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Défis de la mission en Afrique par Daniel Bourdanné - of /documents

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dans le piège qui consiste à traiter tous les événem<strong>en</strong>ts dans une perspective déterministe,<br />

donc mécaniste. Les blocages économique, politiques et idéologiques ne sont pas les seules<br />

rationalités fondant <strong>la</strong> prolifération du religieux <strong>en</strong> <strong>Afrique</strong>. Réduire le retour massif au<br />

religieux à <strong>la</strong> simple traduction intellectuelle du dénuem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’homme c’est faire preuve<br />

d’une étroitesse d’esprit. Ceci est d’autant plus pertin<strong>en</strong>t qu’<strong>en</strong> <strong>Afrique</strong>, <strong>la</strong> religion est une<br />

<strong>par</strong>tie constitutive <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie. Souv<strong>en</strong>t, c’est même elle qui indique, ori<strong>en</strong>te et détermine les<br />

choses. Son analyse permet <strong>de</strong> compr<strong>en</strong>dre comm<strong>en</strong>t le social s’organise. Ce n’est pas pour<br />

ri<strong>en</strong> que tous les grands p<strong>en</strong>seurs s’<strong>en</strong> soi<strong>en</strong>t préoccupés. Mais t<strong>en</strong>ons-nous aux faits.<br />

Nous assistons au réveil <strong>de</strong>s religions traditionnelles <strong>en</strong> <strong>Afrique</strong> et à « l’invasion <strong>de</strong>s sectes<br />

jusque sur les campus universitaires » 6 . Cette résurg<strong>en</strong>ce du géni paï<strong>en</strong> est selon Achille<br />

Mbembé le fait « que les sociétés indigènes sont <strong>en</strong> train <strong>de</strong> reconstruire leur mémoire <strong>en</strong><br />

« dé-fétichisant » les modalités <strong>de</strong> leurs rapports avec le passé ». Ce retour est perçu comme<br />

une « reconfiguration <strong>de</strong>s structures m<strong>en</strong>tales et symbolique » dans le processus<br />

d’affrontem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tre l’<strong>Afrique</strong> et l’Occi<strong>de</strong>nt. Elle est « revanche du paganisme sur l’<strong>en</strong>semble<br />

<strong>de</strong>s formalités qui, <strong>de</strong>puis l’époque coloniale se sont définis contre lui ». Ce regain du<br />

paganisme est manifeste. Au Bénin, <strong>la</strong> religion du Vaudou se développe. Elle occupe<br />

désormais, du moins au niveau symbolique, <strong>la</strong> même p<strong>la</strong>ce que le Christianisme. Dans les<br />

rues <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s métropoles africaines, au petit matin, il n’est pas rare <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>s œufs <strong>de</strong><br />

poule, <strong>de</strong>s cauris et <strong>de</strong>s co<strong>la</strong>s liés <strong>en</strong>semble dans un tissu, <strong>de</strong>s canaris brisés. A côté <strong>de</strong> cette<br />

résurg<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s religions traditionnelles africaines, l’Is<strong>la</strong>m progresse à grand pas. Dans un<br />

pays <strong>de</strong> l’<strong>Afrique</strong> <strong>de</strong> l’Ouest comme <strong>la</strong> Côte d’Ivoire, on comptait dans les années 60, c’est-àdire<br />

à l’indép<strong>en</strong>dance, seulem<strong>en</strong>t 5% <strong>de</strong> musulmans dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ivoiri<strong>en</strong>ne. Il y avait<br />

une époque où c’était même une honte que <strong>de</strong> se prés<strong>en</strong>ter comme musulman. Au campus <strong>de</strong><br />

Cocody à Abidjan, les lieux <strong>de</strong> prière <strong>de</strong>s étudiants musulmans étai<strong>en</strong>t presque vi<strong>de</strong>s.<br />

Aujourd’hui, <strong>en</strong> 40 ans, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion musulmane est passée à plus <strong>de</strong> 40%. Au Nigeria,<br />

l’Is<strong>la</strong>m brave même les fon<strong>de</strong>m<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> l’Etat qu’est <strong>la</strong> constitution. Une forme d’intégrisme se<br />

développe. Au Sénégal, pour <strong>la</strong> première fois dans l’histoire <strong>de</strong> ce pays, un chef religieux a<br />

voulu s’<strong>en</strong>gager ouvertem<strong>en</strong>t dans <strong>la</strong> lutte politique <strong>en</strong> 2002. Même s’il a retiré sa candidature<br />

<strong>par</strong> après, ce n’est pas moins le signe d’une vitalité <strong>de</strong> l’Is<strong>la</strong>m qui n’hésite plus à investir le<br />

champ politique. Conquérant, l’Is<strong>la</strong>m fait son chemin, remportant <strong>de</strong> grands succès au sein<br />

<strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions africaines.<br />

Que dire du Christianisme <strong>en</strong> <strong>Afrique</strong> ? Pour <strong>de</strong> nombreux observateurs avisés, le 20 e siècle<br />

est dans l’histoire <strong>de</strong> l’église chréti<strong>en</strong>ne est « le siècle <strong>de</strong> l’<strong>Afrique</strong> ». L’on n’a jamais assisté à<br />

autant <strong>de</strong> conversions. Les églises chréti<strong>en</strong>nes sont remplies. Les statistiques val<strong>en</strong>t ce<br />

qu’elles sont. Mais elles nous donn<strong>en</strong>t au moins quelques indications. Au début du siècle<br />

passé, il y avait au total <strong>en</strong>viron 9 millions <strong>de</strong> chréti<strong>en</strong>s <strong>en</strong> <strong>Afrique</strong>. Aujourd’hui, cette<br />

popu<strong>la</strong>tion est estimée à plus <strong>de</strong> 310 millions, soit une croissance <strong>de</strong> 3500% <strong>en</strong> un siècle.. Les<br />

statistici<strong>en</strong>s estim<strong>en</strong>t que 16000 conversions s’opèr<strong>en</strong>t chaque jour <strong>en</strong> <strong>Afrique</strong>, 300 à 350<br />

nouvelles églises sont ouvertes chaque semaine. Ceci est une explosion.<br />

Cette explosion représ<strong>en</strong>te un véritable défi missiologique. C’est d’ailleurs avec raison que<br />

David Barrett fit à ce sujet <strong>la</strong> remarque suivante « The church in Africa reminds me <strong>of</strong> a<br />

mighty river, a mile wi<strong>de</strong> but only an inch <strong>de</strong>ep ». Ouvrant une confér<strong>en</strong>ce <strong>mission</strong>naire à<br />

Grand-bassam, Côte d’Ivoire <strong>en</strong> mai 2000, M. Tokumboh A<strong>de</strong>yemo, Secrétaire général <strong>de</strong><br />

l’Association <strong>de</strong>s Evangéliques d’<strong>Afrique</strong> (A.E.A.) fit ce comm<strong>en</strong>taire <strong>en</strong> regardant les<br />

<strong>par</strong>ticipants <strong>en</strong> face. L’église africaine fait face à plusieurs obstacles, dit-il : « <strong>la</strong> chair, <strong>la</strong><br />

jalousie, les rivalités, querelles, orgueil, discriminations ethnique, sociale et sexuelles… » 7 Je<br />

6 Eloi Messi Metogo, Dieu peut-il mourir <strong>en</strong> <strong>Afrique</strong> ? Essai sur l’indiffér<strong>en</strong>ce<br />

religieuse et l’incroyance <strong>en</strong> <strong>Afrique</strong> noie, Kartha<strong>la</strong> et UCAC, 1997<br />

7 W. Harold, WORLD PULSE, September 15, 2000

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