23.06.2013 Views

Le Taon – Février 1998 (Volume 2, No 2) - UQAM

Le Taon – Février 1998 (Volume 2, No 2) - UQAM

Le Taon – Février 1998 (Volume 2, No 2) - UQAM

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

<strong>Le</strong> <strong>Taon</strong> <strong>–</strong> <strong>Février</strong> <strong>1998</strong> (<strong>Volume</strong> 2, <strong>No</strong> 2)<br />

1. Théorie du chômage naturel : nos hommes d'affaires l'appliquaient déjà sans le<br />

savoir...<br />

Léo-Paul Lauzon et Michel Bernard<br />

2. Une modification à la Loi sur l’assurance-automobile qui se traduirait en une<br />

économie de plusieurs millions<br />

Gino Lambert, M.Sc, chercheur à la Chaire d'Études Socio-économiques de l'UQÀM<br />

3. Nationalisons l’industrie du tabac<br />

Léo-Paul Lauzon et Martin Poirier<br />

4. Privatiser ou non la société des alcools? Voir au-delà des chiffres<br />

Jacinthe Fortin<br />

5. De la révolution tranquille à la capitulation tranquille<br />

Martin Poirier, François Patenaude et Éric Michaud<br />

6. <strong>Le</strong>s profits réalisés sur les cartes de crédit sont injustifiés<br />

Gino Lambert, M.Sc, chercheur à la Chaire d'Études Socio-économique de l'<strong>UQAM</strong>


1. Théorie du chômage naturel : nos hommes d’affaires<br />

l’appliquaient déjà sans le savoir…<br />

par Léo-Paul Lauzon et Michel Bernard<br />

Une filiale de la Bank of Montreal vole au secours des chômeurs...<br />

Quand un courtier en valeurs mobilières, une filiale de la Bank of Montreal feint s'intéresser au<br />

sort des chômeurs, il faut entretenir un salutaire doute. Pensons à l'Institut C.D. Howe, une<br />

entreprise privée, poursuivant les intérêts de son membership composé de banques et de<br />

compagnies d'assurance, qui se donne un vernis d'objectivité sous le vocable d'institut. Cet<br />

«institut», qui s'est distingué par ses scénarios catastrophistes sur l'indépendance avec la Fraser<br />

Institute, préconisait une politique canadienne de haut taux d'intérêts alors que l'inflation était<br />

matée depuis des années depuis des années. Aussitôt que l'on a renoncé à cette politique<br />

dénoncée par de nombreux économistes, l'économie canadienne a bondi et le déficit fédéral a<br />

fondu.<br />

Aujourd'hui, un nouveau joueur dans l'industrie de la boule de cristal, Nesbitt Burns, qui vient<br />

nous éclairer de ses lumières par une application de la théorie du taux naturel de chômage de<br />

l'école néolibérale de Chicago. <strong>Le</strong>s voici en possession d'un modèle présumément aussi fidèle<br />

qu'une réaction chimique à l'effet que le taux de chômage «naturel» serait de 10,5% au Québec.<br />

En fait, l'emploi y est présenté comme un dangereux dacteur d'inflation. Avec 11,4% de chômage<br />

réel, le Québec est sommé de changer la structure de son marché du travail afin de baisser son<br />

taux de chômage naturel. Sinon toute mesure anti-chômage serait inflationniste en deçà de<br />

10,5%. Voyons comment faire...<br />

<strong>No</strong>uvelle théorie ou ancienne recette servie à la moderne?<br />

La grosse Presse à Desmarais accordait sa première page à cette nouvelle théorie qui prétend<br />

expliquer pourquoi il est normal que la croissance n'enrichisse que les riches et ne réduise pas le<br />

chômage dans le déliquint Québec. Surprise! On nous a servi la traditionnelle indigeste poutine<br />

agrémentée d'une sauce genre «École de Chicago»: la même rhétorique répétée mille fois dans<br />

toutes les chambres de commerce depuis des décennies: minimiser l'État dans le domaine social.<br />

La filiale de la Bank of Montreal nous intime, sur ton condescendant, de diminuer les impôts des<br />

entreprises, de réduire le plantureux salaire minimum, de couper le prodigue filet de sécurité<br />

sociale. Ah oui! Il faut aussi fermer les régions éloignées qui ont un gros taux de chômage<br />

structurel. L'État rendu impuissant dans le domaine social doit toutefois rendre le climat des<br />

affaires plus attrayant (climat politique sans doute.. subventions peut-être...), évidemment cela<br />

sous-entend aussi la déréglementation massive qui est comptabilisée comme un «plus» en<br />

commençant sans doute par celle de l'environnement.<br />

Cette théorie est insidieuse, car, constatant que la croissance n'enrichit plus que les biennantis,<br />

elle nous suggère qu'en enrichissant davantages les riches, en baissant le salaire minimum<br />

et les impôts des bien-nantis, nous allons régler le problème du sous-emploi. Vous aurez reconnu<br />

la théorie néo-libérale de la croissance par l'offre selon laquelle c'est la richesse d'une élite qui<br />

doit entraîner l'économie.<br />

<strong>Le</strong>s Québécois pas assez mobiles, la formation trop loin des entreprises<br />

La madame Sherry Cooper, économiste en chef de Nesbitt Burns, nous dit aussi que les<br />

Québécois ne sont pas assez mobiles à cause de leur attachement à un petit particularisme<br />

régional: la langue française qui est comptabilisée comme un moins. On suggère aussi d'améliorer<br />

la formation. Quoi! Davantage d'humanités, de littérature, de philosophie, d'histoire, une<br />

réduction du ratio élève/maîtres, etc.? Ben non voyons! Tasser la culture au profit de la raison


technique, évacuer les valeurs au profit de l'efficacité présentée comme norme universelle de<br />

l'action humaine, rapprocher l'école du marché, instaurer des stages en entreprises, et de l'anglais<br />

pour la mobilité; on va former de beaux petits outils animés réduits à la seule dimension<br />

production-consommation. On nous semonce; si nous refusons ce diktat du marché, nous ne<br />

pourrons espérer qu'une petite baisse de chômage maximale de 0,9% (11,4% - 10,5%) avant<br />

que l'inflation nous saute dessus comme la misère sur le pauvre monde. Par contre, l'Ontario de<br />

Mike Harris serait sur la voie du paradis avec un beau taux de 5,5%. Paradoxalement, cette<br />

théorie qui déplore le manque de formation, nous prêche l'exemple de l'Ontario où l'on planifie<br />

l'élimination de 10 000 postes dans l'éducation.<br />

La salaire minimum dangereux pour l'inflation, les gros profits pas de problème<br />

<strong>Le</strong>s compagnies, soulagées des impôts relatifs aux programmes sociaux et du salaire minimum,<br />

feraient exploser un emploi non inflationniste, ramèneraient le taux naturel de chômage à<br />

quelques points reflétant un chômage volontaire résiduel et d'adaptation. C'est curieux, le modèle<br />

ne semble pas traiter de l'effet sur l'inflation de la formidable escalade de la fortune des riches<br />

boursicoteurs. Il est vrai que la création d'emplois, en tant que facteur d'inflation fait chuter les<br />

indices boursiers. <strong>Le</strong> modèle néglige sciemment la hausse vertigineuse de 67,9% des profits des<br />

entreprises québécoises en 1997 au deuxième trimestre ou celle de 19% en 1995 au Canada ou<br />

celle de 45,9% en 1994 dont 140% chez les grandes entreprises. <strong>Le</strong> petit modèle omet d'inclure<br />

dans ses variables inflationnistes la hausse de 32% des salaires des chefs de direction au Canada<br />

entre 1993 et 1996, de même que la montée de 61% des primes de direction. <strong>Le</strong>s cadres des<br />

grandes entreprises ont augmenté leus salaires de 11% en 1996. Par contre, la gros dix «cennes»<br />

qui a porté le salaire minimum à 6,80$ en juin 1997, voilà l'empire du mal inflationniste.<br />

Selon le Conseil de la santé et du bien-être, il faut travailler 73 heures par semaine pour<br />

franchir le seuil de pauvreté en 1997 comparé à 41 heures en 1976. Plus de 75% des syndiqués<br />

ont subi une baisse de leur pouvoir d'achat en 1996. En 1995, les familles étaient encore à court<br />

de 2700$ par rapport à 1989. <strong>Le</strong> revenu médian du contribuable canadien est de 18 900$ en<br />

1995, 17 300$ au Québec, 23 600$ pour les hommes et 13 200$ pour les femmes; 61% des<br />

Canadiens ont gagné moins de 25 000$. Tout ce que Nesbitt Burns arrive à prouver, c'est<br />

l'insatiabilité de la classe possédante attachée à ses privilèges, son aversion du droit social, son<br />

refus de participer à la solidarité. Ils n'en ont jamais assez; ils veulent manger à tous les rateliers.<br />

Après des profits outrageux, notamment les banques, ils exigent la réduction du salaire minimum,<br />

de leurs impôts, des obligations sociales qui devraient correspondre en toute justice à leur<br />

situation de privilégiés.<br />

Éliminer les pauvres en baissant le seuil de la pauvreté<br />

Baisser le salaire minimum doit s'accompagner d'une baisse du revenu défini comme le seuil de<br />

la pauvreté afin de ne pas noircir l'image sociale tout en enrichissant les biens nantis. En plus<br />

d'embellir les statistiques de chômage, les domestiques des affairistes adoptent parallèlement une<br />

stratégie qui consiste à nier la pauvreté en prétendant que le seuil de pauvreté est défini pour<br />

ratisser trop large. <strong>Le</strong> Conseil du patronat, comme syndicat de patrons, ne fait pas la même<br />

lecture que l'OCDÉ. <strong>Le</strong> Canada compte 5 millions de pauvres si on accepte la définition du Conseil<br />

national du bien-être ou du Programme des Nations-Unies pour le développement plutôt que celle<br />

des zélateurs du patronat. La théorie promue par la filiale de la Bank of Montreal plaide la<br />

réduction du filet social alors que le Québec compte plus ou moins 800 000 assistés sociaux et<br />

que Moisson Montréal distribue 25 tonnes de nourriture par jour. <strong>Le</strong>s banques nous disent que<br />

leurs profits engraissent les régimes de retraite des Canadiens, pourtant 700 000 Canadiens ont<br />

dû piger dans leur RÉER en 1994.


Une chance qu'on les a pour nous dire quoi faire!<br />

Existe-t-il encore quelqu'un d'assez naïf pour se laisser farcir le crâne par cette propagande<br />

doctrinaire de Nesbitt Burns, cette «plogue» affairiste recouverte d'une petite couche de vernis<br />

scientifique? Hélas! Oui! Ces pseudo-études, qui sont la projection de l'intérêts de leurs auteurs,<br />

ont de l'influence. Si vous pensez que cette filiale de la Banque de Montréal, qui saisit au vol une<br />

théorie de l'École de Chicago vouée entièrement au néolibéralisme, poursuit autre chose que<br />

l'intérêt strict de ses actionnaires, vous avez un problème de lavage de cerveau. <strong>Le</strong>s banquiers et<br />

les affairistes ont conscience d'appartenir à une classe dont les intérêts doivent être défendus par<br />

un corpus idéologique très bien financé. Ce n'est pas Nesbitt Burns qui a développé cette théorie<br />

du chômage naturel, c'est un emprunt au think tank néolibéral américain. Ils ont développé un<br />

catéchisme intégriste patronal que les nigauds des médias récitent à coeur de jour.<br />

On aura perçu que le jeu est ici d'affirmer que la croissance de l'emploi est impossible sans<br />

concéder aux possédants une baisse du salaire minimum, sans un radiation des réglementations,<br />

sans une réductions des impôts pour les compagnies, sans donner des subventions, sans tourner<br />

le système éducatif vers les seules connaissances utilisables dans l'enrichissement des patrons et<br />

même sans l'abandon de la langue française et du projet d'indépendance. Évidemment, tout cela<br />

n'est pas dit directement mais via une pseudo-théorie, qui n'est en fin de compte qu'une série de<br />

postulats. C'est une forme de terrorisme économique enrobé dans une pseudo-objectivité. <strong>Le</strong> but<br />

à plus long terme est de vider complètement la population de sa volonté politique, de sa volonté<br />

de déterminer son avenir pour se laisser guider aveuglément par la main invisible du marché qui<br />

fait si bien les choses. Car l'a priori fondamental du néolibéralisme est que l'homme ne peut<br />

parvenir à rien par l'action volontaire politique, que le marché ne contient pas de rapports de<br />

force et qu'il crée l'harmonie sociale dans la poursuite de l'intérêt individuel, fut-il le plus grossier.<br />

Pourtant, le but de la vie en société n'est pas de créer une petite poignée de multimillionnaire qui<br />

se décrivent comme de bons samaritains de l'emploi qui nous feraient l'obole du salaire de<br />

survivance au nom de l'efficacité si on suivait leur modèle.<br />

<strong>No</strong>s affairistes n'ont pas attendu ce modèle à cent équations<br />

Ce modèle à cent équations est idéologique, car les affairistes font exactement les mêmes<br />

réclamations depuis longtemps, sans le connaître, en se laissant simplement guider par leurs<br />

intérêts personnels. On justifie simplement a posteriori des intérêts de classe. En effet, nous<br />

étions sur la bonne voie sans le savoir avec des bons samaritains comme Jean Coutu, une fortune<br />

de 459,2 millions $, qui dirigeait le sommet économique du déficit zéro qui a abouti à la<br />

glorification de l'économie sociale, à la charité érigée en système pour chasser le droit social. Un<br />

autre très peu familier avec équations de Friedman, mais qui les maîtrise naturellement par<br />

instinct, Bernard <strong>Le</strong>maire avec ses 271,4 millions $ dans Cascades, amateur de barrages privés,<br />

oeuvrant dans les pâtes et papiers, une des industries les plus polluantes mais appelé malgré tout<br />

par Bouchard à diriger notre comité national sur la déréglementation. D'autres, comme la famille<br />

Molson, enrichit de 215,2 millions $ par les Compagnies Molson, appliquent la théorie du chômage<br />

naturel sans le savoir en jetant 400 pères de famille sur le trottoir pour refiler la production à des<br />

employés précaires. On leur donnera sans doute la médaille du commerce. Nesbitt Burns retarde:<br />

André Bérard n'a pas les facultés pour tripoter les modèles économiques néolibéraux, mais cela ne<br />

l'empêche pas de sévir depuis longtemps avec des conseils assez semblables pour écraser les<br />

petits: «Il faut changer le régime d'assurance-chômage, même si cela signifie la fermeture de<br />

régions entières qui sont incapable d'offrir autre chose que des emplois saisonniers». Amateur lui<br />

aussi de lavage de cerveaux, il conseillait aux affairistes de s'acheter des articles de journaux. La<br />

Société des relationnistes du Québec ne semble pas trop faire d'objection à se laisser acheter<br />

puisque, conformément à la tradition d'auto-congratulation des affairistes, elle lui remettait le<br />

Grand prix des relations publiques en novembre 1997.<br />

<strong>Le</strong>s travailleurs auraient bien tort d'égorger les riches et de brûler leurs châteaux; que feraientils<br />

sans eux qui adoptent des mesures anti-inflationnistes en baissant nos salaires, en nous


congédiant en retour d'emplois précaires, comme Molson, pour rendre notre économie plus<br />

efficace ou en éliminant les réglementations environnementales qui nous empêchent de dompter<br />

la nature? Bande d'ingrats; les affairistes se sacrifient en investissant dans une province instable<br />

politiquement et qui parle un dialecte incompréhensible; les riches se dévouent en accumulant du<br />

capital afin d'entraîner l'économie. Ils poussent même l'abnégation jusqu'à renoncer à leur code<br />

moral pour aller serrer la main de dictateurs sanguinaires en Chine et ailleurs pour nous créer des<br />

jobs. <strong>Le</strong>s banques viennent même de faire plus de 7 milliards $ de profit pour garnir nos RÉER<br />

afin d'assurer notre vieillesse. Voilà qu'elles dépêchent une de leurs filiales pour nous conseiller,<br />

pour voler à notre secours tout à fait gratuitement. Ce n'est pas vrai que Bérard est une tête vide<br />

insensible qui dit n'importe quoi: s'il veut fermer des régions, c'est pour nous apprendre à vivre<br />

selon la valeur transcendantale de l'efficacité. D'ailleurs, il travaille au remplacement de la<br />

solidarité froide du droit social par la chaleur morale de la charité. Ce n'est pas vrai que Vidéotron<br />

est un aigrefin qui nous abonne malgré nous à des nouveaux canaux; Chagnon veut simplement<br />

nous décrotter l'esprit malgré nous... Une chance qu'on les a pour nous dire quoi faire!<br />

<strong>No</strong>us avons trouvé notre destin: calquer le modèle américain<br />

Nesbitt Burns nous adjure de suivre l'exemple de (devinez qui...)... Des États-Unis, bien<br />

sûr, qui auraient un taux de chômage «naturel», ô merveille!, de 5,6%. Il s'agit, à travers<br />

cet exemple de démontrer que les politiques néo-libérales sont miraculeuses pour l'emploi.<br />

Or, la crise de l'emploi est tout simplement dissimulée aux États-Unis. Hélas! Nesbitt Burns<br />

a succombé trop vite à « l'american dream»; de 1973 à 1995, le PIB per capita a<br />

augmenté d'un tiers et des salaires bruts des employés de direction ont diminué de 19%<br />

pour s'établir à 258$ US par semaine. En 1996, la rénumération des grands patrons y a<br />

augmenté de 54%. On sait que le gouvernement du Québec ne dit pas non à l'imitation des<br />

États-Unis. Pourtant, selon un rapport de l'OCDÉ, les États-Unis serait le pays le plus<br />

inégalitaires parmi ses pays-membres.<br />

Un modèle qui esquive les vraies statistiques du chômage<br />

La filiale de la Bank of Montreal défend l'idéologie de la classe possédante. Elle doit donc<br />

cacher les défauts de l'économie américaine, c'est-à-dire sa tendance à enrichir<br />

outrageusement une minorité aux dépens d'un appauvrissement général, et elle doit<br />

gonfler ses qualités, c'est-à-dire sa capacité de créer de l'emploi. On néglige donc<br />

volontairement de dire ce que cachent les belles statistiques américaines sur le chômage.<br />

La Réserve fédérale américaine dévoile en 1995 que 1% des foyers américains possède<br />

40% des richesses du pays. Selon des associations caritatives américaines, il y aurait 30<br />

millions d'affamés aux États-Unis dont 42% d'enfants. <strong>Le</strong> Département de l'Agriculture le<br />

reconnaît ouvertement pour 11,9 millions de foyers. La faim accompagne à la fois la<br />

montée du néolibéralisme et l'enrichissement injurieux d'une minorité, car le nombre<br />

d'affamés a augmenté de 50% de 1985 à 1995, depuis que fleurit cette doctrine. En vertu<br />

de quelle norme devrions-nous reconnaître qu'il s'agit là d'un progrès? Parce que les riches<br />

y deviennent plus riches!<br />

<strong>Le</strong>s statistiques de chômage américaines ne repèrent pas ceux qui travaillent à temps<br />

partiel et qui préféreraient un travail à temps plein. <strong>Le</strong> Council on International and Public<br />

Affairs (CIPA) a calculé un taux réel de chômage de 11,4% aux États-Unis. L'organisme<br />

revise les calculs en tenant compte des prisonniers, 1 500 000 personnes, et des libérés<br />

sur parole, 8 100 000 personnes. Sinon, le paradoxe suivant apparaît; plus la période de<br />

chômage moyenne s'allonge plus la taux de chômage est bas. Pensons à ceux qui,<br />

découragés, prennent leur retraite précocement. En plus, les statistiques cachent le<br />

phénomène, et il est majeur, de la transformation des bons emplois en emplois précaires<br />

avoisinant le salaire minimum: la machine à emplois néolibérale laisse en effet 20% de


travailleurs américains sous le seuil de la pauvreté malgré leur travail. Elle oblige 7 900<br />

000 travailleurs à occuper plusieurs emplois à la fois pour boucler leur budget. <strong>Le</strong>s agences<br />

d'emplois intérimaires comme Manpower ont 800 000 abonnés de plus qu'en 1990. <strong>Le</strong> taux<br />

de syndicalisation y est passé de 20% à 10% depuis 1980.


2. Une modification de la Loi sur l'assurance automobile se<br />

traduirait en une économie de plusieurs millions de $ pour<br />

les contribuables québécois<br />

par Gino Lambert, M.Sc, chercheur à la Chaire d'Études Socio-économiques de l'<strong>UQAM</strong><br />

Malgré l'implantation de certaines mesures (prévention, suspension du permis de conduire, etc.)<br />

par la Société de l'assurance automobile du Québec pour contrer l'alcool au volant, le nombre<br />

d'individus conduisant avec les facultés affaiblies n'a subi aucune baisse substantielles au cours<br />

des dernières années. Selon cette dernière, en 1994, l'alcool au volant était responsable de plus<br />

de 95% des infractions au code criminels sur la route et coûtait annuellement, en frais<br />

d'indemnisation versés aux victimes, plus de 194 millions de dollars.<br />

Depuis la fin des années 80, on assiste à un débat d'intérêt public concernant la Loi sur<br />

l'assurance automobile. D'une part, les victimes de conducteurs reconnus coupables d'une<br />

infraction au Code criminel canadien et, d'autre part, le gouvernement du Québec. <strong>Le</strong> débat<br />

découle principalement de l'apparente incompatibilité entre ladite loi et le Code criminel.<br />

Actuellement, la Loi sur l'assurance automobile indemnise tous les accidentés de la route selon le<br />

système du " no-fault ", c'est-à-dire, sans égard à la faute. Par conséquent, tous les accidentés de<br />

la route sont considérés comme des victimes aux yeux de la Société de l'assurance automobile du<br />

Québec (SAAQ) et sont indemnisés selon une charte commune, peu importe les circonstances de<br />

l'accident.<br />

À l'opposé, le gouvernement du Québec, tente de décourager, par le Code de la sécurité-routière,<br />

la conduite avec facultés affaiblies, qui constitue 96 % de l'ensemble des infractions au Code<br />

criminel, en imposant des sanctions sévères alliant la suspension du permis de conduire aux<br />

amendes et aux peines d'emprisonnement. On retrouve, simultanément, des mesures qui<br />

combattent et qui encouragent un acte aussi répréhensible que la conduite avec facultés<br />

affaiblies. Mentionnons qu'un individu qui commet un acte criminel autrement qu'avec un véhicule<br />

routier, n'est pas indemnisé pour les blessures qu'il se serait lui-même causées lors de<br />

l'événement en plus d'être passible de poursuites civiles par ses victimes. Ce paradoxe hors du<br />

commun occasionne une injustice sociale aux yeux des accidentés victimes des criminels de la<br />

route : certaines d'entre elles reçoivent fréquemment des prestations inférieures à celles versées<br />

aux criminels.<br />

Propositions pour modifier la Loi<br />

Afin de contrer cette injustice sociale, l'avocat québécois Marc Bellemare, représentant des<br />

victimes du travail et de la route depuis près de 20 ans, a proposé dans un mémoire trois<br />

amendements à la Loi sur l'assurance automobile: prévoir l'impossibilité pour un criminel de la<br />

route de recevoir des indemnités de la SAAQ pour ses propres blessures ; doter la SAAQ d'un<br />

recours subrogatoire contre un criminel de la route qui aurait occasionné des dommages corporels<br />

à autrui et ce, jusqu'à concurrence des indemnités versées par la SAAQ à ses victimes ; et<br />

finalement, rendre à la victime d'un acte criminel commis avec une automobile les mêmes recours<br />

en responsabilité civile que ceux reconnus aux autres victimes d'actes criminels contre l'auteur du<br />

crime.<br />

<strong>Le</strong> but de cette étude consistait donc à déterminer l'impact financier que pourrait avoir l'adoption<br />

des mesures proposées par Me. Bellemare pour la SAAQ. Principalement à l'aide des données<br />

provenant de divers documents internes et rapports annuels de l'organisme ainsi que de<br />

Statistique Canada, nous avons pu fournir une évaluation financière des plus crédible. Grâce à ces<br />

mesures, la SAAQ pourrait réaliser de substantielles économies. D'une part, par la réduction du


nombre de victimes de la route reliées à l'alcool au volant et, d'autres part, en récupérant auprès<br />

des criminels de la route une partie des indemnités qui leur sont versées ainsi qu'à leurs victimes.<br />

L'adoption de telles mesures entraînerait des effets dissuasifs importants auprès des conducteurs<br />

québécois. Par conséquent, nous avons évalué à 20% la baisse du nombre de victimes de la route<br />

qui en découlerait, constituant ainsi une économie annuelle de plus de 39 millions de dollars pour<br />

la SAAQ. <strong>Le</strong>s économies qui proviendraient de la récupération d'indemnités auprès des criminels<br />

de la route constituent également une somme substantielle. En tenant compte de la réduction du<br />

nombre de victimes de la route occasionnée par les effets dissuasifs des mesures proposées, cette<br />

somme s'élèverait à plus de 24 millions de dollars par année. Ainsi, en demeurant très<br />

conservateur, les sommes totales d'argent qui pourraient être récupérées par la SAAQ<br />

dépasseraient les 63 millions de $ annuellement.


3. Nationalisons l’industrie du tabac<br />

par Léo-Paul Lauzon et Martin Poirier<br />

Pour réduire les méfaits du tabagisme<br />

La consommation de tabac coûte extrêmement cher à la société; des études évaluent à plus de<br />

neuf milliards de dollars les coûts annuels de la cigarette en soins de santé, pertes de productivité<br />

et décès prématurés. Alors que nous payons tous pour ces dégâts, une minorité de fabricants,<br />

étrangers par surcroît, s'enrichissent allègrement. Comme les taxes sur le tabac ont eu un succès<br />

mitigé en raison du lobby intensif des fabricants de tabac, il reste une option pour le<br />

gouvernement: nationaliser l'industrie du tabac.<br />

Comme il l'a fait dans le domaine des boissons alcoolisées, le gouvernement du Québec devrait<br />

créer un monopole d'État chargé de fabriquer et de distribuer les produits du tabac. Une telle<br />

politique permettrait d'exercer un meilleur contrôle sur la contrebande et la consommation de<br />

cigarettes, tout en s'assurant que la collectivité, qui paie pour les dommages du tabac, en récolte<br />

également les bénéfices.<br />

Qui profite de la fabrication du tabac?<br />

Au Canada, trois fabricants du tabac se partagent près de 100% du marché. Ces trois<br />

compagnies sont toutes, à des degrés différents, contrôlées par des entreprises américaines et<br />

anglaises. Environ 60% des bénéfices de ces compagnies sont expédiés à l'extérieur du pays sous<br />

forme de dividendes. Une grande part des 40% restant prend le chemin de l'Ontario. <strong>Le</strong> Québec<br />

ne retire donc presque rien de cette industrie, d'autant plus qu'elle est parvenue à maturité et que<br />

les investissements au Québec sont, par conséquent, insignifiants.<br />

Alors que nous payons tous pour les dommages du tabac, l'industrie, elle, s'enrichit à nos<br />

dépens. Au cours des dix dernières années, la compagnie Rothmans, deuxième fabricant au<br />

Canada, a réussi à augmenter ses bénéfices de 111%, malgré le fait que l'industrie canadienne<br />

des cigarettes soit en décroissance. Au cours de l'année 1997, l'entreprise a réalisé un rendement<br />

sur l'avoir des actionnaires de 40,2%, comparativement à «seulement» 16,8% en 1988. Imperial<br />

Tobacco, le premier fabricant au pays, a connu une croissance de la rentabilité encore plus<br />

spectaculaire: 153% de bénéfices additionnels en 1996 par rapport à 1987.<br />

<strong>Le</strong>s compagnies privées, un obstacle au contrôle de la contrebande<br />

Dans un souci d'équité, les gouvernements prélèvent des taxes importantes sur les produits du<br />

tabac. Ces taxes permettent de financer partiellement les coûts sociaux du tabagisme. Or, les<br />

fabricants se sont toujours attaqués vigoureusement à ces mesures justes et raisonnables.<br />

<strong>No</strong>us savions tous que les fabricants de tabac étaient complaisants face à la contrebande: les<br />

cigarettes de contrebande étaient en grande majorité fabriquées au Canada et exportées<br />

massivement aux États-Unis, d'où elles revenaient par les réseaux de contrebandiers. <strong>Le</strong>s<br />

journaux nous ont toutefois appris un fait des plus troublants: un représentant de la compagnie<br />

R.J. Reynolds a participé activement à ces réseaux de contrebande, et on peut supposer que les<br />

autres fabricants se sont également mêlés à ces activités illégales.<br />

Tant que l'entreprise privée contrôlera la fabrication de tabac, les gouvernements devront se<br />

battre avec un puissant lobby prêt à tout pour mettre en échec ses politiques sociales. <strong>No</strong>us<br />

devrions tirer des leçons de l'expériences des boissons alcoolisées, où la contrebande demeure<br />

sous contrôle grâce au monopole étatique malgré des taxes beaucoup plus élevées que celles<br />

appliquées auparavant aux cigarettes.


<strong>Le</strong>s avantages de la nationalisation<br />

La nationalisation de la fabrication de cigarettes aurait plusieurs effets positifs pour le Québec.<br />

En premier lieu, les bénéfices réalisés pourraient financer nos programmes sociaux, au lieu d'être<br />

versés en dividendes à l'extérieur du Québec comme c'est le cas actuellement. Cela serait<br />

d'autant plus équitable que c'est la population québécoise toute entière qui fait actuellement les<br />

frais du tabagisme.<br />

De plus, il serait beaucoup plus facile pour le gouvernement de contrôler la consommation de<br />

cigarettes et d'imposer des taxes sur ces produits sans se retrouver avec des problèmes<br />

incontrôlables de contrebande. <strong>Le</strong> monopole étatique veillerait à appliquer les mesures<br />

gouvernementales, plutôt que de se battre contre elles avec la dernière des énergies comme le<br />

font les fabricants actuels. Commele gouvernement supporte une grande part des coûts sociaux<br />

liés à la consommation de tabac, il aurait tout intérêt à ce que sa société d'État limite des ventes<br />

de cigarettes.<br />

Finalement, la société d'État pourrait mettre sur le marché des produits moins toxiques,<br />

notamment des cigarettes ayant des concentrations moins élevées de nicotine, toujours dans le<br />

but de protéger la santé publique.


4. Privatiser ou non la société des alcools? Voir au-delà des<br />

chiffres<br />

par Jacinthe Fortin<br />

<strong>Le</strong> vieux débat de rendre accessible au privé le commerce de l'alcool au Québec refait à nouveau<br />

surface en cette fin des années 1990. Différents scénarios de privatisation pointent à l'horizon sur<br />

le devenir de l'actuelle Société des alcools, monopole d'État vieux de 77 ans!<br />

Nul besoin de préciser qu'au fil des ans ce secteur économique du marché de l'alcool et des vins<br />

est devenu une importante industrie où les partenaires se font de plus en plus nombreux,<br />

d'aucuns se faisant pluspressants que d'autres pour une éventuelle et complète privatisation.<br />

L'efficience du monopole, sur le plan économique et comptable, a été démontré avec clarté dans<br />

une étude du professeur Léo-Paul Lauzon. La justification financière, sur laquelle s'articulent<br />

souvent de façon exclusive les débats dans les contextes de privatisations, est certes nécessaire...<br />

mais insufisante dans ce cas-ci. Car la question de l'alcool, sous un abord commercial, est aussi<br />

une question éminemment sociale. Pour ce, il y a lieu de procéder à différentes mises en<br />

perspective - historique, culturelle, sociale et en termes de santé publique - afin d'éclairer la<br />

spécificité du Québec dans son rapport à l'alcool. Il y a lieu également de considérer dans sa<br />

teneur spécifique, soit un produit à risque, donc non assimilable aux autres produits alimentaires.<br />

Ces distinctions sont des préalables à toute lecture de justification sociale du monopole de l'alcool<br />

au Québec<br />

Perspective historique<br />

De façon générale, l'origine des monopoles sur l'alcool remonte au milieu du XIXe siècle, avec<br />

un but avoué de contrer la surconsommation observée notamment chez la classe ouvrière. C'est<br />

l'époque de grands changements sociaux liés à l'industrialisation et à l'urbanisation. Aux États-<br />

Unis et sur tout le continent nord-américain, la mobilisation anti-alcool est à ce point forte qu'elle<br />

aboutit à une législation prohibitionniste après la Première Grande Guerre. <strong>Le</strong> Québec, à cette<br />

époque, se distingue de toute l'Amérique du <strong>No</strong>rd, en adoptant une position de tolérance et<br />

d'avant-garde par rapport à l'alcool. En effet, plutôt que de suivre la voie continentale de<br />

contrainte, le Québec instaure en 1921, un monopole étatique sur la consommation d'alcool avec<br />

la création de la Commission des liqueurs, l'ancêtre de l'actuelle Société des alcools. Après coup,<br />

cette stratégie particulière et novatrice du Québec s'est avérée efficace sur le plan de la baisse de<br />

surconsommation, contrairement au bilan négatif de l'expérience prohibitionniste. <strong>Le</strong> modèle<br />

québécois ne tarde d'ailleurs pas à être imité dès les premières années de l'ère<br />

postprohibitionniste: au moins quinze États américains, de 1933 à 1935, adoptent une structure<br />

de monopole d'État semblable à celle du Québec. Rappelons que le mandat initial de la<br />

Commission des liqueurs était de favoriser la consommation modérée de boissons alcooliques, de<br />

qualité dûment vérifiée, vendues à un prix raisonnable, et ce, dans un cadre d'exploitation<br />

contrôlée.<br />

Perspective culturelle<br />

<strong>Le</strong> monopole québécois sur l'alcool s'est exercé à travers des mécanismes de contrôle, non<br />

seulement dans sphère matérielle (législations, sanctions, contrôle de l'offre), mais aussi dans la<br />

sphère symbolique, c'est-à-dire de l'ordre du discours, des croyances, des valeurs, des attitudes.<br />

Ces derniers mécanismes de contrôle symbolique s'inscrivent dans ce qu'on appelle le code socioculturel,<br />

présent dans toutes les sociétés et, em même temps, propre à chacune d'elle. Quelles<br />

sont donc les normes culturelles qu'on tend à privilégier en ce qui concerne la consommation<br />

d'alcool au Québec? Avons-nous un modèle spécifique de consommation?


Dès 1921, la Commissions des liqueurs cherche à favoriser la consommation du vin plutôt que<br />

celle des boissons fortes. Il est alors interdit d'acheter plus d'une bouteille de boissons fortes à la<br />

fois, alors que les ventes de vin ne sont pas limitées. En fait, la consommation des Québécois se<br />

distingue en Amérique du <strong>No</strong>rd par une consommation surtout partagée entre la bière et le vin,<br />

occupant toujours le dernier rang canadien pour la consommation de spiritueux. C'est surtout à<br />

partir de l'Expo de 1967, qu'on assiste à une remontée des préférences des Québécois pour le vin,<br />

avec une augmentation de plus de deux fois supérieure à celle des spiritueux.<br />

Depuis les années 1980, on assiste à une diminution graduelle de la consommation totale<br />

d'alcool. Ce phénomène commun à l'ensemble des pays occidentaux s'explique non seulement par<br />

une population qui vieillit et des attitudes plus prudentes chez les jeunes, mais aussi à l'influence<br />

éducative d'un organisme tel Éduc'alcool. Créé en 1989, à l'initiative de la SAQ, sa philosophie en<br />

est une essentiellement de responsabilisation personnelle et sociale. Son slogan général «La<br />

modération a bien meilleur goût» est fort populaire de même que ses programmes qui sont<br />

adoptés par d'autres provinces canadiennes et aussi à l'étranger.<br />

<strong>Le</strong>s variations cycliques de la consommation permettent toutefois de dénoter une fragilité des<br />

modèles puisque des variables autres que culturelles interviennent au gré de la conjoncture<br />

sociale.<br />

Perspective sociale<br />

<strong>Le</strong> nouvel ordre néolibéral qui prévaut actuellement au Québec risque-t-il d'influencer les<br />

pratiques collectives en matière d'alcool? Compte tenu de l'appauvrissement général qui s'ensuit<br />

et des inégalités croissantes, y aurait-il là des conditions favorables à une nouvelle «ère du gin»?<br />

Des hypothèses qui se posent à juste titre dans un contexte de profonde mutation ou en voie de<br />

rupture d'équilibre entre les besoins et les moyens. Et puisque les problèmes sociaux sont autant<br />

de facteurs susceptibles de peser dans la problématique reliée à l'usage abusif de l'alcool, ne<br />

peut-on pas parler, dans le contexte actuel, de chômage structurel, de désaffiliation sociale et de<br />

croissance de la détresse psychologique, d'une société à risques? Des études viennent par ailleurs<br />

confirmer que «les problèmes liés à la surconsommation de psychotropes ont une plus grande<br />

prévalence dans les sociétés qui sont aux prises avec des difficultés d'ajustement au changement<br />

social. De telles conditions entraînent un affaiblissement des normes, une confusion d'identité, qui<br />

se répercute sur l'usage de psychotropes (Cardinal, Nicole, «Dimensions culturelle et historique de<br />

l'usage des psychotropes», in P. Brisson (dir.), L'usage des drogues et la toxicomanie, <strong>Volume</strong> 1,<br />

p.23)».<br />

Si, pour l'heure, dans ce qui est de plus en plus un «Québec cassé en deux», il n'y a plus de<br />

dégâts sociaux liés à la consommation abusive, et même que les Québécois sont ceux qui, au<br />

Canada, éprouvent le moins de problème d'alcool (Statistique Canada, 1994), ne serait-ce pas en<br />

partie attribuable au rôle de filet de protection sociale exercé implicitement par le monopole de la<br />

SAQ?<br />

Perspective de santé publique<br />

Protéger la santé publique en réduisant l'ampleur des dommages liés à la consommation<br />

d'alcool n'est certes pas un objectif très évident ou mis de l'avant de façon explicite par les<br />

monopoles contemporains. Cela demeure tout de même un rôle social réel qu'est appellé à<br />

exercer une institution monopolistique telle la SAQ. Dans son analyse du monopole ontarien,<br />

Single, professeur de médecine prédentive et directeur de recherche au Canadian Center on<br />

Substance Abuse confirme ce rôle. «<strong>Le</strong> monopole sur l'alcool a aussi une fonction de santé<br />

publique. Ce serait naïf de réclamer que ce soit la principale justification du monopole en Ontario,<br />

mais c'est néanmoins une importante raison, même si quelquefois négligée, de son existence


(notre traduction) (Single, Eric, The Impact of Privatization, Presentation at the Information<br />

Symposium on Alcohol Privatization/Deregulation, Toronto, <strong>No</strong>vember 30, 1995, p.7)».<br />

Parce qu'il permet d'exclure la recherche de profits personnels des opérations en cause et qu'il<br />

pose certaines limites à l'accessibilité du produit (lieu, nombre et heures d'ouverture des points de<br />

vente, fixation des prix, respect de la loi de vente aux mineurs, etc.), il s'avère que seul un<br />

monopole gouvernemental sur la vente au détail est en mesure de garantir un équilibre entre les<br />

impératifs de santé et de sécurité publiques et les impératifs se rapportant à la satisfaction du<br />

client.<br />

Sous le couperet actuel d'une privatisation partielle ou totale de la SAQ, le pire des scénarios<br />

serait bien sûr celui affectant le réseau de vente au détail. Ce serait comme faire tomber l'ultime<br />

digue protectrice que se sont collectivement donnée les Québécois sur la façon de neutraliser le<br />

potentiel de risque social rattaché à l'alcool, un produit pas comme les autres!<br />

L'alcool, un produit à risque<br />

L'argument le plus couramment avancé par les tenants de la privatisation réside dans la<br />

banalisation totale du statut de l'alcool, réduit à un produit alimentaire comme un autre. Il est loin<br />

d'en être ainsi si l'on se réfère aux discours officiels du ministère de la Santé et des Services<br />

sociaux comme de ceux de toute la communauté scientifique. La nature de ce produit est celle<br />

d'une psychotrope (ou drogue psychoactive) qui a pour effet d'agir sur le système nerveux<br />

central. Même la population en général, dans différents sondages, manifeste un niveau élevé de<br />

conscience de potentiel à risque que représente la consommation d'alcool. <strong>Le</strong>s principaux<br />

problèmes générés par un usage abusif sont relatifs à la santé physique, à la santé psychologique<br />

ou mentale, ou sont d'ordre sociaux.<br />

En ce qui a trait à la santé physique, contentons-nous de mentionner, à titre indicatif, selon les<br />

statistiques du ministère de la Santé et des Services sociaux, qu'environ 4000 décès annuels<br />

seraient imputables à la consommation abusive d'alcool.<br />

Du côté de la santé psychologique, des recherches ont démontré que ce sont les grands<br />

buveurs qui manifestent les plus hauts taux de détresse psychologique, d'idées suicidaires ou de<br />

tentatives de suicides.<br />

D'un point de vue social, on connaît l'importance des problèmes causés par l'ivresse au volant.<br />

Encore une fois, les gros buveurs (30% de ceux impliqués dans des ennuis au volant) se<br />

démarquent grandement des autres. En 1994, 94% des infractions au Code criminel étaient<br />

reliées à la conduite d'un véhicule routier imputables à la conduite avec facultés affaiblies.<br />

L'alcool serait également associé à 30% des cas deviolence à l'endroit des femmes, alors que<br />

50% des victimes d'inceste appartiendraient à des familles touchées par l'alcoolisme. Ainsi, la<br />

violence et les drogues psychoactives sont en forte corrélation puisque, par exemple, en 1991,<br />

92,52% des accusés de meurtre avaient consommé une drogue au moment du crime, et que,<br />

parmi eux, 66% avaient bu de l'alcool.<br />

... avec des groupes à risque<br />

La donné sociohistorique la plus globale est que l'alcool a surtout été et est encore aujourd'hui,<br />

une affaire d'hommes. La consommation excessive y est de deux à trois fois plus fréquente que<br />

chez les femmes et ce, pour chacun des groupes d'âge considérés; les grands buveurs sont<br />

essentiellement des hommes, et ceux-ci sont deux à trois fois plus susceptibles de présenter un<br />

profil de risque, selon l'indice CAGE. On retrouve par ailleurs les grands buveurs dans les couches


les moins favorisées économiquement ou dans les catégories socioprofessionnelles, marquées par<br />

le manque d'autonomie décisionnelle (ouvriers, manoeuvres, employés).<br />

C'est aussi une affaire de jeunes. L'usage de l'alcool est de plus en plus un phénomène<br />

précoce, un comportement qui se développe tôt dans l'adolescence. Dans cette catégorie d'âge,<br />

une nouvelle tendance est observée, soit le phénomène de jeunes buveuses excessives, d'où une<br />

tendance à l'homogénéisation entre les sexes chez les jeunes.<br />

D'autres variables socio-économiques ou socio-culturelles interviennent dans la mesure du<br />

risque, comme par exemple:<br />

• le niveau de scolarité: à une scolarité élevée correspond une fréquence de consommation<br />

plus élevée, alors qu'à une scolarité inférieure correspond une plus grande quantité d'alcool<br />

consommée par occasion.<br />

• l'appartenance culturelle: il semblerait que plus les jeunes d'autres origines ethniques<br />

s'intègrent à la culture québécoise, plus ils adoptent le comportement des Québécois de<br />

souche, tendant alors vers une plus grande consommation, tant en fréquence qu'en<br />

quantité.<br />

• le chômage: cette variable est particulièrement importante compte tenu du contexte<br />

marqué par un taux élevé de chômage, et donc de risque accru puisqu'être sans emploi<br />

favorise la consommation d'alcool en plus grandes quantités.<br />

Cet ensemble d'informations ou de distinctions, à teneur sociologique et épidémiologique, sont<br />

à vrai dire les assises sans lesquelles on ne peut aborder les enjeux sociaux de la privatisation de<br />

la SAQ. Autrement dit, c'est l'angle de vision qui va nous permettre de lire, dans un deuxième<br />

article, les impacts sociaux appréhendés d'une éventuelle privatisation et ce, à partir<br />

d'expériences concrètes ou de différents modèles mettant en rapport la problématique<br />

disponibilité/consommation. Déjà, la teneur sociale du dossier de la privatisation de la SAQ laisse<br />

présager qu'il s'agit d'une question qui dépasse largement les critères de rationalité budgétaire<br />

pour s'inscrire dan sun choix d'orientation sociétale.


5. De la révolution tranquille à la capitulation tranquille<br />

par Martin Poirier, François Patenaude et Éric Michaud<br />

<strong>Le</strong> Depuis plus de 150 ans, la collectivité québécoise s'est dotée, par le biais de l'État, de<br />

formidables outils économiques dans des domaines où le secteur privé s'est montré incapable de<br />

gérer les ressources de façon efficiente et équitable. Malgré cela, nous assistons depuis quelques<br />

années à la mise en tutelle du peuple québécois ainsi qu'à la liquidation de notre patrimoine. <strong>Le</strong>s<br />

cas de l'eau et de l'hydroélectricité en sont des exemples patents.<br />

La nationalisation de l'électrivité, amorcée en 1944 et complétée en 1963, a permis de bâtir un<br />

extraordinaire outil de développement économique pour tous les Québécois. Cette nationalisation<br />

fut nécessaire en raison de l'incapacité du secteur privé d'électrifier les régions et d'offrir un<br />

service et un prix convenables aux citoyens, tout cela en réalisant des profits exorbitants. Hydro-<br />

Québec, créée afin de remédier à ces lacunes, s'est avérée un franc succès.<br />

Dans le secteur de l'eau, la municipalisation des réseaux d'aqueducs s'imposa suite à<br />

l'incapacité du secteur privé à maintenir les infrastructures en bon état et à répondre à la<br />

demande grandissante des secteurs industriel et récréatif. <strong>Le</strong>s réseaux privés faisaient également<br />

montre d'une inaptitude chronique à satisfaire aux exigences municipales pour la protection<br />

contre les incendies.<br />

Un démantèlement progressif des biens publics<br />

Au nom de l'assainissement des finances publiques et de la libéralisation des marchés, nos<br />

gouvernements ont décidé de démanteler nos acquis collectifs sans mandat de la population et<br />

sans aucune consultation publique.<br />

Pour l'électricité, par exemple, le gouvernement a intensifié le recours à la production privée.<br />

Dorénavant, les producteurs privés pourront construire des barrages allant jusqu'à 50 mégawatts,<br />

le double de la limite autorisée auparavant. Rappelons que la production privée a mené à ce beau<br />

gâchis qui a coûté 75 millions de dollars à Hydro-Québec pour 1993 à 1995.<br />

<strong>Le</strong> gouvernement a également déréglementé le transport de l'électricité au Québec; Hydro-<br />

Québec n'est même plus maître de ses propres lignes de transport à haure tension. Fait cocasse,<br />

c'est le gouvernement du Parti québécois, prétendument souverainiste, qui a assujetti le transport<br />

d'électricité aux conditions déterminées par FERC, un organisme de réglementation américain.<br />

C'est ce même gouvernement «souverainiste» qui est resté anormalement muet dans le<br />

dossier de Franklin, où une multinationale française reluquait la nappe d'eau souterraine et se<br />

proposait d'y pomper et d'y embouteiller plus d'eau que dans l'ensemble des 33 sources d'eau<br />

commerciales du Québec réunies. Ce sont les citoyens eux-mêmes qui ont dû s'opposer à la firme<br />

étrangère et à différents ministères pour veiller à ce que la ressource eau de leur coin de pays soit<br />

protégée.<br />

C'est toujours ce gouvernement qui a proposé, dans un document du ministère des Affaires<br />

municipales de février 1996, la privatisation de tous les réseaux d'eau du Québec. De l'aveu<br />

même du document, cela ouvrait la porte à des géants internationaux de l'industrie tout en ayant<br />

pour conséquence d'augmenter inévitablement le coût de l'eau pour les citoyens.


Une absence totale de transparence<br />

L'ouverture des marchés de l'électricité s'est préparée en catimini, parallèlement aux travaux de<br />

la Table de consultation sur l'énergie. Alors que tous les intervenants étaient appelés à se<br />

prononcer lors de cette consultation, l'agenda du gouvernement était préparé d'avance.<br />

L'opacité règne également du côté de l'eau. L'administration montréalaise a discuté en coulisse<br />

pendant des mois pour privatiser l'aqueduc malgré les demandes d'information répétées de la part<br />

des citoyens. À Québec, le ministres des Affaires municipales Rémy Trudel a réglé la question en<br />

affirmant qu'il n'était plus question d'aucune association privé-public dans le secteur de l'eau.<br />

Depuis, tout le monde croit que c'est réglé, bien que la gestion des services d'eau de plusieurs<br />

municipalités ait été nouvellement octroyée ou reconduite à des firmes privées.<br />

Quel contrôle reste-t-il aux citoyens?<br />

<strong>Le</strong>s citoyens se voient de plus en plus dépossédés des outils de contrôle qui permettent de<br />

superviser la gestion de leurs ressources. Par exemple, le ministère de l'Environnement et de la<br />

Faune n'a visiblement plus les budgets nécessaires pour jouer son rôle. Au cours des trois<br />

dernières années, le nombre d'employés du service des enquêtes a été réduit de 72% et le budget<br />

du ministère a été amputé de 54%<br />

La Régie de l'énergie, formée suite à un fort consensus des intervenants à la Table de<br />

consultation sur l'énergie, est une coquille vide à peu près inutile; le gouvernement reporte de<br />

mois en mois la promulgation des articles de loi lui donnant juridiction et pouvoir d'agir. La Régie<br />

devait se pencher sur la déréglementation de l'électricité; le marché est déréglementé depuis six<br />

mois, et on ne voit toujours pas quand et comment la Régie pourra se pencher sur le question.<br />

Un vaste débat public sur l'eau est exigé depuis plus d'un an pour mettre à jour nos politiques<br />

des gestion de l'eau. <strong>Le</strong> premier ministre Bouchard s'est engagé le 21 avril dernier à «ne pas<br />

définir de politique avant que ce débat ait lieu, que toute l'information ait circulé et que les<br />

citoyens aient eu l'occasion de déterminer les lignes de forces pour le gouvernement». <strong>No</strong>us<br />

attendons toujours ce débat. Pour nous faire patienter, on a organisé un Symposium les 10, 11 et<br />

12 décembre à Montréal. À 250$ le coût d'inscription, on repassera pour la démocratie et<br />

l'accessibilité.<br />

<strong>Le</strong> gouvernement de qui?<br />

<strong>Le</strong> gouvernement péquiste ne répond plus à son propre parti qui exige nationalisation de l'eau<br />

et qui a dit non à la privatisation des aqueducs. <strong>Le</strong>s politiques gouvernementales d'abandon des<br />

pouvoirs sur ses ressources naturelles se font au profit de priorités économiques à courte vue. En<br />

clair, le gouvernement ne répond plus aux commandes des citoyens qui l'ont mis en place, et les<br />

quelques moyens de contrôle qui nous restent sont sabotés les uns après les autres. Posons-nous<br />

la question suivante: ce gouvernement est le gouvernement de qui?


6. <strong>Le</strong>s profits réalisés par les banques sur leurs cartes de<br />

crédit sont injustifiés et s'effectuent sur le dos des plus<br />

démunis<br />

par Gino Lambert, M.Sc, chercheur à la Chaire d'Études Socio-économique de l'<strong>UQAM</strong><br />

<strong>Le</strong> temps des fêtes s'approche. Comme à leur habitude, les banquiers profitent de cette période<br />

de l'année pour venter les vertus de leurs cartes de crédit auprès des ménages afin de leur faire<br />

dépenser l'argent qu'ils n'ont pas. En fait, quoi de plus facile que d'offrir du crédit durant une<br />

période de l'année où la consommation de chaque individu dépasse largement leurs besoins réels.<br />

L'endettement des ménages canadiens a atteint des niveaux records au cours de la dernière<br />

décennie et ce, en partie à cause des cartes de crédit qui actuellement, servent à acquiter les<br />

dépenses quotidiennes des familles, favorisant ainsi la consommation abusive.<br />

Il y avait 58,5 millions de cartes de crédit en circulation au Canada en 1995 soit 2,6 cartes par<br />

canadien adulte pour un volume de transactions dépassant 61 $ milliards. Alors que le taux<br />

d'escompte de la Banque du Canada atteint des plafonds records, les taux d'intérêt exigés sur les<br />

cartes de crédit Visa et Mastercard émises par les banques demeurent très élevés. En 1981, le<br />

taux d'escompte se chiffrait à près de 18% tandis que les taux d'intérêt appliqués sur les cartes<br />

de crédit des banques s'élevaient à 22%. Quinze années plus tard, en 1996, le taux d'escompte a<br />

chuté à 3.25% mais les banques continuent d'exiger du 18% d'intérêt sur leurs cartes de crédit.<br />

Se contentant d'une marge de bénéfice de seulement 4% (22%-18%) en 1981, les banques<br />

réalisaient plus de 14% en 1996 (18%-3.23%).<br />

Un rapport du Ministère de l'Industrie n'a pas manqué de souligner que les taux sur les cartes de<br />

crédit demeuraient très élevés alors que le taux d'escompte avait chuté à un plancher record. <strong>Le</strong>s<br />

banques ont réagi en offrant des cartes à taux réduit mais bizarrement elles n'ont pas fait de<br />

publicité à cet égard si bien qu'un sondage a démontré que le public n'était pas au courant de<br />

l'existence des cartes à taux réduit. La Banque de Montréal offrait en mai 1996 une carte de crédit<br />

à un taux de 10,9%. Elle fut suivie par la Banque Royale et la Toronto-Dominion qui ont offert des<br />

taux respectifs de 12,5% et de 11,9%.<br />

<strong>Le</strong>s banques tentent de se justifier<br />

L'argumentation publique des banques voulant que les paramètres servant à la détermination des<br />

taux d'intérêt sur les cartes de crédit ne dépendent aucunement du taux privilégié en vigueur<br />

mais plutôt du risque associé à un crédit non garanti, des coûts d'exploitation, ainsi que des<br />

pertes dues aux fraudes et aux défauts de paiement est inacceptable. Selon notre évaluation, les<br />

bénéfices avant impôts réalisés par les banques canadiennes en 1995 sur leurs cartes de crédit<br />

s'élevaient approximativement à 645 $ millions sur des revenus totaux de 2,503 $ milliards.<br />

On évalue les pertes sur les soldes impayés à 147,6 $ millions, ce qui correspond à 0,9% de la<br />

moyenne des soldes impayés. <strong>Le</strong>s pertes imputables aux fraudes sur les cartes de crédit se sont<br />

chiffrées à 72,6 $ millions en 1995 (tableau 1). Cette somme qui peut sembler importante à prime<br />

abord, ne représente en fait que 2,9% des revenus totaux générés par ces dernières (72 600<br />

000$/2 503 120 000$).


TABLEAU 1<br />

Rentabilité des activités bancaires associées aux cartes de crédit<br />

pour l'exercice terminé en 1995<br />

Revenus net d'intérêt sur les cartes de crédit<br />

Revenus d'intérêt sur cartes de crédit:<br />

(16,4 milliars x 17,6%)<br />

Frais d'intérêt payés sur dépôt:<br />

(32,8 milliars x 4,46%)<br />

2 886 400 000$<br />

(1 462 880<br />

000$)<br />

1 423 520 000$<br />

Revenus de commission sur les cartes de crédit 1 079 600 000$<br />

Revenus totaux provenant des cartes de crédit 2 503 120 000$<br />

Pertes sur les soldes impayés<br />

(16,4 milliars x 0,9%)<br />

(147 600 000$)<br />

Pertes dues aux fraudes (72 600 000$)<br />

Coût d'exploitation du programme de carte<br />

(2 355 520 000$ x 69,5%)<br />

(1 637 086<br />

400$)<br />

Bénéfice net avant impôt provenant des cartes de crédit 645 833 600$<br />

Selon l'ABC, ces pertes sont considérées comme une argumentation valable pour justifier le<br />

maintient des taux d'intérêt sur les cartes de crédit, alors qu'elles ne représentent que 1,3% en<br />

terme de revenus d'intérêt sur les soldes impayés. Autrement dit, il faudrait réajuster le taux<br />

d'intérêt moyen des cartes de crédit de 1,3% pour récupérer les sommes absorbées sous forme<br />

de fraudes ou de soldes impayés (16,4 $ milliards x 1,3% = 220,2 $ millions), ce qui permet en<br />

aucune façon de justifier l'importance des taux d'intérêt sur les cartes de crédit.<br />

<strong>No</strong>us croyons que la marge de profit présentement réalisée par les banques sur leurs cartes de<br />

crédit est totalement exagérée. De plus, nous sommes d'avis que le gouvernement devrait<br />

légiférer en faveur d'une réglementation qui les obligerait à réduire cette marge à un niveau<br />

acceptable. Parallèlement, ceci contribuerait à la réduction de l'endettement de certaines familles<br />

qui doivent se financer régulièrement à l'aide des cartes de crédit.<br />

<strong>Le</strong>s ménages à bas revenus entretiennent les mieux nantis<br />

Contrairement à l'argumentation évoquée par les banques, le choix du type de carte de crédit à<br />

émettre, carte à taux réduit ou carte à taux régulier, dépend presque entièrement des habitudes<br />

de paiements des consommateurs, et non au risque qui leur est associé. Pour preuve, les


institutions financières conseillent à leurs clients d'opter pour l'utilisation d'une carte de crédit à<br />

taux réduit si ces derniers ont l'habitude de dépasser la période permise permettant la gratuité du<br />

financement (aux alentours de 21 jours). Dans le cas contraire, c'est-à-dire lorsque leur clientèle<br />

règle entièrement leur solde mensuel, ils leur recommandent d'opter pour une carte de crédit à<br />

taux régulier. Cette recommandation est appuyée par le fait que des frais annuels, variant entre<br />

12$ et 25$, accompagnent la carte de crédit à taux réduit, alors que la carte de crédit régulière<br />

est généralement exemptée de ce type de frais. <strong>Le</strong>s biens nantis optent majoritairement pour une<br />

carte de crédit à taux élevé exemptée des frais d'adhésion, leur permettant ainsi d'obtenir un<br />

crédit à court terme entièrement gratuit.<br />

Cette pratique vise à faire payer aux démunis une politique favorable aux bien-nantis. En fait, les<br />

banques prennent aux pauvres pour donner aux riches. Elles pratiquent une politique de taux<br />

d'intérêt élevés sur leurs cartes de crédit pour récupérer les frais de financement alloués à titre<br />

gratuit aux détenteurs de cartes qui règlent entièrement leur solde mensuel à l'intérieur de la<br />

période de grâce allouée. Par conséquent, la précarité de la situation financière de certains<br />

individus pousse ces derniers à étendre leurs versements sur une période de plusieurs mois, les<br />

obligeant ainsi à payer des frais de financement énormes. Ils se voient donc dans l'obligation de<br />

supporter, par l'entremise des taux d'intérêt, les gratuités dont bénéficient les mieux nantis. <strong>Le</strong><br />

manque d'informations fournies par les banques à leur clientèle à bas revenus est l'une des<br />

causes à l'origine de cette injustice sociale. Or, nous croyons que le gouvernement devrait obliger<br />

les banques à informer davantage leur clientèle d'une part, en ce qui concerne l'existence des<br />

cartes de crédit à taux réduit et d'autre part, en ce qui concerne le principe de l'intérêt cumulé sur<br />

les soldes impayés, les obligeant parfois à rembourser leur solde impayé sur plusieurs années.<br />

Ceci permettrait aux utilisateurs de réduire leur coût du crédit en plus de prendre conscience des<br />

conséquences financières désastreuses que pourraient causer une utilisation abusive des cartes de<br />

crédit.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!