29.09.2012 Views

Histoire de la Croix-Rouge suisse

Histoire de la Croix-Rouge suisse

Histoire de la Croix-Rouge suisse

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

<strong>Histoire</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> <strong>suisse</strong><br />

La France honore <strong>de</strong>ux col<strong>la</strong>boratrices du Secours aux enfants <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> CRS lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale ( 1939-1945)<br />

Les 24 et 25 février 2001, se sont déroulées à Argelès-sur-mer et à Collioure, près<br />

<strong>de</strong> Perpignan, diverses manifestations en l’honneur <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux anciennes<br />

col<strong>la</strong>boratrices du Secours aux enfants <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> <strong>suisse</strong> durant <strong>la</strong><br />

Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale : Frie<strong>de</strong>l Bohny-Reiter et Elisabeth Ei<strong>de</strong>nbenz.<br />

60 ans après, <strong>la</strong> mémoire <strong>de</strong> leur « geste » humanitaire perdure. Mieux, elle est<br />

cultivée par <strong>de</strong>s cercles qui vont s’é<strong>la</strong>rgissant, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s bénéficiaires <strong>de</strong> leur<br />

action ou <strong>de</strong> leurs enfants. Et cette mémoire est entretenue non dans un esprit <strong>de</strong><br />

commémoration rituelle, mais parce que le souvenir <strong>de</strong>s heures sombres et <strong>de</strong>s<br />

actes <strong>de</strong> barbarie <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre doit inviter les générations survivantes à construire un<br />

mon<strong>de</strong> sur <strong>de</strong>s valeurs telles que <strong>la</strong> paix, le respect <strong>de</strong> <strong>la</strong> différence, <strong>la</strong> justice.<br />

Les infirmières Frie<strong>de</strong>l Bohny-Reiter et Elisabeth Ei<strong>de</strong>nbenz ont donc été<br />

honorées sur les lieux mêmes <strong>de</strong> leur engagement lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> Secon<strong>de</strong> Guerre<br />

mondiale.<br />

Pour illuster leur action, ces <strong>de</strong>ux extraits <strong>de</strong>s « Laudatio » prononcées à cette<br />

occasion :<br />

« Infirmière <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> <strong>suisse</strong>, Secours aux enfants, Frie<strong>de</strong>l Bohny-<br />

Reiter(1912-) a donné toute l’humanité qui l’habitait pour soutenir ces femmes, ces<br />

hommes, ces enfants qui ont été incarcérés dans le dénuement le plus total au camp<br />

<strong>de</strong> Rivesaltes parce que Républicains espagnols en 1939, Juifs, Tsiganes ou anti –<br />

fascistes en 1942.<br />

Frie<strong>de</strong>l est resté <strong>de</strong> novembre 1941 à novembre 1942 au camp <strong>de</strong> Rivesaltes.<br />

Avec son équipe, grâce à l’ai<strong>de</strong> humanitaire envoyée par <strong>la</strong> <strong>Croix</strong>-rouge <strong>suisse</strong>, elle<br />

distribuait les rations <strong>de</strong> riz, d’un ilôt à l’autre, ba<strong>la</strong>yé par le vent, le froid qui peut<br />

sévir très violemment en février, les vêtements…Elle arrivait à organiser <strong>de</strong>s fêtes,<br />

comme Noël, avec les moyens du bord-- moment privilégié où grâce à <strong>la</strong> magie <strong>de</strong>s<br />

chants, un échange était possible d’une culture à l’autre, on se trouvait uni par<br />

l’évocation d’une enfance heureuse-- petite pause <strong>de</strong> bonheur dans l’enfer du<br />

camp…. »<br />

( les quelques lignes du rapport du Dr Weil publiées ci-<strong>de</strong>ssous illustrent les conditions<br />

régnant à Rivesaltes, cf. note 1)<br />

« Elisabeth Ei<strong>de</strong>nbenz (1914-), a dirigé, entre 1939 et 1944 <strong>la</strong> Maternité <strong>suisse</strong><br />

d’Elne, installé au Château d’En Bardou. Quelque 600 enfants y sont nés, <strong>de</strong><br />

réfugiées espagnoles, juives, tsiganes, « d’étrangères indésirables ». Les bébés<br />

étaient regroupés dans une salle circu<strong>la</strong>ire et couchés dans <strong>de</strong>s corbeilles d’osier<br />

posées sur <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>nches <strong>de</strong> bois. La Maternité était un ilôt plus ou moins préservé <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> tourmente.<br />

Citons son Journal :<br />

…La situation <strong>la</strong> plus triste est celle <strong>de</strong>s Israélites. Toujours poursuivis, toujours dans<br />

<strong>la</strong> peur d’être arrêtés…Plusieurs fois nous avons eu <strong>la</strong> police alleman<strong>de</strong> dans notre<br />

maison et pendant <strong>de</strong>s semaines cette atmosphère <strong>de</strong> panique a duré : ne jamais<br />

dormir tranquillement, ne pas oser sortir <strong>de</strong> <strong>la</strong> maison, voir <strong>de</strong>rrière chaque personne<br />

un espion ou quelqu’un qui vous veut du mal…<strong>de</strong>vant nos yeux, nous voyons se


perdre les valeurs humaines les plus gran<strong>de</strong>s. Comment faire face à tous ces<br />

problèmes sans désespérer et sans perdre patience ? Comment ai<strong>de</strong>r toutes ces<br />

victimes <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre, les encourager, leur donner <strong>la</strong> force morale pour affronter <strong>la</strong><br />

vie ? Où prendre les forces pour qu’une mère puisse remplir aussi en ces<br />

circonstances son <strong>de</strong>voir envers ses enfants ?<br />

…Des listes étaient dressées, et encore <strong>de</strong>s listes…chacun tremb<strong>la</strong>it à <strong>la</strong> pensée<br />

que son nom pourait se trouver sur une liste… »<br />

Que dire <strong>de</strong> cette célébration ?<br />

D’abord, en France, comme en Suisse, le travail <strong>de</strong> recherche et <strong>de</strong> mémoire<br />

progresse. Occultée pendant <strong>de</strong>s décennies, <strong>la</strong> véritable histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> Guerre et <strong>de</strong><br />

l’Occupation se révèle dans toutes ses contradictions, ses petitesses et ses actes<br />

d’héroïsme. Ainsi, le fait que <strong>la</strong> France <strong>de</strong> Vichy ait abrité <strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong> camps<br />

d’internement et <strong>de</strong> concentration, aux conditions inhumaines, a sonné comme un<br />

rappel douloureux. Gurs, Rivesaltes, Drancy, Le Vernet, Les Milles, Récébédou, sont<br />

autant <strong>de</strong> noms qui signalent une politique d’exclusion et <strong>de</strong> racisme. La révé<strong>la</strong>tion<br />

par <strong>de</strong>s documents et <strong>de</strong>s témoignages irréfutables que le Gouvernement <strong>de</strong> Pétain<br />

s’est <strong>la</strong>ncé, avec zèle souvent, dans une politique antisémite, en prenant <strong>de</strong>s<br />

mesures al<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> l’expropriation <strong>de</strong>s biens à <strong>la</strong> déportation massive vers les camps<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> l’Est ( Auschwitz notamment), a profondément heurté les consciences.<br />

Ensuite, l’action humanitaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> Suisse en France, alors même qu’elle fut<br />

importante, reste encore méconnue. Une France <strong>de</strong>stinataire d’un formidable é<strong>la</strong>n<br />

d’entrai<strong>de</strong> internationale.<br />

L’action humanitaire <strong>de</strong> notre pays en faveur <strong>de</strong>s victimes <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre, en priorité<br />

<strong>de</strong>s enfants, fut menée par plusieurs organisations, issues <strong>de</strong> <strong>la</strong> société civile, mais,<br />

à partir <strong>de</strong> 1942, surtout par <strong>la</strong> <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> <strong>suisse</strong>. Elle revêtit plusieurs formes :<br />

• Hébergement en Suisse, pour <strong>de</strong>s séjours <strong>de</strong> réhabilitation <strong>de</strong> trois mois,<br />

d’enfants ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s ou déficients dans <strong>de</strong>s familles ou <strong>de</strong>s établissements <strong>de</strong><br />

cure : plus <strong>de</strong> 40.000 enfants en bénéficièrent entre 1940 et 1949. A ce chiffre<br />

l’on ajoutera les 24.000 enfants évacués en plein combat, <strong>de</strong> Belfort,<br />

Montbéliard et Mulhouse durant l’hiver 1944-1945.<br />

• Ai<strong>de</strong> alimentaire : envoi <strong>de</strong> <strong>la</strong>it en poudre, <strong>de</strong> fromages, <strong>de</strong> vivres divers, soit<br />

entre 1940 et 1947 plus <strong>de</strong> 1500 tonnes <strong>de</strong> marchandises.<br />

• Distribution <strong>de</strong> vêtements, <strong>de</strong> lingerie, <strong>de</strong> médicaments.<br />

• Parrainages d’enfants français par <strong>de</strong>s écoliers ou <strong>de</strong>s familles <strong>suisse</strong>s :<br />

plus <strong>de</strong> 32.000 enfants reçurent par ce moyen une ai<strong>de</strong> financière, entre 1940<br />

et 1947.<br />

• Gestion <strong>de</strong> cantines dans les gran<strong>de</strong>s villes : distribution régulière <strong>de</strong><br />

« goûters <strong>suisse</strong>s » à ces centaines <strong>de</strong> milliers d’enfants à Paris et dans le<br />

Sud.<br />

• Gestion <strong>de</strong> homes et <strong>de</strong> colonies , en France, accueil<strong>la</strong>nt 11.000 enfants<br />

entre 1942 et 1947.<br />

• Ai<strong>de</strong> directe dans les camps d’internement et <strong>de</strong> concentration : dans<br />

près <strong>de</strong> 10 camps <strong>la</strong> <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> est intervenue par un soutien matériel, et<br />

par <strong>la</strong> présence sur p<strong>la</strong>ce d’infirmières, chargée notamment du service<br />

sanitaire. A cette œuvre sont liés les noms <strong>de</strong> Frie<strong>de</strong>l Bohny-Reiter, Elisabeth<br />

Ei<strong>de</strong>nbenz, Elsbeth Kasser, Emmi Ott, Elsie Ruth, Renée Farhny, entre autres.


Dans un rapport publié après le conflit , on a estimé à 43 millions <strong>de</strong> francs environ<br />

l’ai<strong>de</strong> apportée à <strong>la</strong> France par <strong>la</strong> <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> <strong>suisse</strong>, entre 1942 et 1947. Une ai<strong>de</strong><br />

p<strong>la</strong>nifiée par <strong>de</strong>ux délégations générales, l’une pour <strong>la</strong> France occupée, à Paris, et<br />

l’autre pour <strong>la</strong> France <strong>de</strong> Vichy, à Toulouse.<br />

La re-découverte du passé, d’un passé « qui a peine à passer » chez nos voisins<br />

…et chez nous également—à preuve les réactions suscitées par le Rapport Bergier<br />

notamment--, sa re-lecture doivent nous inciter à ne jamais négliger, surtout dans<br />

une institution si riche d’humanité que <strong>la</strong> nôtre « <strong>la</strong> valeur <strong>de</strong>s principes, <strong>la</strong> nécessité ,<br />

dans les pério<strong>de</strong>s troublées, <strong>de</strong> gui<strong>de</strong>s moraux c<strong>la</strong>irement formulés et <strong>de</strong> s’y<br />

accrocher. Car, <strong>la</strong> connaissance du passé est aussi constitutive <strong>de</strong> notre i<strong>de</strong>ntité. »<br />

(François Bugnion, directeur du CICR).<br />

Philippe Ben<strong>de</strong>r<br />

Note 1. Rapport du Dr Weil <strong>de</strong> février 1942 sur l’état sanitaire <strong>de</strong>s 4000 internés du<br />

camp <strong>de</strong> Rivesaltes :<br />

« La mortalité a été plus forte en décembre que durant les mois précé<strong>de</strong>nts. Dès à<br />

présent, l’analyse <strong>de</strong>s causes du décès oblige à incriminer avec une uniformité<br />

caractéristique <strong>la</strong> sous-alimentation, qui, après avoir créé petit à petit , un état <strong>de</strong><br />

misère physiologique, conduit à une cachexie critique. Comment se présente le<br />

syndrome <strong>de</strong> <strong>la</strong> faim ? Ce qui frappe au premier abord, c’est l’état d’amaigrissement<br />

prolongé et le « masque » caractéristique. En examinant 65 <strong>de</strong> ces ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s pris au<br />

hasard, on a pu constater que leur taille moyenne étant <strong>de</strong> 1,65 m, leur poids moyen<br />

n’atteignait que 48,300 kg, soit un déficit <strong>de</strong> 12 kg par rapport au poids minimum<br />

correspondant à cette taille… Ces ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s ont <strong>de</strong>s bras d’enfants, <strong>de</strong>s jambes<br />

squelettiques..une muscu<strong>la</strong>ture entièrement atrophiée. Mais cette anémie<br />

impressionne encore par un autre symptôme qui leur est associé : c’est <strong>la</strong> disposition<br />

aux oedèmes, tellement caratéristique pour leur état qu’on les appelle « oedèmes <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> faim ». Le menu <strong>de</strong> <strong>la</strong> journée du 2 février 1942 ( un dimanche !) comportait 1143<br />

calories. »<br />

Note 2. Intense émotion : l’hommage rendu à Elisabeth Ei<strong>de</strong>nbenz le fut par l’un <strong>de</strong>s<br />

actuels directeurs <strong>de</strong> l’Organisation mondiale <strong>de</strong> <strong>la</strong> propriété intellectuelle (OMPI), à<br />

Genève, M. Guy Eckstein… né à <strong>la</strong> Maternité d’Elne, le 10 octobre 1941, et sauvé<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> déportation par sa directrice.<br />

Photos : 1. De gauche à droite : Frie<strong>de</strong>l Bohny-Reiter, son époux August Bohny,<br />

actif dans le Secours aux enfants, et Guy Eckstein, directeur auprès <strong>de</strong> l’OMPI.<br />

2. La Maternité <strong>suisse</strong> d’Elne 1939-1944<br />

Ouvrages à consulter ( disponibles auprès du Service <strong>de</strong> documentation <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

CRS) :<br />

Frie<strong>de</strong>l Bohny-Reiter « Journal <strong>de</strong> Rivesaltes 1941-1942 », Editions Zoé,<br />

Genève,1993


Therese Schmid-Ackeret « Elsbeth Kasser 1910-1992. Ein biographisches<br />

Projekt. „<br />

Esther Schärer „ <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> <strong>suisse</strong>, Secours aux enfants en France 1942-<br />

1945. Sa formation, son activité, ses re<strong>la</strong>tions avec le Gouvernement <strong>suisse</strong>,<br />

son rôle. » Mémoire <strong>de</strong> licence, Genève, 1986<br />

Le Secours aux enfants <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Croix</strong>-<strong>Rouge</strong> <strong>suisse</strong> pendant <strong>la</strong> Secon<strong>de</strong> Guerre<br />

mondiale, en particulier son action en faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> France. Analyses et<br />

critiques. Documents et témoignages. Berne, 2001, CRS ( manuscrit auprès <strong>de</strong><br />

l’auteur <strong>de</strong> l’article)

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!