Crumb Magazine 14

TRISTESSE
CONTEMPORAINE
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HOT CHIP
BERTRAND
BURGALAT
KINDNESS
MINA
TINDLE
ROVER
AIR WANKERS
BARBARA CARLOTTI
Magazine numérique à feuilleter

+ CRUMB #14
Crumb magazine - 40, rue Notre-Dame de Nazareth 75003 Paris
DIRECTEUR DE LA REDACTION. Thomas Carrié
COORDINATEUR DE LA REDACTION. Brice Portolano
RELATIONS PUBLIQUES Laurie Cassagnes
EQUIPE DE REDACTION / TEXTES Elsa Launay, Marie
Polo, Elen Huynh, Bastien Internicola, Anne-
Louise Sevaux, Camélia Mohamed, Tina
Moeglin, Margaux Canac, Laurie Cassagnes,
Arthur Pillu-Perrier, Charline Buda, Paul
Bousquet, Théo Moncassin, Thomas Carrié
PHOTOGRAPHIES. François Berthier, Fabien
Pochez, Diane Sagnier, Brice Portolano,
Ludovic Zuli, Pauline Darley, Maxime Stange,
Salomé Jartoux, Camille Anne-Louise Gorin
DESSINS ET ILLUSTRATIONS. Uberkraaft, Henrietta
Harris, vtwCr et les graphistes du site
www.famousdeadclothing.co.uk
ONT CONTRIBUE A CE NUMERO Noémie Kressmann,
Tina Moeglin, Margaux Canac, Marie Polo et
les équipes du site 1disque1jour.com, Clémznt
Puig, Bebopix et Fabrice Labit (photographies)
CORRESPONDANTES A L’ETRANGER Wendy Huynh
(Londres), Jennifer Païs (Québec), Roxane
Auriel (Espagne), Miranda Bleiddian
(Helsinki)
EGALEMENT MEMBRES DE LA REDACTION Brice
Bossavie, Cyrus Goberville, Krystian Carrié,
Stéphane Bourbon de Penthièvre, Adrien
Petrache, Jérémie de Gueltzl, Lola Pillu-
Perrier, Jérémy Leclerc
PHOTOGRAPHIE DE COUVERTURE. Diane Sagnier pour
Crumb magazine (Electric Guest w/ Because
Music)
contact-redaction@crumb.fr
FONDATEUR ET DIRECTEUR DE LA REDACTION
AVEC LE SOUTIEN DE NOS PARTENAIRES. ARTE
(service des actions culturelles), France 5,
RADIO NOVA, VP Greensleeves Records,
Street Tease, Universal Music, Sony Music,
Because Music, Cinq7, Polydor France, La
Flèche d’or (Paris), Tammy and Benjamin,
Faguo Shoes,Phenüm, Pias France, l’agence
Waaa, Le Charivari, Snatch magazine,
Brain magazine, Atmosphériques, Tôt ou
Tard, Record Makers, Excuse My French,
Cooperative Music, Cracki Records,
Believe Digital, CanalStreet,
MyMajorCompany
UN GRAND GRAND MERCI A Emilie Butel
(Because Music), Elisabeth Lavarenne, Eric
Marjault (Cinq7), Michele Marcolungo,
Quentin Vacheri (Coop Music), Elsa
Launay, les équipes du festival de Dour,
Cécile Di Salvo, Maud Pouzin, Audrey
Bouc, Judith Giacommetti, Netta
Margulies, Florence Kovalesky, Brigitte
Batcave, Axelle Giraud-Carrier, Camélia
Mohamed, Lucas Sorel, Théo Haggai
& Garance Moreau Champfleury
NOUS TRAVAILLONS A CE QUE VOUS PUISSIEZ TENIR
RAPIDEMENT ENTRE VOS PETITES MAINS UNE VERSION
IMPRIMEE DU MAGAZINE. POUR NOUS AIDER, PENSEZ A
LE FAIRE CONNAÎTRE AUTOUR DE VOUS ET A LE
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Crumb - E.I.R.L au capital variable. Parution
bimestrielle : 6 numéros par an.
Crumb est une marque déposée. La reproduction même
partielle des articles, textes et photographies parues dans
ce numéro est interdite sans autorisation écrite préalable
du représentant légal. La rédaction n’est pas responsable
des textes, illustrations, photos et dessins publiés qui
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l’accord de l’auteur pour leur libre publication.
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Si vous trouvez des fautes d’orthographes dans les pages de ce
numéro, merci de ne pas les regarder et surtout de nous excuser.
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+ SOMMAIRE
INTERVIEWS
Air Wankers ………………..………………..…………………....p. p. 22
Soko ……………….………………..…………..… p. 36
Electric Guest …………………………………..……..……..p. p. 44
Hot Chip ………………………………..………….…..p. p. 36 52
Barbara Carlotti ………………………………..………..…….p. p. 56 58
Kindness ………………………………..………..........p. p. 60 68
Bertrand Burgalat …………………………..………..……….…..p p. 72
Friends………………………………………………….p. p. 80 94
Rover …….…………………………………………….p. p. 80 104
Mina Tindle…….…………………………………………….p. p. 110 80
CHRONIQUES ET BILLETS
Willy Moon…………………….……………..................... p. 13
Darius…..………………………………..……….…....p. p. 12 14
Tristesse Contemporaine ………………..………..……………..p. p. 18 1
Tous Ego…. ………………………………..…..……..p. p. 1 20
Nuit d’été …………………………………………………….. p.103
Second Tour …………………………………………………….. p. 108
Festivals /…………………………………………………….. p. 114
Le mot de la fin : Arthur ……………………………………….. p. 132
BONUS MUSIQUE
La sélection du site 1disque1jour.com …………………..p. p. 134 116
SERIES PHOTOS ET ILLUSTRATIONS
Famous Dead Clothing………………………………… p. 30
Anastasia, par Salomé Jartoux …………………………….….. p. 60
A Ride In La Havana, par Brice Portolano ………………….….. p. 80
Araw, par Ludovic Zuili …………………………….…..p. p. 116
44

C’est une musique qui n’existait jusqu’alors pas, et qui
risque de ne décevoir personne. Puisqu’il y a dans le projet
de Willy Moon des influences multiples, variées et
inédites. C’est sans doute le rockabilly qui domine.
Engoncé dans un stricte costume So fifties, Willy Moon
fait tourner les jupes, et saccade la danse par une
rythmique électro/soul solide et maitrisée. Les hanches se
balancent alors au rythme de percussions venues
d’ailleurs. Sa voix à lui, c’est celle de James Brown, son
univers, celui des années cinquante un peu chic. Le
mélange est détonnant, la danse n’en est que plus folle.
Son image est jusqu’à présent parfaitement parfaite et
maitrisée. Ses trois clips nous le présentent comme un
jeune néo-zélandais de 21ans, rasé de près, à la posture
droite et élégante.
C’est en 2008, alors qu’il quitte son île natale pour
découvrir Londres, que Willy Moon commence à
s’intéresser à la musique. Et c’est une réussite, l’année il
livrera d’ailleurs une première version d’I Wanna Be Your
Man.
WILLY MOON
Aujourd’hui dans un clip en noir et blanc, il crie à qui veut
bien l’entendre (et il semble y avoir du monde...) qu’il
veut « être ton homme », une accroche So British,
scandaleuse à souhait, qui faisait déjà craquer les fans des
Beatles au siècle dernier. Ce jeune homme semble
maitriser la séduction autant que la musique ! Prometteur
donc, pour autant ne cherchez pas de jeu de mots sur le
thème de la lune, nous n’en ferons pas !
On parle d’un album pour l’année en cours, d’une tournée
entre l’Europe et la Nouvelle Zélande. D’ici là, nos soirées
ne seront rythmées que par ces quelques vidéos, déjà trop
visionnées... A suivre et découvrir.
■ Anne-Louise Sevaux
Willy Moon – I Wanna Be Your Man (EP) / 2012
Label : Universal Music Division Barclay -
www.wilymoon.com

Concernant la scène électronique française, 2012 se
présente peu à peu comme un millésime. Après
l’excellent EP - Down The Road des C2C en début
d’année, c’est au tour d’un jeune bordelais d’haranguer
les foules. Darius aka Terence N’Guyen crée la bande
son de l’été en sortant son premier EP, Velour.
Le Velour, c’est cette matière noble, chaude et
sensuelle qui se décoiffe dès qu’on l’érafle.
D’apparence sensuelle avec des titres béats comme
Falling In Love ou Dans Tes Yeux, la musique de
Darius se révèle très vite remplie de ces petites
aspérités charmantes que l’on ne ressent qu’avec les
doigts. Armé de ses samplers, Terence N’Guyen a créé
une bulle synthétique, remplie de sable chaud, de
surfeurs photoshopés et de nanas intellectuelles en
bikini, pimbêches aux yeux clairs de la côte Atlantique,
toujours plus blondes, toujours plus bonnes. Une carte
postale de fin d’après-midi où les corps naïfs et satinés
côtoient du bout de l’orteil les écumes bleues nuit dans
un soleil couchant. Ces corps qui se meuvent sous les
synthétiseurs hypnotiques et finissent par se désosser
sous les beats funky. Des sonorités french-touch très
90’s qui ne sont pas sans rappeler les débuts des Daft
Punk et leur Homework !
En bref, cet EP est un hymne à cette belle saison qu’est
l’été : ses Road Trip, ses afterworks éthyliques en
terrasse et ses plans dragues éphémères de gros lourd
qui ne reste qu’une semaine. Que dire de plus ? Bonnes
vacances, vous les avez bien méritées.
Ecouter l’EP :
■ Paul Bousquet
Darius – Velour (EP) / 2012
Label : Shiny Disco Club
www. soundcloud.com/dariusofficial

TRIS-
TESSE
CONTEMP
ORAINE
D’apparence cosmopolite, nos métropoles sont
rapidement devenues tentaculaires. Erigeant les
fantômes et le sang versé en statues, portant les
cicatrices des époques, nos villes contemporaines
reflètent le poids des combats. Les combats
triomphants de nos idéaux démocratiques sur la
sauvagerie, le poids des âmes écorchées.
Cet héritage culturel que l’on balaie par habitude, d’un
revers de main chaque matin en se rendant au bureau
prend une toute autre ampleur avec des yeux étrangers.
Ce n’est qu’à l’étranger que l’on prend le temps de
s’enivrer de l’histoire pour essayer de capter
l’ambiance, la culture, les mimiques, ce n’est qu’à
l’étranger que l’on mesure le poids du passé.
Malgré son patronyme français, Tristesse
Contemporaine est un groupe d’exilés venus poser
leurs valises à Paris. Narumi est japonaise, Léo est
suédois et Maik est anglais et accessoirement, le
chanteur d’Earthling.

Assommés par le poids de l’histoire et assoiffés de
comprendre l’époque dans laquelle ils vivent, Tristesse
contemporaine érige un constat froid et métronomique
manière de The XX en 2009. C’est sensiblement la
même ambiance nocturne qui se dégage de cet album.
Une voix trip-hop feutrée et fatiguée, des chœurs
cotonneux, une ligne de basse omniprésente, des
références communes - Joy Division, The Cure, mais
aussi une pointe de modernité grâce à la production
léchée de Pilooski qui trace le sentier de nos oreilles
via une mise en relief des basses, permettant de se
retrouver dans ces sonorités brumeuses et entêtantes.
Tristesse Contemporaine érige le constat vaporeux et
hypnotique d’une génération nombriliste qui se perd
dans les dédales de ses pensées nocturnes, une
génération de fourmis grandiloquentes et déracinées
qui se réveillent tous les matins avec la gueule de bois.
Un univers que les milieux branchés, adeptes des
énergies froides, se sont empressés d’incorporer
notamment avec «I Didn’t Know» qui rythma le
dernier défilé Chanel. Un excellent disque en somme,
parsemé de volutes d’opium, lorgnant plus du côté
narcotique que mélancolique. Foncez. !
Ecouter l’EP :
■ Paul Bousquet
Tristesse Contemporaine – Tristesse Contemporaine /
2012 - Label : Pschent
www. soundcloud.com/tristesse-contemporaine

TOUS EGO Le
Illustration : Henrietta Harris
billet d’humeur de Margaux

Comme le disait ce très cher et regretté Raymond
Devos : «Mesdames et messieurs ... Je vous signale
tout de suite que je vais parler pour ne rien dire. Oh! Je
sais! Vous pensez : "S'il n'a rien à dire ... il ferait mieux
de se taire!" Evidemment ! Mais c´est trop facile! Vous
voudriez que je fasse comme tous ceux qui n´ont rien à
dire et qui le gardent pour eux? Eh bien non!
Mesdames et messieurs, moi, lorsque je n'ai rien à dire,
je veux qu'on le sache! Je veux en faire profiter les
autres! Et si, vous-mêmes, mesdames et messieurs,
vous n´avez à rien dire, eh bien, on en parle, on en
discute!»
C’est tout à fait mon cas. Je n’ai aucune légitimité à
m’exprimer mais j’en ai envie. Je veux partager.
Le syndrome de narcisse nous a tous atteint mes amis.
Pour le pire et pour le meilleur. Mégalomanes,
égocentriques, nombrilistes et égoïstes sont rois. Les
altruistes se font rares. A la recherche du bonheur et du
bien-être avant tout. Ne dépendre de rien et surtout de
personne. Nous et seulement nous. Quelle noble cause.
Nous sommes en représentation. Tout le temps. On
s’adapte, on veut le consensus, on veut marquer.
Autant de paradoxes que d’absurdités. Dans un monde
de masse, il faut se démarquer; tout en plaisant au plus
grand nombre. Un jeu d’enfant. Le pathos de la
différence à l'unisson.
Facebook et réseaux sociaux offrent un bel exemple de
cette idée : je poste, on like, je me sens populaire, je
suis beaucoup plus cool que dans mon poste précédent.
Youpi. «Faire le buzz», quelle jolie expression, telle
l’abeille, on buzz. Mais ce n’est pas un peu agaçant
une abeille qui buzz dans nos pauvres oreilles? Je tiens
un bon truc, je vais peut-être le poster.
J’ai le sentiment d’appartenir à un monde (je vois
grand) dans lequel chacun fait tout pour «se faire
mousser», se rendre différent. A tous vouloir la même
chose, on devient tout le monde.
Je dénombre 4 catégories de personnes comportant ces
caractéristiques : ceux qui s’assument, dont l’arrogance
dépasse toutes «les bornes des limites»; ceux qui se
retranchent dans une fausse modestie à la recherche
désespérée du compliment et les mythomanes. - Je ne
m’épancherai pas sur ce dernier cas, le temps, l'énergie
et mes connaissances ne suivent pas. Si vous ne vous
retrouvez dans aucune de ces trois catégories, c’est que
vous appartenez au commun des mortels : bravo - ou
pas, ça dépend de quel côté vous vous placez. LE
COMMUN DES MORTELS? ÊTRE NORMAL? OH
MON DIEU QUELLE HORREUR ! «Autant ne pas
vivre sur cette terre» « je préfère manger des
excréments de chevaux pour le restant de mes jours
plutôt qu’être comme les autres». MAIS C’EST QUI
LES AUTRES? «Non, parce que tout le monde pense
ça» : il y a ceux que ça rassurent de se cacher derrière
la foule, c’est beaucoup plus facile pour affirmer son
opinion. D’ailleurs, c’est cocasse d’utiliser ce genre
d’expression dans un contexte où il ne faut SURTOUT
PAS, OH NON! OH GRAND JAMAIS! faire comme
tout le monde.
Il paraît même que le pervers narcissique utilise
souvent cette phrase, ironie quand tu nous tiens. Ce
pervers narcissique d’ailleurs, on ne deviendrait pas
tous un peu pervers narcissique? OH NON MON
DIEU CELA VOUDRAIT DIRE QUE L’ON FAIT
COMME TOUT LE MONDE. Je retire ce que je viens
de dire. Il est triste ce pervers narcissique, il fait du mal
en plus. Bim bam boum. Il rend fou celui-là. On
l’oublie. Jusqu’à la prochaine. Enfin bref, vous tous,
les narcisso/égocentro/nombrilistes, ça va pas ou quoi?
Vous pensez jamais aux pauvres «commun des
mortels»? - je n’ai pas la prétention de m’inclure dans
cette fabuleuse et fantasmagorique (oui oui) quatrième
catégorie. Assumez ce que vous être, looser ou cool,
les loosers sont cools. Et inversement. On ne vous
aimera pas plus parce que vous voulez être cool. C’est
antinaturel. Et dans une époque écolo, on aime la
nature.
Pourquoi avoir peur du jugement des autres lorsque
nous sommes sincères ? Nous nuisons à notre
spontanéité par crainte de ne pas être aimé. Nous
manquons foncièrement d'honnêteté, cruellement de
courage. Quel genre de plaisir pouvons-nous avoir
dans ce genre de relation ?
Fini l’empathie ! On ne se comprend plus, on s’écoute
d’abord. Le bonheur intra-personnel avant tout. On en
oublie les principes d’amour, d’amitié, on est tellement
centrés sur nous même qu’on manque l’essentiel. Il est
pourtant pas mal l’essentiel. Tout est une question
d’équilibre. La balance se renverse. Il faut voir et se
faire voir. On parle pour dire ce qu’il faut dire à CET
instant. On se crée une image. Nous sommes des
truands sociaux, des Christophe Rocancourt des temps
modernes. Il s’agit de jouer des rôles, de s’adapter à
chaque moment. Mais qui sommes-nous? A force de
s’adapter, on s’oublie complètement. Un moule ? Hop,
vite, sautons! Préconçus. Tout le monde y passe :
pseudos intellectuels, pseudos névrosés, pseudos
heureux, pseudos! pseudos! pseudos ...! Nous sommes
des pseudos, des statuts Facebook.
Prenez du recul. Regardez-vous.
■ Margaux Canac

On dit souvent que 90% de ce que l'on doit savoir
d'un artiste se trouve dans son album. Après avoir
suivi pendant plusieurs mois les deux jeunes
bordelais du duo AIR WANKERS à travers leur
page Soundcloud, nous avons voulu savoir ce qu'il
en était des 10% restant, histoire de confirmer ce
qui nous semblait être un coup de cœur. Nous leur
avons donc donné rendez-vous. Rencontre.
+
En vous suivant depuis quelques temps maintenant,
on constate une réelle évolution en écoutant Waves
Empire. Avez-vous travaillé vos dernières tracks
différemment, que ce soit en termes d'investissement,
de technique … ?
Effectivement nous nous sommes d’avantage investis
pour cet EP là que pour Wall of Sound pour lequel les
sons étaient plus électro, plus saturés, moins subtils,
plus bruts. En fait, nous n’étions même pas sûrs de
vouloir sortir W.O.S. Après réflexion, nous avons réuni
quelques productions faites au cours de l'année et nous
les avons sorties dans le but de pouvoir lancer la
machine, avoir le sentiment de passer un cap quant à
l'évolution de notre projet musical. Sur ce second EP,
nous avons essayé de construire des morceaux plus
complexes en essayant de travailler un peu plus sur des
sons que nous avons enregistrés (guitare, voix...) pour
obtenir des morceaux plus personnels, plus « AIR
WANKERS » quoi (rires) Nous avons aussi développé
l'aspect technique pour que les morceaux soit plus
sympas à écouter.
Les duos : on en connaît, on en entend, on peut en
citer un bon nombre dans votre milieu, mais ce qui
est intéressant, c'est de savoir de quelle manière on
crée lorsqu'on est deux et qui fait quoi ?
Maxime: Pour l'instant, Alex s’occupe de la production
et des arrangements ...
Alexandre: En fait, vous voulez savoir qui porte la
culotte chez A.W (rires) ! Plus sérieusement, je
m’occupe effectivement de la production “technique“,
mais Max a son importance dans le processus. Il
permet d'avoir du recul sur les ébauches et greffe ses
idées. C'est cette complémentarité qui nous permet
d'avancer. On ne finit jamais un morceau sans être
d'accord à 100% et surtout, on ne sample jamais
(hormis certains vocaux comme pour The Alley).
Vous êtes dans une optique plutôt autonome donc…
C’est vraiment ça ! Nous sommes tous deux
autodidactes, nous faisons tout chez nous avec nos
propres moyens sans jamais faire appel à des
professionnels. Du coup nous sommes obligés de
travailler davantage pour arriver à un résultat correct.
Le plus dur, c’est d’avoir assez de self-control pour ne
pas balancer le studio, l’ordi et le chat -ou le lapin- par
la fenêtre quand on vient de passer dix heures à mixer
des pistes et qu’il faut tout recommencer.
Waves Empire sonne beaucoup plus radical et
déployé, moins nerveux que Wall Of Sound mais il y
a toujours cet aspect "Headbang". Il est quand même
complexe de vous définir un style, de vous mettre
dans une case… Pensez-vous que c'est aussi un
moyen de capter et de retenir l’attention ?
Ce qui nous intéresse avec AW, c'est d'essayer de créer
quelque chose d'original, dans notre propre style. On
n’a jamais cherché à rentrer dans les tendances.
Grâce au regroupement de diverses influences, autant
musicales que cinématographiques et le fruit de notre
complémentarité, nous sommes assez naturellement
arrivés à créer notre propre univers : un son un peu
hybride, une synthèse entre rock 70/90 et électro, sans
pour autant se rattacher aux styles que l'on connaît.
Pour ce qui est de la case, on espère que les gens qui
écoutent de la musique, écoutent d'abord un son avant
de lui étiqueter un genre mais nous avons constaté que
ceux qui nous écoutent sont plus ou moins déjà issus
d’un univers électro/rock.
D’ailleurs, n discutant avec pas mal de personnes sur
leurs goûts musicaux, on s'est rendu compte d’un truc
assez paradoxal : ils ont accès à tout mais ne
plébiscitent pratiquement que les classiques.

Par moment, l'écoute de certains titres peut générer
une quantité d'images, une incitation au voyage,
quasiment proche d’un travail de B.O. …
Ce n'est pas volontaire mais c'est vrai qu'on nous dit
souvent que nos sons correspondraient bien à des
musiques de films. D'une manière générale, il y a une
corrélation entre sons et images et tant mieux ! Ces
deux univers nous parlent beaucoup. Le clip de
Backbone met bien en image le morceau, il reste fidèle
à notre univers tout en lui donnant du relief. Nous
espérons pouvoir renouveler rapidement cette
expérience, excitante et satisfaisante.
Vous n'avez pas peur que le clip constitue une limite
à l’imagination ?
Une mise en image est rarement assez forte pour la
bloquer ou la limiter. Les gens qui regardent un clip
après avoir écouté le même morceau ont déjà chacun
leur interprétation du son ainsi que leurs propres
images. Bien au contraire, mettre en image permet de
montrer ce que nous avons voulu faire passer avec
notre morceau et de les laisser imaginer d'autres choses
à partir de ça.
Nous appartenons à cette même génération ayant le
choix entre la gratuité ou l’achat. Avec vos jolies
pochettes, vous allez bientôt envoyer votre public chez
le disquaire ou allez-vous continuer à lâcher vos
morceaux gratuitement ?
La gratuité est volontaire. Nous avons été démarchés
par quelques labels qui nous proposaient de distribuer
notre musique sur des plateformes commerciales, ce
qui ne nous intéresse absolument pas ! Nous
recherchons vraiment à rentrer dans une maison
d'artistes avec des gens qui nous suivent et nous aident
à donner à AW une plus grande dimension. Nous
prenons notre temps et évitons de nous précipiter. C'est
un peu à l’inverse de la tendance actuelle en somme.
Que pensez-vous de l’évolution des réseaux sociaux
dans la promotion des artistes notamment ceux qui,
comme vous, s’autoproduisent ?
Si aujourd'hui nous n’avions pas tous ces outils, nous
faire connaître auprès du public serait compliqué. Un
aspect négatif des réseaux sociaux est que les
utilisateurs ainsi que les organisateurs accordent
beaucoup d'importance aux chiffres et basent notre
crédibilité là-dessus. S'ils voient un nombre de fans ou
de lectures un peu moins élevé que les autres, ils ne
chercheront pas forcement à en savoir plus et iront voir
autre chose. C’est un peu l’apothéose de la tyrannie du
chiffre, l’équivalent du célèbre “Si à 50 ans tu n'as pas
de Rolex, tu as raté ta vie”, mais en musique. De ce
point de vue, MySpace - et oui, nous avons connu
MySpace - était carrément mieux. Avant de baser la
crédibilité sur les chiffres, l’utilisateur voyait en le
design et donc l’univers du groupe, des dates passées et
à venir, le label... finalement, la crédibilité du groupe
dérivait d’une synthèse de tous les éléments qui en font
la réussite et c’était plutôt cohérent.
Nous nous rappelons avec émotion du MySpace de
Danger ou encore de celui de Kavinsky. Il faut dire
aussi que les “nouveaux” réseaux sociaux mettent
l’accent sur la quantité plus que sur la qualité quand
sur Myspace on devait stratégiquement choisir
quelques morceaux à présenter. De notre côté, nous ne
considérons pas cela comme un handicap, car c’est
seulement de l’apparence. Les gens qui nous suivent
sont des personnes qui apprécient notre musique et
notre univers, pas seulement parce que nous avons
buzzé sur un remix ou sur un morceau. Nous préférons
soigner le fond plutôt que la forme même si cela
implique un chemin un peu plus long.
D'ailleurs, on a entendu parler de vous pour vos
remix et notamment celui fait sur Roadgame, le
dernier titre de Kavinsky...
Oui, c'est vrai que pendant une période nous faisions
beaucoup de remixes et des remixes Contest. C'est en
partie pour essayer de nous faire connaître auprès d'un
public plus large. Ceci dit, c'était une période un peu
charnière où nous nous cherchions en terme de style, la
plupart de nos remixes sont assez peu représentatifs de
ce que nous faisons maintenant. A ce niveau-là, il est
vrai que Wall of Sound a marqué une rupture et nous a
fait prendre conscience de ce dont nous avions
vraiment envie. Nous en avons fait très peu depuis, le
dernier étant celui du morceau Roadgame de Kavinsky,
qui reflète bien le deuxième EP que nous venons de
sortir.
Au niveau des collaborations, vous seriez intéressés
pour travailler avec d’autres ? Si oui, qui ?
Cela dépend à quel niveau. Musicalement, nous
aimons avoir un contrôle sur la sonorité des morceaux
et sur leur style. Après, pourquoi ne pas faire des
collaborations pour des voix ou des instruments
particuliers... Nous voulons essayer de préserver notre
univers afin d'être cohérents dans notre projet, et l'idée
de mixer deux univers différents sur un morceau pour
AW ne nous intéresse pas tellement. Dans l'idéal, ces
collaborations concerneraient surtout le travail avec
des professionnels (producteurs, ingénieurs du son...),
disposant de moyens que nous n'avons pas. Cela nous
Suite de l’interview page 28

permettrait de nous concentrer moins sur l'aspect
technique des morceaux pour nous focaliser sur la
création et développer davantage d'idées sans avoir à se
dire « Ah non, ce n’est pas possible je n’ai pas le
matos ». Actuellement, nous avons beaucoup d'envies,
d'inspirations, beaucoup de choses à essayer, le
problème est que nous sommes plus ou moins bloqués
par la technique et par nos moyens.
Vous avez eu l'opportunité de faire quelques dates sur
Paris, Bordeaux, Toulouse depuis vos débuts, mais
toujours des dj set, jamais de live....
Oui. Nous avons eu la chance de jouer avec de grands
noms dans des salles de renom, en ayant toujours un
bon retour du public. Jusqu'à maintenant, nous
naviguions dans un milieu électro qui ne nous
correspondait pas forcement, et de ce fait les soirées
dans lesquelles nous jouions était aux antipodes de
notre style. Néanmoins, nous avons toujours respecté le
public et fait des sets en cohérence avec le thème ou le
style de la soirée où nous mixions. La scène est l'aspect
de notre projet que nous apprécions le plus. Que l'on
passe nos morceaux ou ceux des autres, ce sont
toujours des moments très intenses. Nous avons
cependant beaucoup d'idées pour donner vie à un live
et pas mal d'ambitions mais le moment n'est pas
propice pour déterminer quelque chose de précis.
Vous parlez de milieu électro, vous le percevez
comment ce milieu en ce moment ?
On aime pas mal ce qui sort actuellement, genre chez
Bromance entre autre. On écoute aussi quelques sons
mainstream sympas… Il est assez marrant de voir la
tournure que prend la scène Française, elle a toujours
été réputée pour la musique électronique et maintenant
elle évolue avec de la pop et d’autre groupes comme
The Shoes. C’est vraiment cool ! De notre côté, on ne
fait définitivement pas parti des sectaires de la musique
se gargarisant de n'aimer que quelques trucs, critiquant
la réussite des autres. On ratisse large (rires) !
Finalement 2 EP, des scènes, un clip : on sent que
vous passez progressivement des étapes majeures de
la reconnaissance d’un groupe. Quels sont vos
futurs projets, vos envies ?
C'est vrai que nous avons une bonne dynamique depuis
le début, avec toujours de bonnes opportunités et l'EP
que nous venons de sortir est une étape de plus.
Maintenant, nous aimerions vraiment rencontrer des
professionnels pour pouvoir continuer à évoluer
positivement. Dans tous les cas, nous continuons à
avancer... Waves Empire viens tout juste de sortir et il
est un peu tôt pour faire des prévisions mais nous
travaillerons davantage les voix...
Que pouvons-nous vous souhaiter pour la suite ?
De continuer à faire ce qu’on aime, que l’EP et le clip
de Backbone plaisent ! On prend un plaisir dingue à
voir Air Wankers grandir, évoluer, plaire au gens, on
ne veut pas que ça s’arrête !
+
■ Propos recueillis par
Laurie Cassagnes
Photographies :
Brice Portolano
www.airwankers.fr
Retrouvez AW sur Soundcloud :
Soundcloud.com/airwankers
Et sur leur page Facebook :
www.facebook.com/pages/Air-
Wankers/413926541951058
Et retrouvez les photos de Brice Portolano sur :
www.briceportolano.com
Et retrouvez le clip « BlackBone » réalisé par Brice Portolano en cliquant sur :
http://www.youtube.com/watch?v=58PqVwgxpRo&feature=g-all-u

Illustrations by www.famousdeadclothing.co.uk

INTERVIEW / RENCONTRE : Elsa Launay, assistée de Charline Buda
PHOTOGRAPHIES : Diane Sagnier

SOKO. Quatre lettres qui vous rappelle à hier
lorsque vous fredonniez peut-être sans le savoir son
fameux « I’ll Kill Her ». Mais Soko c’est surtout un
univers envoûtant et onirique, des images
inspiration enfance tournées au 8mm et un premier
album inventif et personnel à l’image d’une
autobiographie musicale sans cesse renouvelée. Et
son style alors ? Un genre ovni dirait-on ou bien
alien, au choix. Premier album. Rencontre.
+
Comment qualifierais-tu le style de ce premier album
?
Je voulais que cet album soit très intime, honnête et
touchant. Un ensemble vrai, intense et un peu dreamy.
Les chansons comme des secrets racontés.
Un peu journal intime ?
Oui, parce que tout ce que j'écris, je l’ai vraiment vécu.
Je ne me verrais pas du tout monter sur scène et
raconter des histoires fausses ou des trucs inventés.
On sent dans tes chansons le besoin de parler d'un
certain mal-être…
J’ai vraiment ce truc débile d'artiste torturé qui ne peut
écrire que quand il ne va pas bien. J'imagine que ça
transparaît forcément. Je suis tout le temps un peu up
and down et les chansons que j'écoute ne sont pas très
gaies… donc j’ai écrit beaucoup de paroles sur la
dépression et le suicide.
Et tu penses qu'un jour tu pourrais parler de tes joies
aussi ? Que ça t'inspirerait ?
Je ne sais pas. Je crois que je suis un peu trop torturée
pour ça. (Rires)
Dans tes vidéos et tes textes, tu as un fort rapport à
l'enfance, c'est une source d'inspiration très
importante ?
J'ai un vrai côté nostalgique. J’ai grandi trop vite et
voulu être une adulte trop tôt. Je suis partie de chez
mes parents à 16 ans et à 20 ans j'avais l'impression
d'être une mamie, d'avoir déjà tout fait. Si je restais là,
immobile, j'allais stagner et ma vie allait être
misérable. J’ai fait une espèce de crise d'adolescence,
du genre bombe à retardement. J'avais envie d'être
complètement sans attaches, insouciante et vivre un
peu comme un enfant.
Hook, c'est mon film préféré. Je pense que quand on
sait ça de moi, on sait beaucoup de choses. C'est
vraiment important pour moi de ne pas perdre l'enfant
qu'on était, de pouvoir encore s'amuser, voler et aller
au pays imaginaire si on en a envie.
Et ce premier album, c’est ton bébé ?
Oui ! À chaque montée de chaque petite marche,
j'avais envie d'y arriver toute seule. Je voulais pouvoir
jouer de tous les instruments, faire tous les
arrangements, être à fond dans la production, réaliser
tout mon artwork, faire mon site internet, tourner mes
vidéos... Pour moi, c'est un ensemble ! Le truc le plus
flippant aujourd'hui dans la musique, ce serait d’être un
produit contrôlé par d'autres. J’ai la chance qu'on me
laisse faire un peu ce que je veux, donc j'en profite et je
contrôle tout !
Et sans perdre ce pouvoir-là, tu as tout de même
collaboré avec des artistes à L.A. ? Comment ça s'est
passé, et avec qui ?
À L.A., il y a une vraie scène musicale et quand on
joue un peu là-bas, on rencontre vite tout le monde.
Stella de Warpaint, une de mes super potes, a fait des
guitares sur mon album. Harper Simon, le fils de Paul
Simon, a aussi joué de la guitare vingt secondes sur un
morceau. C'était très spontané, j'habitais à Echo Park,
j'avais une grande maison avec un studio, les gens
passaient prendre le thé tout le temps et on faisait de la
musique.
Suite de l’interview page 41

Tu as aussi collaboré avec Alexander Ebert… (NDLR
- album solo Alexander sorti en 2011 et chanteur du
groupe Edward Sharpe and the Magnetic Zeros)
Pas musicalement, mais c'était mon amoureux. Il m'a
aidée de manière différente, à choisir les chansons de
l'album, à faire le séquençage… On n'était plus
ensemble quand je finissais l'album mais il a vraiment
été d'un soutien incroyable. Et quand j'avais arrêté de
faire de la musique pendant un an, parce que je ne
supportais plus et que je ne m'en sortais pas avec mon
album, c'est lui qui m'a motivée à m’y remettre.
Tu écris cet album depuis un bout de temps et il est
prêt depuis juin 2011. Comment te sens-tu depuis la
sortie ?
J'ai été complètement en énorme dépression et je suis
sous antidépresseurs depuis un mois. Voilà comment je
me sens.
...
Je ne m’étais jamais dit quand j'écrivais que les gens
allaient écouter. Dans la vie, tu n’as qu’une chance
pour faire un truc une première fois ; ça y est, cette
première fois est passée, qu'est-ce que je fais après ?
Tu commences à réfléchir à tes projets futurs ?
Je fais peut-être un film cet été et je vais à LA dans
quatre jours pour faire une autre vidéo et mixer.
Que tu vas aussi réaliser ?
Oui.
Toujours avec un iPhone ?
Oui, avec l’application 8mm.
D’autres projets musicaux ?
J’ai déjà deux autres albums prêts que j'ai juste à
mixer. J'écris et je fais de la musique tous les jours. Je
suis une grosse music nerd, le premier truc que je fais
quand je me réveille le matin c'est mettre la musique et
le dernier truc c'est éteindre la musique. C’est ma vie,
je ne fais pas un album et j'arrête !
Quels sont les albums qui tournent en ce moment
dans ton iPod/iPhone ?
Le nouveau Perfume Genius, quelques chansons du
nouveau Baxter Jury, le dernier The Tallest Man On
Earth, le dernier Kurt Vile, que j'écoute depuis un an...
Le dernier Deerhunter dont je ne me lasse pas...
Des influences plus anciennes, depuis l'enfance par
exemple ?
J'ai Odyssey and Oracle des Zombies, qui est un de
mes albums préférés. Leonard Cohen, Paul Simon, qui
sont des génies...
Tu as aimé le dernier album de Leonard Cohen ?
Je n’ai pas vraiment écouté, j'ai un peu peur...
Ton meilleur souvenir musical à L.A. ?
Monsters of Folk au Greek Theater. Tous mes
musiciens préférés dans le même groupe : M.Ward,
Conor Oberst et le mec de My Morning Jacket.
Y-a-il une question que tu aurais aimé qu'on te pose
en particulier ?
Non, moins on m'en pose, mieux je me porte !
Dans la chanson I Just Want to Make it New with
You, on dirait presque que tu conclues un genre de
pacte avec tes fans. Est-ce que tu avais peur de les
décevoir après ta longue absence ?
Je n’ai pas du tout écrit cette chanson pour ça, j'ai écrit
cette chanson pour un mec dont j'étais complètement
amoureuse et qui fait de la musique très différente de la
mienne. On s'était dit tous les deux que dès qu'on
découvrirait la musique de l'autre, on serait tellement
déçus, on allait se détester et jamais s'aimer. Donc
toutes les paroles « you'll discover me from my songs,
my heartbreaks and fears and depression », c'était un
peu « tu vas découvrir toutes les pires facettes de moi
dans mes chansons et après tu vas me détester » !
Et quelles paroles de tes chansons te résumeraient le
mieux tu penses ?
« We might be dead by tomorrow ».
■ Textes et propos recueillis par
Elsa Launay
Assistée de Charline Buda
Photographies : Diane Sagnier
Merci à Emilie Butel (Because Music)
Retrouvez Soko sur son site internet :
www.sokomusic.com
Et sur Facebook :
www.facebook.com/soko
Charles Berling – I Thought I Was An Alien /
2012 - BECAUSE MUSIC

ELECTRIC
BERLING

GUEST
BERLING
INTERVIEW : Marie Polo
PHOTOGRAPHIES : Diane Sagnier

Electric Guest : sweet electro venu de LA, guidé par
la voix soul d’Asa Taccone et l’élan indie/rock du
batteur Matthiew Compton. Cité dans la presse
comme étant « les futurs MGMT », le duo est en
pleine ascension ! Déjà soutenu par Danger Mouse
(Gorillaz, Gnarls Barkley, The Black Keys),
Electric Guest a de grandes chances de déchirer
tout sur son passage et pour nous, c’est déjà l’un
des groupes révélation de l’année !
Rencontre avec Asa et Matthew dans l’entrée du
label Because Music (Breakbot, Connan Mockasin,
Metronomy, Justice, etc) à Paris. Terrasse, air doux
et interview…
+
D’où sortez-vous ? Electric Guest est encore peu
connu en Europe…Comment tout ça a commencé
pour vous ?
Matthiew : (Rires) On s’est rencontré il y a environ 7
ans à Los Angeles. Je venais d’arriver de Virginia et
Asa débarquait de Berkeley. A l’époque, Asa vivait
dans une baraque remplie de musiciens et de gens qui
gravitaient autour de l’art. J’ai emménagé avec eux. De
mon lit, j’entendais tout le temps Asa jouer de la
guitare ou chanter. Un jour il a débarqué dans ma
chambre et m’a demandé si je pouvais y rajouter
quelques beats de batterie. On a commencé à jouer
ensemble, de plus en plus régulièrement...Je ne
connaissais pas grand monde a LA et Asa est devenu
un très bon ami. Et tout en continuant à jouer pour le
plaisir, on a commencé à prendre ça plus au sérieux, à
vouloir enregistrer un album… On était tous les deux
venus à LA pour ça : la musique.
Et alors, quelles ont été vos inspirations, vos
influences pour l’album Mondo ?
Asa : C’est difficile à dire ! L’album nous a pris 5 ans.
En 5 ans, nos gouts musicaux ont beaucoup évolué…Je
venais d’un univers très hip hop et soul. Alors que
Matthiew avait un background plus indie/rock. On a
un peu fait un mix des deux…
Les choses ont beaucoup évolué pour vous depuis vos
débuts…Qu’est-ce que ça vous fait d’avoir le support
de Danger Mouse aujourd’hui ?
Asa : Symboliquement, c’est une grande fierté ! Et
puis Brian (Burton) est vraiment un mec génial. C’est
incroyable de voir à quel point il nous soutient…Il
vient à absolument tous les concerts qu’on fait en
Californie ! Un jour il a même traîné sa caisse jusqu’en
Arizona pour venir nous voir jouer ! Et puis il est à
chaque fois très nerveuse : il déteste qu’on lui parle
pendant le concert et il connaît toutes les paroles par
cœur. Enfin, c’est un peu comme un père pour nous,
musicalement …
Les médias français parlent de vous comme d’un
groupe « électro funk psychédélique ». Vos
instruments et voix sont souvent comparés à Vampire
Weekend, Two Door Cinema Club… Et votre
musique est assez trippante pour qu’on vous vous
appelle les « nouveaux MGMT ». Ça vous plaît ?
Asa : MGMT ! Wow, j’aime beaucoup ce dernier
commentaire ! Enfin, Vampire Weekend ont fait deux
albums vraiment cool mais ils ne sont pas si bien passé
que ça aux US…Quant à Two Door Cinema Club,
c’est un peu trop pop pour moi…
Matthiew : Par contre, j’adore vraiment MGMT !
Asa : Mais c’est génial que les gens croient autant en
nous !
Quel serait le pire groupe auquel on puisse vous
comparer ?
Asa : Ouh ! Je crois qu’on sait tous les deux la réponse
à cette question !
Matthiew : Ah oui ! Quel est ta chanson préféré mec ?
« Pumped up kicks » ! (Rires)
Foster The People ?
Matthiew: Oh … Je ne peux juste pas ! C’est une
différence de culture je crois…
Asa : Je sais que ça va sonner bizarre et je crois que
c’est quasiment impossible d’expliquer ça à un
français. Mais la base du problème c’est que Foster the
People est comment dire … « fourbe ». Quand on

« Les Foster The People sont fourbes […]
On a l’impression qu’ils ont étudié ce qui
était populaire en musique et en ont fait
un package pour avoir du succès […] On
a quand même fait leur première partie »
connaît toutes les tendances musicales qu’il peut y
avoir aux US, ce qui est sorti ces dernières années, les
différents genres,…On a vraiment l’impression qu’ils
ont étudié ce qui était populaire et ont fait un parfait
package de ce qui était en vogue. Enfin, on a quand
même fait leur première partie (rires)
Quel serait le plus grand artiste de tous les temps
alors ?
Asa : Wow, c’est hard comme question ! Je suis sûr
que la plupart des gens disent Bob Dylan…
Matthiew : Je n’ai pas envie de répondre Michael
Jackson mais il a quand même apporté quelque chose
de dingue à la musique : il a fait du très très bon boulot
sur le plan de l’innovation musicale !
Quel est le morceau que vous auriez rêvé de créer ?
Asa : Très bonne question…Ah il y a ce morceau,
« Follow », de Danny Richie Havens. C’est lui qui a
ouvert à Woodstock. Son arrivée sur scène en
hélicoptère a marqué les esprits... Il y avait tellement
de monde qu’il ne pouvait pas y accéder autrement !
Une fois sur scène, on lui a dit qu’il devait y rester 2H
alors qu’il n’avait que 8 morceaux à jouer. Alors il
s’est mis à improviser…C’est de là qu’est né
« Follow ». Ça reste quand même le meilleur morceau
de tous les temps à mon avis !
Pourquoi avez-vous appelé l’album : MONDO ?
Matthiew : C’est le nom du studio de Brian (Danger
Mouse). Il est juste en bas de la rue où on habitait et
on y allait très souvent…Quand on rentrait à la maison
et qu’on écoutait les morceaux qu’on avait enregistrés
sur Itunes, il y avait toujours « Electric Guest-
MONDO » qui s’affichait. Et on a trouvé ça plutôt
cool. Voilà !
Il y a de grandes chances que « This Head I hold »
soit un tube mais qu’est-ce qui vous laisse penser que
votre album va cartonner ?
Asa : Très honnêtement, on n’en sait rien ! On espère
vraiment que ça va marcher mais … En fait c’est assez
drôle parce qu’on a longtemps hésité à retirer « This
Head I hold » de l’album ! Mais il n’y a que 10
morceaux sur Mondo et ils sont tous très différents les
uns des autres. Au début je voyais ça comme un
manque d’unité et une faiblesse mais au final je pense
qu’on a notre univers bien à nous tout en restant très
ouverts : c’est ça notre force !
Et quel est votre morceau préféré sur l’album ?
Asa : J’aime beaucoup « Amber », une mélodie douce
un peu venue d’ailleurs…
Matthiew : Non, je crois que je préfère « Under the
gun » : son rythme est plus envoutant.
Et quel est le mot qui pourrait retranscrire l’énergie
de votre album ?
Matthiew : Beaucoup de gens disent qu’il est
« sunny » et qu’il rappelle la Californie, etc. Mais
« Amber » par exemple, me semble très « dark » au
contraire…
C’est vrai que même de manière générale, derrière la
mélodie de vos chansons, les paroles sont assez dures.
Chaque morceau semble être une critique ou un
zoom sur des choses néfastes de la société…
Asa : C’est vrai qu’avec les temps qui courent et la
nouvelle génération d’artistes, en tout cas aux US, les
gens ne veulent pas forcément faire passer un message
dans leur musique. Mais pour moi c’est essentiel ! La
musique est un moyen de se faire entendre sur tous les
plans et ce que je vais dire dans mes chansons compte
beaucoup. Les paroles que j’écris sont travaillées et
pensées pour chaque morceau.
Suite de l’interview page 50

Quel est le moment et le lieu le plus propice pour
écouter votre album ?
Matthiew : Je l’écoute que le soir en fait. Jamais
pendant la journée …
Asa : Je ne l’écoute jamais en fait… (rires) J’ai passé
tellement d’années sur cet album que je peux plus.
Mais je pense que ça peut être assez agréable de
l’écouter au petit matin. Enfin chaque morceau a son
meilleur moment pour être écouté … « Awake » par
exemple, clairement à écouter le matin !
La couverture de l’album est assez « arty ». Vous
devez être inspirés par d’autres arts que la musique…
Matthiew : Je suis un grand fan de cinéma ! En fait
j’écoute surtout les BO des films…Un de mes préférés
reste le compositeur John Berry !
Asa : Je crois que la couverture de l’album vient d’une
vieille photo que j’ai trouvé de la tête d’une statue
grecque qui s’effrite à moitié…J’aimais bien la
référence à la chute de Rome et à tout ce passé
grandiose qui a survécu comme il a pu. On a quand
même décidé de moderniser un peu l’image. En la
rendant digitale, on a pu faire un mix entre le passé et
futur. Symboliquement, ça nous représentait bien.
Certains parlent de vous comme du « hold-up du
printemps ». Quel effet ça fait ? Comment
appréhendez-vous tout ça ?
Matthiew : J’y pense pas trop perso. Je trouve ça
génial qu’on puisse faire une tournée en Europe et que
les choses avancent…Etre ici ça nous permet de voir
autre chose et de rencontrer des personnes d’autres
cultures…C’est une super ouverture ! Je pense que je
commencerai à réfléchir à tout ce qui est célébrité,
succès, etc. quand on aura fait plus de concerts…
Asa : Perso…Je flippe à mort ! (rires) J’espère juste
qu’on va y arriver. Ce n’est pas évident de tenir le cap
et puis c’est intense. Ça devient rare de pouvoir
prendre le temps de vraiment dormir par exemple…Les
décalages horaires, les interviews, les rendezvous…c’est
crevant mine de rien !
Quel est votre plus grand rêve ?
Matthiew : C’est de pouvoir faire ça toute ma
vie…J’ai l’impression de vivre un rêve aujourd’hui. Je
suis un peu parano sur le fait de pouvoir vivre de ma
musique. C’est très dur d’être un artiste toute sa vie.
Très peu de personnes arrivent à faire de la musique et
gagner leur vie une fois qu’ils ont 50 piges…C’est
presque impossible !
Asa : Et puis il y a une vraie différence entre ce qu’on
est vraiment et comment les gens nous perçoivent.
Parce que les gens nous voient à la TV, ils pensent
comment on évolue dans les années qui viennent et
qu’on est riches et connus…ce qui n’est pas encore le
cas ! (rires) Je pense que ça va être déterminant de voir
comment on évolue dans les années qui viennent et
comment on s’en sort financièrement avec notre
musique.
Quel est le plus beau compliment qu’on vous ait fait
jusque- là ?
Asa : Hier, cette journaliste nous a sorti un truc de
fou…
Matthiew : Ah oui, elle a dit qu’un album comme le
nôtre n’était pas sorti depuis longtemps et qu’il ferait
avancer la musique. Et le plus fort c’est la manière
dont elle l’a dit. Elle y croyait vraiment et nous l’a dit
droit dans les yeux … D’ailleurs c’est dingue comme
ici les gens sont vrais ! Ils t’écoutent vraiment quand tu
parles, ils sont vraiment concentrés et là avec toi. Ca
fait du bien…
Bon Asa, je dois te dire que beaucoup de gens sont
fans de tes pas de danse… (Rires) On dirait un
« Elvis latino » !
Asa : (Rires) Oh non, t’as vu la vidéo du pseudo clip
de « This head I hold » c’est ça ?! Ce truc est horrible !
On a joué le morceau en live et on l’a joué beaucoup
plus vite que l’enregistrement. Puis ils ont décidé de
rajouter la version album sur la vidéo du concert. Mais
ça ne colle pas du tout ! Les gens doivent croire que je
n’ai aucun sens du rythme…Et pour l’ « Elvis latino »,
je crois que ça va être notre prochain meilleur
compliment !
Question/Joker : qui est Jenny ?
Asa : Euh…Une fille avec qui je suis sorti quand
j’étais à l’université… (Silence) Bon en s’en fout, elle
lira jamais cette interview de toutes manière ! Le
morceau « Jenny » raconte sa galère. Quand on s’est
séparés, elle m’appelait tout le temps pour me dire
qu’elle allait se suicider, etc. Une fois l’album
enregistré, je lui ai dit que j’avais composé une
chanson pour elle, enfin sur elle…Mais elle ne l’a
jamais écouté. Le refrain dit : « Jenny turned away » et
c’est vraiment ce qui s’est passé. Au début, elle était la
fille la plus normale qui puisse exister et après elle
s’est mise avec un mec qui la battait, qui l’a mise
enceinte et ils se sont mariés…Enfin bon, le pire qui
pouvait lui arriver ! Et maintenant elle est comme
déconnectée du monde, perdue … On change de sujet ?
(Sourire).
Bonne idée ! Bon…vous…vous êtes de Californie !
De quel cliché californien vous rapprochez-vous le
plus : Z-boys, surfers, skaters, fumeurs de weed sur
les toits… ?
Matthiew : C’est toi le Cali-boy ! (rires)

Asa : Ok, ok…Skater ! J’adorais ça et j’étais super
bon…Enfin mon frère était encore meilleur que moi. Il
a même été sponsorisé pendant un moment ! Et puis
moi, j’ai vieilli et je me suis mis à la musique, et mes
genoux me font mal, et mon dos me fait mal … (rires).
J’arrive plus à marcher…Vous pensez que je danse
mais en fait je m’effondre sur place ! (rires)
Bon pour finir, racontez-moi une histoire folle !
Asa : (RIRES) D’où te sortent ce genre de questions !
(rires) Euh…Quand on était en train d’enregistrer
l’album, on est resté quasiment 2 semaines cloitrés
dans le studio avec Danger Mouse. Il y avait toujours
Brian et ses deux ingénieurs du son. A force d’être H-
24 ensemble, Brian et moi avons eu quelques
tensions…Un jour, je rentre dans le studio et les deux
ingénieurs, qui ne sortaient JAMAIS, décident d’aller
au Starbucks. « Weird ! » Bref, je me retrouve en tête à
tête avec Brian dans une atmosphère très tendue…Au
bout d’un moment, il me dit : « Asa, viens t’asseoir !
Faut qu’on parle. Il va falloir qu’on arrive à s’entendre
tous les deux si on veut réussir à travailler
ensemble… ». Et là, il me met l’album entier de David
Bowie et il me dit : « Il faut que t’écoutes ça. Que tu
l’écoutes vraiment. Fais en l’expérience totale… ». Et
il est parti. C’est peut-être la manière de régler ses
problèmes la plus étrange que j’ai connu…Et ça a
marché !
Belle histoire ! En tout cas, on vous souhaite plein de
belles rencontres, de belles scènes et d’expériences
musicales toutes plus riches les unes que les autres…
Asa : Merci beaucoup ! D’ailleurs je suis en train de
bosser avec Charlotte Gainsbourg sur les paroles de
son prochain album…
+
■ Propos recueillis par
Marie Polo
Merci à Emilie Butel (Because Music)
Photographies :
Diane Sagnier
www.electricguest.com
Retrouvez Electric Guest sur leur page Facebook :
facebook.com/electricguest
Et retrouvez les photos de Diane Sagnier sur :
www.dianesagnier.com

Si les chansons de Hot Chip prédominent sur votre
playlist Time To Move, c'est normal. Hot Chip, c'est
un peu le groupe qui fait danser des foules entières
sans pour autant finir dans une techno parade.
Avec des morceaux comme Over and Over, One Life
Stand ou encore A Boy From School accompagnés
d'une voix que l'on reconnaîtrait parmi 1000, le
quintette est devenu en l'espace de quelques années
l'un des groupes préférés de Pitchfork dit la bible
musicale par excellence. En effet, Hot Chip a fait ses
preuves montrant à chaque album leur talent et
leur efficacité à toujours nous surprendre quoi qu'il
arrive. Avec ce nouvel opus In Our Heads (Domino
Records) qui sortira en juin prochain, vous serez
habillés pour l'été. A défaut de ne pas pouvoir
écouter l'album tout de suite, vous aurez au moins
l'explication pour mieux l'apprécier. Rencontre
avec Alexis Taylor et Owen Clarke, deux têtes
pensantes de la bande.
+
Comment allez-vous les gars ?
Ca va mais on est plutôt fatigués.
J'ai cru comprendre que vous partiez à Berlin...
Oui mais on va plutôt se reposer ce soir et reprendre la
promo demain.
Parlons de votre label. Après avoir signé trois albums
chez EMI en Europe, pourquoi avoir choisi Domino
pour ce nouvel album ?
A vrai dire, cela s'est fait naturellement. L'opportunité
d'arrêter de travailler avec EMI nous a été donnée car
nous étions à la fin de notre contrat. Nous leur avions
donc demandé : « Est-ce qu'on peut partir alors? »
(Rires) et ils ont accepté. Etant donné que c'est une très
grosse entreprise, il n'y a pas eu de problème. Puis,
nous voulions travailler avec de nouvelles personnes et
l'idée de travailler avec le label Domino nous est
venue.
Et comment se passe cette collaboration ?
Très bien, mieux qu'on ne l'aurait pensé (rires). C'est
plus facile de travailler avec eux et quand on a des
moments difficiles, ils sont assez intègres. En plus, ils
ont cette même passion pour la musique. C'est
vraiment un plaisir de travailler avec eux.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez
choisi In Our Heads comme titre du nouvel album
alors qu'aucune chanson ne porte ce nom ?
Quand il a fallu donner un nom à l'album, on a choisi
In Our Heads. En fait, c'est une phrase qui est présente
dans la dernière chanson du disque qui s'appelle
Always Been Your Love. On a voulu donner ce nom car
In Our Heads représente bien l'album, il reflète tout à
fait ce que l'on pense et surtout ce que l'on veut
partager pour donner envie de nous écouter.
Avant d'entrer en studio, aviez-vous des idées sur la
façon dont cet album allait sonner ?
Avant d'entrer en studio, on avait seulement deux
chansons : Ends Of The Earth and Flutes. On n'avait
pas planifié la suite de l'album, on n'a juste trouvé que
ces deux chansons étaient un bon départ puis on a
improvisé pour écrire le reste. Certes, on avait une
petite idée de ce qu'on voulait mais aucune raison ne
nous poussait à écrire telle ou telle chose ou sonner de
telle ou telle manière. Ces deux premières chansons
sont un peu plus noires et techno que les autres. Par
exemple, Always Been Love sonne plus Beatles, plus
McCartney d'une certaine manière. Elle a un son plus
soul que le reste du disque. Quant à Night and Day,
c'est une chanson plutôt sombre avec une ambiance qui
rappelle un peu Sexy Back de Justin Timberlake
produit par Timbaland notamment dans les voix. C'est
un son assez futuriste.
Oui, vous sonnez de plus en plus électronique et
futuriste au fil de vos albums. Comment expliquezvous
cela ?

Pour nous, c'est une sorte de progression qui est
devenue plus prononcée. Sur notre premier album
Coming On Strong, on ne savait pas vraiment ce que
l'on faisait. De plus, il n'y avait pas vraiment
d'influence disco tandis que le deuxième The Warning
sonnait plus house et justement plus disco. Cela
prédominait presque sur chaque morceau. Mais la
musique change et les genres changent. Le premier
album était plus pop contrairement au dernier qui se
rapproche plus du hip hop. Cependant, il y a de la pop
dans chaque disque. Dans chaque interview, les gens
cherchent à savoir quel est le disque le plus pop, le plus
doux, le plus électro. Nous avons tous un avis différent
sur un disque, c'est juste une opinion. Par exemple,
certains disent qu'un groupe déchire et par conséquent,
qu'ils font du rock (plus logique en anglais : « You
guys rock so you make rock music !!! (Rires).
Vous avez récemment sorti une vidéo assez originale
pour le premier extrait de votre album. Elle donne un
peu le tournis. Parlez-nous un peu de cette vidéo.
Eh bien, pour Flutes, nous voulions réaliser une idée
très simple à comprendre qui s'est avérée plus
compliquée qu'on le ne pensait. En fait, lorsqu'un
disque sort, il arrive que des gens filment le disque qui
tourne sur une platine vinyle et vont ensuite partager ça
sur Youtube. Le son que l'on entend sur ces vidéos est
seulement celui de la caméra. Cependant, pour notre
vidéo, nous avons choisi de poser la caméra sur le
disque afin de voir uniquement ce que la caméra peut
voir.
Vous avez remixé de nombreux artistes jusqu'à
maintenant comme Junior Boys ou encore Gorillaz.
Y-a-il de nouveaux artistes que vous aimeriez remixer
aujourd'hui ?
Owen : Tom Waits. Je trouve que ces chansons sont
remarquables et que l'on pourrait prendre du plaisir à le
remixer.
Alexis : J'ai déjà fait des remixes à mon nom. Ce que je
préfère par-dessus tout, c'est de remixer des chansons
qui ne sont pas faites pour danser en général. J'y prends
plus de plaisir car les gens ne s'attendent pas à ce que
je remixe ce genre de chansons. C'est plus drôle de
surprendre les gens en remixant des musiques qu'ils
n'aiment pas comme par exemple Prince ou encore
Lana Del Rey qui ont de très jolies voix mais qui ne
sont pas vraiment faites pour danser.
En parlant de remixes de Lana Del Rey, as-tu écouté
celui de Penguin Prison ? Je le trouve pas mal. C'est
un artiste de Brooklyn.
Alexis : Non, mais je vais l'écouter merci. Il y a un
remix de Lana Del Rey que j'aime particulièrement,
c'est celui de Joy Orbison sur sa chanson Video
Games. Tu devrais l'écouter.
Owen : Ah ça y est, vous échangez vos remixes entre
vous maintenant ! (rires)
+
■ Propos recueillis par
Elen Huynh
Photographie : HT Backdrops
www.hotchip.co.uk
Et retrouvez Hot Chip sur Facebook :
facebook.com/pages/hotchip

BARBARA
CARLOTTI

L’heure de l’ascension a sonné pour Barbara
Carlotti. Avec son nouvel album « l’Amour,
l’argent et le vent » la chanteuse de 37ans, au long
parcours, sème un vent d’amour sur la scène
musicale et vu l’engouement du public qui
l’accueille bras ouverts l’argent ne devrait pas être
loin, manque encore le vent. Ou pas. Du vent il y en
avait ce jour-là à l’hôtel Amour, à Paris où nous lui
avions donné rendez-vous.
+
Tu as produit tes deux précédents albums sur un label
anglais. Aujourd’hui, tu sors un nouvel album chez
ATMOSPHERIQUES, un label partenaire que l’on
aime beaucoup. Pourquoi ce choix ?
L’équipe du précédent label chez qui j’étais a changé.
Les gens avec qui j’avais signé ‘n’étaient plus là, ce
n’était plus ceux qui avaient aimé et défendu mon
projet. Il y avait comme une distance, de fait. J’ai donc
décidé de partir. Ma manageuse et moi avons cherché
un label en France et la suite de l’histoire s’écrit donc
chez Atmosphériques.
D’ailleurs, dans ce dernier album tu chantes
exclusivement en français…
Oui. C’est finalement dans cette langue que je travaille
mieux. Quand j’écrivais des chansons en anglais,
c’était généralement pour le fun. Je suis, bien
évidemment plus à l’aise avec le français. Je peux
développer davantage les choses il me semble.
Pour ce nouvel opus, tu as voyagé en Inde au brésil
au japon… une quête d’inspiration ?
A peu près ça, oui. Le Brésil est le point de départ de
ma chanson L’amour, l’argent et le vent. C’est
surement celle qui a la plus forte empreinte. Le but de
ces voyages, c’était surtout d’être imprégnée d’endroits
différents, de m’accrocher à d’autres repères. Ça m’a
permis de porter une attention particulière à la
musique, de développer des couleurs de sons que je ne
connaissais pas. Mais c’est surtout un contexte
d’écriture en fait, comment ailleurs on réagit dans un
environnement et comment ça joue sur la manière
d’aborder les choses.
Justement on perçoit quelque chose de fort dans ton
écriture. Tu cites très souvent Baudelaire ou Verlaine
qui sont de grands mélancoliques. Te considères-tu
comme telle ?
Ce que j’aime chez Baudelaire c’est les thèmes qu’il
aborde, après oui il y a une forme de mélancolie en
filigrane, cela va de soi. Je pense que la chanson a
intrinsèquement quelque chose d’introspectif. A
l’intérieur se développe la mélancolie. Mais pas que, je
ne crois pas. Il y a aussi de l’humour, de la distance et
de la légèreté, c’est un mélange de pleins de trucs. Les
références à Baudelaire viennent du fait qu’ils abordent
des thèmes qui me sont chers, comme l’invitation au
voyage tout simplement.
Tu signes un duo avec Philippe Katerine, qui me
semble avoir une personnalité relativement opposée à
la tienne. Pourquoi cette collaboration ?
Avec Philippe on s’est rencontré sur mes premiers
concerts, je l’ai croisé dans un festival à Rennes, il y a
huit ans, je ne sais plus. On est resté amis. J’adore son
côté exubérant, drôle plein d’humour un peu décalé et
en même temps je trouve que c’est un super musicien
qui écrit des mélodies magnifiques et ça fait longtemps
qu’on se dit qu’on va faire une chanson ensemble. On
s’est retrouvé en soirée, on a écrit des cadavres exquis
et on les a conclus en chanson. Voilà comment cela
s’est fait.
Cet album, qu’a-t-il de plus que les précédents ?
Je pense qu’il est plus affirmé plus direct en fait, les
rythmiques sont plus denses. Il y a en tout cas quelque
chose de plus libre, un je-ne-sais quoi.
Qu’attends-tu du public vis-à-vis de la réception de
cet opus ?
(Elle ouvre grand les yeux) que le public m’adore enfin
(rires). Enfin, surtout de faire des concerts et de
pouvoir partager des moments avec tous ceux qui
m’écoutent. Et puis la scène… monter un beau
spectacle, avec des lumières un déroulement entres les

une vraie histoire et que ce soit encore plus vivant que
sur l’album.
Si tu devais choisir un morceau, ce serait lequel ?
Je suis incapable de choisir, j’aime un milliard de trucs
dans le monde. Pour moi le titre le plus affectif c’est
« quatorze ans ». En même temps quand on écrit c’est
difficile de choisir, y a une raison pour tout.
Tu aurais aimé vivre à une autre époque ?
Non, je ne suis pas une nostalgique dans l’âme mais on
vit une époque où les choses sont difficiles avec la
crise on sait que les choses sont difficiles, notamment
par rapport aux disques. J’ai tout de même mis deux
ans à trouver un label qu’i veuille bien de moi, il y a
quelques années de ça ce n’était pas le cas. J’ai mis
quand même 2 ans et demi à trouver un label et ce
n'était pas le cas à l’époque quoi. Aujourd’hui, internet
a pris le relais. On est dans une période de transition,
qui demande de s’adapter. Ça demande à réfléchir
aussi, à se poser des questions, notamment sur ce que
l’on vit, ce que l’on s’apprête à vivre et ce que l’on a
envie de vivre !
« Les choses importantes de la vie », ça renvoie
d’emblée au titre de ton album « l’amour, l’argent et
le vent ». Quand tu dis « vent » est ce que ça veut dire
que finalement l’amour et l’argent ne sont
qu’éphémères ?
(Elle rigole) Ca peut être une lecture en effet. Dans ces
trois choses, il y a une valeur, un élément et un
sentiment. C’est impalpable, ça nous traverse c’est
toujours avec nous. Un vent s’il est trop fort peut faire
des ravages. C’est à peu près pareil si on se préoccupe
trop de l’argent ou de l’amour. Ca bouleverse tout. Ce
titre, c’était une manière poétique de mettre en
perspective tout cela.
Tes textes sont relativement tristes…
Non ! Il n’y a pas que des choses tristes. Je pense
qu’écrire des chansons permet de mettre les choses à
distance, des choses que l’on n’exprime pas forcément
publiquement. Mais il y aussi des clins d’œil, de
l’ironie…C’est un rapport à la vie. Elle n’est pas tout le
temps gaie, ni tout le temps joyeuse. On n’est pas
toujours heureux d’exister. Exprimer ça en mots, dans
des textes permet d’immortaliser ces instants de vie et
finalement de mieux s’en débarrasser.
Dans une de tes chansons « Ouai Ouai Ouai », tu
parles d’une icône des années 60, ça m’a fait penser
au titre Ava…
Cette chanson, elle aurait pu parler de Lana del Rey
(rires). Non mais elle m’a inspirée un personnage
totalement fictif. Ca m’amusait d’imaginer quelqu’un
style jeune fille superficielle qui pourrait être mal
menée, un peu perdue, qui passe ses nuits en boite de
nuit mais qui est un peu fragile en fait.
C’est en effet un hommage pur à Lana Del Rey
(rires). Pour revenir à la musique, as-tu un rituel
avant de monter sur scène ?
Oui. J’ai toujours un trac de malade avant d’y aller.
Avec mes musiciens on fait le check des « Chivers »
qui est tiré du film « Steak » de Quentin Dupieux.
C’est super débile mais ça marche ! (Rires).
« La chanson a forcément quelque
chose d’introspectif. A l’intérieur se
développe la mélancolie »…
■ Propos recueillis par
Camélia Mohamed
Photographies :
Ludovic Zuili
Merci à Axelle Giraud-Carrier !
www.barbaracarlotti.com
Retrouvez Barbara Carlotti sur Myspace :
www.myspace.com/barbaracarlotti
Et sur sa page Facebook :
facebook.com/barbaracarlottiofficiel
Et retrouvez une sélection de travaux
photographiques de Ludovic Zuili dans la série
« ARAW » en page 116 de ce numéro

ANASTASIA

Photographies : Salomé Jartoux
Modèle : Anastasia Jouanguy

Kindness, si vous n'avez pas entendu ce nom durant ces derniers mois, c'est que vous avez raté quelque
chose. En fait, c'est un peu la révélation de l'année. Son premier opus World, You Need A Change Of
Mind est un mélange de Talking Heads (l'intelligence du mélange des genres), Ariel Pink (à cause de ses
cheveux longs mais pas que ça), Arthur Russel (ce je-ne-sais-quoi de lenteur plaisante) mais aussi
Alexander O'Neal (du rnb '80 tout droit sorti du jeu Driver). Ce jeune anglais sorti de nulle part vient de
poser son pied dans l'étrier pop et semble s'y plaire comme un poisson dans l'eau. Si on avait pu produire
son album sur MyMajorCompany, on aurait misé toute notre tune. Mais bon, Philippe Zdar a fait du bon
boulot (encore une fois) en produisant ce bijou musical. C'est avec plaisir que l'on a papoté musique,
musique et encore musique avec Adam Bainbridge, un timide pourtant rempli d'humour british.
KINDNESS
Tu viens à peine de débarquer mais toute la presse
s'est déjà emparé de toi. Chez Crumb, on voudrait que
tu te présentes toi-même en quelques mots.
Ok mais 500 mots ou 10 ? (rires) Bon on va dire
anglais, enthousiaste, fan de musique et... quelque...
chose... de... différent. (il compte avec ses doigts pour
arriver jusqu'à 10).
Parlons de ta musique. La considères-tu plutôt
comme disco, funk, électro, pop ou un mélange de
tous ces genres ?
Je dirais juste pop parce-que sa définition change
constamment. Cela peut être tout mais aussi n'importe
quoi.
Justement, tu disais à propos de Grace Jones qu'elle
était une grande artiste pop car elle avait ce don de
prendre des choses venant de nulle part pour
construire sa propre identité. La pop est-elle un genre
complexe ?
Je pense que la plupart des gens ont simplifié la
définition de la pop. Tu peux réduire la pop à la danse
mais si tu vas plus loin, c'est plus compliqué que cela.
Si tu penses que les Black Eyed Peas font de la pop, tu
te trompes. Il faut être plus intelligent et savoir
s'intéresser à tout, que ce soit dans tes influences, ta
production, ton son etc. Lady Gaga par exemple a
toujours su saisir les opportunités. Elle écrit des
chansons sensées, assez bien construites mais sa
production est horrible. Tout simplement qu’ils avaient
déjà une idée de ce qu'ils voulaient faire. Ils n'ont donc
presque rien changé à ses chansons, ils les ont juste
rendu plus agressives et plus cheap. En fait, ils ont
juste ajouté un peu de merde hollywoodienne (ndlr : «
some hollywood bullshit » comme il l'a si bien dit).
Certaines personnes comparent d'ailleurs Lady Gaga
à Gracy Jones. Qu'en penses-tu ?
Suite de l’interview en page 70

Lady Gaga est intéressante car c'est une star de la pop
mais elle n'apporte rien en tant que musicienne. Elle a
une jolie voix et elle s'y connaît en musique mais elle
ne crée rien de nouveau. C'est dommage parce qu’elle
a beaucoup de potentiel.
Et Madonna ?
C'est un cas particulier car elle était la reine de la pop
pendant très longtemps. Elle est intéressante mais
maintenant, seulement en tant que personnalité. Dans
les années 80, tous ces artistes avaient de l'importance.
Aujourd'hui, on les reçoit sur les plateaux télé le
dimanche soir et on se moque d'eux. Ils ont l'air fatigué
et ressemblent plus à nos grands-parents. Madonna,
c'est un peu différent parce-que je ne sais pas quelle
potion magique elle boit (rires) mais elle a cette
ambition incroyable de rester sur le devant de la scène
et tu ne peux que respecter cela, surtout quand tu
travailles avec elle. Par ailleurs, sa prestation lors du
Superbowl était assez ridicule.
Bon, parlons maintenant un peu de toi (rires). Tu es
né à Peterborough, tu as fait tes études à Paris, tu as
enregistré à Philly et tu as vécu à Berlin. Peux-tu
nous dire en quoi ces voyages ont affecté ta musique
et s'ils ont été d'importantes inspirations ?
Ah et je vis à Londres maintenant (rires). Je pense que
parfois, nous avons besoin de partir de chez nous pour
apprendre un peu plus sur nous-mêmes sans pour
autant oublier d'où l'on vient. Dans les autres cultures,
nous arrivons à mieux exprimer ce que l'on ressent au
plus profond de nous-mêmes, ce que l’on n’a jamais pu
oser faire dans notre ville natale. Paris a été la première
grande ville que j'ai découverte car la ville dans
laquelle je viens n'avait ni galeries ni magasins de cds
indépendants. C'est vrai qu'il y en avait un peu plus
quand j'étais ado mais quand j'y suis retourné, il ne se
passait rien parce-que les jeunes partent dès qu'ils le
peuvent. Donc, il n'y a rien qui peut t'ouvrir les yeux,
rien qui puisse te cultiver contrairement à Paris. En
Amérique, le hip hop était comme la pop aujourd'hui :
partout. Par exemple dans ma ville, on trouve du hip
hop seulement dans un club de hip hop. Ce que tu
pensais underground il y a quelques années est
aujourd'hui mainstream. Je pense qu'il y a une vraie
connexion entre le rap et le r&b aux Etats-Unis. Dans
ma ville, on se fait une culture à travers Youtube, il n'y
a pas vraiment d'expérience si ce n'est visuelle.
Voyager m'a permis de réaliser qu'il faut utiliser la
musique de manière intelligente.
Tu es le premier artiste que Zdar a choisi pour
produire le premier album. Comment astu réussi à le
convaincre et comment cela s'est-il passé ?
Ce fut très long (rires). Non, en fait, je lui ai
simplement expliqué les buts que j'avais en tête pour ce
premier album, son concept et comment il allait
sonner. Il m'a dit « Attends, attends ! (rires) On va
faire ça ensemble. » Il a travaillé avec beaucoup de
groupes connus dont on connaissait déjà la musique, et
où le son était déjà pensé comme par exemple, les
Beastie Boys. Avec moi, c'était un peu plus différent
car comme c'est mon premier album, j'étais ouvert à
tout. On voulait le meilleur pour les chansons. J'étais
excité à l'idée de faire cela avec lui. On a pris beaucoup
du plaisir à faire ce premier album. Il est assez organisé
mentalement et retravailler avec lui me plairait
beaucoup.
En tant que dessinateur et photographe, penses-tu
que l’artwork et le packaging sont aussi importants
que la musique ?
Malheureusement oui. Lorsque j'ai fini d'enregistrer
l'album, j'étais épuisé et j'ai réalisé qu'il fallait encore
faire ce putain de packaging (rires). Contrairement à la
musique qui est plutôt un travail instinctif et plaisant,
travailler avec le graphiste est clairement l'opposé.
C'est chiant et compliqué. C'est dommage que le visuel
soit aussi important que la musique car les gens vont se
faire une idée de ta musique seulement à travers ta
pochette. C'est la première chose qu'ils voient de toi et
tu ne peux rien y faire.
J'ai regardé un site où étaient exposés tes dessins.
Dessines-tu toujours ?
Eh bien, ce n'est pas moi ! C'est un autre mec avec le
même nom. Il doit me détester ! (rires) Tout le monde
nous confond, certains viennent même me voir pour
me féliciter en me disant « Oh ! J'adore tes dessins »
(rires). En plus, on est nés la même année.
As-tu eu l'occasion de le rencontrer ?
Non mais je pense que s'il me voit, il me frappe au
visage. (Rires)

Mais je pense que lui aussi a eu le droit à des
réflexions concernant ta musique ! (Rires)
(rires) C'est fort probable !
■ Propos recueillis par Elen Huynh
Retrouvez KIDNESS sur son MysPace officiel :
http://www.myspace.com/kindnesses

B comme Burgalat, génie sans langue de bois. Tour
à tour pyromane, magicien, chanteur mais surtout
producteur/arrangeur (Alain Chamfort, Katerine,
April March, Supergrass, Christophe Willem,
Alizée, Depeche Mode, Mick Harvey…), Bertrand
Burgalat a sorti son quatrième album sous son
propre nom « Toutes Directions ». Monstre de la
scène musicale mais pas que, le fondateur du label
Tricatel a donné une interview fleuve à Crumb. On
a parlé d’à peu près tout et quand on est parti on
s’est dit que ce mec-là avait tout d’un génie.
+
Toutes Directions n’est que votre quatrième album et
pourtant quand on regarde votre parcours, vous êtes
un monstre de la musique depuis de nombreuses
années. Vous avez collaboré avec énormément
d’artistes dans votre carrière, notamment Charles
Berling que j’ai interviewé pour notre précédent
numéro. A ce propos, il me parlait d’un texte de
Genet qui évoquait Rembrandt. Genet écrit que
Rembrandt a passé sa vie à peindre des portraits pour
à la fin de ses jours ne finir par peindre que des
autoportraits… Est-ce que pour créer et dépeindre
votre univers à vous, vous avez besoin un peu à la
manière de Rembrandt de peindre celui des autres, de
vous immiscer dans le leur ?
C’est une question intéressante. Je ne sais pas
vraiment. La musique n’est bien que si on la partage, si
on crée des rencontres. Travailler avec d’autres
personnes permet souvent de se libérer, de livrer des
choses plus personnelles. Il m’arrive de donner
quelques trucs intimes, de les placer sur les disques des
autres parce que ça libère et que du coup je peux me
autres parce que ça libère et que du coup je peux me
livrer sans avoir peur d’être impudique, vu qu’il ne
s’agit pas de mes disques.
L’exemple de Charles Berling est marrant, parce qu’il
m’avait fait écouter ce qu’il faisait, en souhaitant que
je lui compose quelque chose qui sortait un peu de son
univers. Les trucs que j’ai faits pour lui sont parmi les
meilleures choses que j’ai fait dans ma vie et il ne les a
pas gardé (rires). Au final, il avait parfaitement le
droit, après tout c’est son disque.
Un temps.
Quand je produis et/ou que j’arrange le disque d’un
autre, j’essaie de faire en sorte que cela m’amène dans
un univers que je n’ai pas encore emprunté. Et chez
Berling justement, il me semble qu’il y avait quelque
chose de théâtral dans la diction. J’ai aimé travailler làdessus.
Il y a des choses que vous avez testé dans les
productions de certains artistes et que vous avez
réutilisé ensuite pour vos créations personnelles ?
Non. Ou bien si je l’ai fait ce n’était pas volontaire. S’il
y a un réglage en studio que j’aime bien ou bien un
instrument/une sonorité qui soudainement me plaît, je
ne le note pas, pour ne pas tomber dans la paresse et la
facilité de le reproduire sur d’autres enregistrements. Je
trouve qu’il est agréable de repartir à zéro à chaque
fois.
Comment avez-vous travaillé sur ce nouvel album ?
Sans doute de manière plus conventionnelle que pour
les précédents. Je l’ai fait en composant les
rythmiques, en les arrangeant et en les mixant tous. A
la base, j’avais enregistré 21 morceaux.
Vous aviez déjà une idée précise de là où vous vouliez
aller ou bien vous êtes parti dans, pour ainsi dire
« toutes les directions » ?
(Sourire). Un peu les deux. J’ai travaillé d’abord sur
Voyage Sans Retour. Je savais que je voulais
commencer par ce morceau, qu’il serait placé au début
de l’album. Ensuite, les choses se sont faites de fil en
aiguille mais la priorité a été donnée aux textes. Sur cet
album, ils occupent vraiment une place importante.
C’est un disque autobiographique ?
Je ne sais pas, pas vraiment. Disons que les textes
expriment des choses que je ressens mais si je me
risque à les interpréter c’est parce qu’il me semble
qu’ils ont une portée davantage universelle. D’ailleurs
ce n’est pas moi qui les ai écrits. J’ai voulu quelque
chose de pudique. Raconter sa vie et ses états d’âmes
n’a de sens que si on les transcende. Faire appel à des
auteurs permet de se libérer.

Vous saviez déjà les personnes avec qui vous aviez
envie de travailler en vous lançant dans le projet ou
bien les rencontres se sont faites au fur et mesure du
développement de l’album ?
J’avais déjà une idée pour la plupart, oui comme
Mathias Debureaux, Elisabeth Barillé avec qui j’avais
déjà fait pas mal de choses auparavant. La suite c’est
construite de façon empirique. Mais à chaque
rencontre, je suis tombé sur des auteurs qui ont su
trouver parfaitement ce que je voulais exprimer.
Vous n’avez jamais tenté d’écrire vous-même ?
Si, bien sûr que si, mais je n’y suis pas arrivé. Pour
Sentinelle Mathématique, par exemple, j’avais le titre
et l’idée depuis un an et demi. Je visualisais quelque
chose sur la société. J’avais l’impression d’avoir déjà
tout dit dans le titre, d’avoir tout exprimé. Plusieurs
auteurs ont essayé d’y apposer des paroles, ça n’a
jamais marché ou bien ça ne fonctionnait pas avec la
mélodie. Et puis j’ai confié le truc à Barbara (Ndlr :
Barbara Carlotti), je lui ai envoyé le mp3, trois jours
après, elle avait écrit le texte définitif que je trouve
super.
Vous partez toujours de la mélodie ?
Parfois du texte, tout dépend. Pour des chansons
comme Bardot Dance ou Double Peine, j’ai
directement composé la mélodie au piano, à partir des
paroles.
Revenons en arrière, vous êtes parti en Slovénie après
vos études, la musique s’est révélée à vous. Quand on
regarde votre parcours on se dit que vous ne pouviez
faire que ça, je veux dire de la musique. Sans elle,
vous auriez fait quoi ?
Probablement pas grand-chose. Pendant longtemps j’ai
vécu de petits boulots. J’ai passé mon bac à 16ans, je
suis arrivé à Paris sans rien, je ne connaissais personne,
je n’avais pas les codes. Je trouve que c’est une
connerie d’être en avance sur son âge parce que
finalement on a une maturité sur certaines choses mais
pas sur d’autres. Après le bac, j’ai perdu confiance en
moi, mon père est mort quand j’avais 20 ans, je n’avais
personne pour me guider, je me suis retrouvé seul, livré
à moi-même, et dans cet interstice-là est venue se
glisser la musique. Mais ça m’intimidait, me paraissait
inabordable.
Autrefois les gens qui sortaient des disques avaient une
vraie légitimité et ils se la pétaient. Aujourd’hui tout le
monde sort des disques, ça n’a plus la même
résonnance, quelque chose a changé. Le Paris branché
était aussi beaucoup libre que celui d’aujourd’hui qui
reste finalement relativement conformiste. Mais le
circuit en lui-même est resté le même : on rencontre
des gens, on monte des groupes, on fait des concerts.
Et finalement, on peut continuer comme ça pendant
Et finalement, on peut continuer comme ça pendant
assez longtemps…
En parlant de sorties de disque, est-ce que vous
pouvez nous dire un mot sur Tricatel, le label musical
que vous avez fondé ?
Ce n’était pas vraiment mon idée, je n’ai jamais rêvé
de label. En fait, je ne me suis jamais senti capable de
diriger une entreprise, je n’ai aucune notion de gestion.
Au milieu des années 90, je bossais pas mal en
Angleterre et avoir une boite de production là-bas, ça
aide. J’ai monté le truc sans réfléchir, d’ailleurs je n’ai
même pas fait gaffe au nom, c’était une blague. D’un
côté ça m’a servi, de l’autre non. Les gens un peu
hâtifs ou sans humour ont vu sans ça comme l’apologie
des années 70. En même temps, quand on regarde le
nombre de labels qui ont des noms idiots… (rires).
Signer et aider des artistes, c’est un peu votre
manière de renvoyer l’ascenseur, d’aider des
personnes là où vous auriez aimé l’être…
Absolument. Je trouve que c’est assez plaisant
d’essayer d’éviter de faire subir aux autres ce que l’on
a subit. Mais c’est assez difficile pour moi. Quand des
gens me soumettent des projets, des compositions, je
suis loin de répondre positivement à chaque fois mais
je me dis que peut-être parfois je ne percute pas le truc,
j’ai toujours peur de blesser ou de passer à côté. Il y a
plein de gens intéressants qui ne savent pas se vendre.
Quand j’écoute une démo, j’essaie de faire abstraction
de la qualité, de l’enregistrement pour ne me
concentrer que sur la musique et sur la création. A
l’inverse, il y a vraiment des gens qui n’ont pas grandchose
d’intéressant à dire mais qui savent très bien le
vendre. Je crois qu’on en connaît tous (rires).
En tant que responsable de label, quel regard portezvous
sur la crise du disque ?
Disons que la crise du disque je ne l’ai pas vraiment
ressenti, du fait que depuis ses débuts, Tricatel n’a
jamais été un gros vendeur. Ce qui est marrant c’est
que ce que les autres ont subi cette année, nous on le
subissait déjà il y a 15 ans et on nous riait au nez.
Sinon, je suis plutôt content que cela ait baissé
l’arrogance de certaines personnes. Tout le monde est
désormais face à ses responsabilités et aux envies et
désirs passionnés. Puisqu’on ne vend plus de disques,
autant faire ceux qu’on aime.
Ce que je vois arriver cependant et qui m’embête, c’est
un secteur musical subventionné avec tout ce que cela
peut représenter de magouilles et d’arbitraire. Les
labels ne signent plus de projets, ils les créent, pour
répondre spécifiquement aux quotas, aux crédits
d’impôts, aux aides de l’état…Ça devient triste.
Suite de l’interview page 76

« Autrefois les gens qui sortaient des disques
avaient une vraie légitimité, ils pouvaient se la
péter. Aujourd’hui tout le monde sort des
disques, ça n’a plus la même résonnance,
quelque chose a changé »

Un temps. Encore plus long. Je commence à ouvrir la
bouche, il interrompt.
Je trouve qu’en musique, ce qui est chouette, c’est de
rencontrer des gens. J’ai tendance à travailler avec des
gens plus âgés ou bien plus jeunes que moi, surtout des
gens de 20 ans, parce que je trouve qu’il y a une
curiosité à cet âge-là, un niveau intéressant et surtout
une vraie culture musicale depuis l’arrivée d’internet.
Je suis aussi de moins en moins attiré par le rock. Je
trouve que c’est devenu un instrument d’oppression
dans la façon dont il est réutilisé et revendiqué par la
pub, la mode… On en a fait quelque chose de scolaire,
un archétype du conformisme. J’ai tendance à me
diriger plutôt vers d’autres choses. J’ai mes périodes.
Pop, chanson, jazz…
Toutes Directions est quelque peu en rupture avec vos
albums précédents. Comment aimeriez-vous qu’il soit
perçu ?
(D’un air sérieux) « L’album de la maturité » (rires).
Non je déconne. Je ne pense pas qu’il soit si en rupture
que ça, disons qu’il est en progression. A l’évidence je
suis condamné à progresser, je n’ai pas eu assez de
succès pour pouvoir oser me répéter ou suivre une
direction précise. J’essaie de toujours me renouveler.
Je trouve que quand on fait des choses en marge, il est
facile de s’endormir. Ca procure d’ailleurs un certain
confort intellectuel. En France, il y a vraiment des gens
qui aiment la musique mais il y aussi des beaufs qui ne
comprennent pas toujours tout. Je trouve que la
réponse à ce problème de compréhension c’est
d’essayer de faire les choses le plus sérieusement et
sincèrement possible. C’est une arme beaucoup plus
efficace que l’indignation. Histoire de rétablir un
équilibre. Comme pour beaucoup d’autres choses
d’ailleurs. Ou bien des fois ça se fait tout seul. Par
exemple les gens riches sont souvent très bêtes, c’est
une sorte de justice (rires).
Vous parliez d’un manque de succès. Est-ce que
justement le fait de consacrer autant de temps à des
collaborations ou des travaux extérieurs à votre
univers n’a pas nui à votre carrière personnelle ?
Non. Parce que beaucoup de choses que je fais pour les
autres est jeté à la poubelle mais me sert d’expérience.
Ce disque (Toutes Directions), j’aurais pu le faire il y a
deux ans, entre temps j’ai eu un enfant, j’ai préféré
m’occuper de l’enfant.
La plupart des artistes sortent des disques personnels
parce qu’ils ne s’intéressent qu’à eux. Ils font leurs 12
chansons tous les 4 ans, ils se reposent 1 an et puis
retentent de trouver l’inspiration et ainsi de suite. Moi
je ne travaille pas à ce rythme. Je ne suis pas toujours
dans la production permanente mais pour vivre, je
prends tout, des commandes, des pubs, des trucs
chouettes, d’autres moins. Il y a un moment où je suis à
deux doigts de perdre l’appétit pour la musique, où je
frôle la lassitude à force de multiplier les travaux
forcés et pas toujours inspirés. Mais je trouve que le
fait d’avoir à se bouger le cul pour vivre est assez
plaisant, ça permet de rester en équilibre.

Vous êtes toujours aussi pudique quand vous parlez.
Est-ce que c’est pour ça que vous faites appel aux
autres pour l’écriture, parce que le monde autour sait
mieux exprimer que vous ce que vous ressentez ?
Peut-être. Au début, je n’avais aucune confiance en
moi. Le fait d’être sur le devant de la scène m’a
longtemps embarrassé et je pense que c’était également
frustrant pour les gens avec qui je travaillais. Les
collaborations m’ont rassuré mais il y a là encore
quelques limites. Quand vous n’êtes pas connus, les
gens ne vous respectent pas, vous pouvez travailler sur
un album de A à Z et n’être crédité de rien sur la
pochette. A l’inverse (et ce sont souvent les mêmes
personnes) quand vous commencez à acquérir une
certaine notoriété, même si vous n’avez joué que deux
notes de triangle, on met votre nom en gros en gras. Ça
fait partie des choses que j’ai connues.
Pour reprendre votre chanson, si vous pouviez faire
un Voyage Sans retour, ce serait où ?
(Rires). C’est tentant. Il y a un poète grec, je ne sais
plus son nom qui disait que n’importe où que l’on aille
on amène toujours nos problèmes avec nous. Il y a des
impondérables, des choses liées à l’existence qui font
que n’importe où l’on se déplace, on recrée toujours ce
que l’on a quitté, je crois que c’est vrai. Ceci dit, quand
je suis à la Montagne, dans les Pyrénées, j’ai toujours
un peu de mal à rentrer à Paris.
Votre bar préféré à Paris ?
L’Embuscade, pas très loin de chez moi, quartier des
L’Embuscade, pas très loin de chez moi, quartier des
Batignolles.
On interview dans ce numéro Barbara Carlotti, est-ce
que vous avez un message à lui faire passer ?
Ah bah c’est con, si j’avais su, je lui ai envoyé un mail
toute à l’heure, je vous l’aurai passé (rires).
+
■ Propos recueillis par
Thomas Carrié
Photographies :
Maxime Stange & Pauline Darley
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A RIDE IN
Photographies : Brice Portolano – www.briceportolano.com

LA HAVANA

FRIE

On en avait gardé une sous le coude : Friends, le
groupe de cinq jeunes, originaire de Brooklyn.
Autour de la chanteuse Samantha Urbani
gesticulent Lesley Hann, Nikki Shapiro, Matthew
Molnar et Oliver Duncan. On les a rencontrés le 1er
février dernier, alors que les vitres à moitié brisées
de la flèche d'or, côté chemin de fer, ne laissaient
heureusement pas rentrer le froid glacial de l'hiver.
Leur single I'm His Girl est sorti en octobre dernier,
l'album Manifest ! sort le 4 juin avant que la clique
ne fasse la tournée des festivals cet été. On a parlé
ne fasse la tournée des festivals cet été. On a parlé
de choses gaies avec Sam et Matt. Lisez-donc.
+
Où en est l'album? Que trouvera-t-on dessus?
Samantha Urbani : Il est terminé ! Il y a quelques
modifications à faire mais il est quasiment prêt. Même
si artistiquement, j'ai l'impression que rien n'est jamais
vraiment abouti, terminé : tout est en constante
évolution. Si cela ne tenait qu'à moi, il aurait fallu
bloquer encore un mois entier pour travailler cet
album. J'aime travailler et perfectionner les choses,
mais arrivé à un certain point, il faut laisser les choses
être ce qu'elles veulent être et passer à autre chose,
pour laisser la place à de nouvelles idées.
Il va falloir attendre jusqu'à avril ou mai avant qu'il
sorte cela dit. Cela va être frustrant de l'écouter sans
vouloir à nouveau tout changer -parce que j'ai tendance
à faire cela, souvent.
C'est un mélange de différents styles. Les titres sont
parfois très éloignés les uns des autres dans leur
sonorité. Je ne sais pas s'il y a beaucoup de disques qui
sonnent comme ça en ce moment. Je suis curieuse de
voir comment les gens vont réagir face à l'album. Dix
ou douze chansons sont prévues, alors que nous en
avons enregistré une vingtaine au départ -sans compter
celles qui sont à moitié écrites. Mes préférées ne sont
malheureusement pas toutes dessus. Si j'avais eu plus

de temps pour le parfaire, avec uniquement mes
morceaux favoris, cela serait différent. Il fallait cela dit
sortir quelque chose qui soit la "base" de notre groupe
et qui rassemble les morceaux que l'on joue depuis le
début.
C'est toi qui écris toutes les chansons?
Oui, au début du moins, avec la voix, les mélodies ou
la structure de la chanson et parfois des prémices
d'instrumentations guitare ou basse. Je créée aussi des
rythmes grâce à des percussions sur mon ordinateur,
avec des boucles, pour les démos. Une fois les idées
lancées, tout le monde participe à l'élaboration du
morceau et à la définition de son caractère.
Les chansons proviennent d'expériences personnelles.
Je converse seule, dans ma tête, à propos de certains
sentiments, qui se transforment en chansons. Si c'est
quelque chose que je ne crois pas pouvoir nommer ou
articuler d'une manière productive, je me retrouve,
comme beaucoup d'entre nous, à avoir des dialogues
intérieurs. Car nous avons tous une relation avec nousmêmes
qui nous permet de nous en sortir et de
comprendre. Je fais cela en musique. Comme si une
chanson, déjà écrite, apparaissait dans ma tête. Il faut
alors faire un choix : l'enregistrer et la transformer en
chanson grâce à mes amis. Parfois, je la laisse
simplement être, comme une bande originale
momentanée de ma vie, que je laisse se libérer.
I'm His Girl, tu l'as écrite pourquoi?
J'ai été dans une situation assez délicate avec un ami,
durant un mois. C'était mon colocataire, il dormait dans
ma chambre chaque nuit et nous sommes tombés
amoureux. Cela dit, nous restions justes amis, sans
savoir quoi faire. Jusqu'au moment où nous avons
décidé d'avoir une relation "ouverte", d'être avec
d'autres gens, même sexuellement si telle était notre
envie, mais nous savions que nous étions ensemble
d'un point de vue spirituel et émotionnel. Au niveau
des paroles, beaucoup de mes chansons correspondent
à des conversations internes mais celle-là, c'est plus
une déclaration publique sur ma relation avec cette
personne. C'est une manière de dire aux autres "si tu
vois mon mec avec une autre meuf à une soirée, pas la
peine de le crier partout ni de venir me le raconter, car
je serais probablement ailleurs en train de faire la
même chose". J'ai toujours eu cette conviction, que ce
soit au niveau des relations avec un amant, des amis,
un boulot ou même le gouvernement : je refuse de
posséder quoi que ce soit, pour être en symbiose avec
mon autonomie.
C'est à peu près cela, l'histoire. J'étais en tournée, et
puis je suis retournée dans notre ancien appartement
pour passer une journée avec lui avant d'aller voir des
amis à un concert. Leur groupe est super, ils jouent un
genre de rock psyché avec de longues chansons qui
partent parfois en impro. À la fin, on faisait un bœuf, et
comme hypnotisée par le beat, j'ai commencé à
Suite de l’interview page 98

chanter I'm his girl par-dessus. Le lendemain, je n'avais
plus de voix parce que j'étais en tournée. En
expérimentant différentes manières de chanter, je me
suis retrouvée à chanter très bas, car ma voix me faisait
très mal. J'étais dans ma chambre, dans cet
appartement que je partageais avec huit autres
personnes, et j'essayais de ne pas trop faire de bruit
alors je murmurais la chanson à mon ordinateur. C'est
comme cela qu'est née la démo que j'ai envoyée à
Nikki. Il l'a écoutée et la première chose qu'il a joué,
c'était la ligne de basse et les claviers. On a très peu
travaillé dessus ensuite, le morceau a été enregistré très
vite pour donner la version que vous connaissez
aujourd'hui.
J'écris des chansons introspectives et honnêtes dans
l'idée que tout n'est pas rose non plus. Tu peux trouver
de la joie dans tout, de la paix dans n'importe quelle
émotion parce que tu dois être conscient de ce que tu
ressens et l'apprécier en tant que sensation. Car rien
que le fait que l'on ait des sensations est magnifique,
même si certaines sensations sont, par nature,
négatives. Les paroles de l'album ne sont pas toutes
optimistes. Certaines chansons parlent de la mort,
d'autres de ruptures amoureuses ; elles ne parlent pas
toutes de se faire des amis, de créer des liens avec les
gens.
Matthew Molnar : Les paroles ne reflètent pas
forcément l'esprit de la chanson. La musique semble
parfois joyeuse et l'air entraînant, alors que ce que le
texte raconte ne l'est pas du tout.
Samantha Urbani : Ideas and ghosts parle de la mort,
et d'être conscient du fait que l'on va mourir, de la
même manière que tous les gens que l'on connaît. La
raison pour laquelle je ne suis pas morte, c'est parce
que je n'y suis pas encore préparée. La vie est une sorte
d'apprentissage de la mort. Et quand cela arrive, tu sais
que tu dois le faire, et comment tu dois le faire. Je veux
que cela se passe bien : le jour où je meurs, je veux que
tout soit parfait, cela sera la dernière chose que je veux
apprendre à faire. C'est un morceau très rythmé, on
peut danser dessus !
J'aime l'idée de jouer une chanson qui fait bouger un
public entier, et qu'ils écoutent ou non les paroles, ils
dansent pour célébrer leur propre mort et la mienne.
C'est un concept que les gens doivent assimiler
davantage : ressentir la beauté et l'énergie partout, pas
seulement dans le positif. On pourrait en parler pendant
des heures !
Vous êtes cinq sur scène, vous vous entendez toujours
tous bien?
Oui, je n'ai aucun souvenir de grosse bagarre entre
nous. Voyager avec quatre autres personnes, cela peut
s'avérer fatigant. À la longue, des petites choses
m'énervent. Je mange de manière assez rituelle.
Regarder des gens manger McDo devant moi est assez
pénible. Je ne veux pas passer pour une moralisatrice
ni dire "c'est dégueulasse, mange pas ça" alors je ne le
dis pas. Même si c'est difficile. (rires).
Tu es végétarienne?
Non, mais Matt l'est. J'ai été végétalienne par le passé,
mais plus aujourd'hui. Ce qui m'importe, c'est
davantage l'origine de la nourriture et la manière dans
laquelle elle est produite. Qui la vend, la prépare. Je
préfère la nourriture bio, même si ça peut faire très à la
mode de dire ça, c'est vrai. Je pense qu'il faut faire
attention à ce que l'on mange. Sur la route, il est
difficile de respecter ces convictions, mais j'essaie.
J'aime aussi faire du yoga, mais c'est difficile à
pratiquer quand on passe huit heures dans un van, à
cinq. Une tournée, ce n'est pas ce qu'il y a de plus
amusant ou sain même s'il y a de nombreux bons côtés
tout de même. C'est un peu un challenge pour moi :
s'adapter à ce mode de vie, en apprenant comment
fonctionner sainement tout en voyageant.
THINGS YOU CAN DO WHEN YOU'RE FIVE
PEOPLE
Sam :
On peut :
- Ecrire des chansons.
- Ah. J'ai fait ça avec tout le monde dans le groupe
: tirer les cartes. Le jeu de tarot reflète des tonnes de
choses intéressantes.
- Se tenir ensemble, en pleurant dans les bras des
uns et des autres, sur le bord de la route pendant que
notre van est en flammes. On l'a vraiment fait, l'hiver
dernier, lors de notre tournée dans le Wyoming pendant
que notre van brûlait.
- Faire une pyramide humaine. Matt : Une pile
humaine aussi. Ou même une chaise humaine.
- Sam : S'échanger nos vêtements. Du coup on a
tout le temps des nouveaux trucs cool à porter vu qu'on
partage notre garde-robe.
- Matt : tu peux jouer une chanson sans aucun
instrument, en tapant sur des objets et en chantant. Les
chansons sonnent du coup très "complètes", avec un
minimum d'instruments et des gens qui tapent dans
leurs mains et qui chantent.
- Sam : rencontrer des gens français.

- Entrer dans des tombes ! J'ai fait ça aujourd'hui,
au père Lachaise. Un caveau était ouvert, je suis entrée
à l'intérieur pour y allumer des encens et même laisser
un cristal. Je leur ai même un peu parlé, pour être
honnête. Matt : on a même mimé le clip de Thriller en
sortant de là. (rires).
- Tu peux faire n'importe quoi à cinq en fait.
Justement, la deuxième partie de la question, c'est
WHAT CAN'T YOU DO WHEN YOU'RE FIVE
PEOPLE?
- Avoir son intimité.
- Être d'accord sur tout, c'est couru d'avance.
- Faire une tournée en voiture. Ce n’est juste pas
possible, on a essayé.
- Prendre une photo de groupe qui tienne la route.
On est trop pour faire une photo cool.
- Jouer au volley. C'est dur de jouer à deux contre
deux. Il faut un arbitre ou un remplaçant du coup.
- Matt : j'ai six frères et sœurs, j'ai l'habitude
(rires)
Vous pensez quoi de la décennie qui vient de
s'écouler? Tant au niveau de la mode que…
Sam : En-nu-yeux !
Aujourd'hui, plus que jamais, tout semble être
dérivé d'autre chose. La manière dont les médias se
sont développés plonge les gens dans cet étrange cycle
de nostalgie envers les vingt dernières années. La
musique actuelle sonne comme celle des eighties et
nineties, ou même sixties parfois, très affectée,
influencée. Pour la mode, c'est la même chose : les
gens portent des vêtements vintage. Je trouve cela
génial cela dit, pourquoi acheter de habits neufs? C'est
un peu du gaspillage. Les gens ont accès à tout, surtout
au passé, grâce à internet. Il y a peu de choses
foncièrement nouvelles. Dans les années soixante-dix,
itunes n'existait pas, difficile alors d'écouter tout et
n'importe quoi, ce qui rendait les musiciens bien plus
inventifs. Grâce à cette nouvelle culture, il est plus
facile de se réapproprier des concepts pour les recontextualiser
et leur donner une toute nouvelle
signification. Je serais cela dit curieuse de voir ou
d'entendre quelque chose d'entièrement nouveau.
Comment réagis-tu face à cela?
Il m'arrive parfois d'être très têtue, cela me pousse
à n'écouter rien de nouveau. J'écoute de vielles
musiques. Je ne regarde presque pas de vidéos. Pour ne
pas être affectée, même si techniquement, c'est
difficile. De toute évidence, toute création combine un
peu une multitude d'influences. Après tout, les humains
fonctionnent comme cela. Dans une optique cyclique,
on enregistre des informations pour ensuite les
restituer. Tu en penses quoi Matt?
Matt : Si tu n'adhères pas à certains aspects culturels,
ils s'effacent en l'espace de cinq ans de toute manière.
Tu peux contribuer à son changement, car quand les
cycles s'essoufflent, libre à toi d'y participer ou
d'intégrer de nouvelles idées, de nouvelles formes de
créativité que d'autres expriment. Je trouve les années
2000 plus excitantes que les années 90, pâles, vieux
jeu, cinématographiquement, musicalement. Il y avait
des aspects sympas mais je préfère les 2000. Il y a
toujours de nouvelles idées, prêtes à sortir. C'est aux
artistes de faire l'effort de les trouver.
2020 sera comment?
Sam : Aujourd'hui, les gens réalisent le potentiel de
chacun au sein de la masse. Grâce au phénomène
Youtube et au moyens de communication, il devient
aisé de créer sa propre culture. Pour l'instant, c'est une
démarche de consommateurs qui nous définissait,
gobant la culture sur les médias pour notre plaisir.
Chacun se réveille et réalise ce qu'il est possible
d'insuffler à ce système à notre tour. Les gens créent
des mouvements artistiques de manière indépendante
et peuvent les propager à l'échelle mondiale, c'est ce
qui est excitant à propos d'aujourd'hui. Si quelqu'un a
une idée, un concept, une vision, les outils de
communication sont dans ses mains !
Alors, en 2020, j'espère que les démarches
indépendantes prendront le pas sur les corporations et
les industriels qui décident encore aujourd'hui ce que
les gens aiment ou désirent. Avec un peu de chance,
ceux qui sont créatifs surpasseront ce mode
d'expression en trouvant un moyen de faire vivre leur
art. Nous pouvons nous faire entendre partout dans le
monde. Voilà ce qui est génial à propos de notre
génération.
Samantha, tu as participé à la réalisation du clip de
I'm His girl. Vous savais faire quoi d'autre?
A la base, je restais très discrète sur ma musique, car à
la maison, personne n'était musicien, tout le monde
travaillait sur de l'art visuel, moi y compris. Je peins, je
sculpte, je fais de la sérigraphie aussi. Avec une
formation d'institutrice de maternelle, j'ai beaucoup
étudié la psychologie infantile. J'ai également fait pas
mal de bénévolat pour aider les sans-abris. J'ai toujours
cru que je deviendrais documentariste, car cela
combine des dimensions sociales et des médias. Je suis

également plutôt punk, j'aime défier l'autorité.
Aujourd'hui, mon projet c'est Friends, mais je ne sais
pas de quoi sera fait demain.
Matt : J'ai toujours été dans des groupes, depuis que
j'ai 12-13ans. Je n'ai jamais vraiment eu d'autre
passion. Je dessinais beaucoup quand j'étais ado, mais
c'est tout. J'ai déjà essayé d'être normal aussi, d'aller à
la fac, etc… mais cela n'a pas marché. (Rires).
Vous êtes deux sur cinq. Ils auraient dit quoi, les
autres?
Sam: Lesley aurait dit quelque chose de perspicace
mais minimal.
Oliver aurait dit quelque chose d'intelligent, mais il
aurait ensuite douté de ses propres paroles en étant
plein d'autodérision.
Nikki aurait fait les meilleures blagues. À chaque fois
que j'aurais essayé de dire un truc sérieux ou politique
il aurait dit un truc marrant pour me déconcentrer.
Matt : Nikki-good ideas : c'est lui qui fait que tout
fonctionne à merveille !
+
■ Propos recueillis par
Bastien Internicola
Assisté de Noémie Kressmann
Photographies :
Camille Anne-Louise Gorin
Merci à Michele Marcolungo (Coop Music)
Retrouvez les clichés de Camille Anne-Louise
Gorin sur http://camilleALG.tumblr.com

Aube. Aurore. Peu importe.
Nuits d’été
La lune savoure le peu de règne qui lui reste tandis que
le soleil, encore timide, envoie un coup d’œil taquin à
cette dernière. Amour impossible.
La douce fraîcheur de la nuit enivre. Un chemin de
terre, une route déserte, un sentier calme. Le traverser
pieds nus, une musique dans les oreilles, libre, sans se
soucier des mœurs étrangères. Esprit tranquille. Seule ?
Ou très bien accompagné(e). Laissons les prises de
têtes inutiles aux personnes faisant preuve de
masturbation trop intense de l’esprit. Pas de
préoccupations extérieures, seulement une focalisation
sur l’instant présent, le ressenti positif de ce moment.
Merveilleux. Orgasmique. Pire encore.
Dégustation d’une chaleur humaine provenant de la
peau en feu de l’être aimé. Un baiser. Une caresse. Le
désir enivrant d’une communion charnelle, parfois sans
lendemain.
Pas de questions. Laissons cela à ceux qui se disent
érudits et intellectuels. N’éprouvons que de la joie à
l’état pur, la simple sensation d’être vivant.
Le plaisir de l’herbe foulée sous la plante des pieds
mise à nue. Le frisson de l’air sur la peau découverte.
Pas d’artifices. Pas de surfait. Une communion avec la
nature, un retour aux sources.
Texte : Tina Moeglin
Passion. Jeu. Privilège.
Personne pour dicter quoi que ce soit. Liberté d’action,
de parole et de pensée. Les cris animaliers des
créatures nocturnes se font entendre. Ouïe faible de
l’être humain. Odorat trop peu développé. La ville nuit
aux sens. Un besoin de se recomposer, un besoin de
redécouvrir.
Comme un jeune enfant, on apprend. On replonge dans
l’émerveillement de chaque image nouvelle, de chaque
odeur, son, endroit. L’homme est fait pour s’adapter, il
survivra.
Vécu. Eprouvé. Souvenir inoubliable.
La frustration refoulée depuis la plus tendre enfance est
à présent extériorisée. Quel soulagement. Quel
sentiment d’aise, de bien-être.
Mais chut. Uniquement ici, et maintenant. Comme une
chaude nuit d’été.
■ Tina Moeglin

Rover de vrai nom Timothée Régner 33ans, un air
romantique comme l’on peut voir sur les portraits
de Rimbaud ou Musset, une voix aussi mélodieuse
que rock’n’roll, un parcours personnel qui s’est
tissé aux quatre coins du monde. Ne pouvait en
découler de ce grand gaillard à la coupe sauvage et
l’aspect distingué qu’un album touchant
authentique et cru. Rover est son premier album
solo, et l’artiste qui travaille déjà sur son deuxième
album alors qu’il est en pleine tournée nous livre ici
l’histoire dans ses moindres détails d’un disque qui
fait fureur auprès du public.
J’arrive en avance et l’attends assise à une table
ronde des studios. Lorsque je vois arriver un
immense homme baraqué l’air angélique qui fait la
bise à tout le monde, je devine que c’est lui. La
veille il était en concert à la Maroquinerie et le
lendemain matin il est d’aplomb pour une séance
photos et entretiens.
D’un air timide, il me dit bonjour me demande
comment je vais (en plus il est sympa) et prend
place. Rencontre / Camélia Mohamed.
+
Avant d’entamer j’aimerais te demander comment
tu te portes, car deux jours plus tôt tu annulais un
concert à la Rochelle pour raison de santé…
Ben écoute c’est très gentil de t’en soucier je vais
mieux, j’ai pu me reposer et reprendre des forces.
Tu as choisis comme nom de scène Rover, j’avais
donc envie de te demander quelle est la marque de ta
voiture mais je constate que tu es venu en moto (il a
un casque).
un casque à la main).
(Il rigole) : J’ai aussi une voiture et c’est une jaguar, je
suis très anglais pour les voitures !
J’ai pleins de questions à te poser, je t’avouerai que je
ne te connaissais pas d’abord parce que je ne regarde
pas la télé (il me coupe et me dit que lui non plus) mais
j’ai écouté et Adoré surtout « Silver » (titre numéro 7
de l’album) que j’ai repassé en boucle une quinzaine de
fois,
En ce moment tu fais une série de concerts et pour
celui d’hier une de tes fans Cathia m’a dit que tu
semblais étonné, très ému, en particulier lors du
second rappel quand le public chantait avec toi. Tu
ne t’attendais pas à ce succès ?
Non. Je ne m’attendais absolument pas à ce que Rover
soit reçu comme ça. Tant mieux d’ailleurs, c’est une
bonne surprise quand le public est au rendez-vous que
les gens sont réceptifs, c’est cela qui nous touche.
J’avais connu d’autres succès avec d’autres groupes, là
j’ai la chance d’être dans un label (nos amis de Cinq7)
qui travaille en amont pour la sortie d’un album et qui
me permet de toucher un maximum de gens et de façon
peut-être plus qualitative en terme de support
médiatique, ce qui fait que ça a touché un public et hier
en l’occurrence j’avais un public qui connaissait les
titres. Jouer devant des gens qui connaissent mes
chansons, c’était une première. Quand les paroles d’un
refrain sont reprises par 300 personnes, c’est
inexplicable, c’est un rêve d’enfant.
Tu as toujours beaucoup voyagé… le Liban, New
York…, grâce à ton père qui travaillait dans une
compagnie aérienne. Tu n’as jamais vraiment posé
tes bagages, et pourtant le Liban tu es parti pour une
durée définie de 3 semaines tu es finalement resté 3
ans avant d’être expulsé. Peux-tu nous en dire
quelques mots ?
Il y a quelque chose d’abominable dans le fait d’être
délogé d’un endroit où on s’est installé, d’un pays,
d’une société où l’on joue le jeu, c’est-à-dire que je
n’étais pas un délinquant je consommais je payais les
taxes (il rigole), je respectais les mœurs les coutumes,
malgré ça il y a des lois, comme en France pour les
ressortissants les étrangers. Je me suis retrouvé dans la
situation d’un sans-papier. Tu as 4 jours pour partir
avec un horaire précis qu’il ne faut pas dépasser. C’est
une cassure violente. Voilà pourquoi le projet Rover
est aussi important dans ma vie c’est qu’il est né suite à
un moment important de ma vie où j’ai dû tout
reprendre à zéro, me détacher du matériel, d’une vie
que j’avais fondée.
Suite de l’interview page 106

En revenant en France, tu as choisi la Bretagne,
pourquoi ?
Ma mère est Bretonne, et on a une maison de famille
dans le nord de la Bretagne, une vieille bâtisse toute
déglinguée. J’y ai réuni beaucoup d’objets qui me
tiennent à cœur mais qui n’ont de grande valeur
pécuniaire. J’y ai construit un petit studio. C’est là où
j’ai composé les titres de l’album. La solitude est
jouissive, surtout lorsque l’on écrit des chansons,
surtout en Bretagne, surtout en hiver (rires).
Cet album, tu l’as écrit dans un été de colère, de
haine, de frustration, car c’était tout juste après ton
expulsion ?
Un peu de tout ça. La musique m’a servie de thérapie.
Evidemment j’en voulais au Liban, j’étais triste,
rancunier, presque haineux. C’est un pays que j’ai
aimé, où j’ai vécu des moments extrêmement forts. J’y
ai connu la guerre, rencontré beaucoup de gens (il se
racle la gorge et en riant me dit qu’il a la voix de
Garou ce matin). Mais avec le projet Rover, j’ai appris
à être heureux de musique, à défier mes sentiments, un
peu comme quelqu’un qui coule au fond de l’eau et
s’appuie sur le sol pour repartir plus haut. On dit bien
« ce qui ne te tue pas te rends plus fort ». Je crois que
c’est ça ! Il y a des adages que l’on entend depuis
toujours et un jour tu te rends compte qu’il
s’appliquant à ta vie. Enfin (avec un sourire
malicieux), il y en a un que je n’ai jamais compris c’est
« vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué », je ne
sais pas trop comment il faut procéder (rires). En tout
cas, voilà, Rover m’a sauvé la vie.
Au Liban, tu formais un groupe avec ton frère, lui au
chant, toi à la guitare. Quel regard porte- t-il
aujourd’hui sur ton travail personnel ?
Il est très fier et très content pour moi. Il y a une
pudeur entre nous qui est évidente mais il y a un vrai
respect mutuel, une concurrence que l’on a su garder
saine.
N’a-t-il pas un brin de jalousie pour ton succès ?
Peut-être (rires). Mais la jalousie n’est pas forcément
un vilain défaut. Cette jalousie-là, en tout cas, ne me
fait pas peur.
Tu as tout réalisé sur cet album. Tu voulais quelque
chose d’authentique. C’est important pour toi
l’authenticité ?
Oui c’est crucial ! J’ai une sensibilité musicale aussi
bien qu’artistique. Rover surplombe tout. J’avais
besoin d’exprimer des émotions. Après, il est
évidemment difficile de tout faire soi-même. Je n’étais
pas dans un vrai studio, je n’avais pas d’ordinateur.
Tout devait être bon dès la première prise. I faut que
chaque prise soit magique, dans prétention. Et puis je
suis un grand fan de McCartney et notamment de ces
disques que j’écoutais quand j’étais petit et sur lesquels
il avait tout enregistré tout seul. Ca s’inscrit sûrement
dans cette lignée…
Tu parlais de sensibilité artistique, on peut continuer
la conversation sur la peinture ?
Ahah. Je ne suis pas un historien de l’art mais la
peinture me fascine. J’ai en fond d’écran « La Nuit
Etoilée » de Van Gogh. Cette sensibilité-là, je la
retrouve dans la musique classique que je consomme
énormément. Il y a des dissonances qui me plaisent, de
façon peut-être très naïve. Je n’ai jamais appris le
solfège, je fais tout à l’oreille. La théorie m’a toujours
emmerdé, je veux dire aussi bien dans les études que
dans la vie. Pour apprécier une œuvre, on n’a pas
besoin de connaître la technique à partir de laquelle
elle a été faite, seulement de ressentir sa lumière et
qu’elle transperce le cerveau. J’aime l’art à l’état
d’instinct.
Et cette sensibilité on l’a retrouve également dans
l’amour, qui fait partie de tes thèmes de
prédilection…
Oui. L’amour est une de mes sources principales
d’inspiration. J’aime les choses que l’on ne peut pas
maîtriser. L’amour est un des rares domaines, avec
l’art où les choses ne s’expliquent pas. Dans Aqulast,
je parle « d’écrire ton nom sur mon cœur ». Il y a
quelque chose d’extrêmement romantique là-dedans.
On ne sait jamais quand les choses arrivent, quand
elles disparaissent.
Tu l’as trouvé l’amour toi ?
(Il sourit) : Oui, je l’espère. On pense l’avoir trouvé à
chaque fois mais les nuages finissent toujours par
arriver.
On te souhaite qu’ils ne reviennent pas. Qu’as-tu fait
de plus fou dans ta vie par amour ?
Ecrire Aqualast, qui m’est venu en une demi-heure !
Ton groupe au Liban s’appelait The New
Government. En période de guerre, c’est assez
révélateur. Essaies-tu inconsciemment de faire passer
des messages quand tu écris, composes, interprète… ?
Surement. Il y a toujours quelque chose que l’on veut
faire entendre. De ce nom de groupe que l’on avait
choisi, dans un pays où il n’y avait plus de
gouvernement émanait une provocation saine. Ce
n’était pas non plus acte profondément politique. Dans
Rover, cela se ressent moins à part peut-être sur le titre
Silver, que j’ai écrit spécifiquement sur ça.
Tu as également repris une chanson de Depeche
Mode Enjoy The Silence…

Silver fait partie de mes titres préférés, Lou
également. Toi sur l’album, si tu ne devais garder
qu’une chanson ce serait laquelle ?
La Roche, un titre-bonus. Je me suis battu pour qu’il
soit conservé. Je trouve que c’est l’un des morceaux les
plus audacieux que j’ai fait.
Tu as un rituel avant de monter sur scène ?
Oui. Mais il est imperceptible, du moins, tout se passe
dans ma tête. J’essaie toujours de me rappeler pourquoi
je joue. C’est une façon de respecter le public et de lui
donner un peu en retour de tout ce qu’il vous apporte.
J’ai noté une phrase que tu as dite lors d’une
interview : « C’est comme en voyage lorsqu’on
regarde un paysage magnifique le temps s’arrête. Et
lorsqu’on reprend nos esprits on se rend compte que
des heures ont passés. ». Sais-tu que cette phrase
s’applique à ton univers et que c’est ce que l’on
ressent lorsqu’on écoute Rover ?
Merci ! Notre notion du temps évolue souvent avec
l’âge. Avec la musique, j’arrive à m’installer dans une
bulle relativement confortable qui fait que tout s’arrête.
Si les gens le ressentent alors le travail est réussi. Cela
me fait énormément plaisir que tu aies ressenti ça en
écoutant ma musique.
Plus jeune, tu écoutais Dylan, les Beatles ou encore
Gainsbourg. Aujourd’hui tu écoutes quoi ?
Plein de découvertes. Au seine de mon label, j’adore
évidemment Bertrand Belin (couverture et interview de
notre numéro 5, ndlr). J’écoute énormément de
musique anglo-saxonne, Conan Mockassin, Julian
Casablancas. Il y en a énormément.
Tu serais-prêt à reformer un groupe ?
Je ne sais pas. Avec les musiciens que j’ai choisis pour
m’accompagner, j’ai humainement retrouvé un
équilibre qui me manquait. Il fallait que je les choisisse
moi-même, j’ai du mal à ce que l’on m’impose des
règles. Etre accompagné en musique c’est comme être
accompagné en amour. Il faut une certaine harmonie.
Sur scène, il n’y aura qu’eux pour me défendre si ça se
passe mal. Le nom ROVER peut faire penser à celui
d’un groupe. Je crois que j’ai gardé un peu en moi de
cet esprit de groupe.
Le portrait de toi si particulier sur la pochette du
disque, c’est ton choix personnel ?
Non. Je ne voulais pas mettre ma gueule mais cette
photo m’a perturbée. Elle a, oui, un truc de spécial.
Puis on m’a dit « attend tu as fait ce projet tout seul,
sur cette voix il faut mettre une tête ». Et celle-ci a
quelque chose qui me plaisait. Je ne suis ni beau ni
moche dessus. Enfin, je crois.
En mot de la fin, si tu avais un conseil sur l’existence
à donner à nos lecteurs, ce serait quoi ?
De ne pas avoir peur de la solitude mais aussi de bien
s’entourer et de ne pas trop se poser de questions,
même si c’est relativement compliqué
+
■ Propos recueillis par
Camélia Mohamed
Un grand merci à Eric Marjault (Cinq7)
pour sa confiance !
Photographies :
Fabien Pochez
Retrouvez Rover sur Myspace :
www.myspace.com/rovermusic
Et sur sa page Facebook
www.facebook.com/musicrover

Second Tour
Le billet d’humeur par Théo Moncassin ! Illustration : Uberkraaft
« Second tour, second tour… qu’est-ce que la politique
vient faire dans son billet ?! » s’interrogeront certains.
Rien, je vous rassure. A l’heure où j’écris ces lignes, le
second tour de l’élection présidentielle n’a pas eu lieu
et lorsque vous les lirez, nous aurons un nouveau
Président de la République. « Ah mais alors, il veut
probablement évoquer le dernier album de Zebda ».
Non plus. Je l’ai fait une fois, ça m’a suffi.
Non, ce sont deux formations (a priori apolitiques
celles-là) que je souhaite mettre en avant. Il y a un peu
plus d’un septennat, sortait Dig ! Le film-documentaire
d’Ondi Timoner. Réalisé durant sept ans, ce chef
d’œuvre retrace les parcours de deux groupes
américains, The Dandy Warhols et The Brian
Jonestown Massacre. Si vous ne l’avez pas vu, il est
plus que nécessaire de réparer cette erreur. Car au
travers du parcours de ces deux formations, c’est toute
l’industrie musicale qui est décortiquée. Les Dandy
Warhols s’envolant grâce aux labels qui les ont signés,
alors que le BJM sombrait dans les méandres de
l’indépendance. Mais en 2012, à l’heure où des
publicitaires sans vergogne utilisent Johnny Cash pour
vendre des jeux vidéo, ces deux groupes existent
toujours et viennent de sortir chacun un album. Qu’en
est-il ?
This Machine est la nouvelle trouvaille des Dandy.
D’une consistance inégale, il apparait comme un album
dans la continuité de …Earth to the Dandy Warhols…
sorti il y a quatre ans. C'est-à-dire difficilement
écoutable d’une seule traite, malgré la présence de
morceaux bien construits et aux riffs sympathiques tels
« The Autumn Carnival » ou encore « I am Free ».
Néanmoins, il apparait évident qu’un morceau comme
« Alternative power to the people » pourrait être utilisé
dans le but de torturer quelqu’un, avec un résultat
garanti. Mais puisque le quatuor de Portland continue
garanti. Mais puisque le quatuor de Portland continue
de remplir les salles, il est probable que cet album
trouvera son public. On lui laisse bien volontiers.
Dirigeons-nous maintenant vers « un endroit
formidable, l’idéal de la vie en ville » (in Brain
Magazine, 01/05/12) selon Anton Newcombe, le
charismatique et flippant leader du Brian Jonestown
Massacre, Berlin. C’est en effet au bord de la Spree
qu’a été créé le dernier album du groupe de San
Francisco, Aufheben. Après quelques albums
légèrement en deçà de la qualité à laquelle ils nous
avaient habitués, le BJM revient aux sources : du
psychédélique, des sonorités orientales (ainsi beaucoup
de sitar), des envolées aériennes, une flûte envoutante,
des clins d’œil aux Beatles (« I want to hold your other
hand ») et à New Order (« Blue Order/New
Monday »)… Tout y est. Et si certains sont encore
sceptiques quant à la classe de cette galette, qu’ils
assistent à la tournée d’été du BJM, ne serait-ce que
pour les performances clownesques de Joel Gion et les
probables insultes de Newcombe, spectacle assuré des
grands vainqueurs du second tour !
■ Théo Moncassin

Le Limier, 1972. Dernier film de Mankiewicz en
tant que réalisateur, un de ses réalisateurs préférés.
Les décors sont magnifiques, dit-elle, la photo hyper
belle, les dialogues géniaux. Elle parle d'un huis
clos, d'une belle rencontre entre le théâtre et le
cinéma. Milo Tindle, lui, coiffeur, correspond
parfaitement à l'image du parvenu américain, du
nouveau riche. Il rencontre le propriétaire d'une
maison immense, une sorte de magnifique manoir,
riche collectionneur d'objets de cirque, de
maquettes, disséminées dans toutes les pièces de la
demeure. Le film parle d'une lutte entre les deux
hommes, qui se piègent chacun leur tour pour
l'amour d'une femme. Si les deux personnages ne
partagent guère plus qu'un nom très similaire,
Mina Tindle trouvait que le nom sonnait bien. Elle a
gardé ce nom à cause de sa page MySpace nommée
ainsi, de ses premiers concerts joués sous ce
pseudonyme, de même que les premiers articles
écrits sur elle. Nous l’avons rencontré un aprèsmidi
ensoleillé pour l'entendre raconter l'histoire de
Taranta, son premier album.
+
Quelle est ton histoire avec les Etats Unis?
J'y ai habité un an, et fait ensuite plusieurs allersretours,
pendant presque une autre année, pour aller
surtout au Texas, afin de bosser avec des musiciens. La
dernière année aux Etats-Unis, c'était un stage de fin
d'études, mais je me suis retrouvée à faire beaucoup
plus de musique qu'autre chose. Après des Etudes
littéraires, je faisais de la communication en politique -
rien à voir- (rires). Je me suis retrouvée avec un
arnaqueur total dans une boîte de communication, ce
qui m'a naturellement poussé vers la musique. Il a fallu
un peu plus de deux ans pour faire cet album. Même si
dernièrement j'ai un peu écrit en français, je ne me vois
pas non plus écrire un album entièrement en français.
J'aime bien la liberté de passer d'une langue à l'autre :
c'est quelque chose que je trouve assez ludique. Dans
l'acte de création, il faut réussir à s'étonner à chaque
fois, pour découvrir des trucs et se lancer dans des
terrains inconnus. Pour les textes et les influences, ça
s'étend des musiques brésiliennes, américaines,
françaises et sud-américaines. Je reprends souvent une
chanson brésilienne. Je ne parle pas portugais mais je
me suis fait traduire le texte, j'ai fait des recherches
dessus et je l'aime beaucoup. C'est un des textes qui me
touchent le plus. La chanson s'appelle Les Argonautes.
Je la reprends souvent sur scène. C'est agréable de
pouvoir se permettre de telles choses.
Tu parles d'autres langues ?
Oui, l'espagnol. Sur le disque il y a un interlude dans
cette langue d'ailleurs, il s'appelle Allegria. Je ne pense
pas encore pouvoir chanter une chanson en deux
langues. Il y en a pas mal qui le font, Balavoine l'a fait
(rires), mais pour l'instant c'est un concept que je
trouve un peu difficile à aborder.
Taranta, cela signifie quoi ?
Taranta, c'est une des dernières chansons que j'ai
écrites, qui n'est pas sur le disque. Je n'ai pas encore eu
le temps de l'enregistrer. Récemment, dans un concert
à la maroquinerie, j'ai invité des amies chanteuses, qui
chantent divinement. J'avais même proposé à ma mère
mais elle n'a (rires). Il y a une ritournelle à la fin qui
doit être chantée. Ce sont des femmes qui entonnent un
truc obsessionnel, même visuellement, c'est beau. Je
suis tombée amoureuse de l'Italie du sud, une de mes
meilleures amies en est originaire. Il y a cette tradition
de la Tarentelle là-bas : cette danse, cette musique
Suite de l’interview page

ancestrale de là-bas. C'est une tradition transmise
oralement, un véritable rite de passage, que chaque
femme apprend différemment. S'en dégage une
dimension très spirituelle. Elle m'a raconté des
histoires et le fantasme qu'il y a autour de cette danse,
ce qui m'a fasciné au point d'écrire cette chanson.
Les femmes qui travaillaient dans les champs de tabac
avaient des conditions de vie très difficiles, toute la
journée en plein soleil, quand elles ne se faisaient pas
taper dessus ou violer par leur patron. Mais une fois
par an, elles avaient le droit de danser, dans une sorte
de carnaval, ce qui constituait une véritable libération
pour elles. Lorsqu'elles dansaient ainsi, on les qualifiait
volontiers de folles, comme si elles avaient été piquées
par une araignée - taranta en italien, d'où la
Tarantelle. Les danses étaient justifiées pour faire
"sortir" le venin qu'elles avaient en elles, dans une
sorte de transe qui pouvait durer des heures, des nuits
entières jusqu'au petit jour, en rond. C'est cela dit une
danse très noble. C'est une belle image sur la création,
l'hystérie et les femmes. La chanson sera sur le
prochain album, qui ne s'appellera pas Taranta (rires)
Sur ton album, très construit, tu as pris ton temps,
pour créer des morceaux riches. Comment faire sur
scène pour recréer l'atmosphère de l'album et la
complexité des arrangements ?
On a essayé d'adapter les morceaux pour la scène, bien
sûr, car les morceaux sont très produits. J'ai une pédale
de loop, pour faire des boucles. L'année dernière je
faisais des concerts toute seule, j'ai appris à m'en servir
toute seule. Deux garçons m'accompagnent au chant,
c'est chouette les voix d'homme pour les choeurs. L'un
d'eux a même une voix extrêmement aigüe, qui lui
permet de chanter presque toutes les lignes que je
chante sur le disque. Olivier Margueri, des Syd
Matters, s'occupe de la session rythmique. Grace au
pads, il balance quelques séquences prises du disque,
pour donner un peu d'épaisseur. En étant peu sur scène
numériquement, difficile d'habiller les morceaux
autrement.
Quel est ton moment préféré pour écrire ?
La nuit. Je ne crois pas encore avoir de déclic ou
d'habitude. Mais la nuit, je peux me retrouver à bosser
sur des enregistrements ou des maquettes et être hyper
heureuse. J'enregistre beaucoup chez moi. Quand tu te
couches à 4h du mat avec ta nouvelle chanson dans la
tête, c'est super excitant. En ce qui concerne l'écriture,
je ne sais pas, en voyageant probablement.
La nuit, ça représente quoi pour toi ?
Je ne suis pas du tout fêtarde. Je sors peu, mais j'ai
souvent du mal à dormir, alors cela représente le
moment où je devrais me reposer et je ne le fais pas.
moment où je devrais me reposer et je ne le fais pas.
C'est le passage avant la folie. Je n'ai encore jamais
franchi la limite.
Tu n'écris donc jamais en rentrant, en ayant un peu
bu?
Non, j'écoute de la musique dans ces cas-là. J'ai déjà
enregistré en ayant un peu bu, cette ivresse-là est
agréable, mais si t'es complètement bourré, tu ne vas
pas réussir à écrire quoi que ce soit (rires). En général,
j'évite de boire quand je bosse seule, ça serait un peu
triste, non? Quand je bois, c'est que je suis avec des
gens, et que je n'ai donc pas envie de bosser. Parfois,
en tant que bonne geek des temps modernes, je vais me
retrouver sur Facebook, à écouter les morceaux que
certains amis musiciens postent, ou à cliquer sur une
vidéo de Nina Simone pour ensuite écouter tous les
liens associés. En étant un peu ivre, avec les images, tu
trouves presque que la musique est mieux que
d'ordinaire ! Dans la journée, je suis toujours un peu
speed, pas le temps de regarder quoi que ce soit.
J'ai un rapport bizarre avec les vidéos, internet, tu
cliques, tu likes, tu approuves sans vraiment regarder.
Mais tu ne prends pas le minutes nécessaires pour
regarder ce que tu viens de liker. Les gens font ça.
Internet est complètement chronophage, passer autant
d'heures devant un ordi, c'est un peu ridicule quand on
y pense. J'écoute de beaux vinyles quand je rentre,
parfois.
La tournée aux Etats-Unis, c'est pour quand ?
J'aimerais beaucoup y aller. Peut être à l'automne, qui
sait. J'y ai joué pas mal quand j'y habitais, dans un petit
bar super, en bas de chez moi, où j'ai dû faire quatre
concerts que je préparais vachement bien à chaque fois.
C'était un peu le bar où tous les artistes de la musique
indé de Brooklyn jouaient, c'était une très bonne
expérience. C'était le bar de deux frères français qui
s'étaient installés là-bas. Ils étaient les mecs connus du
quartier. J'espère beaucoup
Combien de temps pour entendre ton prochain
album? Autant de temps que pour le premier ?
Ah non, pas autant ! L'idée serait de le réaliser
différemment. Dans le procédé d'écriture, je peux
prendre mon temps, mais l'enregistrement, j'aimerais le
faire assez rapidement. Plutôt que de passer deux ans à
produire mon album, je préfèrerais arriver en studio
avec les chansons prêtes !
Interview : Bastien Internicola / Photographies :
Francois Berthier – www.francoisberthier.com
www.minatindle.com

TOURNEE
ESTIVALE
DES
FESTIVALS
DE L’ETE
Il est vrai que l’hiver peut être parfois un peu long.
Mais dès qu’arrive le mois de Mai, les visages
s’illuminent, la fin de l’école approche, le soleil
également. Il est alors temps, pour tout bon festivalier,
de ressortir les éléments qui lui seront indispensables
pour affronter ces quelques mois d’été sur les routes de
Normandie et de Bretagne, c’est à dire : la tente
magique (tu la lances : elle se déplie !), les bottes en
caoutchouc, les cirés, mais aussi les casquettes, et
l’après solaire ! Cet été, c’est avec une bande de jeunes
gens, plus ou moins fictifs, plus ou moins fougueux,
que nous vivrons ces weekends de fête. Appelons les
Juliette, Louis, Paul, James, ou bien Suzon, et jetons un
coup d’œil sur ce qui les attend dans les mois à venir.
Le premier sol que nos campeurs, encore peu avertis,
fouleront, sera sans doute celui des Papillons de Nuit,
à Saint Laurent de Cuves. Petite commune Manchoise
de cinq cents habitants, qui multiplie sa population par
120 chaque weekend de Pentecôte. Pour sa douzième
édition, le festival propose, comme à son habitude, une
programmation aussi riche que variée, à un tarif
relativement abordable. Nos jeunes acolytes, ravis
d’avoir planté leur tente à côté d’Auvergnats tout à fait
sympathiques, ne passeront cependant que peu de
temps au camping. Ces trois jours seront denses, et ne
leur laisseront que peu de temps pour dormir. Le site
comporte trois scènes, assez proches les unes des
autres, et évite au mieux le chevauchement de concerts.
Il y en aura donc, et cela chaque jour, pour tous les
goûts. Du rap d’Orelsan, à la pop de Charlie Winston,
en passant par la chanson de Catherine Ringer ou
d’Hubert Felix Thiéfaine, les journées seront variées.
Mais c’est tous ensemble, qu’ils danseront jusqu’au
petit matin sur Yuksek ou Etienne de Crécy le
lendemain. Le samedi, sera l’occasion pour Juliette et
Samantha d’habiller leur décolleté d’un « I Love
Pete ! », espérant ainsi passer sur les écrans géants,
pendant le concert du leader des Libertines.
Enfin le Dimanche arrivera, et la journée,
traditionnellement plus familiale ne dérogera pas à la
règle. Puisque sont programmés Julien Clerc, Thomas
Dutronc, ou encore les jeunes caennais de Granville
(Nous tairons la présence de Nolwenn Leroy dans ce
papier). Et déjà ce premier festival sera terminé ! Mais

le séjour n’est réellement clos que lorsque cette
invention magique qu’est la « tente 2 secondes », a
dénué rentrer dans sa pochette ! De retour chez eux, il
leur sera sans doute nécessaire de nettoyer leurs bottes
boueuses, de boire du thé pour leurs gorges abimés, de
se promettre d’y retourner.
Un mois plus tard, c’est à Evreux, en Haute Normandie
que nous retrouverons cette joyeuse bande, qui n’aura
sans doute pas beaucoup changé. Peut-être plus
équipée, plus aguerrie que la première fois,
l’installation de leur campement sera sans doute plus
brève, le soleil plus chaud (il est impératif d’y croire !),
mais le weekend irrémédiablement plus court que le
précédent (mais une fois encore peu cher).
Puisque Rock dans tous ses états ne dure que deux
jours : Vendredi 29 et Samedi 30 Juin ! La
programmation n’en est cependant pas moins riche,
puisqu’elle nous présente de chouettes noms tels que
The Crystal Castles, The Rapture, Chinese Man ou
encore Daniel Darc, pour la première soirée
uniquement. Le lendemain fera place nette aux grands
Brian Jonestown Massacre, aux anglais de Two Door
Cinema Club, qui reviennent sans doute avec quelques
nouveautés, ainsi qu’aux rocks stars parisiennes de
Stuck in the Sound qui viendront présenter leur dernier
album : Pursuit.
Le weekend aura probablement été dansant, fatiguant,
émouvant, mais ce qu’ils ne savent pas, c’est que tout
ça n’était qu’échauffement : puisque la semaine
suivante, c’est à Hérouville Saint-Clair que tout se
passe avec le festival : Beauregard.
Hérouville ? C’est tout à côté de Caen. Beauregard ?
Un superbe château blanc, qui offre son parc aux
festivaliers, depuis tout juste quatre ans. Et c’est aussi
pour ce cadre si particulier qu’on se rend chez John, la
vedette, toujours anonyme du festival, pour cette
atmosphère jusqu’alors ensoleillée (gardons bien les
doigts croisés !). Difficile d’y camper, mais chacun
trouvera bien un toit, les Normands sont des gens
sympas ! Et puis, pour Franz Ferdinand, The Gossip,
The Kills, Metronomy, Sebastien Tellier ou encore
Selah Sue, Izia ou Hot Chip, on se démène un peu pour
s’organiser. Une programmation hallucinante, où il est
possible de tout voir grâce à cette alternance
possible de tout voir grâce à cette alternance
minutieuse entre les deux scènes. Le weekend du 6
Juillet sera beau !
Pour Les Vieilles charrues, nos joyeux lurons
devraient rentrer, si tout se passe bien, dans la
catégorie des « festivaliers habitués. ». Ils ne planteront
plus leurs tentes à côté des toilettes, n’apporteront plus
avec eux qu’un Kodak Jetable, et régneront en maître
sur le camping breton ! Ils seront donc à Carhaix du 19
au 21 Juillet ! Oui, parce que dans le Finistère on ne
plaisante pas, lorsqu’on organise un festival, il dure
quatre jours. Et ils proposent, cette année encore des
têtes d’affiches aussi surprenantes qu’incroyables.
Sous ces qualificatifs je mettrais des noms comme
Sting, The Cure et Bob Dylan ! Et même si, à l’heure
où je prépare le périple de notre charmante colonie, la
programmation n’est pas entièrement dévoilée, nous
pouvons ajouter à ces noms Justice, 1995, ou bien les
anglais de Metronomy, qui semblent pas mal se balader
cet été.
Enfin, c’est pour un ultime weekend, que l’on
retrouvera ceux qui seront sans doute devenus nos amis
à tous. Un weekend à Saint Malo, ou plutôt, dans un
fort tout à côté : la Route du Rock, sa plage, sa magie,
et peut être cette année : son soleil !
Malgré plusieurs éditions sous une pluie battante, il
semble impossible de décourager les festivaliers. Et
cette année, c’est un peu plus tôt que d’habitude,
comme pour briser la malédiction du 15 Août, qu’on
leur a donné rendez-vous. Ils seront donc le 10, 11 et
12 Août au Fort saint Père, il fera beau, et ça sera un
weekend de clôture tout à fait génial ! Et même si nous
ne connaissons pour le moment qu’une petite partie de
la programmation ; The XX et The Walkmen, suffisent
à nous donner l’eau à la bouche.
En attendant ces vacances à toute vitesse, il y a des
exams à passer, des géraniums à planter et les bottes de
l’an dernier à nettoyer. Le rendez-vous est pris, on se
voit ici ou là !
■ Anne-Louise Sevaux

ARAW
Photographies : Ludovic Zuili
www.ludoviczuili.com / www.araw.fr

LE MOT DE LA
FIN : aRTHUR
FIN : aRTHUR
Voilà il y a quelques mois je m’inscris sur une plateforme de
blogs, bien décidé à détruire mon monde à coup de phrase acide
et de remarque bien pensée. Après un succès retentissant, (vous
avez forcément entendu parler de moi…non ? Bon ce n’est pas
grave.), je m’attendais à avoir de multiples demandes d’autres
médias... j’ai attendu. Pourtant je ne comprends pas mes textes
sont pleins de militantisme primaire saupoudré de mauvaise foi
et de démagogie, c’est quand même super-actuelle. (fig. 1.)
Mais, alors que je me lève un matin vers 14 h, j’entends cette
sympathique mais néanmoins agaçante alerte du chat Facebook,
à ce moment-là je me dis que c’est peut-être la magnifique
brune aux yeux verts à qui j’ai fait du rentre dedans hier soir en
sirotant mon rhum brun (à moins qu’elle soit blonde aux yeux
bleus). En tout cas je suis sûr de ne pas l’avoir laissé
indifférente puisque j’ai usé de tous mes charmes. (fig. 2)
Loupé c’est un jeune bellâtre qui m’alpague et qui me demande
si écrire dans son magazine m’intéresse. Passé le moment où
j’ai cru me faire draguer par ce cher Thomas Carrié, je fus assez
flatté. La vache quel honneur, enfin reconnu par mes pairs,
surement un magazine de grande envergure internationale
comme l’Express ou Biba… Non à la question mais pour quel
magazine travailles-tu ? Ce sympathique personnage me
répond, « Crumb »… (fig. 3)
Bon…je vais feuilleter les anciens numéros histoire de me faire
une idée. Les premières pages ressemblent exactement à celle
d’un grand magazine de mode et tendance…des pubs, ensuite la
seule chose que j’ai retenu c’est le nombre improbable de
photos d’hipster à moustache (non je ne caricature pas) et les
groupes que personne ne connaît, généralement ceux qu’une
personne bossant dans la pub te balance avec un ton superhautain,
pour se faire jouir intérieurement à un diner. (fig. 4)
Au premier abord je ne suis pas spécialement le genre de
personnage qu’ils cherchent. Je ne joue pas d’instrument, je sais
un peu jouer la comédie, mais je suis plus proche de Samy
Naceri que Charles Berling pour le talent, je ne suis pas capable
de lancer un mouvement de mode… (fig. 5)
N’allez pas croire que je manque d’ambition, la seule chose que
je sache faire c’est râler sur le monde dans lequel on vit…je
suis Parisien quoi. Mais si on regarde bien ce magazine, entre
les articles d’artistes déjà confirmés, il y a une volonté de
s’intéresser à des gens encore méconnus, qui feront deux pages
dans les Inrocks dans 2 ans quand ils auront confirmé leurs
talents. Vous voyez où je veux en venir ? Ce sont des
visionnaires, putain ! (je m’emballe peut-être un peu là, mais
c’est juste pour leur faire un peu de lèche). Normalement j’écris
sur des trucs qui me font chier, là je ne peux pas le faire pour ce
magazine, car il ne m’a rien fait de mal et en plus il est
intéressant (bordel arrête avec tes compliments ce n’est pas
payé). (fig.6)
En même temps si Sébastien Tellier a donné une interview à
Crumb c’est qu’on a forcément un magazine bien entre les
mains. D’ailleurs, Je ne comprends ses détracteurs qui
persistent à dire que cet homme est fou. (fig.7)
Bref (ça ferait un bon titre de programme court ça), si je suis
sous tes yeux chers lecteurs c’est que le rédacteur en chef de ce
magazine à prit la peine de s’intéresser à mon blog et m’a
demandé d’écrire un petit quelque chose dedans. Donc je me
suis dit que j’allais écrire sur lui en retour. Si jamais par
bonheur ça te plaît, il se peut que j’en écrive d’autres, mais cette
fois-ci promis sur des sujets intéressants. Mais pour ça il faut
que tu en redemandes. (fig.8)
Bon pour finir il faudrait peut-être que je me présente, je
m’appelle Arthur (comme 457 autres personnes nées en 1984,
mais ça on s’en fout je suis né en 1985), je suis Parisien, parfois
trop, j’ai un sérieux penchant pour les alcools forts (diplomatico
réserva exclusiva avec un quartier de citron dedans merci), je
roule en smart, je porte des jeans ACNE, des chemises The
Kooples et j’adore placer plein de marque dans mes écrits pour
faire chier les services juridiques. Allez, à une prochaine fois
j’espère.
Ah oui si jamais par hasard tu voudrais en savoir un peu plus
sur moi ou ce que j’ai pu faire avant voici l’adresse de mon
blog : http://www.jegueulepasjemexprime.com/
C’est très sympa et pour chaque article lu c’est une copie du
film le baltringue de Vincent Lagaff détruite.
Arthur Perrier-Pillu

fig. 1
fig. 3
fig. 7
fig. 4
fig. 5
ARTHUR !
fig. 2
fig. 6