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pLaisirs Et JEux : sE distrairE, s’étourdir<br />
après la terreur avec son lot de turbu<strong>le</strong>nces et de vio<strong>le</strong>nces, il s’agit<br />
de se divertir (au sens propre et figuré), de rattraper <strong>le</strong> temps perdu,<br />
de s’étourdir de toutes <strong>le</strong>s manières possib<strong>le</strong>s, dans <strong>des</strong> lieux publics<br />
ou privés. <strong>«</strong> paris redevint gai. il y eut famine, il est vrai mais <strong>le</strong><br />
perron rayonnait, <strong>le</strong> palais royal était p<strong>le</strong>in, <strong>le</strong>s spectac<strong>le</strong>s comb<strong>le</strong>s.<br />
puis ouvrirent ces bals <strong>des</strong> victimes où la luxure impudente roulait,<br />
dans l’orgie, son faux deuil ».<br />
tout <strong>le</strong> monde aspire à jouir <strong>des</strong> mêmes droits. La bourgeoisie, classe<br />
montante au xViiie sièc<strong>le</strong>, revendique <strong>le</strong> droit aux réjouissances<br />
autrefois réservées aux aristocrates et aux riches et el<strong>le</strong> obtient<br />
satisfaction (contrairement aux vagabonds et prostituées, toujours<br />
exclus <strong>des</strong> spectac<strong>le</strong>s). pourtant, Boilly nous montre qu’une<br />
ambiguïté subsiste dans cette classe moyenne partagée entre<br />
attirance vers <strong>le</strong>s lieux de plaisir et la répulsion que commande la<br />
moralité mais aussi la simp<strong>le</strong> prudence. Les excès sont source de<br />
tous <strong>le</strong>s troub<strong>le</strong>s et désordres qui menacent <strong>le</strong>s bourgeois, face aux<br />
classes laborieuses qui pourraient ne plus avoir <strong>le</strong> goût du travail,<br />
du service, d’autant que <strong>le</strong>s inégalités se sont accrues.<br />
Les parvenus enrichis dans toutes sortes de trafics et d’escroqueries<br />
n’ont pas de problèmes de conscience : agioteurs, boursicoteurs,<br />
fournisseurs aux armées – <strong>le</strong>s <strong>«</strong> fournituriers », comme <strong>le</strong>s nomme<br />
de manière péjorative mercier éta<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>ur fortune avec ostentation<br />
et outrecuidance, dans <strong>des</strong> équipages somptueux. certains va<strong>le</strong>ts<br />
narguent <strong>le</strong>urs anciens maîtres vêtus d’habits surannés. Les<br />
renversements de fortune sont fréquents.<br />
Face aux miséreux affamés, <strong>le</strong>s <strong>«</strong> ventres dorés » se pavanent,<br />
courent <strong>le</strong>s fêtes, <strong>le</strong>s bals (plus de six cents sous <strong>le</strong> directoire),<br />
se retrouvent dans <strong>le</strong>s cafés (<strong>le</strong> Grand café parisien, <strong>le</strong> café de<br />
chartres…) ou dans <strong>le</strong>s restaurants qui inaugurent <strong>le</strong> repas à la<br />
carte (au lieu du plat unique <strong>des</strong> tab<strong>le</strong>s d’hôtes ou <strong>des</strong> tavernes)<br />
pour <strong>des</strong> convives à l’appétit féroce. c’est <strong>le</strong> règne de la jeunesse<br />
dorée, <strong>des</strong> incroyab<strong>le</strong>s ou muscadins qui signa<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>ur présence<br />
de manière olfactive (par <strong>le</strong> musc ou la muscade ?) mais aussi par<br />
<strong>le</strong>ur mise et allure extravagantes : coiffure en <strong>«</strong> oreil<strong>le</strong>s de chien,<br />
engoncés dans un haut col, <strong>le</strong> cou noyé dans une cravate énorme ».<br />
Les <strong>«</strong> inc’oyab<strong>le</strong>s » affectent un zézaiement artificiel. ils cherchent<br />
à en découdre avec <strong>le</strong>s Jacobins. appuyés sur un bâton noueux<br />
qui <strong>le</strong>ur sert autant de cannes que de gourdins, ils <strong>«</strong> chassent »<br />
<strong>le</strong>s Jacobins et Girondins dans <strong>des</strong> combats de rue qui défrayent<br />
la chronique (témoins de nombreux rapports de police) et que<br />
contemp<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s merveil<strong>le</strong>uses, en robe diaphane, un châ<strong>le</strong> (à la<br />
mode anglaise) jeté sur <strong>le</strong> bras. Le bourgeois, scandalisé, <strong>le</strong>s regarde<br />
et attend, avec impatience, <strong>le</strong> retour à l’ordre social. ils ont <strong>le</strong>urs<br />
territoires comme <strong>le</strong> café de chartres proche du palais royal ; <strong>le</strong><br />
<strong>«</strong> petit comb<strong>le</strong>nce », bou<strong>le</strong>vard <strong>des</strong> italiens, est <strong>le</strong> fief <strong>des</strong> émigrés<br />
revenus d’al<strong>le</strong>magne.<br />
Les salons fermés sous robespierre rouvrent chez <strong>le</strong> comte<br />
de Barras (amant de madame tallien, qui aura el<strong>le</strong>-même son<br />
cerc<strong>le</strong>) ou chez mme de staël. on y par<strong>le</strong> littérature, on écoute<br />
de la musique et l’on y danse : la gavotte ou la walz , importée<br />
d’al<strong>le</strong>magne, c’est la <strong>«</strong> folie du jour ». <strong>des</strong> membres appartenant<br />
à la même société esquissent <strong>des</strong> pas de danse en poses gracieuses<br />
sous <strong>le</strong> regard d’un violoneux éméché qui lorgne <strong>le</strong>s dames en<br />
tenue vaporeuse. certains n’échappent pas aux mauvais goûts en<br />
assistant au Bal <strong>des</strong> Victimes, club privé où <strong>le</strong>s parents <strong>des</strong> décapités<br />
se doivent d’arborer un ruban rouge (rappel – peu discret - du<br />
couperet de la guillotine) !<br />
20 | cahier <strong>pédagogique</strong> • BoiLLy, rétrospectiVe<br />
il s’agit de se distraire à tous <strong>le</strong>s échelons de la société. La frénésie du<br />
jeu s’est emparée de la population : Boilly salue <strong>le</strong>s jeux calmes en<br />
famil<strong>le</strong> : la main chaude ou mon pied de bœuf. Les échecs, dominos<br />
ou dames se jouent aussi dans <strong>le</strong>s cafés (cf. plus haut intérieur d’un<br />
grand café parisien). Jeux de cartes (comme la bouillote) et jeux<br />
d’argent sont pratiqués à tous <strong>le</strong>s niveaux : pourquoi <strong>le</strong>s interdire<br />
puisque la Bourse donne l’exemp<strong>le</strong> !<br />
se divertir, s’étourdir, vivre intensément ! Les fortunes se font<br />
et défont faci<strong>le</strong>ment dans <strong>des</strong> alcôves, dans <strong>des</strong> cerc<strong>le</strong>s de jeux.<br />
Le billard, à l’origine aristocratique, s’est démocratisé. Boilly<br />
nous présente avec un œil critique <strong>des</strong> jeunes femmes en tenue<br />
légère dans une sal<strong>le</strong> sombre éclairée par un vasistas, dans une<br />
atmosphère confinée où l’on mange et boit dont l’une adopte une<br />
pose suggestive et provocatrice sous l’œil allumé <strong>des</strong> hommes.<br />
Les servantes s’occupent <strong>des</strong> enfants et prennent donc <strong>le</strong> rô<strong>le</strong><br />
<strong>des</strong> mères. Les jeunes femmes ne craignent pas de risquer <strong>le</strong>ur<br />
réputation en prenant la place jadis réservée aux hommes. restif<br />
de la Bretonne (voir plus loin) estimait que <strong>le</strong>s sal<strong>le</strong>s de billard<br />
étaient <strong>des</strong> lieux de prostitution. mais <strong>le</strong> lieu <strong>le</strong> plus connu est<br />
sans nul doute <strong>le</strong> palais egalité (= royal). <strong>«</strong> dans <strong>le</strong>s jardins et<br />
sous <strong>le</strong>s arca<strong>des</strong>, se trouve une fort mauvaise compagnie, <strong>le</strong>s fil<strong>le</strong>s<br />
y fourmil<strong>le</strong>nt indécemment nues (…). ces dames sont parquées<br />
entièrement dans <strong>le</strong> palais royal, c’est-à-dire que là, seu<strong>le</strong>ment,<br />
on <strong>le</strong>s voit vio<strong>le</strong>r à ce point <strong>le</strong>s lois de la décence » . Les jardins<br />
du palais royal appartenaient au duc d’orléans qui trouva un<br />
moyen ingénieux de se procurer de l’argent : il convertit une part<br />
de sa propriété en immeub<strong>le</strong>s avec arca<strong>des</strong> et boutiques au rezde-chaussée,<br />
un passage couvert reliant <strong>des</strong> ga<strong>le</strong>ries de bois. très<br />
vite, c’est un lieu de rendez-vous très prisé par une population<br />
mêlée : <strong>des</strong> bourgeois en quête d’aventure, <strong>des</strong> prostituées (<strong>le</strong>s <strong>«</strong><br />
castors » qui deviendront <strong>des</strong> <strong>«</strong> hirondel<strong>le</strong>s » sous l’empire), <strong>des</strong><br />
commerçantes : f<strong>le</strong>uristes ou marchands ambulants et tous <strong>le</strong>s<br />
petits métiers liés à la mode : couturières, lingères, repasseuses…<br />
qui peuvent franchir la ligne pour augmenter <strong>le</strong>urs revenus (ces<br />
fil<strong>le</strong>s peuvent finir <strong>le</strong>ur existence à la prison <strong>des</strong> madelonnettes).<br />
ajoutez à cela <strong>le</strong>s boursicoteurs, agioteurs et joueurs rassemblés<br />
dans la partie nord du palais royal, appelée <strong>le</strong> perron, du nom <strong>des</strong><br />
quelques marches qui mènent à la rue Vivienne. c’est là que <strong>le</strong>s<br />
escrocs et filous attendent <strong>le</strong>urs proies, <strong>le</strong>s croyab<strong>le</strong>s – <strong>le</strong>s crédu<strong>le</strong>s<br />
que Boilly a croqué sur plusieurs planches.<br />
a ces lieux de mauvaise vie, <strong>le</strong> peintre oppose <strong>des</strong><br />
distractions plus saines de la classe moyenne dans <strong>des</strong> jardins et<br />
parcs de loisirs, comme monceau, Bagatel<strong>le</strong> ou elysée, propriétés<br />
princières réquisitionnées et transformées. tivoli, célèbre <strong>«</strong> jardin<br />
<strong>des</strong> plaisirs » avec ses plantes exotiques, ses montagnes artificiel<strong>le</strong>s,<br />
est l’endroit à la mode avec ses jardins anglais, français, italien ;<br />
il faut s’y montrer et assister aux spectac<strong>le</strong>s de pantomimes, de<br />
marionnettes, aux concerts. a Frascati, l’on se bouscu<strong>le</strong> pour voir<br />
mme de récamier. Le café turc, un <strong>des</strong> plus vieux cafés, ouvert<br />
en 1780, est quant à lui renommé pour ses glaces, pour son décor<br />
oriental et ses espaces arborés qui jouxtent <strong>le</strong> bou<strong>le</strong>vard. on peut<br />
y jouer à divers jeux de société (voir plus haut) mais aussi à la<br />
toupie, à la grenouil<strong>le</strong>, à la balançoire où l’on peut s’y aérer, se<br />
régénérer. Le peintre nous montre <strong>le</strong>s terrasses où se rassemb<strong>le</strong>nt<br />
<strong>le</strong>s famil<strong>le</strong>s : <strong>le</strong>s enfants admirent un jeune marionnettiste catalan<br />
sous l’œil attendri <strong>des</strong> anciens, un petit savoyard, autre <strong>«</strong> émigré<br />
», montreur de marmotte, fait la quête. L’harmonie socia<strong>le</strong> règne,<br />
toutes générations confondues.