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La peur du changement - Alger Hebdo

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4 L’EVENEMENT<br />

MOISSONS D’OCTOBRE 88<br />

Le printemps précurseur algérien<br />

Octobre 88. Ceux-là<br />

qui eurent 20 ans en<br />

ce mois porteur de<br />

toutes les colères se<br />

souviennent de ces<br />

journées où <strong>Alger</strong><br />

fut mise à feu et<br />

à sang, dégoulinant<br />

de marées juvéniles<br />

à l’assaut des<br />

édifices<br />

institutionnels<br />

comme on brave<br />

des citadelles.<br />

Le courroux<br />

sourdait depuis<br />

longtemps déjà et la<br />

jeunesse d’alors<br />

était confrontée<br />

à une gouvernance<br />

très approximative.<br />

Je vous parle d’un temps<br />

que les moins de vingt ans<br />

ne peuvent pas connaître…<br />

Difficile de résister à la nostalgie<br />

<strong>du</strong> chanteur interprète de ces paroles<br />

quand il évoque ces années<br />

révolues où il faisait si bon vivre.<br />

<strong>La</strong> nôtre d’évocation est beaucoup<br />

moins romanesque et ceuxlà<br />

qui eurent vingt ans en cet octobre<br />

porteur de toutes les colères<br />

se souviennent de ces journées où<br />

<strong>Alger</strong> fut mise à feu et à sang, dégoulinant<br />

de marées juvéniles à<br />

l’assaut des édifices institutionnels<br />

comme on brave des<br />

citadelles.<br />

Le courroux sourdait depuis longtemps<br />

déjà et la jeunesse d’alors<br />

était confrontée à une gouvernance<br />

très approximative qui n’avait<br />

rien d’autre à offrir à ses enfants<br />

qu’un chômage endémique et une<br />

mal-vie faite d’incertitudes.<br />

Souvenons-nous : les jeunes insurgés<br />

avaient investi le bitume<br />

pour crier leur ras-le-bol d’un<br />

avenir des plus moroses, revendiquer<br />

un mieux-être qui était resté<br />

au stade de vague promesse par<br />

des pouvoirs publics largement<br />

dépassés et dont le premier responsable<br />

ne trouva mieux que de<br />

répondre par une grosse maladresse<br />

en invitant «tous ceux qui<br />

n’étaient pas contents à partir»<br />

(sic) lors d’un discours incendiaire<br />

prononcé un certain 19 septembre<br />

1988.<br />

<strong>La</strong> suite ne fut donc que désolation<br />

et destruction. Et il a fallu<br />

que le président lui-même remonte<br />

à la tribune pour annoncer une<br />

ouverture démocratique qui calma<br />

alors les ardeurs. A l’époque,<br />

beaucoup d’observateurs s’interrogèrent<br />

à juste titre sur «ce cadeau<br />

présidentiel» éminemment<br />

politique alors que la population<br />

demandait plus de justice sociale.<br />

Passons… Toujours est-il que<br />

dans la foulée, une soixantaine de<br />

chapelles vit aussitôt le jour et, de<br />

l’hurluberlu qui promettait une<br />

mer intérieure inondant le Sahara,<br />

au parti religieux qui lui, promettait<br />

le paradis, en passant par les<br />

plus insolites des quidams soudain<br />

reconvertis dans la harangue<br />

populaire, nous eûmes droit à<br />

toutes les sensibilités.<br />

Il est utile de rappeler qu’à la fin<br />

de ces années quatre-vingt, dans<br />

toute la configuration arabo-musulmane,<br />

l’Algérie était le seul<br />

pays où il y avait une extraordinaire<br />

liberté de ton : paradoxalement,<br />

ce fut notre chaîne de télé-<br />

C’est une première dans les mœurs politiques nationales :<br />

tout candidat à la députation devra aussitôt démissionner<br />

s’il occupe un poste de haut responsable, notamment celui<br />

de ministre. Cette décision initiée par les réformes annoncées<br />

par le président de la République va à coup sûr<br />

bouleverser le paysage jusque-là solidement établi, notamment<br />

au sein de l’APN où beaucoup de députés cumulent<br />

la fonction de ministre.<br />

Ce qui est très confortable pour l’adoption de lois et qui<br />

permet même une sorte de confusion entre l’exécutif et le<br />

législatif dans la mesure où toute décision est quasiment<br />

assurée de passer comme une lettre à la poste. Ce qui dévalue,<br />

n’est-ce pas, le rôle des députés confinés à adouber<br />

l’exécutif, dénaturant par là leur rôle sinon d’opposant <strong>du</strong><br />

moins de débatteur et de contradicteur. Or c’est ce<br />

«confort législatif» que n’admettent pas certaines chapelles<br />

puissantes qui exercent à la périphérie <strong>du</strong> pouvoir<br />

voire au sein même de celui-ci. Et avec l’application de<br />

cette réforme que d’aucuns jugent révolutionnaire, c’est<br />

le FLN qui va être le grand perdant tant le vieux parti<br />

compte une flopée de ministres députés. D’où l’évidente<br />

vision nationale qui fut largement<br />

captée par les pays voisins et<br />

même les autres qui découvraient<br />

des débats contradictoires d’une<br />

haute teneur entre adversaires politiques.<br />

Ce «printemps» <strong>du</strong>rera le temps<br />

d’organiser des élections législatives<br />

qui virent une victoire écrasante<br />

des islamistes, sanctionnant<br />

plus par «la punition» le parti<br />

unique, le FLN, que la consécration<br />

d’une chapelle qui utilisa<br />

tous les subterfuges et aussi<br />

toutes les menaces pour triompher.<br />

L’arrêt <strong>du</strong> processus électoral mit<br />

fin à «la récréation» et le pays entra<br />

alors dans une période sanglante<br />

de deuil et de larmes, luttant<br />

contre un terrorisme qui, plus<br />

est, le confinait dans une solitude<br />

d’autant plus insupportable que<br />

les chancelleries étrangères, occidentales<br />

et arabes l’invitaient à<br />

négocier avec «l’opposition armée»,<br />

appellation donnée à des<br />

bandes de criminels qui décidèrent<br />

d’exterminer le pays, population<br />

et institutions.<br />

Il faut aussi rappeler que les<br />

forces de sécurité livrèrent un<br />

combat sans merci, épaulés par la<br />

population qui finit par comprendre<br />

les véritables desseins<br />

des «marchands de paradis». Et<br />

militairement, le terrorisme fut<br />

<strong>Alger</strong> <strong>Hebdo</strong> n° 300 - Semaine <strong>du</strong> 8 au 14 octobre 2011<br />

terrassé à la fin des années quatrevingt<br />

dix. Mais sa matrice idéologique<br />

renaîtra de ses cendres à la<br />

faveur de mesures de clémence<br />

jusqu’ici accueillies comme autant<br />

de concessions faites de butins<br />

de guerre.<br />

Les analystes sont unanimes à décréter<br />

que si le terrorisme est<br />

vaincu, sa matrice idéologique,<br />

l’islamisme, est plus présent que<br />

jamais dans une société travaillée<br />

«au corps», de plus en plus perméable<br />

aux discours «salafistes»,<br />

ceux-là qui impriment à l’Islam<br />

un uniforme, des rituels et des<br />

usages étrangers à notre sociologie.<br />

Il est largement établi que la société<br />

algérienne a adopté d’autres<br />

traditions tout à fait étrangères à<br />

nos coutumes ancestrales, celleslà<br />

qui puisaient la pratique religieuse<br />

dans un grand esprit de tolérance.<br />

Aujourd’hui, des «milices»<br />

pourchassent le<br />

consommateur d’alcool et la jeune<br />

fille vêtue trop «légèrement»<br />

comme de fieffés mécréants.<br />

L’école est otage de cette idéologie<br />

en totale contradiction avec le<br />

savoir universel. De larges pans<br />

<strong>du</strong> commerce extérieur sont entre<br />

les mains des «salafistes», et<br />

comme si cela ne suffit pas, ils<br />

ambitionnent de revenir sur la<br />

scène politique sous d’autres ap-<br />

DEBAT HOULEUX A L’APN<br />

<strong>La</strong> fin d’un mythe ?<br />

levée de boucliers orchestrée par cet appareil faiseur et<br />

défaiseur de carrières à l’envi pour peu que l’on soit dans<br />

les bonnes grâces de son dirigeant principal et secrétaire<br />

général. Or précisément, celui-ci subit un vent de contestation<br />

sur le plan interne et externe. Les nombreux et récurrents<br />

commentaires de presse ont tous mis l’accent<br />

sur «la disgrâce» d’Abdelaziz Belkhadem, chef jusque-là<br />

incontesté <strong>du</strong> FLN, un parti au centre de toutes les<br />

convoitises compte-tenu de son immense pouvoir à propulser<br />

et promouvoir de brillantes carrières au sein <strong>du</strong> sérail.<br />

D’un point de vue interne, un grand vent de dissidence<br />

souffle sur la gestion jugée trop autoritaire <strong>du</strong> SG, et<br />

les nouveaux redresseurs menés essentiellement par Salah<br />

Goudjil mènent frontalement bataille pour destituer<br />

Belkhadem. L e «redressement», en tant que pratique de<br />

destitution, s’est donc retournée contre un de ses principaux<br />

initiateurs. Et voilà aujourd’hui Belkhadem au<br />

cœur d’une tourmente pareille à celle-là qui avait en son<br />

temps emporté Ali Benflis. D’un point de vue externe, le<br />

SG <strong>du</strong> FLN a sans doute franchi les lignes tracées, celleslà<br />

qui le disposent obligatoirement à une fidélité et une<br />

pellations que le parti dissous, et<br />

ce à la faveur des réformes<br />

annoncées.Nous le constatons<br />

donc, et plus de deux décennies<br />

après l’éruption <strong>du</strong> 5 octobre,<br />

c’est surtout la mouvance islamiste<br />

qui a généré le plus de dividendes.<br />

Malgré les avancées notables<br />

en matière de liberté d’opinion<br />

et d’expression et un<br />

paysage médiatique complètement<br />

affranchi des pouvoirs publics.<br />

A tel point où ce sont aujourd’hui<br />

certains journaux nés<br />

de la fracture d’octobre qui endossent<br />

malgré eux le rôle de porte-parole<br />

de larges pans de la société.<br />

Le verdict est sans appel : la mouvance<br />

démocratique, n’ayant pas<br />

su prendre le train, a lamentablement<br />

échoué. Des problèmes de<br />

leadership, de lignes politiques<br />

trop éloignées des préoccupations<br />

de la population, des luttes fratricides,<br />

un attrait de l’exercice <strong>du</strong><br />

pouvoir - sous prétexte de ne pas<br />

jouer la politique de la chaise vide<br />

-, ont donc achevé toute velléité<br />

de voir l’émergence d’un pôle démocratique.<br />

Du point de vue expression<br />

populaire même, il y a<br />

un net recul des libertés notamment<br />

celle de manifester. Les réformes<br />

annoncées corrigerontelles<br />

ces reculs démocratiques ?<br />

Nul ne peut le prévoir.<br />

Ce qui est établi, c’est que les<br />

pays arabes connaissent - ironie<br />

de l’histoire - la même configuration<br />

politique que l’Algérie <strong>du</strong> début<br />

des années quatre-vingt-dix<br />

avec des élections législatives<br />

que menacent l’entrisme des islamistes.<br />

Sauf qu’en matière de<br />

violence, la donne a complètement<br />

changé et cette nébuleuse<br />

n’a plus la même influence ni la<br />

même nuisance dans le monde<br />

arabe. C’est l’Algérie qui a payé<br />

le tribut de cette folie<br />

destructrice. Pour quels dividendes<br />

? Quelles moissons ? Les<br />

moins de vingt ans ne connaissent<br />

rien à l’Octobre. Sont-ils pour autant<br />

plus sages que leurs aînés ?<br />

Rien n’est moins sûr.<br />

Neyla Belhadi<br />

obéissance sans limites au président de la République qui,<br />

rappelons-le, est aussi le président <strong>du</strong> FLN. Or, en annonçant<br />

sous des mots à peine voilés son intention de se porter<br />

candidat à l’élection présidentielle, Belkhadem a affiché<br />

ainsi ses ambitions de manière jugée trop précoce et<br />

très inélégante envers le titulaire <strong>du</strong> poste. A plus forte<br />

raison que la mandature est loin d’être achevée et que cette<br />

précipitation <strong>du</strong> ministre-conseiller laisse le champ<br />

libre à toutes les supputations et les rumeurs sur l’indisponibilité<br />

<strong>du</strong> président à achever son mandat. D’autre<br />

part, le parti pris ostentatoire de Belkhadem sur l’éventuel<br />

retour sur la scène politique <strong>du</strong> parti dissous, notamment<br />

par ses «contacts» avec des responsables largement<br />

impliqués dans la tragédie nationale, n’est pas pour plaire<br />

à des acteurs actifs de la lutte antiterroriste, qui l’ont clairement<br />

déclaré. Alors, est-ce la «disgrâce» de l’homme<br />

fort <strong>du</strong> FLN qui le fait s’agiter pour amender les fameux<br />

textes portant sur l’interdiction <strong>du</strong> cumul des fonctions ?<br />

Sauver un pan de pouvoir quand la décision lui échappe ?<br />

Ce serait alors la fin d’un mythe.<br />

N. B.

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