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Le domaine public maritime de Dakar - Aide Transparence

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Sur les rochers, peu avant la plage <strong>de</strong> sable, trône une villa léchée par les vagues. Elle<br />

appartenait à l’origine à la Société nationale <strong>de</strong>s eaux du Sénégal (Sones).<br />

A côté du site va être construit un hôtel, « L’hôtel <strong>de</strong>s Sirènes » dont le propriétaire serait le<br />

roi du Maroc, Mohamed VI 22 . Quoi qu’il en soit, le projet est connu qui va occuper toute cette<br />

plage, « pieds dans l’eau », et au-<strong>de</strong>là, vers les falaises argileuses et friables au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong><br />

l’unique plage restante et encore accessible au <strong>public</strong> dans cette partie du littoral, <strong>de</strong>rrière<br />

l’hôpital principal et l’ambassa<strong>de</strong> <strong>de</strong> Gran<strong>de</strong> Bretagne, à quelques encablures <strong>de</strong> l’hôtel<br />

Savana.<br />

<strong>Le</strong> Savana, un vieil occupant, lui aussi pieds dans l’eau, interdit l’accès <strong>public</strong> à toutes les<br />

plages et criques plaisantes qu’il surplombe, ne se privant pas <strong>de</strong> poser <strong>de</strong>s murs où il faut,<br />

afin d’empêcher l’accès <strong>de</strong>s ces lieux par la berge. Or, l’aménagement <strong>de</strong> commodités pour un<br />

libre accès à la berge, au nom <strong>de</strong> l’intérêt général, est une condition à l’obtention <strong>de</strong><br />

concessions et baux pour l’exploitation <strong>de</strong> sites touristiques balnéaires. <strong>Le</strong> principe du libre<br />

accès au <strong>domaine</strong> <strong>public</strong> <strong>maritime</strong> intègre l’idée que les servitu<strong>de</strong>s d’utilité publique<br />

comprennent les servitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> passage, comme on peut le noter au niveau <strong>de</strong>s plages<br />

comprises entre Saly Portudal et la Somone. En réalité, aucun <strong>de</strong>s concessionnaires visités<br />

entre le restaurant « Terrou-bi » et l’hôtel restaurant « <strong>Le</strong> Virage » qui appartiennent tous<br />

<strong>de</strong>ux à <strong>de</strong>s Libanais 23 ne se prive d’interdire au <strong>public</strong> l’accès <strong>de</strong>s plages qu’il occupe, soit par<br />

22 La prodigalité du Chef <strong>de</strong> l’Etat sénégalais vis-à-vis <strong>de</strong> son homologue marocain est étonnante puisque M.<br />

Wa<strong>de</strong> aurait également fait don à Mohammed VI, roi du Maroc, d’un terrain adjacent à sa rési<strong>de</strong>nce secondaire<br />

<strong>de</strong> Poponguine.<br />

23 La communauté libanaise a été installée au Sénégal en 1883 par le colonialisme français qui l’a imposée<br />

comme une classe tampon pour barrer la route du commerce local aux populations indigènes. C’est ainsi qu’elle<br />

a largement bénéficié <strong>de</strong> facilités bancaires pour s’implanter et occuper presque majoritairement certains endroits<br />

du « Plateau » <strong>de</strong> <strong>Dakar</strong>. Sur cette question précise, voir Samir Amin, <strong>Le</strong> mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s affaires sénégalais. <strong>Le</strong>s<br />

commerçants Libanais ont été <strong>de</strong> façon récurrente violemment pris à partie au cours <strong>de</strong> combats <strong>de</strong> rue et <strong>de</strong><br />

manifestations <strong>de</strong> masse qui ont eu lieu à <strong>Dakar</strong> en diverses pério<strong>de</strong>s. <strong>Le</strong> racisme légendaire <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong><br />

majorité <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> cette petite minorité dont certains sont <strong>de</strong>venus d’éminentes personnalités du dispositif<br />

institutionnel <strong>de</strong> gouvernance, du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s affaires, <strong>de</strong> l’industrie sportive et même <strong>de</strong>s partis politiques du<br />

Sénégal pose, à l’évi<strong>de</strong>nce, un problème <strong>de</strong>s plus sérieux du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la question nationale.<br />

La double nationalité acquise par la plupart <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> cette minorité ethnique ne change rien aux données<br />

du problème, bien au contraire. Elle le complexifie puisqu’il y a au moins <strong>de</strong>ux à trois générations <strong>de</strong> Libanais<br />

d’origine qui sont nés au Sénégal, y ont fait souche, mais sont farouchement habités par un instinct grégaire et se<br />

sont très rarement mêlés aux populations indigènes, à quelques exceptions près, notamment à travers le mariage<br />

dans les <strong>de</strong>ux sens. <strong>Le</strong> même phénomène est observable sur toute la côte ouest africaine et dans <strong>de</strong>s pays<br />

enclavés <strong>de</strong> l’hinterland continental. En Afrique <strong>de</strong> l’Est, ce sont les <strong>de</strong>scendants <strong>de</strong>s ressortissants <strong>de</strong> l’In<strong>de</strong><br />

introduits par le colon britannique pour construire les chemins <strong>de</strong> fer <strong>de</strong>s zones agricoles et minières les plus<br />

fertiles vers le port <strong>de</strong> Mombassa qui contrôlent très largement le commerce local. En Sierra <strong>Le</strong>one et au Libéria,<br />

ce sont les ressortissants Libanais, Israéliens ou <strong>de</strong>s Juifs <strong>de</strong> différentes nationalités qui exploitent <strong>de</strong> manière<br />

presque monopolistique, en tous cas oligopolistique dans <strong>de</strong>s secteurs précis, le commerce (légal et illégal) <strong>de</strong>s<br />

diamants, du riz et <strong>de</strong> l’électroménager. En Ethiopie, la brève occupation italienne a permis à <strong>de</strong>s Italiens<br />

d’installer <strong>de</strong>s restaurants chics et <strong>de</strong> monopoliser cette industrie bien après le départ <strong>de</strong> la soldatesque italienne.<br />

Au Rwanda et au Burundi, les Grecs ont été utilisés comme force tampon contre les intérêts commerciaux<br />

autochtones. En RDC, les Belges ont testé à une échelle jusque-là inconnue en Afrique, le développement séparé<br />

en tant que mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> gouvernance sans parler <strong>de</strong> l’Afrique du Sud, <strong>de</strong>s anciennes colonies portugaises et<br />

espagnoles et, bien entendu, la Cote d’Ivoire où 30 à 50 000 Français et <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> Libanais monopolisaient<br />

presque entièrement jusqu'à une date récente l’industrie <strong>de</strong> substitution d’importation et le commerce local. Au<br />

Sénégal et à travers toute la côte ouest africaine, le même modèle prévaut encore aujourd’hui (sur ces questions,<br />

le lecteur voudra bien consulter l’abondante littérature qui existe et notamment l’ouvrage <strong>de</strong> Chancellor<br />

Williams, The Destruction of Black Civilization, Chicago : Third World Press, 1976, Thomas Pakenham, The

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