Cahier n°29 - cesat - Ministère de la Défense

Libres opinions Cahiers du CESAT n° 29
Septembre 2012
Culture d'armes: du nouveau du côté des traditions?
Par le Chef de bataillon Fabien PEZOUS
La culture d’armes unissant le chef interarmes à ses soldats, toutes fonctions opérationnelles confondues,
contribue au renforcement d'un sentiment d’appartenance à un groupe, à une meilleure connaissance
respective et donc confiance mutuelle, gages d’un emploi optimal d’une unité interarmes. C’est l’idée
maîtresse que l’auteur nous développe dans cet article.
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En 50 ans, «les ailes françaises seront passées de la toile au carbone kevlar, du câble à l’électron […] du bois lamellé-collé
au titane monocristallin, de la télégraphie sans fil à la fibre optique. En trois générations, tout se sera finalement métamorphosé
[..] tout sauf l’essentiel. L’essence même de notre armée de l’Air: l’aviateur. Il a conservé son âme» 1 .
Comme pour le cas de l’armée de l’Air, l’outil le plus précieux de l’armée de Terre est justement l’homme; à ce titre, elle doit se
donner les moyens de partager la vision du chef d’état-major d’une armée éminemment technique. Ceci constitue un véritable
challenge. En effet, en passant des hussards noirs de la République aux cours en «e-learning», de la Nation en armes aux
journées d’appel et de préparation à la Défense, les notions d’autorité, de hiérarchie mais également de patriotisme se sont
usées. Ainsi, le soldat ne s’engage-t-il plus tout à fait sous les drapeaux dans les mêmes dispositions que ses aînés.
Dès lors, il est à craindre que les menaces pesant sur la cohésion des unités soient nombreuses. Leurs causes et leurs
conséquences sur le plan opérationnel méritent toute l’attention de l’armée de Terre.
La culture d'armes, cette adhésion à un nombre de valeurs caractéristiques et partagées par un groupe restreint et identifié,
n'est pas du ressort du folklore. Elle permet, par le biais des traditions qui caractérisent chaque arme, d’offrir une réponse aux
menaces énoncées ici. La cohésion des unités naît effectivement de cette identité revendiquée et permet de transcender un
individualisme latent.
L’esprit de corps, «cet attachement à un groupe où les hommes sont liés par des normes de comportement communes» 2 ,
saura-t-il résister aux menaces exposées ci-dessus? Mais, pour aller plus loin, le rôle que l'on attribue à la cohésion, n'est-il pas
sous-évalué? L'efficacité opérationnelle d'un GTIA ne repose évidemment pas uniquement sur ses traditions mais ne peut-on
pas ambitionner davantage avec ces traditions qui, luxe suprême, ne coûtent rien?
La culture d’armes unissant le chef interarmes à ses soldats, toutes fonctions opérationnelles confondues, contribue au
renforcement d'un sentiment d’appartenance à un groupe, à une meilleure connaissance respective et donc confiance mutuelle,
gages d’un emploi optimal d’une unité interarmes.
La variété des menaces qui pèsent sur la cohésion est grande ; elle mérite d’être détaillée. Face à ce constat, il sera nécessaire
d'apporter un regard nouveau sur les facteurs de cohésion en s’attardant plus particulièrement sur le caractère intégrateur que
pourrait jouer la culture d’armes au profit des nouvelles fonctions opérationnelles.
Des menaces variées: endogènes et exogènes
Les liens qui donnent leur cohésion aux unités peuvent être affaiblis, usés par les évolutions des armées, mais aussi par bien
des aspects des mutations de la société française.
La multiplication de fonctions opérationnelles terrestres d'engagement telles que décrites dans FT04 3 est le résultat d'une
spécialisation extrême sur le champ de bataille.
Or, la société militaire obéit au principe de dynamique sociale dit de «fusion et opposition partielle» du sociologue G. Gurvitch 4 .
Elle est animée de jeux incessants d'exclusion et d'inclusion où celui qui n'appartient pas au groupe (quelle que soit la taille
considérée, allant de la brigade à la section) est au pire rejeté au mieux toléré dans l'unité. À titre d'exemple, l'équipe CIMIC ou
l'officier communication n'appartenant pas à une brigade donnée ne sera que difficilement accepté simplement au nom d'une
différence d'identité culturelle militaire et quelle que soit sa valeur absolue. Par conséquent, il semble vain de compter sur des
1
«Itinéraire d’un français libre». Jacques Henri Schloessing, Avant propos du chef d’état major de l’armée de l’Air, le Général Jean-Paul
Palomeros. Colonel Patrick Collet
2
«Les cahiers de la réflexion doctrinale. Sous le feu, réflexions sur le comportement au combat». Colonel Michel GOYA
3
Document d’emploi «Forces terrestres 04»
4
«Les cadres sociaux de la connaissance», Georges Gurvitch 1966