DOSSIER Rasposo - MORSURE 03-2012

Enfin, nous évoquerons la férocité des rapports humains, ces
pulsions monstrueuses et ordinaires à la fois, ces instincts sauvages
qui n’appartiennent qu’à l’homme. Grâce au cirque et à ce qu’il peut
laisser dévoiler, nous verrons évoluer l’homme-acrobate dans un
corps brut mais sous travers d’un raffinement maniériste à la manière
de Wong Kar Waï. Les corps circassiens représenteront lutte
fratricide, amitié trahie, obsession, réalité charnelle, à la fois sous la
forme brutale de la virtuosité technique mais aussi par la violence
contenue de leur incarnation.
Le choix du fauve
Au cours de ma recherche vers une nouvelle évolution, et un
bouleversement des codes actuels, je me suis questionnée sur mes
convictions profondes et mes émotions originelles face au cirque.
Il m’est apparu la nécessité de révéler des instants de dépassement
extrêmes et de bravoure ; des mises en danger du corps et de la pudeur, où
l’être exulte et les émotions s’entrechoquent.
L’identité artistique de la compagnie Rasposo a toujours été de retraduire les
codes circassiens originels à travers un regard actuel, théâtral et
émotionnel. Dans l’esprit de poursuivre cette compréhension des traditions
circassiennes, dans le sillage des précédents spectacles, je cherchais une
présence animale qui traduirait à la fois cet héritage et m’amènerait vers une
nouvelle évolution, un bouleversement dans l’avancée de notre travail.
Le choix du Fauve fut évident.
Il interrogeait pour moi d’une part le rapport
actuel entre la provocation de l’animal de cirque
qu’il représente face aux convictions d’un cirque
contemporain souvent oublieux de la brutalité du
risque, d’autre part, et surtout, la présence d’un
fauve sur scène, chargée d’une symbolique entre
animalité brute et férocité, ne pouvait que donner
sens aux thèmes que je commençais à aborder.
La carte blanche à la Verrerie d’Alès donnée par
le PNC-LR, fut l’occasion d’un premier essai.
Malgré l’anxiété que nous procurait ce premier
rapport, l’expérience fut enrichissante et magique
au-delà de nos espérances.
L’imposante beauté de l’animal, la sauvagerie
contenue mais réelle, provoquèrent sur le public
un moment de grâce, de fascination et d’émotion
qui s’apparentait à l’hypnose.
Ainsi enchantés de cette expérience, nous
envisageons de poursuivre cette idée.
Marie Molliens