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FRAN 4002 Mme de Sévigné Lettres - A MADAME DE GRIGNAN A ...

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Vous trouvez que ma plume est toujours taillée pour dire <strong>de</strong>s merveilles du grand<br />

maître : je ne le nie pas absolument ; mais je croyais m’être moqué <strong>de</strong> lui, en vous disant<br />

l’envie qu’il a <strong>de</strong> parvenir, et qu’il veut être maréchal <strong>de</strong> France à la rigueur, comme du<br />

temps passé ; mais c’est que vous m’en voulez sur ce sujet ; le mon<strong>de</strong> est bien injuste.<br />

Contez à M. l’Archevêque ce que m’a fait dire M. le premier prési<strong>de</strong>nt pour ma<br />

santé. J’ai fait voir mes mains et quasi mes genoux à Langeron, afin qu’il vous en ren<strong>de</strong><br />

compte. J’ai d’une manière <strong>de</strong> pomma<strong>de</strong> qui me guérira, à ce qu’on m’assure ; je n’aurai<br />

point la cruauté <strong>de</strong> me plonger dans le sang d’un bœuf, que la canicule ne soit passée.<br />

C’est vous, ma fille, qui me guérirez <strong>de</strong> tous mes maux. Si M. <strong>de</strong> Grignan pouvait<br />

comprendre le plaisir qu’il me fait d’approuver votre voyage, il serrait consolé par avance<br />

<strong>de</strong> six semaines qu’il sera sans vous.<br />

Adieu, ma très-aimable et très-aimée : vous me priez <strong>de</strong> vous aimer ; ah !<br />

vraiment je le veux bien ; il ne sera pas dit que je vous refuse quelquechose.<br />

À M. <strong>de</strong> Pompone<br />

le 1 décembre 1664<br />

… Il faut que je vous conte une petite historiette, qui est très vraie et qui vous divertira.<br />

Le roi se mêle <strong>de</strong>puis peu <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s vers ; MM. De Saint-Aignan et Dangeau lui<br />

apprennent comment il faut s’y prendre. Il fit l’autre jour un petit madrigal, que lui-même<br />

ne trouva pas trop jolie. Un matin il dit au maréchal Gramont :<br />

« M. le Maréchal, je vous prie, lisez ce petit madrigal, et voyez si<br />

vous en avez jamais vu un si impertinent. Par ce qu’on sait que<br />

<strong>de</strong>puis peu j’aime les vers, on m’en apporte <strong>de</strong> toutes les<br />

façons. » Le maréchal, après avoir lu, dit au roi : « Sire, votre<br />

Majesté juge divinement bien <strong>de</strong> toutes choses : il est vrai que<br />

voilà le plus sot et le plus ridicule madrigal que j’aie jamais lu. »<br />

Le Roi se mit à rire, et lui dit : « N’est-il pas vraie que celui qui<br />

l’a fait est bien fat ? » - Sire il n’y a pas moyen <strong>de</strong> lui donner un<br />

autre nom. – Oh bien ! dit le Roi, je suis ravi que vous m’en ayez<br />

parlé si bonnement ; c’est moi qui l’ai fait. – Ah ! Sire, quelle<br />

trahison ! que votre Majesté me le ren<strong>de</strong> ; je l’ai lu brusquement.<br />

– Non, M. le maréchal : les premiers sentiments sont toujours<br />

plus naturels. » Le roi a fort ri <strong>de</strong> cette folie, et tout le mon<strong>de</strong> trouve que voilà la plus<br />

cruelle petite chose que l’on puisse faire à un vieux courtisan. Pour moi, qui aime<br />

toujours à faire <strong>de</strong>s réflexions, je voudrais que le Roi en fît là-<strong>de</strong>ssus, et qu’il jugeât par là<br />

combien il est loin <strong>de</strong> connaître jamais la vérité…

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