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Veronique LEGRAIN - Faculté de médecine de l'université Louis ...

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Diplôme inter-universitaire d’éthique médicale<br />

<strong>Faculté</strong> <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong> Strasbourg et Nancy<br />

UN REGARD ETHIQUE SUR<br />

L’HOSPITALISATION SOUS<br />

CONTRAINTE EN PSYCHIATRIE<br />

Une pratique aux urgences<br />

Docteur Véronique Legrain<br />

Praticien hospitalier en mé<strong>de</strong>cine<br />

d’urgence<br />

Année 2007-2008<br />

1


BIBLIOGRAPHIE<br />

Pierre Le Coz, Petit traité <strong>de</strong> la décision médicale, Seuil 2007<br />

Michela Marzano, Je consens, donc je suis…, Puf 2007<br />

Yannick Ripa, La ron<strong>de</strong> <strong>de</strong>s folles Femme, folie et enfermement au XIXème siècle, Aubier<br />

1986<br />

Michel Foucault, Histoire <strong>de</strong> la folie à l’âge classique, Gallimard 1972<br />

José Coelho, Hospitalisations psychiatriques sous contrainte, Les étu<strong>de</strong>s hospitalières<br />

Collection Tout Savoir 2006<br />

Recommandation REC (2004)10 du Comité <strong>de</strong>s Ministres aux Etats membres relative à la<br />

protection <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme et <strong>de</strong> la dignité <strong>de</strong>s personnes atteintes <strong>de</strong> troubles mentaux<br />

Axel Kahn, L’homme, ce roseau pensant… Essai sur les racines <strong>de</strong> la nature humaine,<br />

Edition Pocket<br />

Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s et à la qualité du système <strong>de</strong><br />

santé<br />

Loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection <strong>de</strong>s personnes<br />

hospitalisées en raison <strong>de</strong> troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation<br />

Co<strong>de</strong> la santé publique, articles L.3212-1 à 12 relatifs à l’hospitalisation à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un<br />

tiers<br />

Co<strong>de</strong> la santé publique, articles L.3213-1 à 10 relatifs à l’hospitalisation d’office<br />

Co<strong>de</strong> la santé publique, articles L.3223-1 à 3 relatifs aux Commissions Départementales <strong>de</strong>s<br />

Hospitalisations Psychiatriques<br />

Suzanne Rameix, Fon<strong>de</strong>ments philosophiques <strong>de</strong> l’éthique médicale, Ellipses 1998<br />

Loi sur les aliénés n°7443 du 30 juin 1838<br />

Charte <strong>de</strong> la personne hospitalisée, circulaire du 2 mars 2006 relative aux droits <strong>de</strong>s personnes<br />

hospitalisées.<br />

Clau<strong>de</strong> Barthélémy, Ethique <strong>de</strong> la contrainte en psychiatrie, L’information psychiatrique,<br />

Volume 79, N°7, 577-82, Septembre 2003<br />

2


DECLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L’HOMME<br />

1948<br />

Article 9 : Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé<br />

3


Introduction<br />

PLAN<br />

Première partie : l’hospitalisation à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un tiers en pratique<br />

I Une situation <strong>de</strong> crise : l’intervention en SMUR<br />

II L’hospitalisation à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un tiers en chiffres<br />

III Mensonge, menace et force <strong>de</strong> persuasion<br />

IV Une hospitalisation en psychiatrie ou comment convaincre d’aller chez les fous ?<br />

Deuxième partie : historique et cadre légal<br />

I Un peu d’histoire<br />

1) L’imaginaire<br />

2) Avant 1838<br />

3) Pinel et Esquirol<br />

4) 1838 : La Loi Esquirol<br />

II La législation actuelle française<br />

1) L’hospitalisation à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un tiers<br />

2) L’hospitalisation d’office<br />

3) Les commissions départementales <strong>de</strong>s hospitalisations psychiatriques<br />

III Les recommandations européennes<br />

Troisième partie : la réflexion<br />

I La relation mé<strong>de</strong>cin-mala<strong>de</strong><br />

II Le concept d’autonomie<br />

III Le consentement<br />

IV Le suici<strong>de</strong><br />

Conclusion<br />

4


ABREVIATIONS<br />

HDT : Hospitalisation à la Deman<strong>de</strong> d’un Tiers<br />

HO : Hospitalisation d’Office<br />

HL : Hospitalisation Libre<br />

SMUR : Service Mobile d’Urgence et <strong>de</strong> Réanimation<br />

SAMU : Service d’Ai<strong>de</strong> Médicale Urgente<br />

UHCD : Unité d’Hospitalisation <strong>de</strong> Courte Durée<br />

CHS : Centre Hospitalier Spécialisé<br />

CDHP : Commission Départementale <strong>de</strong>s Hospitalisations Psychiatriques<br />

TDS : Tentative <strong>de</strong> Suici<strong>de</strong><br />

IMV : Intoxication Médicamenteuse Volontaire<br />

5


INTRODUCTION<br />

Mé<strong>de</strong>cin urgentiste <strong>de</strong>puis une dizaine d’années, je suis amenée dans ma pratique à<br />

hospitaliser <strong>de</strong>s patients en psychiatrie contre leur gré que ce soit dans le cadre <strong>de</strong> mon<br />

activité au service <strong>de</strong>s urgences ou en intervention avec une équipe du SMUR. J’ai voulu<br />

remettre en question l’apparente évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> cet acte maintes fois répété, codifié et très<br />

encadré par la loi.<br />

Cette démarche m’a semblé nécessaire pour prendre conscience <strong>de</strong> ce qui se joue au moment<br />

<strong>de</strong> la décision, qui parfois n’est vue que comme une lour<strong>de</strong>ur dans le quotidien <strong>de</strong>s urgences.<br />

Dans la préface du Petit traité <strong>de</strong> la décision médicale <strong>de</strong> Pierre Le Coz, Didier Sicard, ancien<br />

prési<strong>de</strong>nt du Comité consultatif national d’éthique écrit :<br />

« Ce qu’il y a <strong>de</strong> plus novateur dans son ouvrage est la place donnée à la nécessaire<br />

interrogation a posteriori sur ce qui s’est joué ou pas dans la relation. Faire retour sur les<br />

décisions éthiquement problématiques pour ne pas s’habituer à la simple résolution technique<br />

ou à l’indifférence routinière suscitée par l’expérience. La routine est la pire menace pour<br />

l’éthique <strong>de</strong> la décision. Car une relation <strong>de</strong> soin est, par essence, toujours une expérience<br />

nouvelle pour celui qui en est l’auteur et celui qui en est l’acteur souffrant. » (Petit traité <strong>de</strong> la<br />

décision médicale, p.8).<br />

Dans le quotidien <strong>de</strong> l’urgence, les particularités <strong>de</strong> notre métier ajoutent à la difficulté <strong>de</strong><br />

l’hospitalisation sous contrainte en psychiatrie. Le manque <strong>de</strong> temps inhérent à l’urgence<br />

nous met alors face à une histoire chronophage. Comment, en effet, faire vite quand en face<br />

<strong>de</strong> soi, une personne est en détresse morale, est en crise, est en possible décalage par rapport à<br />

son quotidien, n’est pas dans son état « normal » ? Cette personne, nous ne la connaissons<br />

pas, il faut nous laisser le temps <strong>de</strong> la rencontrer, <strong>de</strong> rencontrer ses proches, <strong>de</strong> comprendre les<br />

faits qui nous sont rapportés et alors <strong>de</strong> prendre une décision juste et adaptée.<br />

Une autre <strong>de</strong>s composantes <strong>de</strong> cette rencontre est la violence. Violence <strong>de</strong>s faits qui ont<br />

amené le patient aux urgences, violence <strong>de</strong>s rapports du patient avec son entourage, violence<br />

<strong>de</strong> la réaction suite à notre décision. Il peut y avoir une spirale ascendante dans la violence<br />

qui peut avoir pour conséquence une rapi<strong>de</strong> décision d’hospitalisation sous contrainte en<br />

psychiatrie alors que, l’état <strong>de</strong> crise passé, la nécessité <strong>de</strong> l’hospitalisation n’est plus évi<strong>de</strong>nte.<br />

Nous verrons que la loi permet <strong>de</strong>s réajustements rapi<strong>de</strong>s et réitérés <strong>de</strong> décision prise au<br />

moment <strong>de</strong> la crise.<br />

Un troisième élément déterminant dans cette prise <strong>de</strong> décision est la rencontre avec le tiers.<br />

C’est une tierce personne qui vient nous dire « cela ne va plus », « ce n’est plus possible »,<br />

« faites quelque chose ». Le mé<strong>de</strong>cin va écouter les uns et les autres, va peut-être <strong>de</strong>voir se<br />

poser en arbitre d’un conflit familial, va essayer <strong>de</strong> comprendre les enjeux <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>,<br />

éclairé par le type <strong>de</strong> relation qui lie les personnes entre elles.<br />

A l’heure où le consentement <strong>de</strong>vient un pivot central <strong>de</strong> la relation mé<strong>de</strong>cin-mala<strong>de</strong> faisant<br />

évoluer celle-ci d’une relation paternaliste toute puissante à une relation plus contractuelle où<br />

le patient prend une part active aux soins et à sa santé, il subsiste un domaine où ce<br />

consentement ne peut pas être obtenu et où les soins vont <strong>de</strong>voir être imposés au patient :<br />

l’hospitalisation en psychiatrie sous contrainte.<br />

Dans la pratique <strong>de</strong> l’urgence, cette question revient régulièrement et, dans ce contexte<br />

particulier qu’est l’urgence, <strong>de</strong>s décisions aussi difficiles qu’une hospitalisation sous<br />

contrainte en psychiatrie vont être prises, sans toutefois pouvoir prendre le recul nécessaire à<br />

la portée <strong>de</strong> telles décisions. Nous verrons quelques histoires d’urgence qui illustreront ces<br />

difficultés tout en essayant d’éclairer ces différentes histoires <strong>de</strong> vie par le questionnement<br />

éthique qu’elles soulèvent.<br />

6


Dans la <strong>de</strong>uxième partie, nous replacerons ces exemples dans le cadre légal actuel après avoir<br />

retracé l’histoire à la fois <strong>de</strong> la perception <strong>de</strong> la folie et celle <strong>de</strong> la psychiatrie dans ses prises<br />

<strong>de</strong> conscience et dans ses évolutions.<br />

Dans la troisième partie, nous essaierons <strong>de</strong> développer les fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> la relation<br />

mé<strong>de</strong>cin-mala<strong>de</strong> ainsi que le concept d’autonomie pour montrer comment ils participent à la<br />

décision d’une hospitalisation sous contrainte en psychiatrie.<br />

Nous reviendrons ensuite sur la notion <strong>de</strong> consentement, si centrale actuellement en montrant<br />

pourquoi les mé<strong>de</strong>cins peuvent et doivent passer outre ce consentement pour le bien du<br />

mala<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> la société.<br />

7


PREMIERE PARTIE<br />

L’hospitalisation à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un tiers en pratique<br />

I Une situation <strong>de</strong> crise : l’ intervention en SMUR<br />

Durant les treize années <strong>de</strong> ma pratique médicale dans les Services Mobiles d’Urgence et <strong>de</strong><br />

Réanimation <strong>de</strong> Strasbourg et <strong>de</strong> Sélestat et dans le service d’urgence <strong>de</strong> Sélestat, j’ai été<br />

confrontée maintes fois à l’hospitalisation à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un tiers (HDT).<br />

Les premières HDT, je les ai vécues pendant mon activité au SAMU en tant que jeune interne,<br />

précision non négligeable puisqu’il a fallu gérer <strong>de</strong>s situations tendues sans l’expérience que<br />

confèrent et la maturité et la réflexion éthique portée sur <strong>de</strong> telles situations.<br />

Ces interventions sont <strong>de</strong> réels états <strong>de</strong> crise, uniques, difficiles, chargés <strong>de</strong> tensions et <strong>de</strong><br />

violences. Les appels sont motivés bien souvent par un débor<strong>de</strong>ment d’une personne au-<strong>de</strong>là<br />

<strong>de</strong>s normes supportables par la société : une bouffée délirante aiguë, la déambulation d’une<br />

personne nue dans la rue, la menace <strong>de</strong> suici<strong>de</strong> sur le rebord d’une fenêtre au cinquième étage<br />

ou une arme à feu à la main, le « pétage <strong>de</strong> plomb », que ce soit une colère sans limite avec jet<br />

d’objets par la fenêtre sur la voie publique, que ce soit <strong>de</strong>s menaces <strong>de</strong> mort sur autrui, que ce<br />

soit un burn-out professionnel avec transgression <strong>de</strong>s limites habituelles acceptées dans les<br />

rapports <strong>de</strong> travail. Les situations sont multiples, mais <strong>de</strong> façon constante, l’entourage ne peut<br />

plus maîtriser la personne en état <strong>de</strong> crise, n’a plus accès à sa raison. Il existe une perte <strong>de</strong>s<br />

repères, une perte du contact, une perte <strong>de</strong> la parole.<br />

L’équipe <strong>de</strong> SMUR est alors fréquemment associée à la police. Un regard médical se pose sur<br />

la personne en crise et l’ordre public veille. L’état d’extrême tension entre les différents<br />

protagonistes, la présence d’un public pas toujours souhaitable ni souhaité, la présence<br />

également <strong>de</strong> la police à la fois rassurante, à la fois source d’agressivité, ne ren<strong>de</strong>nt pas les<br />

négociations faciles. Dans ces interventions, la décision <strong>de</strong> l’hospitalisation n’a pas forcément<br />

été prise par le mé<strong>de</strong>cin du SMUR. Au mieux, le premier certificat médical a été préparé par<br />

un mé<strong>de</strong>cin généraliste, la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du tiers est déjà écrite par un membre <strong>de</strong> la famille. Il ne<br />

reste plus à l’équipe du SMUR que <strong>de</strong> transporter le patient dans le Centre Hospitalier<br />

Spécialisé référent. C’est là que commence la tâche difficile pour un mé<strong>de</strong>cin qui ne connaît<br />

pas le patient, qui n’a pas été acteur <strong>de</strong> la décision, qui n’était pas témoin <strong>de</strong> l’action passée,<br />

qui a été souvent brièvement mis au courant, <strong>de</strong> convaincre quelqu’un <strong>de</strong> consentir à monter<br />

dans une ambulance qui l’emmènera pour une hospitalisation à laquelle il n’a pas consenti.<br />

Selon les équipes, cette épreuve peut se dérouler <strong>de</strong> différentes manières. Dans la version<br />

caricaturale (mais véridique) <strong>de</strong> l’efficacité sans perte <strong>de</strong> temps : intervention musclée avec<br />

plaquage au sol du patient non compliant, injection intramusculaire d’un tranquillisant à<br />

travers le pantalon ou après un déculottage public, ligotage du patient sur le brancard <strong>de</strong><br />

l’ambulance pour le transport…<br />

L’autre version met en place une négociation longue et parsemée d’embûches, attentive au<br />

choix <strong>de</strong>s mots, essayant d’amadouer l’autre et <strong>de</strong> le convaincre du bienfait <strong>de</strong><br />

l’hospitalisation par une argumentation douce, mais persuasive, lente mais décisive, en<br />

donnant l’impression <strong>de</strong> laisser le choix alors qu’il ne l’a pas. Au pire, cette <strong>de</strong>uxième version<br />

finit par se dérouler comme la première après échec <strong>de</strong> la discussion.<br />

Cette violence <strong>de</strong> l’intervention dans l’échange verbal, dans la contention physique, dans la<br />

sédation chimique appliquée et surtout dans la finalité du propos : hospitaliser quelqu’un en<br />

psychiatrie sans son consentement, est difficilement acceptable et ne peut pas être<br />

satisfaisante. Qu’elle soit intégrée dans un délire (« ils sont venus me chercher, ai<strong>de</strong>z-moi »),<br />

8


qu’elle soit en contrebalance d’une agitation incontrôlée, qu’elle soit le <strong>de</strong>rnier recours à une<br />

situation qui semble bloquée, cette violence semble contraire à l’idée <strong>de</strong> bienfaisance.<br />

II L’HDT en chiffres<br />

On observe ces <strong>de</strong>rnières années une augmentation croissante du nombre <strong>de</strong> transferts, toute<br />

forme confondue, en hôpital psychiatrique, sans vouloir y apporter <strong>de</strong> raisons sociologiques à<br />

ce sujet.<br />

Année<br />

Nombre <strong>de</strong><br />

2003 2004 2005 2006 2007<br />

transferts en 87<br />

111 140 154 179<br />

psychiatrie<br />

Evolution du nombre <strong>de</strong> transferts <strong>de</strong>s urgences <strong>de</strong> l’hôpital <strong>de</strong> Sélestat en hôpital<br />

psychiatrique <strong>de</strong> 2003 à 2007.<br />

Pour avoir une photographie actuelle <strong>de</strong> la place <strong>de</strong>s hospitalisations à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un tiers<br />

dans notre quotidien <strong>de</strong>s urgences, j’ai repris les dossiers <strong>de</strong> janvier 2008 à juin 2008 et j’ai<br />

comptabilisé le nombre d’HDT effectuées. Sur cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> six mois, j’ai relevé 71<br />

hospitalisations en psychiatrie dont neuf HDT sur un nombre <strong>de</strong> passages aux urgences <strong>de</strong><br />

13612.<br />

Les HDT représentent donc 12.68% <strong>de</strong>s hospitalisations en psychiatrie sur ces six <strong>de</strong>rniers<br />

mois.<br />

Les raisons <strong>de</strong> ces hospitalisations sont :<br />

- pour trois d’entre elles <strong>de</strong>s phlébotomies ou atteintes à l’intégrité physique <strong>de</strong> la<br />

personne par arme blanche, ceci étant accompagné d’une prise d’alcool,<br />

- pour <strong>de</strong>ux d’entre elles une intoxication médicamenteuse volontaire avec désir <strong>de</strong> mort<br />

réitéré,<br />

- pour une autre <strong>de</strong>s idées suicidaires sans passage à l’acte avec répétition d’un scénario<br />

déjà vécu dans les années précé<strong>de</strong>ntes,<br />

- pour <strong>de</strong>ux autres un délire dans le cadre d’une psychose connue<br />

- pour le <strong>de</strong>rnier un mélange complexe <strong>de</strong> toxicomanie, <strong>de</strong> prise médicamenteuse et<br />

d’alcool dans un contexte <strong>de</strong> rupture avec la société.<br />

Dans le fonctionnement <strong>de</strong> notre service <strong>de</strong>s urgences, nous bénéficions du passage d’un<br />

psychiatre le matin en jour <strong>de</strong> semaine. Sur ces neuf HDT, quatre patients ont eu un entretien<br />

avec le psychiatre <strong>de</strong> notre service qui a pris l’initiative <strong>de</strong> l’HDT. Pour les cinq autres, elles<br />

ont eu lieu en heure <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>.<br />

Il était important <strong>de</strong> connaître le parcours <strong>de</strong> ces patients suite à leur passage aux urgences et à<br />

la décision <strong>de</strong> les hospitaliser sous contrainte. On peut déplorer que nous ne recevions pas<br />

d’informations sur la suite <strong>de</strong> ces hospitalisations <strong>de</strong> façon systématique, ce qui nous<br />

permettrait d’ajuster nos pratiques, voire <strong>de</strong> les remettre en cause. Mais ceci reste un<br />

problème chronique aux urgences quelque soit le type d’hospitalisations effectuées.<br />

Sur ces neuf personnes, huit ont été hospitalisées au Centre Hospitalier Spécialisé d’Erstein,<br />

une au CHS <strong>de</strong> Hoerdt.<br />

9


Pour la première HDT (épiso<strong>de</strong> maniaque d’un trouble bipolaire connu), la levée <strong>de</strong> l’HDT<br />

s’est faite un mois plus tard.<br />

Pour la secon<strong>de</strong> (phlébotomie), levée <strong>de</strong> l’HDT trois jours plus tard.<br />

Pour la troisième (intoxication médicamenteuse volontaire), l’HDT n’a pas été levée mais une<br />

sortie à l’essai a eu lieu dix jours plus tard. La personne est décédée dans le mois suivant pour<br />

<strong>de</strong>s raisons que je ne connais pas.<br />

Pour la quatrième (phlébotomie, agitation et alcoolisation), la levée <strong>de</strong> l’HDT a été requise<br />

dès le len<strong>de</strong>main par le tiers qui avait signé la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>.<br />

Pour la cinquième (idées suicidaires), levée vingt jours plus tard.<br />

Pour la sixième (phlébotomie), l’HDT n’a pas pu être confirmée pour <strong>de</strong>s raisons<br />

administratives (certificat inadapté), mais la personne est restée en hospitalisation libre.<br />

Pour la septième (psychose), je n’ai pas obtenu l’information.<br />

Pour la huitième (toxicomanie, intoxication médicamenteuse), l’HDT était poursuivie à<br />

l’heure <strong>de</strong> ma <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’information.<br />

Pour la neuvième (intoxication médicamenteuse volontaire), elle a été levée dès le len<strong>de</strong>main<br />

à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du psychiatre.<br />

Par rapport à la justesse <strong>de</strong> nos décisions, je constate qu’une seule <strong>de</strong> ces décisions a été très<br />

rapi<strong>de</strong>ment remise en cause. A noter également le certificat inadéquat qui montre une<br />

méconnaissance <strong>de</strong> la loi.<br />

En prenant connaissance <strong>de</strong>s différents dossiers d’hospitalisation en psychiatrie, j’ai pu<br />

constater qu’à plusieurs reprises, la question <strong>de</strong> l’HDT avait été soulevée au moment <strong>de</strong><br />

l’admission, mais finalement la personne était gardée dans l’Unité d’Hospitalisation <strong>de</strong> Courte<br />

Durée (UHCD) et, le len<strong>de</strong>main, l’hospitalisation libre était acceptée. L’ouverture <strong>de</strong> l’UHCD<br />

est récente (1 er janvier 2007) ; les patients étaient auparavant gardés dans un <strong>de</strong>s services <strong>de</strong><br />

mé<strong>de</strong>cine. Il aurait été intéressant <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r l’évolution du nombre d’HDT avant et après<br />

l’ouverture <strong>de</strong> l’UHCD pour montrer si celle-ci a eu un impact sur nos décisions. On pourrait<br />

penser que les HDT étaient plus nombreuses pour faciliter une surveillance, qui, dans les<br />

services <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine en heures <strong>de</strong> nuit, n’est pas si simple.<br />

La solution transitoire <strong>de</strong> l’hospitalisation en UHCD est une façon adéquate <strong>de</strong> faire face à ce<br />

moment <strong>de</strong> crise qui peut parfois faire irruption dans la vie <strong>de</strong> quelqu’un. Elle permet la<br />

réévaluation au calme du trouble présenté, un entretien qui <strong>de</strong>vient alors possible, un avis<br />

spécialisé. Elle évite ainsi le traumatisme potentiel d’une hospitalisation en psychiatrie,<br />

surtout sous contrainte.<br />

III Mensonge, menace et force <strong>de</strong> persuasion<br />

La pratique du mensonge est une pratique qui, je l’espère, est amenée à disparaître. Elle a été<br />

rapportée à la fois par <strong>de</strong>s ambulanciers, par <strong>de</strong>s psychiatres à l’accueil et par <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s.<br />

C’est celle <strong>de</strong> transporter le mala<strong>de</strong> dans un centre hospitalier spécialisé sans le lui dire et <strong>de</strong><br />

le mettre <strong>de</strong>vant le fait accompli aux portes du service <strong>de</strong> psychiatrie avec tous les papiers<br />

adéquats préparés. Ceci doit permettre d’éviter toutes palabres et toute violence au moment <strong>de</strong><br />

la montée dans l’ambulance, mais ne fait que reporter le problème à plus tard, sur d’autres<br />

personnes et ce qui donne au patient le sentiment grave d’avoir été trompé. Il me semble<br />

évi<strong>de</strong>nt que, quelque soit l’histoire, et ce malgré la peine qu’on doit se donner pour négocier<br />

une hospitalisation sous contrainte avec un patient, cette pratique est contraire à tout bon sens.<br />

Tout d’abord, elle met à mal les relations entre professionnels, ce qui est délétère à la prise en<br />

10


charge <strong>de</strong> futurs patients, mais surtout elle nie véritablement toute reconnaissance <strong>de</strong> la<br />

moindre autonomie à la personne, en altérant sa confiance dans la relation avec le corps<br />

médical et soignant et dans la thérapie proposée. Si le patient est hospitalisé sans son<br />

consentement, que ce soit au moins en pleine connaissance <strong>de</strong> cause.<br />

Ceci est d’ailleurs explicitement stipulé dans les recommandations européennes relative à la<br />

protection <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme et <strong>de</strong> la dignité <strong>de</strong>s personnes atteintes <strong>de</strong> troubles mentaux<br />

à l’article 17 (critères pour le placement involontaire), alinéa 1.v. « l’avis <strong>de</strong> la personne<br />

concernée a été pris en considération ».<br />

Pendant ma pério<strong>de</strong> d’interne au SAMU, la psychiatrie était désignée dans les transmissions<br />

par radio <strong>de</strong>vant le patient comme « en face Leriche », pavillon qui faisait face à la<br />

psychiatrie !<br />

A cours d’arguments pour persua<strong>de</strong>r quelqu’un <strong>de</strong> la nécessité d’être pris en charge en<br />

psychiatrie, il reste la menace : « si vous n’acceptez pas l’hospitalisation, nous serons<br />

contraints <strong>de</strong> la faire sans votre consentement » avec les explications entourant la lour<strong>de</strong>ur <strong>de</strong><br />

cette procédure. Etrange choix que nous proposons alors : c’est la psychiatrie ou la<br />

psychiatrie, il vous reste le choix <strong>de</strong>s modalités !<br />

Dans le colloque singulier entre le mé<strong>de</strong>cin et le mala<strong>de</strong>, surtout quand celui-ci vient pour un<br />

problème psychiatrique, on sent combien le fil du lien entre ces <strong>de</strong>ux personnes est tendu et<br />

toujours prêt à se rompre. Un mot <strong>de</strong> trop, une parole trop incisive, une réaction mal perçue et<br />

tout est bien souvent à refaire. La force <strong>de</strong> persuasion ne suffit pas, il faut également<br />

beaucoup <strong>de</strong> tact et <strong>de</strong> finesse pour amener le patient à accepter sa prise en charge. Il va sans<br />

dire que ceci est dépendant <strong>de</strong> tellement <strong>de</strong> paramètres qu’une HDT reste parfois le <strong>de</strong>rnier<br />

choix possible après un entretien où le lien a été rompu. Sans compter le nombre <strong>de</strong> patients<br />

qui changent d’avis rapi<strong>de</strong>ment, ce qui est le reflet du flou <strong>de</strong> leurs pensées en souffrance, on<br />

préfère alors organiser l’HDT pour être sûr que la prise en charge aura lieu.<br />

IV Une hospitalisation en psychiatrie ou comment convaincre d’aller chez les « fous » ?<br />

J’ai choisi ces <strong>de</strong>ux histoires récentes pour montrer les difficultés possibles rencontrées aux<br />

urgences et le questionnement qui en découle.<br />

1) Une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’HDT par la police<br />

Lundi soir, aux urgences, un jeune homme <strong>de</strong> 22 ans est accompagné par la police suite à une<br />

nouvelle fuite <strong>de</strong> gaz dans son appartement. La veille, il est venu aux urgences tard dans la<br />

soirée pour un motif similaire. Le dossier est très succinct. Les voisins auraient perçu une<br />

o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> gaz provenant <strong>de</strong> son appartement et auraient appelé la police et les services<br />

d’urgence pour fuite <strong>de</strong> gaz. Le jeune homme a été vu aux urgences pour une éventuelle<br />

intoxication au gaz, mais est sorti rapi<strong>de</strong>ment contre avis médical.<br />

Ce lundi, les soupçons se font plus précis. Problème <strong>de</strong> gaz sur la chaudière le dimanche, sur<br />

la gazinière le lundi. N’est-ce que le fruit du hasard ? Les voisins ont peur, la police doute <strong>de</strong><br />

la sécurité du quartier et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> une HDT.<br />

Le jeune est tranquille, plutôt goguenard, ne perçoit aucune contradiction dans les faits, ne se<br />

sent responsable <strong>de</strong> rien. D’évi<strong>de</strong>nce, il a une fragilité psychique : au chômage, avec un<br />

questionnement d’adolescent, un humour cynique, bercé par une vision pessimiste <strong>de</strong> la vie et<br />

<strong>de</strong> la société, entouré par <strong>de</strong>s parents dépassés et inquiets. Ses propos ne comportent aucun<br />

11


élément délirant, ni suicidaire. Il a eu <strong>de</strong>ux problèmes consécutifs sur ses tuyauteries <strong>de</strong> gaz et<br />

alors ?<br />

Je n’ai pas pu discuter avec les voisins mais ces propos m’ont été rapportés par la police : il<br />

aurait, dans un geste <strong>de</strong> colère, détérioré sa voiture quelques temps auparavant et d’autre part,<br />

il se plaindrait chez ses voisins du niveau sonore <strong>de</strong> leur musique, alors que cette musique<br />

proviendrait <strong>de</strong> son propre appartement !! Et encore, il aurait voulu allumer une cigarette dans<br />

son appartement alors que la fuite <strong>de</strong> gaz n’était pas résolue !!!<br />

Voilà <strong>de</strong> quoi créer un bon climat <strong>de</strong> peur et <strong>de</strong> rejet.<br />

Le diagnostique psychiatrique n’est pas évi<strong>de</strong>nt. La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’hospitalisation en psychiatrie<br />

sous contrainte pour danger envers autrui n’est pas évi<strong>de</strong>nte non plus. Il n’y a aucune preuve<br />

et le jeune nie toute intervention <strong>de</strong> sa part dans les faits. Voudrait-on l’hospitaliser en<br />

psychiatrie parce qu’il aurait eu la malchance d’avoir <strong>de</strong>ux jours <strong>de</strong> suite un problème sur ses<br />

conduites <strong>de</strong> gaz dans un contexte où un questionnement sur le sens <strong>de</strong> sa vie le rend un peu<br />

plus « marginal » ?<br />

Au cours <strong>de</strong> l’entretien, il ne récuse pas le fait qu’il a, en tout cas, besoin d’une ai<strong>de</strong><br />

psychologique.<br />

Le laisser rentrer seul chez lui me semble trop risqué (je ne peux pas éliminer la possible<br />

explosion <strong>de</strong> tout un quartier !), je le gar<strong>de</strong> alors pour la nuit dans un <strong>de</strong>s lits <strong>de</strong> l’Unité<br />

d’Hospitalisation <strong>de</strong> Courte Durée pour réévaluation le len<strong>de</strong>main avec le psychiatre et en<br />

attendant d’avoir peut-être plus d’informations sur ces « fuites » <strong>de</strong> gaz.<br />

Le psychiatre, tout aussi perplexe, le laisse rentrer le len<strong>de</strong>main avec un ren<strong>de</strong>z-vous pris pour<br />

un suivi.<br />

Comme il arrive malheureusement souvent aux urgences, je n’ai pas <strong>de</strong> nouvelles <strong>de</strong> ce jeune.<br />

Cette histoire éclaire la difficulté du premier point <strong>de</strong> la loi : il faut l’existence <strong>de</strong> troubles<br />

mentaux pour une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’HDT. Facile quand la personne tient <strong>de</strong>s propos délirants ou<br />

suicidaires, cela l’est beaucoup moins quand les faits sont rapportés par <strong>de</strong>s tiers dans un<br />

contexte où la stigmatisation <strong>de</strong> l’Autre dans toute son étrangeté est vite faite.<br />

2) Un geste déplacé<br />

Une femme <strong>de</strong> 38 ans est amenée aux urgences par son compagnon un soir <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> pour<br />

scarifications à l’ai<strong>de</strong> d’un couteau sur la face antérieure du poignet et à la base du cou. Cette<br />

femme, voyante <strong>de</strong> métier, est alcoolique et a, quinze jours auparavant fait une cure <strong>de</strong><br />

sevrage dans un service <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine. Elle explique tranquillement les raisons <strong>de</strong> son geste :<br />

elle voulait faire peur à son concubin pour qu’il accepte <strong>de</strong> payer enfin la moitié du loyer. Elle<br />

a un discours clair, logique dans son système <strong>de</strong> pensée. Elle ne voulait pas se faire du mal.<br />

Elle est malgré tout énervée par la situation, sentant bien qu’on ne va pas la laisser rentrer tout<br />

simplement. Elle sent l’alcool, dit qu’elle n’a bu qu’un verre <strong>de</strong> vin la veille et un ce jour-là.<br />

Mais…<br />

Son concubin nous dit qu’elle ment, qu’elle n’a tenu qu’une journée <strong>de</strong> sevrage à sa sortie<br />

d’hôpital.<br />

Manifestement elle manipule, veut nous lire les lignes <strong>de</strong> la main, jette un mauvais sort à<br />

l’infirmier. Mais il n’y a pas d’élément délirant dans son discours.<br />

Pour couronner le tout et nous faciliter la tâche, elle a ren<strong>de</strong>z-vous le len<strong>de</strong>main matin à 8<br />

heures au tribunal pour essayer <strong>de</strong> récupérer la gar<strong>de</strong> <strong>de</strong> ses enfants qu’elle a perdue au cours<br />

du divorce et suite à son alcoolisme. Elle veut bien évi<strong>de</strong>mment être absolument présente à ce<br />

ren<strong>de</strong>z-vous et me jure que l’histoire est close, qu’elle sera sage, qu’elle cachera ses plaies au<br />

tribunal par un foulard…<br />

12


Je sens que la décision à prendre est teintée par <strong>de</strong>s sentiments contraires. A la fois, si je<br />

l’hospitalise, je lui enlève toute chance <strong>de</strong> récupérer ses enfants, et d’autre part, ce serait<br />

plutôt normal que la justice ne lui accor<strong>de</strong> pas la gar<strong>de</strong>, surtout si elle savait ce qui c’était<br />

passé. Je prends un rôle qui ne m’appartient pas, celui <strong>de</strong> juge.<br />

Je ne veux pas lui faire confiance, la laisser rentrer et laisser la justice faire son travail. Le<br />

geste est irréfléchi, grave et dans ce contexte <strong>de</strong> veille d’un ren<strong>de</strong>z-vous aussi important, il me<br />

semble encore s’aggraver d’une irresponsabilité manifeste.<br />

Je prends la décision <strong>de</strong> l’hospitaliser sous contrainte, c’est le concubin qui ne paie pas le<br />

loyer qui signera la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>…<br />

Logiquement et dans sa détresse <strong>de</strong> mère qui sait très bien les conséquences <strong>de</strong> ma décision,<br />

l’agressivité monte et va nécessiter une sédation pour que nous puissions imposer notre<br />

décision.<br />

Cette histoire m’a beaucoup questionnée : j’ai eu l’impression <strong>de</strong> me substituer à la justice et<br />

d’autre part, je n’ai absolument pas reconnu d’autonomie à cette patiente.<br />

13


I Un peu d’histoire<br />

1) L’imaginaire<br />

DEUXIEME PARTIE<br />

Historique et cadre légal<br />

Dans l’imaginaire collectif, les hôpitaux psychiatriques ne jouissent pas d’une réputation<br />

encourageante. Une <strong>de</strong>s insultes usitées <strong>de</strong> l’école <strong>de</strong> mon enfance n’était pas d’envoyer<br />

l’autre au diable, mais à Prémontré. Tous les enfants connaissaient le nom <strong>de</strong> cet hôpital<br />

psychiatrique <strong>de</strong> l’Aisne, aucun ne connaissait l’existence <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong>s chanoines <strong>de</strong><br />

Prémontré !<br />

Le mot asile, utilisé en 1838 pour désigner ces hôpitaux, a complètement été abandonné, tant<br />

il était entaché d’images nuisibles. Et pourtant, asile veut dire « lieu où l’on peut trouver<br />

refuge, protection » (Le Petit Larousse). L’asile a été associé à ses habitants, les « fous »,<br />

personnage hagard, ou hurlant ou parlant dans le vent, à la crainte que représente la folie, à la<br />

peur d’un internement arbitraire, à l’obscurité portée sur les traitements tels l’électrothérapie<br />

ou l’hydrothérapie, à l’insalubrité.<br />

Être enfermé parce que l’autre désigne la folie et que rien ne peut venir défendre cette<br />

accusation. On a tous à l’esprit cette image <strong>de</strong> quelqu’un qui hurle « je ne suis pas fou » en se<br />

débattant comme s’il allait au bûcher et tout le mon<strong>de</strong> hoche la tête d’un air entendu. Et plus il<br />

se débat, et plus chacun est conforté dans son idée. Il y a <strong>de</strong> quoi <strong>de</strong>venir fou…<br />

Être enfermé parce qu’on ne correspond pas à la normalité, mais quelle normalité ? <strong>de</strong> quelle<br />

époque ? <strong>de</strong> quel pays ? sous quel régime politique ? dans quel milieu social ? dans quelle<br />

cellule familiale ?<br />

Tout cet imaginaire peut se comprendre par l’histoire <strong>de</strong> la folie, l’histoire <strong>de</strong> la psychiatrie,<br />

l’histoire <strong>de</strong>s asiles et nous verrons que cette peur est justifiée et qu’elle doit nous rester<br />

présente à l’esprit. Ce passé <strong>de</strong> la folie doit rester vivant dans nos consciences lorsque nous<br />

prenons la décision d’hospitaliser en psychiatrie sous contrainte. Il ne faut pas oublier que<br />

potentiellement « la mé<strong>de</strong>cine aliéniste flirte avec la religion, la morale, la police ; elle se fait<br />

gardienne <strong>de</strong> l’ordre » (La ron<strong>de</strong> <strong>de</strong>s folles, Yannick Ripa, p.11).<br />

Cet imaginaire porté par chacun nuit aussi à la prise en charge psychiatrique d’un patient qui<br />

ne veut pas être assimilé à cette folie-là.<br />

2) Avant 1838<br />

A la lecture <strong>de</strong> l’Histoire <strong>de</strong> la folie à l’âge classique <strong>de</strong> Michel Foucault et <strong>de</strong> La ron<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

folles <strong>de</strong> Yannick Ripa, on trouve une nette confusion sur ce que peut être la folie. Les<br />

mendiants, les simples d’esprit, les prostituées, les libertins, les vénériens, les opposants<br />

politiques, les épileptiques, les fous furieux, les déments, tous ceux qui gênent le bon<br />

fonctionnement <strong>de</strong> la société, tous ceux-là peuvent, sur simple <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, être enfermés,<br />

parfois à vie sans autre forme <strong>de</strong> procès. Il suffit d’une lettre <strong>de</strong> cachet, à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />

famille ou <strong>de</strong> toute autre personne pour que, sur décision royale, quelqu’un soit mis au ban <strong>de</strong><br />

la société.<br />

C’est le temps du « grand renfermement », où les objectifs <strong>de</strong> l’Hôpital général, créé en 1656<br />

à Paris, n’ont rien <strong>de</strong> médical, mais sont d’un ordre moral, social et économique.<br />

14


La confusion existait entre l’univers carcéral et l’hôpital. Les aliénés étaient dépouillés <strong>de</strong><br />

leurs vêtements pour revêtir un uniforme, leur chambre s’apparentait plus à une cellule et le<br />

manque <strong>de</strong> moyens donnait à ses enfermements une déshumanisation proche <strong>de</strong> l’animalité.<br />

« Je les ai vus nus, couverts <strong>de</strong> haillons, n’ayant que la paille pour se garantir <strong>de</strong> la froi<strong>de</strong><br />

humidité du pavé sur lequel ils sont étendus. Je les ai vus grossièrement nourris, privés d’air<br />

pour respirer, d’eau pour étancher leur soif, et <strong>de</strong>s choses les plus nécessaires à la vie. Je les ai<br />

vus livrés à <strong>de</strong> véritables geôliers, abandonnés à leur brutale surveillance. Je les ai vus dans<br />

<strong>de</strong>s réduits étroits, sales, infects, sans air, sans lumière, enfermés dans <strong>de</strong>s antres où l’on<br />

craindrait <strong>de</strong> renfermer <strong>de</strong>s bêtes féroces, que le luxe <strong>de</strong>s gouvernements entretient à grands<br />

frais dans les capitales. » Esquirol, Des établissements consacrés aux aliénés en France<br />

(1818) in Des maladies mentales, Paris, 1838, t.II, p.134.<br />

Les aliénés pouvaient subir <strong>de</strong>s soins proches <strong>de</strong> la torture. Traitement et punition sont<br />

souvent confondus. L’hydrothérapie en est un exemple marquant : les douches d’eau froi<strong>de</strong><br />

prolongées avec un jet <strong>de</strong> forte puissance <strong>de</strong>vaient ramener le « patient » à la raison et lui faire<br />

oublier ses délires. Mais l’isolement pur et simple, le gavage <strong>de</strong>s anorexiques, les contentions<br />

du type <strong>de</strong>s camisoles, les appareillages antimasturbatoires, les saignées, l’électrothérapie sont<br />

autant d’autres moyens utilisés alors pour intimi<strong>de</strong>r, réprimer, punir, terroriser, faire régner<br />

l’ordre et face auxquels la raison pouvait avoir bien du mal à résister.<br />

« A force <strong>de</strong> vivre dans ce mon<strong>de</strong> délirant, au milieu du triomphe <strong>de</strong> la déraison, comment ne<br />

pas rejoindre, par la fatalité <strong>de</strong>s lieux et <strong>de</strong>s choses, ceux-là mêmes qui en sont le vivant<br />

symbole ». Michel Foucault, Histoire <strong>de</strong> la folie à l’âge classique, p.499.<br />

3) Pinel et Esquirol<br />

Deux figures <strong>de</strong> la psychiatrie française ont contribué à <strong>de</strong> grands changements dans l’histoire<br />

<strong>de</strong> la folie : Philippe Pinel et Jean-Etienne Esquirol.<br />

Philippe Pinel (1745-1826) fut dénommé le « libérateur <strong>de</strong>s fous ». La même époque voit<br />

également la naissance <strong>de</strong> la Déclaration <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme et du citoyen <strong>de</strong> 1789 qui, à<br />

l’article 7 nous dit :<br />

« Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et<br />

selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font<br />

exécuter <strong>de</strong>s ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu<br />

<strong>de</strong> la Loi doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance »,<br />

et à l’article 10 :<br />

« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation<br />

ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi ».<br />

Pinel est à l’origine <strong>de</strong>s premières classifications <strong>de</strong>s maladies mentales, ce qui met <strong>de</strong> l’ordre<br />

dans la confusion régnant sur le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la folie, qui peu à peu se réduit à la maladie<br />

mentale. Le mé<strong>de</strong>cin, qui intervenait peu jusqu’alors dans le processus d’internement, <strong>de</strong>vient<br />

un personnage prépondérant et par-là même un relais entre la société et la maladie, usant <strong>de</strong><br />

son autorité pour désigner la folie. Sa tâche est autant juridique et morale que médicale.<br />

« L’âge positiviste, pendant plus d’un <strong>de</strong>mi-siècle, a témoigné sans répit <strong>de</strong> cette bruyante<br />

prétention à avoir le premier délivré le fou d’une confusion pitoyable avec les condamnés,<br />

d’avoir partagé l’innocence <strong>de</strong> la déraison et la culpabilité <strong>de</strong>s criminels ». Michel Foucault,<br />

Histoire <strong>de</strong> la folie à l’âge classique, p.495.<br />

15


Jean-Etienne Esquirol (1772-1840) fait suite à Pinel à la Salpêtrière. Il est à l’origine <strong>de</strong> la loi<br />

du 30 juin 1838 concernant les aliénés qui met fin aux décisions d’internements arbitraires par<br />

simple lettre <strong>de</strong> cachet et qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> la création <strong>de</strong>s asiles.<br />

4) 1838 : la loi Esquirol<br />

La Loi du 30 juin 1838 a été, à l’initiative <strong>de</strong> Jean-Etienne Esquirol, promulguée sous le règne<br />

du roi <strong>Louis</strong>-Philippe. Celle-ci exigea <strong>de</strong> chaque département la création d’un établissement<br />

psychiatrique. Ces établissements, publics ou privés étaient mis sous contrôle <strong>de</strong> l’autorité<br />

publique. Elle fut à l’origine <strong>de</strong> différentes modalités d’internement : le placement volontaire<br />

et le placement d’office, avec la nécessité d’un certificat médical. Un statut juridique pour les<br />

mala<strong>de</strong>s mentaux fut également mis en vigueur. Malgré les critiques fondées sur l’absence <strong>de</strong><br />

la reconnaissance <strong>de</strong> l’hospitalisation libre et sur la poursuite d’abus d’internements<br />

arbitraires, elle fut effective jusqu’en 1990 !<br />

On peut s’interroger sur la dénomination <strong>de</strong> volontaire pour le placement puisque <strong>de</strong> volonté,<br />

il ne s’agit que <strong>de</strong> celle du tiers qui en fait la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>.<br />

Dans le récit <strong>de</strong> Yannick Ripa qui traite <strong>de</strong> l’internement <strong>de</strong>s femmes au XIXème siècle, on<br />

comprend bien qu’il ne suffit pas d’une loi pour éviter tout abus. Les mentalités <strong>de</strong> l’époque et<br />

le regard porté sur la folie restent les grands responsables d’internements injustifiés, dont les<br />

femmes ont particulièrement souffert. Sous le prétexte <strong>de</strong> l’ordre établi, on enferme les<br />

femmes trop ambitieuses, les femmes aux activités politiques antinomiques à leur condition<br />

féminine, les femmes qui refusent le <strong>de</strong>voir conjugal, les femmes libertines, les femmes qui ne<br />

correspon<strong>de</strong>nt pas aux schémas féminins courus.<br />

« […] féminité, féminisme et activisme politique sont trois tares qui additionnées les font<br />

basculer dans l’anormalité et le déséquilibre mental. L’activité politique <strong>de</strong>s femmes est un<br />

acte contre nature. L’adage a acquis, au fil <strong>de</strong>s ans, tant <strong>de</strong> force qu’il n’est pas besoin d’isoler<br />

d’autres symptômes d’aliénation. » Yannick Ripa, La ron<strong>de</strong> <strong>de</strong>s folles, p.35.<br />

Les troubles invoqués pour le recours au placement sont <strong>de</strong> quatre types :<br />

- les troubles <strong>de</strong> la personnalité : indifférence, jalousie, peur, colère, vanité, ambition et<br />

susceptibilité.<br />

- les troubles du comportement : excentricité, excès divers, conduites suicidaires, vie <strong>de</strong><br />

débauche, rejet du travail et révolte.<br />

- les troubles <strong>de</strong>s idées : diminution <strong>de</strong> l’intelligence, hallucinations, exaltations diverses.<br />

- les troubles physiques : gâtisme, fièvre puerpérale, anorexie, aménorrhée et pertes blanches.<br />

« Où s’arrête l’originalité pour <strong>de</strong>venir excentricité, quand cesse-t-elle d’être un trait <strong>de</strong><br />

caractère pour se transformer en symptôme psychiatrique ? La réponse se trouve dans la<br />

définition <strong>de</strong> la normalité féminine fixée par l’homme et même pour l’homme. » Yannick<br />

Ripa, La ron<strong>de</strong> <strong>de</strong>s folles, p.43.<br />

On retrouve chez Michel Foucault les mêmes constatations : « On cherche les formes<br />

morbi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la folie ; on n’a guère trouvé que <strong>de</strong>s déformations <strong>de</strong> la vie morale. » Histoire <strong>de</strong><br />

la folie à l’âge classique, p.254.<br />

Laissons-là toute une société et ses psychiatres s’interroger sur la définition <strong>de</strong> la folie, sur la<br />

normalité, sur l’ordre et la moralité pendant encore un siècle et <strong>de</strong>mi pour aboutir à notre<br />

régime actuel…<br />

« L’homme, en tant que citoyen, est appelé à exercer dans son groupe le pouvoir,<br />

provisoirement absolu, <strong>de</strong> la police, c’est à lui d’accomplir ce geste obscur et souverain, par<br />

lequel une société désigne un individu comme indésirable ou étranger à l’unité qu’elle forme ;<br />

16


c’est lui qui a pour tâche <strong>de</strong> juger les limites <strong>de</strong> l’ordre et du désordre, <strong>de</strong> la liberté et du<br />

scandale, <strong>de</strong> la morale et <strong>de</strong> l’immoralité. C’est en lui maintenant, et dans sa conscience,<br />

qu’est déposé le pouvoir par lequel doit s’opérer immédiatement, et avant toute libération, le<br />

partage <strong>de</strong> la folie et <strong>de</strong> la raison. » Histoire <strong>de</strong> la folie à l’âge classique, Michel Foucault,<br />

p.555.<br />

II La législation actuelle française<br />

Les hospitalisations sans consentement en psychiatrie suivent la loi du 27 juin 1990, dite loi<br />

Evin n°90-527 relative aux droits et à la protection <strong>de</strong>s personnes hospitalisées en raison <strong>de</strong><br />

troubles mentaux (modifiée par la loi « Kouchner » du 4 mars 2002 relative aux droits <strong>de</strong>s<br />

mala<strong>de</strong>s et à la qualité du système <strong>de</strong> santé). Ces textes sont repris dans les articles L3212-1 et<br />

suivants et L3213-1 et suivants du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Santé Publique.<br />

Cette loi se veut plus respectueuse <strong>de</strong>s droits et libertés <strong>de</strong> l’homme que la loi Esquirol du 30<br />

juin 1838 qui était qualifiée <strong>de</strong> loi <strong>de</strong> police et qui ne reconnaissait pas l’existence <strong>de</strong><br />

l’hospitalisation libre.<br />

Le principe <strong>de</strong> la loi est d’écarter au maximum le risque d’internements arbitraires.<br />

Les hospitalisations en psychiatrie se font sous trois régimes :<br />

-l’hospitalisation libre sur laquelle nous ne nous attar<strong>de</strong>rons pas puisqu’elle est basée sur le<br />

consentement propre à toute hospitalisation<br />

-l’hospitalisation à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un tiers<br />

-l’hospitalisation d’office<br />

1) l’hospitalisation à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un tiers<br />

a) Les conditions :<br />

Trois conditions doivent être réunies pour mettre en place une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’hospitalisation à la<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un tiers :<br />

-présence <strong>de</strong> troubles mentaux<br />

-les troubles présentés ren<strong>de</strong>nt impossible le consentement du patient<br />

-son état impose <strong>de</strong>s soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu<br />

hospitalier.<br />

b) Les auteurs <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> :<br />

C’est un tiers qui fait la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’hospitalisation en psychiatrie, il peut être un membre <strong>de</strong> la<br />

famille ou toute personne susceptible d’agir dans l’intérêt du patient.<br />

La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> doit être formulée par écrit en notifiant les nom, prénom, profession, âge et<br />

domicile du tiers et nom, prénom, date <strong>de</strong> naissance et domicile <strong>de</strong> la personne à hospitaliser,<br />

ainsi que la nature <strong>de</strong>s relations entre les <strong>de</strong>ux parties.<br />

c) Les certificats médicaux :<br />

Deux certificats médicaux sont nécessaires à l’HDT, ceux-ci doivent être <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> quinze<br />

jours.<br />

17


Les <strong>de</strong>ux mé<strong>de</strong>cins ne doivent pas être parents ou alliés au 4 ème <strong>de</strong>gré ni entre eux, ni avec le<br />

directeur du centre <strong>de</strong> soins, ni avec le tiers, ni avec le patient.<br />

Le premier certificat ne peut pas être établi par un mé<strong>de</strong>cin exerçant dans le centre <strong>de</strong> soin<br />

d’accueil du patient.<br />

Ces certificats doivent comporter les nom, prénom du mé<strong>de</strong>cin. Ils doivent mentionner les<br />

symptômes présentés par le patient.<br />

Chaque mé<strong>de</strong>cin doit examiner et constater lui-même les troubles mentaux présentés après un<br />

entretien avec le patient.<br />

Les certificats sont adressés au directeur <strong>de</strong> l’établissement d’accueil et c’est lui qui prononce<br />

l’admission du patient.<br />

En cas <strong>de</strong> péril imminent, un seul certificat médical peut suffire.<br />

d) Les problèmes soulevés par cette première démarche :<br />

-la reconnaissance <strong>de</strong>s troubles mentaux<br />

-trouver le tiers<br />

-le recours abusif au certificat unique<br />

-la notion <strong>de</strong> péril imminent n’est pas définie par la législation et est laissée au libre arbitre du<br />

mé<strong>de</strong>cin<br />

-la confiance mutuelle entre les <strong>de</strong>ux mé<strong>de</strong>cins qui entraînerait une confirmation automatique<br />

<strong>de</strong>s conclusions du premier mé<strong>de</strong>cin sans entretien avec le mala<strong>de</strong><br />

e) Les différents contrôles :<br />

A l’admission : une vérification est faite par le directeur <strong>de</strong><br />

l’établissement <strong>de</strong> l’impossibilité du consentement, <strong>de</strong> la nécessité <strong>de</strong>s soins et <strong>de</strong> la<br />

surveillance constante en milieu hospitalier, <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> l’auteur <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, <strong>de</strong> la<br />

validité <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux certificats médicaux et <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s différents protagonistes.<br />

Après l’admission :<br />

Un certificat médical est à nouveau établi par un psychiatre <strong>de</strong> l’établissement après 24<br />

heures, au quinzième jour et une fois par mois.<br />

Tous ces certificats sont envoyés à la Commission Départementale <strong>de</strong>s Hospitalisations<br />

Psychiatriques (CDHP) sur laquelle nous reviendrons dans un prochain paragraphe, et au<br />

Préfet.<br />

Les i<strong>de</strong>ntités <strong>de</strong> la personne hospitalisée et du tiers sont communiquées au procureur <strong>de</strong> la<br />

République près le tribunal <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> instance dans le ressort duquel se trouve le domicile du<br />

patient et au procureur <strong>de</strong> la République près le tribunal <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> instance dans le ressort<br />

duquel est situé l’établissement.<br />

f) La fin <strong>de</strong> l’hospitalisation :<br />

Celle-ci peut être décidée<br />

-sur avis médical<br />

-sur ordre du Préfet : décision motivée par la disparition <strong>de</strong>s troubles ou l’absence <strong>de</strong>s<br />

certificats<br />

-à l’initiative d’un tiers qui peut être différent du tiers qui a fait la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> initiale :<br />

curateur, conjoint, ascendant, <strong>de</strong>scendant, personne signataire, personne désignée par le<br />

18


conseil <strong>de</strong> famille. Il faut signaler alors que si le mé<strong>de</strong>cin n’est pas d’accord, il peut alors<br />

faire la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’une hospitalisation d’office.<br />

-sur ordre du juge <strong>de</strong>s libertés et <strong>de</strong> la détention qui peut être saisi par les tiers ou par la<br />

personne hospitalisée.<br />

Toutes ces mesures montrent bien que la loi s’est évertuée à empêcher toute possibilité<br />

d’internements arbitraires. Bien trop <strong>de</strong> personnes sont impliquées dans la prise <strong>de</strong> décisions<br />

pour qu’un complot soit réalisable. D’autant plus qu’il existe un regard à la fois médical,<br />

administratif, judiciaire et familial porté sur ces décisions ainsi que la possibilité <strong>de</strong> la<br />

personne elle-même <strong>de</strong> recourir à la justice. Encore faudrait-il qu’elle soit bien consciente <strong>de</strong><br />

ses droits et que son état <strong>de</strong> faiblesse, voire <strong>de</strong> « folie » ne l’en empêche pas.<br />

2) l’hospitalisation d’office<br />

a) Les conditions :<br />

Les troubles mentaux présentés nécessitent <strong>de</strong>s soins et compromettent la sûreté <strong>de</strong>s<br />

personnes ou portent atteinte <strong>de</strong> façon grave à l’ordre public.<br />

La mention « <strong>de</strong> façon grave » a été rajoutée par la loi Kouchner <strong>de</strong> 2002 mais n’a pas été<br />

explicitée dans la loi.<br />

b) La décision :<br />

Elle est <strong>de</strong> la compétence du représentant <strong>de</strong> l’Etat dans les départements, du préfet <strong>de</strong> police<br />

à Paris au vu d’un certificat médical circonstancié. C’est un arrêté préfectoral. Des mesures<br />

provisoires peuvent être prises par les maires et par le commissaire <strong>de</strong> police à Paris.<br />

c) Les contrôles :<br />

Ils sont du même ordre que pour l’hospitalisation à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un tiers.<br />

d) La fin <strong>de</strong> l’hospitalisation :<br />

Elle peut survenir à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du préfet, du psychiatre et <strong>de</strong>s autorités judiciaires.<br />

3) Les Commissions Départementales <strong>de</strong>s Hospitalisations Psychiatriques :<br />

Ces commissions, les CDHP, ont été instituées par la loi du 27 juin 1990. Elles ont pour<br />

mission le contrôle a posteriori <strong>de</strong>s hospitalisations sans consentement. Le législateur a rejeté<br />

l’option du contrôle a priori. Le statut <strong>de</strong>s CDHP est i<strong>de</strong>ntifié aux articles L.3223-1 à L.3223-<br />

3 du Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> la santé publique.<br />

a) La composition <strong>de</strong>s CDHP<br />

- un psychiatre désigné par le Procureur général près la cour d’appel<br />

- un psychiatre désigné par le représentant <strong>de</strong> l’Etat<br />

- un magistrat désigné par le premier prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la cour d’appel<br />

- une personnalité qualifiée, membre d’une organisation représentative <strong>de</strong> familles <strong>de</strong><br />

personnes atteintes <strong>de</strong> troubles mentaux<br />

19


Depuis la loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s et à la qualité du<br />

système <strong>de</strong> santé, <strong>de</strong>ux nouvelles personnes ont été ajoutées à la composition <strong>de</strong>s CDHP. Il<br />

s’agit d’un généraliste et d’un représentant d’associations agréées d’usagers du système <strong>de</strong><br />

santé. Ces <strong>de</strong>ux membres supplémentaires sont désignés par le représentant <strong>de</strong> l’Etat dans le<br />

département.<br />

b) Les missions <strong>de</strong> contrôle <strong>de</strong>s CDHP<br />

Les CDHP sont chargées d’examiner la situation <strong>de</strong>s personnes hospitalisées en raison <strong>de</strong><br />

leurs troubles mentaux au regard du respect <strong>de</strong>s libertés individuelles et <strong>de</strong> la dignité <strong>de</strong>s<br />

personnes.<br />

Elles ont un rôle d’ai<strong>de</strong>, <strong>de</strong> recours et <strong>de</strong> contrôle <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong>s personnes.<br />

Les CDHP sont informées <strong>de</strong> toute HDT, <strong>de</strong> leur renouvellement et <strong>de</strong> leur levée.<br />

Elles doivent procé<strong>de</strong>r à une visite <strong>de</strong>s établissements <strong>de</strong>ux fois par an.<br />

Elles doivent écrire un rapport d’activité au représentant <strong>de</strong> l’Etat et au Procureur <strong>de</strong> la<br />

République.<br />

III Les recommandations européennes<br />

Convention européenne <strong>de</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Droits <strong>de</strong> l’Homme et <strong>de</strong>s Libertés<br />

Fondamentales (1950)<br />

« Article 5 : Droits à la liberté et à la sûreté<br />

Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé <strong>de</strong> sa liberté, sauf dans<br />

les cas suivants et selon les voies légales :<br />

e. s’il s’agit <strong>de</strong> la détention régulière d’une personne susceptible <strong>de</strong> propager une maladie<br />

contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond. »<br />

A l’initiative du Conseil <strong>de</strong> l’Europe, une réflexion a été engagée sur la protection <strong>de</strong>s droits<br />

<strong>de</strong> l’homme et la dignité <strong>de</strong>s personnes atteintes <strong>de</strong> troubles mentaux. Celle-ci s’est soldée en<br />

2004 par la rédaction d’une recommandation du Comité <strong>de</strong>s Ministres aux Etats Membres<br />

portant sur 38 articles en vue d’une harmonisation <strong>de</strong>s législations sur <strong>de</strong>s questions d’intérêt<br />

commun. Cette réflexion fait suite aux travaux du Comité européen pour la prévention <strong>de</strong> la<br />

torture et <strong>de</strong>s peines ou traitements inhumains ou dégradants ainsi qu’aux travaux du Comité<br />

directeur pour la bioéthique. L’objectif <strong>de</strong> cette recommandation est <strong>de</strong> favoriser une<br />

meilleure protection <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme et <strong>de</strong> la dignité <strong>de</strong>s personnes atteintes <strong>de</strong> troubles<br />

mentaux, en particulier <strong>de</strong> celles qui font l’objet d’un placement ou d’un traitement<br />

involontaire. Elle souligne la nécessité pour les professionnels <strong>de</strong> la santé mentale d’agir dans<br />

un cadre réglementaire, <strong>de</strong> réexaminer régulièrement leur pratique et <strong>de</strong> garantir, autant que<br />

possible, la mise en œuvre <strong>de</strong>s principes consacrés dans les lignes directrices.<br />

On gar<strong>de</strong> à l’esprit le spectre d’internements abusifs sous certains régimes totalitaires avec le<br />

prétexte fallacieux <strong>de</strong> maladies telle la « schizophrénie lente » non reconnue dans les<br />

classifications internationales, retirant à la personne tous droits, toute possibilité <strong>de</strong><br />

communication vers l’extérieur et lui faisant subir <strong>de</strong>s traitements la rendant inapte à se<br />

défendre.<br />

Le champ d’application <strong>de</strong> cette recommandation concerne les troubles mentaux définis<br />

conformément aux normes médicales internationalement reconnues (par exemple le chapitre<br />

V <strong>de</strong> la classification statistique internationale <strong>de</strong>s maladies et <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> santé<br />

20


connexes <strong>de</strong> l’Organisation Mondiale <strong>de</strong> la Santé : CIM-10). Il est à noter que dans une autre<br />

classification, celle-ci américaine, le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of mental<br />

disor<strong>de</strong>r), l’homosexualité a été retirée <strong>de</strong> la classification en 1973…<br />

L’article 2 est posé comme un principe fondateur <strong>de</strong> nos sociétés.<br />

« Article 2 : Le défaut d’adaptation aux valeurs morales, sociales, politiques ou autres d’une<br />

société ne <strong>de</strong>vrait pas être, en lui-même, considéré comme un trouble mental. »<br />

Il est rappelé à l’article 17 dans le chapitre III concernant le placement involontaire pour<br />

trouble mental dans <strong>de</strong>s établissements psychiatriques, et le traitement involontaire pour<br />

trouble mental, les critères qui doivent être réunis pour réaliser ce placement involontaire.<br />

« Article 17 : Critères pour le placement involontaire<br />

1. Sous réserve que les conditions suivantes sont réunies, une personne peut faire l’objet d’un<br />

placement involontaire :<br />

-la personne est atteinte d’un trouble mental<br />

-l’état <strong>de</strong> la personne présente un risque réel <strong>de</strong> dommage grave pour sa santé ou pour autrui<br />

-le placement a notamment un but thérapeutique<br />

-aucun autre moyen moins restrictif <strong>de</strong> fournir <strong>de</strong>s soins appropriés n’est disponible<br />

-l’avis <strong>de</strong> la personne considérée a été pris en considération<br />

2. La loi peut prévoir qu’exceptionnellement une personne peut faire l’objet d’un placement<br />

involontaire, en accord avec les dispositions du présent chapitre, durant la pério<strong>de</strong> minimale<br />

nécessaire pour déterminer si elle est atteinte d’un trouble mental représentant un risque réel<br />

<strong>de</strong> dommage grave pour sa santé ou pour autrui, si :<br />

-son comportement suggère fortement la présence d’un tel trouble<br />

-son état semble présenter un tel risque<br />

-il n’existe aucun moyen approprié moins restrictif <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r à l’évaluation <strong>de</strong> son état<br />

-l’avis <strong>de</strong> la personne concernée a été pris en considération »<br />

Dans l’exposé <strong>de</strong>s motifs attenant à la recommandation, <strong>de</strong>s précisions sont apportées pour<br />

éclairer cet article. Il me semble important <strong>de</strong> souligner le principe <strong>de</strong> restriction minimale,<br />

qui énonce que le recours à <strong>de</strong> telles mesures doit être limité le plus possible, en insistant sur<br />

les efforts faits pour permettre à une personne d’accepter le placement.<br />

L’existence d’un trouble mental ne sous-entend pas le fait qu’un placement involontaire soit<br />

approprié quelque soit le type <strong>de</strong> ce trouble, l’expérience montrant que les personnes abusant<br />

<strong>de</strong> l’alcool ou <strong>de</strong> drogue n’ont pas montré <strong>de</strong> réponse durable au placement ou au traitement<br />

involontaires.<br />

Le placement doit avoir un but thérapeutique. Il ne doit pas être motivé par <strong>de</strong>s considérations<br />

politiques, morales, économiques ou sociales, ni uniquement par <strong>de</strong>s fins <strong>de</strong> privation <strong>de</strong><br />

liberté. Si la privation <strong>de</strong> liberté est le but du placement, celui-ci ne doit pas se faire dans un<br />

établissement psychiatrique.<br />

« Article 20 : Procédures pour la prise <strong>de</strong> décision sur le placement et/ou le traitement<br />

involontaires<br />

Décision<br />

1. La décision <strong>de</strong> soumettre une personne à un placement involontaire <strong>de</strong>vrait être prise<br />

par un tribunal ou une autre instance compétente. Le tribunal ou l’autre instance<br />

compétente <strong>de</strong>vrait :<br />

21


– prendre en considération l’avis <strong>de</strong> la personne concernée<br />

– prendre sa décision selon les procédures prévues par la loi, sur la base du<br />

principe suivant lequel la personne <strong>de</strong>vrait être vue et consultée.<br />

3. Toute décision <strong>de</strong> soumettre une personne à un placement ou à un traitement<br />

involontaires <strong>de</strong>vrait être consignée par écrit et indiquer la pério<strong>de</strong> maximale au-<strong>de</strong>là<br />

<strong>de</strong> laquelle, conformément à la loi, elle doit être officiellement réexaminée. Cela<br />

s’entend sans préjudice <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> la personne aux réexamens et aux recours, en<br />

accord avec les dispositions <strong>de</strong> l’article 25.<br />

Procédures préalables à la décision<br />

4. Le placement ou le traitement involontaire, ou leur prolongation, ne <strong>de</strong>vraient être<br />

possibles que sur la base d’un examen par un mé<strong>de</strong>cin possédant les compétences et<br />

l’expérience requises, en accord avec <strong>de</strong>s normes professionnelles vali<strong>de</strong>s et fiables.<br />

5. Ce mé<strong>de</strong>cin ou l’instance compétente <strong>de</strong>vrait consulter les proches <strong>de</strong> la personne<br />

concernée, sauf si cette <strong>de</strong>rnière s’y oppose, si cela ne peut être réalisé pour <strong>de</strong>s<br />

raisons pratiques ou si, pour d’autres raisons, cela n’est pas approprié.<br />

6. Tout représentant <strong>de</strong> cette personne <strong>de</strong>vrait être informé et consulté. »<br />

La recommandation européenne requiert que la décision <strong>de</strong> placement soit prise par un<br />

tribunal ou une autre instance compétente, ceci pour que la décision soit prise <strong>de</strong> façon<br />

indépendante par rapport à la personne qui propose la mesure. Cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> européenne est<br />

encore soumise à la discussion, par crainte d’alourdir la procédure et également par crainte <strong>de</strong><br />

la plainte, car celle-ci serait potentiellement traitée par le tribunal qui a statué sur le<br />

placement.<br />

« Article 21 : Procédures pour la prise <strong>de</strong> décision sur le placement et/ou le traitement<br />

involontaires dans les situations d’urgence<br />

Les procédures prévues dans les situations d’urgence ne <strong>de</strong>vraient pas être utilisées dans le<br />

but <strong>de</strong> contourner <strong>de</strong>s dispositions énoncées à l’article 20.<br />

Dans le cadre d’une procédure d’urgence, le placement involontaire ne <strong>de</strong>vrait être effectué<br />

que pendant une courte pério<strong>de</strong>, sur la base d’une évaluation médicale appropriée à la mesure<br />

envisagée. »<br />

Cette courte pério<strong>de</strong> est effective en France, puisqu’il y a une réévaluation par le psychiatre à<br />

24 heures et que la disparition <strong>de</strong>s troubles entraîne l’arrêt du placement.<br />

La recommandation européenne précise également les qualifications nécessaires aux<br />

professionnels <strong>de</strong> la santé mentale, rappelle le droit à l’information <strong>de</strong>s patients, le droit <strong>de</strong><br />

communiquer avec le mon<strong>de</strong> extérieur, explicite les procédures pour les traitements<br />

involontaires, énonce le cadre <strong>de</strong> l’isolement et <strong>de</strong> la contention et impose un contrôle régulier<br />

<strong>de</strong>s établissements où ces placements et traitements involontaires ont lieu.<br />

22


TROISIEME PARTIE<br />

Dans l’acte <strong>de</strong> pratiquer une hospitalisation sous contrainte en psychiatrie, on met en jeu<br />

plusieurs concepts : celui <strong>de</strong> l’autonomie puisque celle-ci n’est plus reconnue au patient, celui<br />

du consentement puisque la décision médicale fait fi consciemment <strong>de</strong> ce consentement qui ne<br />

peut être recueilli, celui <strong>de</strong> la liberté puisque celle-ci est enlevée au patient. Nous abor<strong>de</strong>rons<br />

ces sujets en introduisant d’abord la relation mé<strong>de</strong>cin-mala<strong>de</strong> pour éclairer les principes qui<br />

l’animent. Nous traiterons pour finir <strong>de</strong> la difficile question du suici<strong>de</strong> et du « droit » au<br />

suici<strong>de</strong>.<br />

I La relation mé<strong>de</strong>cin-mala<strong>de</strong><br />

Parallèlement à l’évolution <strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine et <strong>de</strong> la société, la relation entre le mé<strong>de</strong>cin et son<br />

patient a considérablement changé au siècle <strong>de</strong>rnier. Sur l’échelle du temps, c’est finalement<br />

récemment que nous passons doucement d’une relation paternaliste à une reconnaissance <strong>de</strong><br />

l’autonomie du patient et à la prise en compte <strong>de</strong> son avis.<br />

Le discours à l’Académie <strong>de</strong>s sciences morales et politiques du Dr <strong>Louis</strong> Portes, ancien<br />

prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’Ordre <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins, cité par les trois auteurs Suzanne Rameix, Pierre Le Coz et<br />

Michela Marzano dans leurs ouvrages respectifs, nous montre bien le côté paternaliste <strong>de</strong><br />

cette relation, admis par tous en 1950 : « Tout patient est et doit être pour le mé<strong>de</strong>cin comme<br />

un enfant à apprivoiser, non certes à tromper – un enfant à consoler, non pas à abuser -, un<br />

enfant à sauver, ou simplement à guérir. » et encore « Face au patient, inerte et passif, le<br />

mé<strong>de</strong>cin n’a en aucune manière le sentiment d’avoir affaire à un être libre, à un égal, à un<br />

pair. »<br />

Le mé<strong>de</strong>cin, fort <strong>de</strong> son savoir peu partagé et fort <strong>de</strong> sa notoriété sociale, savait ce qui était<br />

bon pour l’autre. Le doute avoué avait peu <strong>de</strong> place dans cet échange basé sur le principe <strong>de</strong><br />

bienfaisance <strong>de</strong> la part du mé<strong>de</strong>cin et sur une confiance « aveugle et aveuglée » <strong>de</strong> la part du<br />

mala<strong>de</strong>. La responsabilité <strong>de</strong> la décision était entièrement dévolue au mé<strong>de</strong>cin.<br />

On retrouve dans le discours <strong>de</strong> certaines personnes âgées cette confiance totale avec, pour<br />

corollaire, une méconnaissance <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> certains <strong>de</strong> leurs traitements, voire une<br />

méconnaissance <strong>de</strong> ce qui leur a été enlevé lors d’opérations chirurgicales anciennes. Et ceci<br />

n’est pas à mettre sur le compte d’une mémoire défaillante, mais bien sur une attention sans<br />

failles accordée à leur mé<strong>de</strong>cin. A ce sujet, il faut d’ailleurs souligner le fait que, pour ces<br />

personnes âgées, habituées à ce que l’autre déci<strong>de</strong> et sait ce qui est bon pour elles, il est<br />

soudainement très déstructurant <strong>de</strong> les associer aux décisions : c’est un doute qui s’installe.<br />

Combien <strong>de</strong> fois ne nous répond-on pas : « c’est vous le mé<strong>de</strong>cin, faites ! ».<br />

Durant mes étu<strong>de</strong>s médicales, j’ai eu l’occasion <strong>de</strong> passer une année <strong>de</strong> mon externat en<br />

Allemagne en 1991-1992 . A l’époque, j’avais été frappée, dans les différents services où j’ai<br />

travaillé, par la présence <strong>de</strong>s formulaires <strong>de</strong> consentement à remplir par le patient pour tout<br />

examen complémentaire. Dans ces formulaires, outre la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> ce qui allait se passer,<br />

étaient également décrits tous les effets secondaires et les risques <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong> ces examens.<br />

A vous faire renoncer à ces examens <strong>de</strong>vant la crainte <strong>de</strong> voir se réaliser toutes les<br />

catastrophes prédites ! Il m’avait semblé que la relation entre patients et mé<strong>de</strong>cins étaient<br />

moins centrée sur le paternalisme et les patients étaient très en <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’explications,<br />

d’argumentations, <strong>de</strong> négociations sur leurs traitements et leur maladie, mettant plus<br />

facilement à mal leur mé<strong>de</strong>cin dans leurs incertitu<strong>de</strong>s, leurs imprécisions ou la justesse <strong>de</strong><br />

leurs paroles. Mais dans toute l’inexpérience manifeste <strong>de</strong> mon statut d’externe, il est difficile<br />

<strong>de</strong> tirer <strong>de</strong>s conclusions sur ces impressions. Seule la réalité <strong>de</strong> ces formulaires détaillés,<br />

23


inconnus <strong>de</strong> nos hôpitaux alors, rend compte <strong>de</strong> l’avancée <strong>de</strong> la relation qui pouvait se nouer<br />

Outre-Rhin entre le mé<strong>de</strong>cin et son patient.<br />

La relation actuelle entre le mé<strong>de</strong>cin et le mala<strong>de</strong> analysée par Pierre Le Coz dans le Petit<br />

traité <strong>de</strong> la décision médicale s’appuie sur les trois principes éthiques : le principe<br />

d’autonomie, le principe <strong>de</strong> bienfaisance et le principe <strong>de</strong> non-malfaisance.<br />

« - Le principe d’autonomie est la norme qui dicte le <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> valoriser la capacité du patient<br />

(considéré alors comme un agent) <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r par lui-même et pour lui-même, ce qui suppose<br />

qu’il soit informé en connaissance <strong>de</strong> cause (il n’est <strong>de</strong> consentement libre qu’éclairé) et qu’il<br />

ne subisse pas <strong>de</strong> coercition, <strong>de</strong> quelque nature qu’elle soit.<br />

- Le principe <strong>de</strong> bienfaisance est la norme qui enjoint d’accomplir en faveur du patient un<br />

bien, ce qui implique, sur le plan thérapeutique, <strong>de</strong> réfléchir sur les bénéfices possibles, en<br />

terme <strong>de</strong> qualité <strong>de</strong> vie, que la mé<strong>de</strong>cine est susceptible <strong>de</strong> lui apporter.<br />

- Le principe <strong>de</strong> non-malfaisance est la norme qui dicte au mé<strong>de</strong>cin le <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> ne pas<br />

exposer le mala<strong>de</strong> au risque <strong>de</strong> subir un mal qui ne serait pas la contrepartie du rétablissement<br />

<strong>de</strong> sa santé. Il a pour lointaine origine le primum non nocere hippocratique. » (Petit traité <strong>de</strong><br />

la décision médicale, Pierre Le Coz, p.57).<br />

Ces trois principes se conjuguent selon le contexte. Il est possible que, dans certaine situation,<br />

l’un <strong>de</strong> ses piliers <strong>de</strong>vienne prépondérant, voire même efface complètement l’un d’entre eux.<br />

Dans notre cas d’une hospitalisation sous contrainte en psychiatrie, le patient ne pouvant être<br />

considéré comme ayant la pleine aptitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> son autonomie, les principes <strong>de</strong> bienfaisance et<br />

<strong>de</strong> non-malfaisance prévalent. Il s’agit alors <strong>de</strong> peser sa décision pour que l’hospitalisation ne<br />

soit pas source d’une stigmatisation, d’un jugement qui serait plus délétère pour le patient en<br />

l’enfermant dans un sentiment d’échec, <strong>de</strong> dévalorisation, <strong>de</strong> révolte contre les soignants et<br />

contre le tiers qui a signé la procédure et en renforçant peut-être alors sa pathologie<br />

psychiatrique. Il faudrait pouvoir prendre le temps <strong>de</strong> le convaincre <strong>de</strong> la nécessité <strong>de</strong> la prise<br />

en charge psychiatrique et <strong>de</strong> l’amener doucement à participer activement à cette prise en<br />

charge. La frontière entre bienfaisance et paternalisme est bien fine dans ces cas !<br />

« Être bienfaisant envers le mala<strong>de</strong> revient donc à respecter sa représentation personnelle <strong>de</strong><br />

ce qui est préférable pour lui. Si le mé<strong>de</strong>cin cédait à la tentation <strong>de</strong> lui imposer sa vision du<br />

bien, son attitu<strong>de</strong> ne serait plus bienfaisante mais paternaliste. » (Petit traité <strong>de</strong> la décision<br />

médicale, Pierre Le Coz, p.59).<br />

Chemin difficile que celui qui se fraie entre le paternalisme qui serait l’absolutisation du<br />

principe <strong>de</strong> bienfaisance et déresponsabilisation du mé<strong>de</strong>cin qui serait l’absolutisation du<br />

principe d’autonomie.<br />

Suzanne Rameix, dans les Fon<strong>de</strong>ments philosophiques <strong>de</strong> l’éthique médicale, analyse la<br />

relation mé<strong>de</strong>cin-patient entre autonomie et paternalisme. Considérant l’évi<strong>de</strong>nce première du<br />

principe <strong>de</strong> bienfaisance et du paternalisme, elle met en lumière la fragilité du mala<strong>de</strong>, sa<br />

vulnérabilité. « Le mala<strong>de</strong> affaibli dans sa raison, d’une part, dans sa volonté, d’autre part, ne<br />

peut prendre une décision ni éclairée ni libre. Il y a donc une obligation morale fondée sur la<br />

protection du faible à se substituer à lui pour faire son bien. » (Fon<strong>de</strong>ments philosophiques <strong>de</strong><br />

l’éthique médicale, Suzanne Rameix, p.91).<br />

Elle explique pourquoi ce modèle n’est plus d’actualité, à la fois pour <strong>de</strong>s raisons liées à la<br />

mé<strong>de</strong>cine : cette science s’étant considérablement élargie, la quantité d’informations à<br />

délivrer <strong>de</strong>vient problématique (« une mé<strong>de</strong>cine moins savante avait moins à dire »), et la<br />

diversité <strong>de</strong>s thérapeutiques proposables <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, <strong>de</strong> plus, d’y confronter le patient.<br />

24


Il n’est plus d’actualité également pour <strong>de</strong>s raisons d’évolution <strong>de</strong> société : « la<br />

démocratisation <strong>de</strong> l’enseignement, l’accroissement <strong>de</strong>s connaissances et <strong>de</strong> l’autonomie <strong>de</strong>s<br />

citoyens, le développement <strong>de</strong> l’information médicale mettent en question le paternalisme et<br />

appellent une relation moins dissymétrique ». Elle souligne enfin que « le pluralisme <strong>de</strong>s<br />

conceptions politiques, philosophiques et religieuses » rend la notion du bien plus floue.<br />

On retrouve chez Suzanne Rameix dans les Fon<strong>de</strong>ments philosophiques <strong>de</strong> l’éthique médicale<br />

et chez Michela Marzano dans Je consens, donc je suis… la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux modèles <strong>de</strong><br />

relation mé<strong>de</strong>cin-mala<strong>de</strong>, celui français éclairé par Rousseau et Kant et celui anglo-saxon basé<br />

sur les théories <strong>de</strong> John Stuart Mill. Ces <strong>de</strong>ux modèles se distinguent par <strong>de</strong>s conceptions<br />

différentes <strong>de</strong> l’autonomie.<br />

II Le concept d’autonomie<br />

Comme nous l’avons vu, la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> consentement aux soins et éventuellement<br />

l’acceptation d’un refus reposent sur le principe du respect <strong>de</strong> l’autonomie du patient. Mais<br />

qu’est-ce qu’être autonome ? Peut-on se déclarer autonome et vouloir se détruire, ne pas se<br />

soigner, voire en finir avec la vie ? Reconnaître l’autonomie <strong>de</strong> l’autre, est-ce se<br />

déresponsabiliser et justifier <strong>de</strong> sa non ingérence dans la vie <strong>de</strong> l’autre. De quel droit peut-on<br />

déci<strong>de</strong>r que la personne en face <strong>de</strong> soi n’est pas ou plus autonome ? Est-on vraiment<br />

autonome ?<br />

C’est bien sûr avec cette notion d’autonomie que nous jouons quand nous prenons la décision<br />

d’hospitaliser un patient en psychiatrie contre sa volonté. Quand il s’agit d’une pathologie<br />

psychiatrique bien définie dans les classifications telle une bouffée délirante aiguë, une phase<br />

maniaque d’une psychose maniaco-dépressive, une mélancolie, nous nous confortons dans<br />

notre savoir médical pour admettre avec évi<strong>de</strong>nce l’inexistence <strong>de</strong> l’autonomie <strong>de</strong> la personne.<br />

De la même façon, il peut être évi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> prendre les décisions à la place d’un patient atteint<br />

d’une démence <strong>de</strong> type Alzheimer.<br />

Mais cela me semble beaucoup plus délicat <strong>de</strong> définir l’autonomie <strong>de</strong> l’autre <strong>de</strong>vant un patient<br />

suicidaire ou <strong>de</strong>vant un patient qui se détruit par l’alcool ou par l’abus d’autres toxiques. Nous<br />

reviendrons sur le suici<strong>de</strong> dans un prochain paragraphe.<br />

Revenons donc sur le concept d’autonomie traité par les philosophes.<br />

Suzanne Rameix et Michela Marzano distinguent <strong>de</strong>ux conceptions différentes <strong>de</strong><br />

l’autonomie : l’une dans la philosophie continentale et française où ce concept découle <strong>de</strong>s<br />

écrits <strong>de</strong> Rousseau sur le plan politique dans le Contrat social <strong>de</strong> 1762 et <strong>de</strong> Kant sur le plan<br />

moral dans les Fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> la métaphysique <strong>de</strong>s mœurs <strong>de</strong> 1785 et l’autre dans la<br />

philosophie anglo-saxonne imprégnée par la pensée <strong>de</strong> John Stuart Mill.<br />

Dans la première, « l’autonomie est la faculté <strong>de</strong> se donner à soi-même la loi <strong>de</strong> son action,<br />

sans la recevoir d’un autre » (Fon<strong>de</strong>ments philosophiques <strong>de</strong> l’éthique médicale, Suzanne<br />

Rameix, p.94). L’origine <strong>de</strong> la norme morale se situe dans l’homme lui-même et ces auteurs,<br />

Rousseau et Kant, soulignent le caractère universalisable <strong>de</strong> cette norme. On ne peut pas<br />

vouloir quelque chose qui ne pourrait pas être applicable à autrui ce qui implique la<br />

production <strong>de</strong> lois. « Etre autonome c’est être moral, et être moral c’est poser et vouloir<br />

l’universalisable » (ibid).<br />

Ceci pose le problème évi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> ceux qui ne veulent pas quelque chose d’universalisable :<br />

celui qui se drogue, celui qui refuse la transfusion, celui qui refuse <strong>de</strong> se nourrir. « On le<br />

forcera à être libre » dit alors Rousseau dans le Contrat social !<br />

25


Dans la pensée anglo-saxonne, l’autonomie est plutôt le reflet d’une liberté individuelle. Il n’y<br />

a pas une unique vision du bien commun, mais une multiplicité <strong>de</strong> libertés individuelles.<br />

Chaque individu déci<strong>de</strong> pour lui-même sa propre conception du bien.<br />

Ces différences <strong>de</strong> conception seraient à l’origine du fait que la France se soit dotée <strong>de</strong> lois<br />

bioéthiques par la voie législative alors que les Nord-Américains règlent ces problèmes par la<br />

voie jurispru<strong>de</strong>ntielle.<br />

Michela Marzano dans Je consens, donc je suis... apporte quelques nuances dans la pensée <strong>de</strong><br />

John Stuart Mill. Cette « indépendance absolue » dont il parle dans De la liberté, est atténuée<br />

par l’affirmation que « ceux qui sont encore dépendants <strong>de</strong>s soins d’autrui doivent être<br />

protégés contre leurs propres actions, aussi bien que contre les risques extérieurs ». Elle<br />

montre que Mill a une conception optimiste <strong>de</strong> l’être humain selon laquelle on peut toujours<br />

convaincre quelqu’un <strong>de</strong>s conséquences préjudiciables <strong>de</strong> ses actes. Enfin elle n’oppose pas<br />

fondamentalement les <strong>de</strong>ux philosophes, Kant et Mill, en affirmant que, pour tous les <strong>de</strong>ux,<br />

l’autonomie renvoie à un projet <strong>de</strong> vie et à une affirmation <strong>de</strong> sa propre humanité.<br />

III Le consentement<br />

La Loi 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s et à la qualité du système <strong>de</strong><br />

santé représente une reconnaissance juridique, en France, <strong>de</strong> la nécessité du consentement<br />

préalable, libre, éclairé et révocable <strong>de</strong>s patients aux actes médicaux dans son article 6. Les<br />

caractéristiques <strong>de</strong> cette loi sont reprises dans la charte <strong>de</strong> la personne hospitalisée qui doit<br />

être portée à la connaissance <strong>de</strong> tout un chacun.<br />

Article 1 <strong>de</strong> cette charte : «Toute personne est libre <strong>de</strong> choisir l’établissement <strong>de</strong> santé qui la<br />

prendra en charge ».<br />

Ce premier article ne vaut pas pour les patients hospitalisés en psychiatrie, puisque les<br />

hôpitaux psychiatriques sont sectorisés et qu’un patient n’a pas le choix <strong>de</strong> son<br />

établissement…<br />

Article 4 : « Un acte médical ne peut être pratiqué qu’avec le consentement libre et éclairé du<br />

patient ».<br />

Sauf quand le mé<strong>de</strong>cin considère que, malgré la non obtention du consentement, le patient<br />

doit être hospitalisé en raison <strong>de</strong> troubles mentaux…<br />

Article 7 : « La personne hospitalisée peut, à tout moment, quitter l’établissement ».<br />

Sauf pour les personnes ayant nécessité, en raison <strong>de</strong> troubles mentaux, une hospitalisation à<br />

la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un tiers ou une hospitalisation d’office…<br />

La loi met en avant le principe du consentement, mais ne l’explicite pas. Un patient en état <strong>de</strong><br />

vulnérabilité peut-il prendre <strong>de</strong>s décisions concernant sa santé ? Le consentement est-il<br />

l’expression <strong>de</strong> l’autonomie personnelle ? Le patient est-il vraiment libre <strong>de</strong> consentir ? Le<br />

patient peut-il être éclairé <strong>de</strong> telle sorte qu’il ait en mains tous les éléments qui lui permettent<br />

<strong>de</strong> prendre une décision ? Comment s’assurer que le « je » qui consent est en état d’énoncer<br />

clairement sa volonté et <strong>de</strong> manifester ainsi son autonomie ?<br />

« Consentir, c’est toujours un moyen pour l’individu <strong>de</strong> manifester son opinion, son point <strong>de</strong><br />

vue et ses préférences ; c’est pouvoir empêcher que quelqu’un d’autre déci<strong>de</strong> à notre place ou<br />

nous impose une décision nous concernant. Au point que ne pas prendre en compte le<br />

consentement <strong>de</strong> quelqu’un, ou ne pas le respecter, signifierait exercer sur cet individu une<br />

violence d’ordre physique ou symbolique ». Michela Marzano, Je consens, donc je suis…,<br />

p.5.<br />

26


Dans la prise <strong>de</strong> décision d’une hospitalisation en psychiatrie sans consentement, il faut<br />

gar<strong>de</strong>r à l’esprit tous ces questionnements qui permettent peut-être d’orienter l’entretien et <strong>de</strong><br />

laisser une porte entrouverte au patient afin qu’il ne se sente pas complètement dépossédé <strong>de</strong><br />

son pouvoir <strong>de</strong> consentement.<br />

IV Le suici<strong>de</strong><br />

« Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suici<strong>de</strong>. Juger que la vie<br />

vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale <strong>de</strong> la<br />

philosophie. Le reste, si le mon<strong>de</strong> a trois dimensions, si l’esprit a neuf ou douze catégories,<br />

vient ensuite. Ce sont <strong>de</strong>s jeux ; il faut d’abord répondre. » Albert Camus, Le mythe <strong>de</strong><br />

Sisyphe.<br />

De nombreux patients arrivent aux urgences après avoir ingurgité une quantité déraisonnable<br />

<strong>de</strong> médicaments.<br />

Sur l’année 2007, nous avons pris en charge, aux urgences <strong>de</strong> Sélestat, 168 personnes pour<br />

intoxication médicamenteuse volontaire. Sur ces 168 personnes, 60 ont accepté<br />

l’hospitalisation en psychiatrie, et 12 ont été hospitalisées à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un tiers. Les<br />

hospitalisations libres en psychiatrie représentent donc 35.71% <strong>de</strong>s admissions aux urgences<br />

pour intoxication médicamenteuse volontaire, les hospitalisations à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un tiers<br />

7.14%. Les 96 autres patients sont rentrés à domicile avec la proposition d’un suivi<br />

psychiatrique en ambulatoire (57.14% <strong>de</strong>s admissions pour intoxication médicamenteuse<br />

volontaire).<br />

Tous ces patients ne font pas ce geste à visée suicidaire. Certains veulent simplement<br />

s’étourdir, dormir, oublier. D’autres le font dans un geste <strong>de</strong> colère, <strong>de</strong> menace, <strong>de</strong><br />

provocation, <strong>de</strong> chantage affectif, comme ce jeune patient trentenaire qui venait <strong>de</strong><br />

commencer un traitement anticoagulant pour une phlébite et qui, suite à une contrariété <strong>de</strong> sa<br />

femme, a pris la boîte entière –une colère <strong>de</strong> petit garçon !<br />

Les intoxications médicamenteuses que nous surveillons dans l’unité d’hospitalisation <strong>de</strong><br />

courte durée ne sont pas dangereuses par essence. Les patients ayant pris <strong>de</strong>s substances plus<br />

toxiques sont pris en charge en réanimation. Il y a donc <strong>de</strong> toute évi<strong>de</strong>nce un biais <strong>de</strong><br />

recrutement. Les réels désirs <strong>de</strong> mourir sont finalement plutôt rares ou alors peu crédibles.<br />

Même en lisant quatre lettres d’adieux, à sa femme, à ses enfants, à ses parents et aux<br />

sauveteurs, j’ai <strong>de</strong> la peine à croire au désir <strong>de</strong> mourir du patient quand il a pris une boîte <strong>de</strong><br />

benzodiazépines.<br />

Il me semble qu’une personne autonome, en pleine possession <strong>de</strong> ses capacités <strong>de</strong> réflexion,<br />

luci<strong>de</strong> quant à son désir <strong>de</strong> vivre ou <strong>de</strong> mourir, ayant élaboré une pensée honnête, construite<br />

sur son projet <strong>de</strong> suici<strong>de</strong> n’arrive pas aux urgences après avoir avalé une boîte <strong>de</strong><br />

benzodiazépines. Elle n’arrive tout simplement pas, parce qu’elle a trouvé un moyen <strong>de</strong><br />

« réussir » son suici<strong>de</strong>.<br />

Ricardo Paseyro en parlant du suici<strong>de</strong> <strong>de</strong> Guy Debord, écrivain et fondateur <strong>de</strong><br />

l’internationale situationniste nous dit dans le Figaro en 1995 : « Prévu <strong>de</strong> longue main, son<br />

suici<strong>de</strong> ne recèle nul secret : Debord refusa à la maladie le droit <strong>de</strong> lui ravir son indépendance.<br />

Il n’était pas un homme mystérieux : il était un être rare, impossible à dompter, contraindre ou<br />

manipuler. Il n’aliénait sa liberté à personne –ni à la vie qu’il aimait, ni à la mort, qu’il<br />

domina. »<br />

27


Selon mon expérience, tous ces patients se présentant pour une intoxication médicamenteuse<br />

volontaire se trouvent dans un état <strong>de</strong> souffrance qui entrave leur sentiment d’autonomie. Ils<br />

sont dans un climat <strong>de</strong> détresse telle qui nous interdit <strong>de</strong> les abor<strong>de</strong>r comme pure conscience<br />

libre. Il me paraît justifié <strong>de</strong> leur tracer un chemin sans tenir compte <strong>de</strong> leur prétendue<br />

indépendance, même si ce chemin passe par une hospitalisation sous contrainte.<br />

Un jeune patient, pourtant bien décidé à en finir, tenait un discours clair sur sa vie, sur sa<br />

dépression interminable, sur ce qu’il faisait subir à sa femme et à ses enfants, sur son<br />

épuisement et sa souffrance insupportable et s’insurgeait <strong>de</strong> ne pas avoir réussi à mourir après<br />

avoir pris dix comprimés <strong>de</strong> lysanxia ! Comment prendre au sérieux son désir <strong>de</strong> mourir ?<br />

C’est sa souffrance morale qu’il exprime et qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à être entendue, soulagée. Pierre Le<br />

Coz nous dit dans le Petit traité <strong>de</strong> la décision médicale, p.71 : « Or, comment un homme<br />

peut-il être libre <strong>de</strong> vouloir mourir si sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> est formulée sous l’influence d’une<br />

souffrance persistante qui pourrait être apaisée ? »<br />

Un autre patient, peu <strong>de</strong> temps après la mort <strong>de</strong> sa femme, s’était présenté aux urgences pour<br />

une intoxication médicamenteuse volontaire. Le len<strong>de</strong>main, il était encore fermement décidé à<br />

recommencer son geste. Dans ses antécé<strong>de</strong>nts, il avait 25 ans auparavant procédé à une<br />

défenestration du neuvième étage dont il avait miraculeusement réchappé. En lui expliquant<br />

que nous serons dans l’obligation <strong>de</strong> l’hospitaliser en psychiatrie, celui-ci s’est révolté :<br />

« Mais vous n’avez pas le droit ? ». Mais avons-nous le droit <strong>de</strong> laisser partir un patient qui<br />

nous exprime clairement son désir <strong>de</strong> mort ? On peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si, dans ce cas-là,<br />

l’hospitalisation sans consentement en psychiatrie n’est pas, pour nous mé<strong>de</strong>cins, une<br />

démarche médico-légale. Que se passerait-il si un patient se suicidait peu <strong>de</strong> temps après son<br />

passage aux urgences pour tentative <strong>de</strong> suici<strong>de</strong> ?<br />

Le suici<strong>de</strong> a été dépénalisé en France en 1810. Il pouvait être ironiquement passible <strong>de</strong> la<br />

peine <strong>de</strong> mort. Il est permis dans le sens où la loi ne le réprime pas.<br />

« On ne condamne plus ceux qui ont cherché à se suici<strong>de</strong>r, on les enferme, et on leur impose<br />

un régime qui est à la fois une punition et un moyen <strong>de</strong> prévenir toute nouvelle tentative.<br />

C’est à eux qu’on a appliqué, pour la première fois au XVIIIème siècle, les fameux appareils<br />

<strong>de</strong> contrainte, que l’âge positiviste utilisera comme thérapeutique : la cage en osier, avec un<br />

couvercle échancré en haut pour la tête, et dans laquelle les mains sont liées, ou l’armoire qui<br />

enferme le sujet <strong>de</strong>bout, jusqu’à la hauteur du cou, laissant seulement la tête libre ». (Michel<br />

Foucault, Histoire <strong>de</strong> la folie à l’âge classique, p130).<br />

Selon le courant philosophique, le suici<strong>de</strong> est perçu <strong>de</strong> manière très différente. Il peut être<br />

considéré comme un acte <strong>de</strong> liberté ou comme une marque <strong>de</strong> faiblesse. Pour Kant, il existe<br />

un <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> conserver sa vie et un interdit moral du suici<strong>de</strong>. Un être autonome ne peut pas<br />

vouloir ce qui n’est pas universalisable. Le geste du suici<strong>de</strong> est celui qui contredit le plus<br />

profondément la liberté, puisqu’il en abolit définitivement l’usage :<br />

« Un argument apparemment rigoureux prétend d’abord que le suici<strong>de</strong> doit être permis et<br />

toléré. Les défenseurs <strong>de</strong> cette position soutiennent que l’homme, aussi longtemps qu’il ne<br />

viole pas le droit d’autrui sur les biens <strong>de</strong> cette terre, est libre <strong>de</strong> ces actes. [ …] Celui qui<br />

s’enlève la vie ne conserve cependant pas sa personne mais en dispose intégralement ; il ne<br />

fait donc pas que disposer <strong>de</strong> son état. Par son acte, il se vole à lui-même sa propre<br />

personne. » Kant, Leçons d’éthique, Le livre <strong>de</strong> poche, 1997, p.269-270.<br />

Nietzsche s’est également beaucoup penché sur la question du suici<strong>de</strong>. Il développe l’idée <strong>de</strong><br />

la liberté du choix <strong>de</strong> sa mort dans la plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> toute sa conscience. Dans Humain trop<br />

humain, Nietzsche se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : « Pourquoi y aurait-il plus <strong>de</strong> gloire pour un homme <strong>de</strong>venu<br />

vieux, qui pressent la déchéance <strong>de</strong> ses forces, à atteindre son lent épuisement et la<br />

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dissolution, qu’à fixer un terme en pleine conscience ? Le suici<strong>de</strong> est dans ce cas une action<br />

toute évi<strong>de</strong>nte et toute naturelle, qui, étant une victoire <strong>de</strong> la raison, <strong>de</strong>vrait en équité exciter le<br />

respect ; et le fait est qu’elle l’excitait, aux temps où les chefs <strong>de</strong> la philosophie grecque et les<br />

patriotes romains les plus courageux avaient coutume <strong>de</strong> mourir par suici<strong>de</strong>. Au contraire, la<br />

soif <strong>de</strong> se prolonger <strong>de</strong> jour en jour par la consultation inquiète <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins et le régime <strong>de</strong><br />

vie le plus pénible, sans la force <strong>de</strong> se rapprocher du terme propre <strong>de</strong> la vie, est beaucoup<br />

moins respectable. »<br />

Les partisans du mouvement antipsychiatrique se basent sur <strong>de</strong>s affirmations <strong>de</strong> Nietzsche<br />

dans Humain trop humain telles que « Il y a un droit en vertu duquel nous pouvons ôter la vie<br />

à un homme, mais aucun qui permette <strong>de</strong> lui ôter la mort » pour défendre l’idée du droit légal<br />

au suici<strong>de</strong>. Dans leurs défenses véhémentes pour ce droit, ils font un amalgame entre<br />

l’hospitalisation sous contrainte en psychiatrie et l’incarcération. Ils mettent en doute la liberté<br />

d’expression puisque, dès que quelqu’un affirme son désir <strong>de</strong> mort, il est hospitalisé contre<br />

son gré. Ce serait donc un emprisonnement pour délit d’opinion. Ils encensent la liberté<br />

individuelle comme inaliénable et l’autopropriété comme valeur inhérente à l’individu. Enfin,<br />

ils réfutent la croyance dans la maladie mentale en démontrant que cette croyance se base sur<br />

un refus <strong>de</strong> la différence <strong>de</strong> l’autre et sur un jugement <strong>de</strong> valeur. Ils réclament le respect <strong>de</strong><br />

l’autonomie <strong>de</strong> l’autre si sa conduite ne nuit pas à autrui.<br />

Le débat du droit au suici<strong>de</strong> rejoint celui <strong>de</strong> l’euthanasie, car qui pourra dire qu’une<br />

souffrance physique est plus insupportable qu’une souffrance morale, celle-ci se rajoutant<br />

d’ailleurs bien souvent à la première et <strong>de</strong>venant par là même la raison du désir <strong>de</strong> mort ?<br />

Comment pourrons-nous justifier une hospitalisation sous contrainte en psychiatrie pour<br />

motifs suicidaires si par ailleurs le trouble véhiculé par les médias sur les différents termes<br />

utilisés persiste ?<br />

Malgré tous ces débats, il me semble que les patients que nous recevons nous signifient un<br />

appel à l’ai<strong>de</strong>, sinon ils auraient trouvé un moyen plus radical d’en finir. Il s’agit alors surtout<br />

<strong>de</strong> trouver les mots justes pour les amener à accepter une hospitalisation, premier pas dans la<br />

prise <strong>de</strong> conscience que tout n’est pas joué et qu’ils sont acteurs <strong>de</strong> leur propre vie. Et peutêtre<br />

le temps serait pour nous un grand allié…<br />

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CONCLUSION<br />

La rencontre entre le mé<strong>de</strong>cin et le patient est une rencontre entre <strong>de</strong>ux consciences, <strong>de</strong>ux<br />

perceptions différentes, <strong>de</strong>ux imaginaires, <strong>de</strong>ux savoirs qui visent un même objectif : le bienêtre<br />

du patient. C’est avec la connaissance <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s que va se jouer<br />

la prise <strong>de</strong> décision pour une thérapeutique adaptée et juste, autour d’un pivot central : le<br />

consentement. Progressivement, celui-ci est <strong>de</strong>venu une donnée incontournable dans le<br />

dialogue entre le mé<strong>de</strong>cin et le mala<strong>de</strong>. Il nous incite à réfléchir sur notre manière d’expliquer<br />

la pathologie, <strong>de</strong> clarifier la thérapeutique, <strong>de</strong> faire participer la personne soignée à nos<br />

décisions. Ce consentement reste paradoxalement un principe crucial <strong>de</strong> l’hospitalisation en<br />

psychiatrie sous contrainte. Dans la rencontre avec le patient aux prises avec son trouble<br />

mental, avec sa souffrance morale, il faut pouvoir lui restituer la possibilité <strong>de</strong> donner un<br />

consentement, lui faire entrevoir une ouverture où il pourra prendre conscience <strong>de</strong> son<br />

autonomie, même si momentanément un autre va <strong>de</strong>voir déci<strong>de</strong>r à sa place. Dans l’urgence, le<br />

temps <strong>de</strong>vient alors une valeur à rechercher pour ne pas bloquer ce dialogue quelque fois si<br />

tendu, pour comprendre l’imaginaire porté par le patient sur l’hôpital psychiatrique, sa crainte<br />

<strong>de</strong> la folie, l’amenant parfois à rejeter brutalement l’hospitalisation proposée.<br />

Nous avons vu que l’histoire <strong>de</strong>s internements en psychiatrie se lit avec l’évolution d’une<br />

société, qui définit, outre la pathologie mentale, ce qu’est l’ordre public. C’est cette notion<br />

d’ordre public qui génère la peur <strong>de</strong> l’arbitraire. Depuis la loi Esquirol <strong>de</strong> 1838, le mé<strong>de</strong>cin est<br />

<strong>de</strong>venu une interface entre le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la santé et celui d’un ordre établi par la société. Les<br />

décisions prises autrefois par lettres <strong>de</strong> cachet sans avis médical sont maintenant assurées par<br />

les mé<strong>de</strong>cins. Nous ne pouvons pas oublier <strong>de</strong>s pratiques encore récentes, voire actuelles<br />

d’internements pour opinions politiques divergentes et gênantes. Quelle place a alors le<br />

mé<strong>de</strong>cin dans la société ?<br />

La loi <strong>de</strong> 1990, les propositions <strong>de</strong> changement <strong>de</strong> cette loi, les recommandations européennes<br />

sont autant <strong>de</strong> cadres <strong>de</strong>vant éviter tout arbitraire. Elles garantissent la protection du citoyen<br />

dans sa liberté individuelle. Il est logique <strong>de</strong> s’interroger sur la nécessité d’une intervention <strong>de</strong><br />

la justice dans la validation d’une privation <strong>de</strong> liberté. Dans certains pays, cette pratique<br />

existe, comme en Belgique et dans certains Län<strong>de</strong>r allemands par exemple. Cette question a<br />

été soulevée dans les recommandations européennes du Conseil <strong>de</strong> l’Europe et est débattue en<br />

France. L’intervention d’un tribunal pour entériner une hospitalisation sous contrainte en<br />

psychiatrie rendrait au mé<strong>de</strong>cin son rôle initial d’acteur <strong>de</strong> la santé et non pas <strong>de</strong> garant <strong>de</strong><br />

l’ordre public. Mais ce serait évi<strong>de</strong>mment alourdir la procédure en ajoutant encore un<br />

nouveau membre dans ce groupe <strong>de</strong> décision (à titre d’exemple, le <strong>de</strong>uxième certificat<br />

médical n’est bien souvent qu’une confirmation du premier sans réel débat, ni surtout sans<br />

réexamen <strong>de</strong> la personne concernée). Ne serait-ce pas avant tout une dilution <strong>de</strong> la<br />

responsabilité ?<br />

Les outils législatifs sont présents, il nous reste à les utiliser avec honnêteté et vigilance. La<br />

formation <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins est évi<strong>de</strong>mment un pilier <strong>de</strong> la prise en charge psychiatrique, mais la<br />

réflexion a posteriori est certainement encore à développer pour une meilleure compréhension<br />

<strong>de</strong>s enjeux. Face au patient et son désordre mental, le mé<strong>de</strong>cin, fort <strong>de</strong> ses connaissances<br />

médicales et <strong>de</strong> la loi, est seul à déci<strong>de</strong>r dans l’instant et dans l’urgence.<br />

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