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Fascicule de Jean-Claude Cochard - SEV

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CENTENAIRE CENTENAIRE DU DU FUNICULAIRE FUNICULAIRE LES LES AV AVANTS AV AV NTS - SONLOUP SONLOUP.<br />

SONLOUP<br />

L’époque romantique.<br />

L’histoire <strong>de</strong> cet endroit se confond avec celle du Col <strong>de</strong> Jaman connu<br />

<strong>de</strong>puis l’époque celtique et qui fut aussi franchi par les moines <strong>de</strong> Cluny<br />

pour y développer l’agriculture dans le Pays d’Enhaut. Lieu-dit Champ<br />

d’Avan, ce replat avant les Râpes <strong>de</strong> Jor et le Pas <strong>de</strong> Jaman, a permis<br />

l’essor d’une activité agricole et maraîchère. Dans le courant du XVIIIe<br />

siècle, <strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong> granges pourvues <strong>de</strong> locaux d’habitation ont été<br />

construites en maçonnerie avec toit en tavillon. L’époque touristique<br />

commença au début du XIXe siècle avec les premiers voyageurs<br />

étrangers épris <strong>de</strong> romantisme et charmés par l’aspect pittoresque <strong>de</strong>s<br />

paysages traversés. D’illustres randonneurs ont franchi le Col <strong>de</strong> Jaman.


L’un <strong>de</strong>s premiers fut Lord Byron, rendu célèbre par son roman Le<br />

prisonnier <strong>de</strong> Chillon, qui passa aux Avants le 17 septembre 1816. Suivi<br />

quelques années plus tard par Félix Men<strong>de</strong>lssohn, le 6 août 1831. Dans<br />

ses écrits laissés pour la postérité, on apprend qu’il fut conduit par une<br />

jeune et ravissante <strong>de</strong>moiselle vaudoise, Pauline, qui lui servit <strong>de</strong> gui<strong>de</strong><br />

jusqu’à Château d’Oex! Les récits <strong>de</strong> ces artistes étaient lus dans toute<br />

l’Europe <strong>de</strong> l’époque, ce qui favorisa l’arrivée <strong>de</strong>s étrangers à Montreux.<br />

En 1837 une première auberge était ouverte aux Avants, rachetée par<br />

<strong>Jean</strong>-Louis Dufour en 1847. En 1852, une route carrossable fut<br />

construite <strong>de</strong>puis Chernex, par Sonzier et Chamby. Désormais, Les<br />

Avants était accessible <strong>de</strong>puis Montreux avec un attelage. En 1865, les<br />

Frères Dufour, Ami et Louis, ouvrirent une pension pour remplacer<br />

l’auberge. Ce <strong>de</strong>rnier, fermier, était aussi passionné par la technique<br />

naissante <strong>de</strong> la photographie, il avait ainsi, dès cette pério<strong>de</strong>, fixé sur la<br />

pellicule le développement touristique <strong>de</strong>s Avants. En 1873/1874, le<br />

Grand Hôtel fut construit, sur l’emplacement <strong>de</strong> la Pension Dufour. Un<br />

trottoir arborisé <strong>de</strong> quatre-cents mètres fut créé le long <strong>de</strong> la route<br />

caillouteuse et une chapelle évangélique, St-Pierre, fut construite en<br />

1876, par les Frères Dufour pour le culte protestant et anglican. La<br />

commune avait fourni le bois <strong>de</strong> sapin à titre <strong>de</strong> subvention.<br />

L’arrivée du chemin <strong>de</strong> fer.


En 1896, Louis et Ami Dufour sollicitaient les autorités fédérales pour<br />

l’attribution d’une concession pour la construction d’un chemin <strong>de</strong> fer à<br />

voie métrique électrique et à adhérence entre Montreux et les Avants,<br />

qui serait construit en accotement à la route carrossable existante. Deux<br />

ans <strong>de</strong> palabres furent nécessaires pour départager plusieurs projets<br />

concurrents, notamment celui d’un comité, constitués par <strong>de</strong>s<br />

entrepreneurs veveysans, pour la construction d’un chemin <strong>de</strong> fer à voie<br />

normale à vapeur avec un tunnel <strong>de</strong> base sous le Col <strong>de</strong> Jaman. En<br />

1898, les Chambres fédérales délivraient à MM. Dufour Frères aux<br />

Avants, Vuichoud, syndic, Maison, directeur <strong>de</strong> la Banque <strong>de</strong> Montreux,<br />

Rosset, notaire, Emery, hôtelier et <strong>de</strong> Muralt, avocat, tous domicilié à<br />

Montreux, une concession pour la construction d’une ligne <strong>de</strong> chemin <strong>de</strong><br />

fer électrifiée entre Montreux et Montbovon avec un tunnel sous le Col<br />

<strong>de</strong> Jaman. Avant l’arrivée <strong>de</strong>s trains aux Avants, Louis Dufour, confia à<br />

l’architecte montreusien Louis Villard, père du célèbre chansonnier<br />

vaudois, Gilles, la construction <strong>de</strong> l’Hôtel <strong>de</strong> Jaman pour sa sœur,<br />

Madame Nico<strong>de</strong>t-Dufour. Villard, séduit par le romantisme <strong>de</strong><br />

l’architecture méditerranéenne, réalisa une construction <strong>de</strong> type<br />

«Renaissance italienne» pourvue d’un toit plat en terrasse. Les salons


du rez-<strong>de</strong>-chaussée ainsi que la salle à manger étaient richement<br />

décorés avec <strong>de</strong>s magnifiques fresques peintes sur les murs et les<br />

plafonds. Deux ans plus tard, ce fut également Villard qui remo<strong>de</strong>la le<br />

Grand Hôtel en ajoutant <strong>de</strong>ux étages supplémentaires, chapeautés<br />

d’une toiture monumentale ornée <strong>de</strong> crêtes et d’épis <strong>de</strong> faitage en zinc.<br />

Une nouvelle salle à manger en forme <strong>de</strong> roton<strong>de</strong> fut construite sur la<br />

partie ouest du bâtiment. Pour la construction <strong>de</strong> la gare, Villard proposa<br />

le style «chalet suisse», une mo<strong>de</strong> délicieusement kitch qui avait connu<br />

un grand succès populaire lors <strong>de</strong>s expositions universelles <strong>de</strong> Paris en<br />

1889 et celle <strong>de</strong> 1900.<br />

La rivalité entre <strong>de</strong>ux «empires hôteliers».<br />

A cette époque la commune <strong>de</strong> Montreux n’existait pas. A l’est <strong>de</strong> la<br />

Baye, il y avait la Commune <strong>de</strong>s Planches avec ses villages <strong>de</strong> Chêne,<br />

Sâle, Crin, Territet, et Glion. A l’ouest, la Commune du Châtelard, avec<br />

les villages <strong>de</strong> Vernex, Clarens, Tavel, Chailly, Brent, Pallens, Pertit et<br />

Chernex. Ces <strong>de</strong>ux communautés étaient séparées par Les Gorges du<br />

Chaudron, ce qui ne favorisait pas les échanges. Disputes, chamailleries<br />

et rivalités ponctuaient la vie <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux communes. Logiquement l’essor<br />

touristique débuta à proximité du Château <strong>de</strong> Chillon avec l’ouverture <strong>de</strong><br />

la Pension Masson en 1855, considéré comme le premier établissement


hôtelier <strong>de</strong> Montreux. Dès 1861 on pouvait, <strong>de</strong>puis Paris, se rendre sur<br />

la Riviera vaudoise par chemin <strong>de</strong> fer. Ami Chessex, hôtelier à Territet,<br />

fut à l’origine <strong>de</strong> la construction d’un funiculaire pour <strong>de</strong>sservir le village<br />

<strong>de</strong> Glion en 1883. Pour faire monter les voitures, on utilisait la technique<br />

du contrepoids à l’ai<strong>de</strong> d’un réservoir placé dans le châssis <strong>de</strong>s wagons,<br />

que l’on remplissait d’eau pour la <strong>de</strong>scente. Mais la gran<strong>de</strong> nouveauté<br />

fut incontestablement l’ouverture <strong>de</strong> la première ligne ferroviaire<br />

électrifiée du pays, avec la mise en service <strong>de</strong>s voitures <strong>de</strong> tramway à<br />

impériale entre Vevey et Montreux, avec un terminus au Château <strong>de</strong><br />

Chillon en 1888. Ces audacieuses réalisations eurent un succès<br />

considérable, si bien qu’Ami Chessex, avec d’autres notables du lieu,<br />

envisagèrent la construction d’un chemin <strong>de</strong> fer à crémaillère et à<br />

vapeur, en prolongation du funiculaire, pour gravir le massif <strong>de</strong>s Rochers<br />

<strong>de</strong> Naye, en passant par la Dent <strong>de</strong> Jaman. La ligne fut ouverte en 1892,<br />

soit neuf ans avant celle qui <strong>de</strong>sservit la station <strong>de</strong>s Avants. L’ouverture<br />

du Caux Palace en 1902 fut considérée comme l’apothéose <strong>de</strong> l’empire<br />

hôtelier d’Ami Chessex. Aux Avants, la réplique <strong>de</strong>s Frères Dufour ne<br />

tarda pas. Ils reprirent l’initiative par <strong>de</strong>s projets ambitieux, comme la<br />

construction d’un «chemin <strong>de</strong> fer aérien» qui aurait dû relier les Avants<br />

au Belvédère du Cubly, par le Col <strong>de</strong> Sonloup et celui d’un chemin <strong>de</strong> fer<br />

électrique à adhérence entre Les Avants et le sommet du Moléson, par<br />

le Col <strong>de</strong> Sonloup et celui <strong>de</strong> Soladier! La concession fédérale leur fut<br />

accordée en 1908. Mais c’était sans compter l’opprobre jetée sur le<br />

développement touristique montreusien par une aristocrate française<br />

domiciliée à La Tour-<strong>de</strong>-Peilz, Marguerite Burnat-Provins, qui avait fondé<br />

la Ligue pour la Beauté et l’opposition farouche du Club alpin suisse qui<br />

cria à la profanation <strong>de</strong>s sites alpestres! Entretemps, une piste <strong>de</strong> bob et<br />

<strong>de</strong> luge fut ouverte entre Crêt-d’y-Bau et Caux, <strong>de</strong>sservie par le train. Un<br />

atout supplémentaire dans la concurrence que se livraient les <strong>de</strong>ux<br />

stations <strong>de</strong> sports d’hiver. Sur le conseil <strong>de</strong> Roland Zehn<strong>de</strong>r, directeur du


MOB, les Frères Dufour firent une nouvelle <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aux autorités<br />

fédérales pour la construction d’un funiculaire entre Les Avants et le Col<br />

<strong>de</strong> Sonloup.<br />

Construction du funiculaire.<br />

Au printemps 1909, une société par action, la Compagnie du Chemin fer<br />

Les Avants-Sonloup, (LAS) a été constituée, ainsi la municipalité du<br />

Châtelard pouvait publier l’avis d’enquête publique en date du 17 juin<br />

1909. La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> concession fut adressée aux autorités fédérales le<br />

15 octobre <strong>de</strong> la même année. Le 16 avril 1910, les Chambres fédérales<br />

délivraient la concession à la nouvelle compagnie. Trois mois plus tard,<br />

le 8 juillet, M. Frutiger, entrepreneur à Oberhofen, à qui avaient été<br />

adjugés les travaux, donnait le premier coup <strong>de</strong> pioche. Le chantier fut<br />

mené à un rythme d’enfer. Les travaux <strong>de</strong> génie civil furent achevés en<br />

cinq mois. La voie ferrée a une longueur <strong>de</strong> 531 mètres et une pente<br />

maximale <strong>de</strong> 54,5%. Trois ouvrages d’art ont été construits. Le plus<br />

important est un viaduc en maçonnerie <strong>de</strong> onze arches, <strong>de</strong>ux ponts


métalliques pour le franchissement <strong>de</strong> la route <strong>de</strong> Sonloup, construite<br />

entre 1900 et 1901, grâce à une importante souscription <strong>de</strong>s Frères<br />

Dufour, et encore un petit ponceau d’une arche pour le passage <strong>de</strong> la<br />

piste <strong>de</strong> bob. La station inférieure fut constituée par une galerie ouverte<br />

avec une guérite pour la vente <strong>de</strong>s billets. La station supérieure a été<br />

construite au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s fondations <strong>de</strong> la machinerie, avec au rez-<strong>de</strong>-<br />

chaussée une petite salle d’attente, un guichet pour la vente <strong>de</strong>s billets<br />

et un w-c. A l’étage un appartement pour le chef <strong>de</strong> station. La toiture fut<br />

pourvue d’un petit clocheton qui soulignait l’aspect pittoresque <strong>de</strong> cette<br />

petite gare. Les équipements techniques furent commandés à la maison<br />

von Roll à Berne. Un moteur à courant continu <strong>de</strong> 80 ch., 750 v., fourni<br />

par la fabrique Oerlikon à Zurich fut installé à Sonloup. L’alimentation<br />

électrique <strong>de</strong> la machine était fournie par la caténaire du MOB, <strong>de</strong>puis la<br />

gare <strong>de</strong>s Avants. Le câble <strong>de</strong> traction a été fabriqué par les ateliers <strong>de</strong> la<br />

St-Egydyer Eisen-u. Stahlindustrie-Gesellchaft, à Vienne. Le poids au<br />

mètre <strong>de</strong> celui-ci était <strong>de</strong> 4,8 kg. afin d’éviter son soulèvement au-<strong>de</strong>ssus<br />

<strong>de</strong>s poulies du viaduc. Il fut, à cette époque, le câble le plus lourd <strong>de</strong>s<br />

funiculaires en service <strong>de</strong> Suisse. La roue d’entrainement <strong>de</strong>s roues<br />

motrices, diamètre <strong>de</strong> 2,35 mètres, a été construite en fonte avec une<br />

<strong>de</strong>nture <strong>de</strong> bois. Les <strong>de</strong>ux voitures ont été faites en bois reposant sur<br />

<strong>de</strong>s châssis métalliques à <strong>de</strong>ux essieux. Elles furent équipées <strong>de</strong> quatre<br />

compartiments chacune, dont <strong>de</strong>ux étaient ouverts. La capacité <strong>de</strong>s<br />

voitures était prévue pour cinquante personnes avec un débit horaire <strong>de</strong><br />

cinq-cents voyageurs lors <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s affluences. Un wagon plat à <strong>de</strong>ux<br />

essieux fut attelé à chaque voiture pour le transport <strong>de</strong>s bobs et <strong>de</strong>s<br />

luges. La vitesse <strong>de</strong>s convois à l’ouverture <strong>de</strong> la ligne était <strong>de</strong> 7,2 km/h.<br />

La première circulation publique eut lieu le 14 décembre 1910. Le<br />

service était assuré <strong>de</strong> sept heures du matin à dix heures du soir.<br />

L’effectif du personnel d’exploitation comprenait six agents.


Dernière phase <strong>de</strong> développement du patrimoine hôtelier <strong>de</strong>s Frères<br />

Dufour.<br />

Avec l’ouverture du funiculaire pour la saison d’hiver 1910/1911, la<br />

station <strong>de</strong>s Avants reprenait l’avantage sur sa voisine, Caux, offrant <strong>de</strong>ux<br />

pistes <strong>de</strong> luge et une <strong>de</strong> bob, au départ du Col <strong>de</strong> Sonloup jusqu’à<br />

Chamby, <strong>de</strong>sservies par les trains du MOB et du LAS. Chaque<br />

printemps, l’éclosion <strong>de</strong>s champs <strong>de</strong> narcisses <strong>de</strong> la combe <strong>de</strong>s Avants<br />

et du Col <strong>de</strong> Sonloup, apportait une nouvelle vague <strong>de</strong> touristes sur le<br />

funiculaire. Encouragé par la forte fréquentation <strong>de</strong> leurs installations, les<br />

Frères Dufour se lançaient, une nouvelle fois, dans une phase<br />

d’expansion. Pour la réalisation <strong>de</strong> ces projets une société<br />

d’investissement fut crée, la Société du Grand Hôtel <strong>de</strong>s Avants.<br />

L’énumération <strong>de</strong>s constructions est impressionnante; un hôtel <strong>de</strong> 50 lits<br />

à Sonloup, vaste chalet sur socle <strong>de</strong> maçonnerie avec une tour-<br />

belvédère; agrandissement du Grand Hôtel <strong>de</strong>s Avants: sa longueur fut<br />

doublée! Adjonction d’une salle <strong>de</strong> spectacle et la construction d’une<br />

nouvelle roton<strong>de</strong>, la capacité <strong>de</strong> l’établissement avait été portée à 250<br />

lits; un Buffet <strong>de</strong> Gare avec un grand restaurant et <strong>de</strong>s appartements sur


ez ; une galerie marchan<strong>de</strong> comprenant <strong>de</strong>s commerces, un bureau <strong>de</strong><br />

Poste et <strong>de</strong>s logements spacieux. Ces bâtiments furent construits dans<br />

le style «chalet suisse» comme la gare. Enfin, une villa italianisante,<br />

annexe <strong>de</strong> l’hôtel <strong>de</strong> Jaman, fut construite pour madame Nico<strong>de</strong>t-Dufour.<br />

Toutes ces constructions sont l’œuvre <strong>de</strong> l’architecte Villard et furent<br />

achevées en 1913! Il faut encore mentionner la construction d’une<br />

chapelle catholique. Exécution en madriers d’inspiration alpestre avec un<br />

clocheton, vitraux néo-gothiques dans le chœur, signés Chiara à<br />

Lausanne.<br />

Conflits sociaux et Première Guerre mondiale.<br />

La construction <strong>de</strong>s palaces montreusiens, <strong>de</strong>s lignes <strong>de</strong> chemins <strong>de</strong> fer,<br />

le percement du tunnel <strong>de</strong> Jaman et d’autres travaux d’infrastructure<br />

avaient nécessité une main-d’œuvre considérable. Rien que pour la<br />

construction du MOB, entre Montreux et Montbovon, pas moins <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />

mille ouvriers furent engagés. La gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong> ceux-ci venaient<br />

d’Italie. Pour ne pas déranger l’aristocratie européenne et russe, qui<br />

avait pris l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> séjourner dans les hôtels <strong>de</strong> la Riviera vaudoise,


les ouvriers étaient logés dans <strong>de</strong>s baraques <strong>de</strong> bois à l’orée <strong>de</strong>s forêts,<br />

loin <strong>de</strong>s villages, parfois du côté <strong>de</strong> Montbovon et Lessoc. Les salaires<br />

horaires usuels au début du XXe siècle étaient les suivants: Terrassiers,<br />

40-45 centimes à l’heure; Mineurs, 45-50 centimes; Maçons, 53-60<br />

centimes. La durée <strong>de</strong> travail journalière ordinaire était <strong>de</strong> onze heures<br />

sans les heures supplémentaires. Le prix <strong>de</strong>s logements oscillait entre<br />

10 francs par mois pour une chambre dans une baraque et 18 francs<br />

pour une pièce dans une maison en maçonnerie. L’hygiène <strong>de</strong>s<br />

logements et la sécurité sur les chantiers étaient déplorables. Evi<strong>de</strong>ment<br />

que <strong>de</strong> telles conditions d’existence suscitaient la grogne et la révolte.<br />

Des arrêts <strong>de</strong> travail eurent lieu sur les chantiers. Puis le mouvement<br />

ouvrier se renforça jusqu’à la Grève générale vaudoise <strong>de</strong> mars 1907. Le<br />

27 du mois, la municipalité du Châtelard appelait l’armée pour renvoyer<br />

les ouvriers au travail. Vers 1910, la journée <strong>de</strong> travail fut réduite à dix<br />

heures et les heures supplémentaires étaient exécutées en échange<br />

d’une prime. En avril 1912, le naufrage du Titanic marqua fortement<br />

l’opinion publique internationale. La même année, le 24 novembre, la IIe<br />

Internationale socialiste se réunissait à Bâle. Ce jour-là, les pacifistes<br />

n’avaient pas réussi à vaincre les rivalités nationalistes <strong>de</strong>s délégations<br />

présentes au congrès. Deux ans plus tard ce fut la guerre. Les ouvriers<br />

qui avaient construit les merveilleux hôtels <strong>de</strong> la Riviera vaudoise et nos<br />

lignes <strong>de</strong> chemins <strong>de</strong> fer, furent envoyés sur les champs <strong>de</strong> bataille. La<br />

bourgeoisie a dû s’acquitter d’un impôt <strong>de</strong> guerre pour financer les<br />

opérations militaires. En octobre 1917 éclata la Révolution bolchévique<br />

en Russie. En 1918, la Grève générale en Suisse! Une telle succession<br />

d’événements tragiques provoqua une crise majeure en Suisse et<br />

particulièrement sur la Riviera vaudoise, où la riche clientèle<br />

internationale avait déserté les établissements hôteliers. Comme<br />

d’autres, les Frères Dufour furent ruinés et leurs hôtels fermés, pour<br />

certains d’entre-eux, définitivement!


Survie du funiculaire, pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> consolidation et Deuxième Guerre<br />

mondiale.<br />

Après le premier conflit mondial, <strong>de</strong> nouvelles fortunes s’étaient<br />

constituées, notamment dans l’industrie métallurgique et dans les<br />

banques. Dans les années 20, les <strong>de</strong>stinations touristiques en vogue,<br />

étaient Gstaad, Interlaken, St Moritz et Zermatt. Après l’électrification du<br />

chemin <strong>de</strong> fer <strong>de</strong> la Furka, dans un contexte touristique re<strong>de</strong>venu très<br />

concurrentiel, le Glacier Express fut inauguré en 1930 avec un wagon<br />

restaurant <strong>de</strong> la célèbre compagnie alleman<strong>de</strong> MITROPA. A Montreux,


la réponse du MOB ne se fit pas attendre. En collaboration avec la<br />

Compagnie internationale <strong>de</strong>s Wagons-lits & <strong>de</strong>s Grands express<br />

européens, le MOB inaugurait, en 1931, un train pullman entre Montreux<br />

et Zweisimmen, le légendaire Gol<strong>de</strong>n Mountain Pullman Express. Mais<br />

le crash financier <strong>de</strong> Wallstreet en 1929 et la crise économique qui lui<br />

succéda, précipitaient la fin prématurée <strong>de</strong> ce magnifique train. En fait il<br />

ne circula que du 14 juin au 15 septembre 1931. Pourtant, la même<br />

année, la Compagnie du Chemin <strong>de</strong> fer Les Avants-Sonloup enregistra<br />

un trafic <strong>de</strong> 83 858 voyageurs. Ce record ne fut jamais dépassé <strong>de</strong>puis.<br />

Il faut dire qu’une année auparavent, la Fédération suisse <strong>de</strong>s<br />

cheminots, aujourd’hui le Syndicat du personnel <strong>de</strong>s transports, <strong>SEV</strong>,<br />

avait racheté l’Hôtel <strong>de</strong> Sonloup, fermé <strong>de</strong>puis 1920. Avec l’apparition<br />

<strong>de</strong>s premiers congés payés, le tourisme populaire était en plein essor.<br />

La semaine <strong>de</strong> travail réduite à cinq jours et <strong>de</strong>mi et la mo<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

pantalons pour les femmes ont permis la démocratisation <strong>de</strong>s sports<br />

d’hiver. Des championnats <strong>de</strong> saut à ski furent même organisés au<br />

Vallon d’Orgevaux. Au printemps, l’attrait pour les champs <strong>de</strong> narcisses<br />

ne faiblissait pas, ce qui permettait d’assurer au funiculaire <strong>de</strong>s recettes<br />

suffisantes pour sa survie. Le MOB était aux petits soins du LAS. Les<br />

réparations et les améliorations techniques étaient effectuées par ses<br />

ateliers à Chernex. En 1934, la vitesse du funiculaire fut portée à 2<br />

mètres/secon<strong>de</strong>. Les voitures furent repeintes en rouge, puis équipées<br />

du chauffage électrique. Pour ce faire une ligne <strong>de</strong> contact a dû être<br />

posée et <strong>de</strong>s petits pantographes ont été montés sur le toit <strong>de</strong>s voitures.<br />

Le 2 septembre 1939, l’armée suisse était mobilisée. Ligne stratégique<br />

du «Réduit national» imaginé par le Général Guisan, le MOB connu une<br />

forte croissance <strong>de</strong> son trafic pour les besoins <strong>de</strong> l’armée. Une partie <strong>de</strong>s<br />

cheminots étant mobilisable, le MOB et le LAS avaient dû restreindre<br />

leurs horaires. En 1941, à Pâques, la gare <strong>de</strong> Sonloup fut ravagée par<br />

un incendie. La ligne fut fermée pendant dix jours. Lors <strong>de</strong> sa


econstruction, le petit clocheton ne fut pas refait. En février 1945, le<br />

village <strong>de</strong>s Avants hébergea <strong>de</strong>s refugiés juifs, libérés d’un camp <strong>de</strong><br />

concentration en Tchécoslovaquie. La même année et pour une raison<br />

qui <strong>de</strong>meure encore mystérieuse <strong>de</strong> nos jours, la municipalité du<br />

Châtelard ordonna la démolition <strong>de</strong> l’Hôtel <strong>de</strong> Jaman et le Château du<br />

Cubly, construit entre 1909 et 1925 pour la famille Wanner <strong>de</strong> Lausanne.<br />

Les années d’après-guerre, l’automatisation et l’incertitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’avenir.<br />

En 1951, le MOB proposa une automatisation partielle du funiculaire.<br />

Une comman<strong>de</strong> à distance <strong>de</strong> la machinerie <strong>de</strong>puis les voitures fut<br />

installée, ce qui a permis <strong>de</strong> supprimer le poste <strong>de</strong> machiniste à<br />

Sonloup. Pendant les pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> faible trafic et par soucis d’économie,<br />

seule une voiture était <strong>de</strong>sservie par un wattman. Malgré ces efforts <strong>de</strong><br />

rationalisation, les résultats d’exploitation restaient insuffisants. En 1972,<br />

la direction du MOB soumettait au Conseil d’administration du LAS un<br />

rapport d’étu<strong>de</strong> sur l’avenir du funiculaire. Trois variantes furent<br />

proposées. La première consistait au financement d’une mo<strong>de</strong>rnisation<br />

totale <strong>de</strong> l’infrastructure et le remplacement <strong>de</strong>s voitures. Son prix était<br />

supérieur à un million <strong>de</strong> francs. La <strong>de</strong>uxième proposait la mise à niveau<br />

<strong>de</strong>s installations existantes aux prescriptions exigées par l’Office fédéral<br />

<strong>de</strong>s transports, pour un investissement inférieur à un <strong>de</strong>mi-million <strong>de</strong>


Gruyère Pays-d’Enhaut, incluant le village <strong>de</strong>s Avants, le funiculaire et<br />

l’Hôtel <strong>de</strong> Sonloup dans son périmètre, peut être considéré comme un<br />

gage d’avenir pour la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> renouvellement <strong>de</strong> la concession<br />

fédérale du 16 avril 1910. Freeri<strong>de</strong> et Bukolik sont <strong>de</strong> nouvelles activités<br />

sportives du XXIe siècle, elles peuvent compenser le recul <strong>de</strong>s recettes,<br />

lorsque les hivers sont trop chauds. Enfin les campagnes <strong>de</strong><br />

sensibilisation à la sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s narcisses, amènent chaque année,<br />

un nombre important <strong>de</strong> randonneuses et <strong>de</strong> randonneurs sur le<br />

funiculaire. En 2008, l’Hôtel <strong>de</strong> Sonloup changea <strong>de</strong> propriétaire et ferma<br />

ses portes après septante-huit ans d’activité! L’année passée, les<br />

nouveaux propriétaires ont mis à l’enquête publique la transformation du<br />

vénérable bâtiment en clinique <strong>de</strong> luxe. Les constructions projetées<br />

remettent en cause les servitu<strong>de</strong>s d’utilité publique d’accès au<br />

funiculaire, qui avaient été négociées entre le LAS et la commune du<br />

Châtelard en 1909. Aujourd’hui, une seule certitu<strong>de</strong> est établie: Le MVR,<br />

la municipalité <strong>de</strong> Montreux, la Société <strong>de</strong>s intérêts <strong>de</strong>s Avants et les<br />

nouveaux propriétaires <strong>de</strong> Sonloup ce sont tous déclarés POUR POUR LA<br />

SURVIE SURVIE DU DU DU FUNICULA FUNICULAIRE!<br />

FUNICULA IRE!<br />

Nota:<br />

Pour le comité <strong>de</strong>s festivités du centenaire du LAS:<br />

<strong>Jean</strong>-Clau<strong>de</strong> <strong>Cochard</strong>, Les Avants, août 2010.<br />

Sans l’audace <strong>de</strong>s frères Dufour, on peut affirmer, sans doute, que le<br />

MOB et le LAS n’auraient jamais existé. La construction d’une voie<br />

ferrée, au profil plus facile, contournant la Chaîne <strong>de</strong>s Verraux par la<br />

Gruyère, comme le projet du Vevey-Bulle-Thoune, concession fédérale<br />

délivrée le 27 juin 1890, aurait, vraisemblablement, vu le jour. Je me suis<br />

également limité à décrire l’évolution du patrimoine hôtelier <strong>de</strong>s Dufour,


sans allusions aux autres aspects du développement urbanistique du<br />

village <strong>de</strong>s Avants.<br />

Sources Sources d’information<br />

d’information<br />

Livres<br />

Livres<br />

Grandguillaume, M., Hadorn, G., Jarne, S. & Rochaix, J.-L. (1992).<br />

Chemin <strong>de</strong> fer Montreux Oberland Bernois. Lausanne : BVA.<br />

Hertig, P. (2003). Un rêve inachevé : le chemin <strong>de</strong> fer <strong>de</strong> Gryon au<br />

sommet <strong>de</strong>s Diablerets. Grin<strong>de</strong>lwald : Sutter Druck.<br />

Maison, G. (1974). Les Chemins <strong>de</strong> Fer actuels et disparus <strong>de</strong> la Riviera<br />

vaudoise. Aigle : Ed. Revue du Rail.<br />

Société d’Histoire <strong>de</strong> l’Art en Suisse (2000). Inventaire suisse<br />

d’architecture : 1820-1920 : Montreux, Neuchâtel, Olten, Rorschach.<br />

Zurich : O. Füssli.<br />

Styger, E. & Kollros, J.-C. (1986). Au Paradis <strong>de</strong>s Narcisses. Montreux :<br />

MOB ; Impr. Corbaz.<br />

Articles Articles<br />

Articles<br />

Gontier, A. (1993). L’histoire d’un songe fou, le Château du Cubly, L’Est<br />

vaudois, 1 er sept.


La gran<strong>de</strong> histoire <strong>de</strong>s gauches : 1789-2010. (2010). Le Nouvel<br />

observateur, hors-série, avril mai.<br />

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Illustrations<br />

<strong>Cochard</strong>, J.-C. Photos<br />

Koenig, R. & Schwab-Courvoisier, A. (1973). Vevey-Montreux<br />

photographiés par nos aïeux : 246 photographies anciennes. Lausanne :<br />

Payot.<br />

Notre histoire.ch.<br />

http://www.notrehistoire.ch/highlights/ (consulté le 22 août 2010)

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