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L'intégration des enfants gitans dans le système - La Sauvegarde du ...

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Résumé :<br />

1<br />

Bruno Hanse<br />

brunohse@hotmail.fr<br />

Dans cet artic<strong>le</strong>, j’essaie <strong>dans</strong> un premier temps de montrer que <strong>le</strong> rejet dont est victime la population<br />

gitane en Espagne, contribue à rendre diffici<strong>le</strong> l’intégration <strong>des</strong> <strong>enfants</strong> <strong>gitans</strong> <strong>dans</strong> <strong>le</strong> <strong>système</strong> scolaire<br />

espagnol. Je m’intéresse ensuite aux politiques é<strong>du</strong>catives spécifiques mises en place par l’Etat espagnol<br />

pour tenter d’améliorer l’intégration scolaire <strong>des</strong> <strong>enfants</strong> issus <strong>des</strong> minorités ethniques et, fina<strong>le</strong>ment, je<br />

présente une expérience é<strong>du</strong>cative origina<strong>le</strong> alliant pédagogies actives et technologies modernes,<br />

l’expérience de la maison de Shere Rom, dont l’objectif est d’apprendre à lire, par <strong>le</strong> biais de l’ordinateur,<br />

à <strong>des</strong> <strong>enfants</strong> <strong>gitans</strong> en difficulté scolaire.<br />

Mots clés : gitan, rejet, stigmatisation, intégration scolaire, pédagogies multiculturel<strong>le</strong>s et interculturel<strong>le</strong>s,<br />

pédagogies actives, intégration.<br />

L’INTEGRATION DES ENFANTS GITANS DANS<br />

LE SYSTEME SCOLAIRE ESPAGNOL<br />

C’est lors de la préparation d’un master 2 en sciences de l’é<strong>du</strong>cation et plus précisément<br />

<strong>dans</strong> <strong>le</strong> cadre de l’unité de langue espagno<strong>le</strong> que je me suis intéressé à l’é<strong>du</strong>cation <strong>des</strong><br />

<strong>enfants</strong> <strong>gitans</strong>. Les consignes pour valider cette unité étaient de se poser une question<br />

concernant l’é<strong>du</strong>cation <strong>des</strong> minorités ethniques en Espagne et d’y répondre en s’appuyant<br />

sur quatre textes rédigés <strong>dans</strong> la langue étudiée et ayant une validité scientifique 1 . D’autre<br />

part, certains éléments de mon parcours de vie m’avaient valu de remarquer en Espagne<br />

<strong>des</strong> situations de rejet ou d’entendre <strong>des</strong> propos dénigrants à l’égard de personnes<br />

appartenant à la communauté gitane. Cette unité de langue me donnait donc l’occasion de<br />

vérifier à travers <strong>le</strong>s textes d’auteurs espagnols spécialistes de la population gitane s’il<br />

existait bien une tendance généra<strong>le</strong> de rejet de cette minorité par <strong>le</strong> reste de la population<br />

espagno<strong>le</strong> et me permettait de m’interroger sur <strong>le</strong>s conséquences qu’un tel rejet pouvait<br />

engendrer sur l’intégration <strong>des</strong> <strong>enfants</strong> <strong>gitans</strong> <strong>dans</strong> <strong>le</strong> <strong>système</strong> scolaire espagnol.<br />

1 Les quatre textes que j’ai tra<strong>du</strong>its en français à partir de l’espagnol sont <strong>le</strong>s suivants :<br />

- Antonio Garcia Guzman, « la e<strong>du</strong>cacion con ninos gitanos. Una propuesta para su inclusion en la escuela. »<br />

- Joaquina Cabello Hidalgo, « interculturalismo y é<strong>du</strong>cation »<br />

- José Luis <strong>La</strong>llueza, Cristina Palli y Maria José Luquel, Isabel Crespo, « una experiencia con nuevas technologias : la<br />

casa de Shere rom. »<br />

- Mariva Martinez Sancho, Ana Gimenez Adelantado y Alfredo Alfagemene Chao, « la situacion escolar de la infancia<br />

gitana y el absentismo. »


LE PEUPLE GITAN EN ESPAGNE<br />

Les Gitans se sont implantés <strong>dans</strong> la péninsu<strong>le</strong> ibérique au 15è sièc<strong>le</strong>, mais ce n’est qu’à<br />

partir <strong>du</strong> milieu et jusqu’à la fin <strong>du</strong> 20è sièc<strong>le</strong> que <strong>le</strong>ur nombre a considérab<strong>le</strong>ment<br />

augmenté. Selon certaines étu<strong>des</strong> régiona<strong>le</strong>s, la population gitane vivant en Espagne<br />

représenterait environ 60 000 à 70 000 personnes dont la moitié vivrait <strong>dans</strong> <strong>le</strong> sud <strong>du</strong><br />

pays, en Andalousie.<br />

Une étude réalisée en 2000-2001(Alfagueme y Martinez, 2004) estime à 120 000 <strong>le</strong><br />

nombre d’<strong>enfants</strong> <strong>gitans</strong> scolarisés <strong>dans</strong> <strong>le</strong> <strong>système</strong> scolaire espagnol. Même si ces<br />

dernières décennies la quasi totalité <strong>des</strong> <strong>enfants</strong> <strong>gitans</strong> sont scolarisés et que <strong>le</strong> taux<br />

d’analphabétisme a considérab<strong>le</strong>ment reculé (jusqu’à être inexistant chez <strong>le</strong>s Gitans âgés<br />

de moins de 30 ans), il n’en demeure pas moins que la scolarité <strong>des</strong> <strong>enfants</strong> <strong>gitans</strong> reste<br />

diffici<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> est marquée par l’échec et par un abandon prématuré <strong>du</strong> cyc<strong>le</strong> scolaire.<br />

Les origines de cette minorité ethnique restent assez diffici<strong>le</strong>s à définir. En effet, comme<br />

<strong>le</strong> fait remarquer Antonio Guzman, ce qui caractérise un groupe ethnique c’est son<br />

origine géographique. Or, <strong>dans</strong> <strong>le</strong> cas <strong>des</strong> Gitans, il est diffici<strong>le</strong> de définir une localisation<br />

géographique précise même si la plupart <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> montrent que ces personnes seraient<br />

originaires d’Inde. De plus, la culture gitane n’est pas une culture homogène, ce qui<br />

amplifie <strong>le</strong>s difficultés pour la définir.<br />

Guzman affirme qu’il existe trois traits internes et un trait externe qui caractérisent la<br />

culture gitane. Les trois traits internes sont :<br />

- une origine hypothétique commune (Inde), observab<strong>le</strong> à partir de la cou<strong>le</strong>ur de la peau<br />

et <strong>du</strong> choix <strong>des</strong> vêtements ;<br />

- une langue commune ou dia<strong>le</strong>ctisée, <strong>le</strong> roman parlé par tous <strong>le</strong>s Gitans <strong>du</strong> monde ;<br />

- <strong>des</strong> traditions culturel<strong>le</strong>s basées sur la famil<strong>le</strong>, une organisation patriarca<strong>le</strong> et un sens de<br />

l’autonomie.<br />

Le trait externe est <strong>le</strong> rejet, la marginalisation de ces personnes par <strong>le</strong>s autochtones, et <strong>le</strong><br />

fait qu’el<strong>le</strong>s ont été l’objet de persécutions et même d’extermination.<br />

REJET ET INTEGRATION SCOLAIRE<br />

L’étude <strong>des</strong> différents textes choisis montre que la population gitane a toujours été<br />

victime d’un rejet en Espagne. Ce rejet se retrouve à travers <strong>le</strong>s mots utilisés <strong>dans</strong> <strong>le</strong><br />

langage courant pour nombre d’autochtones. Les propos tenus ne sont ni plus ni moins<br />

que <strong>des</strong> propos racistes.<br />

Il semb<strong>le</strong> que la difficulté <strong>des</strong> <strong>enfants</strong> <strong>gitans</strong> à s'intégrer <strong>dans</strong> <strong>le</strong> <strong>système</strong> scolaire soit <strong>du</strong>e<br />

à l'image négative dont ils sont porteurs. Au regard de ce niveau de déconsidération on ne<br />

peut même plus par<strong>le</strong>r d'image négative mais d'une véritab<strong>le</strong> stigmatisation. Cette<br />

stigmatisation se retrouve <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s analyses faites par <strong>le</strong>s auteurs spécialistes de la<br />

question gitane.<br />

2


L’importance de cette stigmatisation est tel<strong>le</strong> qu’un auteur comme Antonio Guzman,<br />

professeur à l'université de Madrid, va jusqu’à la considérer comme « <strong>le</strong> trait externe »<br />

caractéristique de la culture gitane. Il appuie ses propos sur <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> récentes dont cel<strong>le</strong><br />

de Gamella et Sanchez (1998) menée auprès de 2604 élèves de Grenade, âgés de onze à<br />

quinze ans, qui montre comment <strong>le</strong>s jeunes interrogés perçoivent <strong>le</strong>s Gitans. Les termes<br />

qui ressortent sont alarmants : vo<strong>le</strong>urs, vio<strong>le</strong>nts, distributeurs et consommateurs de<br />

drogue, pauvreté, sa<strong>le</strong>té, mauvaise é<strong>du</strong>cation… Les seuls termes positifs concernent la<br />

création musica<strong>le</strong> et l’expression artistique.<br />

Une seconde étude réalisée en 2003 <strong>dans</strong> la province d’Almeria auprès de 105<br />

personnes a<strong>du</strong>ltes fait ressortir <strong>le</strong> même genre de considérations.<br />

Cette stigmatisation a <strong>des</strong> conséquences directes sur l’é<strong>du</strong>cation <strong>des</strong> <strong>enfants</strong> et favorise<br />

<strong>des</strong> raccourcis qui peuvent être source d’erreurs. El<strong>le</strong> contribue à véhicu<strong>le</strong>r <strong>des</strong> idées<br />

erronées comme notamment cel<strong>le</strong> de présenter l’absentéisme scolaire <strong>des</strong> <strong>enfants</strong> <strong>gitans</strong><br />

comme un absentéisme culturel laissant ainsi supposer que <strong>le</strong>s <strong>enfants</strong> <strong>gitans</strong> sont<br />

culturel<strong>le</strong>ment récalcitrants aux apprentissages. Des auteurs comme Mariva Martinez<br />

Sancho ne nient pas l’importance de l’absentéisme scolaire chez <strong>le</strong>s <strong>enfants</strong> <strong>gitans</strong> mais<br />

démontrent qu’il n’existe pas de lien direct entre la culture gitane et l’absentéisme<br />

scolaire. Les résultats de l’enquête montrent que ce qui est considéré comme un<br />

absentéisme culturel correspond en réalité à <strong>des</strong> absences temporaires à <strong>des</strong> moments<br />

bien précis de l’année, justifiées par <strong>des</strong> nécessités économiques (ventes ambulantes,<br />

travaux agrico<strong>le</strong>s) et invitent alors à une nouvel<strong>le</strong> conception de l’absentéisme scolaire<br />

chez <strong>le</strong>s <strong>enfants</strong> <strong>gitans</strong>.<br />

Cette stigmatisation est tel<strong>le</strong>ment généralisée et a un tel impact qu’on la retrouve ancrée<br />

<strong>dans</strong> la mentalité de certains enseignants en Espagne qui assimi<strong>le</strong>nt <strong>enfants</strong> <strong>gitans</strong> et<br />

<strong>enfants</strong> à problèmes. Plus grave encore, el<strong>le</strong> influence directement la qualité de la prise en<br />

charge scolaire car <strong>le</strong>s professeurs <strong>le</strong>s plus expérimentés, donc théoriquement <strong>le</strong>s plus à<br />

même de s’occuper d’<strong>enfants</strong> réclamant une attention particulière, ont recours à <strong>des</strong><br />

stratégies d’évitement pour fina<strong>le</strong>ment ne travail<strong>le</strong>r qu’avec <strong>des</strong> classes sans <strong>enfants</strong><br />

<strong>gitans</strong> (Guzman). Serafin Aldéa Munoz souligne aussi l’impact de la mentalité <strong>des</strong><br />

enseignants sur la prise en charge <strong>des</strong> <strong>enfants</strong> <strong>gitans</strong> et <strong>le</strong>s invite <strong>dans</strong> un esprit<br />

d’ouverture « à considérer <strong>le</strong>s cultures minoritaires comme différentes mais en aucun cas<br />

pires ou meil<strong>le</strong>ures que la <strong>le</strong>ur».<br />

Enfin, Anthonio Guzman affirme que <strong>le</strong>s médias jouent un rô<strong>le</strong> important <strong>dans</strong> la<br />

stigmatisation <strong>des</strong> minorités ethniques en ne relatant uniquement que <strong>des</strong> faits négatifs et<br />

en occultant <strong>le</strong>s émissions qui permettraient de connaître, de partager et valoriser <strong>le</strong>s<br />

différentes cultures. Il suggère la mise en place de campagnes médiatiques qui aident à<br />

prendre conscience et à montrer <strong>le</strong>s aspects positifs d’une société multiculturel<strong>le</strong>, comme<br />

cel<strong>le</strong> lancée par <strong>le</strong> secrétariat gitan et intitulée « Les connaître avant de juger ».<br />

ETAT DE SANTE DU PEUPLE GITAN<br />

<strong>La</strong> <strong>le</strong>cture <strong>des</strong> artic<strong>le</strong>s consacrés au peup<strong>le</strong> gitan a permis de constater que la santé de ce<br />

peup<strong>le</strong> est un véritab<strong>le</strong> problème. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer l’espérance<br />

3


de vie de la population gitane avec l’espérance de vie <strong>du</strong> reste de la population espagno<strong>le</strong>.<br />

Les chiffres sont éloquents : 40 ans d’espérance de vie pour <strong>le</strong>s premiers, 70 ans pour <strong>le</strong>s<br />

seconds !<br />

Cet état de fait est dû à trois causes : <strong>des</strong> causes culturel<strong>le</strong>s, <strong>des</strong> causes socioéconomiques<br />

et é<strong>du</strong>cationnel<strong>le</strong>s. Pour autant, ces trois causes n’interviennent pas à part<br />

éga<strong>le</strong> <strong>dans</strong> <strong>le</strong> phénomène évoqué. Des auteurs comme Olivan Gonzalvo et F.Ferrer font<br />

remarquer que <strong>le</strong>s causes socio-économiques et é<strong>du</strong>cationnel<strong>le</strong>s, donc <strong>le</strong>s causes qui sont<br />

<strong>le</strong>s plus injustes car créées de toute pièce par <strong>le</strong> <strong>système</strong>, semb<strong>le</strong>nt prépondérantes <strong>dans</strong> <strong>le</strong><br />

mauvais état de santé <strong>du</strong> peup<strong>le</strong> gitan <strong>dans</strong> <strong>le</strong> sens où el<strong>le</strong>s constituent une véritab<strong>le</strong><br />

barrière en termes d’accès aux services de santé et empêchent ainsi une minorité ethnique<br />

de bénéficier <strong>des</strong> structures sanitaires d’un pays moderne au même titre que <strong>le</strong> reste de la<br />

population.<br />

UNE POLITIQUE D’EDUCATION SPECIFIQUE EN FAVEUR DES MINORITES ETHNIQUES<br />

L’Espagne, pour essayer de favoriser l’intégration scolaire <strong>des</strong> <strong>enfants</strong> <strong>gitans</strong> et plus<br />

largement l’intégration <strong>des</strong> <strong>enfants</strong> issus <strong>des</strong> minorités éthiques, a développé <strong>des</strong><br />

programmes spécifiques dont <strong>le</strong>s concepts fondamentaux sont : l’inter- culturalisme, la<br />

tolérance et la solidarité.<br />

Ces va<strong>le</strong>urs sont reprises <strong>dans</strong> <strong>le</strong> « Programme d’attention à la diversité ». Celui-ci est<br />

basé sur l’acceptation de l’enfant <strong>dans</strong> sa globalité et repose sur l’accueil et l’insertion<br />

socio-é<strong>du</strong>cative <strong>des</strong> élèves en difficulté, sur la mise en place d’objectifs é<strong>du</strong>catifs et <strong>le</strong><br />

soutien continu de l’élève.<br />

Serafin Aldéa Munoz insiste sur l’importance de la tolérance et de la solidarité qui, pour<br />

l’auteur, doivent être abordées en tant que matière à part entière à l’éco<strong>le</strong> afin d’arriver à<br />

une é<strong>du</strong>cation pour la paix et pour <strong>le</strong> développement.<br />

L’auteur ajoute par ail<strong>le</strong>urs qu’il est nécessaire de mettre en place <strong>des</strong> pédagogies<br />

multiculturel<strong>le</strong>s et <strong>des</strong> pédagogies interculturel<strong>le</strong>s. Les premières reposent sur<br />

l’adaptation <strong>des</strong> moyens d’apprentissage tandis que <strong>le</strong>s deuxièmes reposent sur une<br />

reconnaissance mutuel<strong>le</strong> et un échange entre <strong>le</strong>s différentes cultures. Pour Serafin Aldéa<br />

Munoz, favoriser la cohabitation <strong>des</strong> différentes cultures est nécessaire pour la cohésion<br />

socia<strong>le</strong> et la stabilité politique <strong>du</strong> pays.<br />

PEDAGOGIES ET TECHNOLOGIES MODERNES AU SERVICE DE L'INTEGRATION :<br />

L'EXPERIENCE DE LA MAISON DE SHERE ROM<br />

Il s’agit là d’une action é<strong>du</strong>cative origina<strong>le</strong> mise au point par <strong>des</strong> chercheurs de<br />

l’université autonome de Barcelone dont la finalité est d’apprendre à lire, par <strong>le</strong> biais de<br />

l’ordinateur, à <strong>des</strong> <strong>enfants</strong> <strong>gitans</strong>, âgés de cinq à douze ans et en difficulté scolaire.<br />

Cette expérience (la maison de Shere Rom) s’est déroulée en 1998 à Badalona, une vil<strong>le</strong><br />

proche de Barcelone et, plus précisément, <strong>dans</strong> <strong>le</strong> quartier de San Roc, datant <strong>des</strong> années<br />

70 et <strong>dans</strong> <strong>le</strong>quel la population gitane est majoritaire. Beaucoup <strong>des</strong> habitants de ce<br />

quartier vivaient auparavant <strong>dans</strong> <strong>des</strong> bidonvil<strong>le</strong>s datant <strong>des</strong> années 50-60.<br />

Cette expérience s’appuie à la fois sur une synthèse et sur une mise en pratique <strong>des</strong><br />

va<strong>le</strong>urs défen<strong>du</strong>es par <strong>le</strong>s auteurs précédemment cités ; il s’agit d’une ouverture à la<br />

4


culture de l’autre. On y favorise la mise en place de pédagogies multiculturel<strong>le</strong>s et<br />

interculturel<strong>le</strong>s. <strong>La</strong> pédagogie interculturel<strong>le</strong>, c’est-à-dire la volonté de marquer une<br />

reconnaissance mutuel<strong>le</strong> et <strong>des</strong> échanges, est symboliquement affichée par <strong>le</strong> choix <strong>du</strong><br />

désignateur Shere Rom puisque cela renvoie à un personnage mythique de la culture<br />

gitane.<br />

L’expérience se dérou<strong>le</strong> <strong>dans</strong> <strong>le</strong> local d’une association gitane et la mise en œuvre <strong>du</strong><br />

projet est codirigée par <strong>le</strong>s chercheurs de l’UAB (Université Autonome de Barcelone) et<br />

<strong>le</strong>s membres de l’Association Gitane de Badalona.<br />

Le type de pédagogie mis en œuvre lors de cette expérience diffère <strong>des</strong> pédagogies<br />

traditionnel<strong>le</strong>s et s’inscrit <strong>dans</strong> <strong>le</strong> cadre <strong>des</strong> pédagogies actives. Plus précisément, <strong>dans</strong> <strong>le</strong><br />

cas de l’expérience Shere Rom, la pédagogie adoptée relève <strong>des</strong> pédagogies de la<br />

médiation ; l’outil de médiation étant l’ordinateur. Le but est d’arriver, par l’intermédiaire<br />

de l’informatique, à organiser sous un mode ludique <strong>des</strong> activités qui favorisent <strong>le</strong>s<br />

développements cognitif et social nécessaires à la scolarité de l’enfant.<br />

De plus, <strong>le</strong>s <strong>enfants</strong> bénéficient d’un accompagnement indivi<strong>du</strong>alisé pour <strong>le</strong>s aider à<br />

franchir pas à pas chacune <strong>des</strong> difficultés, et cela en référence au principe de Vygotski<br />

selon <strong>le</strong>quel « ce qu’un enfant est en mesure de faire aujourd’hui avec l’aide <strong>des</strong> a<strong>du</strong>ltes,<br />

il pourra l’accomplir seul demain » (B.Schneuwly et J.P. Bronckart, 1985).<br />

Les objectifs de l’expérience<br />

Selon <strong>le</strong>s chercheurs de l’UAB, l’expérience a permis :<br />

- d’étudier <strong>le</strong> développement humain selon une perspective culturel<strong>le</strong> et d’apporter de<br />

nouveaux éléments pour <strong>le</strong> développement de la psychologie évolutive ;<br />

- d’étudier <strong>le</strong>s processus mis en jeu <strong>dans</strong> la zone proxima<strong>le</strong> de développement 2 à travers la<br />

collaboration d’indivi<strong>du</strong>s de niveaux d’expérience différents.<br />

Le Fonctionnement<br />

Concrètement, chaque enfant gitan bénéficie d’un accueil personnalisé. Il rédige avec<br />

l’aide d’un é<strong>du</strong>cateur un courrier é<strong>le</strong>ctronique qu’il envoie à Shere Rom (<strong>le</strong> personnage<br />

mythique) et <strong>dans</strong> <strong>le</strong>quel il définit ses centres d’intérêts. En retour, il reçoit après une<br />

semaine une réponse lui indiquant <strong>le</strong>s jours où il participera aux activités. A cette réponse<br />

sont joints <strong>le</strong> règ<strong>le</strong>ment de fonctionnement ainsi qu’un passeport avec la photo de l’enfant<br />

ou un logo confirmant qu’il est membre de la maison Shere Rom.<br />

L’activité est proposée sous la forme d’un labyrinthe qui se compose de vingt « cases »<br />

correspondant chacune à un atelier. Les « cases » sont séparées entre el<strong>le</strong>s par une porte<br />

et renferment un jeu é<strong>du</strong>catif informatique. L’enfant démarre l’activité par l’atelier 1 où<br />

2 Vygotski définit la zone proxima<strong>le</strong> de développement comme « la distance entre <strong>le</strong> niveau de<br />

développement actuel tel qu’on peut la déterminer à travers la façon dont l’enfant résout <strong>des</strong> problèmes seul<br />

et <strong>le</strong> niveau de développement potentiel tel qu’on peut <strong>le</strong> déterminer à travers la façon dont l’enfant résout<br />

<strong>des</strong> problèmes lorsqu’il est assisté par l’a<strong>du</strong>lte ou collabore avec d’autres <strong>enfants</strong> plus avancés »<br />

(B.Schneuwly et J.P.Bronckart,1985)<br />

5


se trouve <strong>le</strong> jeu informatique de premier niveau puis, quand il maîtrise <strong>le</strong> jeu, il passe à<br />

l’atelier 2. Il progresse de cette façon jusqu’à l’atelier 20. A chaque exercice l’enfant se<br />

voit attribuer un niveau : débutant, intermédiaire, expert.<br />

Un é<strong>du</strong>cateur accompagne un ou deux <strong>enfants</strong> et avant de démarrer lui ou <strong>le</strong>ur explique<br />

<strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s et <strong>le</strong> fonctionnement <strong>du</strong> jeu. Ce type d’accompagnement est intéressant car il a<br />

une doub<strong>le</strong> visée : aider l’enfant à démarrer l’activité et recueillir <strong>des</strong> informations sur <strong>le</strong>s<br />

processus d’apprentissages indivi<strong>du</strong>els (stratégies, erreurs, verbalisations…).<br />

De plus, l’enfant en cas de difficulté a la possibilité de s’adresser à une autre personne<br />

ressource qu’il peut choisir parmi <strong>le</strong>s é<strong>du</strong>cateurs ou parmi <strong>le</strong>s membres de la<br />

communauté gitane. Dans <strong>le</strong> cas d’une difficulté trop grande, il peut même, selon une<br />

procé<strong>du</strong>re exceptionnel<strong>le</strong>, obtenir une explication par <strong>le</strong> personnage virtuel Shere Rom<br />

via internet.<br />

L’enfant devient lui-même personne ressource auprès de ses pairs quand il est capab<strong>le</strong><br />

d’accomplir au minimum dix jeux au niveau intermédiaire et dix jeux au niveau expert.<br />

De plus, il est invité, lorsqu’il a terminé chaque jeu, à donner son avis pour améliorer <strong>le</strong>s<br />

explications permettant d’accomplir <strong>le</strong> jeu.<br />

Résultats<br />

Les résultats de l’expérience ne sont pas tous exploitab<strong>le</strong>s mais <strong>le</strong>s analyses permettent<br />

tout de même de dégager plusieurs aspects positifs. Ainsi, <strong>le</strong> fait qu’il n’y ait plus une<br />

seu<strong>le</strong> place disponib<strong>le</strong> pour accueillir un enfant <strong>dans</strong> ce dispositif révè<strong>le</strong> <strong>le</strong> haut degré<br />

d’attractivité <strong>du</strong> processus é<strong>du</strong>catif mis en place à Shere Rom. Par ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>s <strong>enfants</strong> ont<br />

intégré jeux et apprentissages et viennent indistinctement pour « jouer avec l’ordinateur »<br />

et pour « apprendre à écrire <strong>des</strong> choses », et cela, pour la plupart, de <strong>le</strong>ur propre initiative.<br />

Les famil<strong>le</strong>s accordent une grande confiance à la maison Shere Rom, à tel point qu’el<strong>le</strong>s<br />

laissent <strong>le</strong>s plus petits (3-4 ans) accompagner <strong>le</strong>urs frères et sœurs, ce qui a obligé <strong>le</strong>s<br />

é<strong>du</strong>cateurs de Shere Rom à créer <strong>dans</strong> <strong>le</strong> même local une section é<strong>du</strong>cative (sans<br />

ordinateur) pour <strong>le</strong>s <strong>enfants</strong> de trois et quatre ans. Enfin, malgré un niveau scolaire de<br />

départ bas, <strong>le</strong>s <strong>enfants</strong> montrent une grande motivation pour achever <strong>le</strong>s exercices<br />

commencés, que ce soient <strong>le</strong>s jeux ou <strong>le</strong>s exercices écrits.<br />

Les auteurs rappel<strong>le</strong>nt que la maison Shere Rom n’est pas une alternative à l’éco<strong>le</strong> mais<br />

que <strong>le</strong>s activités qui s’y dérou<strong>le</strong>nt doivent aider <strong>le</strong>s <strong>enfants</strong> <strong>gitans</strong> à acquérir <strong>des</strong> outils, à<br />

développer <strong>des</strong> processus d’apprentissage qui <strong>le</strong>ur permettront une meil<strong>le</strong>ure intégration<br />

scolaire. Ils soulignent, en outre, que ce modè<strong>le</strong> peut être source d’idées pour l’éco<strong>le</strong>. Ils<br />

insistent éga<strong>le</strong>ment sur <strong>le</strong> fait que <strong>dans</strong> cette expérience la donnée culturel<strong>le</strong> n’est plus<br />

une simp<strong>le</strong> variab<strong>le</strong> mais une véritab<strong>le</strong> base de rencontre à partir de laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong>s<br />

différentes cultures entrent en dia<strong>le</strong>ctique.<br />

Il reste à noter que l’expérience qui est relatée ici se dérou<strong>le</strong> en dehors de l’éco<strong>le</strong> mais<br />

que <strong>le</strong>s auteurs ont mis en place <strong>le</strong> même type d’expérience à l’intérieur d’un collège. Les<br />

résultats sont atten<strong>du</strong>s avec impatience…<br />

6


CONCLUSION<br />

Nous pouvons dire aux vues <strong>des</strong> enquêtes récentes (2003, 2005) que <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> gitan, plus<br />

que d’une image négative, souffre d’une véritab<strong>le</strong> stigmatisation en Espagne. Cette<br />

stigmatisation rejaillit sur l’éco<strong>le</strong> et contribue à rendre diffici<strong>le</strong> l’intégration <strong>des</strong> <strong>enfants</strong><br />

<strong>gitans</strong> <strong>dans</strong> <strong>le</strong> milieu scolaire.<br />

Pour autant, l’Etat espagnol, en mettant en place <strong>des</strong> politiques d’é<strong>du</strong>cation spécifiques,<br />

montre une volonté de favoriser l’intégration <strong>des</strong> <strong>enfants</strong> issus <strong>des</strong> minorités. Il reste<br />

maintenant à évaluer l’efficacité de ces politiques <strong>dans</strong> <strong>le</strong> temps.<br />

Une expérience comme la maison Shere Rom fait émerger <strong>des</strong> pistes intéressantes et<br />

permet de déconstruire <strong>des</strong> idées erronées, notamment cel<strong>le</strong>s qui consistent à dire que <strong>le</strong>s<br />

<strong>enfants</strong> <strong>gitans</strong> sont réfractaires aux apprentissages.<br />

Il reste cependant à noter que l’acceptation <strong>du</strong> peup<strong>le</strong> gitan repose sur un changement de<br />

mentalité à l’échel<strong>le</strong> de la société toute entière. Ce changement de mentalité est impulsé<br />

par <strong>le</strong>s politiques é<strong>du</strong>catives mais la réussite de cel<strong>le</strong>s-ci semb<strong>le</strong> largement dépendre de<br />

l’implication <strong>des</strong> enseignants et il semb<strong>le</strong> important, comme <strong>le</strong> soulignait Guzman, de<br />

faire en sorte que ce changement soit appuyé et accompagné par <strong>le</strong>s médias qui devraient<br />

favoriser l’acceptation <strong>des</strong> cultures plutôt que <strong>le</strong>ur opposition.<br />

Bibliographie<br />

* Antonio Garcia Guzman, « la e<strong>du</strong>cacion con ninos gitanos. Una propuesta para su<br />

inclusion en la escuela. » REICE vol 3, n°1,2005, especial Red Iberoamericana de<br />

investigation sobre Cambio, Efficacia Escolar Madrid, España pp 437-448).<br />

* Joaquina Cabello Hidalgo, « interculturalismo y e<strong>du</strong>cacion » gazeta de anthropologia<br />

n°10, 1993 texto 10).<br />

* José Luis <strong>La</strong>llueza, Cristina Palli y Maria José Luquel, Isabel Crespo, « Una<br />

experiencia con nuevas technologias: la casa de Shere rom. » Universitat Autonoma de<br />

Barcelona, 1999.<br />

* Mariva Martinez Sancho, Ana Gimenez Adelantado y Alfredo Alfagemene Chao,<br />

intitulé « la situacion escolar de la infancia gitana y el absentismo. » Grupo de<br />

trabajo/conjuto (estratficacion social y sociolgia de la e<strong>du</strong>cation).VII congreso Espagnol<br />

de sociologia, 2001.<br />

* Olivan Gonzalvo, « ninos gitanos maltrados: factores de riesgo sociosanitarios y<br />

necesida<strong>des</strong> sanitarias prioritarias » An pediatr(Barc) 2004,60(1):28-34.<br />

* F.Ferrer, « el estado de salud del pueblo gitano en España. una revision de la<br />

bibliografia. »Gaceta Sanitaria v.17 supl.3 Barcelona 2003.<br />

* Vygotski Lev S., in Schneuwly B et Bronckart J-P,1985, Vygotski aujourd’hui,<br />

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Delachaux et Niestlé<br />

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