passe<br />

dans ma tête. J’essaie toujours de me rappeler pourquoi<br />

je joue. C’est une façon de respecter le public et de lui<br />

donner un peu en retour de tout ce qu’il vous apporte.<br />

J’ai noté une phrase que tu as dite lors d’une<br />

interview : « C’est comme en voyage lorsqu’on<br />

regarde un paysage magnifique le temps s’arrête. Et<br />

lorsqu’on reprend nos esprits on se rend compte que<br />

des heures ont passés. ». Sais-tu que cette phrase<br />

s’applique à ton univers et que c’est ce que l’on<br />

ressent lorsqu’on écoute Rover ?<br />

Merci ! Notre notion du temps évolue souvent avec<br />

l’âge. Avec la musique, j’arrive à m’installer dans une<br />

bulle relativement confortable qui fait que tout s’arrête.<br />

Si les gens le ressentent alors le travail est réussi. Cela<br />

me fait énormément plaisir que tu aies ressenti ça en<br />

écoutant ma musique.<br />

Plus jeune, tu écoutais Dylan, les Beatles ou encore<br />

Gainsbourg. Aujourd’hui tu écoutes quoi ?<br />

Plein de découvertes. Au seine de mon label, j’adore<br />

évidemment Bertrand Belin (couverture et interview de<br />

notre numéro 5, ndlr). J’écoute énormément de<br />

musique anglo-saxonne, Conan Mockassin, Julian<br />

Casablancas. Il y en a énormément.<br />

Tu serais-prêt à reformer un groupe ?<br />

Je ne sais pas. Avec les musiciens que j’ai choisis pour<br />

m’accompagner, j’ai humainement retrouvé un<br />

équilibre qui me manquait. Il fallait que je les choisisse<br />

moi-même, j’ai du mal à ce que l’on m’impose des<br />

règles. Etre accompagné en musique c’est comme être<br />

accompagné en amour. Il faut une certaine harmonie.<br />

Sur scène, il n’y aura qu’eux pour me défendre si ça se<br />

passe mal. Le nom ROVER peut faire penser à celui<br />

d’un groupe. Je crois que j’ai gardé un peu en moi de<br />

cet esprit de groupe.<br />

Le portrait de toi si particulier sur la pochette du<br />

disque, c’est ton choix personnel ?<br />

Non. Je ne voulais pas mettre ma gueule mais cette<br />

photo m’a perturbée. Elle a, oui, un truc de spécial.<br />

Puis on m’a dit « attend tu as fait ce projet tout seul,<br />

sur cette voix il faut mettre une tête ». Et celle-ci a<br />

quelque chose qui me plaisait. Je ne suis ni beau ni<br />

moche dessus. Enfin, je crois.<br />

En mot de la fin, si tu avais un conseil sur l’existence<br />

à donner à nos lecteurs, ce serait quoi ?<br />

De ne pas avoir peur de la solitude mais aussi de bien<br />

s’entourer et de ne pas trop se poser de questions,<br />

même si c’est relativement compliqué<br />

+<br />

■ Propos recueillis par<br />

Camélia Mohamed<br />

Un grand merci à Eric Marjault (Cinq7)<br />

pour sa confiance !<br />

Photographies :<br />

Fabien Pochez<br />

Retrouvez Rover sur Myspace :<br />

www.myspace.com/rovermusic<br />

Et sur sa page Facebook<br />

www.facebook.com/musicrover


Second Tour<br />

Le billet d’humeur par Théo Moncassin ! Illustration : Uberkraaft<br />

« Second tour, second tour… qu’est-ce que la politique<br />

vient faire dans son billet ?! » s’interrogeront certains.<br />

Rien, je vous rassure. A l’heure où j’écris ces lignes, le<br />

second tour de l’élection présidentielle n’a pas eu lieu<br />

et lorsque vous les lirez, nous aurons un nouveau<br />

Président de la République. « Ah mais alors, il veut<br />

probablement évoquer le dernier album de Zebda ».<br />

Non plus. Je l’ai fait une fois, ça m’a suffi.<br />

Non, ce sont deux formations (a priori apolitiques<br />

celles-là) que je souhaite mettre en avant. Il y a un peu<br />

plus d’un septennat, sortait Dig ! Le film-documentaire<br />

d’Ondi Timoner. Réalisé durant sept ans, ce chef<br />

d’œuvre retrace les parcours de deux groupes<br />

américains, The Dandy Warhols et The Brian<br />

Jonestown Massacre. Si vous ne l’avez pas vu, il est<br />

plus que nécessaire de réparer cette erreur. Car au<br />

travers du parcours de ces deux formations, c’est toute<br />

l’industrie musicale qui est décortiquée. Les Dandy<br />

Warhols s’envolant grâce aux labels qui les ont signés,<br />

alors que le BJM sombrait dans les méandres de<br />

l’indépendance. Mais en 2012, à l’heure où des<br />

publicitaires sans vergogne utilisent Johnny Cash pour<br />

vendre des jeux vidéo, ces deux groupes existent<br />

toujours et viennent de sortir chacun un album. Qu’en<br />

est-il ?<br />

This Machine est la nouvelle trouvaille des Dandy.<br />

D’une consistance inégale, il apparait comme un album<br />

dans la continuité de …Earth to the Dandy Warhols…<br />

sorti il y a quatre ans. C'est-à-dire difficilement<br />

écoutable d’une seule traite, malgré la présence de<br />

morceaux bien construits et aux riffs sympathiques tels<br />

« The Autumn Carnival » ou encore « I am Free ».<br />

Néanmoins, il apparait évident qu’un morceau comme<br />

« Alternative power to the people » pourrait être utilisé<br />

dans le but de torturer quelqu’un, avec un résultat<br />

garanti. Mais puisque le quatuor de Portland continue<br />

garanti. Mais puisque le quatuor de Portland continue<br />

de remplir les salles, il est probable que cet album<br />

trouvera son public. On lui laisse bien volontiers.<br />

Dirigeons-nous maintenant vers « un endroit<br />

formidable, l’idéal de la vie en ville » (in Brain<br />

<strong>Magazine</strong>, 01/05/12) selon Anton Newcombe, le<br />

charismatique et flippant leader du Brian Jonestown<br />

Massacre, Berlin. C’est en effet au bord de la Spree<br />

qu’a été créé le dernier album du groupe de San<br />

Francisco, Aufheben. Après quelques albums<br />

légèrement en deçà de la qualité à laquelle ils nous<br />

avaient habitués, le BJM revient aux sources : du<br />

psychédélique, des sonorités orientales (ainsi beaucoup<br />

de sitar), des envolées aériennes, une flûte envoutante,<br />

des clins d’œil aux Beatles (« I want to hold your other<br />

hand ») et à New Order (« Blue Order/New<br />

Monday »)… Tout y est. Et si certains sont encore<br />

sceptiques quant à la classe de cette galette, qu’ils<br />

assistent à la tournée d’été du BJM, ne serait-ce que<br />

pour les performances clownesques de Joel Gion et les<br />

probables insultes de Newcombe, spectacle assuré des<br />

grands vainqueurs du second tour !<br />

■ Théo Moncassin


Le Limier, 1972. Dernier film de Mankiewicz en<br />

tant que réalisateur, un de ses réalisateurs préférés.<br />

Les décors sont magnifiques, dit-elle, la photo hyper<br />

belle, les dialogues géniaux. Elle parle d'un huis<br />

clos, d'une belle rencontre entre le théâtre et le<br />

cinéma. Milo Tindle, lui, coiffeur, correspond<br />

parfaitement à l'image du parvenu américain, du<br />

nouveau riche. Il rencontre le propriétaire d'une<br />

maison immense, une sorte de magnifique manoir,<br />

riche collectionneur d'objets de cirque, de<br />

maquettes, disséminées dans toutes les pièces de la<br />

demeure. Le film parle d'une lutte entre les deux<br />

hommes, qui se piègent chacun leur tour pour<br />

l'amour d'une femme. Si les deux personnages ne<br />

partagent guère plus qu'un nom très similaire,<br />

Mina Tindle trouvait que le nom sonnait bien. Elle a<br />

gardé ce nom à cause de sa page MySpace nommée<br />

ainsi, de ses premiers concerts joués sous ce<br />

pseudonyme, de même que les premiers articles<br />

écrits sur elle. Nous l’avons rencontré un aprèsmidi<br />

ensoleillé pour l'entendre raconter l'histoire de<br />

Taranta, son premier album.<br />

+<br />

Quelle est ton histoire avec les Etats Unis?<br />

J'y ai habité un an, et fait ensuite plusieurs allersretours,<br />

pendant presque une autre année, pour aller<br />

surtout au Texas, afin de bosser avec des musiciens. La<br />

dernière année aux Etats-Unis, c'était un stage de fin<br />

d'études, mais je me suis retrouvée à faire beaucoup<br />

plus de musique qu'autre chose. Après des Etudes<br />

littéraires, je faisais de la communication en politique -<br />

rien à voir- (rires). Je me suis retrouvée avec un<br />

arnaqueur total dans une boîte de communication, ce<br />

qui m'a naturellement poussé vers la musique. Il a fallu<br />

un peu plus de deux ans pour faire cet album. Même si<br />

dernièrement j'ai un peu écrit en français, je ne me vois<br />

pas non plus écrire un album entièrement en français.<br />

J'aime bien la liberté de passer d'une langue à l'autre :<br />

c'est quelque chose que je trouve assez ludique. Dans<br />

l'acte de création, il faut réussir à s'étonner à chaque<br />

fois, pour découvrir des trucs et se lancer dans des<br />

terrains inconnus. Pour les textes et les influences, ça<br />

s'étend des musiques brésiliennes, américaines,<br />

françaises et sud-américaines. Je reprends souvent une<br />

chanson brésilienne. Je ne parle pas portugais mais je<br />

me suis fait traduire le texte, j'ai fait des recherches<br />

dessus et je l'aime beaucoup. C'est un des textes qui me<br />

touchent le plus. La chanson s'appelle Les Argonautes.<br />

Je la reprends souvent sur scène. C'est agréable de<br />

pouvoir se permettre de telles choses.<br />

Tu parles d'autres langues ?<br />

Oui, l'espagnol. Sur le disque il y a un interlude dans<br />

cette langue d'ailleurs, il s'appelle Allegria. Je ne pense<br />

pas encore pouvoir chanter une chanson en deux<br />

langues. Il y en a pas mal qui le font, Balavoine l'a fait<br />

(rires), mais pour l'instant c'est un concept que je<br />

trouve un peu difficile à aborder.<br />

Taranta, cela signifie quoi ?<br />

Taranta, c'est une des dernières chansons que j'ai<br />

écrites, qui n'est pas sur le disque. Je n'ai pas encore eu<br />

le temps de l'enregistrer. Récemment, dans un concert<br />

à la maroquinerie, j'ai invité des amies chanteuses, qui<br />

chantent divinement. J'avais même proposé à ma mère<br />

mais elle n'a (rires). Il y a une ritournelle à la fin qui<br />

doit être chantée. Ce sont des femmes qui entonnent un<br />

truc obsessionnel, même visuellement, c'est beau. Je<br />

suis tombée amoureuse de l'Italie du sud, une de mes<br />

meilleures amies en est originaire. Il y a cette tradition<br />

de la Tarentelle là-bas : cette danse, cette musique<br />

Suite de l’interview page


ancestrale de là-bas. C'est une tradition transmise<br />

oralement, un véritable rite de passage, que chaque<br />

femme apprend différemment. S'en dégage une<br />

dimension très spirituelle. Elle m'a raconté des<br />

histoires et le fantasme qu'il y a autour de cette danse,<br />

ce qui m'a fasciné au point d'écrire cette chanson.<br />

Les femmes qui travaillaient dans les champs de tabac<br />

avaient des conditions de vie très difficiles, toute la<br />

journée en plein soleil, quand elles ne se faisaient pas<br />

taper dessus ou violer par leur patron. Mais une fois<br />

par an, elles avaient le droit de danser, dans une sorte<br />

de carnaval, ce qui constituait une véritable libération<br />

pour elles. Lorsqu'elles dansaient ainsi, on les qualifiait<br />

volontiers de folles, comme si elles avaient été piquées<br />

par une araignée - taranta en italien, d'où la<br />

Tarantelle. Les danses étaient justifiées pour faire<br />

"sortir" le venin qu'elles avaient en elles, dans une<br />

sorte de transe qui pouvait durer des heures, des nuits<br />

entières jusqu'au petit jour, en rond. C'est cela dit une<br />

danse très noble. C'est une belle image sur la création,<br />

l'hystérie et les femmes. La chanson sera sur le<br />

prochain album, qui ne s'appellera pas Taranta (rires)<br />

Sur ton album, très construit, tu as pris ton temps,<br />

pour créer des morceaux riches. Comment faire sur<br />

scène pour recréer l'atmosphère de l'album et la<br />

complexité des arrangements ?<br />

On a essayé d'adapter les morceaux pour la scène, bien<br />

sûr, car les morceaux sont très produits. J'ai une pédale<br />

de loop, pour faire des boucles. L'année dernière je<br />

faisais des concerts toute seule, j'ai appris à m'en servir<br />

toute seule. Deux garçons m'accompagnent au chant,<br />

c'est chouette les voix d'homme pour les choeurs. L'un<br />

d'eux a même une voix extrêmement aigüe, qui lui<br />

permet de chanter presque toutes les lignes que je<br />

chante sur le disque. Olivier Margueri, des Syd<br />

Matters, s'occupe de la session rythmique. Grace au<br />

pads, il balance quelques séquences prises du disque,<br />

pour donner un peu d'épaisseur. En étant peu sur scène<br />

numériquement, difficile d'habiller les morceaux<br />

autrement.<br />

Quel est ton moment préféré pour écrire ?<br />

La nuit. Je ne crois pas encore avoir de déclic ou<br />

d'habitude. Mais la nuit, je peux me retrouver à bosser<br />

sur des enregistrements ou des maquettes et être hyper<br />

heureuse. J'enregistre beaucoup chez moi. Quand tu te<br />

couches à 4h du mat avec ta nouvelle chanson dans la<br />

tête, c'est super excitant. En ce qui concerne l'écriture,<br />

je ne sais pas, en voyageant probablement.<br />

La nuit, ça représente quoi pour toi ?<br />

Je ne suis pas du tout fêtarde. Je sors peu, mais j'ai<br />

souvent du mal à dormir, alors cela représente le<br />

moment où je devrais me reposer et je ne le fais pas.<br />

moment où je devrais me reposer et je ne le fais pas.<br />

C'est le passage avant la folie. Je n'ai encore jamais<br />

franchi la limite.<br />

Tu n'écris donc jamais en rentrant, en ayant un peu<br />

bu?<br />

Non, j'écoute de la musique dans ces cas-là. J'ai déjà<br />

enregistré en ayant un peu bu, cette ivresse-là est<br />

agréable, mais si t'es complètement bourré, tu ne vas<br />

pas réussir à écrire quoi que ce soit (rires). En général,<br />

j'évite de boire quand je bosse seule, ça serait un peu<br />

triste, non? Quand je bois, c'est que je suis avec des<br />

gens, et que je n'ai donc pas envie de bosser. Parfois,<br />

en tant que bonne geek des temps modernes, je vais me<br />

retrouver sur Facebook, à écouter les morceaux que<br />

certains amis musiciens postent, ou à cliquer sur une<br />

vidéo de Nina Simone pour ensuite écouter tous les<br />

liens associés. En étant un peu ivre, avec les images, tu<br />

trouves presque que la musique est mieux que<br />

d'ordinaire ! Dans la journée, je suis toujours un peu<br />

speed, pas le temps de regarder quoi que ce soit.<br />

J'ai un rapport bizarre avec les vidéos, internet, tu<br />

cliques, tu likes, tu approuves sans vraiment regarder.<br />

Mais tu ne prends pas le minutes nécessaires pour<br />

regarder ce que tu viens de liker. Les gens font ça.<br />

Internet est complètement chronophage, passer autant<br />

d'heures devant un ordi, c'est un peu ridicule quand on<br />

y pense. J'écoute de beaux vinyles quand je rentre,<br />

parfois.<br />

La tournée aux Etats-Unis, c'est pour quand ?<br />

J'aimerais beaucoup y aller. Peut être à l'automne, qui<br />

sait. J'y ai joué pas mal quand j'y habitais, dans un petit<br />

bar super, en bas de chez moi, où j'ai dû faire quatre<br />

concerts que je préparais vachement bien à chaque fois.<br />

C'était un peu le bar où tous les artistes de la musique<br />

indé de Brooklyn jouaient, c'était une très bonne<br />

expérience. C'était le bar de deux frères français qui<br />

s'étaient installés là-bas. Ils étaient les mecs connus du<br />

quartier. J'espère beaucoup<br />

Combien de temps pour entendre ton prochain<br />

album? Autant de temps que pour le premier ?<br />

Ah non, pas autant ! L'idée serait de le réaliser<br />

différemment. Dans le procédé d'écriture, je peux<br />

prendre mon temps, mais l'enregistrement, j'aimerais le<br />

faire assez rapidement. Plutôt que de passer deux ans à<br />

produire mon album, je préfèrerais arriver en studio<br />

avec les chansons prêtes !<br />

Interview : Bastien Internicola / Photographies :<br />

Francois Berthier – www.francoisberthier.com<br />

www.minatindle.com


TOURNEE<br />

ESTIVALE<br />

DES<br />

FESTIVALS<br />

DE L’ETE<br />

Il est vrai que l’hiver peut être parfois un peu long.<br />

Mais dès qu’arrive le mois de Mai, les visages<br />

s’illuminent, la fin de l’école approche, le soleil<br />

également. Il est alors temps, pour tout bon festivalier,<br />

de ressortir les éléments qui lui seront indispensables<br />

pour affronter ces quelques mois d’été sur les routes de<br />

Normandie et de Bretagne, c’est à dire : la tente<br />

magique (tu la lances : elle se déplie !), les bottes en<br />

caoutchouc, les cirés, mais aussi les casquettes, et<br />

l’après solaire ! Cet été, c’est avec une bande de jeunes<br />

gens, plus ou moins fictifs, plus ou moins fougueux,<br />

que nous vivrons ces weekends de fête. Appelons les<br />

Juliette, Louis, Paul, James, ou bien Suzon, et jetons un<br />

coup d’œil sur ce qui les attend dans les mois à venir.<br />

Le premier sol que nos campeurs, encore peu avertis,<br />

fouleront, sera sans doute celui des Papillons de Nuit,<br />

à Saint Laurent de Cuves. Petite commune Manchoise<br />

de cinq cents habitants, qui multiplie sa population par<br />

120 chaque weekend de Pentecôte. Pour sa douzième<br />

édition, le festival propose, comme à son habitude, une<br />

programmation aussi riche que variée, à un tarif<br />

relativement abordable. Nos jeunes acolytes, ravis<br />

d’avoir planté leur tente à côté d’Auvergnats tout à fait<br />

sympathiques, ne passeront cependant que peu de<br />

temps au camping. Ces trois jours seront denses, et ne<br />

leur laisseront que peu de temps pour dormir. Le site<br />

comporte trois scènes, assez proches les unes des<br />

autres, et évite au mieux le chevauchement de concerts.<br />

Il y en aura donc, et cela chaque jour, pour tous les<br />

goûts. Du rap d’Orelsan, à la pop de Charlie Winston,<br />

en passant par la chanson de Catherine Ringer ou<br />

d’Hubert Felix Thiéfaine, les journées seront variées.<br />

Mais c’est tous ensemble, qu’ils danseront jusqu’au<br />

petit matin sur Yuksek ou Etienne de Crécy le<br />

lendemain. Le samedi, sera l’occasion pour Juliette et<br />

Samantha d’habiller leur décolleté d’un « I Love<br />

Pete ! », espérant ainsi passer sur les écrans géants,<br />

pendant le concert du leader des Libertines.<br />

Enfin le Dimanche arrivera, et la journée,<br />

traditionnellement plus familiale ne dérogera pas à la<br />

règle. Puisque sont programmés Julien Clerc, Thomas<br />

Dutronc, ou encore les jeunes caennais de Granville<br />

(Nous tairons la présence de Nolwenn Leroy dans ce<br />

papier). Et déjà ce premier festival sera terminé ! Mais


le séjour n’est réellement clos que lorsque cette<br />

invention magique qu’est la « tente 2 secondes », a<br />

dénué rentrer dans sa pochette ! De retour chez eux, il<br />

leur sera sans doute nécessaire de nettoyer leurs bottes<br />

boueuses, de boire du thé pour leurs gorges abimés, de<br />

se promettre d’y retourner.<br />

Un mois plus tard, c’est à Evreux, en Haute Normandie<br />

que nous retrouverons cette joyeuse bande, qui n’aura<br />

sans doute pas beaucoup changé. Peut-être plus<br />

équipée, plus aguerrie que la première fois,<br />

l’installation de leur campement sera sans doute plus<br />

brève, le soleil plus chaud (il est impératif d’y croire !),<br />

mais le weekend irrémédiablement plus court que le<br />

précédent (mais une fois encore peu cher).<br />

Puisque Rock dans tous ses états ne dure que deux<br />

jours : Vendredi 29 et Samedi 30 Juin ! La<br />

programmation n’en est cependant pas moins riche,<br />

puisqu’elle nous présente de chouettes noms tels que<br />

The Crystal Castles, The Rapture, Chinese Man ou<br />

encore Daniel Darc, pour la première soirée<br />

uniquement. Le lendemain fera place nette aux grands<br />

Brian Jonestown Massacre, aux anglais de Two Door<br />

Cinema Club, qui reviennent sans doute avec quelques<br />

nouveautés, ainsi qu’aux rocks stars parisiennes de<br />

Stuck in the Sound qui viendront présenter leur dernier<br />

album : Pursuit.<br />

Le weekend aura probablement été dansant, fatiguant,<br />

émouvant, mais ce qu’ils ne savent pas, c’est que tout<br />

ça n’était qu’échauffement : puisque la semaine<br />

suivante, c’est à Hérouville Saint-Clair que tout se<br />

passe avec le festival : Beauregard.<br />

Hérouville ? C’est tout à côté de Caen. Beauregard ?<br />

Un superbe château blanc, qui offre son parc aux<br />

festivaliers, depuis tout juste quatre ans. Et c’est aussi<br />

pour ce cadre si particulier qu’on se rend chez John, la<br />

vedette, toujours anonyme du festival, pour cette<br />

atmosphère jusqu’alors ensoleillée (gardons bien les<br />

doigts croisés !). Difficile d’y camper, mais chacun<br />

trouvera bien un toit, les Normands sont des gens<br />

sympas ! Et puis, pour Franz Ferdinand, The Gossip,<br />

The Kills, Metronomy, Sebastien Tellier ou encore<br />

Selah Sue, Izia ou Hot Chip, on se démène un peu pour<br />

s’organiser. Une programmation hallucinante, où il est<br />

possible de tout voir grâce à cette alternance<br />

possible de tout voir grâce à cette alternance<br />

minutieuse entre les deux scènes. Le weekend du 6<br />

Juillet sera beau !<br />

Pour Les Vieilles charrues, nos joyeux lurons<br />

devraient rentrer, si tout se passe bien, dans la<br />

catégorie des « festivaliers habitués. ». Ils ne planteront<br />

plus leurs tentes à côté des toilettes, n’apporteront plus<br />

avec eux qu’un Kodak Jetable, et régneront en maître<br />

sur le camping breton ! Ils seront donc à Carhaix du 19<br />

au 21 Juillet ! Oui, parce que dans le Finistère on ne<br />

plaisante pas, lorsqu’on organise un festival, il dure<br />

quatre jours. Et ils proposent, cette année encore des<br />

têtes d’affiches aussi surprenantes qu’incroyables.<br />

Sous ces qualificatifs je mettrais des noms comme<br />

Sting, The Cure et Bob Dylan ! Et même si, à l’heure<br />

où je prépare le périple de notre charmante colonie, la<br />

programmation n’est pas entièrement dévoilée, nous<br />

pouvons ajouter à ces noms Justice, 1995, ou bien les<br />

anglais de Metronomy, qui semblent pas mal se balader<br />

cet été.<br />

Enfin, c’est pour un ultime weekend, que l’on<br />

retrouvera ceux qui seront sans doute devenus nos amis<br />

à tous. Un weekend à Saint Malo, ou plutôt, dans un<br />

fort tout à côté : la Route du Rock, sa plage, sa magie,<br />

et peut être cette année : son soleil !<br />

Malgré plusieurs éditions sous une pluie battante, il<br />

semble impossible de décourager les festivaliers. Et<br />

cette année, c’est un peu plus tôt que d’habitude,<br />

comme pour briser la malédiction du 15 Août, qu’on<br />

leur a donné rendez-vous. Ils seront donc le 10, 11 et<br />

12 Août au Fort saint Père, il fera beau, et ça sera un<br />

weekend de clôture tout à fait génial ! Et même si nous<br />

ne connaissons pour le moment qu’une petite partie de<br />

la programmation ; The XX et The Walkmen, suffisent<br />

à nous donner l’eau à la bouche.<br />

En attendant ces vacances à toute vitesse, il y a des<br />

exams à passer, des géraniums à planter et les bottes de<br />

l’an dernier à nettoyer. Le rendez-vous est pris, on se<br />

voit ici ou là !<br />

■ Anne-Louise Sevaux


ARAW<br />

Photographies : Ludovic Zuili<br />

www.ludoviczuili.com / www.araw.fr


LE MOT DE LA<br />

FIN : aRTHUR<br />

FIN : aRTHUR<br />

Voilà il y a quelques mois je m’inscris sur une plateforme de<br />

blogs, bien décidé à détruire mon monde à coup de phrase acide<br />

et de remarque bien pensée. Après un succès retentissant, (vous<br />

avez forcément entendu parler de moi…non ? Bon ce n’est pas<br />

grave.), je m’attendais à avoir de multiples demandes d’autres<br />

médias... j’ai attendu. Pourtant je ne comprends pas mes textes<br />

sont pleins de militantisme primaire saupoudré de mauvaise foi<br />

et de démagogie, c’est quand même super-actuelle. (fig. 1.)<br />

Mais, alors que je me lève un matin vers <strong>14</strong> h, j’entends cette<br />

sympathique mais néanmoins agaçante alerte du chat Facebook,<br />

à ce moment-là je me dis que c’est peut-être la magnifique<br />

brune aux yeux verts à qui j’ai fait du rentre dedans hier soir en<br />

sirotant mon rhum brun (à moins qu’elle soit blonde aux yeux<br />

bleus). En tout cas je suis sûr de ne pas l’avoir laissé<br />

indifférente puisque j’ai usé de tous mes charmes. (fig. 2)<br />

Loupé c’est un jeune bellâtre qui m’alpague et qui me demande<br />

si écrire dans son magazine m’intéresse. Passé le moment où<br />

j’ai cru me faire draguer par ce cher Thomas Carrié, je fus assez<br />

flatté. La vache quel honneur, enfin reconnu par mes pairs,<br />

surement un magazine de grande envergure internationale<br />

comme l’Express ou Biba… Non à la question mais pour quel<br />

magazine travailles-tu ? Ce sympathique personnage me<br />

répond, « <strong>Crumb</strong> »… (fig. 3)<br />

Bon…je vais feuilleter les anciens numéros histoire de me faire<br />

une idée. Les premières pages ressemblent exactement à celle<br />

d’un grand magazine de mode et tendance…des pubs, ensuite la<br />

seule chose que j’ai retenu c’est le nombre improbable de<br />

photos d’hipster à moustache (non je ne caricature pas) et les<br />

groupes que personne ne connaît, généralement ceux qu’une<br />

personne bossant dans la pub te balance avec un ton superhautain,<br />

pour se faire jouir intérieurement à un diner. (fig. 4)<br />

Au premier abord je ne suis pas spécialement le genre de<br />

personnage qu’ils cherchent. Je ne joue pas d’instrument, je sais<br />

un peu jouer la comédie, mais je suis plus proche de Samy<br />

Naceri que Charles Berling pour le talent, je ne suis pas capable<br />

de lancer un mouvement de mode… (fig. 5)<br />

N’allez pas croire que je manque d’ambition, la seule chose que<br />

je sache faire c’est râler sur le monde dans lequel on vit…je<br />

suis Parisien quoi. Mais si on regarde bien ce magazine, entre<br />

les articles d’artistes déjà confirmés, il y a une volonté de<br />

s’intéresser à des gens encore méconnus, qui feront deux pages<br />

dans les Inrocks dans 2 ans quand ils auront confirmé leurs<br />

talents. Vous voyez où je veux en venir ? Ce sont des<br />

visionnaires, putain ! (je m’emballe peut-être un peu là, mais<br />

c’est juste pour leur faire un peu de lèche). Normalement j’écris<br />

sur des trucs qui me font chier, là je ne peux pas le faire pour ce<br />

magazine, car il ne m’a rien fait de mal et en plus il est<br />

intéressant (bordel arrête avec tes compliments ce n’est pas<br />

payé). (fig.6)<br />

En même temps si Sébastien Tellier a donné une interview à<br />

<strong>Crumb</strong> c’est qu’on a forcément un magazine bien entre les<br />

mains. D’ailleurs, Je ne comprends ses détracteurs qui<br />

persistent à dire que cet homme est fou. (fig.7)<br />

Bref (ça ferait un bon titre de programme court ça), si je suis<br />

sous tes yeux chers lecteurs c’est que le rédacteur en chef de ce<br />

magazine à prit la peine de s’intéresser à mon blog et m’a<br />

demandé d’écrire un petit quelque chose dedans. Donc je me<br />

suis dit que j’allais écrire sur lui en retour. Si jamais par<br />

bonheur ça te plaît, il se peut que j’en écrive d’autres, mais cette<br />

fois-ci promis sur des sujets intéressants. Mais pour ça il faut<br />

que tu en redemandes. (fig.8)<br />

Bon pour finir il faudrait peut-être que je me présente, je<br />

m’appelle Arthur (comme 457 autres personnes nées en 1984,<br />

mais ça on s’en fout je suis né en 1985), je suis Parisien, parfois<br />

trop, j’ai un sérieux penchant pour les alcools forts (diplomatico<br />

réserva exclusiva avec un quartier de citron dedans merci), je<br />

roule en smart, je porte des jeans ACNE, des chemises The<br />

Kooples et j’adore placer plein de marque dans mes écrits pour<br />

faire chier les services juridiques. Allez, à une prochaine fois<br />

j’espère.<br />

Ah oui si jamais par hasard tu voudrais en savoir un peu plus<br />

sur moi ou ce que j’ai pu faire avant voici l’adresse de mon<br />

blog : http://www.jegueulepasjemexprime.com/<br />

C’est très sympa et pour chaque article lu c’est une copie du<br />

film le baltringue de Vincent Lagaff détruite.<br />

Arthur Perrier-Pillu


fig. 1<br />

fig. 3<br />

fig. 7<br />

fig. 4<br />

fig. 5<br />

ARTHUR !<br />

fig. 2<br />

fig. 6

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