Manifestations extra-digestives des maladies inflammatoires ...
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165<br />
GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />
<strong>Manifestations</strong><br />
<strong>extra</strong>-<strong>digestives</strong> <strong>des</strong> <strong>maladies</strong><br />
<strong>inflammatoires</strong> chroniques<br />
de l’intestin<br />
Drs S. Rabhi* (1) , L. Tahiri* (2) , H. Baybay*** (3) , F.Z. Mernissi*** (3) , T. Harzy** (2) , W. Bono* (1)<br />
* Professeur assistant, ** Résidente, *** Professeur<br />
(1) Service de Médecine interne*, (2) Service de Rhumatologie**, (3) Service de Dermatologie***. CHU Hassan II. Fès<br />
Les manifestations <strong>extra</strong><strong>digestives</strong> au cours de la<br />
maladie de Crohn (MC) et la rectocolite hémorragique<br />
(RCH) sont relativement fréquentes. De multiples<br />
organes peuvent être affectés. Certaines localisations<br />
sont anecdotiques, d’autres sont beaucoup<br />
plus fréquentes, c’est le cas pour les manifestations<br />
rhumatologiques, dermatologiques et oculaires. On<br />
évoque l’intervention de prédispositions génétiques<br />
et du contenu bactérien luminal dans la survenue de<br />
ces manifestations <strong>extra</strong>-<strong>digestives</strong> (1) . Si certaines de<br />
ces manifestations évoluent parallèlement à la maladie<br />
digestive, d’autres évoluent pour leur propre compte.<br />
Parfois, elles peuvent même précéder de plusieurs<br />
mois l’apparition <strong>des</strong> manifestations intestinales<br />
posant alors <strong>des</strong> problèmes diagnostiques (2) .<br />
Nous rapportons à travers ce travail les principales<br />
manifestations <strong>extra</strong><strong>digestives</strong> <strong>des</strong> <strong>maladies</strong><br />
<strong>inflammatoires</strong> chroniques de l’intestin (MICI), leurs<br />
particularités épidémiologiques, diagnostiques et<br />
thérapeutiques. Le tableau I résume les principales<br />
manifestations <strong>extra</strong><strong>digestives</strong> <strong>des</strong> MICI.<br />
LES MANIFESTATIONS ARTICULAIRES<br />
Ce sont les manifestations <strong>extra</strong>-<strong>digestives</strong> les plus fréquentes <strong>des</strong><br />
MICI, retrouvées dans 10 à 35% <strong>des</strong> cas, le plus souvent au cours<br />
de la maladie de Crohn ( 3 ) .<br />
C e r t a i n e s bactéries aérobies f a c u l t atives à développement<br />
intracellulaire ou invasives (Salmonella, Shigella, Yersinia et<br />
Compylobacter species ) ont été incriminées comme facteur<br />
étiologique dans la survenue <strong>des</strong> manifestations articulaires au cours<br />
<strong>des</strong> MICI (4, 5) .<br />
On en distingue deux types :<br />
LES ART H R O PATHIES PÉRIPHÉRIQUES<br />
Elles affectent 8 à 20 % <strong>des</strong> patients et sont plus fréquentes au cours<br />
de la maladie de Crohn (20 %) que de la RCH (11 %). Les symptômes<br />
articulaires peuvent précéder les manifestations <strong>digestives</strong> chez 19 %<br />
<strong>des</strong> patients, être concomitants dans 34 % <strong>des</strong> cas et apparaître après<br />
les signes digestifs chez 48 % <strong>des</strong> patients ( 5 ) .<br />
L’atteinte articulaire périphérique au cours <strong>des</strong> MICI est le plus souvent<br />
pauciarticulaire, asymétrique, migratrice, transitoire et séronégative.<br />
Elle peut être associée à d’autres manifestations <strong>extra</strong>-<strong>digestives</strong>,<br />
en particulier l’érythème noueux et l’uvéite ( 6 ) .<br />
Espérance Médicale • Mars 2011 • Tome 18 • N° 176
DOSSIER<br />
166<br />
R H U M ATISME AX I A L<br />
La SI est caractérisée par une inflammation<br />
<strong>des</strong> articulations sacro-iliaques, volontiers<br />
unilatérale. Elle prédomine chez la femme,<br />
elle est parfois asymptomatique, c’est pour<br />
cette raison que sa prévalence est difficile à<br />
a p p r é c i e r. La spondylarthrite ankylosante<br />
(SA) est par contre plus fréquente chez<br />
l’homme. Elle est observée chez 1 à 12 % <strong>des</strong><br />
patients porteurs de MICI.<br />
La prévalence de l’haplotype HLA-B27 n’ e s t<br />
que de 50 à 75 % ( 7 ) .<br />
L’essentiel du traitement est physique avec<br />
une kinésithérapie régulière, la sulfasalazine<br />
a fait preuve de son efficacité dans le traitement<br />
<strong>des</strong> spondylarthropathies ( 8 ) . Dans les<br />
f o rmes invalidantes, les anti-TNF peuvent<br />
être envisagés. L’infliximab a pu être proposé<br />
avec un excellent résultat à la fois sur les<br />
symptômes digestifs et articulaires tandis<br />
que l’etanercept n’entraîne une amélioration<br />
que sur les manifestations articulaires ( 9 ) .<br />
AUTRES MANIFESTATIONS<br />
A RT I C U LA I R E S<br />
Les enthésiopathies sont <strong>des</strong> douleurs au<br />
niveau de l’insertion <strong>des</strong> tendons, observ é e s<br />
dans 6% <strong>des</strong> cas ( 1 0 ) .<br />
L’ o s t é o-arthropathie hypertrophiante<br />
peut s’associer à une synovite et une périostose<br />
engainante responsables de douleurs<br />
articulaires et péri-articulaires pouvant<br />
nécessiter une corticothérapie à forte dose.<br />
Sa présence est corrélée au degré de fibrose<br />
intestinale, à l’activité de la maladie et sa<br />
régression peut être observée après résection<br />
intestinale.<br />
L’ostéonécrose aseptique est estimée à<br />
0,5 %. Les MICI prédisposent à la surv e n u e<br />
de l’ostéonécrose induite par les corticoï<strong>des</strong><br />
mais elle peut survenir en dehors de toute<br />
prise de corticoïde. Le diagnostic en est souvent<br />
difficile, d’où l’intérêt de l’IRM pour<br />
poser le diagnostic ( 1 0 ) .<br />
L’ostéoporose et l’ostéopénie peut<br />
c o n c e rner 1 patient sur 4 souffrant<br />
d’entérocolite inflammatoire. La maladie<br />
est due à l’inflammation, aux troubles<br />
nutritionnels mais surtout, à la<br />
corticothérapie ( 1 1 ) . La perte osseuse est<br />
provoquée par la corticothérapie précoce et<br />
à fortes doses, justifiant d’envisager <strong>des</strong><br />
GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />
TA B L E AU I : P R I N C I PALES MANIFESTATIONS EXTRADIGESTIVES<br />
DES MICI<br />
Manifestions rhumatismales<br />
<strong>Manifestations</strong> cutanées<br />
<strong>Manifestations</strong> ophtalmologiques<br />
<strong>Manifestations</strong> hépatobiliaires<br />
et pancréatiques<br />
<strong>Manifestations</strong> hématologiques<br />
Autres<br />
attitu<strong>des</strong> préventives systématiques.<br />
L’évaluation de l’état osseux se fait<br />
aujourd’hui par <strong>des</strong> techniques non<br />
invasives de mesure de la densité osseuse<br />
(absorptiométrie biphotonique à rayons X).<br />
La prévention et le traitement de<br />
l’ostéoporose passent par la correction <strong>des</strong><br />
carences nutritionnelles. Le s<br />
bisphosphonates ont démontré leur<br />
efficacité au cours de l’ostéoporose<br />
cortisonique, mais ont été peu étudiés au<br />
cours <strong>des</strong> entérocolites <strong>inflammatoires</strong> ( 1 2 ) .<br />
LES MANIFESTATIONS<br />
CUTANÉES<br />
L’atteinte dermatologique systématique a<br />
permis de déceler <strong>des</strong> lésions cutanéom uqueuses<br />
en rapport avec la MICI chez 65 %<br />
<strong>des</strong> patients atteints de maladie de Crohn et<br />
chez 40 % de ceux atteints de RCH ( 1 3 ) .<br />
LES DERMATOSES<br />
RÉACTIONNELLES<br />
■ L’érythème noueux<br />
C’est la manifestation cutanée la plus fréquente,<br />
son incidence est extrêmement<br />
variable suivant les séries.<br />
Arthrites périphériques<br />
Atteinte axiale<br />
Erythème noueux<br />
Pyoderma gangrenosum<br />
Uvéite<br />
Sclérite<br />
Episclérite<br />
Cirrhose biliaire primitive<br />
Anémie<br />
Thromboses veineuses profon<strong>des</strong><br />
<strong>Manifestations</strong> cardiaques<br />
<strong>Manifestations</strong> respiratoires<br />
<strong>Manifestations</strong> neurologiques<br />
Amylose<br />
L’érythème noueux est plus fréquent dans<br />
la maladie de Crohn, rapporté dans 6 à<br />
15% <strong>des</strong> cas, essentiellement en cas de<br />
localisation colique (14) et survient plus souvent<br />
au cours de la première année d’une<br />
MICI diagnostiquée, en période d’activité<br />
de la maladie, sans être toutefois corrélé à<br />
la sévérité de la maladie.<br />
Il s’agit d’une éruption douloureuse, le<br />
plus souvent typique, bilatérale, faite de<br />
papules surélevées, de nodules éry t h é m a t o -<br />
violacés, fermes et mobiles par rapport aux<br />
plans profonds, de quelques millimètres de<br />
diamètre à plusieurs centimètres, prédominant<br />
sur les faces d'extension <strong>des</strong> bras et<br />
<strong>des</strong> jambes (Fig.1).<br />
L’érythème noueux répond en général au<br />
traitement de la MICI, il est rarement<br />
nécessaire d’avoir recours à <strong>des</strong> anti<strong>inflammatoires</strong><br />
non stéroïdiens ou à la<br />
colchicine (2 mg/j pendant 3 jours puis 1<br />
mg/j pendant 3 semaines) (15) .<br />
■ L’aphtose<br />
La prévalence de l’aphtose buccale est de<br />
l’ordre de 20 %. Les lésions siègent sur les<br />
lèvres, la face inférieure de la langue, les<br />
joues, le plancher de la bouche. Le parallélisme<br />
avec l’évolution de la maladie inflammatoire<br />
n’est observé que dans 10% <strong>des</strong> cas (16) .<br />
Espérance Médicale • Mars 2011 • Tome 18 • N° 176
MANIFESTATIONS EXTRA-DIGESTIVES DES MICI<br />
Des bains de bouches avec de l’acide acétylsalicylique<br />
(250 à 500 mg dans un verre<br />
d’eau) ou avec de la tétracycline peuvent<br />
être proposés. Certains proposent <strong>des</strong><br />
préparations à base de corticoï<strong>des</strong>. Les<br />
aphtes de grande taille, douloureux, peuvent<br />
être traités par colchicine (1 mg/j),<br />
dapsone (100 mg/j) ou thalidomide (100<br />
mg/j) (17) .<br />
■ Le pyoderma gangrenosum<br />
Il s’observe chez 2 à 5 % <strong>des</strong> patients<br />
atteints de MICI avec atteinte colique, les<br />
MICI constituant la première cause de<br />
pyoderma (15 à 40 %). Dans plusieurs<br />
étu<strong>des</strong>, il est signalé qu’il est plus fréquemment<br />
observé en cas de manifestations<br />
articulaires.<br />
Trois fois plus fréquent au cours de la RCH<br />
que pendant la maladie de Crohn, il siège<br />
le plus souvent au niveau <strong>des</strong> membres inférieurs<br />
et est favorisé par un traumatisme ( 1 8 ) . I l<br />
débute par une pustule qui s’étend pour<br />
constituer ensuite une profonde ulcération<br />
entourée d’un bourrelet violacé. L’ a s p e c t<br />
de la lésion contraste avec son caractère<br />
indolore (Fig.2).<br />
L’évolution est prolongée, capricieuse.<br />
Une cicatrisation inesthétique (Fig.3) gaufrée<br />
et hyper pigmentée est fréquente (18) .<br />
La biopsie systématique est déconseillée<br />
car une aggravation de l’ulcération peut<br />
s’observer à l’occasion d’un traumatisme<br />
minime et a fortiori d’une biopsie (effet<br />
Köbner) (14) .<br />
Le pyoderma ne répond pas toujours<br />
au traitement de la MICI.<br />
Toute excision chirurgicale doit être<br />
proscrite. Des soins locaux avec application<br />
de corticoï<strong>des</strong>, de 5-ASA peuvent être<br />
bénéfiques.<br />
Des traitements par voie générale s’avèrent<br />
nécessaires : corticoï<strong>des</strong> à forte dose<br />
(1 à 2 mg/kg/j) ou en bolus (méthylprednisolone<br />
1g/j x 5j) suivi d’un relais oral (19) .<br />
L’infliximab s’est révélé efficace dans<br />
quelques observations de pyoderma gangrenosum<br />
au cours de maladie de Crohn ( 2 0 ) .<br />
167<br />
GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />
Fig. 1 : Erythéme noueux : nouures érythémateuses-violacées, douloureuses évoluant<br />
selon les couleurs de la biligénie au niveau surtout <strong>des</strong> membres inférieurs<br />
Fig. 2 : Pyoderma gangrenosum : ulcération douloureuse, bien limitée, profonde, bordure<br />
éversée avec une surface fibrineuse, un fondmicrobourgeonant et une peau<br />
périlésionnelle érythémateuse, la palpation <strong>des</strong> bords délimitent le signe de clapet<br />
(comme un piano)<br />
D’autres manifestations réactionnelles aux cours <strong>des</strong> MICI ont été rapportées, notamment le syndrome de Sweet, le syndrome de Sapho, la<br />
pyostomatite végétante et les éruptions vésiculo-pustuleuses (14) .<br />
Espérance Médicale • Mars 2011 • Tome 18 • N° 176
DOSSIER<br />
Fig. 3 : La même patiente ( fig.2) : Cicatrice rétractile, en bride après traitement permettant<br />
un diagnostic rétrospectif<br />
168<br />
LES LÉSIONS<br />
GRANULOMATEUSES<br />
SPÉCIFIQUES<br />
Elles ne s’observent qu’au cours de la<br />
maladie de Crohn. Citons : les lésions<br />
ano-périnéales, les lésions oro-faciales (les<br />
ulcérations linéaires à bords hyperplasiques<br />
<strong>des</strong> sillons gingivo-juguaux, l’hyperplasie<br />
oedémateuse et fissurée de la<br />
face interne <strong>des</strong> joues, <strong>des</strong> lèvres pouvant<br />
réaliser un aspect en pavés, la chélite granulomateuse),<br />
les lésions du tronc et de<br />
l’abdomen (nodules ulcérés qui siègent<br />
avec prédilection dans les plis de la paroi<br />
abdominale, dans les plis mammaires) et<br />
les lésions génitales (chez la femme, peuvent<br />
survenir ulcérations linéaires vulvaires,<br />
œdème labial et chez l’homme, un<br />
œdème scrotal et/ou pénien ou un phimosis<br />
) (13) .<br />
LES MANIFESTATIONS<br />
OPHTALMOLOGIQUES ?<br />
Elles sont relativement peu fréquentes,<br />
touchant 4 à 10 % <strong>des</strong> patients atteints de<br />
MICI (21) .<br />
L’uvéite est l’atteinte la plus fréquente,<br />
sous forme d’iritis (inflammation de la<br />
chambre antérieure), de vitrite, de choroïdite,<br />
de sclérite ou d’épisclérite (22) .<br />
Dans la majorité <strong>des</strong> cas, l’inflammation<br />
régresse en quelques semaines avec <strong>des</strong><br />
collyres mydriatiques et corticoï<strong>des</strong>, parfois<br />
<strong>des</strong> corticoï<strong>des</strong> par voie générale et<br />
<strong>des</strong> immunosuppresseurs sont nécessaires.<br />
La sclérite nécessite un traitement<br />
agressif par voie générale avec <strong>des</strong> corticoï<strong>des</strong>,<br />
<strong>des</strong> immunosuppresseurs. Le s<br />
récidives sont fréquentes, mais le pronostic<br />
est généralement bon (23) .<br />
LES MANIFESTATIONS<br />
HÉPATO-BILIAIRES<br />
ET PANCRÉATIQUES<br />
La cholangite sclérosante primitive<br />
GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />
( CSP) est la plus importante <strong>des</strong> <strong>maladies</strong><br />
hépatobiliaires observées chez les patients<br />
ayant une MICI ( 2 4 ) . La RCH est la principale<br />
MICI associée à la CSP (5% <strong>des</strong> pancolites).<br />
Le dépistage de la CSP repose sur les tests<br />
hépatiques simples et son diagnostic sur<br />
l’imagerie <strong>des</strong> voies biliaires (cholangio -<br />
IRM) et la ponction biopsie hépatique (25) .<br />
Le traitement médical repose sur l’AU D C<br />
(acide ursodésoxycholique). Les form e s<br />
avancées relèvent de la transplantation<br />
hépatique.<br />
La CSP peut évoluer vers la cirrhose, se<br />
compliquer de cholangiocarcinome et est<br />
associée un risque augmenté de cancer du<br />
côlon (26) .<br />
Les principales manifestations pancréatiques<br />
sont les pancréatites aiguës<br />
médicamenteuses (azathioprine et dérivés<br />
salicylés). De rares cas de pancréatite<br />
sans cause connue semblent être de réelles<br />
manifestations <strong>extra</strong>-intestinales de MICI ( 2 7 ) .<br />
LES MANIFESTATIONS<br />
HÉMATOLOGIQUES<br />
L’anémie ferriprive est la plus fréquente.<br />
Son traitement repose sur la correction d u<br />
processus inflammatoire et de la carence<br />
martiale. Il n’existe pas de différence significative<br />
de la tolérance d’une supplémentation<br />
par voie orale chez les patients porteurs de<br />
MICI comparés à <strong>des</strong> patients souffrant de<br />
troubles fonctionnels intestinaux ( 2 8 ) .<br />
L’anémie hémolytique auto-immune<br />
avec test de Coombs direct positif a été<br />
rapportée essentiellement au cours de la<br />
RCH dans 0,2 à 1,7% <strong>des</strong> cas. Elle apparaît<br />
souvent précocement dans l’histoire de la<br />
MICI et est d’autant plus fréquente<br />
que la maladie est sévère et étendue.<br />
Le traitement repose sur la corticothérapie<br />
à forte dose associée éventuellement à<br />
l’azathioprine (29) .<br />
LES AUTRES<br />
MANIFESTATIONS<br />
■ <strong>Manifestations</strong> thromboemboliques<br />
Espérance Médicale • Mars 2011 • Tome 18 • N° 176
MANIFESTATIONS EXTRA-DIGESTIVES DES MICI<br />
L’augmentation de la cascade de la<br />
coagulation et de l’agrégation<br />
p l a q u e t t a i re expose à un risque élevé de<br />
s u rvenue de manifestations thromboemboliques<br />
pouvant toucher tous les<br />
t e rritoires. Elle est rapportée dans 1 à 3%<br />
<strong>des</strong> cas d’où l’intérêt d’une prophylaxie par<br />
héparine de bas poids moléculaire au<br />
cours <strong>des</strong> poussées très sévères ( 3 0 ) .<br />
L’hyperhomocystéinémie a été rapportée<br />
dans plusieurs étu<strong>des</strong>, dans 11 à 52% <strong>des</strong><br />
cas, notamment au cours de la maladie<br />
de Crohn.<br />
Son traitement est à base d’acide folique.<br />
Elle expose au risque de thrombose<br />
veineuse profonde (31) .<br />
■ <strong>Manifestations</strong> cardiaques<br />
Elles sont rares, pouvant intéresser les trois<br />
tuniques cardiaques. L’atteinte myocardique<br />
peut être secondaire à une toxicité<br />
médicamenteuse, à une carence nutritionnelle<br />
mais elle peut être une manifestation<br />
<strong>extra</strong>-intestinale de la MICI.<br />
La myocard i t e peut se manifester par une<br />
insuffisance cardiaque ou un trouble du<br />
rythme. Les immunosuppresseurs sont efficaces<br />
dans quelques observations. Dans<br />
certains cas, l’e t a n e r c e p t a permis la régression<br />
de la myocardite (32) .<br />
■ <strong>Manifestations</strong> respiratoires<br />
Elles ont été rapportées au cours <strong>des</strong><br />
MICI, plus souvent au cours de la RCH<br />
que de la maladie de Crohn. Ainsi, le<br />
VEMS est diminué en moyenne de 12 %, la<br />
capacité vitale de 10 % et la DLCO de 20%.<br />
Des pneumopathies interstitielles secondaires<br />
à la prise de sulfasalazine de mésalazi-<br />
169<br />
ne ou du méthotrexate ont été rapportées.<br />
Les corticoï<strong>des</strong> par voie orale sont souvent<br />
efficaces au cours <strong>des</strong> pneumopathies<br />
interstitielles et <strong>des</strong> lésions nodulaires.<br />
L’utilisation <strong>des</strong> corticoï<strong>des</strong> par voie générale<br />
peut s’avérer également, nécessaire<br />
en cas de pneumopathie interstitielle<br />
étendue (33) .<br />
■ <strong>Manifestations</strong> neurologiques<br />
L’atteinte neurologique au cours <strong>des</strong> MICI est<br />
rare, quelques observations de myélopathies,<br />
<strong>des</strong> neuropathies périphériques, <strong>des</strong><br />
syndromes de Guillain-Barré, <strong>des</strong> myopathies<br />
et <strong>des</strong> myasthénies ont été rapportées.<br />
D’autres auteurs ont également noté une<br />
incidence plus élevée <strong>des</strong> affections démyélinisantes,<br />
d’autant qu’il a été démontré que<br />
les anti-TNF étaient susceptibles de favoriser<br />
une poussée de sclérose en plaques ( 1 ) .<br />
■ Amylose<br />
Elle touche 1% <strong>des</strong> patients porteurs de<br />
MICI et est de type AA. L’amylose est 10 à 13<br />
fois plus fréquemment observée au cours<br />
de la maladie de Crohn qu’au cours de la<br />
RCH et, au cours de la maladie de Crohn,<br />
elle est 4 fois plus fréquente en cas d’atteinte<br />
colique qu’en cas d’atteinte du grêle.<br />
Elle se manifeste en général une dizaine<br />
d’années après les premiers signes de la<br />
maladie par une protéinurie, un syndrome<br />
néphrotique et peut évoluer vers l’insuffisance<br />
rénale. Son diagnostic repose sur la<br />
découverte d’amylose sur les biopsies<br />
hépatique, rectale ou rénale ( 1 ) .<br />
Le traitement de la MICI entraîne exceptionnellement<br />
la régression de l’amylose.<br />
L’association azathioprine-colchicine perm e t<br />
p a rfois la régression du syndrome néphro-<br />
GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />
tique. La transplantation rénale peut être<br />
envisagée mais, quoiqu’il en soit, le taux de<br />
s u rvie à 15 ans ne dépasse pas 60 % ( 3 4 ) .<br />
■ Crohn métastatique<br />
Il s’agit de lésions granulomateuses<br />
s u rvenant en dehors du tube digestif. To u s<br />
les organes peuvent être touchés : rein,<br />
foie, bronches, poumons, os.<br />
Le diagnostic de Crohn métastatique<br />
repose sur un aspect histologique<br />
identique à celui de la maladie de Crohn<br />
incluant les granulomes épithélioï<strong>des</strong><br />
non caséeux. Ces lésions évoluent<br />
volontiers avec la maladie digestive mais<br />
peuvent également la précéder.<br />
Le traitement repose sur la corticothérapie<br />
par voie générale à la dose initiale de<br />
1 mg/kg/j puis à dose dégressive (1,34) .<br />
CONCLUSION<br />
Les arthropathies périphériques sont les<br />
plus courantes et les plus fréquentes.<br />
Le rhumatisme axial, contrairement à la<br />
spondylarthrite ankylosante, concern e<br />
autant la femme que l’homme, la<br />
présence de HLAB27 est présent chez<br />
plus de la moitié <strong>des</strong> patients.<br />
Les manifestations ophtalmologiques<br />
touchent essentiellement la chambre<br />
antérieure de l’oeil, elles sont peu<br />
fréquentes mais leur incidence est<br />
augmentée par la présence <strong>des</strong><br />
manifestations articulaires. La sclérite<br />
constitue une urgence justifiant un<br />
traitement par voie générale.<br />
Les manifestations cutanées sont plus<br />
fréquentes au cours de la maladie de<br />
RÉSUMÉ : Les manifestations <strong>extra</strong>-intestinales <strong>des</strong> <strong>maladies</strong> <strong>inflammatoires</strong> chroniques de l’intestin sont relativement<br />
fréquentes. Certaines manifestations sont fréquentes telles que les manifestations articulaires quelles soient axiales ou<br />
périphériques, les manifestations cutanées comme le pyoderma gangrenosum et l’érythème noueux et les manifestations<br />
ophtalmologiques notamment l’episclérite, l’iridocyclite et l’uvéite.<br />
L’anémie est fréquemment rapportée également. D’autres manifestations sont plus rares telles que la bronchectasie, la<br />
bronchite, l’hyper homocystéinémie, l’ostéomalacie, la pancréatite, la cholangite sclérosante primitive, les lithiases<br />
rénales et les manifestations thromboemboliques.<br />
L’étiopathogénie de la majorité de ces manifestations reste obscure. Le traitement de ces manifestations <strong>extra</strong>intestinales<br />
empirique et non codifié devant l’absence d’étu<strong>des</strong> randomisées.<br />
Espérance Médicale • Mars 2011 • Tome 18 • N° 176
MANIFESTATIONS EXTRA-DIGESTIVES DES MICI<br />
170<br />
GASTRO-ENTÉROLOGIE<br />
S U M M A R Y : Extra-intestinal manifestations are relatively common in chronic inflammatory bowel disease. The most frequent<br />
rheumatologic manifestations are peripheral arthritis and axial arthropathies.<br />
E rythema nodosum and pyoderma gangrenosum are common dermatologic manifestations, whereas episcleritis, iridocyclitis,<br />
and uveitis are common ophthalmologic complications. Anemia is also seen fre q u e n t l y. The etiopathogenesis of most<br />
of the manifestations listed remains obscure.<br />
Treatment of the <strong>extra</strong> intestinal manifestations is often empirical, and the lack of randomized, controlled trials makes it<br />
diffcult to obtain valid evidence of therapeutic efficacy.<br />
1- Larsen S, Bendtzen K, Nielsen O. H. Extraintestinal<br />
manifestations of infl ammatory bowel<br />
disease : Epidemiology, diagnosis, and management.<br />
Annals of Medicine.2010;42:97-114.<br />
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P et al. The prevalence of <strong>extra</strong>intestinal disease<br />
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study. Am J Gastroenterol 2001;96:1116-<br />
1122.<br />
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4. Davis JC Jr, Mease PJ. Insights into the<br />
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5- De Vos M. Joint involvement in inflammatory<br />
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Espérance Médicale • Mars 2011 • Tome 18 • N° 176