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Quelques ouvrages à visiter Israël – Palestine Guide De Terre ...

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Chroniques de Jérusalem de Guy <strong>De</strong>lisle (éd. <strong>De</strong>lcourt)<br />

Jean-Claude Loiseau - 14 novembre 2011 (Télérama)<br />

La naïveté peut être un don quand il s’agit de regarder une réalité qui se dérobe aux raccourcis<br />

simplistes. Guy <strong>De</strong>lisle est très doué. « En s’appuyant, dit-il, sur la naïveté dont je fais preuve dans la<br />

vie et que je ne feins pas, mon propos s’exprime le plus clairement possible... » Il se voit comme « un<br />

type candide mais observateur ». Le candide n’exclut rien. L’observateur voit tout. Ou presque. La<br />

preuve par ses Chroniques de Jérusalem, plus de 300 pages de choses vues, vécues, subies,<br />

toujours <strong>à</strong> la bonne distance, celle où la géopolitique s’incarne dans les ratés, les embarras, les<br />

absurdités, les cruautés, les haines aussi, les plus ordinaires. La normalité d’un espace<br />

inextricablement anormal. Mais c’est déj<strong>à</strong> beaucoup dire d’une approche prudente : « Tout le monde a<br />

une idée de Jérusalem, du Mur, des colonies. J’avais peur des clichés. »<br />

Etonnante modestie pour un voyageur qu’on a pu suivre de la Chine (Shenzen) <strong>à</strong> la Birmanie<br />

(Chroniques birmanes) en passant par la Corée du Nord (Pyonyang). Qui évoque, au passage, les<br />

livres qu’il n’a pas voulu faire quand il était <strong>à</strong> Kinshasa ou au Vietnam, ou pendant l’année passée en<br />

Éthiopie. Il est toujours parti pour de bonnes raisons <strong>–</strong> soit, travailler avec les dessinateurs locaux sur<br />

des films d’animation, soit, accompagner sa compagne qui travaille <strong>à</strong> Médecins sans frontières. Il en<br />

est revenu, chaque fois, avec beaucoup de choses <strong>à</strong> raconter mais pas sûr du tout d’intéresser le<br />

lecteur.<br />

Jérusalem ? Au départ, il jugeait le sujet « trop gros » pour lui. Et c’est exactement sur ce ton-l<strong>à</strong> que<br />

s’amorce son récit. Partant de son appartement, situé dans un quartier très décati de Jérusalem-Est, il<br />

tâtonne, se perd, au propre et au figuré. Il cherche un magasin pour ses premières courses, puis le<br />

chemin de la garderie pour ses deux jeunes enfants ; s’aventure dans la vieille ville, « très belle mais<br />

en poussette, c’est assez galère » ; pointe les premières incongruités de la situation, les transports par<br />

exemple, avec les autobus israéliens qui desservent toute la ville sauf les quartiers arabes tandis que<br />

les minibus arabes desservent uniquement les quartiers arabes ; part <strong>à</strong> la découverte de Jerusalem-<br />

Ouest avec sa compagne mais « pas de chance, j’oublie qu’on est le jour du shabbat et que la ville se<br />

transforme en ville fantôme », et cela lui rappelle « les dimanches <strong>à</strong> Pyonyang »... Oui, il tâtonne,<br />

mais, somme toute, il progresse. Au bout d’un mois il voit le Mur. Il y reviendra souvent, pour le<br />

dessiner comme irrésistiblement attiré par sa monstrueuse démesure. Il assiste, pas rassuré, <strong>à</strong> une<br />

échauffourée <strong>à</strong> un checkpoint. Il se hasarde dans « la colonie d’en face », dix minutes <strong>à</strong> pied de chez<br />

lui, et reste un peu interloqué : « J’imaginais deux trois cabanes sur une colline avec un chien. A<br />

Pisgat Ze’ev on compte 50 000 habitants. »<br />

Il y a un ton <strong>De</strong>lisle, où l’humour et l’autodérision déminent discrètement le terrain. Il commente<br />

comme on se parle <strong>à</strong> haute voix. Il est un guide qui se pose plus de questions qu’il n’a de réponse, qui<br />

prend note de ce qu’il voit, l’attire, l’étonne, l’intrigue, et accumule les croquis (il y en aura plus de 500<br />

<strong>à</strong> la fin). « Celui qui dessine dans la rue attire inévitablement l’attention. On vient regarder par-dessus<br />

son épaule, on engage la conversation, on établit un contact. » <strong>De</strong>s personnages entrent ainsi dans le<br />

récit, plus vrais que nature, c’est-<strong>à</strong>-dire qu’ils ressemblent peu aux stéréotypes ressassés. D’une<br />

traversée de Mea Shearim, le quartier des Juifs ultra-orthodoxes de Jerusalem, d’une incursion <strong>à</strong><br />

Ramallah ou Hébron, au cœur des territoires occupés, d’une visite <strong>à</strong> une secte aux rites millénaires,<br />

les Samaritains, ou <strong>à</strong> une tribu de Bédouins, dans le désert, <strong>De</strong>lisle rapporte des impressions, une<br />

mine de détails, qui, bout <strong>à</strong> bout, finissent par constituer en pointillé une éclairante « géopolitique sur<br />

le tas ».<br />

Ce n’est pourtant pas si simple. « Sur place, dit-il, je ne suis jamais sûr de rien, tant je suis submergé<br />

par le quotidien. »<br />

L'apparente spontanéité, l'« arbitraire d’une expérience personnelle », sont, en fait, une construction<br />

rétrospective. Le livre n’est dessiné qu’au retour, avec la distance qui permet de trier, de hiérarchiser,<br />

et aussi de s’éviter le jugement <strong>à</strong> l’emporte pièce. Cette règle, <strong>De</strong>lisle se l’impose depuis son premier<br />

carnet de voyage, même s’il concède que, cette fois, il était « beaucoup plus dur de rester simple<br />

observateur. » C’est parce qu’il maîtrise très bien les effets d’une « naïveté » assumée que son<br />

témoignage, ouvert <strong>à</strong> tous les hasards des rencontres, <strong>à</strong> tous les incidents de parcours, <strong>à</strong> la vie<br />

comme elle va, est tout simplement remarquable.<br />

Éduquer <strong>à</strong> la paix <strong>–</strong> IUFM‐UDS <strong>–</strong> pierre‐michel.gambarelli@unistra.fr <strong>–</strong> page 6/8 <strong>–</strong> Mise <strong>à</strong> jour 28/12/11

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