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déjà dans <strong>le</strong> Triomphe de Marat (1794), qui appartient au genre<br />

premier de la peinture d’histoire, Boilly, dans une mise en scène<br />

grandiloquente, laisse davantage paraître une attention pour la<br />

société de mœurs que pour une idéologie. moins attaché à déifier<br />

marat qu’à retranscrire la liesse de la fou<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s expressions de<br />

chacun, <strong>le</strong> mouvement du tumulte, il parvient à témoigner d’un<br />

événement avec objectivité et finesse d’observation. il s’agit là<br />

d’une grande singularité pour l’époque qui semb<strong>le</strong> l’éloigner avant<br />

l’heure du néo-classicisme sclérosant de la fin du xViiie sièc<strong>le</strong>.<br />

La particularité de Boilly est sans doute à cette période d’avoir<br />

su faire évoluer sa peinture, reconnaître la grandeur d’un david<br />

sans toutefois se laisser al<strong>le</strong>r à l’application de règ<strong>le</strong>s rigi<strong>des</strong> et<br />

proprement idéologiques. il semb<strong>le</strong> dès lors diffici<strong>le</strong> de ne lui prêter<br />

que <strong>des</strong> intentions carriéristes : il y a au cœur de cette démarche un<br />

esprit résolument humaniste. certains ont pu y voir une sensibilité<br />

nostalgique liée à son héritage nordique mais il est tout autant<br />

possib<strong>le</strong> d’entrevoir dans ces exécutions presque journalistiques <strong>le</strong><br />

réalisme du xixe sièc<strong>le</strong>. qu’il eut été passéiste ou précurseur, cette<br />

difficulté à <strong>le</strong> positionner suffit peut-être à comprendre pourquoi<br />

sa notoriété n’atteignit pas cel<strong>le</strong> de Jacques Louis david.<br />

3 | Boilly, sa détermination<br />

aux quelques tab<strong>le</strong>aux de la terreur succèdent <strong>des</strong> toi<strong>le</strong>s aux<br />

sujets plus libérés qui renouent incontestab<strong>le</strong>ment avec la scène<br />

de genre. La période est donc plus propice à la gloire de notre<br />

artiste. une fureur du divertissement s’est emparée de la société<br />

du directoire (1795-1799). a la terreur succède la jouissance. La<br />

mode s’empare <strong>des</strong> femmes bourgeoises (<strong>«</strong> <strong>le</strong>s merveil<strong>le</strong>uses »), <strong>le</strong>s<br />

salons et <strong>le</strong>urs influences se multiplient, <strong>le</strong>s mœurs se libéralisent<br />

et l’esprit de la rue est au populaire. cafés et théâtres font se<br />

côtoyer la bourgeoisie et <strong>le</strong> peup<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s uns moquent <strong>le</strong>s autres et<br />

vice versa, <strong>le</strong>s gravures satiriques emplissent <strong>le</strong>s étals. sans avoir<br />

à se poser la question de la moralité, Boilly peut enfin s’adonner<br />

à ce qui l’a toujours passionné: observer et peindre avec minutie<br />

l’humanité qui l’entoure, en restituer <strong>le</strong>s charmes, la sensibilité<br />

et <strong>le</strong>s travers, acérer son regard de l’esprit bienveillant et critique<br />

qui l’anime. mais, Boilly inaugure aussi de nouveaux sujets. en<br />

1798, il expose au salon l’atelier d’isabey. dans l’atelier d’artiste<br />

qu’abritait encore <strong>le</strong> Louvre (tradition depuis henri iV), Boilly<br />

rassemb<strong>le</strong> 31 artistes, peintres, chanteurs, sculpteurs, tragédiens,<br />

architectes, musiciens, hommes de <strong>le</strong>ttres... <strong>le</strong>s contemporains<br />

qu’il admire, autour du peintre isabey et de sa toi<strong>le</strong>. Le tab<strong>le</strong>au<br />

de grand format, inédit jusqu’alors, suscite la polémique autant<br />

qu’il force <strong>le</strong> respect. L’esthétique est minutieuse et réaliste, loin<br />

de la grandiloquence forcée du néo-classicisme d’éco<strong>le</strong>, et enfin<br />

la hiérarchie <strong>des</strong> genres de la peinture est annihilée au profit du<br />

simp<strong>le</strong> ta<strong>le</strong>nt. on mettra en doute <strong>le</strong>s intentions de Boilly : veut-il<br />

faire la publicité <strong>des</strong> artistes, immortaliser <strong>le</strong>ur notoriété, affirmer<br />

la grandeur du statut d’artiste ? Là encore l’intention reste vague.<br />

mais cependant il est très probab<strong>le</strong> que l’enthousiasme de Boilly<br />

pour <strong>le</strong> monde artistique qu’il côtoie et dans <strong>le</strong>quel il évolue avec<br />

passion, ainsi que l’admiration qu’il porte à ses amis aient stimulé<br />

une tel<strong>le</strong> audace. cet attachement fidè<strong>le</strong> se lit encore dans ses<br />

réactions et sa révolte contre <strong>le</strong>s critiques de l’époque, toujours<br />

prêtes à attiser <strong>des</strong> polémiques et à mettre en doute <strong>le</strong>s ta<strong>le</strong>nts<br />

d’un artiste. La critique d’alors s’exerçait notamment au travers<br />

de petites brochures en prose ou en vers plus ou moins spirituel<strong>le</strong>s<br />

que <strong>le</strong>s artistes appelaient <strong>des</strong> libel<strong>le</strong>s. en colère contre la façon dont<br />

ses amis avaient été traités dans l’une de ces brochures (<strong>«</strong> ar<strong>le</strong>quin<br />

au muséum ») Boilly fit un trompe-l’œil représentant une vitre<br />

cassée derrière laquel<strong>le</strong> on pouvait voir parmi divers objets deux<br />

brochures à moitié ouvertes. L’une était intitulé <strong>«</strong> ar<strong>le</strong>quin au<br />

muséum » tandis que l’autre portait cette épitaphe artistes voilà<br />

vos censeurs .<br />

8 | cahier <strong>pédagogique</strong> • BoiLLy, rétrospectiVe<br />

Boilly semb<strong>le</strong> donc avoir toujours été motivé par ce qu’il admire<br />

au delà <strong>des</strong> tendances, même si, parfois, el<strong>le</strong>s lui sont plutôt<br />

propices... il est encore une fois diffici<strong>le</strong> de voir en lui un simp<strong>le</strong><br />

opportuniste lorsqu’il se met à peindre <strong>des</strong> portraits en pied, plus<br />

grands sur fond de paysage. on sait en effet que depuis <strong>le</strong> début de<br />

sa carrière il aimait à peindre <strong>des</strong> paysages dans <strong>le</strong>squels il insérait<br />

un personnage. n’oublions pas que l’art septentrional du xViie<br />

sièc<strong>le</strong> avait vu naître <strong>des</strong> peintres de paysage et que l’attrait pour<br />

la nature et sa force d’expression allait de pair avec la naissance <strong>des</strong><br />

scènes de genre. ces grands portraits qualifiés de pré-romantiques<br />

épousaient certes <strong>le</strong>s premières tendances en ce début du xixe sièc<strong>le</strong><br />

mais l’artiste toujours curieux de ses contemporains et surtout<br />

sensib<strong>le</strong> depuis <strong>le</strong> début à l’expression pictura<strong>le</strong> <strong>des</strong> anglo-saxons<br />

évolua en ce sens aux côtés d’artistes tels que prud’hon, Gérard<br />

et Gros. il apporte d’autre part à ces portraits toute la finesse et<br />

la mélancolie <strong>des</strong> maîtres hollandais et la subtilité du coloris dans<br />

<strong>le</strong>quel il excel<strong>le</strong>.<br />

Boilly accède enfin à la gloire et l’empire (1804-1814) marque<br />

son apogée, à travers <strong>le</strong>s scènes d’atelier qui se multiplient et <strong>le</strong>s<br />

scènes de mœurs de la vie parisienne de nouveau très prisées. Les<br />

loisirs, <strong>le</strong>s jeux, <strong>le</strong>s animations de rue, <strong>le</strong>s jardins, <strong>le</strong>s cafés, <strong>le</strong>s<br />

sorties de théâtre, sont relatés avec réalisme et humanisme. el<strong>le</strong>s<br />

ne sont cependant pas de simp<strong>le</strong>s documents efficaces à l’étude <strong>des</strong><br />

mœurs comme on <strong>le</strong>s a longtemps considérées. il y a toujours dans<br />

<strong>le</strong> travail de Boilly ce regard qui se veut certes objectif mais qui<br />

surtout prend du recul, un regard qui pense avec son temps. dans<br />

L’Entrée du théâtre de l’Ambigu comique (1819) la composition et<br />

<strong>le</strong>s expressions sont à la mesure de ce qu’il représente : la véritab<strong>le</strong><br />

comédie humaine aux portes d’un théâtre populaire programmant<br />

<strong>des</strong> mélodrames alors très en vogue. La scène théâtra<strong>le</strong> se joue<br />

en réel devant nous et transcrit dans l’illusion cel<strong>le</strong>-là même que<br />

l’époque réclame.<br />

La période de la restauration (1814-1830) est hantée chez<br />

Boilly de ces sujets réalistes, <strong>des</strong> intérieurs de café aux scènes de<br />

déménagement, de distribution de vins... on y trouverait presque<br />

avant l’heure l’expression d’un Balzac. cela aurait pu poser la<br />

question de la modernité de Boilly. sûrement ne faut-il pas al<strong>le</strong>r<br />

trop vite en interprétation, faute d’indications sur <strong>le</strong>s réf<strong>le</strong>xions qui<br />

animent l’artiste à l’époque, et du manque de précisions sur <strong>le</strong>s<br />

influences dans <strong>le</strong>s cerc<strong>le</strong>s artistiques qu’il fréquente . cependant<br />

on peut souligner sans se tromper, la curiosité qui <strong>le</strong> motive, l’attrait<br />

indéniab<strong>le</strong> pour <strong>le</strong> réel et <strong>le</strong> présent et une certaine poésie dans la<br />

restitution ; une définition chère au romantisme d’un Baudelaire...<br />

il est diffici<strong>le</strong> en effet de saisir la démarche de Boilly. sa seu<strong>le</strong><br />

biographie écrite en 1898 par henri harisse est en adéquation avec<br />

l’époque, à savoir un artiste grandement ta<strong>le</strong>ntueux mais somme<br />

toute mineur puisque spécialisé dans la scène de genre. aujourd’hui<br />

où la hiérarchie n’a plus cours Boilly semb<strong>le</strong> retrouver la juste<br />

place qu’il mérite.<br />

Le xxe sièc<strong>le</strong> a su reconnaître en lui et au-delà de son histoire<br />

peu connue, la grandeur d’un peintre. c’est que certainement il<br />

résonne dans notre monde contemporain par l’intérêt du moment<br />

présent qui l’occupe et l’affirmation de l’actuel. il est avant tout<br />

un homme de son temps dont l’héritage persistant accompagne<br />

<strong>le</strong>s bou<strong>le</strong>versements et <strong>le</strong>s nouveautés de son époque, toujours à<br />

l’affût <strong>des</strong> avancées techniques , voulant préciser son regard et sa<br />

main au delà de toute idéologie.

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