Les cinquante merveilles de la Corée : volume 2 - Yi Sun-shin Home

Les cinquante merveilles de la Corée
Volume 2. Science et technologie
1

Les cinquante merveilles de Corée
Volume 2. Science et technologie
Édité par Diamond Sutra Recitation Group
Éditeur Jae-Woong Kim
Supervision éditoriale Tong-Chan Chong
Comité de rédaction Jiseon Lee, Hang-Jin Chang, Yoon-Sang Han, Matthew Jackson
Traduit par Michel Léon Harosteguy
Imprimé et relié par Samjung Munhwasa
Chungjeong-ro 37-18, Seodaemun-gu, Séoul
ISBN: 978-0-9797263-5-4
Première édition, novembre 2009
Imprimé en République de Corée
2

Références des illustrations
Nous voudrions transmettre tous nos remerciements aux organisations et aux personnes
dont les noms suivent, pour leur aimable permission à reproduire les illustrations de ce livre.
Administration de l'Héritage culturel de Corée pp. 29, 38, 93
Monastère Diamond p. 162
Discovery Media p. 154
Société de la science Donga p. 107
Hanok Munhwa pp. 120
Musée Haman p. 64
Industries lourdes Hyundai p. 89
Gallerie Jonginamoo pp. 122, 123
Centre coréen d'information sur l'énergie p. 136
Organisation du tourisme coréen pp. 15, 97, 98, 99, 106, 161
Musée de l'université Korea p. 49
Musée national de Corée p. 56
Musée du Palais national p. 45
Time space inc. pp. 133, 147
Agence Topic Photo pp. 8, 9, 10, 11
Mémorial de la Guerre de la Corée pp.63, 76, 79, 82, 83, 86
Jeon Sang-woon (ex Président de l'université féminine Sungshin) p. 53
Nam Moon-hyon (Professeur émérite de l'université Konkuk) p. 42
Park Chang-bom (Professeur, Institut coréen pour les études avancées) pp. 23, 24, 33
Note sur la romanisation
La romanisation des mots coréens dans ce livre suit le système McCune-Reschauer,
à l’exception des faits, des personnages ou des lieux culturels très connus pour
lesquels l'usage d'une autre transcription est mieux connue, ou si les intéressés ont
personnellement indiqué leur préférence pour une transcription différente de leurs
noms. Les signes diacritiques ont été omis pour des raisons de clarté.
3

Les grandes lignes de l'histoire de Corée
700.000 ~ 8.000 avant J.C. .Période paléolithique
8.000 ~ 2.000 avant J.C. . Période néolithique
2.333 ~ 108 avant J.C. Ancienne dynastie Choson. La première royauté en Corée
(Age de bronze et de fer)
57 avant J.C.~ 668 Période des Trois Royaumes: Koguryo, Paekche et Silla
668 ~ 935 Silla unifié
918 ~ 1392 Dynastie Koryo
1392 ~ 1910 Dynastie Choson
1910~1945 Occupation japonaise
1948 Division de la Corée en Nord et Sud
1950~1953 Guerre de Corée
Source : Institut national de l'histoire de Corée (2007)
La présence humaine dans la péninsule de Corée remonte au paléolithique, il y a
700.000 ans. Les racines de la culture coréenne commencent à se former autour de 8.000
ans avant J.C. Des échantillons de poteries aux motifs ''peignés'', qui ont commencé à
apparaître sur la péninsule, autour de 5.000 ans avant J.C., sont parmi les vestiges
archéologiques les mieux connus et les plus importants de l'âge néolithique. Le premier
royaume de Corée s'appelait Choson (''Pays du matin calme'').
Il fut fondé par Tangun Wanggum en l'an 2333 avant J.C., sur le principe de Hongik
Ingan, ce qui signifie ''vivre et agir pour le bénéfice de toute l'humanité''. Les deux
volumes des cinquante merveilles de la Corée, présentent tout l'héritage légué, depuis
l'ancienne dynastie Choson (2333 avant J.C.~108) jusqu'à la nouvelle dynastie Choson
(1392 ~1910). Tous ces legs sont des sources directes et vivantes du passé coréen et sont le
reflet des diverses facettes de la culture de Corée. La Corée fut un pays unifié pendant la
plus grande partie de son histoire. Mais elle se trouve, depuis 1948, divisée entre le Nord
communiste et le Sud démocratique. Les deux Corée ont développé des cultures distinctes
pendant ces soixante dernières années. Aujourd'hui, la Corée du Nord est l'une des sociétés
les plus pauvres et les plus fermées dans le monde, tandis que la Corée du Sud est parmi
les pays les plus riches et les plus avancés.
4

Table des matières
Préface...........................................................................................................7
Première partie : Astronomie et Horloges
21. Les dolmens...........................................................................................14
22. Le royaume de l'astronomie...................................................................19
23. Inscriptions astronomiques remarquables..............................................22
24. Le plus vieux observatoire astronomique existant au monde................28
25. L'héritage de Koguryo...........................................................................32
26. L'astronomie sous le règne de Séjong....................................................36
27. Une horloge à eau automatique.............................................................41
28. L'horloge à eau en jade..........................................................................46
29. L'horloge astronomique.........................................................................48
Deuxième partie : La technologie et les arts artisanaux
30. Un miroir de bronze ..............................................................................52
31. Alliages de cuivre..................................................................................55
32. Invention des moules de sable...............................................................59
33. Les armures de la cavalerie de Koguryo................................................61
34. Le premier usage de l'artillerie navale...................................................67
35. Les chantiers navals de Koryo..............................................................72
5

36. Singijeon : fusée d'artillerie du 15ème siècle.........................................75
37. Hwacha : lanceur mobile de roquettes multiples...................................78
38. Le premier obus explosif au monde.......................................................81
39. Kobukson, le bateau-tortue....................................................................85
40. Chugugi : le premier pluviomètre au monde.........................................91
41. La forteresse Hwaseong, à Suwon.........................................................95
42. La science dans l'architecture des palais..............................................105
43. Bangja, récipients de bronze................................................................109
44. Hanji : papier coréen............................................................................115
45. Kudle : chauffage traditionnel par le sol..............................................125
46. Première serre active au monde...........................................................134
Troisième partie : La médecine, la nutrition et les sciences des aliments
47. Un trésor de la médecine orientale......................................................140
48. Bulgogi.................................................................................................146
49 Kimchi..................................................................................................151
50. Aliments de soja fermenté...................................................................160
Appendice
Science et technologie de la Corée du 21ème siècle.................................167
6

Préface
Pendant le siècle passé, peu de nations ont été affrontées à une histoire aussi
mouvementée et aussi dramatique que celle de la Corée. Malgré la colonisation
japonaise (1919~1945), suivie par la Guerre de Corée (1950~1953), la Guerre Froide,
et plus récemment la crise financière en Asie (1997), sans mentionner la division avec
la Corée du Nord qui perdure jusqu'à ce jour, les Coréens du Sud ont accompli
d'énormes progrès économiques et industriels et réalisé des avancées remarquables
dans les champs de la science, du sport, de la culture et des arts.
L'un des pays les plus pauvres au monde, au début des années soixante, la Corée du
Sud est aujourd'hui reconnue par la Banque mondiale parmi les nations au revenu le
plus élevé, et comme Économie avancée par le Fonds monétaire international (FMI) et
par la Central Intelligence Agency (CIA) des États-Unis. La Corée du Sud est
aujourd'hui la 13ème économie mondiale et se trouve parmi les dix premières
puissances exportatrices et à la pointe de l'industrie TI (Technologies de l'information).
Des Coréens, comme le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, ainsi que
d'éminents scientifiques, musiciens, artistes et idoles sportives jouent un rôle actif sur
la scène internationale.
La culture populaire de Corée, musique, cinéma et téléfilms, a gagné récemment
une large popularité au delà des pays voisins d'Asie – phénomène connu sous le nom
de Hallyu, ou 'vague coréenne'. Avec l'intérêt pour la langue coréenne, sa cuisine, ses
modes, ses coutumes, l'influence de sa culture s'accroît également. Comment a-t-il été
possible que la Corée ait pu accomplir un tel retournement de situation ?
7

Les Coréens sont reconnus pour leur énergie au travail et pour l'importance qu'ils
accordent à l'éducation. Sous la houlette du Président Park Chung-hee, le pays a
bénéficié d'un grand développement économique qui a coïncidé avec une période de
croissance sans précédent. Dans une plus large perspective, cependant, les progrès de
la Corée peuvent être attribués à ces efforts sans relâche et à cet esprit toujours
innovant qui animaient déjà ses ancêtres, car les qualités et le potentiel d'une nation ne
se construisent pas en un jour.
Les cinquante merveilles de la Corée : volume 2 se propose de faire connaître
quelques aspects les plus remarquables de l'héritage scientifique du passé de ce pays,
qui reste encore largement méconnu du reste du monde. Alors que le premier volume
retraçait surtout l'héritage culturel et artistique, le second traite de trente réalisations
8

9
Séoul, capitale de la Corée
de caractère scientifique et technologique, allant de l'astronomie, la météorologie et la
médecine, jusqu' à l'alimentation, l'armement, l'architecture et la précision de
l'artisanat.
La Corée est le berceau d'un grand nombre d'inventions remarquables. Les
caractères mobiles métalliques ont précédé de plus de deux siècles l'apparition des
presses d'imprimerie de Gutenberg, en Allemagne. C'est aussi en Corée qu'a été
réalisée la plus ancienne impression par blocs de bois, au monde (xylographie), et
également la plus ancienne carte du ciel et des observatoires astronomiques. On lui
reconnaît aussi la première invention d'un bateau de guerre cuirassé, d'engins explosifs
à retardement, de lanceurs à fusées multiples, de l'utilisation de serres actives, de
pluviomètres, de moules de sable. C'est en Corée que fut développé le papier, les

systèmes de chauffage par le sol, ainsi que des couverts de table métalliques qui sont
Rue Téhéran, à Séoul, centre de l'industrie IT de Corée
parmi les plus sophistiqués du genre.
La cuisine coréenne qui comprend des plats uniques, tels le kimchi, le bulgogi, et
autres recettes fermentées, est fameuse pour ses bienfaits remarquables sur la santé
aussi bien que pour sa saveur. (Quelques chapitres ont pour trait la science militaire,
mais on ne doit pas oublier que les innovations militaires ont été accomplies dans le
seul but de la défense nationale. Tout au long de l'histoire de Corée, les invasions par
les peuples étrangers ont été nombreuses, mais la Corée n'a jamais envahi d'autres
nations, à quelques exceptions près, dans le but de freiner l'activité des pirates wako.)
L'histoire de la Corée, comme celle des autres nations, contient à la fois des
triomphes et des tragédies. Les nombreux trésors de sa longue histoire sont néanmoins
dignes de l'attention du monde. Le règne du roi Sejong, au début du 15ème siècle, a été
pour la Corée un âge d'or. Mise à part la création de l'alphabet local hangul, de grands
10

progrès furent accomplis dans les domaines de la médecine, de l'agriculture, de la
Gratte-ciel de Séoul, Corée
défense nationale, de l'astronomie et autres sciences. Selon le dictionnaire scientifique
publié au Japon en 1983, parmi les plus grandes réalisations mondiales accomplies
entre 1400 et 1450, 29 virent le jour en Corée, 5 seulement en Chine, aucune au Japon
et 28 dans les autres régions de l'Asie orientale, de l'Amérique, de l'Europe et du
Moyen-Orient. Cela montre, à l'évidence, le niveau atteint par les sciences et la
technologie sous le règne de Sejong, niveau qui surpasse les réalisations de toute autre
nation de ce temps-là.
Mais cet héritage du passé coréen a été détruit, en grande partie, lors de l'invasion
japonaise du 16ème siècle, et sous sa colonisation, pendant la première partie du
20ème. Au lendemain de la guerre civile, au début des années cinquante, on consacra
beaucoup d'énergie et d'attention à la reconstruction et à la renaissance de l'économie.
En conséquence, les Coréens n'ont pas donné beaucoup d'importance à la promotion de
11

leur histoire et de leur culture. Les recherches et les publications en langues
occidentales, sur la Corée, restent très espacées et très rares. Notre espoir est que ce
livre mettra cet héritage peu commun d'une nation, petite mais remarquable, à la portée
d'une plus large audience.
12

Première partie
Astronomie et Horloges
13

21. Les dolmens
Les dolmens sont de mystérieuses constructions qui ressemblent à des tombes et qui
remontent aux âges du bronze et du fer. On les rencontre plus spécialement dans
l'Est, dont la plus grosse proportion (deux-tiers) se trouve en Corée. Des inscriptions
astronomiques découvertes sur des dolmens, en Corée, ont révélé qu'elles étaient
antérieures de 1.800 ans aux dessins de constellations babyloniens, qui auparavant
passaient pour être les premiers témoins astronomiques de l'humanité. Précises et
claires, elles sont le témoin de l'ingéniosité des anciens astronomes coréens.
L'Ancien Choson, le premier ancien état de Corée, s'étend du 24ème au 2ème siècle
avant J.C., ou en termes archéologiques, tout au long des âges de bronze et de fer. Il a
aussi coïncidé avec ce que l'on appelle la période mégalithique, pendant laquelle les
dolmens, (constructions d'une chambre unique formée de pierres horizontales et
verticales) et les menhirs (monolithes dressés) ont été érigés, le plus souvent pour des
raisons religieuses. En termes d'histoire scientifique, c'est alors que l'astronomie
coréenne a commencé.
Les deux-tiers environ des dolmens du monde entier se trouvent sur la péninsule
coréenne, avec au moins 50.000 dolmens recensés par l'académie mondiale, dont
20.000 découverts dans la seule province de Cholla, la plus grande densité par unité de
surface dans le monde. En novembre 2000, les sites de Ganghwa, Hwasun et Gochang
ont été inscrits à la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.
500 dolmens ont été découverts au Japon (sur l'île de Kyushu) et 400 en Chine (350
dans la province de Liaoning, 50 dans la province de Zhejiang). A en juger par la
proximité de ces lieux avec la Corée, on est tenté de penser qu'il s'agit là de l'influence
de la culture de la Corée sur l'art des dolmens. 1
1 Chang-bom Park, Astronomie : Science traditionnelle de Corée (Séoul: Presses de l'université
féminine d'Ewha, 2008), 17.
14

Dolmen à Mungyong, Province de Kyongsang-nord
Beaucoup de ces dolmens passent pour être d'anciennes tombes, mais certains
étaient, pense-t-on, des monuments. Des vestiges exhumés des dolmens confirmés
comme monuments funéraires, comportent des haches et des pointes de flèches, des
poignards de bronze en forme de luth, des poteries variées et des objets de jade. Dans
la plupart des cas, la pierre qui forme le toit de la structure pèse moins de dix tonnes.
Mais pour les plus grands, elles peuvent peser entre 20 ou 40 tonnes. Dans la péninsule
coréenne, la plus lourde de ces pierres qui sert de couvercle, pèse 120 tonnes et se
trouve à Roam-ri dans la province de Hwanghae. Ses mensurations sont de 9,10 x 6,40
x 0,70m, ce qui donne un volume total de 40,8 m 3 . 2
Les bornes frontières de Mésopotamie, avec leurs images gravées de chiens, de
serpents, de scorpions et autres créatures symboliques, passaient généralement pour
être, au monde, les plus anciennes représentations graphiques des constellations. En
conséquence, la région de Mésopotamie était considérée comme le berceau de
l'astronomie ancienne, et l'un des quatre foyers d'émergence de civilisation humaine.
Des recherches récentes ont confirmé que des représentations de constellations
2 Ibid., 18.
15

Sites de dolmens
découvertes sur des dolmens près de la rivière Taedong sont antérieures de près de
1.800 ans aux cartes des constellations babyloniennes. 3
Les dolmens avec leurs dessins gravés de cartes astronomiques se trouvent surtout à
Pyongyang, et sont au nombre d'environ 200. Avant qu'on ne découvre que les trous à
la surface des dolmens représentaient des étoiles, les opinions différaient sur leur
signification. Certains pensaient qu'il s'agissait d'une expression de culte du soleil ou
du ciel, tandis que d'autres les associaient à des cérémonies funéraires. D'autres les
3 Jong-ho Lee, Les sept merveilles de la Corée (Séoul: Wisdom House, 2007), 17.
16

interprétaient comme indiquant la fréquence de quelque rite ancestral, ou le nombre
d'animaux offerts en sacrifice. Une attention plus précise de la configuration des trous,
a cependant révélé qu'il s'agissait d'une représentation des constellations autour de
l'étoile polaire. 4
Le mieux connu de ces schémas de constellations se trouve sur la surface d'un
dolmen de la montagne Woesae dans la province de Pyongan-sud. La pierre qui
recouvre le dolmen funéraire comprend 80 trous avec un trou central représentant le
pôle nord, et les autres qui forment 11 différentes constellations. La taille des trous
varie aussi selon la luminosité (les étoiles de forte magnitude ont des trous plus larges).
Quand ces observations furent datées, en tenant compte de la précision des équinoxes,
il en ressortit que cette carte correspondait à un ciel étoilé de 1.800 avant J.C.. 5
On estime que les schémas de constellations découverts sur la pierre d'un dolmen du
district de Pyongwon dans la province de Pyongan-sud, ont été gravés vers 2.500 avant
J.C., tandis que les constellations du dolmen découvert dans le district de Hamju dans
la province de Hamgyong-sud, remontent à 1.500 avant J.C.. Quand nous observons la
carte plus récente du district de Hamju, on peut remarquer qu'elle est plus précise que
celle de la région précédente. On voit par exemple que les trous qui correspondent à la
Grande Ourse et à la Petite Ourse ont des distances plus précises par rapport à l'étoile
polaire que dans la carte de Pyongwon, et que des étoiles correspondant à la 4ème
magnitude ont été inclues.
Quarante constellations, au total, ont été représentées sur les dolmens de la vallée de
la rivière Taedong, dont 28 concernent les régions du pourtour de l'étoile polaire, de
l'horizon et de l'équateur. Y sont inclues toutes les constellations visibles, la nuit, de
Pyongyang, à la latitude nord de 39 degrés, ainsi que la voie lactée et l'amas des
pléiades (les sept sœurs). Faire la carte de tant d'étoiles avant l'invention du télescope
est un fait sans précédent dans l'histoire de l'astronomie.
Des inscriptions de constellations sur des dolmens ont aussi été découvertes dans le
sud de la péninsule coréenne. En 1978, le professeur Lee Yung-jo découvrit une petite
tablette de pierre (23,5cm de large sur 32,5cm de longueur) sur un site de dolmen
submergé par le barrage de Taechong, dans la Province de Chungchong-nord. Cette
4 Ibid., 20-23.
5 ±220 années
17

tablette contient 65 trous, grands et petits d'un diamètre allant de 2mm à 7mm. Grâce à
une simulation par ordinateur, le professeur Park Chang-bom de l'Institut Coréen des
Hautes Études, a établi qu'il s'agissait d'une carte astronomique de 500 ans avant J.C.,
représentant les constellations de la Grande Ourse, de la Petite Ourse, du Dragon et de
Cassiopée. 6
On ne sait pas avec certitude pourquoi des cartes de constellations ont été gravées
sur les pierres des dolmens, mais on s'accorde à penser que les anciennes croyances sur
la mort étaient liées au culte des cieux. Ceci est aussi confirmé par le fait que presque
toutes les pierres formant le toit des dolmens qui ont des dessins de constellations sont
de la forme d'une carapace de tortue. La tortue a été vénérée par les Coréens comme
l'un des dix symboles de longévité et passait pour représenter l'éternelle jeunesse. En
fabriquant des pierres funéraires de la forme d'une tortue, les habitants de l'ancienne
Corée croyaient jouir d'une longue vie dans l'au-delà et de la protection du dieu-tortue.
Les dolmens, représentatifs de l'ère préhistorique de Corée, et porteurs d'un certain
contenu des connaissances et de la culture de ces temps-là, restent une part importante
de l'histoire ancienne de l'Asie Orientale.
6 Chang-bom Park, L'histoire de Corée gravée dans les cieux (Séoul: Gimmyoung, 2002), 104.
18

22. Le royaume de l'astronomie
L'histoire de l'astronomie en Corée est riche et variée, avec plus de 20.000
observations de phénomènes astronomiques accumulées au cours de 2.000 ans. Ces
données sont une source très riche pour les astronomes modernes d'abord parce
qu'elles sont situées dans le temps et ensuite pour leur fiabilité. Parmi les principales
nations de l'Asie Orientale, par exemple, les mentions coréennes d'éclipses solaires
sont celles qui montrent le plus grand niveau d'exactitude.
L'histoire de l'astronomie classique en Corée, s'étend sur plus de deux millénaires.
Témoin évident d'un tel passé, on peut encore trouver aujourd'hui le plus ancien
observatoire astronomique au monde, Chomsongdae, ainsi que des cartes célestes
remontant à l'âge mégalithique et à la période des Trois Royaumes. La science
astronomique formelle atteint son apogée au 15ème siècle, sous le roi Sejong,
s'appuyant sur une grande moisson de données de l'observation.
Observer et consigner les mouvements des corps célestes est fondamental pour
l'étude de l'astronomie, car il ne devient possible d'identifier les modèles et les
récurrences, et par là de comprendre les lois qui gouvernent l'univers, qu'après avoir
étudié les phénomènes astronomiques pendant de très longues périodes de temps.
Les anciens royaumes de Corée établirent leurs propres départements d'astronomie
avec leurs observatoires et des fonctionnaires officiels chargés de l'observation des
phénomènes célestes. L'observation officielle du ciel remonte au premier siècle avant
J.C.. Le nombre de phénomènes astronomiques consignés dans les textes officiels
majeurs de différentes époques tels que l'Histoire des Trois Royaumes, les Souvenirs
des Trois Royaumes, l'Histoire de Koryo et les Annales royales de la dynastie Choson
dépasse les 20.000 mentions au total. Ces rapports concernent des éclipses de soleil,
des éclipses de planètes par la lune, des mouvements de planètes, des comètes, des
changement de luminosité des planètes, des météores, des météorites, des pluies de
météorites, des aurores et des apparitions rares d'étoiles australes.
19

De observations et des rapports aussi minutieux sont une source importante de
données pour la recherche scientifique moderne. Les comptes rendus d'éclipses de
soleil ou de lune, par exemple, révèlent des changements à long terme dans la
révolution de la Terre et sa vitesse de rotation. Les mentions d' éclipses de planètes par
la lune peuvent servir à mesurer les mouvements irréguliers de la lune. D'autres écrits
concernent l'évolution de comètes à longue périodicité et l'existence de comètes à
périodicité courte qui ont aujourd'hui disparu. Avec les mentions de météores et de
météorites, ces comptes rendus, dans leur ensemble, relatent les changements
spéciaux, dans le système solaire, qui ont pris place au cours de plusieurs millénaires.
De plus, les comptes rendus d'aurores offrent des informations précieuses sur le
déplacement du champ magnétique terrestre ainsi que sur l'activité solaire au cours de
longues périodes de temps.
On dispose aujourd'hui de programmes d'ordinateurs capables de simuler les
mouvements des corps célestes dans un passé très lointain, et de nous montrer
comment apparaissait le ciel à un certain point du temps passé et pour un point
particulier de l'espace. Avec l'aide d'un tel logiciel, nous pouvons calculer les
mouvements du soleil et de la lune et recréer des éclipses de soleil qui se sont passées
il y a des milliers d'années. L'astronome moderne, Park Changbom, a calculé les
dynamiques célestes autour de la Corée et des pays avoisinants et a cherché à vérifier
si les éclipses solaires mentionnées, se sont réellement passées. L'Histoire des Trois
Royaumes contient 67 mentions d'éclipses de soleil, de 54 avant J.C. à 911, dont 53
(79%) ont prouvé s'être réellement passées. Jusqu'au début du 3ème siècle, le taux des
mentions vérifiées exactes est très élevé et atteint 89%. Dans le cas de la Chine, le taux
des mentions vérifiées exactes atteint son plus haut point sous la dynastie Han (78%),
et reste ensuite entre 63%~75% jusqu'à la dynastie Tang. Quant au Japon, depuis la
première éclipse mentionnée en 638 jusqu'en l'an 950, le taux vérifié d'exactitude est
de 35%. 7
En ce qui concerne les éclipses solaires, l'Histoire des Trois Royaumes est la source
la plus crédible parmi les comptes rendus historiques contemporains de l'Asie du
Nord-Est, région qui possède l'héritage le plus riche du monde en données
astronomiques.
7 Chang-bom Park, L'histoire de Corée gravée dans les cieux, 104.
20

Héritage des données astronomiques de Corée
Dates Période Héritage astronomique
3000 avant J.C. ~
200
2333 avant J.C.
~ 108 avant J.C.
57 avant J.C. ~ 935
37 avant J.C. ~ 668
18 avant J.C. ~ 680*
Âges de pierre, du
bronze et du fer
Pétroglyphes, constellations sur dolmens, menhirs et
objets funéraires
Ancien Choson 12 mentions astronomiques
Silla
Koguryo
Paekche
Observatoire Chamsongdan du mont Manisan
Plus de 240 mentions astronomiques dans l'Histoire
des Trois Royaumes et les Souvenirs des Trois
Royaumes
25 fresques murales de l'époque Koguryo représentant
des cartes du ciel
Établissement de l'observatoire Chomsongdae de
Kyongju (encore existant aujourd'hui), cadrans solaires
avec les animaux des quatre points cardinaux**, et les
animaux des 12 signes du zodiaque oriental
918 ~1392 Koryo Plus de 5.000 mentions astronomiques dans
l'Histoire de Koryo
Observatoire Chomsongdang à Kaesong
Cartes du ciel sur 9 fresques de tombes de Koryo
1392~ 1910 Choson Plus de 15.000 mentions astronomiques dans les
Annales royales de la dynastie Choson, les Journaux
du Secrétariat royal et Le Journal des Comptes rendus
des étoiles
Des installations astronomiques d'observatoires; des
sphères armillaires et des globes célestes.
Littérature astronomique, cartes
Instruments de chronométrage comme les cadrans
solaires, les clepsydres (horloges à eau) et horloges
astronomiques
*Les périodes des Trois Royaumes se chevauchent car ils existaient simultanément et recouvraient
différentes parties de la Corée.
** Les quatre animaux mythiques qui, dans la tradition extrême-orientale, représentent les quatre
points cardinaux sont le Dragon bleu (Est), le Tigre blanc (Ouest), Le Phénix rouge (Sud) mi-Tortue,
mi-Serpent (Nord).
21

23. Notices astronomiques dignes d'attention
Les données astronomiques de la Corée ancienne, sont encore utilisées aujourd'hui,
dans les recherches, car elles nous offrent des informations valables sur les
événements cosmiques qui ont eu lieu avant l'utilisation des télescopes. Les mentions
des taches solaires et des aurores ont été suffisamment détaillées pour permettre de
tirer des conclusions sur les cycles astronomiques qui ne sont devenus que
récemment des théories établies. La Corée possède par exemple les relevés les plus
exhaustifs des apparitions de comètes, jamais notés par écrit. Des rapports sur des
pluies de météores et de météorites offrent aussi aux astronomes un éclairage sur
l'évolution du système solaire.
Les royaumes de la Corée ancienne et médiévale ont produit un nombre
considérable de données astronomiques, tout au long des siècles, dont certaines sont
encore utilisées aujourd'hui dans la recherche. Dans ce chapitre nous examinerons
quelques uns des exemples les plus remarquables.
Taches solaires et aurores
Les mentions de taches solaires et d'aurores qui montrent combien l'activité du
soleil, les vents solaires et le champ magnétique terrestre ont changé sur de longues
périodes de temps, sont très utiles pour les études sur le système solaire et sur la Terre.
Le soleil n'a été observé par télescope que depuis 300 ans. Pour retrouver des
changements de plusieurs milliers d'années, il est nécessaire de se référer à des
observations faites à l'œil nu qui ont été conservées dans des comptes rendus
historiques.
Les observations des taches solaires ont pratiquement commencé en Europe en
1611, grâce aux études de Johan Fabricius et de Galileo Galilei. En Asie, la Corée et la
22

Chine ont toutes deux des mentions très anciennes des taches solaires, remontant à
p l u s i e u r s
Photographie de taches solaires prise le 29 mars 2001
( Photo prise par le satellite SOHO)
centaines d'années. Dans un rapport de Koguryo, en l'an 640, par exemple, il est attesté
que : ‘la lumière du soleil a disparu et n'est pas revenue pendant trois jours’, et un
autre document de Silla, en l'an 822, dit : ''Un trait noir vertical est apparu sur le
soleil.'' Pendant la période Koryo, 35 notices ambiguës sur les taches solaires ont été
conservées commençant par celle-ci, en 1151 : ''Il y a une tache noire sur le soleil,
presque de la taille d'un œuf.'' A cette époque-là, les taches solaires étaient
généralement appelées heukja (litt. ‘tache noire’) et pour plus de clarté, la taille était
indiquée en référence à un objet comme une plume, un œuf, une pèche ou une poire. 8
Une aurore est un halo de lumière qui se forme au-dessus des pôles, lorsque des
particules remplies d'énergie, libérées par l'activité solaire, réagissent au contact du
8 Chang-bom Park, Astronomie : Science traditionnelle de Corée, 86-87.
23

champ magnétique terrestre. La Corée a laissé de nombreuses mentions sur les aurores,
bien plus que tout autre pays, dont plus de 700 attestées pour la moitié du 18ème
siècle.
Une aurore de lumière rouge et verte, observée près de la Grande Ourse
(Dover, Oklahoma, 29 octobre 2003)
Ces notices sont impressionnantes, non seulement à cause de leur nombre, mais aussi
par leur exactitude. 9
Les orages magnétiques peuvent être répétitifs ou non-répétitifs. Les orages
magnétiques non-répétitifs arrivent fréquemment un ou deux ans après un maximum
solaire et annoncent une grande aurore. Au contraire, les orages magnétiques répétitifs
se produisent vite après un minimum solaire et sont de faible ampleur. Ce fait n'a été
établi que vers la fin du 20ème siècle. Pourtant, 8 siècles auparavant, les astronomes
coréens avaient réuni les données nécessaires à cette conclusion.
Les comptes rendus coréens de taches solaires et d'aurores sont particulièrement
précieux parce qu'ils montrent clairement un cycle de 11 années de l'activité solaire.
9 Ibid., 87.
24

Ce cycle n'avait pas été découvert dans les comptes rendus des autres pays à cette
époque-là. Le cycle de 11 années des taches solaires fut établi par l'astronome
allemand Samuel Heinrich Schwabe en 1843 et, plus tard, un cycle correspondant sur
la fréquence et la force des aurores fut également découvert. Si les astronomes de
Koryo, avaient pu bénéficier d'outils analytiques équivalents, les détails du cycle de
l'activité solaire auraient pu être découverts quelque 500 ans auparavant. 10
Comètes
Les observations et la documentation sur les
comètes, en Corée, ont aussi été conduites sur
une longue période de temps. Les comptes
rendus, en 1664, sur une grande comète, en est
l'exemple le plus remarquable. Elle fut l'objet
d'une observation quotidienne pendant 80
jours (bien qu'invisible pendant 8 jours à cause
de la couverture nuageuse) depuis le 10ème
mois 1664 au premier mois 1665. Le rapport a
établi la carte des constellations voisines et du
chemin suivi par la comète, et a noté, en plus,
les rangs officiels et les signatures des
astronomes qui ont réalisé ce compte rendu.
Décrit par l'astronome japonais, Wada Yuji, Comète de Halley
comme ''trésor incomparable dans l'histoire de l'astronomie'', ce compte rendu est
considéré comme le document le plus complet qui n'ait jamais été rédigé, sur
l'apparition d'une comète. 11
L'une des comètes les plus fameuses est l'éponyme ''Comète de Halley'' qui prit le
nom de l'astronome britannique Edmond Halley, qui soutint dans un article publié en
10 Ibid., 90.
11 Sang-woon Jeon, Une histoire de la science en Corée (Séoul: Science Books, 2000), 52.
25

1705, que la comète apparue en 1682 était la même et qu'elle avait déjà apparu en
1607 et 1531. Il annonça qu'elle apparaîtrait encore en 1758.
De 989, au début de la période Koryo, jusqu'en 1835, vers la fin de la période
Choson, les apparitions de cette comète furent régulièrement consignées. Les compte
rendus détaillés indiquent la date de l'apparition de la comète, l'endroit et les
changements de forme, sa couleur et sa taille, la longueur de sa queue, la date de sa
disparition ainsi que les noms des fonctionnaires officiels chargés de ces observations.
Le département d'astronomie indique dans les chroniques officielles : ''La lumière de la
comète est due à la réflection du soleil. Si la comète apparaît pendant la nuit, la queue
est dirigée vers l'Est. Quand elle apparaît à l'aube, elle pointe vers l'Ouest.'' De là, nous
pouvons conclure que la relation entre le soleil et la direction de la queue de la comète
avait bien été comprise. 12
De ces comptes rendus de Corée, de Chine et du Japon, nous avons beaucoup appris
des comètes à courte périodicité qui ont existé dans le passé, et aussi comment des
comètes à longue périodicité, pendant les deux derniers millénaires, ont changé
d'orbite ou se sont sublimées (transformation de l'état solide à l'état gazeux) à
l'approche du soleil.
Étoiles filantes et pluie de météorites
Les objets matériels abondent dans le système solaire, mis à part les planètes et leurs
satellites. Certains sont relativement gros, comme les astéroïdes, mais beaucoup sont
plus petits, comme des blocs de glace ou de rochers versés au passage des comètes.
Certains de ces objets, connus sous le nom de météores, entrent dans l'atmosphère
terrestre et s'enflamment. Certains de ces météores, connus sous le nom d'étoiles
filantes, ou plus précisément de météorites, tombent sur le sol avant leur désintégration
totale.
En Corée, la plus ancienne mention de météorite, remonte à l'an 14 de notre ère, et
la première notice concernant les pluies de météorites date de l'an 104. L'Histoire de
12 Chang-bom Park, Astronomie: Science traditionnelle de Corée, 109.
26

Koryo possède des comptes rendus de 740 apparitions de météores ou de pluies de
météorites. Pendant la dynastie Choson, ce chiffre monte à 3.111. Toutes relatées avec
exactitude dans les Anales Royales de la Dynastie Choson. Mais comme ces
phénomènes pouvaient avoir lieu presque chaque jour, il fut annoncé, en 1490, dans
les Anales, que ne seraient retenus, à l'avenir, que les cas spéciaux.
En examinant les moments de l'année où les météorites sont le plus souvent
observés pendant les dynasties Koryo et Choson, nous pouvons apprendre comment le
système solaire a changé. Selon les rapports écrits, le plus grand nombre de chutes de
météorites pouvait être vu le 25ème jour du 7ème mois. C'était le jour où la Terre
passait par le courant météorique de la comète Swift-Tuttle et où se produisait une
pluie de météorites, connue aujourd'hui sous le nom de Perséides.
Beaucoup de météores étaient aussi observés vers la fin du 10ème mois, connus
aujourd'hui sous le nom de Leonides, pas aussi intenses toutefois que les Perséides. Si
on compare les données de Koryo et celles de Choson, nous constatons que les
Leonides apparaissent dix jours plus tard sous l'époque Choson, c'est-à-dire au début
du 11ème mois plutôt qu' à la fin du 10ème. Les anciens comptes rendus indiquent
donc comment le système solaire rempli des débris de comètes a évolué tout au long
des millénaires passés.
27

24. Le plus ancien observatoire du monde encore existant
Les Coréens ont porté une attention très précise aux phénomènes célestes. Ils
croyaient que les événements dans le ciel étaient un miroir et un guide pour les
affaires de ce monde. Chomsongdae, le plus vieil observatoire au monde, riche de
symboles astronomiques, fut construit pendant la période Silla. Il a été conçu avec
soin pour remplir des objectifs scientifiques. Construit sur les terres du palais royal, il
était assez grand pour avoir une vue large et dégagée sur le ciel.
Pourquoi les Coréens ont-ils observé et commenté les phénomènes célestes avec
tant de soin ? En tant que société, ils pensaient que l'homme devait vivre en harmonie
avec la nature. Dans les écrits officiels Histoire de Koryo (918~1392), existe une
section, intitulée le livre de l'astronomie, qui fournit 5.000 données astronomiques très
fiables, rassemblées tout au long de la dynastie. L'introduction au livre donne la raison
de sa publication en ces termes :
Par des signes ainsi exprimés, les cieux nous indiquent la fortune et
le malheur, et l'homme sage prêtera attention à ce qu'ils montrent.
La croyance qui s'exprime ici est que les cieux sont comme un miroir réfléchissant
le monde des humains et qu'ils indiquent le bien et le mal à travers les événements et
les transformations dans le monde céleste. C'est pourquoi les hommes sages prêtent
toujours attention au Ciel comme à un miroir du monde, essayent d'en comprendre le
sens et suivent humblement sa volonté.
Les Coréens ont donc poussé très loin les études sur les mouvements des corps
célestes et sur les phénomènes variés qui se produisent dans le ciel. A travers des
28

observations continues et des calculs incessants, ils ont établi l'astronomie en tant que
tradition académique.
Chomsongdae est un héritage qui donne corps à cette ancienne tradition
29

Observatoire Chomsongdae à Kyongju
Hauteur : 9,5m, Construit vers 632. Trésor national n° 31
30

d'astronomie. Chomsongdae signifie littéralement ''Plate forme pour l'observation des
étoiles.'' C'est l'observatoire le plus vieux du monde qui subsiste encore. Il fut construit
à l'intérieur de l'enceinte du Palais, pendant la dynastie Silla, vers l'an 632 sous le
règne de la reine Sondok. Il fut bâti sur le modèle d'un observatoire du royaume de
Paekche, qui n'existe aujourd'hui que dans des documents historiques. Chomsongdae
servit plus tard de modèle de base pour la construction d'un observatoire à Asuka, au
Japon, en l'an 675, et de l'observatoire de Duke Zhour en Chine, en l'an 723. 13
Cette construction sereine et belle fut conçue avec beaucoup de soins et de
réflexion. Si bien que chacune de ses parties et son ensemble portent une signification
astronomique. Le sommet de l'édifice en forme de carré et sa structure circulaire
reflètent le concept traditionnel que le Ciel est rond et que la Terre est carrée. Le
bâtiment comprend 29 rangées de pierres, correspondant aux 29,5 jours du mois
lunaire comptés à partir d'une nouvelle lune jusqu'à la suivante. Les 27 rangées de
pierres du corps cylindrique représentent le temps que met la lune pour tourner autour
de la Terre (27,3 jours). Il y a 12 rangées de pierres au-dessous et au-dessus de la
fenêtre qui se trouve au centre de l'observatoire, symbolisant les douze mois de l'année
et représentant ensemble les 24 divisions saisonnières. Le nombre des pierres qui
supportent l'édifice à la base est aussi de douze. 14
Sur la partie supérieure de la structure cylindrique se trouvent six grosses pierres en
saillie qui concourent à la stabilité de l'édifice. Excepté ces pierres-là, le nombre total
de pierres utilisées dans la structure cylindrique est de 364. La 27ème couche (tout en
haut de l'édifice) est un bloc horizontal qui élève ce total à 365, nombre total des jours
de l'année.
Avec ses 9,5 mètres, l'observatoire est bien plus grand que les observatoires qui
subsistent des dynasties plus tardives de Koryo et de Choson. Des comptes rendus
relatent qu'il fut conçu pour qu'on puisse monter de l'intérieur. On pense qu'on
parvenait à l'entrée grâce à la fenêtre du milieu, au moyen d'une échelle dressée à
l'extérieur. De l'intérieur, une autre échelle donnait accès au sommet d'où on procédait
à des observations astronomiques. Bien sûr, il y a des traces, en creux, de chaque côté,
au bas de la fenêtre centrale, qui indiquent qu'une grosse échelle de bois fut autrefois
13 Chang-bom Park, L'histoire de Corée gravée dans les cieu, 149.
14 Ibid., 147-149.
31

installée à cet endroit.
Les observatoires astronomiques modernes sont construits en général sur des sites
en montagne. Il peut donc sembler étrange que cet observatoire fût établi au cœur de
Kyongju, capitale de Silla. Le professeur Nam Chun-woo de l'Université nationale de
Séoul a fait remarquer que les observatoires, de nos jours, sont situés dans des régions
éloignées, parce que la luminosité artificielle est trop forte dans les villes, pendant la
nuit, et que les particules de poussière, en suspension dans l'air pollué, obscurcissent
les étoiles. Cependant, il y a 1.400 ans, à Kyongju, il n'y avait ni pollution lumineuse,
ni air pollué et il était possible d'observer les étoiles à partir du niveau du sol. Dans le
cas d'un phénomène astronomique extraordinaire qui exigeait d'être immédiatement
rapporté au roi, l'idéal pour un observatoire était d'être installé à l'intérieur même de
l'enceinte du palais. 15
En même temps, la hauteur de Chomsongdae (9,50m) est suffisante pour permettre
une vue totalement dégagée sur le ciel, sans être gêné ni par des arbres ni par des
bâtiments proches. Dans un voisinage immédiat, la vue n'est pas bouchée par des
arbres inférieurs à 9 mètres. Un arbre de 15m situé à une distance de 50m, ou encore
un arbre de 20m situé à une distance de 100 mères, n'auraient été visibles qu'à un angle
d'élévation de 6 degrés ou moins. L'observatoire Chomsongdae avait donc la hauteur
idéale pour l'observation des étoiles.
15 Chun-woo Nam, Redécouverte de reliques (Séoul: Hakkojae, 1997), 156.
32

25. L'héritage de Koguryo
Koguryo, l'un des Trois Royaumes de Corée, nous a légué de nombreuses peintures
murales de sépultures en pierre, où sont peints des motifs d'étoiles. Son legs le plus
important est une carte des étoiles confirmée comme étant la plus ancienne
représentation du ciel au monde. Elle repose, cachée sous une carte des étoiles de
Choson, plus tardive, basée sur un original de Koguryo, mais son âge réel et son
origine ne peuvent pas être déduits de la position des étoiles.
L'astronomie traditionnelle coréenne a commencé pendant la période mégalithique
(Ancien Choson), et sa tradition accumulée s'est transmise jusqu'à la période des Trois
Royaumes. Koguryo (37 avant J.C.~668) construisit pour ses morts des chambres
funéraires en pierre, les décorant parfois de peintures murales élaborées. Beaucoup de
recherches ont été faites sur ces fresques de tombes, précieuses non seulement pour
leur superbe valeur artistique mais aussi pour les informations qu'elles nous apportent
sur la culture de ce temps-là.
Au total, 25 tombes de Koguryo connues possèdent des fresques murales où sont
représentées des étoiles ou des constellations. Les constellations étaient généralement
indiquées par des traits reliant les étoiles entre elles. En conséquence ce sont de
précieux documents pour étudier le ciel nocturne de l'Extrême-Orient ancien. Comme
on le voit dans la tombe n° 2 de Tokhwa-ri et dans la tombe n° 4 de Chinpa-ri
certaines cartes du ciel différenciaient la luminosité des étoiles par la taille, coutume
que l'on trouve aussi sur les pierres des dolmens.
On peut trouver un autre héritage important que nous a transmis l'astronomie de
Koguryo, dans le planisphère 16 des étoiles nommé Chonsang yolcha punya chido
(littéralement : ''l'ordre naturel des corps célestes et les régions qu'ils gouvernent'').
Désigné trésor national de Corée, n° 228, ce planisphère fut gravé sur une plaque de
16 Un planisphère est la projection d'une sphère (ou d'une partie de sphère) sur une surface plane.
33

Copie obtenue par frottage du Chonsang yolcha punya chido
Collection du musée de l'université féminine Sungshin
marbre noir en 1395, quatre ans après la fondation de la dynastie Choson (1392~1910)
par le roi Taejo. Selon l'explication donnée sur le marbre: ʺIl y avait une carte des
constellations gravée sur pierre dans la forteresse de Pyongyang de Koguryo. Mais elle
fut perdue pendant l'invasion chinoise et seule reste une copie obtenue par frottage.
Cette carte des constellations est basée sur la copie qui subsiste.ʺ Cela signifie que ce
qui était représenté sur la carte des constellations de Koguryo, peut aussi être vu sur
34

cette copie du planisphère 1.467 étoiles, visibles à l'œil nu à partir de la péninsule de
Corée, y sont représentées.
Sur la base de la date de fabrication, il s'agitait de la seconde plus ancienne carte des
étoiles gravée sur pierre au monde, après la carte des étoiles de Suzhou, en Chine
(1247). Pourtant cette représentation du ciel ne correspond pas à cette époque. En
effet, la période de temps correspondant à la position des étoiles sur la carte est le
premier siècle de notre ère, ce qui en fait la plus ancienne représentation complète du
ciel, au monde, et par là-même, une production artistique tout à fait rare. La date de
fabrication est corroborée non seulement par des documents historiques mais aussi par
la position des étoiles elles-mêmes, ce qui nous permet d'en déduire le point à partir
duquel les observations ont dû être faites.
L'axe de rotation de la Terre décrit un cercle dans le ciel, autour du pôle, tous les
25.800 ans, et la position de la Terre par rapport aux constellations change également.
C'est ce qu'on appelle la ʺprocession des équinoxesʺ. Ceci peut être utilisé pour dater
avec précision une carte céleste en comparant les positions des étoiles représentées sur
la carte avec la position actuelle du pôle nord et de l'équateur. Lorsqu'on parvint à
déterminer, par cette méthode, l'époque de la carte des constellations du Chonsang
yolcho punya chido, les positions des étoiles autour du pôle, sur la carte,
correspondaient à leur position au début de la dynastie Choson, au 14ème siècle, alors
que la majorité des étoiles, à l'extérieur du cercle des étoiles autour du pôle,
correspondait à leur position au premier siècle, il y a 2.000 ans. Sur la carte, cette
région autour du pôle, point de référence pour mesurer les latitudes et par là pour
tracer une carte, est marqué à 39-40° de latitude nord. Correspondant à la localisation
de Koguryo qui occupait la partie nord de la péninsule coréenne et une grande partie
de la Mandchourie. 17
La carte des étoiles gravée sur le plafond de la tombe de Kitora, dans le village
d'Asuka au Japon, passe pour avoir été faite vers la fin du 7ème siècle. C'est une
nouvelle évidence des connaissances astronomiques de Koguryo et de son influence
sur les pays avoisinants. Découverte en 1998, lors d'une inspection à l'intérieur de la
tombe, la carte des étoiles de Kitora décrit toutes les constellations, en dehors de celles
17 Chang-bom Park, Astronomie: Science traditionnelle de Corée, 115-116.
35

qui ne sont visibles que du pôle sud, ainsi que le soleil et la lune et les quatre animaux
des points cardinaux (voir note, page 18).
Selon les historiens en astronomie du Japon, les professeurs Hashimoto et
Miyajima, le point d'observation pour cette carte était de 38,4° de latitude nord. Cette
latitude est bien plus proche de Pyongyang, la capitale de Koguryo (39°), que d'Asuka
(34,5°). Que Koguryo soit à l'origine de cette carte, semble être corroboré plus avant,
par le fait que la tombe se situe à 1,2km à peine de la tombe bien connue de
Takamastu, dans laquelle fut découverte une peinture murale représentant un groupe
de femmes en costumes de style de Koguryo. Les experts pensent que ces peintures
murales furent l'œuvre d'immigrants de Koguryo, qui cherchèrent refuge au Japon
après la défaite de Koguryo par Silla en l'an 668. L'étude de la position des étoiles qui
apparaissent sur la carte de Kitora a également confirmé qu'il s'agit d'une projection
des cieux d'il y a quelque deux millénaires, ce qui correspond à la première période de
Koguryo tout comme le Chonsang yolcho punya chido. 18
18 Chang-bom Park, Astronomie: Science traditionnelle de Corée, 44-46.
36

26. Astronomie sous le roi Sejong
La construction d'un observatoire de technologie avancée, en 1438, sous le règne de
Sejong, signifiait que les éclipses pouvaient être prédites avec une précision à la
seconde près. Ce nouvel observatoire permettait non seulement d'organiser les
cérémonies nationales sans la moindre erreur de date mais aussi de calculer avec
exactitude les périodes du calendrier jusqu'à une précision de six chiffres. En
conséquence, la Corée fut l'une des trois seules nations du 15ème siècle, capable de
calculer les mouvements des planètes par rapport à leur propre latitude d'observation.
L'astronomie coréenne entra dans une nouvelle ère de précision sous le roi Sejong
(1397~1450), et la science des calendriers progressa aussi grandement. En 1438, un
grand observatoire fut construit au palais Kyongbok, dans le jardin du pavillon
Kyonghoe. Il avait 9,5 mères de hauteur, 14,4 mètres de longueur et 9,8 mètres de
largeur. Sur le toit furent installés des instruments astronomiques variés, comme une
sphère armillaire (honchonui) 19 , un globe céleste offrant un modèle sphérique des
cieux (honsang) et un gnomon (kyupyo), appareil pour mesurer l'altitude du soleil.
Avec ces instruments, le ciel pouvait être observé avec une grande minutie. Lorsque
cette installation fut achevée, après sept années de travail intensif qui débuta en 1432,
la famille royale de Choson avait, dans l'enceinte de son propre palais, les installations
astronomiques les plus avancées du 15ème siècle. Les Annales royales (Sillok)
rapportent ces moments historiques avec beaucoup de détails et nous devinons que les
historiens qui rapportent ces faits étaient remplis de fierté pour le succès de son
inauguration. Les fonctionnaires officiels du Département des affaires célestes, en
charge de l'astronomie et de la météorologie, organisèrent, à partir de cette place-là,
leurs observations quotidiennes. Lorsque survenait un phénomène céleste sortant de
l'ordinaire, comme des éclipses ou le passage de comètes, un rapport était rédigé pour
19 Système de bandes circulaires entourant la représentation de la Terre et correspondant aux
parcours autour d'elle des différents corps célestes.
37

être immédiatement transmis au Secrétariat royal et à tous les principaux bureaux du
gouvernement. Malheureusement, cet observatoire fut entièrement détruit pendant
l'invasion japonaise de la fin du 16ème siècle et il ne demeure aucune trace du
bâtiment d'origine.
Pendant la dynastie Choson (1392~1910) devant des présages célestes tels que les
éclipses de soleil ou de lune, le roi ordonnait la tenue d'une cérémonie, connue sous le
nom de kusikrye, destinée à apaiser les volontés du Ciel et à déterminer la direction
adéquate des actions futures. C'était là une cérémonie très importante, dans la société
confucianiste de Choson, qui mettait l'accent sur l'importance pour l'homme de vivre
en harmonie avec la nature et de remplir le rôle qui lui est dévolu dans l'ordre social et
cosmique. C'était donc le devoir des fonctionnaires nommés à cette tâche, d'observer
attentivement les phénomènes célestes, d'en rapporter tous les changements et d'avertir
le monarque trois mois à l'avance que de tels phénomènes allaient se produire. 20
Pour le bon ordre du cérémonial, il était indispensable que le moment prédit soit
exact à la minute et même à la seconde près. Si le moment prédit s'avérait inexact, les
officiels assignés à la Grande Salle des documents célestes étaient alors punis. A partir
de 1438, grâce à l'accumulation des connaissances, au développement des instruments
astronomiques variés et aux appareils de mesure du temps, les éclipses du soleil et de
la lune ont pu être prédites avec précision et les cérémonies tenues sans contretemps.
Dans le passé, les longueurs du jour, du mois et de l'année étaient déterminées
d'après les mouvements cycliques du soleil et de la lune. Un jour correspondait au
temps mis par la course du soleil, du lever à la traversée du méridien. Un mois lunaire
était le temps mis par la lune, depuis la nouvelle lune, pour faire un cycle autour de la
Terre. Une année solaire était le temps pris par la succession des quatre saisons. Mais
l'année solaire n'est pas un multiple 21 exact du mois lunaire et ni le mois lunaire ni
l'année solaire ne sont des multiples exacts du jour solaire. La méthode du calendrier
de donner une date, comme un certain jour, un certain mois ou une certaine année, est
quelque chose d'imparfait en soi. Et ainsi, à travers toute l'histoire, il a été nécessaire
de réajuster les calendriers après l'écoulement d'une certaine période de temps.
20 Ho Kim, Scientifiques de la dynastie Choson (Séoul: Humanist, 2003), 85-86.
21 Le nombre de mois lunaires dans une année solaire est un nombre fractionnaire et non un
nombre entier.
38

Modèle de la sphère armillaire ʺhonchonuiʺ à la tombe royale du roi Sejong
Modèle de l'instrument astronomique ʺkanuiʺ à la tombe royale du roi Sejong
39

Le calendrier lunaire, traditionnellement utilisé en Corée et dans d'autres pays
d'Asie, suit le mouvement de la lune, avec l'addition occasionnelle d'un mois bissextile
pour l'ajustement des saisons. C'est donc un calendrier mi-solaire mi-lunaire. Au
contraire, le calendrier grégorien, qui est actuellement le standard mondial, est un
calendrier solaire qui suit le changement des saisons et ne prend pas en compte le
cycle lunaire. Bien que très précis, il est quand même imparfait et exige l'addition
d'une journée tous les 4 ans (année bissextile) à laquelle sont ajoutées, récemment, des
secondes bissextiles.
Comme l'astronomie liée au calendrier était une affaire d'importance nationale, le
roi Sejong fit des exceptions concernant à la fois les rangs et les procédures, afin de
placer à ces postes clés, les hommes les plus brillants du royaume. Il étudia en
personne le calendrier Xuamning de la Chine Tang et le compara au calendrier
Shoushi de la Chine Yuan, avec également beaucoup d'autres ouvrages ayant un lien
avec l'astronomie et le calendrier, dans l'intention de produire une calendrier propre à
la Corée. Il fit en plus des observations détaillées des éclipses de soleil et de lune et
compara ses résultats avec les prédictions des calendriers existants pour confirmer leur
bien-fondé. Ces efforts du roi Sejong exigeaient beaucoup de patience, car ils
s'étalèrent sur une longue période de temps. Le compte rendu qui suit, daté de la
douzième année de son règne, parle de ses difficultés face à ce projet, et de sa
détermination à résoudre les problèmes.
''Il est très difficile de comprendre les principes de la science des
calendriers et de l'astronomie. Étudions encore une fois les méthodes de
calcul, faisons-en un brouillon et puis attendons. Quelqu'un qui maîtrisera
très bien le sujet viendra certainement à l'avenir.'' 22
L'année suivante le roi Sejong chargea Chong In-ji, Chong Cho et Chong Heum-ji
de développer une méthode pour calendrier qui faciliterait le calcul précis des
mouvements des corps célestes. Les douze années de travail et de recherches qui
22 Sejong Sillok (Annales royales), 11ème jour du 12ème mois, 1430.
40

suivirent portèrent leur fruit dans un ouvrage intitulé : Calcul des mouvements des sept
corps célestes déterminants (1442). Cet ouvrage fit date dans l'histoire de la science de
l'astronomie. Il comprenait des détails sur les mouvements du soleil et de la lune, mais
aussi de Mars, Mercure, Jupiter, Vénus et Saturne. Il intégrait entièrement les
calendriers de Chine et d'Arabie, les ajustant à la référence de la latitude de Séoul.
En conséquence, les astronomes de Choson furent capables de calculer la position de
toutes les planètes en relation avec la capitale de la Corée, ainsi que les moments du
lever et du coucher du soleil et les éclipses du soleil et de la lune. Les calculs de ce
livre donnent 365,2425 jours pour une année et 29,530593 jours pour un mois, valeurs
correspondant pour six chiffres déterminants aux calculs modernes. 23
Calcul des mouvements des sept corps célestes déterminants, est le livre considéré
comme l'une des réalisations astronomiques les plus remarquables à ce jour. L'ouvrage
fut introduit au Japon par un envoyé nommé Park In-gi, au 17ème siècle, et le Japon
publia par la suite son propre calendrier astronomique. Mais lorsque le livre fut
achevé, en 1442, seules la Corée, la Chine et l'Arabie étaient capables de calculer les
mouvements célestes avec un tel niveau de précision en relation avec leur propre
latitude.
23 Sang-woon Jeon, Une histoire de la science en Corée, 95.
41

27. Une horloge à eau automatique
Le Chagyongnu était une horloge à eau automatisée, faite en 1434. Fabriquée à partir
d'innovations de Chine et d'Arabie, elle recevait l'énergie de l'eau qui coulait, et les
signaux de temps étaient donnés par un système de billes qui tombaient. Le but de
cette horloge automatique était de fournir un moyen de se référer à un temps qui était
donné de façon continue, sans intervention humaine et qui était donc fiable. La
conception extérieure de l'horloge était aussi très élaborée, avec les symboles du
zodiaque représentés à intervalles donnés pour annoncer les différentes heures du
jour.
Il fallut exactement 23 années au professeur Nam Mun-hyon de l'université de
Konkuk, pour reconstruire le Chagyongnu, clepsydre ou horloge à eau, sonnant
automatiquement. Achevé à l'origine en une année et demie, le Chagyongnu fut une
invention de Chang Yong-sil sur la demande du roi Sejong. Il fut détruit dans un
incendie pendant la guerre Imjin (1592~1598). Le 20 novembre 2007, 700 ans après
son invention, il fut reconstruit avec succès.
Sa conception fondamentale combinait le concept de l'horloge hydraulique de Chine
avec la technologie de l'automation venue d'Arabie. En greffant ensemble les
techniques horlogères de Chine et d'Arabie, Chang Yong-sil inventa un système qui
reposait sur un convertisseur analogique-numérique.
Dans une interview pour un journal, le professeur Nam expliqua : ''Sur la base de
documents, nous avons réalisé des essais approfondis pour vérifier l'authenticité de
notre reconstruction. Dans le projet de restauration, nous avons fait appel à 30 érudits
et experts ayant de bonnes connaissances sur ce sujet, et nous avons utilisé les outils
les plus modernes. Il est évident que la technologie du début de l'époque Choson, il y a
570 ans, était déjà très avancée.'' 24
L'horloge à eau était activée par un courant d'eau régulier qui mettait les billes et les
24 Ki-hwan Lee, ''Horloge à eau restaurée,'' Kyunghyang Daily, 21 novembre 2007.
42

symboles de l'horloge en mouvement à des intervalles calculés à l'avance, pour mettre
en marche le mécanisme indiquant le temps. En construisant ce système de contrôle
automatique, la plus petite erreur dans la taille des billes de métal aurait signifié une
imprécision correspondante dans la mesure du temps.
Le Chagyongnu fut construit à la demande du roi Sejong, préoccupé par les
manquements des fonctionnaires qui avaient pour mission de conserver une mesure
précise du temps et d'annoncer régulièrement le passage des heures. Les
bouleversements provoqués par des fonctionnaires qui s'assoupissaient pendant les
nuits chaudes de l'été ou froides de l'hiver et manquaient à leur devoir de garder la
précision du temps, étaient monnaie courante, tant en Orient qu'en Occident. Les
Annales royales de la dynastie Choson donnent des exemples de fonctionnaires
chargés des horloges à eau qui, n'ayant pas annoncé l'heure au bon moment, furent
punis ou démis de leurs fonctions.
Le Sejong Sillok (Annales de Sejong) commente : ''Comme les responsables chargés
de mesurer le temps qui passe encourraient de graves reproches pour leur négligence,
Sejong en fut préoccupé et ordonna à Chang Yong-sil de fabriquer des symboles
gravés dans le bois pour marquer le temps...pour qu'il n'y ait besoin d'aucune
Mécanisme du Chagyongnu (Illustration de Nam Moon-hyon)
43

intervention de l'homme.'' 25
Après de nombreuses années de recherches et d'essais, lorsque l'horloge à eau qui
sonnait automatiquement fut enfin achevée, le roi Sejong donna l'ordre de bâtir un
pavillon, à l'intérieur du palais Kyongbok pour lui servir d'abri. Il organisa un grand
banquet pour célébrer le succès des efforts de Chang et des autres scientifiques de la
cour royale.
Le Chagyongnu faisait invariablement sonner une cloche toutes les deux heures, et
un des douze animaux du zodiaque apparaissait pour indiquer le temps. 26 Le signal de
l'horloge à eau se transmettait depuis le palais jusqu'à la rue principale de la capitale et
annonçait l'ouverture et la fermeture des quatre portes principales.
Quelques unes des caractéristiques essentielles du Chagyongnu sont données ci-
dessous, empruntées à l'ouvrage du professeur Nam Moon-hyon, Chang Yong-sil et le
Chagyongnu. 27
(1) L'horloge à eau archétype de Corée
Les récipients d'eau des horloges à eau des autres pays d'Asie Orientale, étaient
installés avec un déversoir, de façon à ce que le trop plein d'eau puisse se déverser
lorsque le récipient était plein. Les horloges à eau coréennes fonctionnaient de la
même manière, mais possédaient deux récipients pour recevoir l'eau et non un seul.
Les deux récipients pouvaient être utilisés à tour de rôle, ce qui évitait les délais et
permettait de mesurer le temps avec une plus grande précision.
L'horloge à eau était aussi construite sur une grande échelle pour éviter les erreurs
de nature hydraulique. Puisque la vitesse d'un fluide en mouvement est directement
liée à la température du fluide, le réservoir d'eau était construit le plus grand possible
25 Sejong Sillok, 28 th day of 6 th month, 1437.
26 En Asie, la journée était divisée en 12 heures qui chacune était représentée par un animal : le rat,
le bœuf, le tigre, le lapin, le dragon, le serpent, le cheval, la chèvre, le singe, le coq, le chien et le
cochon.
27 Réimprimé avec la permission de Moon-hyon Nam, Chang yong-sil et Chagyongnu (Séoul:
Presses de l'Université nationale de Séoul, 2002), 240-245.
44

pour maintenir la température à un niveau constant. En conséquence, alors que les
horloges à eau précédentes, mesuraient en unités de 15 minutes, Chagyongnu opérait
avec de plus petites unités de temps.
(2) Création d'un système de conversion analogique → numérique
La deuxième caractéristique importante de l'horloge à signal automatique repose
dans son système de conversion du signal. Les données analogiques du temps,
indiquées sur les graduations de la barre de mesure de l'horloge à eau, étaient
converties en données numériques afin d'indiquer le temps par un signal, à intervalles
réguliers. L'appareil de conversion s'appelait pangmok, et était placé au-dessus du
récipient d'arrivée de l'eau qui mesurait le temps, premier appareil de cette sorte dans
le monde. Le professeur Li Zhi Chao de l'université de Sciences et Technologie en
Chine a salué la méthode pangmok de conversion analogique-à-numérique comme
l'une des inventions les plus importantes dans l'histoire.
(3) Utilisation créative de jaquemarts actionnés par des billes.
La troisième caractéristique remarquable de cette horloge à eau, réside dans les
figures de métal, mises en oeuvre par des billes et des leviers, qui apparaissaient
pour annoncer le temps. L'introduction de tels mécanismes ouvrait la voie aux
jaquemarts actionnés par l'impact de billes qui tombent. Les petites billes métalliques,
libérées par le pangmok, roulaient dans un cylindre de cuivre et libéraient l'une après
l'autre les billes, du réservoir rempli au-dessous. Le cylindre de cuivre était conçu pour
assurer un passage régulier des billes. Quand les petites billes métalliques tombaient
du cylindre, elles faisaient pression sur des leviers en forme de cuillères et délogeaient
des billes plus grosses, de la taille d'un œuf. Ce pallier intermédiaire servait à amplifier
la puissance des mécanismes servant à annoncer le temps. Les billes plus grosses
passaient alors par un chemin obligé pour mettre en action les figures automates,
permettant aux bras de frapper une cloche. Les figures étaient placées successivement
pour indiquer les différentes heures de la journée D'autres automates qui frappaient le
tambour ou le gong, fonctionnaient sur le même principe.
45

Chagyongnu restauré
Musée du Palais national de Corée, Séoul
Avec sa conception d'une grande complexité, ce mécanisme de l'horloge à eau
servant à annoncer le temps, peut être considéré comme étant l'équivalent d'une
machine à calculer moderne. Les poupées automates représentaient elles-mêmes un
sommet dans les mesures et les contrôles de l'ingénierie au début du 15ème siècle, et
sont parmi les plus grandes inventions dans les tout débuts de l'histoire de la robotique
et de l'automation.
46

28. L'horloge à eau de Jade
L'horloge à eau de jade fut une version plus avancée du Chagyongnu, et déployait les
différentes positions du soleil pendant les 24 périodes solaires. Elle avait comme
objectif pratique d'indiquer les travaux des champs qui étaient entrepris dans tout le
royaume au moment où ils se déroulaient. Mais c'était aussi un objet d'art élaboré et
agréable à voir. Faite sous la forme d'une montagne, deux séries de figurines
apparaissaient pour annoncer l'heure, et le soleil était représenté par un boulet de
canon peint en or, se couchant et se levant selon la période de l'année. Le panorama
autour de la montagne changeait selon les saisons. Le plus extraordinaire était que
tout cela arrivait automatiquement sans aucun besoin d'intervention de l'homme.
Lorsque le Chagyongnu fut achevé, Chang Yong-sil inventa une autre horloge
automatique plus avancée. Il voulait fabriquer un modèle nouveau qui combinerait
les fonctions de l'horloge à eau, frappant automatiquement les heures, avec celles d'une
sphère armillaire astronomique, qui indiquerait les différentes positions du soleil tout
au long des saisons, ainsi que les 24 périodes solaires, et qui permettrait aux résidents
du palais de voir quelles activités devaient être entreprises dans les communautés
rurales pendant cette période-là. 28 Chang informa le roi Séjong de ses projets qui
accorda sa permission avec joie.
Quatre ans plus tard, la nouvelle ʺhorloge à eau de Jadeʺ fut installée dans un
bâtiment se trouvant près des appartements royaux dans la tour Humgyong, de façon à
ce que le roi pût fréquemment la consulter. Malheureusement, l'horloge fut détruite par
le feu pendant la guerre Imjin, et les plans furent aussi perdus. La description qui a
28 En Asie de l'Est, les 24 périodes solaires étaient utilisées pour désigner les changements annuels
du temps et servaient surtout de calendrier pour les paysans. Par exemple, ipchun (le début du
printemps) tombait le 4 février, lorsque les agriculteurs commencent à labourer leurs champs. Ipchu
(le début de l'automne) était le moment où le riz commençait à mûrir et où le moment de la moisson
s'annonçait proche...etc.
47

survécu dans les Annales royales de la dynastie Choson, est cependant assez
extraordinaire
A l'intérieur de la tour Humgyong, se trouvait une montagne faite de
papier, de 7 choks de hauteur (210cm) . Des représentations de nuages
flottaient à mi-hauteur de la montagne, et un modèle de soleil se levait et
se couchait selon les périodes solaires. Des poupées de jade
chevauchaient les nuages avec des clochettes d'or dans leurs mains, les
agitant toutes les deux heures, et des personnages s'avançaient avec des
tablettes indiquant le temps. A ce moment-là, l'animal correspondant à
l'heure, surgissait d'une ouverture au niveau du sol. Au pied de la
montagne se tenaient les Quatre Gardiens, aux quatre points cardinaux,
tournant toutes les heures. Tous ces mécanismes étaient en mouvement,
sans aucune assistance, au fur et à mesure que tournait la roue à aubes de
la clepsydre. 29
L'image dorée du soleil, fait d'un boulet de canon, se levait et se couchait selon le
temps réel du lever et du coucher du soleil et son inclinaison variait selon la distance
du pôle. Tout autour de la montagne, il y avait des peintures décrivant les scènes
rurales des quatre saisons, des gravures sur bois d'hommes, d'enfants et de plantes,
ainsi que différentes sortes de travaux entrepris à différentes périodes de l'année.
Avec le changement des saisons, le paysage peint en bas et tout autour de la montagne
changeait lui aussi, créant un véritable effet panoramique.
Selon les écrits d'un scientifique contemporain, Kim Ton, les horloges à eau, avec
automates, des autres pays, avaient toutes recours à un certain degré d'assistance
humaine, alors que la clepsydre de Jade s'animait d'elle-même, sans besoin d'aucune
intervention manuelle. Quand elle fut achevée, l’horloge à eau de Jade fut donc la plus
sophistiquée au monde des instruments à indiquer le temps.
29 Sejong Sillok, 7ème jour du 1er mois, 1438.
48

29. L'horloge astronomique
L'horloge astronomique Honchon est connue pour avoir combiné les traditions
d'horlogerie de l'Orient et de l'Occident. Ses mérites propres ont été reconnus, de par
le monde, par les érudits. Fonctionnant grâce à un système de poids, l'horloge indique
le temps par le moyen de séries de pancartes qui s'affichent automatiquement, et
également à l'aide de signaux sonores.
L'horloge Honchon qui se trouve actuellement au Musée de l'université de Corée,
est une horloge astronomique construite par Song Yi-yong, en 1669, et le seul exemple
de cette sorte dans le monde. Saluée par le spécialiste anglais Joseph Needham comme
étant ''Un tournant dans l'histoire de l'horlogerie en Asie Orientale'', et empruntée par
l'Institution Smithsonian pour une exposition itinérante dans les musées des États
Unis, l'horloge représente l'harmonie des traditions de l'horlogerie d'Orient et
d'Occident.
Alors que cet instrument est unique pour avoir incorporé le style de l'horlogerie
occidentale, il est en même temps remarquablement fidèle à la tradition ancienne de
l'horlogerie de l'Extrême-Orient. Introduite à la connaissance du monde académique
par W. Rufus, dans son livre Astronomie en Corée, écrit en 1930, ses caractéristiques
techniques ont été grandement saluées dans Heavenly Clockwork, écrit par J.
Needham, W. Ring, D. Price et autres, en 1960. Cet ouvrage fut suivi par une analyse
en profondeur des principes mécaniques de l'horloge, en 1986, conduite par Needham
et ses collègues dans le Pavillon des mesures célestes : Instruments astronomiques et
horloges de Corée 1380~1780. 30
L'horloge astronomique est faite principalement de sphères armillaires et de
l'horloge. La sphère armillaire mesure environ 40cm de diamètre et le globe terrestre
30 Voir Joseph Neetham, Lu Gwei-Djen, John Combridge et John Major, Salle des relevés célestes:
Instruments et horloges astronomiques de Corée 1380~1780 (Cambridge : Presses universitaires de
Cambridge, 1986.)
49

50
Horloge astronomique
Construite, en 1669, par Song Yi-yong.
Trésor national n° 230
Musée de l'université de Corée
placé en son centre fait approximativement 8,9cm. La sphère armiliaire indique les
positions du soleil et de la lune, et est semblable à nos calendriers modernes.
L'horloge fonctionne grâce au mouvement de deux poids, et est placée à l'intérieur
d'une enceinte de bois mesurant 120cm de long sur 53,3cm de large et 98cm de
hauteur. Le poids le plus élevé (indiqué poids 1 sur le schéma) produit l'énergie qui
fait marcher l'horloge et correspond au pendule des horloges de nos grands-parents.
L'énergie du poids est transmise à la sphère armillaire, à gauche, ainsi qu'au
mécanisme de l'horloge, à droite, et actionne en même temps les deux instruments.
L'heure est indiquée de façon visible par une roue à axe vertical reliée à un engrenage
en forme de disque. Douze panneaux horaires étaient attachés à la roue, et à chaque
heure, le panneau correspondant était affiché sur une fenêtre. Les dents et les
engrenages étaient construits en laiton et découpés avec une précision extrême.
L'autre poids actionnait un mécanisme de percussion sonore qui permettait à
l'horloge Honchon de faire sonner les heures. Le système de percussion était à son tour
contrôlé par la libération périodique de 24 billes de fer qui roulaient dans une gouttière

Schéma de l'horloge astronomique
inclinée et actionnaient le marteau métallique placé en travers de l'enceinte de bois,
pour qu'il frappe la cloche. Ce mécanisme se répétait au fur et à mesure que les pédales
de la roue remontaient les billes de fer dans leur réservoir.
Rassemblant les techniques de l'horlogerie de l'Asie orientale et de l'Europe,
l'horloge astronomique Honchon représente un legs très important dans l'histoire de
l'horlogerie. Dans son ouvrage Science et civilisation en Chine, Joseph Needham écrit
''Il serait très instructif d'avoir une réplique de cet instrument, en entier, avec les
explications historiques nécessaires, dans chaque musée d'histoire de science et de
technologie, dans le monde.'' 31
31 Joseph Needham, Science et civilisation en Chine : Physique et technologie physique (Cambridge
: Presses umniversitaires de Cambridge, 1965), 520.
51

Deuxième partie
La technologie et les arts artisanaux
52

30. Un miroir de bronze
Un miroir orné, fabriqué il y a 2.300 ans et désigné aujourd'hui comme trésor national,
nous révèle, à travers des détails minuscules et complexes les siècles de progrès
dans l'artisanat des métaux qui l'ont précédé. Avec plus de 13.000 traits gravés sur sa
petite surface, espacés de 0,3mm et profonds de 0,07mm, ce miroir aurait exigé la
plus grande partie d'une vie pour être achevé. De nombreux essais ont été faits pour
recréer ce miroir mais sans succès. Les techniques utilisées pour sa décoration
étaient restées un mystère jusqu'à une date très récente.
Au musée de l'université de Sungsil, à Séoul, se trouve une ancienne relique qui
remonte au 4ème siècle avant J.C. Son nom, Chanmuni signifie miroir finement
décoré, en référence aux délicats motifs géométriques gravés à sa surface. Il est fait en
bronze. Son diamètre est de 21,2cm. Découvert dans la province de Chungchong-sud,
dans les années soixante, il fut désigné Trésor national n° 141.
La complexité et l'échelle minuscule de ses dessins géométriques et la technologie
de moulage représentent l'accumulation de siècles d'expériences dans l'artisanat des
métaux. Le diamètre de ce miroir en bronze ne dépasse pas la largeur de la paume de
la main. Cependant on trouve, à sa surface, des gravures élaborées, consistant en plus
de 13.000 lignes séparées. La distance entre chaque ligne n'est que de 0,3mm.
L'épaisseur de la ligne et du sillon est approximativement de 0,22mm et le sillon lui
même fait environ 0,07mm de profondeur. Aucune partie du miroir n'est laissée sans
décorations. 32 Les métallurgistes affirment qu'il est difficile d'imaginer comment des
artisans d'autrefois ont été capables de mettre en œuvre certaines technologies utilisant
un moule avec des motifs qu'il serait difficile de graver aujourd'hui, même avec un
programme CAD.
Étant donné ce niveau de précision et de détails, ce ne serait pas tâche facile pour un
32 Jeon, Une histoire de la Science en Corée, 271. L'auteur dit qu'il lui a fallu dix jours pour
compter toutes les lignes sur le miroir.
53

Miroir de Bronze Chanmuni
4ème siècle avant J.C. Diamètre : 21,2cm. Musée de l'université Sungsil
technicien professionnel de faire une réplique de ce miroir sur une table à esquisses,
même en utilisant un équipement moderne. Et pourtant les traits délicats de ce miroir
ont été obtenus par une technique de moulage, faisant fondre du bronze versé dans un
moule, ce qui aurait dû être naturellement plus difficile à réaliser avec précision.
54

Comment a-t-il été possible pour un artisan du 4ème siècle avant J.C., de réaliser un tel
travail, et combien de temps cela a-t-il dû prendre ?
A une époque où les instruments de grossissement ou de précision n'existaient pas,
l'artisan aurait dû, on le présume, fabriquer ses propres instruments de travail, et
l'ouvrage aurait dû prendre la plus grande partie de sa vie pour être achevé, même si
l'artisan était très expérimenté.
Des miroirs semblables, aux motifs très fins, ont été découverts dans toute la
péninsule de Corée, ainsi qu'en Mandchourie et dans certaines parties du Japon où les
Coréens ont vécu dans les temps anciens. Le fait qu'on ne les trouve pas en Chine
indique que ces miroirs font partie de l'unique héritage de l'âge de bronze coréen.
Une centaine d'exemplaires a été exhumée à ce jour. Et le Trésor national n° 141 est le
plus grand et le plus exquis de tous. Ce miroir peut donc être considéré comme une
véritable œuvre d'art d'une technique de moulage avancée et d'une esthétique
raffinée. 33
Le bronze est un alliage de cuivre et d'étain. Comme le cuivre pur est trop mou, il
faut lui ajouter de l'étain pour le durcir. Selon les études faites par l'équipe de
Conservation de la Science, du Musée national de Corée, le trésor national n° 141
Chammuni est un miroir de bronze fait de cuivre, d'étain et de plomb. Le pourcentage
de cuivre et d'étain est de 65,7 pour 34,3. C'était là le mélange parfait qui maximalisait
à la fois la dureté du métal et sa capacité à réfléchir la lumière. Les Coréens de ce
temps-là, grâce à leur longue expérience, avaient parfaitement compris le rôle de
l'ajout d'un autre élément métallique. 34
33 Ibid., 12.
34 Hak-su Park, “Le secret du miroir, trésor national, résolu,” Musée national de Corée. Nouvelle
parue le 14 octobre 2008.
55

31. Les alliages de cuivre
La Corée était bien connue pour la qualité de ses alliages de cuivre. Le bronze coréen
fut souvent importé par les Chinois, eux-mêmes leaders mondiaux dans l'artisanat du
bronze. Au 10ème siècle, les artisans coréens ont été les premiers à combiner le
cuivre et le zinc, alliage qui n'avait jamais été réalisé à cause du faible point de fusion
du zinc. Cet esprit de pionnier ouvrit la voie à des innovations futures plus importantes
dans le travail des métaux.
L'invention du bronze a ouvert une ère nouvelle dans l'histoire de l'humanité. En
Asie Orientale, la culture du bronze en Corée, a joué un rôle majeur, qui eut sur les
pays avoisinants une influence considérable.
Les boutons de bronze exhumés du site d'un dolmen près de Pyongyang remontent
au 25ème siècle avant J.C. et sont le plus ancien exemple du travail du bronze en
Extrême-Orient. Abrégé des matières médicales, écrit par Li Shizhen de la Chine
Ming, vers la fin du 16ème siècle, est un traité extensif sur l'histoire naturelle et est
largement considéré comme un chef d'œuvre de la science classique. Dans un chapitre
traitant des métaux, l'auteur dit que le cuivre perse (airain) convient bien pour les
miroirs, mais que le cuivre de Silla (bronze) est le meilleur pour le moulage des
cloches. Le bronze de Koryo reçoit de semblables louanges dans Essai pratique
concernant Choson, par Dong Yue, qui visita le pays comme ambassadeur officiel de
la Chine Ming, en 1488. Dans Histoire de Koryo, il est fait plusieurs fois référence à
l'importation par la Chine du Bronze de Koryo. Ce n'était point parce que la Chine
était à court de métal qu'elle faisait venir du bronze de Koryo, mais bien parce que cet
alliage de cuivre coréen était de très haute qualité. Des efforts spéciaux étaient donc
consentis pour s'en procurer. 35
Les dagues de bronze, avec les miroirs de bronze, représentent les plus importants
35 Jeon, Une histoire de la Science en Corée, 171-172.
56

objets artisanaux de l'âge de bronze coréen. Une analyse moderne d'une dague de l'âge
Dague en bronze
57

Age du bronze. Hauteur 42cm. Musée national de Corée (Séoul)
Dagues de bronze de Chine (gauche) et de Corée (droite)
de Bronze coréen, qui a été produite pendant la période de l'Ancien Chosun (2333~108
avant J.C.) révèle un mélange de cuivre, d'étain et de plomb dont le taux est
respectivement de 75:15:10, et une remarquable régularité de composition. 36 Les
dagues de l'âge de Bronze coréen sont différentes de celles de la Chine, non seulement
par la teneur des alliages utilisés, mais aussi par leur forme et leur structure. Alors que
les dagues de bronze chinoises ont une lame et un manche en continuité, en Corée les
deux parties étaient fabriquées séparément et assemblées ensuite. Cette différence
illustre que les cultures des âges de bronze en Corée et en Chine ont été différentes et
singulières.
Les artisans des métaux, en Corée, furent des pionniers dans l'utilisation de
nouveaux matériaux. Ils furent parmi les premiers artisans à faire l'essai d'un alliage de
zinc et de bronze. Le zinc a un point de fusion très bas (419°C), et à cause de sa grande
fluidité et de sa faible viscosité, il peut facilement être moulé plusieurs fois.
Cependant, il boue à 907°C, et comme il est nécessaire à un alliage de zinc et de
36 Ibid., 181.
58

onze d'être chauffé et liquéfié à 1000°C, dans le processus de moulage, il est difficile
de trouver une méthode pour ajouter du zinc au bronze. Toutefois, les artisans de l'âge
du bronze, en Corée, réussirent à surmonter ce problème. Dans le cas d'une cloche de
bronze remontant au 10ème siècle avant J.C., exhumée dans la province de
Hamgyong-nord, nous découvrons qu'elle contient 53,9% de cuivre, 22,3% d'étain,
13,7% de zinc, 5,2% de plomb et 4,9% d'autres matériaux. Un miroir et une hache
déterrés dans la province de Hwanghae, tous deux de l'âge du bronze récent,
contiennent respectivement 7,4% et 24,5% de zinc. 37 Cet esprit d'innovation et
l'accumulation d'expériences dans le travail des métaux, devaient amener plus tard à
l'invention des caractères métalliques, aux vases de bronze Bangjja et à de
remarquables œuvres d'art, telles que les cloches en bronze.
37 Jong-ho Lee, Les sept merveilles de la Corée, 150.
59

32. L'invention des moules en sable
Le développement du passage des caractères fixes aux caractères mobiles, au
11ème siècle fut en Corée le premier pas important vers l'imprimerie après l'invention
de l'imprimerie par xylographie au 8ème siècle. Le pas suivant et le plus important fut
le passage aux caractères mobiles métalliques au 13ème siècle. Le processus de
fabrication de tels caractères exigeait un nouveau type de moule pour y couler le
métal. Le moule à base de sable était seul apte à parvenir à ce but, avant l'arrivée des
moules métalliques. Les premiers caractères métalliques, en Europe, ont aussi été
faits suivant cette méthode, ce qui indique un lien possible entre le développement de
l'imprimerie en Orient et en Occident.
En Asie Orientale, on commença à imprimer des livres vers le 8ème siècle, en
utilisant tout d'abord la technique des blocs de bois. Les livres des écritures
bouddhiques imprimés par procédé xylographique ont joué un rôle considérable dans
la vie des Coréens, particulièrement pendant la période Koryo, quand tous les textes
existants furent gravés sur un total de plus de 80.000 planches de bois, appelé le
Tripitaka Koreana, conservé aujourd'hui au temple de Haeinsa.
Pendant cette période, dans l'Asie orientale, la demande accrue de livres conduisit à
l'invention de caractères mobiles variés. Au 11ème siècle, un artisan chinois du nom
de Pi Sheng inventa une sorte de caractères mobiles en utilisant la céramique. Mais à
cause de la faiblesse du matériau et des difficultés rencontrées pour faire une encre
convenable, ce procédé ne fut jamais utilisé. A la même époque, les Coréens
commencèrent à utiliser des caractères mobiles en bois. Au 13ème siècle, les planches
de bois et les caractères mobiles en bois furent surpassés par des caractères mobiles en
bronze. Cette nouvelle méthode d'impression fut utilisée en Corée pour la première
fois au monde, et ce fut l'étape la plus importante dans le développement de la
technologie de l'imprimerie.
L'utilisation des caractères métalliques exige une encre spéciale, du papier qui dure
60

et qui peut soutenir la pression des caractères ainsi que des techniques avancées de
moulage. La Corée produisit du papier et une encre, à base d'huile, de haute qualité qui
fut souvent exportée vers les pays avoisinants. Les Coréens étaient aussi expérimentés
dans le moulage des monnaies de bronze et le moulage des lettres sur les cloches de
bronze. Mais dans le but de produire un grand nombre de caractères métalliques gravés
avec des idéogrammes souvent petits et complexes, une technique de moulage plus
avancée était nécessaire. La variété plutôt restreinte des moules, alors utilisés, ne
convenait pas du tout à cette tâche.
On inventa donc une nouvelle technique pour solidifier le bronze fondu dans des
moules en sable. Cela va droit dans la ligne des conclusions auxquelles aboutissent
les scientifiques modernes qui maintiennent qu'avant l'utilisation des moules
métalliques, la seule alternative pour le moulage des caractères mobiles était les
moules en sable. Les spécificités techniques de ces moules ont été expliquées dans
l'ouvrage Yongjae Chonghwa, par un érudit de Koryo, Song Hyon (1439~1504),
largement reconnu comme le compte rendu le plus ancien et le mieux documenté sur
les moules en sable. D'après ce livre, le caractère était gravé sur un morceau de bois,
puis l'idéogramme en bois était pressé contre une matrice de sable. Du bronze était
alors coulé sur cette impression laissée dans le sable pour former un caractère. Le
caractère brut était alors poli jusqu'à prendre sa forme finale. 38
Il semble donc évident que les premiers caractères métalliques en Europe
occidentale, avaient été également obtenus grâce à des moules de sable. Sur cette base,
quelques chercheurs ont suggéré qu'il n'était pas impossible que la presse à imprimer
de Gutenberg ne fut pas une invention indépendante, mais fut en fait influencée par la
Corée. 39
38 Jeon, Une histoire de la Science en Corée, 171-172.
39 John Bernal, un historien des sciences anglais, a écrit dans Science dans l'histoire (1954) ''Les
caractères métalliques mobiles furent d'abord utilisés par les Coréens, au 14ème siècle [note : en fait
il s'agit du 13ème siècle]. Ils furent introduits en Europe vers le milieu du 15ème siècle et se
répandirent très rapidement.''
61

33. Cavalerie de Koguryo équipée d'armures
Le royaume de Koguryo, l'un des Trois Royaumes de Corée, repoussa plusieurs
invasions chinoises majeures, et fut une redoutable puissance militaire. Les cavaliers
et les chevaux cuirassés – ou guerriers kaema – permirent aux forces de Koguryo de
briser les lignes opposées des ennemis, et de conduire ses troupes à de nombreuses
victoires sur de grandes armées, avec un nombre comparativement plus petit de
soldats. Les kaema furent les premières troupes de cavalerie équipées d'armures.
Les techniques avancées de fabrication d'acier, de Koguryo – permettant la
production massive d'acier de haute qualité – n'y furent pas étrangères. Cette tradition
se perpétue aujourd'hui au 21ème siècle, avec les aciéries coréennes POSCO qui
développent de nouveaux procédés de production d'acier pour remplacer les hauts
fourneaux.
Koguryo (37 avant J.C.~668) fut l'un des Trois Royaumes de la Corée ancienne
avec Paekche et Silla. Dès sa fondation, près d'un affluent du fleuve Amrok, voici de
cela deux millénaires, Koguryo occupa la partie nord de la péninsule coréenne et une
grande partie du sud de la Mandchourie, et fut une nation puissante en Asie Orientale.
Selon le livre de Sui, histoire officielle de la dynastie Sui en Chine, la Chine lança
quatre campagnes contre Koguryo en l'espace de 16 années. L'armée rassemblée pour
la deuxième campagne, en l'au 612, était une formidable force de 3,3 millions
d'hommes, dont un tiers, en gros, était formé de troupes de combat, et le reste, de
troupes d'appui. Le livre de Sui rapporte que, avec le départ d'un bataillon des forces de
Sui chaque jour, il fallut 40 jours à toutes les compagnies pour prendre le départ.
L'armée s'étirait sur une longueur de 377km. Une expédition de cette envergure ne fut
jamais entreprise jusqu'au 18ème siècle. 40
Dans la guerre qui s'ensuivit, les 500 guerriers de Konmu, prince de Koguryo,
battirent les forces navales de Sui à la forteresse de Pyongyang, capitale de Koguryo et
40 Jong-ho Lee, Les sept merveilles de la Corée, 177.
62

le général Ulji Mundok détruisit la plus grande partie des troupes de Sui qui faisait
retraite, à la bataille de Salsu. Sui refit une nouvelle tentative de conquête sur Koguryo
en 613 et 614, mais ces campagnes s'achevèrent également sur des échecs et
conduisirent à la chute de la dynastie Sui, elle-même.
La kaema musa, ou cavalerie en armures, permit à Koguryo de garder la haute main
dans cette guerre contre Sui et de gagner une influence considérable en Asie de l'Est,
pour une longue période. Le cavalier aussi bien que son cheval étaient tous deux
entièrement recouverts d'une armure d'acier. Le cavalier portait une lance de 5,4
mètres de longueur, maintenue sur ses épaules. Lorsque le guerrier chargeait, l'élan du
cheval en plein galop et le poids de l'armure brisaient à tout coup les rangs de
l'infanterie opposée. Avec une armure supérieure et la puissance offensive, l'objectif
principal du guerrier kaema était de pénétrer dans les lignes ennemies et de rompre
leur formation. En termes de bataille moderne, ils accomplissaient la tâche que remplit
le char d'assaut.
Les guerriers kaema sont souvent représentés dans les peintures murales de
Koguryo et firent leur première apparition en littérature dans l'histoire des Trois
Royumes. Ce livre raconte comment le roi Tongchon qui régna de 227 à 248, repoussa
une invasion des chinois de la dynastie Wei, avec une force de 21 mille soldats, dont
5.000 guerriers kaema.
Pour se faire une idée de ce que pouvait représenter, ce nombre de 5000 guerriers
kaema, essayons d'évaluer la quantité d'acier qu'il a fallu fondre pour leur équipement.
En tenant compte qu'il fallait 40kg d'acier pour le cheval 20kg pour le cavalier et 10kg
pour l'armement, un total de 70kg était donc nécessaire pour chaque guerrier kaema.
Pour armer 5.000 hommes il fallait 350 tonnes d'acier. Si nous tenons compte de
l'équipement de réserve, ce chiffre monte à 500 tonnes. Il y a presque 1.800 ans, la
production d'une telle quantité d'acier a dû être une énorme entreprise. 41
Une armure de cheval a été découverte dans les collines près de l'Euphrate, et en
conséquence on fait remonter généralement l'origine de l'armure du cheval à l'ancienne
civilisation grecque. Étant donné que la région s'est développée vers le 4ème siècle
avant J.C. et fut détruite par les Perses en 256, nous pouvons en déduire que les
41 Ibid., 172-173.
63

Guerriers Kaema peints sur une fresque murale de Koguryo (4~5ème siècle)
64

Armure de cheval, en acier, provenant d'une fouille à Haman, province de Kyongsang-sud
armures de cavalerie firent leur apparition avant le 3ème siècle. Cette armure de
cavalerie ne recouvrait cependant que le poitrail du cheval. Des armures semblables
furent aussi utilisées par les Scythes, tribu du 3~2ème siècle avant J.C. possédant une
puissante cavalerie, ainsi que par les pays voisins, l'Arménie, les Partes et les Perses,
même s'ils ne recouvraient pas non plus le corps entier du cheval avec des armures
d'acier.
Beaucoup de raisons expliquent pourquoi cette cavalerie lourde n'était pas utilisée
de façon plus extensive. D'abord le coût que représentait ces armures d'acier pour le
cheval et pour le cavalier était très élevé. Le célèbre érudit anglais John Warry fait
remarquer qu' ''une armure était très précieuse et que, quand un héros tombait,
s'engageait en général une bataille féroce pour s'emparer de ses armes et de son
armure.'' 42 Pourtant une autre raison fondamentale de la rareté des armures pour
cavalerie, est la nécessité d'une technique avancée de fabrication de l'acier. Koguryo
avait hérité d'une telle technique depuis la période de l'Ancien Choson et, comme la
Mandchourie possédait un grand nombre de mines de fer de grande qualité, il lui fut
possible de déployer plus librement cette cavalerie lourde.
L'Ancien Choson possédait une expertise singulière dans le domaine de la
fabrication de l'acier, qui se transmettait de génération en génération. C'est ainsi que
Koguryo, qui succéda à l'Ancien Choson, fut capable de produire de l'acier de haute
qualité et put équiper chaque cavalier et chaque cheval avec des armures et des armes
en acier.
42 John Warry, La Guerre dans le monde classique (Norman: Presses de l'université d'Oklahoma,
1995), 14.
65

Un miroir rond en fer, trouvé pendant des fouilles dans une tombe à Pyongyang,
reste le témoin de cette technologie sophistiquée de l'Ancien Choson. Il mesure
15cm de diamètre et fait 0,5cm d'épaisseur. Il date, sans nul doute, du 12ème siècle
avant J.C., ce qui en fait le plus ancien objet existant, fait en fer, en Asie de l'Est. Ce
miroir ne fut pas fabriqué en battant le fer mais c'est un moulage obtenu directement à
partir de fer totalement fondu dans un four. 43
Une broche en fer, retrouvée dans des fouilles d'un autre district de Pyongyang,
fabriquée en acier au 7ème siècle, a conservé intacte sa forme avec une rangée pleine
de dentelures ciselées, visibles sur toute sa longueur. Elle contient 1% de carbone,
0,15% de silicone, 0,0007% de soufre et enregistre 426 HB sur l'échelle de Brinell. Il
n'y a aucune trace de soudure sur la broche, et la composition de sa structure est celle
qui ne peut se former qu' à haute température. Les scientifiques modernes sont étonnés
par ces deux objets qui ont été, à l'évidence, fabriqués avec du fer complètement réduit
à l'état de fusion, pour la première fois en Asie Orientale. 44
La technologie avancée de l'acier des anciens royaumes de Corée survit dans la
Corée du 21ème siècle. Le leader coréen de production d'acier, POSCO, a développé et
testé avec succès le FINEX, nouvelle génération de la technologie de fabrication de
l'acier qui remplacera les hauts fourneaux, inaugurant un nouveau chapitre dans
l'histoire de la fabrication de l'acier.
Les hauts fourneaux traditionnels ont montré leur avantage grâce à leur grand
potentiel de rendement pour une production à grande échelle et pour l'excellente
qualité de leur acier. Afin de participer aux efforts mondiaux pour surmonter les
problèmes d'environnement dans le processus de fabrication de l'acier et pour pallier à
l'augmentation du prix des matériaux bruts, POSCO a développé une nouvelle
technique appelée FINEX. En éliminant le processus préliminaire de cuisson et de
frittage, tout en opérant sur des minerais et du charbon de basse qualité et bon marché,
l'investissement et les coûts opératoires pour une usine FINEX de la prochaine
génération sont approximativement de 20% et 15% plus bas respectivement, sans
compromettre le taux de rendement et la qualité de la production. La pollution est
43 Jong-ho Lee, L'héritage culturel coréen le plus grand au monde (Séoul: Culture Line, 2001), 56-
57.
44 Ibid.
66

aussi réduite de façon significative, en réduisant les taux des polluants tels que les
oxydes de soufre (SOx) e les oxydes de Nitrate (NOx) de 1 à 3% de leur niveau actuel.
De l'avis général, FINEX va donc certainement révolutionner l'industrie de l'acier.
67

34. La première utilisation de l'artillerie navale
dans l'histoire
La première bataille navale avec utilisation de l'artillerie, s'est déroulée en Corée en
1380, deux cents ans avant la bataille de Lépante, en Occident. Les moyens de
l'artillerie navale ont été développés par Choi Mu-son, leur inventeur, en réponse aux
incursions répétées des pirates japonais. Les recherches scientifiques en matière
militaire avaient beaucoup déclinées pendant une longue période de paix. Mais Choi
Mu-son, avec persévérance, retrouva les méthodes de la fabrication de la poudre à
canon et mit au point tout un arsenal d'armement naval qui permit à la Corée de briser
la puissance de la flotte des pirates japonais, au cours d'importantes batailles
navales.
Dans l'histoire militaire, l'utilisation sur mer de l'artillerie a marqué le début de la
guerre navale moderne. C'est pour cette raison que la bataille de Lépante (1571), dans
laquelle les forces alliées de Venise, Gènes et de l'Espagne, firent échec à la puissance
Turque, grâce à un nombre supérieur de canons, est considérée comme un tournant
dans l'histoire des combats navals. Aux lendemains de la bataille de Lépante, les pays
qui possédaient une importante flotte navale, comme l'Espagne, le Portugal,
l'Angleterre ou les Pays-Bas, réussirent à contrôler les océans et parvinrent à jouer un
rôle de premier plan dans l'histoire mondiale.
Quelque deux cents ans avant la bataille de Lépante, la première bataille navale
impliquant l'artillerie avait eu lieu en Corée. A la bataille de Chinpo (1380) 80
vaisseaux de guerre de Koryo, équipés d'armes à feu mises au point par Choi Mu-son,
envoyèrent par le fond cinq cents wakos, bateaux pirates japonais.
Développement de l'artillerie navale
68

Vers la fin de la période Koryo (918~1392), les wakos japonais représentaient pour
la Corée la plus grande des menaces. Pendant le seul règne du roi Wu, qui a régné de
1374 à 1388, 376 attaques côtières par les wakos ont été recensées en 14 ans. Les
attaques des wakos étaient des opérations d'envergure très bien orchestrées : de 200 à
500 navires étaient utilisés dans chaque raid donné. A l'origine, les pirates allaient et
venaient à leur guise, pillant les maisons, emportant les vivres et les biens et tuant les
habitants.
La raison de l'augmentation soudaine de la piraterie, à cette époque-là, est due au
conflit intérieur au Japon qui s'étendit sur 70 ans, entre 1322 et 1392. Le pays était
divisé entre Nord et Sud. 45 Comme l'autorité du gouvernement central ne s'étendait
pas jusqu'aux provinces, les clans locaux saisissaient chaque occasion pour lancer des
opérations de piraterie afin de faire des réserves de nourriture et de biens, et se
livraient au pillage systématique des pays voisins.
En ce temps-là, il y avait deux méthodes principales pour engager un combat naval.
La première technique était de pourfendre, par le côté, les vaisseaux ennemis, grâce à
un éperon placé à la proue du navire et caché sous la ligne de flottaison. C'était là une
stratégie ancienne, qui remonte aux Grecs et aux Romains, et une tactique en faveur en
Occident, utilisée jusqu'à la bataille de Trafalgar, au début du 19ème siècle.
L'autre tactique était ''les grappins et l'abordage''. Comme le terme le suggère, le
navire ennemi s'approchait tout à côté et les hommes montaient à bord et prenaient le
navire dans un combat de corps à corps. Les Romains soumirent la flotte carthaginoise
en utilisant cette méthode. Les pirates l'utilisaient aussi de façon commune, et
également les wakos au cours de leurs raids d'incursion contre la Corée. Et comme ils
étaient très adroits dans ce combat rapproché, ils plaçaient leurs navires en position
d'approche rapide et d'abordage.
En réponse, les Coréens choisissaient de combattre les pirates sur terre, les laissant
débarquer et leur tendant des embûches. Comme le pillage des wakos continuait,
presque toute la partie côtière devint inhabitable. Les Coréens commencèrent alors à
repousser les pirates en les prenant en mer. Cette stratégie devint possible grâce aux
découvertes d'un éminent scientifique et inventeur du nom de Choi Mu-son, fils d'un
45 Bien qu'il n'y eût qu'un seul empereur, les courtisans rivaux du Nord et du Sud, alternaient sur le
trône, par accord réciproque.
69

fonctionnaire du gouvernement local. Il naquit en 1325 à Yongju, dans la province de
Kyongsang. Il rechercha les moyens de vaincre les navires wakos, sans entrer en
contact direct avec eux, ce qui entraînerait le risque d'abordage. Ses recherches
l'amenèrent à développer les canons pour la marine, et l'artillerie navale basée sur
l'utilisation de la poudre qui n'avait jusqu'alors été utilisée nulle part au monde.
Il est de notoriété publique que la poudre à canon fut inventée en Chine, et
également en Corée, et que les armes à feu se sont développées dans des temps
relativement anciens. Selon les Annales du roi Sejo (Sejo Sillok), les canons à poudre
furent d'abord fabriqués dans le royaume de Silla (57 avant J.C. ~ 935) et on y apporta
des améliorations durant la période Koryo (918~1392). Leur expansion fut cependant
arrêtée par des changements dans le climat politique. Pendant les dernières années de
la période Koryo, les invasions étrangères se faisant moins nombreuses et, le pouvoir
des fonctionnaires publics augmentant, les métiers des armes étaient moins convoités
et, en conséquence, le Département des manufactures d'armes fut supprimé en 1308 et
les camps d'entraînement militaire fermés en 1343. Vers la fin du 14ème siècle, alors
que la piraterie des wakos était à son point culminant, la Corée avait depuis longtemps
oublié comment fabriquer la poudre à canon. 46
Au début, la Corée s'approvisionnait en poudre en Chine. La Chine ne pouvait pas
totalement ignorer les demandes de la Corée, car les deux pays étaient alliés contre le
Japon. Elle ne voulait pas toutefois lui livrer la totalité des commandes. Sous des
prétextes variés, la Chine livrait bien moins que ce que la Corée commandait. A la fin,
la cour royale de Koryo fut forcée de faire produire la poudre à canon en Corée.
C'était là une affaire d'urgence nationale. On nomma Choi comme responsable. La
poudre à canon, en ce temps-là, était l'équivalent des armes nucléaires actuelles, et les
nations gardaient leurs procédés de fabrication dans le plus grand secret. La Corée
n'avait d'autre choix, cependant, que de concevoir et de réaliser par elle-même des
usines indépendantes de fabrication de poudre.
Choi examina en premier tous les comptes rendus historiques qui contenaient des
informations concernant les méthodes passées de fabrication. Il fut capable d'établir
que la formule comprenait le mélange de soufre, de charbon de saule et de salpêtre. Le
46 Jong-ho Lee, Les sept merveilles de la Corée, 258-265.
70

soufre et le charbon de bois étaient faciles à réunir. Mais, au début, il fut difficile de
déterminer comment obtenir le salpêtre. Après d'innombrables tentatives et d'essais
infructueux, Choi enfin, détermina la méthode de base de fabrication de la poudre à
canon.
Pour la produire en grosses quantités, il lui fallait cependant trouver une méthode
plus simple. Il visita donc l'île de Pyokran 47 , un lieu souvent fréquenté par les
étrangers, et s'enquit sur la possibilité de rencontrer des gens qui pourraient lui révéler
ce secret. Il tomba par hasard sur un technicien chinois du nom de Yi Won, et apprit de
lui les détails d'un procédé efficace de fabrication. Choi put donc produire de la poudre
composée de 75% de nitrate de potassium, de 10% de soufre et de 15% de charbon, de
composition identique à la poudre noire actuelle. 48
Choi procéda alors à la conception d'armes à feu : le hwajon (''flèche de feu'') et le
hwatong (''tube de feu''). Après des essais concluants, il demanda à ce que la Cour
royale mît en place un bureau gouvernemental pour superviser la production de la
poudre et des différentes armes à feu. Sa proposition fut acceptée, et, en 1377, le
Bureau de l'artillerie lourde fut créé, avec Choi, à sa tête. C'est là qu'il développa 18
variétés différentes d'armes à feu.
La première bataille navale au monde avec artillerie
En 1380, les wakos pirates firent un raid sur le port coréen de Chinpo avec une
énorme flotte de 500 bateaux. Le nombre des hommes d'équipage s'élevait à 25 pour
les bateaux de petite taille, à 50 pour ceux de taille moyenne, à 100 pour les plus gros.
Même si on estime que la plupart des navires étaient de petite et de moyenne taille, le
nombre total des troupes devait être proche de 25.000. Selon l'ouvrage Survol de
l'histoire de Koryo (1452), les pirates, au cours de leur pillage, laissèrent des tas de riz
répandu sur les champs, sur une couche de 15 centimètres. 49 C'est peut-être là une
47
Centre maritime, pendant la période Koryo, l'île était située dans la partie la plus basse du fleuve
Yesong, près de la capitale Kaesong.
48
Jong-ho Lee, Les sept merveilles de la Corée, 54.
49
Institut pour la traduction des données de base des classiques coréens, Survol de l'histoire de
71

affirmation exagérée, mais cela donne une idée de l'importance du pillage.
En apprenant la nouvelle de l'attaque des bateaux wakos, la cour royale envoya
immédiatement 80 navires de guerre, sous le commandement de Na Se. Contre une
flotte de 500 navires, 80 paraît un chiffre dérisoire. Mais quand ces bateaux arrivèrent
à Chinpo et engagèrent la contre-offensive, la bataille fut finie en un temps très bref.
L'artillerie navale de Corée causa des dommages dévastateurs sur les bateaux ennemis
en incendiant la flotte en l'espace d'un moment. Telle fut la bataille de Chinpo (1380),
la première bataille navale au monde utilisant l'artillerie et les armes à feu.
En 1383, trois ans après la bataille de Chinpo, les wakos envahirent les côtes du sud
avec une flotte de 120 navires pour prendre la revanche de leur défaite. L'amiral
coréen, Chong Chi mena l'attaque avec 47 navires armés d'artillerie lourde, et, au cours
de cette bataille près du port de Kwanumpo, incendia 17 bateaux ennemis et défit
2.700 pirates. Au lendemain de cette victoire, Koryo adopta une approche plus
audacieuse dans son combat contre la piraterie et décida d'attaquer l'île de Tsushima,
centre nerveux des opérations lancées par les wakos. En 1389, le commandant en chef,
Park Wi, à la tête d'une flotte de cent navires, mit les voiles en direction de l'île. La
campagne fut un succès retentissant. La flotte de Park coula 300 navires pirates qui
mouillaient près des côtes de l'île et délivra cent Coréens gardés là en otages.
Après que la flotte de Koryo eut totalement anéanti les wakos des pirates, grâce à
son artillerie lourde, au cours des batailles de Chinpo, de Kwanumpo et près de l'île de
Tsuchima, les relations diplomatiques entre Koryo et le Japon commencèrent à se
détendre. Depuis 1375, Koryo envoyait des émissaires au Japon, de façon régulière
presque tous les ans, pour demander de réprimer ces attaques de wakos. La Cour
royale du Japon répondait généralement avec indifférence, arguant qu'il était au-dessus
du pouvoir du gouvernement central de contrôler les activités des pirates.
Dans les années 1380, comme la campagne de Koryo contre les wakos se révéla un
succès, le Japon commença à montrer un plus grand intérêt à la poursuite d'une
relation amicale, en envoyant fréquemment des émissaires pour offrir des tributs et
pour renvoyer des prisonniers. Il semble évident que la révélation nouvelle de la
puissance de l'artillerie navale de Koryo influença ce changement d'attitude.
Koryo (Koryosa Cholyo) vol. 31. http://db.itkc.or.kr.
72

35. La construction navale de Koryo
L'artillerie navale ne peut être utilisée que si les standards de la construction navale
sont suffisamment avancés pour tenir compte du poids et du recul des armes à feu.
Le niveau des constructions navales de Koryo fut remarquablement élevé, comme
l'attestent les comptes rendus des campagnes au cours desquelles les bateaux de
Koryo eurent à combattre des navires ennemis. Les bateaux n'étaient pas seulement
bien construits et aptes à porter de lourdes charges, mais les constructeurs de Koryo
pouvaient aussi les construire au rythme étonnant de 75 unités par mois. Quand on
considère que, même ultérieurement dans l'histoire du monde, la taille standard et le
rythme de construction furent de loin inférieurs à cela, nous ne pouvons qu'être
émerveillés par ces résultats remarquables.
Lorsque les pièces d'artillerie ont été conçues et fabriquées, on peut penser que tout
ce qui reste à faire est de les monter à bord des navires. Pourtant, installer une lourde
pièce d'artillerie sur un bateau n'est pas chose aisée. A chacune des utilisations du
canon, le navire est assujetti à un puissant recul. Comme les bateaux étaient construits
en bois, même si le déplacement était suffisamment petit, le bateau courait le risque de
chavirer. Même si le navire ne se retournait pas, la secousse pouvait gêner l'adresse
des artilleurs et affecter la stabilité du bateau.
L'artillerie lourde de Choi fut capable de remplir ses fonctions avec succès, parce
que le standard de construction des bateaux à l'époque Koryo les rendait aptes à
l'utilisation de ce type d'armement. Le niveau d'excellence des bateaux de guerre de
Koryo fut mis à l'épreuve lorsque, en 1268, sous la pression de la dynastie Yuan de
Mongolie, ils levèrent l'ancre, alliés aux forces de Yuan, dans une campagne contre le
Japon. Dans un compte rendu de cette campagne navale, paru dans l'ouvrage chinois
l'Histoire de Yuan, on trouve le passage suivant : ''Nous avons affronté une tempête et
à cause des hautes vagues nos navires se sont heurtés les uns contre les autres et
beaucoup ont été détruits. Seuls les bateaux de guerre de Koryo purent mettre les
74

voiles, et ayant accompli leur mission avec succès, ils retournèrent chez eux.''
Avant cette campagne, Yuan avait demandé à Koryo 300 navires, capables de
transporter chacun de 3.000 à 4.000 sacs de provisions militaires, pesant en gros de
240 à 320 tonnes. Le poids de chaque navire, en termes de cargaison totale devait donc
faire 400 ou 500 tonnes. Koryo réussit à construire 300 de ces navires en quatre
mois. 50
Pour mieux comprendre l'ampleur d'une telle prouesse, il nous faut l'examiner à la
lumière de l'expédition de Christophe Colomb vers le Nouveau Monde, en 1492, deux
cents ans plus tard.
La découverte de l'Amérique par Colomb, fut rendue possible grâce au patronage de
Ferdinand II et d'Isabelle 1ère d'Espagne. A l'origine, Colomb s'était pourtant tourné
vers Jean II du Portugal pour lui demander son appui. En 1484, Colomb présenta les
détails de son expédition au roi du Portugal, et demanda au roi Jean II de lui donner
des caravelles pour son expédition qui avait pour but de rechercher la route vers l'Inde.
La caravelle était un bateau développé par l'Infant Henri du Portugal (Prince Henri le
navigateur). C'était le bateau le plus sophistiqué de son temps, réunissant toutes les
avancées faites en construction maritime depuis les temps des galères
méditerranéennes. Il faisait 50 tonnes ou plus et sa coque profonde permettait le
transport d'une lourde cargaison. Avec ses nombreux mâts, sa grande voile d'étai
triangulaire, ses gréements carrés, le navire faisait plus de 30 mètres de longueur et
plus de 12 mètres de largeur.
Pensant que les richesses de l'Inde seraient à lui, lorsque serait découverte la route
par l'Ouest, Jean II accepta tout d'abord la proposition et ordonna une enquête sur la
faisabilité du voyage, pour déterminer surtout si un voyage en Inde serait possible ou
non avec les caravelles que Colomb avait demandées. La recherche fut entreprise par
Toscanelli, le célèbre mathématicien de Florence. Toscanelli estima la circonférence
de la Terre à 39.400 kilomètres (à peine 675km de moins que le calcul actuel de
40.075km), et sur cette base il évalua la faisabilité des plans de Colomb. Étant donné
les possibilités navales du Portugal, il conclut que le projet était impossible. La
première raison étant que la capacité de charge pour la caravelle était trop petite pour
50 Jong-ho Lee, Les sept merveilles de la Corée, 275.
75

transporter des provisions suffisantes pour un long voyage jusqu'en Inde. Toscanelli
ajouta que le projet pourrait être possible si les bateaux pouvaient se réapprovisionner
en route (par exemple en faisant plusieurs escales dans des îles). C'est en fait ce que
Colomb fera en réalité, mais, à ce moment-là, rien ne garantissait que de telles îles
allaient apparaître.
En apprenant les conclusions du rapport de Toscanelli, le roi du Portugal rejeta la
proposition de Colomb. Ce n'est que lorsque Colomb reçut l'appui de la cour
d'Espagne qu'il put finalement lever l'ancre. Au soir du 3 août 1492, Colomb partit du
port espagnol de Palos de la Frontera, avec la Santa Maria, la Pinta et la Niña, et un
équipage de 120 marins. Pour découvrir une nouvelle route vers l'Inde, le plus long
voyage jamais tenté jusqu'alors, Colomb partit avec les plus grands navires existant en
ce temps-là. Le bateau amiral, la Santa Maria, était un navire de 150 tonnes. La Pinta
et la Niña faisaient 60 et 50 tonnes respectivement. 51
Vu dans ce contexte, il devient plus facile d'apprécier la prouesse des constructeurs
maritimes de Koryo, qui, en 1268, réussirent à construire, en quatre mois, 300 navires
pesant entre 400 et 500 tonnes.
51 Ibid., 278-279.
76

36. Singijeon : Roquette d'artillerie du 15ème siècle
Il existe des documents affirmant que la poudre à canon fut en usage en Corée dès le
7ème siècle. Choi Mu-son, l'inventeur de l'artillerie navale, développa 18 types
différents d'armes à feu, comprenant une flèche à auto propulsion nommée chuhwa
qui deviendra plus tard, au 15ème siècle, une roquette nommée singijeon, qui
explosait sur son point d'impact, et donna à la Corée des victoires décisives dans la
guerre contre l'invasion japonaise. Roquette essentiellement à deux étages, le
singijeon pouvait avoir trois tailles. Le plus grand faisait 5,3m de long et fut, jusqu'au
milieu du 19ème siècle, la plus grande roquette du monde.
Les armes à feu utilisant la poudre ont été utilisées en Corée bien plus tôt qu'on
ne le croit habituellement. Préalables pour un commandant en chef militaire,
manuel de guerre publié vers la fin de la période Choson (1392~1910), explique
les principes des explosifs et donne un compte rendu sur les anciennes armes à
poudre nommées chung-jon-roe et hwa-roe-po. Les experts ont rattaché ces armes
à la période des Trois Royaumes (57 avant J.C.~668). Dans l'Histoire des Trois
Royaumes, aussi, il est dit que l'armée de Silla avait utilisé la 'poudre noire' contre
Koguryo, à la bataille de la forteresse de Pukhansan en 601. 52
Pendant la dynastie Koryo (918~1392) alors que les guerres contre les tribus
nomades des Kitans, des Jurchens, des Mongols et contre les pirates wakos, étaient
très fréquentes, beaucoup de nouvelles armes ont été développées. La poudre à
canon et la technologie de l'artillerie qui en découle firent un grand pas en avant
et aidèrent à assurer la sécurité de la Corée. Ce développement prit un nouvel essor
à la fin du 14ème siècle, lorsque les armes utilisant la poudre à canon servirent à
52 La poudre à canon passe pour avoir été inventée en Chine au 8ème siècle. Cependant, se basant
sur la bataille de la forteresse de Pukhansan, certains chercheurs affirment que les armes à feu
utilisant le salpêtre étaient en usage en Corée, un siècle auparavant.
77

Singijeon de grande et de moyenne taille
repousser les attaques incessantes des pirates wakos qui ravageaient la nation.
Parmi les 18 différentes sortes d'armes à feu développées par Choi Mu-son, il y
en avait une, nommée chuhwa, mot qui signifie ''le feu qui court''. C'était une
flèche à propulsion, basée sur les mêmes principes que les roquettes modernes. Le
chuhwa dont la production se poursuivit pendant la dynastie du Nouveau Choson,
et au 15ème siècle, trouva une nouvelle vie sous la forme d'une roquette puissante
appelée singijeon. A la différence des autres armes à feu d'alors, il produisait dans
les airs un bruit assourdissant et rejetait beaucoup de fumée et de feu. Il explosait
automatiquement quand il atteignait son but, il répandait la terreur dans les cœurs
des ennemis. De nouvelles armes comme le singijeon jouèrent un rôle pivot dans la
bataille de Haengju, l'une des trois importantes batailles de la guerre Imjin
(1592~1598) au cours de laquelle 2.800 Coréens vainquirent une armée forte de
30.000 soldats japonais.
Le Singijeon consistait en une flèche qui formait le corps de la roquette, un tube
à ignition, transportant la charge explosive, et un tube contenant le produit
propulseur. Le tube à ignition et le tube propulseur étaient attachés à la flèche. Lors
de la mise à feu, la flèche était propulsée par le tube propulseur, et ensuite par le
tube à ignition, tout à fait comme une fusée à deux étages. La roquette explosait
quand elle atteignait la cible ennemie. Sa portée était de 1.000 mètres.
78

Le singijeon était fabriqué en trois différentes tailles: grande, moyenne et petite.
Les plus grandes s'appelaient tae-singijeon, énormes roquettes mesurant 5,3m de
longueur. Propulsé par un tube contenant le carburant (69,5cm de long, 95,5cm de
diamètre), la charge explosive était contenue dans le tube à ignition (22,8cm de
long, 7,46cm de diamètre), et explosait à son impact pour neutraliser l'ennemi. Le
singijeon était plus grand que la roquette de 32 livres développée par Sir William
Congreve, en 1806 (4,6m de longueur). Des roquettes comparables au singijeon ne
devaient pas voir le jour avant la deuxième moitié du 19ème siècle. Pendant plus
de 300 ans à compter de son invention en 1448, le singijeon fut la roquette la plus
grande et la plus puissante au monde. 53
Ironiquement, les détails techniques du singijeon étaient restés inconnus, jusqu'à
une époque très récente. Même si les historiens coréens en connaissaient les
croquis qui avaient été tracés dans un appendice au Kukjo Orye Sorye (1474), on
ne pouvait pas savoir à quoi se référaient ces dessins, jusqu'en 1975, lorsque Chae
Yeon-suk, ancien président de l'Institut de recherches aérospatiales de Corée,
confirma qu'il s'agissait des plans perdus du singijeon. L'appendice donne des
détails sur la longueur des matériaux de bois utilisés, avec une précision de 0,3mm.
C'est l'un des documents les plus frappants, qui montre à l'évidence l'avancée des
sciences dans la Corée du 15ème siècle.
53 Jooug-yang Moon, Voyage dans l'histoire de la science coréenne (Séoul: Livres de l'Asie de
l'Est, 2006), 207-209.
79

37. Hwacha : lanceur mobile de roquettes multiples
Le lanceur hwacha était capable de tirer 100 roquettes singijeon en une seule fois. La
plate-forme mobile sur laquelle il était monté se manœuvrait facilement. Elle était
placée au-dessus des roues afin de permettre de tirer d'une position plus élevée.
Conçu et produit par le fils de Choi Mu-son, ce lanceur fut plus tard amélioré, sous le
règne de Munjong. On y ajouta des éléments défensifs et d'autres aménagements
successifs tout au long de la période Choson, lui permettant une rotation de 360° et
des tirs d'autres projectiles comme des boulets de canon.
La puissance de la roquette singijeon du 15ème siècle, fut encore améliorée grâce au
lanceur hwacha, un engin d'une efficacité absolue qui pouvait lancer 100 roquettes
singijeon d'une seule volée. Selon le Kukjo Orye Sorye (1474), le lanceur consistait en
cent prismes rectangulaires aménagés sur sept rangées. Les prismes avaient 56mm de
largeur et 234mm de longueur et chacun contenait un trou cylindrique de 47mm de
diamètre. Chacun de ces cent trous était chargé de singijeon de taille moyenne ou
petite. En connectant ensemble les fusées des singijeon, le lanceur hwacha était
capable de tirer une salve entière de projectiles avec une seule mise à feu, système tout
à fait révolutionnaire pour cette époque.
Le premier hwacha fut fabriqué par Choi Hae-son, le fils de Choi Mu-son. Mais une
version plus robuste et plus performante fut plus tard développée par le roi Munjong,
en 1451. Cette version distincte du hwacha de Mujong, telle qu'elle se trouve
documentée dans les Annales, avait des boucliers installés sur chaque côté pour
protéger les artilleurs. Des plaques de cuivre étaient placées sur la rampe de lancement
des singijeons par mesure de précaution contre le risque d'incendie.
La plate-forme amovible qui servait à transporter le hwacha avait une structure
singulière. Normalement, une plate-forme est placée immédiatement au-dessus de l'axe
des roues. Mais dans le hwacha de Munjong, elle se trouve plus élevée que les roues
(voir la photo). Cela permettait un angle de tir plus élevé. L'angle de tir du hwacha
80

Réplique de hwacha
Mémorial de la Guerre, Séoul
pouvait atteindre 45°, angle idéal pour les armes à base de poudre à canon.
La plate-forme hwacha n'avait que deux roues, et comme elle n'était pas très large,
elle bénéficiait d'une plus grande mobilité. D'après le Sillok (Annales royales), deux
personnes seulement pouvaient la déplacer facilement sur sol plat, et quatre personnes
pouvaient la manœuvrer sur n'importe quelle sorte de terrain. C'était donc là, le
premier lanceur au monde monté sur véhicule mobile. 54
Le hwacha était particulièrement utile pour briser les formations ennemies et les
lignes de siège. En 1492, il joua un rôle capital en repoussant une invasion venue du
nord. Ses pleines possibilités se sont révélées pendant la guerre Imjin (1592~1598)
54 Jooug-yang Moon, Voyage dans l'histoire de la science coréenne, 213.
81

quand le général Kwon Yul déploya, dit-on, 300 lanceurs hwacha pour défendre la
forteresse de Haengju.
Le hwacha poursuivit son évolution, et le Kosa Sinso, publié en 1771, donne un
compte rendu d'une version plus développée du véhicule du lanceur. Construit en
planches de pin et de la forme d'une large caisse, des sabres sortaient de l'intérieur
quand le véhicule était en mouvement et rentraient à l'intérieur lorsqu'il restait
immobile. Cette version du hwacha avait une plate-forme montée sur trois roues, et
tirait à la fois des boulets de canon et des bombes. Grâce à un point pivot,
spécialement conçu, le canon était capable de tourner librement dans toutes les
directions. Le fût du canon pouvait donc accomplir une rotation de 360°, comme la
tourelle d'un tank, et pouvait aussi être fixé à un certain angle de hausse de façon à
offrir un meilleur contrôle de la trajectoire du missile.
82

38. Le premier obus explosif au monde
Lancé dans les camps et les formations ennemis, utilisant le mortier wangu, le pigyok
chincholloe fut le premier engin explosif à retardement au monde. Cette bombe fut
fabriquée par Yi Chang-son pendant la guerre Imjin, au 16ème siècle et utilisée avec
grande efficacité par les commandants de Choson. Ces bombes infligèrent de grands
dommages et répandirent la terreur dans les rangs des ennemis qui pensaient que
des forces surnaturelles étaient en action. Le détonateur était un cylindre de bambou
avec une mèche enroulée en spirale. La longueur de la mèche déterminait le délai
avant l'explosion.
Les projectiles utilisés par les canons de la première génération, en Orient comme
en Occident, n'explosaient pas à leur impact. Car ils ne possédaient pas de technologie
pouvant retarder leur explosion jusqu' à ce qu'ils atteignent le camp ennemi. C'étaient
en général des projectiles compacts. Comme ces engins ne pouvaient pas exploser, on
les utilisait uniquement pour causer des dommages par l'effet de leur simple puissance.
Inventé par Yi Chang-son, spécialiste en artillerie, pendant la guerre Injin
(1592~1598), le pigyok chincholloe (ce qui signifie ʺsecouer le ciel de tonnerre et
d'éclairsʺ) a été le premier mortier au monde, obus explosif tiré par un canon. Dans
l'ouvrage Précautions pour l'avenir, écrit par le Premier ministre Yu Song-nyong, aux
lendemains de la guerre, se trouve un compte rendu détaillé sur la façon dont la
forteresse de Kyongju fut reprise grâce à l'utilisation de cette bombe.
Avec 10.000 soldats de l'Armée de la Province Gauche, le général Park
Chin s'avança jusqu'à parvenir à la porte de la forteresse de Kyongju. Les
ennemis, cependant, sortirent secrètement par la porte nord et lancèrent
une attaque surprise par l'arrière. Le général n'avait pas d'autre choix que
de faire retraite vers Angang. La même nuit, Park Chin avança encore vers
la forteresse et, cachant ses troupes près de la porte du fort, il fit tirer le
83

A gauche: Pigyok chincholloe, 16ème siècle, Mémorial de la Guerre
A droite: coupe du pigyok chincholloe
pigyok chincholloe à l'intérieur des murailles. La bombe atterrit sur le sol,
devant la tente des ennemis. Ne sachant pas de quoi il s'agissait, les soldats
ennemis se précipitèrent en avant pour regarder de plus près. Quelques
instants plus tard, la bombe explosa. Il y eut un énorme bruit, et l'explosion
secoua la terre, et des éclats métalliques se répandirent dans toues les
directions. Trente soldats furent tués sur le coup, et beaucoup s'évanouirent
sous le choc. Lorsque les survivants reprirent leurs esprits, encore incapables
de comprendre comment cela était arrivé, ils s'exclamèrent que c'était
l'intervention des mauvais Esprits. Au matin suivant, l'ennemi abandonna la
forteresse et s'enfuit jusqu'au port de Sosaeng. 55
En août de l'année suivante, les forces japonaises mirent à nouveau le siège devant
55 Song-nyong Yu, Précautions pour l'avenir (Kor: Chingbirok), traduit par Jae-ho Lee (Séoul:
Wisdom House, 2007), 191- 192.
84

Mortier wangu de taille moyenne, Mémorial de la Guerre, Corée
la forteresse mais furent encore incapables de soutenir la puissance de feu du pigyok
chincholloe et firent retraite. Les applications de la guerre, publié au Japon, fait le
commentaire suivant au sujet de la puissance de la bombe:
Pendant la guerre Imjin, l'armée coréenne utilisa intensivement des canons
qui projetaient des explosifs sur nous et infligèrent de gros dégâts. En ce
temps-là, notre armée avait très peu d'expérience des canons et nous ne
pouvions pas égaler l'ennemi.
Dans ce texte, le terme ''explosifs'' fait référence au pigyok chincholloe et ''canons'' au
mortier wangu. 56 Le pigyok chincholloe était tiré en utilisant le tae-wangu, le plus
56 Jong-ho Lee, L'héritage culturel coréen le plus grand au monde, 180-181.
85

gros mortier, dont le Sillok de Choson affirme qu'il avait une portée de 500 à 600 pas.
Il tirait aussi d'autres sortes de projectiles comme des pierres ou des boules de métal.
On l'utilisait pour détruire les murailles des forteresses ou pour attaquer un ennemi se
protégeant derrière une barrière.
De forme sphérique et pesant environ 12kg, le pigyok chincholloe était fondu en
utilisant du saumon de fonte. On plaçait, à l'intérieur, de la poudre et des fragments
métalliques. Le système de mise à feu était différent de celui des bombes ordinaires.
Il consistait en un cylindre de bambou avec des sillons creusés en spirale et la mèche
du détonateur était enroulée dans ces dentelures. Le délai avant la détonation était
déterminé par la longueur de la mèche. La mèche était enroulée dix fois pour une
explosion rapide, et 15 fois si un délai plus grand était requis. Le pigyok chincholloe
est actuellement exposé dans de nombreux musées y compris le Musée de l'université
Yonsei, le Musée national de Chinju et le Mémorial coréen de la Guerre.
86

39. Kobukson ou le ''bateau tortue''
Cuirassé de fer, le ''bateau tortue'' gagna de nombreuses batailles sur mer, contre des
navires ennemis en très grand nombre, grâce à une puissance de feu supérieure et à
ses avantages structurels. Le toit était recouvert de piques de fer pour empêcher
l'ennemi de monter à l'abordage. Des canons étaient placés à chaque angle du
bateau et la tête du dragon rejetait de la fumée pour couvrir la manœuvre ou pour
faire diversion. Le bateau était bien conçu pour l'utilisation des rames et était plus
robuste que les navires ennemis grâce à sa charpente de pin rouge et l'utilisation de
chevilles de bois qui gonflaient lorsqu'elles absorbaient l'eau de mer. Sa structure
intégralement consolidée lui permettait de transporter des canons plus lourds que
ceux des ennemis, avec une portée plus longue. Comme dans d'autres traditions
coréennes, l'innovation sur mer s'est maintenue jusqu'aux temps modernes, avec les
chantiers navals de Corée qui dominent actuellement le marché mondial, à la fois en
termes de construction de vaisseaux et également en techniques de construction
navales comme les docks flottants ou les docks en cales sèches.
Le kobukson, ou Bateau tortue, fut le premier bateau de guerre cuirassé de fer. Il fut
achevé et utilisé pour la première fois par l'amiral Yi Sun-sin, au 16ème siècle. Grâce à
ses exceptionnelles capacités et à sa puissance de feu, il joua un rôle actif dans presque
toutes les batailles sur mer de la guerre Imjin (1592~ 1598). Capable de charger et de
briser les formations navales de l'ennemi, coulant les navires en un moment, le
kobukson fut un véritable char d'assaut sur mer.
La proue du kobukson avait la forme de la tête d'un dragon et sa poupe était comme
la queue d'une tortue. A l'intérieur du navire se superposaient trois ponts. Le pont
inférieur était utilisé pour l'entrepôt des marchandises, le pont intermédiaire pour les
rameurs, et sur le pont supérieur se trouvaient les canons. Le bateau était conçu de
façon à ce que l'équipage puisse voir ce qui se passait à l'extérieur tout en restant
invisibles pour l'ennemi.
87

Réplique de kobukson, Mémorial de la guerre, Séoul
Des plaques de fer recouvraient les planches de bois qui formaient le toit du
kobukson. Des piques d'acier étaient alors fixées sur le toit et on les recouvrait de
paille. Lorsque les ennemis se lançaient à l'abordage, ils s'empalaient sur les piques
cachées sous la paille.
A la différence des autres navires de guerre, le kobukson possédait des canons non
seulement sur les côtés mais aussi à la proue et à la poupe, lui accordant une souplesse
sans précédent quand à l'étendue et à la précision de son tir. La tête du dragon était
88

conçue pour projeter des flèches enflammées et des boulets de canon, et également des
gaz sulfureux et des nuages de fumée qui permettaient aux bateaux coréens de
camoufler leurs manœuvres tactiques.
Un peu au-dessous de la proue s'avançait un éperon à tête de gargouille, utilisé
comme instrument pour charger, et servait, tout comme la tête du dragon, à la
technique spéciale de charge du kobukson. Lorsque la gargouille éventrait la coque
d'un navire, la tête du dragon projetait des boulets de canon dans la brèche au moment
où le navire reculait. La gargouille avait un autre avantage. Elle améliorait les
performances hydrodynamiques en fendant les vagues lorsque le navire était en pleine
course, augmentant par là sa vitesse de charge. 57
Les caractéristiques plus avancées du kobukson en faisait un bateau
particulièrement aisé à manœuvrer pour l'exécution de la tactique. Premièrement, il
était construit à partir de poutres de pin rouge, dont la densité relative est de 0,75, bien
plus élevée que celle des poutres habituellement utilisées (0,41-0,47). Deuxièmement,
on utilisait des chevilles de bois dans la construction des kobuksons. A la différence
des clous métalliques qui rouillent très rapidement, les chevilles de bois augmentent de
volume quand elles absorbent l'eau, et les joints s'en trouvent renforcés avec le temps.
Le kobukson fut construit sur ce principe de consolidation par expansion : des poutres
de renforcement étaient ajustées au plafond au moyen d'un système d'échancrures sur
mesure qui les fixaient ensemble, et rendaient ainsi l'ensemble de la structure du navire
plus solide et plus résistante.
Les bateaux japonais, faits d'un bois de densité plus faible, étaient légers et rapides,
mais le bois était moins apte à résister au recul des canons et, par là même, limitait le
nombre d'armes lourdes qui pouvait être transportées dans le navire. En conséquence,
les Japonais préféraient utiliser les mousquets dont la portée ne dépassait pas 200
mètres. Le kobukson, au contraire, était capable de transporter à son bord toute une
panoplie de canons, y compris des canons à longue portée, comme le Chon (Ciel), dont
la portée dépassait 500 mètres, le Chi (Terre), son compagnon légèrement plus petit,
de 350 mètres de portée, et le Sung (Victoire), canon mobile de 200 mètres de portée.
Des répliques de kobuksons sont exposées dans plusieurs musées nationaux, comme
57 Tae-hoon Kim, Les deux visages de Yi Sun-sin (Séoul: Changhae, 2004), 117-118.
89

le Musée de la Guerre, et aussi dans d'autres musées de par le monde : le Musée de la
Guerre de Washington D.C., aux États Unis, et dans beaucoup d'autres pays, dont la
Chine, le Japon, l'Allemagne, la France et le Canada.
En droite ligne avec cette tradition d'innovation sur mer, les Coréens sont à l'avant-
garde, dans le monde, de l'industrie de construction navale du 21ème siècle. D'après un
rapport réalisé en février 2006 par Charkson Research Studies, les constructeurs navals
coréens occupent les sept premières places dans une liste de compagnies mondiales
de constructeurs maritimes, à la fois en termes de commandes et d'options retenues.
Ces sept compagnies coréennes ont pris 40% du marché mondial, et plus de 70% du
marché des bateaux à haute valeur ajoutée, soit les bateaux qui utilisent une
technologie de réduction des marges, comme les porte-conteneurs géants de la classe
des 10.000 TEU (équivalent vingt pieds), des unités flottantes de stockage, de
production et de déchargement (FPSO) et des méthaniers.
En août 2005, la Nouvelle-Orléans fut dévastée par le cyclone Katrina. La ville,
cependant, put recevoir l'énergie dont elle avait besoin pour se remettre, grâce à un
méthanier nommé LNG-RV (Bateau de re-gazéification) fabriqué par une compagnie
coréenne, les Constructions navales Daewoo. A la différence des autres méthaniers qui
transportent le gaz sous forme liquide, Le méthanier LNG-RV de Daewoo, était équipé
d'un système qui convertissait immédiatement le liquide en gaz, à l'intérieur même du
bateau, ce qui signifiait qu'il était prêt à l'utilisation sans passer par une infrastructure
installée à terre.
Il y a plusieurs années, Samsung Industries Lourdes mit au point, pour les régions
polaires, le premier brise-glaces opérant dans les deux directions, vers l'avant et vers
l'arrière. Ce bateau permit de frayer un passage à travers la glace qui couvre la région
du Pôle Nord, tout en emportant du fret en même temps. Cela évitait d'utiliser deux
navires séparés. Même dans des situations extrêmes, par des températures de – 45ºC, il
réussit non seulement à couper à travers un champ de glace d'une épaisseur de 1,57m,
mais il put aussi tourner à 360 degrés.
La Corée, petit pays avec peu de ressources naturelles, stimule l'esprit créatif de ses
habitants. Les compagnies de constructions navales de Corée peuvent construire des
navires sur l'eau, sans avoir recours aux cales sèches. A un moment, sous pression à
cause de commandes excessives, Samsung Industries Lourdes manquait de place en
90

Bateau construit sur terre par Hyundai Industries Lourdes
cale sèche. Au terme d'une planification rigoureuse, fut développé le premier dock
flottant de grande envergure. Les énormes blocs de construction du navire furent
assemblés à la surface d'une barge spéciale, et lorsque le bateau fut complètement
construit, la barge fut coulée laissant le bateau à flot. Cette méthode de cale flottante
permit à Samsung d'échapper aux problèmes du frottement bord contre bord qui
normalement gêne le processus de soudage en mer.
91

Hyundai Industries lourdes, le plus grand constructeur naval du monde, lance un
nouveau navire à peu près tous les cinq jours – certains ont jusqu'à 15 niveaux et sont
aussi longs que trois stades de football. Hyundai Industries lourdes a été le premier à
construire un bateau sur terre, ce qui, affirme-t-il, a été une véritable percée. Cette
méthode de ʺconstruction sur terreʺ a libéré les bateaux des contraintes serrées de la
cale sèche, en leur permettant d'être assemblés en sections plus importantes en une
seule fois. Lorsque le bateau est terminé, il est transporté sur rails et mis à la mer sur
une barge. Si le développement de telles technologies innovatrices se poursuit,
l'industrie de construction navale en Corée gardera sans aucun doute son leadership
mondial.
92

40. Le Chugugi : le premier pluviomètre au monde
Le chugugi achevé en 1442, fut le premier pluviomètre au monde et n'a pas encore
été dépassé par la science moderne. Il permit de relever les mesures précises des
pluies tombées sur tout le pays tout au long d'une période de 400 ans. La construction
de pluviomètres était la conséquence des valeurs confucianistes de la Corée qui
encourageaient la compréhension de la nature, mais c'était aussi des instruments
utiles pour les besoins de l'agriculture. L'invention du chugugi est attribuée par erreur
à la Chine, à cause de l'utilisation du système de datation chinois sur une inscription
dans un modèle existant. Bien que les textes officiels de Chine et de Corée montrent
que c'était une invention coréenne, cela n'est pas actuellement reconnu dans les
manuels scolaires modernes qui font mention de ce pluviomètre.
Le 18 août 1441, un nouveau système de mesure des pluies a été inventé en Corée,
tournant capital pour l'histoire de la météorologie. Conçu par le fils aîné du roi Sejong,
Munjong, et développé en collaboration avec d'autres scientifiques, le premier
pluviomètre au monde reste encore inégalé par les instruments scientifiques modernes.
Des essais du pluviomètre réalisés en 1441 révélèrent un certain nombre
d'imprécisions du prototype. On y apporta des corrections et le modèle final fut achevé
le 8 mai de l'année suivante. Le pluviomètre étalonné à nouveau (31,9cm de hauteur
sur 14,9cm de diamètre) reçut le nom officiel de chugugi. On le distribua aux autorités
locales, à travers tout le pays, accompagné d'un manuel de mode d'emploi. Les
spécifications techniques de ce pluviomètre de 1442 étaient les suivantes :
(1) Le pluviomètre nommé 'chugugi' est fabriqué en fer.
(2) Haut de 1 cha 5 chi [31,9cm] son diamètre est de 7 chi [14,9cm].
(3) Les mesures doivent être prises quand la pluie a cessé.
(4) La règle du chuchok mesure le niveau de l'eau.
(5) La date et le moment de la chute de pluie doivent être enregistrés en
93

précisant le début et la fin de la pluie.
(6) Le niveau de l'eau doit être mesuré avec précision en cha (303 mm) en chi
(30,3mm) et en pun (3,03mm).
Le relevé de la chute de pluie était alors transmise de la façon prescrite, en précisant
le mois, le lieu, le moment de la journée et le type de pluie. 58 Le niveau de l'eau était
aussi enregistré de façon prescrite. Avec l'invention du chugugi, les scientifiques du
roi Sejong avaient découvert un moyen de mesurer de façon quantitative un
phénomène naturel grâce à une instrumentation scientifique. Grâce à l'établissement de
ces relevés de mesures pluviométriques, des données météorologiques ont pu être
rassemblées dans le pays tout entier pendant plus de 400 ans.
Les experts scientifiques du roi Sejong entreprirent aussi de mesurer le vent grâce à
un anémomètre spécialement conçu. Il fonctionnait au moyen d'une étoffe en forme de
drapeau qui indiquait la direction et la vitesse du vent. Dans la première moitié du
15ème siècle, aucune autre nation ne relevait les conditions atmosphériques avec
précision à une échelle nationale.
L'invention du Chugugi est née, pour une part, de l'idéal confucianiste de la dynastie
Chosun qui incitait à vivre en harmonie avec la nature. Mais ce fut aussi le résultat des
efforts du gouvernement pour favoriser une meilleure politique agricole.
Le Chugugi a été conçu uniquement par les seuls experts scientifiques du roi
Sejong. Cependant l'invention est aujourd'hui attribuée de façon erronée à la Chine.
Les pluviomètres fabriqués pendant le règne de Sejong ont tous été perdus pendant la
guerre Imjin (1592~1598), et les quelques exemplaires qui subsistent sont du 18ème
siècle. C'est de là qu'a commencé la confusion.
C'est en 1910 que le monde a pris connaissance du chugugi, lorsque un savant
japonais nommé Wada Yuji (1859~1918), prenant conscience de son importance,
introduisit la meilleure photographie qu'il eût trouvée d'un pluviomètre dans une
dissertation sur les observations météorologiques coréennes. Il dirigeait, à ce moment-
58 Les types de pluie étaient classés en 8 catégories : petite pluie (미우); pluie fine (세우); pluie
légère (소우); pluie modérée (하우); pluie causant des dégâts (쇄우); pluie continue (취우); grosse
pluie (대우); pluie torrentielle (폭우).
94

Un exemplaire de chugugi de 1770
là, une station météorologique à Chemulpo, en Corée. Diplômé en physique de
l'université de Tokyo et fonctionnaire pour la météorologie au Ministère de l'intérieur
du Japon, Wada Yuji avait fait ses études de météorologie en France, de juillet 1889 à
mars 1891. Écrit en français, son article était intitulé ''le pluviomètre du 15ème siècle,
Corée'' et fut envoyé à ses connaissances académiques en France. Voilà comment le
chugugi fut connu en Europe. 59
En 1911, l'article fut publié dans le numéro de janvier de la revue scientifique
britannique Nature, et la même année, une traduction en anglais parut dans le n° 37 du
Quarterly Journal of the Royal Meteorological Society. Bien que le chugugi eût été
porté à l'attention du monde, la photographie, sur l'article original était celle d'un
59 Song-rae Pak, “Comment le Chugugi est devenu une invention chinoise,” Histoire pour demain
18, (2004): 98-110.
95

modèle de 1770. C'est encore la photographie du chugugi la plus largement utilisée
dans les publications actuelles. Elle porte l'inscription : ''Konryung Kyonjin Owoljo''.
Lorsque les experts chinois virent la photographie, ils pensèrent naturellement que
le pluviomètre avait son origine en Chine et qu'il avait été envoyé en Corée.
''Konryung'' dans l'inscription renvoie à la dynastie Ching, et ''Kyongin Owoljo''
signifie qu'il avait été fabriqué au 5ème mois de l'année Kyongin (1770). Ignorant que
les Coréens utilisaient également les dynasties chinoises comme les dynasties
coréennes pour se référer aux périodes spécifiques du temps, les érudits chinois en
conclurent que l'appareil était d'origine chinoise. En conséquence, les manuels de
Chine et de Taïwan présentent, aujourd'hui, le chugugi de Sejong comme étant une
invention chinoise, et ce point de vue est accepté par les experts occidentaux.
Il n'y a pas de référence au chugugi dans la litterature chisoise, pas plus qu'il n'y a
d'évidence historique de l'usage d'un tel instrument, en Chine, pour mesurer les chutes
de pluie. Dans les Annales royales de la dynastie Choson, on trouve un document très
clair indiquant comment le chugugi fut conçu par Munjong, fils de Sejong, pendant la
période allant de mai 1441 à juin 1442, et comment les exemplaires en furent
distribués par le gouvernement dans chaque province. Pour l'heure, cependant,
l'histoire du chugugi reste inchangée.
96

41. La forteresse Hwaseong à Suwon
La forteresse Hwaseong considérée par l'UNESCO comme l'exemple même de
l'architecture militaire, a été construite par Chong Yak-yong, en 1796. Comprenant 48
bâtiments, le complexe de la forteresse fut conçu avec le plus grand soin. C'est un
ouvrage esthétiquement beau, mais de surcroît, il comprend de nombreuses
caractéristiques défensives, telles que les fortifications osongji et chi. Ses murs bas
reflètent le passage à la guerre d'artillerie et permettent, tout autour de leur périmètre,
un barrage protecteur d'artillerie. Hwaseong est aussi un site d'une grande
signification historique. Le roi Chongjo y fit les plans de la nouvelle cité de Suwon, et
sa construction fut très importante en tant que premier projet national entrepris avec
des salaires basés sur la performance au travail et non sur le recours au travail
forcé. Des détails des plans de la forteresse et du processus de construction des
bâtiments ont été décrits avec minutie dans les documents Uigwe, ce qui a permis de
reconstruire parfaitement la forteresse après sa destruction pendant la guerre de
Corée.
En entrant dans la cité de Suwon, capitale de la province de Kyonggi, nous font
immédiatement face la haute porte de Changan et le long mur de la forteresse qui
s'étend dans les deux directions. La forteresse de Hwaseong (la forteresse éclatante) a
été désignée par l'UNESCO, en 1997, comme site du Patrimoine de l'humanité, à cause
de sa signification historique et de son style architectural unique.
Exemple parfait de l'architecture militaire en Asie
La forteresse Hwaseong de Suwon fut achevée en 1796 sous le règne du roi
Chongjo de la dynastie Choson. L'architecte en chef fut Chong Yak-yong, un
97

fonctionnaire lettré de renom et leader du mouvement ''Étude pratique'' (silhak) 60 . En
construisant la forteresse, il se servit à la fois des outils de construction et des matériels
de l'Occident et de l'Orient comme les grues, les briques et les poulies, et fit donc une
forteresse distincte des autres forteresses de l'Est.
La forteresse Hwaseong comprend 48 bâtiments et structures au total, y compris
quatre portes qui étaient autrefois les voies d'accès à la cité de Suwon. Le mur de la
forteresse a une longueur de 5,7km et atteint par endroits, une hauteur de sept mètres.
Le mur semble très bas en comparaison avec les murs des autres forteresses ou
châteaux forts qui, en général, atteignent les 15 ou 20 mètres de hauteur. Pourquoi
donc les architectes de Hwaseong ont-ils gardé les murs à un niveau aussi bas ?
Dans les temps anciens, l'ascension des murs des châteaux ennemis était chose
commune à toute guerre. La hauteur des murs était donc très importante et pouvait en
conséquence déterminer l'issue d'une bataille. Mais l'introduction de l'artillerie a
radicalement changé le problème. A mesure que les canons gagnaient en importance
sur le champ de bataille, les hautes murailles devenaient moins avantageuses, car
lorsque la partie inférieure était endommagée par les tirs de canons, tout l'ensemble
risquait de s'écrouler.
Pour pallier à la faible élévation des murs, les architectes de Hwaseong utilisèrent
des pierres de grande taille pour réaliser des murs plus solides et plus épais. D'autre
part, des rivets de 1,5m. de longueur étaient insérés à différents endroits pour
maintenir les pierres ensemble et pour renforcer ainsi la cohésion structurelle du mur.
La forteresse fut aussi construite avec un mélange approprié de pierres et de briques.
Bien que la pierre soit plus dure que la brique, lorsqu'une pierre est endommagée par
un tir d'artillerie, les pierres voisines sont aussi disjointes, alors que dans un mur de
briques, le dommage se limite à un endroit très immédiat. La structure de base de la
forteresse fut donc faite en pierres, alors que les briques étaient utilisées pour des
parties de plus grande importance stratégique, les coins, par exemple, et les parties du
mur qui avoisinaient immédiatement les portes.
Il n'y a pas deux bâtiments de la forteresse qui soient semblables, et une beauté
60 Le mouvement silhak s'opposait au formalisme strict du confucianisme traditionnel ainsi qu'aux
préoccupations métaphysiques sans cesse grandissantes de ses défenseurs. Ce mouvement mettait
l'accent sur les études pratiques de la science et de la technologie.
98

Les portes Changan (en haut) et Paldal (en bas)
Les représentations à droite sont celles du Uigwe de la forteresse Hwaseong.
particulière émane de chacun d'eux. Il ne s'agit pas simplement d'une question
d'esthétique, mais de la beauté créée par un esprit scientifique qui a considéré avec
soin les positions et les objectifs de chacun des bâtiments. Les quatre portes
principales de Hwaseong, par exemple, sont abritées par des murs semi-circulaires
appelés ongsung. Ils tenaient le rôle d'une barbacane pour protéger les portes, point
faible de la défense et première cible de toute attaque. Ce dispositif ongsung rendait
très difficile un assaut direct contre les postes de garde, et même si l'ennemi faisait des
brèches dans les murs, il se trouvait entouré de toutes parts et vulnérable à une attaque.
Mis à part les ongsung, d'autres aménagements défensifs contribuaient à la défense
de la forteresse. Les portes Paldal, au sud, et Changan, au nord, sont toutes deux
flanquées par deux tours tenues par des soldats afin d'offrir une protection
supplémentaire. Si les portes prenaient feu le osongji se mettait rapidement en action
99

Kongsimdon
Plans de kongsimdon tirés des documents Uigwe de la forteresse Hwaseong (1801)
100

Installation apparentée à une bouche d'incendie. Posé au-dessus des portes, il projetait
de l'eau par cinq trous reliés à un réservoir d'eau.
Tout en étant très bien défendue, la forteresse Hwaseong était aussi capable de
lancer de puissantes actions offensives, avec un total de 2.700 meurtrières, munies
d'ouvertures à la base, d'où on pouvait déverser de l'eau bouillante ou des eaux de
vidanges pour décourager les tentatives d'escalade.
Le Kongsimdon est le bâtiment de cette forteresse dont la forme est la plus
inhabituelle. Bâti en briques, de forme circulaire, il a un couloir en spirale qui conduit
au sommet. Il possède aussi plusieurs dizaines de meurtrières, placées dans des
endroits variés et permettant aux tireurs de se tenir facilement cachés et de pointer
dans n'importe quelle direction.
Là où le mur était en ligne droite, la défense était renforcée par l'installation d'un
Chi. Il s'agit là d'une technique de fortification traditionnelle en Corée qui date de la
période Koguryo. Le Chi est une structure qui ressort des côtés des murs et qui permet
aux soldats d'attaquer l'ennemi sous des angles différents. On l'utilisait donc chaque
101
fois que les murailles étaient en ligne
droite.
La distance qui séparait les
installations de Chis était calculée avec
soin. L'écart entre deux Chis était de 130
pas. Considérant que la portée maximale
d'une arme à feu, à cette époque, était de
cent pas, ils permettaient de couvrir de
chaque côté une distance chevauchant de
70 pas. Les endroits hors de protée
étaient donc réduits et la défense s'en
trouvait renforcée en proportion. Si on
fait le schéma des endroits de la
forteresse Hwaseong se trouvant sous la
protection de toutes ces installations
défensives, on s'aperçoit qu'il y a deux
où trois couches protectrices superposées

autour du périmètre de la forteresse, ce qui éliminait tous les points hors de protée. La
forteresse Hwaseong à Suwon était une installation véritablement imprenable qui ne
permettait à aucun ennemi de s'avancer sans être repéré et sans être exposé.
Le Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) a déclaré que
''Hwaseung avait une signification historique unique, en tant que construction
combinant des caractéristiques de forteresse à la fois européenne et extrême-
orientale.'' Nimal De Silva, qui dirigea l'inspection sur le terrain, pour l'UNESCO, fit
observer que même si Hwaseung n'a que 200 ans d'existence, chacun des bâtiments de
ce complexe avait une valeur artistique distincte. Sur la base de ces découvertes, le
rapport officiel du comité de l'UNESCO pour le patrimoine mondial de l'humanité
arriva à la conclusion que la forteresse Hwaseung de Suwon est l'exemple type de
l'architecture militaire en Extrême-Orient, consistant en structures scientifiques,
rationnelles et destinées à des besoins pratiques. Elle est également remarquable pour
ses fonctions militaires, politiques et commerciales et met à profit à la fois le terrain
plat et les collines pour optimiser les défenses naturelles. 61
Signification historique et culturelle de Hwaseung
En dehors de sa valeur en tant qu'ouvrage d'architecture, Hwaseung a aussi une
signification historique profonde. Le roi Chongjo qui ordonna sa construction, 22ème
monarque de la dynastie Choson (1752~1800), avait une dévotion profonde pour son
père, Sado Seja qui avait été fait prince héritier, une année seulement avant sa
naissance. Passionné de littérature pendant sa jeunesse, Sado Seja montra de grandes
prédispositions intellectuelles et était souvent prêt à faire part de ses compositions de
poésie ou de prose aux ministres de la cour. Cependant, à cause de la peur
profondément enracinée en lui, que lui inspirait son père, le roi Yongjo, il lui arrivait
de temps en temps de faire preuve d'une conduite excentrique, qui côtoyait la folie, et
qui par là ne calmait pas la colère de son père. Il mourut tragiquement, à peine âgé de
28 ans, victime d'une intrigue de la cour. Le jeune Chongjo, qui n'avait alors que onze
61 Joon-sik Choi et autres, Patrimoine mondial de l'UNESCO en Corée (Séoul: Sigongsa, 2002),
129-130.
102

ans, conçut pour son père de la peine et du regret, qu'il garda jusqu'à un âge avancé.
Succédant à son grand-père Yongjo, à l'âge de 25 ans, en 1776, Chongjo allait
régulièrement se recueillir sur la tombe de son père. En 1789, il fit transporter la tombe
dans un district montagneux, derrière le village de Suwon, connu alors pour être, en
Corée, le lieu de repos le plus favorable pour les morts. Il demanda aux habitants
d'emménager dans le nouveau district de Suwon, leur payant le prix du transport et
leur fournissant des habitations toutes prêtes. Le nouveau Suwon fut la première cité
transplantée dans l'histoire de la Corée. Des villas royales, des bureaux pour le
gouvernement, des auberges de voyage furent bâtis à cet endroit, et comme des gens
venaient s'y installer, la nouvelle ville forteresse de Suwon était née. 62
Et chaque année, sans faute, Chongjo allait présenter ses respects et s'incliner devant
la tombe de son père. La visite de 1795 fut vraiment spéciale : c'était l'année du
soixantième anniversaire de sa mère. 63 Si son père Sado Seja avait été en vie, le roi
Chongjo aurait célébré cette occasion avec ses deux parents qui avaient le même âge.
Le roi Chongjo commémora cet important événement, dans un grand déploiement de
fastes, à la forteresse Hwaseong, tout près de la tombe où reposait son père. Les
documents détaillés (Uigwe) qui relatent cet événement sont une mine riche
d'informations historiques concernant les cérémonies royales traditionnelles, la
musique et la danse.
Jusqu'au 17ème siècle, les grands projets de défense nationale étaient accomplis par
le travail obligatoire. Les citoyens ordinaires qui participaient manuellement à la tâche,
devaient aussi apporter leur nourriture, alors que les ouvriers spécialisés recevaient, en
partie, une contribution pour leurs dépenses. Chong Yak-yong, responsable en chef de
la construction de Hwaseong, exprima l'idée d'un système de travail rémunéré, basé
sur la performance des résultats, qui devrait remplacer l'ancien. Sa proposition fut
totalement acceptée par le roi Chongjo qui était un monarque bienveillant. 64
Le travail forcé était inefficace, alors que le travail avec salaire avait non seulement
une plus grande efficacité, mais servait aussi de programme d'aide pour les fermiers
62
Dong-wook Kim, Suwon Hwaseong (Séoul: Dolbegae, 2002), 45-49.
63
En Asie Orientale, le premier et le soixantième anniversaire sont considérés comme les plus
importants
64
Dong-wook Kim, Suwon Hwaseong, 90-91.
103

Le roi Chongjo tenant un grand banquet pour le soixantième anniversaire
de sa mère, à la forteresse Hwaseong. (une page du Uigwe)
104

affrontés à beaucoup de difficultés. La construction de Hwaseong à Suwon ne fut donc
pas un fardeau pesant pour le peuple. C'était quelque chose de similaire au programme
de régénération du Tennesse du Président Roosevelt, devenu un projet national, ayant
relancé l'économie et restauré les finances des citoyens appauvris. Pour les fermiers
sans terre, la construction de la forteresse était une excellente source de travail, et
redonna vie et prospérité au district de Suwon.
Tout au long des deux ans et huit mois de construction, le roi apporta son aide aux
travailleurs avec une grande attention et beaucoup d'encouragements. En onze
occasions il donna des fêtes spéciales et fit distribuer des vivres et des
vêtements durant les moments les plus durs de l'hiver et de l'été. Pendant les mois
d'hiver, il fit donner à chaque ouvrier un bonnet de fourrure et une ceinture de coton
pour tenir les habits. Pendant les périodes les plus chaudes, il fit préparer spécialement
4.000 paquets de médicaments en prévision contre les effets de la chaleur.
Le roi Chongjo voulut faire de Suwon une base défensive au sud de la capitale
Séoul. Mais il désirait aussi développer Suwon et en faire une vaste cité avec une riche
économie. Construite sur un sol uni et idéalement située pour les transports, Suwon
avait les capacités de se développer en tant que cité financièrement indépendante. Afin
d'attirer les affaires, le gouvernement de Suwon adopta un train de mesures, allant des
souscriptions directes jusqu'à la concession de droits exclusifs de commerce
international sur certains produits. Au bout de plusieurs années, les 69 foyers d'origine
passèrent à 1000 environ, et le tranquille village rural devint un centre d'affaires,
accueillant toutes sortes de commerces.
Lorsque la forteresse fut achevée, en 1796, le roi Chongjo ordonna de mettre par
écrit un compte rendu de sa construction, et cinq années plus tard fut publié le Uigwe
de la forteresse Hwaseong. 65 Le sérieux du compte rendu et les détails des
illustrations et des schémas est quelque chose d'étonnant. En plus des éléments
ordinaires comme la durée de la construction, les différents niveaux sociaux des
participants et les outils ou les machines utilisés, l'ouvrage va si loin jusqu'à donner la
liste des clous, leur nombre et le prix à l'unité, le lieu où on travaillait, les jours
65 Les Uigwes étaient des comptes rendus de procédure extrêmement détaillés, préparés chaque fois
qu'était tenue une cérémonie importante ou qu'un bâtiment important était construit.
105

travaillés, le salaire quotidien de chacun des ouvriers. 66
C'est là la démonstration de l'effort méticuleux déployé dans la documentation de
cette entreprise, dans sa réelle mise en œuvre, ainsi que de l'organisation dans
l'approche d'un tel projet. Les documents Uigwe apportent des explications exactes sur
les installations de la forteresse, présentées d'une manière logique.
Accompagnés de schémas pour l'intérieur et l'extérieur, ils incluaient aussi des
dessins en perspective, qui nous permettent aujourd'hui de déterminer comment fut
construit Hwaseong. La démonstration en fut faite lorsque ces documents Uigwe furent
utilisés pour restaurer la forteresse, en 1975. Ces documents ainsi que d'autres Uigwes
ont été inscrits au registre Mémoire du Monde, du Patrimoine de l'UNESCO, en 2007.
66 Dong-wook Kim, Suwon Hwaseong, 92-93.
106

42. La science de l'architecture des palais
Le Hall Injong, au palais Changdok, fut utilisé pour des célébrations et des
cérémonies importantes. Des réceptions officielles se tenaient dans la cour devant le
palais. Cette avant-cour est d'un intérêt particulier, et elle fut construite à l'évidence
pour maximaliser la qualité de l'acoustique. Les avant-toits des bâtiments qui
dominent l'avant-cour, ainsi que les dalles de granit qui recouvrent le sol de la cour
mettent en jeu le principe de ʺréflexion diffuseʺ pour assurer une distribution égale
du son, semblables, toutes proportions gardées, aux méthodes utilisées pour le
théâtre moderne. Les cloîtres qui entourent l'avant-cour servaient à amplifier et à
prolonger le son pour en améliorer encore plus sa qualité. Les dalles qui pavent la
cour diffusent aussi la lumière de façon égale, faisant de cette cour un espace
exceptionnellement éclairé. La terre qui se trouve sous les dalles fut aussi choisie
avec soin pour assurer un écoulement efficace des eaux de pluie.
Le palais Changdok fut l'un des cinq palais de la famille royale de Choson. Il reste
célèbre pour son magnifique jardin. L'édifice le plus important du palais était le Hall
Injong, qui servait de salle d'audience, et était utilisé pour la tenue d'événements
d'importance nationale, comme le couronnement et les célébrations royales. Les
ambassadeurs et les délégations étrangères étaient accueillis officiellement dans
l'avant-cour de ce hall. Lors de telles réceptions, les fonctionnaires civils se tenaient
debout près de la pierre indiquant leur rang 67 , sur le côté est, et les militaires sur le côté
ouest. Des études récentes ont montré que le Hall Injong et l'avant- cour ont été conçus
avec un soin extrême, en prévision de tels événements.
Il était très important, pour toute l'assemblée, de pourvoir entendre le déroulement
des cérémonies. Mais c'était là quelque chose de difficile en une époque où les haut-
parleurs n'existaient pas encore.
67 Des pierres sur lesquelles étaient inscrits les rangs hiérarchiques (de 1 à 9 pum) étaient dressées
dans l'avant-cour.
107

Hall Injong au palais Changdok
Dans son article ''Acoustique dans l'avant-cour du Hall Injong'', le professeur Chon
Chin-yong note que les avant-toits du Hall Injong sont idéalement dessinés pour une
réflexion diffuse 68 , et, en conséquence, le son se répand bien dans l'avant-cour située
en dessous. Vu de côté, l'avant-toit du Hall s'étend quelque peu au-delà du mur et se
courbe légèrement vers le haut à l'extrémité. Ceci a non seulement l'effet de renvoyer
la voix d'une personne qui parlerait sur le devant du Hall avec celui-ci dans son dos,
mais aussi de répandre ce son à travers toute la place. Le toit du Hall Injong est à
plusieurs égards semblable à l'enceinte acoustique en forme de coquillage que l'on
trouve dans certains théâtres modernes qui aide à amplifier les voix des acteurs sur la
scène au bénéfice des spectateurs et des acteurs eux-mêmes. 69
Les dalles qui recouvrent le sol de la cour jouent également un rôle acoustique
68 La réflexion diffuse est le moyen par lequel la lumière ou le son sont réfléchis par une surface
inégale ou rude et se disperse ou diffuse dans de nombreuses directions.
69 Malga Kim, “Secrets du Palais Changdok,” Donga Science, février 2007, 104-109.
108

Réflexion du son Réflexion de la lumière
important. L'avant-cour est recouverte de larges et fines dalles de pierre, taillées dans
le granit. Et comme le granit est une pierre très dure, il réfléchit bien le son et sa
surface rude permet de le diffuser dans toutes les directions.
Le professeur Chon a également examiné les cloîtres qui entourent le hall, et qui
sont alignés avec des colonnes à l'intérieur. Lorsque le son provenant de l'estrade où se
trouve l'orateur parvient aux cloîtres, une partie est renvoyée vers la cour par les
colonnes pendant que l'autre partie voyage jusqu'aux murs du fond sans rencontrer
d'obstacle et est renvoyée ensuite vers la cour. Les cloîtres agissent donc comme un
réflecteur à deux enceintes et ont un effet de ralentissement sur le son. De plus, les
avant-toits des cloîtres sont dessinés comme l'intérieur d'un balcon dans un théâtre
moderne, amplifiant les sons qui se réfléchissent et les faisant converger vers l'avant-
cour. Quant à sa structure, le hall Injong est similaire à une énorme salle de concert.
Les concepteurs ont aussi abordé, avec sagesse, les questions de luminosité. Le hall
apparaît plus lumineux, à cause des dalles de granit utilisées dans l'avant-cour. Parmi
les différents composants minéraux du granit, le mica blanc lui donne un aspect
109

luisant, tandis que le quartz (un composant majeur du verre) lui donne sa transparence.
Les composants blancs du granit reflètent la lumière sur toutes les longueurs d'ondes,
faisant apparaître le hall encore plus lumineux.
De façon semblable au son, l'éclairage naturel du hall Injong est rehaussé par la
surface rugueuse du granit. Dans une salle de cinéma, les films peuvent être vus de
n'importe quel siège, parce que les écrans sont conçus sur le principe de la réflexion
diffuse. Si on touche l'écran, on peut s'apercevoir que sa surface n'est pas lisse. De
même, sur la cour, la lumière est réfléchie sous différents angles et se répand dans
toutes les directions, ce qui signifie qu'elle est répartie de façon égale sur chaque point
du hall.
Une autre caractéristique à noter, quant à l'architecture du palais, est son système de
drainage très performant. En dessous des fines dalles de granit s'étale une couche de
granit décomposé. Comme l'explique le professeur Yi Chae-gun de l'université de
Sangmyong ''Un sol de granit décomposé est de l'argile blanche sans aucune viscosité,
et comme il est composé de grosses particules, il absorbe et laisse bien passer l'eau.
C'est pourquoi on l'utilise pour les installations de drainage dans les bâtiments
modernes.'' 70
Dans l'avant-cour du hall Injong, le sol de granit laisse couler les eaux de pluie et
pour empêcher le sol d'être lui-même emporté par l'eau ou de se transformer en
poussière, on l'a entièrement recouvert de dalles de granit adéquatement espacées pour
permettre le drainage. Lorsqu'il pleuvait, l'eau tombait du toit du hall, passait dans le
sol grâce au sol de granit, se rassemblait dans un puisard et s'écoulait, par un conduit
souterrain en pierre, en dehors de l'enceinte du palais. Ainsi, derrière chaque coin de
ces ouvrages traditionnels d'architecture coréenne, des merveilles cachées peuvent être
découvertes.
70 Ibid.
110

43. Bangja, ustensiles de bronze
Bangja, ustensiles en bronze, est l'ancienne forme des ustensiles de table, en Corée.
Ils sont de très belle apparence et durent longtemps. Le secret de cette solidité réside
dans l'utilisation d'un alliage unique de cuivre et d'étain qui reste un défi aux standards
de la technologie moderne. Grâce aux minéraux que produit naturellement un
récipient bangja lorsqu'on y met de l'eau en réserve, il a des effets bénéfiques pour la
santé, rehaussant le goût de la nourriture et arrêtant les infections comme le
bacille mortel du colon O-157.
Comme les aliments fermentés, les ustensiles en bronze, bangja, sont aussi riches en
sagesse et tradition. On les trouve ordinairement sur les tables, quand les Coréens
prennent leurs repas. Chaque pays et chaque région a des mets différents et les sert
dans des ustensiles différents. En Asie Orientale, la Chine a traditionnellement
privilégié la porcelaine, le Japon, les couverts de bois. Les Coréens ont préféré le
métal. Les ustensiles bangja, forgés à la main, ont été utilisés en Corée depuis des
milliers d'années et font partie de ses traditions culinaires.
Dans le Shosoin, maison royale des trésors, au Japon, il y a 436 bols
bangja provenant de la Corée du 8ème siècle. Les Japonais anciens ont clairement été
impressionnés par leur structure compacte et la consistance de leur design. On peut les
empiler par dix, ce qui les rend plus pratiques comparativement à l'espace nécessaire
pour les ranger. 71
De la même façon que le goût du kimchi est unique à la Corée, les ustensiles en
bronze bangja, ne se trouvent nulle part en dehors de la Corée. Ils sont fabriqués à
partir d'un alliage de 78% de cuivre et de 22% d'étain, une proportion qu'aucun autre
pays ne semble avoir utilisé pour faire des ustensiles de table.
La proportion d'étain de 22% est en fait contraire aux conventions de la science
71 Sang-woon Jeon, Une histoire de la science en Coré, 202-203.
111

moderne. L'étain est un métal malléable qui accroît la brillance d'un alliage. Sa
proportion dans l'alliage est alors limitée à 10% dans la fabrication des matériaux
modernes. Pourtant, les ustensiles en bronze, bangja, ne se cassent pas alors même
qu'ils contiennent 22% d'étain. Une grande résistance à la corrosion et aux mauvais
traitements explique qu'ils aient été très largement utilisés pendant les cérémonies
bouddhiques et confucianistes et même pour des instruments de musique, comme les
gongs et les cloches.
Le secret de la dureté des ustensiles bangja se trouve dans la méthode utilisée pour
leur fabrication. L'étain et le cuivre sont mélangés ensemble, à haute température
(1.200°C), et le mélange fondu est versé à l'extérieur du moule et martelé en fines
feuilles. Quand il a refroidi, on le chauffe à nouveau et on le martèle encore. A
l'origine, quand l'alliage fondu se solidifie, il fait plus d'un centimètre d'épaisseur. En
le chauffant et en le martelant, on en tire une mince feuille. Si on le chauffait ou si on
le martelait de façon continue, la feuille se briserait. Mais du fait que le bangja est
produit en chauffant et en martelant alternativement le métal, les formations α
(structures faibles) sont transformées en formations β (structures dures) à travers la
répartition de l'étain, comme on peut le voir ci-dessous à partir d'une image structurale
prise avec un SEM (microscope électronique à balayage). Au fur et à mesure que le
processus est répété, les répartitions de la structure dure β se font plus fréquentes,
les particules de cuivre et d'étain sont de plus en plus intégrées, et les défaillances
Avant et après traitement: La séparation est presque éliminée après traitement
112

Ustensiles bangja pour la table
potentielles disparaissent et le matériau devient plus résistant aux fissures. 72
Une autre caractéristique des bangja réside dans la beauté de leur apparence. Le
lustre d'or blanc des bangja donne l'illusion qu'ils sont vraiment faits en or. Ils
s'harmonisent naturellement avec les couleurs variées des plats coréens et apportent à
la table une sensation de grâce et de convivialité. Si la proportion d'étain était abaissée
au niveau de 10%, en accord avec les régulations modernes, cette couleur ne pourrait
pas être obtenue. C'est pourquoi elle reste unique aux bangja coréens, fabriqués selon
les méthodes traditionnelles.
La vaisselle en métal n'a pas été utilisée seulement en Corée. Les anciens Romains
aussi utilisaient des plats en métal, qui contenaient en général du plomb. Les propriétés
toxiques du plomb ne semblent pas avoir été très bien perçues par les Romains qui ont
utilisé le métal de façon extensive, car il y en avait en abondance, son point de fusion
72 Tong-chan Chong, Chang-yong Yu, Hyun-sun Hong et Yong-hyun Yoon, Science coréenne :
les arts artisanaux (Séoul: Minsokwon, 1999), 152-154.
113

était bas et son traitement facile. A part la vaisselle de table, le plomb était aussi utilisé
dans les ustensiles de cuisine, les jarres, les flacons à liqueur et même les canalisations
pour l'eau. Certains historiens ont par conséquent identifié les empoisonnements au
plomb comme la cause de la décadence éventuelle de Rome.
A l'époque moderne, l'invention de l'acier inoxydable par Harry Brearley au début
du 20ème siècle, n'a pas seulement remédié à la principale faiblesse du fer – la rouille
– mais a produit en plus un alliage qui était léger et relativement bon
marché. Cependant, l'acier inoxydable contient du nickel et du chrome qui sont,
comme le plomb, des métaux lourds. Ces métaux ne sont pas facilement éliminés
lorsqu'ils sont accumulés dans l'organisme, même en quantités négligeables, et peuvent
avoir des effets négatifs après une certaine période de temps.
En revanche, les bangja ont montré leur effet bénéfique sur le corps humain. Des
récits anecdotiques de ces bienfaits, transmis par les maîtresses de maison coréennes,
nous disent que lorsqu' on met à tremper de l'oenanthe dans un récipient bangja, des
insectes venimeux restent collés sur le bord du récipient, ce qui permet de mieux laver
les légumes. Une des méthodes traditionnelles utilisée pour rehausser le goût du
kimchi et d'autres légumes fermentés, est de recouvrir les légumes avec la paille
utilisée pour nettoyer les ustensiles de bronze. On se servait aussi d'un couteau
fabriqué en bangja pour raser la tête des moines. Ceci, parce que, même faite par
erreur, une blessure ne s'infecterait pas. Comment peut-on expliquer tous ces
avantages ?
En novembre 2003, au département de l'alimentation et de la bio-ingénierie de
l'université Kyungwon, une série d'expériences fut entreprise pour rechercher les bases
scientifiques de ces affirmations concernant les propriétés du bangja. 73 On versa de
l'eau dans trois récipients faits en porcelaine, en acier inoxydable et en bangja. Après
24 heures, on testa les propriétés de cette eau pour constater un changement éventuel.
L'eau contenue dans les récipients en porcelaine et en acier inoxydable ne montrait
aucun changement quant à la présence de minéraux. Mais à l'intérieur du bangja on
détecta de petites quantités de minéraux, sodium, cuivre, zinc. Ces minéraux sont une
part essentielle du régime alimentaire des hommes et doivent être éventuellement
73 Les résultats furent diffusés dans un documentaire, le 22 novembre 2003, par la télévision KBS
(Korean Broadcasting System). On peut le visionner sur le site www.kscpp.net.
114

Gauche : bronze bangja Centre : porcelaine Droite : acier inoxydable.
Test des fleurs
115

trouvés dans les aliments si le corps ne les produit pas lui-même.
Dans une autre expérience, on plaça des fleurs dans trois bols, un en porcelaine,
l'autre en acier inox et le troisième en bronze bangja. Les fleurs dans le bol de
porcelaine et d'acier inox étaient flétries après une semaine, mais les fleurs contenues
dans le bangja restaient fraîches. Ceci parce que les éléments minéraux transmis par le
récipient bangja apportaient des éléments nutritifs inorganiques aux plantes, aidant
ainsi leur activité biotique. Enfin le goût rehaussé du kimchi et des jangaji peut aussi
être attribué à ces éléments minéraux produits par les ustensiles de bronze, qui
accentuent la saveur et la valeur nutritive des aliments fermentés.
Une autre expérience a montré l'efficacité des bangja dans l'éradication du bacille
mortel du colon O-157, qui fit de nombreux morts, lors d'une épidémie au Japon, en
1996. On mélangea à de l'eau distillée, ne certaine quantité de O-157 que l'on mit dans
trois récipients : en porcelaine, en acier inox et en bronze Bangja. Après 24 heures,
l'eau dans le récipient bangja fut testée on ne trouva aucune trace de l'agent pathogène,
alors qu'il demeurait tel quel dans les deux autres récipients. Le professeur Park, de
l'université Kyungwon, fait remarquer que le bronze bangja a, dans ce cas, un effet
stérilisant plutôt qu'antibiotique. Selon son explication, les agents pathogènes, avec un
haut degré de toxicité, contiennent de nombreux anions (ions chargés négativement),
et puisque le cuivre, contenu dans l'alliage, produit des cations (ions chargés
positivement), les agents pathogènes sont donc éliminés, et l'eau contenue dans le
récipient bangja en ressort plus claire et plus saine.
L'inconvénient des ustensiles en bronze bangja est le poids. Ils sont plus lourds que
les autres ustensiles de table et on ne peut pas les fabriquer en grande série. C'est donc
un produit assez cher. Pendant le siècle dernier, la demande en ustensiles traditionnels
diminua fortement. Les bangja se firent rares dans les maisons coréennes ordinaires.
Depuis le début du 21ème siècle, cependant, les avantages des ustensiles bangja sur la
santé font l'objet d'une plus grande attention. A la fois beaux et durables, produisant
des minéraux bienfaisants, neutralisant les mauvaises substances, le bangja n'est pas
une simple variété d'ustensiles mais un legs de la sagesse éclairée de la Corée
traditionnelle.
116

44. Le papier hanji
Appelé ''papier de soie'' par les Chinois, le hanji a été fabriqué en Corée depuis plus
de 1.600 ans. Plus solide que le papier ordinaire, grâce aux longues fibres de l'écorce
du mûrier, il ne se laisse pas déchirer facilement. Il est agréable à la vue comme au
toucher et a trouvé de nombreuses applications dans les objets domestiques : papier
pour les sols et pour les murs, chaussures et même armures. Ses qualités ne
proviennent pas seulement de ses composants mais aussi du processus long et
complexe de sa fabrication. Il est ordinairement utilisé comme papier pour les
fenêtres, car il absorbe l'humidité et retient aussi la chaleur plus efficacement que le
verre. Les usages du hanji se multiplient et s'étendent de nos jours aux champs de
l'acoustique électronique (membranes de haut-parleurs), l'ingénierie (utilisé comme
''muscles'' pour les essais de robots de l'espace, et de boucliers contre les
interférences électromagnétiques), et de vêtements protecteurs (casques de
motocyclettes).
Le hanji, ou papier coréen traditionnel, fait partie intégrante de la culture de la
Corée. Depuis plus de 1.600 ans, il a joué un rôle central dans la vie des Coréens, qui
ont appris à le faire entrer dans un grand nombre d'utilisations. Dans les livres, les
objets artisanaux, dans les maisons comme papier mural ou papier de fenêtres,
chaussures et mêmes cercueils, le papier hanji a été pratiquement d'une nécessité
quotidienne.
Durée: 1000 ans
Le papier hanji est fabriqué à partir de l'écorce de mûrier, ou arbre appelé tak.
Comme sa fabrication ne dépend pas de méthodes d'acides chimiques ou de
blanchiments artificiels, c'est essentiellement un papier ''neutre''. Le papier fait à partir
117

de pulpe chimique se détériore facilement et ne dépasse pas une durée de 200 ans. Le
Papier hanji teint naturellement
hanji dure bien plus longtemps comme l'atteste le vieux proverbe coréen, ''la soie dure
cinq cents ans, le papier, mille''. De nos jours, en Corée, subsistent quatre anciens
manuscrits sur papier qui remontent au 8ème siècle.
Le papier hanji est très élastique, bien que translucide, et assez doux au toucher. Il
résiste bien à l'humidité et quand on le conditionne avec des teintures naturelles,
comme la renouée, le carthame ou l'arbre à liège de l'Amour, il développe des
propriétés antiseptiques ou anti-insectes.
L'utilité et la commodité du hanji ont été largement reconnues à travers toute l'Asie
Orientale et ont gagné l'admiration des calligraphes et des lettrés. Dans le Kao Pan Yu
Shi, Tuyong, de la Dynastie Ming (1368 ~1644) dit : ''Le papier de Koryo est blanc et
solide comme la soie et quand on écrit dessus, il absorbe si bien l'encre qu'on sent
naturellement croître son affection pour lui. '' 74 C'est parce que le hanji était si raffiné
que les Chinois disaient, à tort, à son sujet, que c'était un papier fait avec de la soie.
Plus tard, pendant la dynastie Yuan, les Chinois importèrent du papier de Corée pour
recopier les sutras bouddhiques, achetant jusqu'à cent mille rouleaux en une seule
fois. Les Chinois et les Japonais donnèrent différents noms au papier coréen, mais il
était généralement reconnu comme le plus raffiné des papiers que l'on pouvait alors se
procurer.
74 Tong-chan Chong, Chang-yong Yu, Hyun-sun Hong et Yong-hyun Yoon. Science coréenne: les
arts artisanaux, 44.
118

Comment est fabriqué le hanji
Les caractéristiques tout à fait uniques du hanji reposent sur les propriétés naturelles
de ses matériaux bruts et sur les soins qu'il réclame pour sa fabrication. La longueur de
la fibre du liber de l'écorce du mûrier (8~9mm) est bien plus grande que celle de la
plupart des conifères, comme le sapin, le pin ou l'épinette (3mm), communément
utilisés pour obtenir la pulpe chimique, ou encore que celle des arbres à larges feuilles,
comme le hêtre, le bouleau blanc ou l'eucharis (1mm). L'élasticité du papier est surtout
déterminée par la méthode de fabrication. Grâce à la texture douce du papier et aux
modèles des fibres naturelles que les machines ne peuvent pas reproduire, la méthode
traditionnelle, exigeant du temps et un travail intensif, a perduré.
Le processus de fabrication du hanji
1. Enlever l'écorce : Les branches de mûrier sont mises à bouillir dans des
chaudrons, et l'écorce est enlevée.
2. Laver et blanchir les fibres : Les fibres sont mises dans un bain de vapeur, puis
trempées dans de l'eau courante pendant trois jours environ. Les fibres deviennent
blanches après quelques jours. Cette technique naturelle de blanchissement
n'endommage pas les fibres et permet au papier de garder le lustre original et vital
de la fibre.
3. Éliminer les impuretés : Lorsque les fibres ont été blanchies, il est essentiel
d'enlever manuellement les particules et les impuretés afin de s'assurer que le hanji
sera de bonne qualité.
4. Marteler les fibres : Lorsque les impuretés ont été enlevées, les fibres sont
placées sur une large pierre plate et frappées avec l'aide d'un maillet jusqu'à ce
qu'elles deviennent souples. A ce stade de fabrication du hanji, on n'utilise pas les
machines dont les lames mécaniques endommageraient les fibres.
5. Déposer les fibres écrasées dans l'eau : Les fibres sont placées dans un
récipient et bien mélangées pour s'assurer qu'elles sont réparties de façon régulière.
119

6. On ajoute de l'amidon de mûrier : Après avoir déposé les fibres écrasées dans
de l'eau, on ajoute du takpul (manioc L d'hibiscus), connu aussi comme l'amidon du
mûrier, qui agit comme agent agglutinant, car ses racines sécrètent un fluide
collant. Le takpul joue un rôle très important dans la fabrication du hanji, et on le
cultive spécialement dans ce but. En tant que polysaccharide soluble dans l'eau,
ayant des caractéristiques cohésives, l'amidon du mûrier aide les fibres du mûrier à
se disperser et à flotter sur l'eau, plutôt qu' à s'agglomérer ensemble. En accentuant
la viscosité, il freine aussi l'écoulement du liquide par dessus la surface de l'écran
en laissant le temps aux feuilles de devenir fines et unies. Pour finir, il renforce la
durabilité et l'apparence générale du papier.
7. Drainage des fibres : Les fabricants coréens de papier ont une méthode unique
pour drainer les fibres du papier hanji. En opposition à la méthode standard de
''mise en cage'' par laquelle le mélange de fibres et d'amidon est maintenu en place
et laissé pour être drainé sans appliquer de mouvement de l'extérieur, les Coréens
utilisent une technique appelée ''drainage''. Dans la méthode coréenne aucun
couvercle n'est utilisée. Le mélange de fibres et d'amidon est placé dans un
récipient plein d'eau et est doucement agité d'un côté à l'autre à l'aide d'un bâton
pour que les fibres se démêlent complètement. Le hanji doit son élasticité à cette
méthode de drainage qui permet au mélange de mûrier de s'écouler librement dans
toutes les directions, engendrant une structure réticulée, ce qui explique que le
papier ne se déchire pas facilement.
8. Déshydratation : Le processus de déshydratation enlève les moisissures et
permet aux feuilles de se séparer l'une de l'autre. Les feuilles doivent être séchées
pendant un temps assez long pour qu'elles puissent bien se détacher.
Traditionnellement, elles séchaient sur des pierres, mais aujourd'hui on utilise un
équipement déshydratant pressurisé.
9. Le séchage du papier : Lorsque les feuilles ont été déshydratées, chacune
d'entre elles est transférée à l'emplacement de séchage. Il y a deux méthodes pour le
séchage : le séchage au soleil qui utilise des planches de bois, et le séchage avec des
plaques de fer utilisant une surface métallique chauffée par la vapeur. Cette
dernière méthode est plus efficace, mais dégrade quelque peu la qualité du papier
hanji, car le recto et le verso de la feuille sont soumis à des conditions légèrement
120

différentes.
10. Le foulage du papier : Les feuilles séchées de hanji sont alors frappées avec
un battoir afin de lisser leurs surfaces. Cette opération est connue sous le nom de
tochim. Le foulage du hanji non seulement compresse les fibres, mais rend aussi les
surfaces plus douces et plus luisantes. Cette technique pour adoucir la surface de
hanji est unique à la Corée.
Comment est utilisé le hanji
La texture raffinée et la surface satinée du hanji l'ont rendu populaire pendant des
siècles parmi les écrivains et les peintres. Les coups de pinceaux à l'encre apparaissent
plus élégants et plus profonds sur le papier hanji, et à cause de ses qualités de
durabilité, il fut souvent utilisé pour les documents officiels des gouvernements des
dynasties des pays de l'Asie Orientale.
La solidité et la souplesse d'utilisation du hanji ont été mises au service de
nombreuses utilisations. Les Coréens utilisaient le hanji non seulement comme papier
mural et pour recouvrir les sols, mais aussi pour les chaussures, les boîtes à couture,
pour les paniers, les parapluies et les vêtements. Le papier hanji pouvait être teint de
plusieurs couleurs et était utilisé pour faire des bourses, des coussins, des pots de
chambre, des bassines, des tables à manger et autres objets domestiques. Il y avait
même des armures en papier hanji – un habit en couches superposées recouvert de
carrés de peau de cerf de deux pouces d'épaisseur, renforcés de laque noire. On
rapporte que les flèches ne pouvaient pas percer cette armure.
Parmi ses nombreuses applications, le hanji était surtout utilisé, dans les maisons
coréennes traditionnelles, comme papier de fenêtre (Changhoji). Quand on l'appliquait
à des fenêtres et à des portes en treillis, il aidait non seulement à la ventilation, mais
contrôlait aussi l'humidité.
Dans des conditions de forte humidité, il absorbait les moisissures et rafraîchissait
l'air. Mais dans les périodes sèches, il laissait s'écouler cet air pour maintenir
l'humidité à un niveau approprié.
Le hanji retenait aussi la chaleur, aussi efficacement que les tissus de coton. Dans
121

une étude récente de Kim Jong-ho, docteur en ingénierie de l'université de Perpignan
Papier de fenêtre Changhoji
en France, le changhoji, utilisé dans les maisons traditionnelles de Corée, se révèle
plus efficace pour retenir la chaleur que les fenêtres utilisant le verre. 75
Comme le hanji est translucide, il permet à la lumière de pénétrer dans la pièce. La
75 Jong-ho Lee, L'héritage culturel coréen (Séoul: Hanmunhwa, 2003), 73-74.
122

nuit, la lune éclaire la fenêtre recouverte de hanji pour créer une atmosphère de calme
et de confort. Les ombres qui se projettent sur le papier et le bruissement du vent qui
passe gentiment sur le hanji provoquent des sensations qui tiennent une place spéciale
dans le cœur des Coréens.
Redécouverte du hanji
Lorsque la fabrication du papier devint industrielle, au 19ème siècle, le papier
traditionnel coréen, qui exige beaucoup de temps et d'énergie à produire, risquait fort
de disparaître. Pourtant, lorsque les mérites variés de ce papier vinrent à être mieux
connus, on assista à son retour, non seulement en tant que papier mais comme un
matériau pouvant être utilisé dans de nombreux domaines de la vie moderne.
De façon ordinaire, le hanji est largement utilisé dans les arts et les travaux
d'artisanat, pour sa douce texture, pour ses coloris subtils, quoique vibrants, et pour sa
structure légère et pourtant robuste. Récemment, un nombre croissant de galeries et de
musées, tout autour du district Insa-dong à Séoul, a commencé à vendre des objets en
hanji, comme des boîtes à bijoux, des plateaux, des trousses à crayons et des sacs. On
organise aussi des stages de formation pour l'artisanat des objets en hanji.
Les lanternes hanji utilisant les propriétés translucides du papier montent aussi en
popularité. En 2005, fut tenu à Paris, le festival culturel de hanji, qui présentait des
vêtements et des objets d'artisanat. Les Parisiens montrèrent un grand intérêt pour les
lanternes de couleurs en papier hanji apparaissant sous la forme de tigres, tortues,
grues et fleurs de lotus. Les médias français montrèrent aussi un grand intérêt à ce
festival. Le Nouvel Observateur fut le premier à couvrir l'événement et se fit l'écho de
l'accueil du public à ce festival du hanji traditionnel. Dans un article présentant la
tradition coréenne du hanji, le figaroscope écrivait: ''Le papier traditionnel de Corée a
fasciné la France de son charme magique.'' Dans le programme des nouvelles, les
chaînes principales ont couvert l'événement de ce festival de façon très positive et ont
décrit les lanternes aux formes variées comme ''réellement fantastiques. '' 76
76 Site internet officiel Han-style, “Hanji dans le monde,” http://www.han-style.com.
123

Récemment, on a examiné la possibilité d'utiliser le hanji dans le domaine de
Lanternes en hanji
l'ingénierie. Le Centre pour la mise en oeuvre des papiers électro-actifs, dirigé par le
professeur Kim Jae-hwan, de l'université Inha, conduit actuellement une recherche
subventionnée par la NASA afin de faire des vêtements protecteurs et même des
robots pour sondes spatiales en utilisant le papier hanji. Quand l'électricité passe à
travers les longues fibres du hanji, le papier frémit comme un muscle. Le professeur
Kim essaye d'appliquer ce phénomène à la technologie des robots. Il affirme que les
propriétés électriques uniques du hanji et sa durabilité peuvent aussi protéger la
machine des interférences électromagnétiques résultant de l'activité des taches solaires.
Ainsi les sondes spatiales très coûteuses pourraient être fabriquées avec du papier léger
et bon marché. Il croit que si nous pouvons faire des objets qui bougent, en papier,
nous pouvons utiliser le papier pour fabriquer de petits robots pour la surveillance et
124

l'exploration. 77
Fenêtres, tables, lampes et autres objets d'artisanat faits en papier hanji
Une membrane de haut-parleur en hanji est utilisée dans l'un des systèmes de haut-
parleurs les plus avancés de la nouvelle génération, capable de reproduire un son avec
le plus haut degré de fidélité. Jusqu'à très récemment, un système de haut-parleur à
quatre canaux (utilisant un haut-parleur d'aigus, un amplificateur médial, un haut-
parleur de graves et un caisson de basses) était considéré comme optimal. Il était bien
connu que le système idéal devrait combiner ces quatre canaux en un seul haut-parleur,
mais on pensait que cela n'était possible qu'en théorie. Le système du haut-parleur
hanji a fait de cette théorie une réalité, reproduisant à la perfection les quatre canaux
en utilisant une seule feuille de hanji. Ceci est possible grâce à la densité très élevée du
77 Jong-jin Park, “Redécouverte de la force du hanji,” Hankook Weekly, 25 octobre 2006.
125

hanji et à sa propriété d'absorber les sons.
De plus, comme le hanji est léger, durable et qu'il permet la ventilation, il est
considéré comme un matériau nouveau pour le développement des casques de
motocyclistes et des militaires. Alors que grandit l'intérêt pour la santé et le bien-être,
grandit aussi l'intérêt pour l'utilisation du hanji pour les objets domestiques ou encore
comme matériau de construction. Selon le professeur Cho Hyun-jin, de l'Institut
coréen de recherches en foresterie, quand le hanji est utilisé comme papier mural, son
aptitude à assurer la ventilation, à évacuer les odeurs, à rayonner au loin les
infrarouges, tout montre qu'il a des effets très positifs sur la santé. Chon Yongchol,
chercheur au Centre de développement du hanji, dit que si le papier hanji est utilisé
pour faire des oreillers, des couvertures ou du papier mural, il peut réduire l'effet nocif
du syndrome atopique et des acariens. Hanji est aussi considéré comme un matériau de
construction respectueux de la nature, parce qu'en brûlant, il ne produit pas de suie ni
ne dégage de gaz toxiques . 78
Victime du préjugé que tout ce qui est traditionnel est obsolète, le hanji fut laissé de
côté pendant de nombreuses années, et est resté dans l'obscurité. Aujourd'hui
cependant, il est réintroduit dans la vie des gens avec une vitalité retrouvée.
78 Site internet officiel Han-style “Le papier hanji dans le monde,” http://www.han-style. com.
126

45. Kudle : Chauffage traditionnel par le sol
Le chauffage par le sol est utilisé aujourd'hui dans le monde entier et sa popularité
grandit car il est pratique et efficace. Il fut redécouvert en Occident, à l'époque
moderne, par Frank L. Wright, qui tomba par hasard sur la méthode traditionnelle
du kudle coréen. Méthode ancienne de chauffage, le kudle fonctionne au moyen d'un
foyer extérieur, de tuyaux sous le sol et de pierres spéciales qui retiennent la chaleur
pendant une longue période et la restituent graduellement. Première forme au monde
de chauffage par le sol, il fut suffisamment amélioré pour devenir efficace, mais dans
les moyens dont disposaient les riches et les pauvres pour le construire et l'utiliser.
On le trouve encore aujourd'hui dans les maisons coréennes, et on a démontré son
action pour lutter contre les allergies, pour aider le sommeil et pour améliorer la
qualité générale de la vie.
Récemment, l'utilisation du chauffage par le sol s'est répandue davantage dans le
monde. En Allemagne, au Danemark, en Autriche et en Suisse, pays qui
traditionnellement dépendaient de systèmes de chauffage par convecteur, comme par
exemple les radiateurs, presque la moitié des logements nouvellement construits a
adopté le chauffage par le sol. Plusieurs raisons expliquent la popularité de ce
chauffage par le sol: Il est silencieux, invisible aux regards, il occupe moins de place et
il a un meilleur rendement énergétique que les autres formes de chauffage.
Le premier chauffage par le sol au monde
Frank L. Wright, des États Unis, fut le premier architecte occidental à développer, à
l'époque moderne, un système de chauffage par le sol, en utilisant les conduites
d'eau. Créateur de la fameuse nappe d'eau inclinée et du musée de Guggenheim, il est
considéré comme l'un des architectes les plus influents du 20ème siècle.
127

Dans son livre La maison naturelle, Wright se souvient d'un jour d'hiver de 1914,
où il fut invité chez un client, au Japon. Dans une petite pièce appelée la ''chambre
coréenne'', dans laquelle on le laissa après le repas, il se trouva face à une nouvelle
forme de chauffage qu'il n'avait jamais vue auparavant. Wright raconte cet épisode en
ces termes:
L'atmosphère semblait avoir changé. Non, ce n'était pas le café; c'était le
printemps. Nous étions bientôt réchauffés et heureux à nouveau –
agenouillés là, sur le sol, une chaleur indescriptible. Aucun chauffage
n'était visible ni n'était perçu directement comme tel. C'était réellement
une question non pas de chauffage du tout, mais une affaire
d'atmosphère...le diplômé de Havard, qui interprétait pou le Baron,
expliqua : La pièce coréenne signifiait une pièce chauffée par le sol. Ce
confort indescriptible d'être chauffé par en dessous était une
découverte...Il n'y a pas d'autre chauffage 'idéal', même pas la chaleur du
soleil. 79
L'architecte était profondément intrigué par cette forme extraordinaire de chauffage
par laquelle la chaleur rayonnait de dessous le sol pour réchauffer les quatre coins de
la pièce. Peu de temps après, il utilisa lui même cette conception pour construire des
établissements de bains au Japon. A son retour aux États Unis, il adopta la même type
de chauffage dans ses constructions les plus fameuses. Le système que Wright avait
expérimenté au Japon était le kudle, une méthode coréenne traditionnelle de chauffage
par le sol.
Comme l'histoire de la technique du chauffage, en Corée, remonte aux temps
préhistoriques, il est impossible d'être précis au sujet de la date d'origine du kudle.
Cependant, des formes anciennes du kudle ont été découvertes dans des fouilles de
sites habités de la période de l'Ancien Choson (2333 avant J.C.~108 avant J.C.) et les
experts pensent que le kudle fut en usage à partir de ce moment-là.
Le terme kudle vient du coréen dol qui signifie pierre et ku signifiant brûlé. La
79 Frank Wright, La maison naturelle (New-York: Horizon Press, 1970), 89-90.
128

chaleur provient d'un foyer situé à l'extérieur de la pièce qui envoie de l'air chaud le
long de cavités situées sous le sol. Les pierres en forme de dalles (pierres pour kudle)
placées au-dessus de ces cavités stockent l'énergie thermique. La chaleur emmagasinée
est ensuite restituée peu à peu à la pièce, la gardant chaude.
Kudle a été la première forme de chauffage par le sol de l'humanité. L'hypocauste
romain était similaire au kudle coréen, mais était surtout utilisé dans les établissements
de bains publics (thermes). Ils ont disparu avec le déclin de l'empire romain, et ne
furent redécouverts qu'au 19 ème siècle.
Grâce au kudle, tout le monde en Corée pouvait passer l'hiver au chaud. Les gens
vivant en ville ou à la campagne, qu'ils fussent riches ou pauvres. Horace Allen, prêtre
et docteur américain qui a visité la Corée il y a à peu près cent ans, a laissé, dans son
livre Things Korean, les observations suivantes :
Quelque humble que soit la hutte du paysan ou du travailleur elle a
toujours son petit coin de pièce pour dormir, le sol de pierres ou de
ciment recouvert de l'épais papier brun huilé qui est agréablement
conservé chaud par le petit feu nécessaire pour cuire le riz deux fois par
jour. En ce sens, ces gens-là ont un meilleur sort que leurs voisins, car les
maisons japonaises sont bien connues pour être froides, et un brasero
pour se réchauffer les doigts est le seul système local de chauffage. Quant
aux Chinois, ils n'ont jamais chaud dans le rude froid de l'hiver. 80
Dans le cas du système traditionnel de chauffage kudle, la chaleur en provenance du
foyer est transférée aux dalles de pierre (les pierre à kudle), et passe, avec la fumée,
par un réseau de conduits, sous le sol, jusqu'à la cheminée placée à l'autre extrémité.
Le sol est maintenu par des piliers en pierre et les dalles de pierre sont placées au-
dessus. Le sol est ensuite recouvert d'argile et d'un papier pour sol, hanji, huilé, de
couleur jaune.
Dans les maisons coréennes, de nos jours, une chaudière a remplacé le foyer et des
tuyaux métalliques tiennent le rôle du réseau de conduits d'air chaud. Au lieu de brûler
80 Horace Allen, Things Korean (New York: F. H. Revell, 1908), 67.
129

Vue de profil (en haut) et projection horizontale (en bas) du système kudle traditionnel
du pétrole, de l'eau chaude en provenance de la chaudière circule pour chauffer les
pièces. Bien qu' en termes d'apparence extérieure, beaucoup de choses semblent avoir
changé, en ce qui concerne le principe et la structure, la conception est restée
fondamentalement la même.
Le premier chauffage sans fumée au monde
En Europe, jusqu' aux 12ème et 13ème siècles; hommes et bétail vivaient sous le
même toit, se réchauffant les uns les autres par la chaleur de leurs corps. Au centre de
la maison se trouvait un foyer pour allumer un feu qui servait à la fois à la cuisine et au
chauffage. Parfois le foyer était surélevé sur une plate-forme en pierre ou en briques,
mais jusqu' à une époque aussi récente que le Moyen Âge, beaucoup de maisons
n'avaient aucun système spécifique de ventilation, comme par exemple la cheminée.
Quant on allumait un feu, la maison toute entière était remplie de fumée.
Dans certaines parties de l'Europe, les toits étaient construits sous la forme
d'entonnoirs pour permettre à la fumée de sortir. Ces constructions étaient connues
sous le nom de ''Rauchschlot'' en Allemagne et en Autriche, et dans les régions
montagneuses comme les Alpes, on peut encore en voir dans les maisons qui
130

emontent au 17ème ou 18ème siècle.
Ce type de construction Rauchschlot était une solution contre l'accumulation de la
fumée. Mais l'efficacité du chauffage en souffrait puisque la chaleur s'échappait de la
pièce en même temps que la fumée. Vivre sans fumée mais dans le froid, ou vivre dans
la chaleur et supporter la fumée, c'était là un perpétuel dilemme. 81
Grâce au système de kudle, les foyers coréens ont pu profiter du meilleur des deux
mondes. Aujourd'hui, des exemplaires traditionnels du kudle sont relativement bien
conservés dans les palais royaux de Corée. Il ne convenait pas, pensait-on, qu'il y ait
de la fumée dans le lieu où résidait le roi, le foyer était donc caché sous le bâtiment.
Pour diminuer au maximum la quantité de feu et de fumée, on utilisa le charbon au
lieu du bois. Les cheminées furent aussi placées loin de la vue du roi, et de ce fait, la
distance entre le foyer et la cheminée devint très grande, avec une distance minimale
de 28 mètres.
Le premier système au monde d'accumulation d'énergie
Un feu à l'air libre peut être chaud quand on l'allume, mais la chaleur disparaît
aussitôt que le feu s'éteint. Par contre, avec le système de chauffage kudle, qui
accumule l'énergie thermique dans les pierres du kudle placées sous le sol, la pièce
peut être gardée chaude pendant un temps assez long sans avoir besoin de rallumer le
feu.
Dans le sol du temple Chibulsa, dans la province de Kyongsang, se trouve un
bâtiment fameux appelé Ajabang qui passe pour avoir conservé la chaleur pendant un
mois et demi (cent jours selon d'autres sources) après y avoir allumé le feu une seule
fois. La tradition explique que sous le règne du roi de Silla, Hyo-gong, qui a régné de
897 à 912, un Maître bouddhiste, nommé Tamgong fit construire un kudle
spécialement conçu pour que, même au cœur de l'hiver, les fidèles pratiquants puissent
rester au chaud et se consacrer tout entiers à leur épanouissement spirituel.
Le kudle de Maître Tamgong fut malheureusement détruit par le feu pendant la guerre
81 Nam-eung Kim, Une histoire du système de chauffage par le sol en Corée (Séoul: Presses
universitaires de Dankook, 2003), 473-474.
131

de Corée. Il fut restauré dans les années 1980, mais les techniciens modernes n'ont pas
réussi à refaire à l'identique cette construction vieille d'un millénaire. La chaleur
dégagée par le chauffage ne dure aujourd'hui qu'une semaine.
Le secret de la durée de la chaleur du kudle réside dans la pierre elle-même – le
mica. Le mica est un minéral que l'on trouve communément dans les roches ignées et
métamorphiques. La variété ʺblancheʺ du mica peut résister à une température de
400~500°C et a une conductivité thermique basse. Pour ces raisons il retient la chaleur
pendant longtemps et la restitue progressivement. Comme c'est aussi une roche
alcaline riche en minéraux tels que l'oxyde de magnésium et le calcium, au contact de
la chaleur il émet une grande quantité de rayonnement infrarouge lointain. Le
rayonnement infrarouge lointain a une longueur d'onde plus grande que la lumière
visible et, à cause de sa conductivité thermique élevée, on l'utilise largement dans les
traitements médicaux naturels tels que les installations de thérapies thermales.
Le kudle réchauffe le corps et l'esprit.
Quand le feu est allumé, les flammes s'élèvent naturellement vers le haut. Elles
peuvent être poussées de côté par un coup de vent, mais reprennent toujours leur
position quand le vent se calme. De la même façon, la fumée et la chaleur montent
toutes deux vers le haut. Le kudle est un système de chauffage qui tend à minimiser ce
principe naturel.
Les foyers, les poêles en fer ou les radiateurs, sont tous conçus pour rayonner la
chaleur horizontalement et par là-même ils sont moins aptes à répandre efficacement la
chaleur. De surcroît, comme l'air chaud se déplace vers le haut, la tête peut se
trouver plongée dans une chaleur inconfortable, qui provoque des maux de tête, alors
que le bas du corps ne reçoit pas de chaleur et reste froid. Dans le cas d'un chauffage
par le sol, la chaleur remonte à partir du sol qui est le point le plus bas et se répartit
uniformément dans chacune des parties de la pièce. Et également, quand les pieds
touchent le sol chaud, les vaisseaux sanguins sont stimulés et cela aide à la circulation.
Un autre avantage du chauffage par le sol est l'hygiène. Avec des sols ordinaires, on
utilise des tapis et on entre dans les pièces avec les chaussures. L'air est facilement
132

Une cheminée décorée au Palais Changdok
133

pollué par la saleté, la poussière et les germes apportés de l'extérieur. Avec le système
kudle, ni tapis, ni chaussures ne sont nécessaires. Il est confortable et sain de vivre sur
le hanji traditionnel (papier coréen fait à la main) qui recouvre le sol.
Plus important, le kudle remplit la mission première demandée à un chauffage, à
savoir garder l'intérieur chaud. Même si un feu est allumé pendant longtemps, on n'a
chaud que lorsqu'on reste tout près. Dès que le feu est éteint, les pièces deviennent
froides à nouveau. Même si on reste près du foyer, on doit se tourner constamment
pour se réchauffer tour à tour le dos puis le devant. De là vient le dicton : ''Le foyer a
beau être large, il n'est jamais trop large.''
Une princesse allemande, Liselotte von der Pfalz, note dans sa lettre de 1669: ''L'eau
et le vin ont gelé à la table du roi.'' Elle écrivit plus tard en 1701: ''Tout ce qui me tient
chaud, la nuit, sont les six petits chiens que je prends avec moi dans mon lit.'' 82 En
Corée, grâce au kudle, même un pauvre paysan pouvait vivre dans une atmosphère
plus chaude que n'importe quel roi d'Europe. Le révérend James Gale qui a vécu en
Corée de 1889 à 1896, comme missionnaire, décrit ainsi ses expériences dans son livre
Korean Sketches :
Dormir dans une petite chaumière coréenne, j'ai pensé d'abord que c'était
là, la plus dure de mes épreuves. Vous étendez votre couverture dans une
pièce étroite, sans même un brin de ventilation, le sol chauffé au point
presque de griller. Le voyageur inexpérimenté, poursuivi par des rêves
tumultueux, roussi par le feu, halète en quête d'air et aspire au matin.
Mais après une année ou deux de pratique, on en arrive à aimer le sol
brûlant, car, comme l'affirment les autochtones: ''C'est un vrai réconfort
après un voyage par une journée glaciale. '' 83
Dans plusieurs passages de ce livre il compare le kudle à un sol poêle à frire, et parle
de sa torture à essayer de dormir dans des pièces surchauffées bien au-delà d'une
température confortable. Ceci était certainement dû à l'hospitalité coréenne qui veut
qu'on chauffe une pièce plus qu'à l'ordinaire lorsqu'on reçoit un invité.
82 Nam-eung Kim, Une histoire du système de chauffage par le sol en Corée, 505.
83 James Gale, Scènes coréennes (New York: F. H. Revell, 1898), 134.
134

Pièce coréenne traditionnelle
Le chauffage par le sol s'est répandu, de nos jours, dans beaucoup de pays, de la
Chine au Japon, et à travers le Moyen Orient jusqu'en Europe, réchauffant les corps et
les esprits des hommes. Aseda Kazumi, chercheur à Tokyo Gaz, qui propose les
services de chauffage par le sol au Japon, rapporte que les clients lui ont souvent dit
comment des allergies avaient disparu, combien ils dorment mieux la nuit, et même
comment les membres de la famille ont commencé à rentrer plus tôt le soir pour jouir
du plaisir et du confort d'un bon chauffage par le sol.
Quand le corps est bien chauffé et dans une atmosphère confortable, l'esprit se
réchauffe et est heureux aussi. Il y a peut-être beaucoup d'avantages au chauffage par
le sol, mais la chaleur et le bonheur de l'esprit en est le plus grand des bienfaits.
135

46. La première serre ʺactiveʺ au monde.
Les serres ont existé depuis les temps les plus reculés. On ne savait pas, jusqu'à une
date récente, que la première serre conforme aux standards modernes - permettant le
réglage de l'air et de la température du sol - avait été construite en Corée au cours
du 15ème siècle. La serre décrite dans le Sanga Yorok a été dernièrement
reconstruite avec succès et combine la technologie du chauffage traditionnel en
Corée avec les caractéristiques sophistiquées assurant la rétention de la chaleur et le
contrôle de la condensation.
Les hommes ont commencé à bâtir des serres, il y a environ 2.200 ans, dans le but
de protéger les plantes de l'exposition aux conditions extrêmes de l'hiver. En Orient, on
dit qu'il existait une serre faite avec du papier sous le règne de l'empereur Qin Shi
Huang, en 221 avant J.C.. En Occident, on rapporte que l'empereur Néron avait fait
faire, en l'an 42, une serre dans du granit pour faire pousser des récoltes. Ces premières
serres dépendaient de la lumière naturelle et seraient nommées, dans la terminologie
actuelle, serres ''passives''.
Les serres ''actives'', dans lesquelles il est possible de faire monter la température ou
de la faire descendre manuellement, sont apparues bien plus tard. Selon une étude
historique sur l'évolution des serres, faite par l'horticulteur hollandais Muijzenberg, le
plus ancien exemple d'une serre dite ''active'' apparut à Heidelberg, en Allemagne, en
1619. Sa température interne était modulée par l'intermédiaire d'un poêle. En 1691, un
système de chauffage par air fut installé dans une serre, en Angleterre, et elle est
traditionnellement considérée comme le premier pas dans l'évolution vers les serres
''actives'' d'aujourd'hui.
En 2001, un membre de l'Administration pour l'Héritage national de Corée, fit la
découverte, dans une boutique d'antiquités, d'un livre intitulé Sanga Yorok. Il fit plus
tard la remarque qu'il avait acheté ce livre à cause de son apparence ancienne, car il
était collectionneur amateur. Par la suite, le livre tomba sous les yeux de Han Bok-
136

yeo, chercheur dans le domaine de la cuisine royale traditionnelle, et du professeur
Kim Yong-won, historien de la culture. Ils identifièrent le livre comme le plus ancien
manuel existant d'agriculture et des techniques de cuisine du pays. Il fut écrit en
l'année 1450 par le médecin officiel Chon Sun-ui, sous le règne du roi Sejong. Le livre
contenait les descriptions d'une serre en conformité avec les modèles standards
sophistiqués. Sanga Yorok explique le processus de sa fabrication, dans un chapitre
intitulé ''Culture des légumes pendant l'hiver'' :
Tout d'abord, construire un enclos de grandeur appropriée. Les côtés
nord, est et ouest de l'enclos doivent être opaques et recouverts de
papier huilé. Installer une fenêtre à losanges sur le mur qui fait face au
sud et la recouvrir aussi de papier huilé. Installer des pierres de kudle,
en prenant soin qu'aucune fumée ne s'échappe des conduits. Recouvrir
d'une épaisseur de terre de 1.5 cha et planter des légumes de printemps.
S'assurer qu'aucun vent n'entre pendant la nuit, et quand le temps est
très froid, toujours couvrir la serre d'un pigae épais (natte de paille
utilisée pour l'agriculture). L'enlever aussitôt que le temps se radoucit.
Arroser le sol tous les jours pour s'assurer qu'il ne se dessèche pas.
Placer un chaudron à l'extérieur et le relier à la chambre, en se servant
d'un long tube. Faire bouillir l'eau du chaudron chaque soir afin que la
vapeur d'eau garde la pièce confortablement chaude.
La serre décrite dans ce livre fut conçue pour régler selon les besoins les
températures et l'humidité des plantes et des semis, d'une manière très précise. La
chaleur provenait d'un système de chauffage par le sol (kudle) traditionnel en Corée.
Le papier hanji, huilé, permettait d'élever la température intérieure et de contrôler la
ventilation et l'humidité. Cependant l'ampleur de la régulation de la température, par
cette méthode seule, restait limitée. La vapeur, que l'eau du chaudron fournissait en
plus, avait pour effet d'élever à la fois la température et l'humidité.
Une particularité de cette serre, qui a surtout frappé les horticulteurs et les experts,
était le procédé par lequel le kudle faisait monter la température du sol, alors que la
vapeur d'eau venant du chaudron réchauffait l'air. Même si l'air à l'intérieur était
137

chaud,
138

Intérieur et extérieur de la serre du 15ème siècle, reconstruite
si le sol n'était pas assez chaud, la croissance des plantes en aurait souffert.
L'importance de garder les racines des plantes à une bonne température fut donc
comprise, en Corée, dès le 15ème siècle.
Le 22 février 2002, au terme de recherches et de longues préparations, la tentative
de rebâtir la première serre ''active'' du monde, telle que la décrivait le Sanga Yorok,
fut couronnée de succès. Le sol de la serre ainsi restaurée mesurait 26m² et le toit était
incliné vers le sud pour maximaliser l'exposition aux rayons du soleil.
Peu de temps après la fin des travaux, le 3 mars 2002, le professeur Kim de
l'université d'agriculture de Kyemyong planta six légumes (des navets, de la laitue, des
choux chinois, des échalotes sauvages, des épinards et des bettes), et fit les relevés des
niveaux de température et d'humidité dans la serre, pendant une période de 20 jours. 84
Au début, la température extérieure, sous terre, était de 8,6°C, trop basse pour la
croissance des plantes, alors que le sol, à l'intérieur de la serre, avait une température
idéale de 26°C. Les navets et les laitues firent des pousses après trois jours, les autres
légumes peu après. Après deux semaines tous avaient trouvé leur taille normale. Des
hortensias en pots et des poiriers furent aussi placés dans la serre et fleurirent deux
mois avant la saison normale de floraison.
La température à l'intérieur de la serre était relevée quatre fois par jour (6h, 13h,
18h, 22h) à des endroits différents à l'intérieur de la serre. La terre au-dessus du kudle
restait toujours à 20°C ou au-dessus, et l'a température de l'air était de 10°C au
minimum. Pendant la nuit, la différence de température du sol à l'intérieur et à
l'extérieur, était de plus de 25°C, prouvant par là que la serre générait une chaleur
adéquate. Le taux d'humidité tombait jusqu'à un minimum de 40% au moment le plus
chaud de la journée (13h), cependant, il était maintenu le reste du temps à 70%, niveau
qui convient à la croissance des végétaux.
Les matériaux utilisés pour les murs de la serre avaient aussi leur importance. La
chaleur du soleil entre dans la serre grâce à des rayons ''incidents'' et s'en échappe par
des rayons ''longs'' ou rayons infra rouges. Le matériau idéal pour l'isolation serait, par
conséquence, celui qui aurait un taux élevé de transmission pour les rayons solaires
84 Yong-won Kim, “Une étude sur la serre restaurée de Choson” (article pour le symposium,
Association de l'histoire de l'agriculture coréenne, Suwon, 30 mars 2002).
139

incidents, et un taux bas pour les rayons infra rouges. De surcroît, ce matériau devrait
diffuser une grande proportion du rayonnement transmis et sa tension ainsi que sa
résistance au déchirement devraient être élevées. De plus, comme des gouttelettes de
condensation se forment à la surface des murs, le matériau devait pouvoir les retenir et
leur permettre de s'écouler vers le sol. Ceci était nécessaire pour les empêcher de
tomber directement sur les plantes et de causer ainsi des dommages indirects ou
d'introduire sur les plantes des impuretés.
Le hanji huilé remplissait tous ces critères. Comme les particules d'huile remplissent
tous les intervalles dans la structure du papier, le hanji huilé ne réfracte pas la lumière
mais lui permet de transmettre sa force au travers, ce qui résulte en un taux élevé de
transmission. De plus, sa tension et sa résistance au déchirement sont plus élevées que
le vinyle ou le hanji non huilé. Et les gouttelettes d'eau qui se forment à la surface
du papier s'écoulent le long de sa surface jusqu'à terre.
En août 2002, au 26ème congrès international d'horticulture à Toronto, le professeur
Jeon Hui, de l'Institut national de Corée sur les recherches en horticulture, informa les
spécialistes du monde au sujet de la découverte de livre Sanga Yorok et de la
reconstruction de la serre. Était aussi présent à ce congrès le professeur Paul Nelson de
l'université de l'État de Caroline, auteur de Greenhouse Operation & Management,
manuel largement utilisé dans le domaine de l'horticulture. A ce congrès, il entendit
parler pour la première fois de la serre coréenne du 15ème siècle et dit qu'il ré-écrirait
l'histoire des serres dans la prochaine édition de son livre. 85
Grâce à la découverte d'un simple livre, oublié pendant des siècles dans un coin
d'une vieille boutique, le monde de l'horticulture a découvert un chapitre manquant de
son histoire.
85 Hui Jeon, message e-mail aux éditeurs, 10 sept. 2008.
140

141

Troisième partie
La médecine, la nutrition et les sciences des aliments
142

47. Un trésor de médecine orientale
Tongui Pogam a été rédigé par Heo Jun, médecin de la cour, et publié en 1613.
Connu pour être l'un des plus grands ouvrages de l'histoire de la médecine orientale,
il fut publié et utilisé dans de nombreux pays, y compris en Chine et au Japon, et reste
un ouvrage clé de référence pour l'étude de la médecine orientale. Sa catégorisation
et son classement des symptômes et des médicaments autour des organes humains
affectés, plutôt que l'analyse des maladies en elles-mêmes, fut une avancée
révolutionnaire. Cet ouvrage contient des profondeurs de vue qui, pour certains cas,
ne sont pas entrées dans les connaissances médicales d'Europe avant le 20ème
siècle.
''Ce livre a été écrit par Heo Jun, de Choson. Bien qu' étranger et venu
d'une terre lointaine, la distance n'est pas un obstacle à la poursuite du
savoir. Ce livre a été présenté à l'empereur pour qu'il y prête attention, et
a été reconnu comme excellent, le meilleur parmi les ouvrages de
médecine. Malheureusement, jusqu'à ce jour, il est resté confiné dans le
palais et les gens ordinaires ont pu très difficilement se familiariser avec
ce texte. Un trésor sous les cieux doit devenir une source de joie pour
tous les gens sous les cieux.''
- Ling Yu, érudit chinois, préface de l'édition chinoise de Tongui Pogam
Publié en Corée pour la première fois en 1613, Tongui Pogam (Miroir précieux de
la médecine orientale) a été salué comme l'un des plus grands livres de l'histoire de la
littérature de la médecine et a été largement lu dans toute l'Asie Orientale. A ce jour, il
a été réimprimé plus de 30 fois en Chine, une nouvelle édition presque tous les dix ans.
Il fut très largement mis en circulation par les shoguns, au Japon. Tongui Pogam est un
ouvrage dont les ventes restent stables, même aujourd'hui, et il est l'un des principaux
143

livres de référence pour les étudiants en médecine orientale. 86
Il n'est pas exceptionnel d'étudier des livres qui ont été écrits il y a des centaines
d'années. Les œuvres de Shakespeare, par exemple, sont toujours appréciées non
seulement sous leur forme écrite, mais aussi sur scène ou au cinéma. Cependant, à la
différence de la littérature et de la philosophie, qui explorent les voies humaines
universelles qui ne changent pas, la médecine est une branche de la science dans
laquelle des connaissances nouvelles remplacent très vite les anciennes. Le fait qu'un
texte de médecine qui date de 400 ans peut encore faire autorité dans notre époque
moderne, est par là même quelque chose de vraiment remarquable. En juillet 2009,
l'UNESCO a inscrit le Tongui Pogam au Patrimoine mondial, indiquant que cet
ouvrage avait grandement contribué au développement de la médecine orientale et
considérablement aidé à la santé et au bien-être de la nation. 87
Une ère nouvelle dans la littérature médicale d'Extrême-Orient
Tongui Pogam a été écrit par un médecin de la cour royale, Heo Jun (1545~1615)
sur la demande du roi Sonjo. Heo Jun mit 14 ans à achever ce livre qui reprend
l'histoire entière de la médecine en Asie Orientale, depuis l'époque de l'Empereur
Jaune, qui passe pour avoir posé les principes de la médecine, jusqu'au 17ème siècle,
et recouvre 2.000 symptômes, 1.400 médicaments, 4.000 ordonnances, des centaines
de techniques pour acupuncture ainsi que des conseils pour se maintenir en bonne
santé. Il y a beaucoup de publications qui surpassent le Tongui Pogam quant à la
longueur. Son exactitude et son côté pratique, cependant, fruits de la comparaison de
beaucoup de traités médicaux complexes, et de la compilation des données les plus
efficaces et les plus fiables, basées sur l'expérience médicale de l'auteur, font de ce
livre une véritable œuvre de maître.
Comprenant au total 25 volumes, Tongui Pogam est composé autour de cinq thèmes
86
Dong-won Shin, éd., Les mystères dans l'histoire coréenne des sciences (Séoul: Hanibooks,
2006), 152.
87
UNESCO Registre de la mémoire du monde. http://portal.unesco.org/ci/en/ev.php-URL
_ID=27073&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html.
144

principaux: Les Organes internes 88 , les Organes externes 89 , Autres maladies, les
Ordonnances médicales, et Acupuncture et Moxibustion. Les principales maladies sont
examinées dans les deux premières sections. Les conditions plus obscures ou celles qui
sont spécifiques aux enfants ou aux femmes, sont regroupées dans la troisième section.
Les deux dernières sections traitent des substances possédant des propriétés
médicinales ainsi que des techniques d'acupuncture pour soigner les maladies.
Briedie Andrews et Elisabeth Lee Hsu, chercheurs à l'Institut de recherches
Needham de l'université de Cambridge, ont observé que la structure du Tongui Pogam
est différente de celle des autres ouvrages médicaux de l'Asie Orientale. Dans ce livre,
Heo Jun a classé les maladies selon les organes humains touchés à l'origine. Un tel
classement pourrait sembler très naturel, mais c'était, en fait, une approche tout à fait
nouvelle, jamais utilisée auparavant ni en Chine ni en Corée. Le changement de
perspective pourrait être comparé à l'histoire de ''l'œuf de Colomb'' ― simple et
évident après qu'il a été expliqué. 90
Les textes médicaux précédents se concentraient principalement sur les traitements
des différentes maladies et n'essayaient pas de chercher une compréhension détaillée
du corps lui-même. Quand on part du 'corps' et non de la ''maladie'', on donne bien plus
de cohérence et d'ordre à l'étude de la médecine. En ce sens, Tongui Pogam a pu
établir des distinctions plus claires entre les deux, et donna la preuve, en fin de compte,
qu'il était plus utile pour étudier et appliquer des méthodes pour maintenir la santé,
aussi bien que dans le traitement de maux variés.
En compilant le Tongui Pogam, Heo Jun apporta une grande contribution à
l'organisation de la médecine orientale. Dans la première édition chinoise du Tongui
Pogam (1747), l'éditeur à écrit : ''Depuis que j'ai appris à lire, j'ai étudié les livres de
médecine avec application, mais malheureusement je n'ai jamais pu obtenir une
compréhension holistique de la médecine. Je suis tombé sur Tongui Pogam, écrit par
Heo Jun, et j'ai découvert que son analyse des propriétés des médicaments est
exceptionnellement bien ordonnée, en cela que l'ordonnance est dialectiquement
88
La branche de la médecine en rapport avec les ornganes internes du corps humain (similaire à la
médecine générale).
89
La branche de la médecine qui concerne les conditions relatives au système musculaire et osseux,
ainsi que les parties extérieures du corps (orthopédie et dermatologie).
90
Dong-won Shim, Heo Jun (Seoul: Hanibooks, 2001), 178.
145

déduite de la description détaillée des symptômes et de la condition changeante du
patient. Dans la montagne des ouvrages de littérature médicale, c'était là une véritable
mine cachée.'' Dans l'Encyclopédie pharmaceutique chinoise, publiée en 1935, Tongui
Pogam est décrit en ces termes : ''Son champ d'investigation est vaste, ses
enchaînements logiques, c'est un ouvrage monumental dans le domaine de la
médecine.''
Jusqu'au 18ème siècle, les ambassadeurs japonais, pendant leurs séjours en
Corée, recherchaient les ouvrages médicaux plus que tout autre. Tongui Pogam fut
très largement lu par les praticiens de la médecine au Japon, après son introduction
dans le pays en 1651. Une version japonaise fut publiée en 1724, sous le titre de
Tongui Pogam revu. Il y eut par la suite de nombreuses rééditions. L'édition de 1799,
d'Osaka contient un appendice écrit par Minamotono Motodouru, chercheur en
médecine. ''Le Tongui Pogam place chaque théorie, du passé au présent, à portée des
doigts de la main, et sera d'un grand secours comme guide de référence pour tous ceux
qui s'engagent dans une carrière médicale...C'est un livre divin qui préservera les gens
des maux et qui contient les secrets de la profession médicale.''
En 1748, une délégation diplomatique coréenne venait d'arriver à Namba, au Japon,
lorsque l'un de ses membres se trouva mal, et alla trouver un docteur local. Mais
comme la délégation coréenne hésitait à le confier à un docteur étranger, dont les
méthodes ne leur étaient pas familières, le médecin japonais demanda avec indignation
comment on pouvait douter de ses pratiques médicales, alors qu'elles étaient basées sur
le Tongui Pogam de Heo Jun. Soigné par lui, le malade, dit-on, recouvra la santé et le
docteur japonais reçut les remerciements chaleureux de tous. 91
Tongui Pogam encore en vie
Dans l'histoire de la médecine, les 16ème et 17ème siècles furent une époque de
grands progrès. En Europe de l'ouest, l'anatomiste belge Andreas Vesalius
(1514~1564) posa les fondations de la médecine moderne avec son De humanis
91 Ho Kim, Scientifiques de la dynastie Choson (Séoul: Humanist, 2003), 151.
146

corporis fabrica. Publié à Basel en 1543, il comprend 600 pages de texte auquel sont
ajoutés plus de 300 schémas de l'anatomie humaine. A l'origine écrit en latin, De
humanis corporis fabrica fut traduit en de nombreuses langues et devint un manuel de
base non seulement dans le domaine de l'anatomie mais dans tous les domaines de la
médecine. Basé sur la dissection du corps humain, le livre a fondamentalement changé
la façon de voir le corps.
C'est à partir de ces avancées qu'a travaillé William Harvey (1578~1657) médecin
anglais crédité pour être le premier docteur occidental à avoir décrit la circulation du
sang, et considéré comme le père de la physiologie moderne. Tout comme Heo Jun, il
fut médecin à la cour et laissa après lui un ouvrage médical célèbre : Exercitatio
anatomica de motu cordis et sanguinis in animalibus (1628). Grâce à la fois à son
observation, son esprit de déduction et une expérience montrant le gonflement des
veines dans un bras ligaturé, il apporta la preuve de la théorie de la circulation
systémique du sang, donnant une réponse à la question posée depuis si longtemps :
''Vers où coule le sang ? ''
A l'époque donc où Heo Jun était en vie, en Corée, avaient lieu dans l'Europe du
17ème siècle, une analyse détaillée et une appréciation plus claire des structures du
corps, aussi bien que les corroborations expérimentales des mécanismes
physiologiques. Cependant, la compréhension des pathologies restait sommaire, la
pharmacologie et la thérapeutique étaient toutes deux relativement sous-développées,
avec la théorie de Galien sur les quatre humeurs (les quatre fluides corporels: le sang,
le flegme, la bile jaune et la mélancolie) encore dominant dans cette branche de la
médecine. Peu de médicaments étaient accessibles et les traitements tendaient plutôt à
être sommaires, telle l'incitation des mouvements des intestins au moyen de laxatifs.
En comparaison, la connaissance des conditions pathologiques, évidente dans le
Tongui Pogam, est vaste et profonde, comme le sont les méthodes de traitements
s'étendant des drogues à l'acupuncture et à la moxibustion. Il ne fut établi qu'au 20ème
siècle que l'hépatite se répand par contact avec du sang contaminé, et pourtant cela est
indiqué par Heo Jun dans Tongui Pogam. De plus, alors que la thérapeutique, en
Occident, commença à se développer rapidement à la fin du 19ème siècle, les
méthodes de traitement prescrites par Tongui Pogam au 17ème siècle sont encore
147

utilisées aujourd'hui. 92
Le plus grand mérite du Tongui Pogam est, de loin, d'avoir permis de sauver
d'innombrables vies. Bien plus, ses bienfaits ne se sont pas limités aux riches et aux
privilégiés, mais ont pu aussi s'appliquer aux gens ordinaires. Comme les médicaments
étaient chers, les pauvres gens souffraient de graves maladies sans prendre de
remèdes. Heo Jun chercha les moyens d'augmenter l'efficacité de substances
médicinales que les gens pouvaient facilement se procurer. Tout en prescrivant des
traitements qui combinaient plusieurs médicaments, il inclut aussi des ordonnances qui
ne comprenaient qu'un seul ingrédient.
Heo Jun est renommé pour avoir laissé derrière lui une œuvre détaillée sur la
médecine orientale. Mais son objectif principal fut de trouver une médecine que tous
pourraient utiliser. Il écrivit aussi d'autres ouvrages dont beaucoup concernent les
maladies contagieuses. Se souvenant de ce noble esprit, les Coréens vouent, jusqu'à
aujourd'hui, à la mémoire de Heo Jun, une grande admiration et un profond respect.
92 Shin, Heo Jun, 321-323.
148

48. Bulgogi
Malgré son nom, qui signifie ʺviande grilléeʺ, le bulgogi est populaire pour sa texture
tendre et pour sa saveur douce et très particulière. Le secret réside dans la
préparation très soignée qui consiste à émincer la viande, la rendre plus tendre et la
faire mariner. C'est un plat savoureux mais aussi très sain. La marinade de sauce de
soja et de sucre empêche la formation de produits d'oxydation du cholestérol mauvais
pour la santé, et les autres ingrédients sont également très sains. Ils contiennent tout
un éventail de vitamines clés et de composés organiques bénéfiques qui aident à la
digestion. Bien que ce soit un plat de viande, on le consomme généralement
accompagné de légumes ce qui en fait un met nutritionnel bien équilibré.
Le bulgogi est le plat de viande de bœuf le plus connu et le mieux apprécié en
Corée. Sa consistance est douce et sucrée et les gens en deviennent généralement des
adeptes après l'avoir goûté une seule fois.
La traduction littérale de bulgogi est ʺviande au feuʺ (bul – gogi). Son origine
remonte à l'époque Koguryo (37 avant J.C.~ 668). Les gens de Koguryo mangeaient
habituellement un plat de viande de bœuf nommé maekjok, qui était préparé en faisant
marinier des brochettes de bœuf dans de la sauce de soja et de l'ail, et en les faisant
cuire à la braise. La recette passa en Chine et gagna une réputation de met raffiné.
Pendant la période des Six Dynasties, Gan Bao rapporta dans son livre En quête du
surnaturel : ʺMaekjok est un plat étranger, mais les Chinois l'apprécient beaucoup et
le servent toujours au cours de grands repas donnés par les riches ou par les
fonctionnaires de haut rang.ʺ
Quand le bouddhisme fut adopté comme religion d'état, au 4ème siècle, les plats à
base de viande devinrent moins fréquents en Corée, puisque le bouddhisme interdit
strictement d'enlever la vie. Pendant le 13ème siècle, à la suite des invasions mongoles,
la consommation de viande revint à la mode. Pour les Mongols nomades, la viande est
la nourriture de base.
149

Bulgogi et ssam
La culture de Corée fut naturellement influencée par leurs coutumes. Dans la
capitale, Kaesong, centre des affaires et du commerce international, de nombreux plats
de viande gagnèrent en popularité. Avec le temps, ce retour à la cuisine à base de
viande amena à une recette de viande de bœuf, réservée au palais du roi et appelée
neobiani, qui fut connue plus tard sous le nom de bulgogi. 93
Le goût particulier du bulgogi a conquis les gens de pays très différents. Le secret de
sa saveur réside dans la cuisson et dans la préparation de la viande. De façon
traditionnelle, on utilise pour le bulgogi, les parties les plus tendres et les moins
93 Myeong-jong Yoo, Images de Corée: douze symboles culturels montrant la véritable intériorité
de la Corée (Séoul: Discovery Media, 2006), 18.
150

grasses de l'aloyau et de l'entrecôte. Le gras et les tendons sont enlevés avec soin du
reste de la viande. Pour rendre la viande plus tendre, on la tapote doucement avec le
plat du couteau. Pendant que l'on coupe et qu'on attendrit la viande, elle devient plus
douce et de ce fait la marinade pénètre avec plus d'efficacité. La marinade consiste en
un jus de poire et de vin de riz. (On peut aussi utiliser du vin rouge). Au cours de ce
marinage, la viande est rendue plus douce par l'action d'enzymes qui la rendront plus
facile à digérer. La viande est alors mélangée à de la sauce de soja, de la ciboule
hachée, de l'ail pilé, du gingembre, des grains de sésame, du poivre, du sel et de l'huile
de sésame. Après avoir mariné douze heures, la viande est prête à être grillée ou sautée
dans une poêle sans huile. Comme le bulgogi est mariné avant d'être grillé, il n'est pas
nécessaire de préparer une autre sauce. La viande poêlée a une saveur douce et très
particulière.
Des recherches ont démontré que la viande qui marine dans de la sauce de soja et du
sucre avant d'être grillée, est meilleure pour la santé. En juin 2006, le journal de
l'agriculture et de la chimie alimentaire, publié par la Société Chimique des États Unis,
a fait paraître des résultats de recherche qui disent que la viande marinée avec du soja
et du sucre supprime la formation de produits d'oxydation du cholestérol (COP). Ces
derniers se forment, en général, lorsque la nourriture contenant un taux élevé de
cholestérol est chauffée ou cuite. Il est bien connu qu'une quantité excessive de COP
peut être nocive pour les cellules du corps et causer des maladies cardiaques ou le
cancer.
Afin de rechercher les effets de la viande marinée et de la formation des COP, une
équipe de chercheurs de l'université Fujian de Taïwan a préparé un échantillon de
viande de porc et d'œufs durs dans trois marinades différentes, la première contenant
de la sauce de soja, la deuxième du sucre et la troisième contenant un mélange des
deux.
D'après leurs recherches, lorsque la viande est marinée dans du soja ou dans
du sucre la formation des COP (Produits d'oxydation du cholestérol) diminue. On a
découvert que le rôle du sucre était particulièrement important. Le professeur Chen,
qui dirigeait l'équipe de recherche, expliqua que la marinade de sucre et de sauce de
soja provoquait l'apparition d'un produit de réaction brun qui agit comme un
151

antioxydant qui neutralise les COP. 94
De plus des éléments nutritionnels bénéfiques contenus dans la sauce de soja,
comme les isoflavones, suppriment aussi la formation des COP. Ceci prouve bien que
la viande marinée n'est pas seulement agréable au goût mais également bonne pour la
santé.
Il faut aussi noter que si la marinade utilisée pour le bulgogi contient de la sauce de
soja et du sucre, de leur côté, la ciboule, l'ail, le gingembre et l'huile de sésame sont
aussi des ingrédients très bons pour la santé. Ils contribuent non seulement à élaborer
la bonne odeur de la viande, à la rendre plus tendre et à lui donner une saveur agréable
mais encore ils rehaussent aussi ses bienfaits sur la santé.
L'huile de sésame contient beaucoup d'acides gras non saturés et bénéfiques, comme
l'acide linolénique, qui aident à supprimer le cholestérol. Le sésame contient en lui-
même des acides qui suppriment le cholestérol et aident au mouvement des intestins. Il
contient également des taux élevés de calcium, de fer, de vitamines B1 et B2. L'ail aide
à réduire le taux de cholestérol et toute graisse dans le foie et dans le sérum du sang.
L'allicine qu'il contient a un effet antibactérien, aidant à la production d'enzymes
digestifs dans les sucs gastriques. Il aide aussi les mouvements de l'intestin au cours de
la digestion. En conséquence, le bulgogi convient même à ceux qui ont un système
digestif assez faible, comme les personnes âgées et les tout petits. Le ssam est la
dernière touche dans la préparation du bulgogi. C'est une sorte d'enveloppe végétale,
faite de feuilles de laitue, de sésame, ou de chrysanthème couronné et mangée avec
une sauce appelée ssamjang. Cette sauce consiste en une pâte de soja (faite à partir de
grains de soja fermentés) et du piment rouge écrasé. C'est donc une excellente
nourriture fermentée qui contribue, à la fois, au bon goût et à la valeur nutritionnelle
du ssam.
Quand la viande est ainsi mangée, entourée de ssam (enveloppe végétale), le plat est
équilibré et agit contre les maladies artérielles, l'hypertension et le cancer. Si on
considère tout à la fois, le goût, la valeur nutritionnelle et les bienfaits sur la santé, il
n'y a pas de plat de viande meilleur que le bulgogi.
94 H. W. Lee et autres, ''Formation de produits d'oxydation du cholestérol dans les aliments
marinés, pendant la cuisson,'' Journal d'agriculture et de chimie des aliments 54 (2006): 4873-4879.
152

Ingrédients
Comment faire le bulgogi
500gr de viande de bœuf (aloyau ou entrecôte) en tranches fines.
Sauce marinade
A. 4 cuillerées de jus de poire coréenne et 1 cuillerée de vin rouge.
B. 4 cuillerées de sauce de soja noire et 1 1 /2 cuillerée de miel ou de
sucre.
C . 2 cuillerées d'échalotes amincies, 2 cuillerées d'ail haché
Recette
1 cuillerée d'huile de sésame, une pincée de poivre noir
5 ou 6 champignons moyens et ½ oignon (ajouter pendant la cuisson)
1. Couper la viande en petits morceaux. Mettre la viande dans une
passoire et arroser d'eau pour enlever le sang.
2. Pour attendrir le bœuf tapoter doucement la viande avec le dos du
couteau.
3. Mélanger le jus de poire et le vin dans un bol. Ajouter la viande au
mélange et préparer la sauce marinade.
4. Mélanger la sauce de soja noire et le miel dans un bol et tourner
jusqu'à ce que le miel soit complètement dissous. Ajouter les échalotes,
l'ail, l'huile de sésame et le poivre noir au mélange de soja et de miel.
5. Ajouter la sauce de soja et la marinade avec le miel, à la viande, le vin
et le jus de poire. Laisser mariner pendant 12 heures.
6. Faire griller ou poêler la viande marinée sans ajouter d'huile.
7. Servir le bulgogi avec du ssam des légumes et de la sauce ssamjang
153

49. Kimchi
Le kimchi est une méthode coréenne pour conserver les légumes par fermentation. Il
est reconnu pour être l'un des cinq aliments les plus sains dans le monde. Consommé
depuis plus de 2000 ans dans la péninsule coréenne, on le prépare de multiples
façons, et on le trouve à tous les repas coréens. On le crédite d'être un frein à la
croissance de l'obésité en Corée. Plus encore il passe pour combattre le stress, pour
ralentir le processus de vieillissement, pour combattre le cancer ainsi que beaucoup
d'autres maladies mortelles comme le SRAS et la grippe aviaire. Ceci est dû aux
nombreux ingrédients sains qu'il contient et à sa haute concentration en lactobacilles
bénéfiques.
En mars 2006, la revue américaine Health magazine, sélectionna les cinq aliments
les plus sains du monde. Les résultats donnaient : L'huile d'olive d'Espagne, le soja
japonais, le Yaourt de Grèce, les lentilles de l'Inde et le kimchi coréen. Dans l'article, le
kimchi était décrit en ces termes : ʺchargé de vitamines clés, le kimchi contient des
bactéries saines qui aident la digestion. C'est en partie ce régime haut en fibres et bas
en corps gras qui a écarté l'obésité de Corée.ʺ 95
Selon le rapport le plus récent de l'OCDE, la Corée a le taux le plus faible d'obésité
parmi tous les pays de l'OCDE, avec seulement 3,5% de la population adulte
considérés comme obèses. Le pays ayant le taux le plus élevé est les États-Unis avec
34% de la population affectée par l'obésité, suivi par le Mexique (30%) et le Royaume
Unis (24%). 96
Le kimchi est un plat traditionnel de légumes fermentés. C'est une part importante
de l'alimentation des Coréens qui fait partie des repas de tous les Coréens. Selon les
documents historiques, on a mangé du kimchi depuis plus de 2000 ans sur la péninsule
coréenne. Il y en a plus de 200 variétés et de nombreux plats sont basés sur le kimchi
95 Joan Raymond, “World’s Healthiest Food,” Health, mars 2006.
96 OCDE Données sur la Santé 2009.
154

155
Baechu kimchi (à base de chou
coréen) est la sorte la plus commune
de kimchi. On le consomme en
général pour accompagner le plat
principal.
comme le ragoût au kimchi, les galettes au kimchi, le riz sauté au kimchi, les raviolis
au kimchi, les rouleaux de riz au kimchi, et les kimchi burgers. Les Coréens
consomment en moyenne 30kg de kimchi par an. 97 Ce n'est pas exagéré de dire que le
kimchi est un symbole culturel aussi bien qu'un élément essentiel de la cuisine
coréenne.
L'alimentation traditionnelle en Corée est principalement à base de légumes. La
Corée est un pays ayant quatre saisons bien distinctes. Elle a donc développé des
procédés variés pour la conservation des légumes de façon à en assurer
l'approvisionnement pendant la période froide de l'hiver, où on ne peut plus les
cultiver. Parmi ces méthodes de conservation des aliments, la plus remarquable est
celle utilisée pour faire le kimchi.
A l'approche de l'hiver, les gens se réunissent chez leurs proches ou leurs amis pour
faire une grande quantité de kimchi en utilisant le chou coréen. Autrefois, le kimchi
était conservé dans de grands pots de terre cuite que l'on mettait en terre, jusqu'au
col. Pour la consommation quotidienne, on prélevait, au jour le jour, de petites
quantités. C'était la meilleure façon de conserver le kimchi pendant une période assez
longue, car il n'était pas au contact de l'air et restait à une température constante, qui
ne descendait jamais au-dessous de zéro. La conservation naturelle du kimchi dans des
97 Oh-jun Kwon, “La guerre du kimchi épicé,” Hebdomadaire Hankyung des affaires, 13 nov.
2005.

pots de terre cuite, lui donnait un meilleur goût et en augmentait les qualités
nutritionnelles en aidant le processus naturel de fermentation.
De nos jours, la plupart des gens utilisent des réfrigérateurs spécialement conçus
pour conserver le kimchi. Alors que les réfrigérateurs ordinaires ont des portes qui
s'ouvrent sur l'avant, les portes des réfrigérateurs à kimchi s'ouvrent par le haut, comme
les couvercles des pots enterrés. Cette position des portes ne laisse échapper qu'un
minimum d'air froid, et permet de garder une température stable à l'intérieur du
réfrigérateur. Les réfrigérateurs ordinaires fonctionnent par circulation d'air froid, ce
qui peut avoir pour effet de dessécher les fruits et les légumes. Les réfrigérateurs à
kimchi font appel à une méthode directe de refroidissement, utilisant les parois mêmes
des bacs à rangement et préservant ainsi la fraîcheur du kimchi pendant une période
bien plus longue.
On fait du kimchi en laissant macérer du chou, du navet ou des concombres dans du
sel et en mélangeant le tout, pour l'assaisonnement, avec d'autres ingrédients tels que la
poudre de piments rouges, l'ail, les échalotes, le gingembre et les fruits de mer qui ont
macéré dans du vinaigre et du sel. L'apport de ces ingrédients variés est tout à fait
capital pour faire un kimchi savoureux et nourrissant. Lorsque ces ingrédients ont été
ajoutés, on peut fermer la jarre et la laisser un certain temps pour laisser se faire la
fermentation.
Dans beaucoup d'autres cultures les légumes sont conservés dans du vinaigre salé,
comme en Asie Orientale, le paocai chinois, le zukemono japonais, ou encore les
cornichons, les concombres et les sauerkrauts en Occident. Pour cela on utilise surtout
du sel et du vinaigre. Le kimchi produit des lactobacilles bénéfiques de bien meilleure
qualité et des substances bioactives efficaces, plus qu'aucune des conserves ci-dessus
énumérées.
En 1999, la télévision Fuji a présenté un documentaire qui montrait que le kimchi
coréen contenait 167 fois plus de lactobacilles que son équivalent japonais
kimuchi. En conséquence, il y eut, au Japon, un accroissement soudain d'intérêt pour
le kimchi. Un seul gramme de kimchi bien fermenté contient environ cent millions de
lactobacilles, bien au-delà de la quantité qui se trouve dans les yaourts. 98 Ces
98 Kun-yong Park, “Les bienfaits du kimchi sur la santé,” Science du kimchi (Séoul: Pureun Sesang,
156

lactobacilles aident à nettoyer le gros intestin en contribuant à la croissance de
2007), 30.
157

Différentes variétés de kimchi
158

micro organismes bénéfiques et en éliminant les mauvaises bactéries.
Bien plus encore, comme le kimchi est riche en antioxydants comme la vitamine C,
la carotène beta, les composés phénols et la chlorophylle, il est vraiment efficace pour
réduire le stress. Dans une étude menée par le professeur Lee Jongmi de l'université
féminine Ewha, lorsqu' une souris en état de stress est nourrie avec une
préparation comprenant 5% de kimchi, la corticosterone (hormone indiquant le niveau
de stress) est réduite de 30,4%. 99
Le kimchi est aussi connu pour ralentir le processus de vieillissement de la peau. Le
professeur Park Kunyoung de l'université de Pusan a testé l'épaisseur des cellules de la
peau d'une souris nourrie avec du kimchi pendant seize semaines. La peau devient
généralement plus sèche et plus fine avec l'âge. Cependant les cellules de la peau de la
souris nourrie avec du kimchi montraient une augmentation de l'épaisseur de plus de
24% en comparaison des souris qui avaient eu une nourriture ordinaire. Il apparaissait
aussi que la formation d'un nouveau collagène (protéine de structure fibreuse qui
forme la peau, les os...etc.) augmentait dans la structure du derme, indiquant aussi,
venant du kimchi, des effets contre le vieillissement de la peau. 100
L'une des raisons expliquant pourquoi le kimchi a récemment gagné une réputation
internationale a été son rôle dans l'épidémie soudaine de SRAS (syndrome respiratoire
aigu sévère) en 2003, la première épidémie de ce 21ème siècle. Après sa première
apparition en novembre 2002, il s'est étendu à 29 pays en l'espace de quelques mois.
Avant que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ne déclare le monde ʺlibéré du
SRASʺ en juillet 2003, le virus avait pris de nombreuses vies et causé une angoisse à
l'échelle mondiale.
95% des cas de SRAS étaient concentrés en Asie, en particulier en Chine et les pays
qui l'entourent. Étonnamment on ne rapporta en Corée aucun cas de SRAS, alors que
c'est un pays qui borde la Chine. Partant de là, les chercheurs ont commencé à
accorder une plus grande attention au kimchi, nourriture quotidienne des Coréens,
d'abord comme défense potentielle contre le SRAS et ensuite pour ses effets positifs
sur le système immunitaire.
99 Administration du développement rural, ''Le kimchi peut atténuer le stress,” nouvelle parue le
23 juin 2005.
100 Ibid.
159

Deux années après l'apparition de l'épidémie de grippe aviaire, en mars 2005, les
grandes compagnies des mass media comme la BBC et l'ABC, rapportèrent que les
scientifiques avaient indiqué la possibilité que le kimchi pouvait être utile pour
combattre cette épidémie. 101 Une équipe de recherche, sous la direction du professeur
Kang Sa-ouk, de l'université nationale de Séoul, a donné un bouillon de culture de
lactobacilles extraits du kimchi, en nourriture à des poulets infectés par le virus. Selon
leurs recherches, les poulets qui ont été nourris seulement avec de la nourriture
ordinaire, survécurent à 54%, alors que ce taux était de 85% pour les poulets nourris
avec des extraits de kimchi. Dans le cas des poules nourries normalement, le virus
réduisit à 50% leur capacité à pondre des œufs, mais le taux de ponte revenait à 85%
lorsque les poules étaient nourries avec du kimchi. 102
En décembre 2006, le docteur Lee Jong-kyung de l'Institut coréen de recherches
pour l'alimentation, découvrit que lorsque la salmonella, O-157, et les vibrio bactéries
étaient introduites dans un échantillon de kimchi bien fermenté (pH 4,4), 99% des
bactéries étaient détruites dans les 4 heures qui suivaient, et les vibrio bactéries après
dix minutes. Il devint clair aussi que lorsque le kimchi est consommé avec de la viande
ou du poisson, il peut prévenir les empoisonnements alimentaires. 103
Les propriétés anticancéreuses du kimchi sont aussi au centre d'un intérêt
grandissant. Le professeur Park, de l'université de Pusan, injecta un extrait de MSF du
kimchi, à des souris auxquelles on avait transplanté des cellules cancéreuses. Après un
mois, le poids moyen de la tumeur des souris nourries normalement était de 4,3
grammes, alors qu'il était de 2,0 grammes pour le groupe qui avait été nourri aux
extraits de kimchi. La conclusion montre que le kimchi aide à empêcher
l'accroissement d'une tumeur cancéreuse.
L'extrait de méthanol du Kimchi a montré un effet antimutatif sur les substances
cancérigènes non seulement dans les tests sur des animaux mais aussi dans des tests in
vitro. Dans beaucoup d'autres expériences, on a pu démontrer que les extraits de
kimchi empêchaient le développement des cellules cancéreuses ou affaiblissaient les
101
David Chazan, “Un plat coréen qui peut guérirr de la grippe aviaire,” Information de la BBC, 14
mars 2005.
102
Minju Lee, “Le kimchi contre la grippe aviaire,” Information de SBS, 9 nov. 2005.
103
Dong-sup Kim, “Le kiimchi peut protéger d'un empoisonnement alimentaire.” dans le journal
Chosun Ilbo du 21 novembre 2005.
160

effets virulents des carcinogènes. 104
Les bienfaits étonnants du kimchi sont dus aux propriétés médicinales conjuguées
des divers ingrédients qui le composent. Bien que la variété la plus connue de kimchi
soit celle qui est faite à partir du chou, des variantes utilisent du navet, des tiges d'ail,
des concombres, des feuilles de sésame et autres légumes. On peut ajouter à ces
principaux ingrédients du gingembre aminci, de l'ail, de la poudre de piment rouge et
des fruits de mer vinaigrés, qui en relèvent l'assaisonnement et sont bénéfiques pour le
corps en eux mêmes.
Les chercheurs coréens ont découvert que chacun des ingrédients du kimchi, le
chou, la poudre de piment rouge et l'ail, était très efficace pour prévenir différents
types de cancer. La capsaïcine, par exemple qui est responsable du goût épicé du
piment rouge, est connue pour supprimer le cancer du poumon. L'allicine, contenue
dans l'ail, est connue pour supprimer le cancer du foie, de l'estomac, de la vessie et de
la thyroïde. Indole-3-carbinol, contenu dans le chou, est également connu pour
supprimer le cancer de l'estomac. 105
Des études faites dans d'autres pays ont aussi apporté des résultats similaires. En
1999, Harvard Medical School a indiqué que la consommation de chou et de brocoli
pouvait réduire les risques de cancer de la vessie. 106 L'Institut national du cancer des
États Unis a choisi l'ail comme l'ingrédient anticancéreux numéro 1, parmi une
sélection de 40 aliments différents. Comme ses bienfaits sur la santé sont reconnus par
les chercheurs, le kimchi a gagné la réputation mondiale d'être l'un des aliments les
plus efficaces et des plus sains et un exemple vivant de la médecine ʺnaturelleʺ.
La saveur du kimchi et sa valeur nutritionnelle atteignent leur maximum lorsqu'il a
fermenté pendant deux à trois semaines à une température basse de 2 à 7 °C. Le kimchi
non fermenté a environ dix mille lactobacilles par millilitre. Après fermentation, le
nombre de lactobacilles passe entre 63 à 100 millions par millilitre, c'est-à-dire mille
fois plus. La quantité de vitamine B1 et B2 dans les ingrédients légumes décroît
légèrement quand on vient juste de faire le kimchi, mais environ 3 semaines après,
104
Park, “Les bienfaits du kimchi pour la santé,” 32.
105
Kun-yong Park et autres, Les 54 aliments qui combattent le cancer (Séoul: agence de nouvelles
Yonhap, 2007), 114-115.
106
D. S. Michaud et autres, “La consommation des fruits et des légmues et leur incidence sur le
cancer de la vessie,” Journal de l'Institut national du cancer 91, no. 7 (1999): 605-613.
161

Tableau 1 : Variation de poids après quatre semaines
Poids (g) Nourriture ordinaire
Régime élevé en
matières grasses
162
Matières grasses +
5% piment rouge
Matières grasses
+10%
de kimchi*
Poids original 171,4 170,3 170,7 171,4
Poids final 305.7 338,7 311 302,5
* Ce régime avec 10% de kimchi contenait la même quantité de piment rouge en poudre que les 5%
de poivre rouge seul.
cette quantité augmente jusqu'à 2 fois ce qu'elle était à l'origine. La quantité de
vitamine C décroît aussi légèrement lorsque la fermentation démarre, mais ensuite elle
atteint son maximum après la deuxième semaine de fermentation. 107
Le kimchi a aussi des effets bienfaisants pour aider à perdre du poids. Selon le
professeur Park, l'effet est dû, en grande partie, à la présence de capsaïcine dans le
piment rouge. Cependant, quand on ajoute les autres ingrédients, comme l'ail, les
navets, le gingembre et que la fermentation se met en route, les effets en sont
augmentés.
Dans une expérience avec des groupes de souris blanches, soumises à un régime
élevé en matières grasses pendant quatre semaines, le groupe nourri de piment rouge et
le groupe nourri avec du kimchi, perdent une bonne partie de leur poids si on les
compare avec le groupe nourri seulement de produits gras. On peut noter que le groupe
soumis à la fois à un régime gras et à des apports de kimchi maintient un poids
semblable au groupe soumis à un régime ordinaire. (Tableau 1) 108
Comme on le montre ici, le kimchi est rempli de vitalité naturelle. C'est l'un des
aliments qui peut apporter des réponses aux problèmes très variés des adultes, comme
l'obésité, résultat des habitudes alimentaires de la société moderne. On peut acheter du
kimchi dans les boutiques asiatiques et même dans les gros supermarchés. Si vous ne
savez pas comment manger le kimchi, le Magazine de la Santé recommande de le
107
Hong-sik Cheigh, Kimchi : Fermentation et science de l'alimentation (Séoul: Editions Hyoil,
2004), 349-358.
108
S.M. Choi et autres, “La poudre de piment rouge et le kimchi diminuent le poids du corps et
des lipides des tissus sanguins chez des rats ayant suivi un régime riche en matières grasses”
Nutraceutricals and Food. n° 7, (2002): 162-167.

prendre avec des œufs brouillés, des tomates et des champignons. On peut aussi le
consommer avec des pommes de terre farcies au four. Manger un peu de kimchi avec
de la viande ou un steak ou autre nourriture à haute teneur en matière grasse permet de
se rincer le palais et aide à la digestion.
163

50. Le soja fermenté
La fermentation est une méthode naturelle pour conserver les aliments, et contribue,
dit-on, à la longévité. Les plats traditionnellement fermentés comme le doenjang et le
kimchi sont à la base de l'alimentation coréenne. Dans le cas des plats à base de
grains de soja, comme le doenjang, les effets positifs sur la santé sont encore
rehaussés par le processus de fermentation. Ces plats peuvent aider à prévenir les
troubles cardiaques, l'obésité et un grand nombre de cancers.
Certaines villes ou régions, de par le monde, sont connues pour la longévité de leurs
habitants. Dans beaucoup de ces endroits, comme à Smolyan, en Bulgarie, à Hunza, au
Pakistan, ou dans les régions du Caucase, les gens consomment des produits à base de
lait fermenté pour leur alimentation quotidienne. Parmi les cinq aliments les meilleurs
pour la santé, dans le monde, choisis par Health Magazine, lors d'une récente enquête,
trois sont préparés par des méthodes de fermentation. Pourquoi les aliments fermentés
sont-ils si bons pour le corps ?
La plus grande partie des aliments produits en grande quantité, ont de nos jours des
dates d'expiration à longue période, grâce à des procédés artificiels comme la
pasteurisation, la congélation, ou l'ajout de conservateurs. Ajouter des conservateurs
est sans aucun doute mauvais pour le corps. La pasteurisation, elle, écarte des bactéries
nocives, mais ce procédé supprime aussi les bactéries bénéfiques. Elle a pour résultat
de produire des aliments sans vie. La congélation a aussi pour effet de retirer la
fraîcheur aux aliments.
La fermentation, quant à elle, allonge le temps de vie des aliments en utilisant des
micro organismes, au lieu de procédés artificiels et n'a donc pas d'effets malsains sur la
santé. En général, lorsque les aliments sont fermentés, leur valeur nutritionnelle
augmente et leur texture et leur saveur s'en trouvent valorisées. De façon plus
importante encore, les bonnes bactéries produites dans le processus de fermentation,
écartent les substances et les infections mauvaises, renforcent le système
164

immunitaire et le système digestif et aide à prévenir des maladies comme le cancer.
En conséquence, de nombreux nutritionnistes entreprennent aujourd'hui des
recherches sur les aliments fermentés de façon à trouver des solutions à des désordres
courants comme l'obésité ou autres maladies d'adultes.
Les origines de la fermentation du soja
70 % de la nourriture coréenne est naturellement fermentée. Plus de 200 variétés de
kimchi, de nombreux autres légumes marinés, la boisson de riz populaire nommée
shikhye, des sortes variées de fruits de mer salés en conserves, ainsi que les trois
sauces principales (sauce de soja, pâte de grains de soja, pâte de piment rouge) tout
cela est préparé par fermentation. Il est juste de dire que les produits alimentaires
fermentés sont la base de la nourriture des Coréens.
Selon l'ouvrage historique chinois Comptes rendus des Trois Royaumes, écrit au
3ème siècle, les gens de Koguryo, l'un des trois anciens royaumes de Corée, étaient
experts dans la préparation des aliments fermentés. L'ouvrage coréen Histoire des
Trois Royaumes affirme que lors du mariage du roi de Silla, Sinmun, les présents
apportés par l'épouse à son nouvel époux, comportaient de la liqueur, de la pâte de
grains de soja fermentés ainsi que des fruits de mer et des légumes fermentés.
Ragoût de doenjang fermentation. 109
165
Dans une enquête réalisée en Corée
en mai 2004, les cinq plats les plus
populaires, par vote, étaient la soupe de
doenjang (22,7%) le ragoût de kimchi
(17,5%) le kimchi (16,2 %), le bulgogi
(8,2%), et le bibimbap (5,4%). Les trois
plats en tête de liste– le ragoût de
kimchi, le kimchi et le doenjang–
réunissant à eux trois, plus de la moitié
(56,4%) des voix, sont obtenus par
109 Agence de presse Gallup Corée, “La nourriture favorite des Coréens, ” 17 juin 2004.

Meju, blocs de soja fermetés Doenjang, pâte de soja
Le ragoût doenjang, le favori, est préparé avec de la pâte de soja, riche en valeur
nutritive, avec des champignons, du tofou et des légumes variés. Il n'est pas seulement
bon au goût, mais il est aussi bien connu pour être un aliment bon pour la santé, qui
peut prévenir les maladies et même ralentir le processus de vieillissement. Le conte qui
suit explique comment fut créé le doenjang, comment il fut conservé comme faisant
partie de la tradition bouddhique de Corée.
Durant la période de l'Ancien Choson (2333 avant J.C.~108 avant J.C.)
vivait en Corée, un maître illuminé. Il réfléchissait toujours pour savoir
comment les êtres humains pourraient commettre moins de péchés. Le
maître arriva à la conclusion que les gens faisaient des fautes parce que
leurs âmes n'étaient pas en paix. Ayant réalisé cela, il se demanda s'il
existait une nourriture qui pourrait calmer les esprits des gens et les aider
à ressentir de la gratitude envers le ciel de façon à ce qu'ils commettent
moins de péchés, juste en mangeant cet aliment. Par ses ferventes prières
et sa méditation, il comprit qu'il lui fallait utiliser le soja pour créer cette
nourriture spéciale, car le soja est très nourrissant et facile à cultiver. Il
mit d'abord à tremper le soja pendant environ une journée, puis le fit
bouillir à petit feu, pendant environ 12 heures. Il écrasa alors les grains de
166

soja et les modela en blocs. Ces blocs de soja écrasé furent suspendus aux
poutres de l'avant-toit de la maison et séchés au soleil et au vent. En les
laissant recevoir le soleil, le maître permit à ces blocs de soja d'absorber
l'énergie du ciel. En les laissant sécher au vent, il les exposa au souffle du
Bouddha. Lorsque la fermentation fut achevée, ils furent trempés dans de
l'eau salée. Et par l'action du sel toute l'énergie de la mer s'y trouva
ajoutée. Puis, il suspendit les blocs de meju, près de l'eau, dans l'esprit
clair du Bouddha. Doenjang fut créé du désir altruiste et plein de
compassion du maître illuminé, du désir d'aider les gens à commettre
moins de fautes, il est rempli de la grâce de la nature, des cieux et du
Bouddha.
L'origine du soja est l'Asie du nord-est, plus précisément de la région sud de la
Mandchourie, et du nord de la péninsule coréenne, où fut établi un ancien état coréen,
il y a mille ans. Les archéologues et les historiens sont arrivés à la conclusion que le
soja a été d'abord cultivé vers 2000 ans avant J.C., et sa fermentation comme aliment
fut développée vers 1.500 avant J.C. et se répandit ensuite dans les autres pays d'Asie
Orientale. Un ancien livre classique chinois Shi Jin rapporte que le soja fut introduit en
Chine par la Mandchourie vers le 7ème siècle avant J.C.. 110 Dans l'histoire japonaise,
la première mention de la pâte fermentée de soja, apparaît dans les Documents
Shosoin, publiés vers le milieu du 8ème siècle. La pâte de soja japonaise, bien connue
sous le nom de miso, vient du mot coréen misun et miljo. 111
Meju est un bloc de soja fermenté. C'est l'ingrédient principal pour faire la sauce de
soja, la pâte de soja et la pâte de piment rouge. Le meju est fait avec du soja frais
récolté au début de l'hiver. Après avoir trempé des grains de soja dans l'eau pendant un
jour, on les fait bouillir dans l'eau, on les pile avec un mortier et on leur donne la
forme de blocs. On les attache avec des cordes de paille de riz et on les suspend aux
poutres de l'avant-toit de la maison. C'est alors que commence le processus de
fermentation avec la croissance de champignons bénéfiques et qui se poursuivra
110
Chul-ho Lee, Tae-hwan Kwon, “Histoire des produits du soja,” Le soja (Séoul: Presses
universitaires de Korea, 2005), 6-14.
111
Joon-sik Choi, Ce que signifie l'alimentation pour les Coréens (Séoul : Humanist, 2004), 62.
167

pendant tout l'hiver. Les meju sont entreposés dans une jarre de terre cuite et trempés
dans de l'eau saline. Puis on les place à un endroit bien ensoleillé pour qu'ils
fermentent à nouveau pendant 30 ou 40 jours.
Le liquide qui sort de ce processus de fermentation devient de la sauce de soja, et ce
qui reste au fond sert à faire le doenjang, ou pâte de soja fermentée. Alors qu'en Chine
ou au Japon on ajoute du blé ou du riz, le doenjang coréen est fait uniquement avec du
soja. La sauce de soja et la pâte de soja sont communs dans toute l'Asie Orientale, en
revanche, le kochujang, ou pâte de piments rouges, se trouve uniquement en Corée. Il
a un goût sucré et épicé. On l'obtient en ajoutant de la poudre de piment rouge et de la
poudre de meju à d'autres grains, comme le riz glutineux, l'orge, le blé ou le millet.
Les bienfaits des aliments de soja fermenté
En 1925, lors d'une visite aux États Unis, Sir John McNee, docteur britannique, fit
la remarque, dans une lettre à un ami, de sa surprise d'avoir vu deux patients atteints de
maladie coronarienne, pendant son séjour. Il faut dire qu'il y a moins d'un siècle, les
maladies coronariennes étaient considérées comme des choses rares. De nos jours c'est
devenu l'une des formes les plus communes des maladies cardio-vasculaires, l'une des
principales causes de décès en Amérique du nord et dans la plupart des pays
européens. 112
En octobre 1999, l'administration américaine sur les denrées alimentaires (FDA),
autorisait l'étiquetage des aliments contenant des protéines de soja, comme facilitant la
réduction des risques des maladies coronariennes. Le contenu en protéines du soja est
environ 40%. C'est le niveau le plus élevé trouvé parmi les produits cultivés. Le soja
est aussi riche en huit aminoacides essentiels, que le corps ne peut pas produire par lui-
même. La protéine de haute qualité du soja, est équivalente à la protéine qui se trouve
dans la viande et dans les produits laitiers. Mais, à la différence des protéines
animales, elle est faible en graisses saturées et sans cholestérol.
D'autre part, la teneur riche en saponine et en vitamine E du soja, est connue pour
112 Lee et Kwon, “Histoire des produits du soja,” 37-38.
168

prévenir le lentigo sénile et aider à la circulation du sang. La vitamine E, en particulier,
diminue le taux de mauvais cholestérol et de graisses neutres. Selon certains
chercheurs, la protéine et les isoflavones du soja favorisent le bon état des os,
préviennent ou minimisent les symptômes de la ménopause, comme les bouffées de
chaleur. Il est à noter surtout que les aliments à base de soja sont de plus en plus
reconnus pour avoir un rôle puissant dans la prévention et les traitements d'un grand
nombre de cancers.
Les bienfaits du soja sur la santé sont extrêmement accrus par la fermentation. Lors
de la digestion, le soja cru a un taux d'absorption de 55%, contre 65% pour le soja
bouilli. Cependant, lorsque le soja est fermenté avec des enzymes naturels sécrétés par
des micro organismes, les protéines, qui sont difficiles à digérer, sont dissoutes en un
composé moléculaire faible, et le taux d'absorption augmente jusqu'à atteindre 85%. 113
Des inhibiteurs nutritionnels tels que la trypsine sont aussi totalement écartés pendant
le processus de fermentation, avec comme résultats une meilleure capacité de digestion
et une utilisation plus efficace des aliments à l'intérieur du corps.
Même après la préparation des produits du soja, comme la sauce de soja, la pâte de
soja, et la pâte de piment rouge, le processus de fermentation continue, rehaussant le
goût et améliorant les bienfaits nutritionnels pour la santé. Selon une analyse faite par
l'Institut coréen des recherches sur l'alimentation, une sauce de soja, vieille d'une
année, contient 43mg d'aminonitrogène pour chaque 100g. Dans une sauce vieille de
deux années, ce chiffre passe à 680mg – une augmentation 16 fois plus grande.
L'aminonitrogène est un sous-produit intermédiaire qui apparaît lorsque les
protéines se scindent en aminoacides. Plus il y a d'aminonitrogènes, meilleur est le
goût. Cela augmente aussi la valeur nutritionnelle et le taux d'absorption des aliments
de soja fermenté. 114 Cette recherche scientifique est une preuve de l'adage coréen :
''L'amour et le goût du jang (produits de soja fermenté) s'améliorent avec l'âge.''
Les chercheurs ont découvert que les effets anticancéreux du soja augmentent aussi
lorsque le soja est fermenté. En 1999, le professeur Pak Kun-young, de l'université de
Pusan, réalisa une expérience avec des souris auxquelles on avait injecté des cellules
de sarcome 180. Chaque souris avait un régime séparé pendant vingt jours. Les
113 Jin-hee Lee, 65 recettes de soja pour la santé (Séoul: Leescom,2003), 10.
114 Jong-ho Lee, Le plus grand héritage culturel coréen du monde, 262.
169

ésultats montrèrent que le soja cru prolongeait la durée de vie d'une souris de 11%, le
miso (pâte de soja japonaise) de 41% et le doenjang de 68%. En d'autres termes, cette
expérience prouve que les effets anticancéreux du soja augmentent avec la
fermentation. Le doenjang, fait avec 100% de soja, s'est montré bien plus efficace
contre le cancer que le miso qui contient aussi du riz et du blé. 115
Les aliments à partir de soja fermenté ont aussi joué un rôle inestimable dans la lutte
contre l'obésité. Au cours de l'expérience conduite par le professeur Park, une souris
pesant 143 grammes fut alimentée avec des aliments très riches en graisse, pendant 30
jours. Son poids était alors de 288 grammes. Une autre souris fut alimentée d'un
régime consistant en 90% d'aliments extra gras et de 10% de doenjang, son poids
passa à 247 grammes seulement – une différence de 41 grammes avec la première
souris. La quantité de cholestérol contenu dans son foie était aussi bien moins
importante que celle de la souris alimentée seulement avec un régime extra gras. Le
soja fermenté non seulement combat l'obésité mais aide aussi à baisser le taux de
graisse dans les intestins. 116 Tout cela indique que les aliments à base de soja
conservés et vieillis grâce au processus de fermentation, peuvent bien avoir un impact
bénéfique significatif sur la santé publique d'un pays.
115
Kun-yong Park, “Les bienfaits sur la santé des aliments de soja fermenté,” Le soja (Séoul:
Presses universitaires de Korea, 2005), 411.
116
Kun-yong Park, Thérapie par le soja fermenté (Séoul: King Library, 2009), 64-65.
170

Science et technologie dans la Corée du 21ème siècle
La Corée du sud joue un rôle important dans le monde, en particulier dans les domaines
de la recherche en science et technologie. Le pays a une infrastructure des IT (sciences de
l'information) avancée et deux de ses plus grands conglomérats, Samsung et LG, sont des
leaders mondiaux en électronique, semi-conducteurs, ordinateurs et téléphones mobiles.
Pays où se trouve POSCO, le troisième producteur mondial d'acier, la Corée est aussi le
plus grand constructeur de bateaux au monde, le quatrième au monde pour le raffinage des
produits pétroliers et l'un des cinq plus grands producteurs d'automobiles.
C'est aussi un pays en pointe dans les domaines de la biotechnologie, de la
nanotechnologie, de l'intelligence artificielle, de la construction, de la pétrochimie et du
textile. La Corée a un partenariat pour les recherches spatiales avec la Russie et a procédé
au lancement des satellites Arirang 1 et Arirang 2 pour les observations géographiques et
environnementales. Dans le domaine des énergies renouvelables, les scientifiques de
Corée du Sud, à l'Institut des sciences et de la technologie de l'université de Gwangju, ont
collaboré avec l'Université de Californie, à Santa Barbara, pour le développement d'une
cellule organique à puissance photovoltaïque ayant un rendement de conversion de 6,5%.
Les exigences sophistiquée des consommateurs de Corée, a fait de ce pays un terrain
d'expérience idéal pour le lancement de nouveaux produits, et c'est l'un des premiers
marchés dans lequel des géants mondiaux comme Microsoft et Motorola conduisent des
tests préalables au lancement mondial d'un produit.
Ci-dessous se trouvent quelques réalisations les plus récentes en Corée, qui ont figuré
dans les principaux journaux et chaînes de médias dans le monde, y compris le NewYork
Times, Times, Nature et la BBC.
Télécommunications
En 2007, un livre intitulé Digital Korea fut publié en Grande Bretagne. Selon son
171

synopsis, il décrit ''un pays où toutes les connexions domestiques à internet ont déjà été
mises au niveau de la large bande, où les vitesses de 100 Mb/s (Megabit par seconde) sont
déjà vendues et où arrivent déjà les vitesses en gigabits. Un pays où chaque téléphone
vendu est un caméraphone; où trois abonnements sur quatre à un téléphone mobile ont une
connexion 3G; où les automobiles, les ordinateurs personnels, les téléphones portables
comportent maintenant la télévision numérique incorporée; où 42% de la population a son
propre blogue, et où quatre personnes sur dix ont créé un avatar d'eux-mêmes; où plus de
la moitié de la population règle les dépenses avec le téléphone cellulaire et où 25% de la
population totale de la Corée du Sud a participé à des jeux en ligne à plusieurs joueurs.''
La Corée du Sud est la société d'information au monde la plus câblée et la mieux
desservie en connexions sans fil. Après la crise financière de 1997, la décision fut
volontairement prise de transformer le pays en une puissance de hautes technologies.
Depuis, la Corée a réalisé plusieurs premières dans le domaine des IT. Ce fut le premier
pays à permettre à toutes les écoles l'accès à Internet à haut débit. A l'heure actuelle,chiffre
étonnant, 72% de tous les ménages a accès à internet à large bande.
Deux inventions coréennes, Internet sans fil à large bande (WiBro) et les technologies
de diffusion numérique multimédia (DMB), ont fait du pays un des leaders mondiaux dans
les services de convergence numérique. La compagnie KT, le plus gros distributeur en
Corée de lignes téléphoniques fixes et de services internet, a lancé commercialement
WiBro dans la région de Séoul, pour la première fois au monde, en 2006, rendant possible
pour les utilisateurs d'internet de rester en ligne partout où ils vont. Normalement le
service sans fil de la zone locale (WLAN) requiert des points chauds avec des antennes
fixes et le service est restreint à une zone spécifique. Le WiBro, cependant, permet aux
gens de profiter du bénéfice d'un service sans fil, n'importe où, aux vitesses de bande large,
ce qui n'est pas encore possible avec les autres technologies. En octobre 2007, l'Union
internationale des télécommunications (UIT), groupe d'orientations globales, tenait une
réunion à Genève, pendant laquelle la technologie WiBro fut classifiée comme le sixième
standard de communications 3G.
La diffusion numérique multimédia (DMB) est un système dans lequel les multimédias
(radios, télévisions et diffusion des données) sont transmis aux appareils mobiles comme
par exemple les téléphones mobiles. Le premier service de télévision mobile officiel, au
monde, a vu le jour en Corée du Sud, en mai 2005, et la technologie coréenne DMB a été
adoptée comme standard européen.
172

En 2007 l'Union internationale des télécommunications a mené une étude, en
association avec les Nations Unies, et après avoir considéré 180 pays, est arrivée à la
conclusion, pour la deuxième année consécutive, que la Corée du Sud arrivait en tête en
terme d'indice d'opportunité numérique (DOI). C'est là un indicateur important sur le degré
de développement d'un pays en sciences de l'information (IT). Onze facteurs ont été pris
en compte tel que le niveau de l'infrastructure IT et l'accessibilité aux technologies de
communication par rapport aux revenus des gens.
Intelligence artificielle
Affrontés à un taux de naissances dramatiquement bas et à une population vieillissante,
la Corée du Sud se tourne vers les robots pour compenser le déclin grandissant de la main
d'œuvre. En 2005, l'Institut avancé ccréen des sciences et de la technologie (KAIST) a mis
en place le deuxième robot humanoïde au monde capable de marcher et nommé Albert
Hubo. Asimo de Honda et Hubo de KAIST sont aujourd'hui les seuls robots de cette sorte.
Avec sa tête qui ressemble au célèbre physicien Albert Einstein, le robot attira
l'attention internationale, en novembre 2005, pendant le forum de coopération économique
d'Asie-Pacifique, quand il salua les dirigeants du monde. Hubo peut danser, exécuter du
Tai Chi, faire paraître plus de 48 expressions sur son visage, reconnaître des visages
humains et des voix humaines, et tenir des conversations réelles. Selon le professeur Oh
Jun-ho du KAIST les performances de Hubo sont améliorées par le frubber, un matériau
Hubo lisant le journal Hubo serrant la main du Président Bush
173

spongieux à base de silicone, et aussi par les caméras spéciales installées dans les yeux du
robot et un logiciel performant d'intelligence artificielle.
En 2006, des scientifiques de l'Université coréenne de science et technologie,
dévoilèrent la deuxième femme androïde au monde, appelée Ever 1, capable d'exprimer
des émotions humaines. Des versions prochaines de ce modèle seront sans doute capables
de marcher, de chanter, de danser, de lire des histoires aux enfants et d'être utiles à la
maison, dans des musées ou dans les grands magasins. La même année fut construit la
Surveillance intelligente et le Robot gardien, un robot sentinelle capable de détecter et de
repousser des intrus le long de la ligne de démarcation, lourdement armée, entre la Corée
du Nord et la Corée du Sud.
Construction
Les compagnies de construction coréennes, sont parmi le petit nombre de compagnies
au monde capables d'offrir des contrats de marchés publics d'ingénierie et de constructions
(EPC), des arrangements clé en main, qui comprennent tous les aspects du processus de
construction, depuis les plans jusqu'au financement du projet. Parmi beaucoup d'autres
projets, la super tour iconique de Samsung, C&T Corporation, Burj Dubai, actuellement
presque finie, dans les Émirats Arabes Unis, en est l'un des plus spectaculaires exemples.
On pense que ce sera le plus haut building du monde. Sa hauteur précise n'a pas
encore été révélée. Mais on s'attend à ce qu'elle monte au moins à 700 mètres de hauteur,
presque deux fois la hauteur de l'Empire State Building. On doit déjà à Samsong deux des
constructions les plus élevées au monde ─ La première est la Tour Taipei 101 dont il fut
le maître d'œuvre. Quant à la seconde ce sont les tours jumelles Petronas et la fameuse
passerelle aérienne, qui figurent dans le film Entrapment. Elles furent aussi construites par
Samsung.
Les 55 étages des tours Emirates de l'hôtel Dubai, et, à Singapour, les 73 étages du
complexe Raffles City, tous deux construits par la société d'ingénierie et de constructions
Ssangyong, les 88 étages des tours jumelles Petronas, en Malaisie, construites par
Samsung et achevées en 1998, sont également de célèbres points de repère architecturaux.
Doosan, Industries lourdes & construction, un constructeur de barrages hydroélectriques
coréens, a mis en place dans ce domaine un leadership sans rival. Doosan détient 42%
174

Burj Dubai
175

des parts du marché mondial du dessalement des eaux et espère gagner au moins 40
milliards de dollars, pendant les prochaines vingt années, pour ses ventes aux six pays de
la péninsule d'Arabie - Émirats Arabes Unis, Oman, Qatar, Kuweit, Jordanie et Arabie
Saoudite. Construisant son succès sur le Moyen-Orient, il s'apprête maintenant à s'étendre
vers d'autres régions comme l'Amérique du nord ou l'Afrique.
176

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A propos des éditeurs et des traducteurs
Tong-Chan Chong (Yo-wun) est l'un des historiens coréens les plus en vue. Il a obtenu son
diplôme de licence en histoire de l'université nationale de Chungbuk, celui de maîtrise en
archéologie et histoire des sciences, de l'université Yonsei et un diplôme de doctorat en
architecture de l'université Mokwon. Il a enseigné aux universités de Chungbuk et de Hannam
et a été membre exécutif de la Société coréenne d'histoire et de science. Il est actuellement
directeur du département des sciences et de la technologie du Musée national des Sciences. Il
est l'auteur de nombreux articles sur l'histoire, la science, la culture et la tradition coréennes,
dans plusieurs revues et journaux. Parmi ses ouvrages, on notera Le Mythe vivant : Art de la
Roche (1998), Science coréenne : Activités artisanales (Vol. 1 : 1999, Vol. 2 & 3 : 2009). Les
avancées de pointe de la science du passé (2001) et Poursuite de la sagesse et de la
technologie de la Corée (2006).
Jiseon Lee est rédactrice en chef de la collection Esprit et Culture de Corée. Elle est diplômée
du département de langue et de littérature anglaises de l'université féminine de Ewha. Elle a
étudié la littérature et la philosophie à Wilson College et Boston College, aux Etats-Unis.
Hang-Jin Chang est avocat à Linklaters LLP à Londres, spécialisé dans la finance
internationale. Il est diplômé en droit de l'université d'Oxford et possède une grande expérience
des traductions coréen-anglais.
Yoon-Sang Han est avocat à New-York. Il est dipômé en économie de l'université de Wesleyan
et a obtenu son diplôme de droit de l'Ecole de Droit William and Mary. Il a traduit de nombreux
textes du coréen en anglais, dont Polishing the Diamond, Enlightening the Mind (Wilsdom
Publications, 1999).
Matthew Jackson est conseiller en gestion à D. Little, à Londres. Diplômé en études
classiques de l'université d'Oxford, il a travaillé pendant de nombreuses années comme éditeur
de traductions anglaises. Il écrit régulièrement sur des sujets coréens, en particulier sur les arts
traditionels et les sciences.
Michel Léon Harosteguy a obtenu une maîtrise en philosophie et sciences bibliques de
l'université catholique de Paris. Il a enseigné la langue et la litterature françaises à l'université
féminine Sungshin et à l'université Hongik de Séoul. Il a également enseigné les traditions, les
légendes et les héros de la Corée, au lycée francophone de Séoul. Il a écrit plusieurs petits
livrets sur la Corée, à usage scolaire.
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