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PROJET DOMINATION<br />

Tome 4<br />

APOCALYPSE<br />

Crédits<br />

Auteur : Philippe TESSIER


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

Introduction<br />

24 Avril 569<br />

Océan Atlantique<br />

Plaine abyssale de l’Angola<br />

- 5 690 mètres<br />

Vivre de la pêche aux crustacés ne s’avérait pas particulièrement difficile dans la région<br />

de l’Angola, même à six mille mètres de profondeur. Des centaines de petites cheminées<br />

naturelles réchauffaient l’eau sur plusieurs milles nautiques attirant ainsi dans cette oasis<br />

perdue dans les ténèbres toute une petite faune de créatures sous-marines. Les pêcheurs de la<br />

petite communauté d’Isanis exploitaient ce filon naturel et en tiraient une grande partie de<br />

leurs revenus.<br />

Depuis quelques heures, Vullion, avec deux camarades, ramassait ses casiers. Leur<br />

navire, posé sur le fond sablonneux à quelques mètres d’eux, illuminait d’une lueur bleutée le<br />

saisissant spectacle de cette forêt de cheminées pouvant atteindre quinze mètres de haut, d’où<br />

s’échappait une eau rendue grisâtre par les sulfures métalliques qu’elle contenait.<br />

Le jeune homme avait l’impression d’être un explorateur foulant le sol d’une lointaine<br />

planète hostile. Tout cela lui semblait irréel et sinistre. Fort heureusement, les « habitants » de<br />

cette « lointaine planète » ne comptaient que des petits crustacés inoffensifs, des anémones et<br />

des galathées. Les prédateurs étaient fort rares dans la région ; il n’y avait donc presque<br />

aucun risque de se retrouver nez à nez avec une araignée de mer géante ou un requin.<br />

Tout en sifflotant, le jeune pêcheur jeta un coup d’œil machinal aux informations qui<br />

s’affichaient sur sa visière puis il se pencha pour ramasser un casier et le vider dans le grand<br />

sac flottant qu’il tirait derrière lui. Un de ses compagnons apparut au détour d’une cheminée et<br />

lui fit signe de la main avant de disparaître derrière un obstacle.<br />

Vullion vérifia sa jauge à oxygène. Il lui restait encore une bonne heure devant lui. Son<br />

sac étant déjà presque plein, il regagnerait très certainement le bord avant l’expiration de ce<br />

délai. Il s’enfonça un peu plus profondément dans l’étrange forêt de pierre. Chacun de ses pas<br />

soulevait un petit nuage de sable noir tandis que les plus petits crustacés, d’une blancheur de<br />

craie, fuyaient ce mastodonte en armure de plongée.<br />

Soudain, son attention fut attirée par une sorte de flash au-dessus de sa tête. Il regarda<br />

vers le haut et scruta les ténèbres de l’océan… six kilomètres de noir absolu, six kilomètres<br />

d’eau. Il n’y avait rien d’autre à voir que l’obscurité. Vullion craignait que ce flash ne soit la<br />

première manifestation d’un problème respiratoire. Si ses yeux commençaient à lui jouer des<br />

tours, il lui fallait regagner le navire sans tarder.<br />

Il fit demi-tour et trébucha sur quelque chose recouvert par le sable. Il se pencha pour<br />

ramasser un morceau de métal. Qu’est-ce que ça faisait là ? Il vit un autre flash. Puis encore<br />

un autre.<br />

Cette fois, il en était sûr, il se passait quelque chose au-dessus de sa tête. Il vérifia le<br />

câble de communication qui le reliait au sous-marin et tenta de contacter son compagnon resté<br />

à bord.<br />

- Vosel, dit-il, tu peux me balancer un coup de sonar ? J’ai vu un truc bizarre… Vosel ?<br />

Vullion se mit à pester. Ce satané Vosel devait encore être en train de dormir au lieu de<br />

surveiller les instruments de bord. Cette fois-ci, il allait l’entendre.<br />

Le jeune pêcheur pressa le pas en direction du petit navire de pêche puis s’arrêta<br />

brusquement. Une lourde plaque de métal tombait lentement devant lui. Elle se posa sur le<br />

fond sablonneux en soulevant un nuage de poussière. Vullion attendit que le nuage se disperse<br />

un peu avant de s’approcher.<br />

Il souleva le lourd morceau d'épave et le retourna. Il était noirci mais le symbole gravé<br />

dessus restait parfaitement identifiable : c’était celui de l’Hégémonie !<br />

Que se passait-il donc là-haut ? se demanda-t-il en scrutant de nouveau les ténèbres de<br />

l’océan. Il vit une nouvelle fois une série d’éclairs déchirer l’obscurité puis il se mit à pleuvoir<br />

des morceaux de métal. Sur tout le champ de cheminées s’abattaient des débris de coque.<br />

Vullion sentit la peur l’envahir. Il fallait s’éloigner très rapidement de ce secteur. Il ne<br />

savait pas exactement de quoi il s'agissait mais il semblait évident qu’on se battait là-haut et<br />

qu’il devenait extrêmement dangereux de traîner dans le coin. Il se hâta vers le navire mais,<br />

juste avant qu’il n’y parvienne, une énorme masse métallique s’abattit sur le frêle esquif.<br />

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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

Le bateau de pêche fut pulvérisé en un instant. Vullion se retrouva plongé dans le noir<br />

absolu. Il resta là, immobile, ne sachant plus que faire. C’est alors que les restes d’un cuirassé<br />

hégémonien s’écrasèrent sur le champ de cheminées. Vullion n'eut même pas le temps de<br />

réaliser ce qui lui arrivait.<br />

*****<br />

25 Avril 569<br />

Océan Arctique<br />

Plaine abyssale de Barents<br />

Base Généticienne<br />

Dans les immenses installations sous-marines de Cyrull, tout était calme depuis des<br />

années, depuis que le maître des lieux avait rejoint ses frères les Patriarches. Mais au plus<br />

profond du complexe quelque chose se réveilla sur l’ordre de son créateur. Le complexe<br />

cérébral informatique prit acte de l’ordre mental de Cyrull.<br />

Des panneaux s’ouvrirent dans tous les recoins de la base, dévoilant d’étranges<br />

silhouettes humanoïdes sans traits, à la peau aussi lisse que du métal. Les silhouettes<br />

quittèrent leur réceptacle pour gagner leurs postes. Alors toute la station reprit vie. La lumière<br />

se déversa dans les coursives, les machines se remirent à bourdonner et les ateliers<br />

automatisés s’activèrent de nouveau.<br />

Dans une vaste salle circulaire, au cœur des installations, des sarcophages de verre<br />

s’ouvrirent lentement libérant ceux et celles qui y gisaient. Hommes et femmes ouvrirent les<br />

yeux avec peine. La première chose qu’ils ressentirent fut l’immense douleur qui les<br />

submergea comme un torrent furieux. Leur corps, trop longtemps endormi, les faisait<br />

terriblement souffrir. Il fallut attendre quelques minutes avant que les drogues fassent leur<br />

effet et qu’ils se sentent mieux.<br />

A peine avaient-ils retrouvé toutes leurs facultés que leur maître et créateur se rappela à<br />

leur bon souvenir. Sur leur rétine apparurent les détails de leur mission et le temps qui leur<br />

restait pour l’accomplir. Les hommes-minute n’avaient pas oublié ce que cela signifiait. Cyrull<br />

leur avait donné la vie mais il se livrait avec eux à un jeu macabre. Leur vie était une<br />

perpétuelle course contre la montre. Quand Cyrull voulait qu’ils accomplissent sa volonté, il<br />

leur donnait un certain temps pour s’exécuter. S’ils n’y parvenaient pas dans le temps imparti,<br />

ils mouraient. S’ils réussissaient, leur espérance de vie s’en trouvait prolongée. Cruel mais<br />

terriblement efficace. Les hommes-minutes se hâtèrent donc de rejoindre leur poste.<br />

Certains rejoignirent le chantier naval de la base, pour monter à bord du cuirassé<br />

Généticien Golem afin de le préparer au départ. Ils ignorèrent totalement la présence à bord<br />

des pauvres malheureux qui se faisaient appeler les Lions Rouges et qui attendaient là, depuis<br />

près de deux ans, que leur vénéré Empereur Guillaume, l’ordinateur de bord du navire, décide<br />

de leur sort.<br />

Les Lions Rouges formaient une communauté de pirates qui vivaient à bord du navire<br />

Généticien depuis des dizaines d’années. Jusqu’au réveil de Cyrull, ils avaient parcouru les<br />

mers pour piller et massacrer. Puis, soudain, sans qu’ils comprennent pourquoi, leur campagne<br />

de terreur avait pris fin. Le navire leur avait fourni de quoi se nourrir et jamais ils ne s’étaient<br />

doutés qu’ils ne parcouraient plus les océans mais qu’ils se trouvaient en cale sèche dans une<br />

base secrète.<br />

Quand ils virent arriver les premiers hommes-minute, ils pensèrent d’abord que le navire<br />

avait été arraisonné mais, bien vite, l’ordinateur leur annonça qu’il s’agissait d’alliés et que<br />

bientôt, ils allaient pouvoir reprendre la mer. La nouvelle fut accueillie avec joie. Les pirates se<br />

sentirent revivre. Ils étaient de nouveau prêts au combat et constituaient pour l’Empereur<br />

Guillaume, qui les avait "élevés" comme des animaux de laboratoire, une réserve de<br />

combattants bon marché.<br />

Et des soldats, il en aurait besoin. Les ordres de Cyrull ne laissaient planer aucun doute.<br />

La guerre avait embrasé les fonds marins et bientôt le Golem allait pouvoir semer la mort et la<br />

destruction au sein des flottes ennemies.<br />

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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

CHAPITRE 1<br />

S’il est une chose dont la Ligue Rouge n’est pas dépourvue c’est bien la débrouillardise.<br />

Alors qu’elle n’a jamais disposé d’une puissance susceptible de rivaliser avec celle de<br />

l’Hégémonie, elle a toujours réussi à tenir en échec la nation des patriarches en recourant à<br />

l’audace, la ruse et à des stratégies que beaucoup auraient considérées comme stupides et<br />

suicidaires.<br />

- Archiviste de Premier Rang Victor Selzman<br />

25 Avril 569<br />

Océan Atlantique<br />

Flotte amirale hégémonienne<br />

A bord de l’Atlantis<br />

Au cœur de l’immense forteresse mobile Atlantis, le Haut-Amiral Viramis examinait avec<br />

une certaine inquiétude les derniers rapports parvenus au centre de commandement<br />

stratégique. Avec ses conseillers, il n’avait presque pas quitté cette vaste pièce circulaire où<br />

tout ce qui se passait dans le monde faisait l’objet d’une analyse approfondie. Des dizaines de<br />

techniciens mettaient à jour minute après minute les écrans stratégiques couvrant les murs,<br />

tandis qu’au centre de la pièce toutes ces informations étaient rassemblées sur la carte globale<br />

des fonds-marins. Viramis et ses conseillers commentaient chaque nouvelle information et<br />

envisageaient toutes les stratégies possibles pour reprendre le contrôle de la situation.<br />

- Anéanties ! murmura le Haut-Amiral. Il ne reste plus rien de la troisième et de la<br />

huitième flotte.<br />

Il regardait un point rouge clignotant dans la région de la Plaine Abyssale de l’Angola.<br />

- Les deux flottes étaient sérieusement affaiblies par le combat qui les avait opposées,<br />

Votre Altesse, commenta un officier. Le seul point positif, c’est que l’armada républicaine a subi<br />

également de sérieuses pertes et que sa progression a été enrayée. Nous sommes désormais<br />

en mesure de l’intercepter.<br />

Viramis haussa un sourcil. Depuis que l’amiral Ulyr avait accepté une trêve, le Haut-<br />

Amiral commandait une des plus grandes armadas sous-marines de l’Histoire. Elle seule<br />

pouvait avoir une chance d’arrêter le rouleau compresseur républicain.<br />

Depuis que la guerre avait éclaté, la situation progressait en faveur de la République du<br />

Corail. La Nouvelle Lémurie avait été la première à tomber, suivie peu après par Rodhia et la<br />

Fédération du Cap. Les légions de Conscience contrôlaient presque tout le Pacifique, à<br />

l’exception des Royaumes pirates qui résistaient encore mais pour combien de temps ?<br />

L’Alliance Polaire ayant déclaré sa neutralité, il ne fallait pas compter sur ses navires pour<br />

menacer les coralliens sur leur frontière nord.<br />

L’océan Indien était entièrement sous la domination des alliés de Conscience, les Etats du<br />

Rift et le Royaume de l’Indus. Ces derniers harcelaient l’Union Méditerranéenne qui ne pouvait<br />

en aucun cas apporter son soutien aux troupes hégémoniennes. Elle avait déjà dû rappeler sa<br />

flotte envoyée au secours d’Equinoxe qui fort heureusement avait repoussé l’agresseur.<br />

Viramis savait qu’il lui fallait à tout prix vaincre l’armada corallienne qui menaçait la<br />

frontière sud-est de l’Hégémonie. Mais, même s’il y parvenait, que resterait-il de sa nation<br />

après cette guerre ? L’Hégémonie se désintégrait. Dans chaque province régnait le chaos.<br />

Entre les mouvements indépendantistes, la désinformation, les attentats terroristes et les<br />

sabotages, le pays perdait peu à peu toute sa capacité de production. A Keryss, un naviresuicide<br />

avait sérieusement endommagé le plus grand chantier naval de la capitale. A Rauxe,<br />

qui contrôlait le Passage de Panama, on s’apprêtait à subir les assauts d’une gigantesque flotte<br />

corallienne qui avait fondu sur la Ligue Rouge. La Ligue… les hégémoniens n’avaient que des<br />

informations fragmentaires sur ce qui se passait là-bas. Et ces informations étaient<br />

terriblement inquiétantes. On parlait d’une explosion nucléaire sous-marine ayant anéanti<br />

presque toute une province, on parlait d’un débarquement des troupes de Conscience sur les<br />

terres de surface contrôlées par la Ligue.<br />

- Veuillez m’excuser, Votre Seigneurie, dit un aide de camp. La délégation de la Ligue<br />

Rouge vient d’arriver.<br />

Le Haut-Amiral salua de la tête les trois hommes qui venaient d’entrer. Il était plus<br />

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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

qu’étrange de voir à bord de l’Atlantis des officiers de ce pays que tout le monde considérait<br />

comme l’ennemi héréditaire des hégémoniens.<br />

Les délégués de la Ligue s'inclinèrent brièvement et, sans perdre plus de temps, leur<br />

porte-parole fit un résumé rapide de la situation.<br />

- La province de Parasema est tombée et celle de Carnégie connaît de sérieuses<br />

difficultés, ce qui fait courir un réel péril à votre cité-frontière de Rauxe. L’ennemi a également<br />

pu faire débarquer des troupes en surface et menace directement nos installations<br />

industrielles. D’après nos services de renseignement, les coralliens prépareraient une vaste<br />

offensive sur les terres émergées d’Amérique du Nord. Leur objectif n’est autre que le centre<br />

spatial. Ils veulent couper les vivres à l’Alliance Orbitale.<br />

- Qui a commencé à bombarder l’Australie, précisa un officier hégémonien.<br />

- Sans grand résultat, malheureusement, ajouta le délégué de la Ligue. Il semble que les<br />

coralliens disposent de batteries anti-missiles très performantes et de puissants boucliers antibombardements.<br />

Les satellites militaires situés en orbite basse ont presque tous été détruits<br />

au-dessus de l’Australie et toute frappe nucléaire est impossible. Cependant…<br />

Le délégué marqua un temps d’arrêt en regardant les hégémoniens les uns après les<br />

autres.<br />

- L’Empire du Corail tire toute sa puissance d’Oracle et, tant que nous ne parviendrons<br />

pas à neutraliser le dépôt, l’ennemi disposera d’arsenaux capables de produire des navires de<br />

combat beaucoup plus rapidement que nous, sans parler des merveilles technologiques qui s’y<br />

trouvent. Le seul espoir que nous ayons de contrecarrer les plans des coralliens est de détruire<br />

Oracle...<br />

- Détruire Oracle ? s'effara, incrédule, un des officiers hégémoniens. Détruire tous les<br />

secrets qu’il renferme ?<br />

- Je ne vois aucune autre solution, répondit le représentant de la Ligue. Avec Oracle,<br />

notre ennemi commun dispose d’un potentiel militaire contre lequel il est vain de vouloir lutter.<br />

Il nous faut renoncer aux merveilles d’Oracle si nous voulons espérer survivre.<br />

- Imaginons que nous acceptions votre point de vue, reprit l’officier hégémonien,<br />

comment diable parvenir à détruire une base aussi gigantesque ?<br />

Le représentant de la Ligue fit un signe à son aide de camp qui posa devant lui une petite<br />

mallette. Une image holographique d’un immense complexe apparut au-dessus lorsqu'il<br />

l'ouvrit.<br />

- Ce document a été découvert il y a plusieurs années dans un petit dépôt Généticien.<br />

Nous pensons qu’il a été réalisé à l’époque de la guerre entre les Généticiens et l’Alliance Azur.<br />

Oracle est constitué de quatre arsenaux entièrement automatisés, reliés à une base centrale<br />

qui leur fournit la quantité colossale d’énergie dont ils ont besoin pour fonctionner. Cette base<br />

est située sous les Monts Macdonnell, à l’abri du bouclier atmosphérique. La base s’enfonce à<br />

plusieurs centaines de mètres sous terre et commande d’énormes dispositifs de collecte et<br />

d’accumulation d’énergie installés au plus profond des entrailles de la terre. Ces dispositifs<br />

utilisent une réserve d’énergie inépuisable: le noyau terrestre. Notre plan consiste à dépêcher<br />

sur place un commando d'hommes bien entraînés afin de détruire le cœur du complexe et de<br />

provoquer une réaction en chaîne qui anéantira Oracle.<br />

Les hégémoniens se regardèrent, incrédules. Le Haut-Amiral était songeur. Une telle<br />

entreprise lui paraissait totalement insensée.<br />

- Comment voulez-vous envoyer des hommes là-bas ? dit-il. Tous nos commandos ont<br />

échoué. Il nous est impossible d’approcher des Monts Macdonnell, que ce soit par voie<br />

aérienne ou par voie terrestre. Pour réussir, il faudrait faire débarquer en Australie une armée<br />

d’invasion, ce qui est totalement impossible. Et, quand bien même nous réussirions, comment<br />

un petit groupe de commandos pourrait-il parvenir à pénétrer dans les installations<br />

souterraines pour détruire la base ?<br />

- Les plans découverts dans le dépôt Généticien étaient certainement destinés à préparer<br />

une attaque contre Oracle. Ils nous ont permis de déceler le point faible du complexe. Les<br />

hommes n’auront pas besoin d’y entrer. Leur mission serait de détruire les installations<br />

antimissiles, en surface. Une fois ceci accompli les satellites de l’Alliance Orbitale pourront<br />

procéder à une frappe grâce à des missiles thermonucléaires à têtes multiples, conçus pour<br />

atteindre des cibles profondément enfouies.<br />

- Des missiles gigognes ? demanda un officier.<br />

- Effectivement, confirma l’agent de la Ligue. Quatre têtes nucléaires de trente<br />

mégatonnes frappant le même point à quelques secondes d’intervalle. Couplées à des<br />

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perforateurs, elles peuvent atteindre des bunkers enterrés très profondément.<br />

- Et comment amènerez-vous suffisamment de commandos sur place pour détruire les<br />

installations antimissiles, s'enquit Viramis ?<br />

- C’est là que l’Alliance Orbitale va nous être d’un grand secours, répondit le délégué de<br />

la Ligue. Cela fait quelques années que les ingénieurs des stations orbitales travaillent sur des<br />

possibilités d’interventions terrestres sans avoir recours aux navettes spatiales. Leur idée est<br />

de déployer des « grappes » d'hommes en haute atmosphère, dans des espèces de cocons de<br />

protection, puis de les larguer sur terre. A une altitude donnée, les cocons s’ouvrent libérant<br />

les groupes de soldats qui freinent leur chute grâce à des retrofusées spéciales. Cette<br />

technique, bien qu’elle n’ait jamais été testée, serait opérationnelle et l’Alliance Orbitale serait<br />

en mesure de larguer quelques centaines de commandos juste au-dessus des Monts<br />

Macdonnell.<br />

- Cela me paraît très risqué et plus qu’incertain, déclara Viramis.<br />

- Mais quel autre choix avons-nous ? rétorqua le représentant de la Ligue. Nos flottes ne<br />

tiendront guère longtemps contre la machine de guerre républicaine.<br />

Le Haut Amiral lança un coup d'œil interrogateur à ses conseillers. Tous regardaient avec<br />

attention la projection holographique qui passait et repassait, en boucle, une simulation<br />

d’attaque nucléaire contre le dépôt Oracle. Dans la salle, chacun semblait plongé dans un<br />

abîme de perplexité et personne ne montrait un enthousiasme délirant mais ils hochèrent la<br />

tête à tour de rôle.<br />

- Poursuivez, reprit Viramis à l’attention de l’officier de la Ligue.<br />

Celui-ci, avec un petit air satisfait, demanda à son aide de camp de refermer la mallette<br />

pour lui laisser la possibilité d'illustrer son plan sur la carte stratégique des fonds marins.<br />

- L’assaut orbital n’est possible qu’à deux conditions. Tout d’abord l’ennemi doit être<br />

totalement pris au dépourvu. Ce qui implique un secret absolu mais aussi le lancement de<br />

plusieurs opérations de diversion. Ensuite, il nous faut parvenir à effectuer des attaques<br />

aériennes en Australie pour neutraliser, ou seulement éloigner, les avions de la République des<br />

Monts Macdonnell. La Ligue dispose de quelques sous-marins porte-avions et, si je ne<br />

m’abuse, l’Hégémonie également…<br />

L’officier de la Ligue marqua une pause et jeta un regard interrogateur au Haut Amiral.<br />

Ce dernier acquiesça.<br />

- Il nous faut donc permettre à ces engins de se rapprocher suffisamment des côtes<br />

australiennes pour pouvoir lancer des raids. Cette action doit s’accompagner de trois offensives<br />

majeures contre les trois principales flottes républicaines ici, ici et ici.<br />

Il indiquait sur la carte stratégique la région de Panama, celle du Golfe de Guinée et celle<br />

du Cap Horn.<br />

- La flotte amirale républicaine se trouve dans le Golfe de Guinée et fait route vers les<br />

Canaries. Il vous faudra la stopper coûte que coûte. Nous tenterons, avec vos troupes de<br />

Rauxe et avec l’aide de pirates, de repousser la flotte de Panama. Quant à celle du Cap Horn,<br />

je n’ai encore aucune solution à vous proposer. Nos navires et les vôtres présents dans la<br />

région ne peuvent espérer lutter contre un ennemi bien supérieur en nombre. Peut-être<br />

pourrions-nous faire appel à des mercenaires et à des corsaires pour…<br />

Viramis écoutait attentivement l’officier de la Ligue livrer tous les détails de son plan.<br />

Mais il ne pensait qu’à une seule chose : que ce plan soit couronné de succès ou non, qu’allaitil<br />

rester de ce monde après le conflit ? Qu’allait-il rester de son pays ?<br />

*****<br />

Tous les équipages des navires se rendant sur Cerberea, la capitale de la nationmercenaire<br />

de Légion située le long de la côte ouest de l’Amérique du Nord, étaient depuis<br />

longtemps habitués à la vue impressionnante des centaines de navires de guerre de toutes<br />

nations et de toutes obédiences gravitant autour des principales installations. Diplomates,<br />

pirates, contrebandiers, représentants de grandes sociétés, tout le monde venait sur Cerberea<br />

pour engager des troupes mercenaires, que ce soient celles de Légion ou d’autres. L’Amiral<br />

Valérius, le chef incontesté de cette organisation, se voulait d’une totale neutralité et avait<br />

ouvert ses portes à tous ceux qui le désiraient. Sur Cerberea, aucun conflit n’était toléré, tous<br />

y avaient les mêmes droits et les mêmes devoirs.<br />

Mais, en ces temps troublés, il était assez étrange d’apercevoir un bâtiment diplomatique<br />

de la République du Corail côtoyer des navires hégémoniens ou ceux de la Ligue. Pourtant ce<br />

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n’était pas ça que remarquaient en premier les nouveaux arrivants mais plutôt l’énorme masse<br />

du vaisseau sous-marin le plus célèbre au monde : l’Argonaute.<br />

De mémoire de mercenaire, jamais le corsaire Telkran Raljik ne s’était rendu sur<br />

Cerberea bien qu'on raconte que Valérius le connaissait bien.<br />

Kmar, encadré de ses gardes du corps, se frayait un chemin à travers la foule de<br />

représentants et de mercenaires qui se pressait dans la zone commerciale de la station. Depuis<br />

le début du conflit, jamais Cerberea n’avait connu une telle activité. Les contrats se<br />

négociaient à prix d’or. On faisait affaire dans les bars, dans les salles prévues à cet effet et<br />

même dans les coursives quand on manquait de place. Le nouveau capitaine de l’Argonaute<br />

venait également recruter des hommes mais pas n’importe lesquels. Il lui fallait les meilleurs, il<br />

lui fallait Légion.<br />

Il arriva au centre du complexe qui abritait les bureaux de Valérius. C’était un grand<br />

édifice circulaire bordé de statues impressionnantes représentant des guerriers antiques.<br />

Valérius les avait fait ramener d’un site englouti en mer Méditerranée. Les membres des<br />

services de sécurité gardant l’accès du saint des saints de l’organisation mercenaire n’avaient<br />

rien d’enfants de chœur et ils n’étaient pas hommes à se laisser impressionner. Pourtant,<br />

quand Kmar et ses hommes se présentèrent, ils les firent entrer sans poser de questions et<br />

sans prendre la peine de leur retirer leurs armes.<br />

L’antichambre donnant sur les appartements de Valérius était plus vaste que la plupart<br />

des salons diplomatiques. Tout y était prévu pour le confort des hôtes de marque. Un bar, des<br />

divans, de quoi manger et des femmes d’une rare beauté pour faire le service. Mais Kmar ne<br />

prêta aucune attention à tout ce luxe. D'un geste de la main, il renvoya la servante qui<br />

s’approchait de lui et préféra rester debout face à la porte donnant sur le bureau du maître des<br />

lieux.<br />

Il n’attendit pas plus de quelques minutes avant que les battants ne s’ouvrent et cèdent<br />

la place à deux officiers de la République du Corail. Kmar fronça les sourcils tandis que ses<br />

gardes du corps dégainaient leurs armes pour mettre en joue ces représentants de l’ennemi.<br />

- Du calme, dit une voix provenant de derrière les émissaires de Conscience.<br />

Kmar fit un signe à ses gardes qui rengainèrent leurs armes. Les agents du Corail se<br />

détendirent et quittèrent la salle sans perdre de temps.<br />

- Je vous rappelle, messieurs, que vous êtes dans une zone neutre et que toute personne<br />

se trouvant sur ma station est sous ma protection.<br />

Valérius apparut sur le pas de la porte et fit signe à Kmar d’entrer.<br />

- Il faut excuser mes hommes, répondit le capitaine de l’Argonaute. Ces dernières<br />

semaines ont été quelque peu tendues.<br />

Le bureau de Valérius était à l’image de l’antichambre mais en beaucoup plus grand et en<br />

plus luxueux. Kmar s’installa confortablement dans un fauteuil de cuir tandis que le maître de<br />

Légion faisait de même derrière son bureau. Une servante lui offrit du vin et un cigare puis<br />

quitta la salle.<br />

Valérius était un vieux loup de mer d’une soixantaine d’années. Avec ses courts cheveux<br />

grisonnants, ses cicatrices et son bandeau sur l’œil gauche, il évoquait plus un pirate qu’un<br />

homme d’affaires.<br />

- J’ai besoin de tes hommes, dit Kmar sans perdre de temps en vains discours. Il me faut<br />

toute ta légion pour repousser la flotte républicaine du Cap Horn.<br />

Valérius se saisit d’un cigare et se cala dans son fauteuil.<br />

- Et les républicains veulent ma légion pour établir un ordre nouveau, la Ligue veut mes<br />

troupes pour repousser la flotte du Pacifique tandis que le hégémoniens sont prêts à me<br />

couvrir d’or pour renforcer leurs flottes de l’Atlantique. Je ne parle même pas des polariens qui<br />

veulent que j’assure la protection de leur frontière sud et des dizaines de petites nations qui<br />

sont prêtes à me donner tout ce qu’elles possèdent. Que m’offres-tu, toi ?<br />

- Je n’ai rien à te proposer. Les républicains ont détruit la plupart de nos installations. Il<br />

ne nous reste que notre base de Bellingshausen mais elle ne résistera pas à l’assaut des<br />

troupes de Conscience.<br />

- C’est bien maigre comme proposition et bien inférieure aux autres offres. Les<br />

républicains sont généreux…<br />

- Si tu traites avec ces gens-là, ils te détruiront. Un jour ou l’autre, ils se débarrasseront<br />

de toi. Tu ne peux plus rester neutre dans cette affaire, Valérius. Soit tu acceptes la<br />

domination sans partage de Conscience, soit tu te bats contre elle.<br />

- C’est bien ce que j’ai l’intention de faire, rassure-toi. Les deux émissaires que tu as<br />

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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

croisés ne faisaient pas partie de l’Etat-major de Conscience mais des troupes libres de la<br />

République. D’ailleurs, ce nouvel « Empire du Corail » n’a pas daigné solliciter mon aide… on<br />

m’a fait parvenir un ultimatum. Le choix était clair, placer mes troupes sous le commandement<br />

corallien ou mourir. Quatre-vingt-huit de mes meilleurs hommes ont été tués quand ils ont<br />

tenté de quitter la République où ils étaient sous contrat. Légion est à toi Kmar.<br />

- J’ai besoin d’une autre information. Où se trouve Telkran ?<br />

Valérius fit la grimace. Il se leva et se planta devant un vieux tableau tout délavé et<br />

abîmé.<br />

- Telkran ne veut pas être retrouvé… et tu sais pourquoi.<br />

- Il est le seul à pouvoir commander les navires de l’Alliance Azur et nous en avons<br />

désespérément besoin contre Conscience.<br />

- Tu sais ce qui peut se passer si tu redonnes le commandement de l’Argonaute à<br />

Telkran ? Avons-nous le droit de courir le risque de laisser à la barre d’un des plus puissants<br />

navires de guerre sous-marins un fou rongé de haine et de douleur ? Telkran, lui, estime que<br />

c’est trop dangereux.<br />

- Ce qui est dangereux pour l’instant, répondit Kmar, c’est de laisser Conscience balayer<br />

tout sur son passage. Si nous ne faisons pas tout ce qui est en notre pouvoir pour contrer les<br />

plans des républicains, le monde n’aura plus jamais à craindre Telkran Raljik car il ne restera<br />

plus grand-chose de ce monde.<br />

Valérius baissa la tête.<br />

- Il est sur Carion !<br />

Kmar resta bouche bée.<br />

- Sur la station des pestiférés ?<br />

- Comme la communauté était placée en quarantaine par les Veilleurs, il pensait qu’il ne<br />

pourrait jamais en sortir vivant. Le problème, c’est que plus personne ne surveille la station et<br />

qu’on y aurait même aperçu des pirates de la Confrérie des Pestiférés.<br />

*****<br />

Sur la passerelle de l’Argonaute, Kmar regardait s’éloigner la station Cerberea. Plusieurs<br />

autres navires de la République du Corail étaient arrivés mais il remarqua que des drones et<br />

des plongeurs qui nageaient le long de leurs flancs et changeaient leurs écussons. Le signal<br />

sonar les identifiant comme des bâtiments Coralliens avait également été sensiblement<br />

modifié. Des amiraux avaient donc pu échapper à l’emprise de Conscience. Cela rassura Kmar.<br />

Il était possible de résister à la nouvelle maîtresse du Corail, elle n'était pas toute puissante.<br />

Le capitaine rejoignit son fauteuil de commandement. L’Argonaute faisait maintenant<br />

route vers Carion. Kmar devait à tout prix convaincre Telkran de reprendre le commandement<br />

de son navire. Et ce, quelles qu’en soient les conséquences…<br />

*****<br />

Seuil de Rockall<br />

Cité neutre d’Equinoxe<br />

Assise sur le bord du lit, Lana ne leva pas la tête quand Silverg entra dans la chambre.<br />

Elle se sentait désemparée. Tout son univers s'était écroulé autour d'elle et elle ne savait plus<br />

qui elle était.<br />

- Qu'est-ce que les médecins ont dit ? demanda l'officier Veilleur.<br />

Lana s'enfouit la tête dans les mains et se mit à pleurer. Silverg s'assit à côté d'elle et la<br />

prit dans ses bras.<br />

- Ils ont dit que ça dépassait leurs compétences, parvint à bredouiller la jeune femme<br />

entre deux sanglots. Ils ont dit qu'ils n'avaient jamais vu ça de leur vie et que quelqu'un, sur<br />

une station spatiale, avait dû modifier mon organisme.<br />

Elle parvint à se reprendre. Elle se redressa et essuya ses larmes.<br />

- Ils m'ont parlé de cellules modifiées, de réseau moléculaire d'une incroyable<br />

complexité, de nano-sondes et d'autres choses auxquelles je n'ai rien compris. J'en ai entendu<br />

murmurer que j'étais plus une machine qu'un être humain !<br />

Silverg ne savait pas quoi dire pour la réconforter. Sernea lui avait raconté ce qui s'était<br />

passé avec les agents de Fragment. Il ne faisait aucun doute que Lana était bien plus qu'un<br />

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simple être humain.<br />

- Ces hommes que vous avez tués pendant la bataille....<br />

- Je ne voulais pas, l'interrompit Lana pour se défendre, je ne sais même pas ce qui s'est<br />

passé.<br />

- Je ne vous blâme pas de les avoir tués, s'expliqua Silverg, je veux juste savoir si vous<br />

vous rappelez comment vous l'avez fait.<br />

- Je... je ne sais pas vraiment, bredouilla la jeune femme. J'ai... j'ai eu l'impression de<br />

connaître tout de leur organisme, comme s'ils étaient de simples pelotes de laine et que je<br />

savais sur quel fil tirer pour qu'ils se défassent. C'est comme si j'avais eu la clef de leur<br />

structure génétique et que je n'ai eu qu'à la tournée pour les détruire !<br />

CHAPITRE 2<br />

Le premier contact entre les humains et les foreurs fut le résultat des efforts d’une<br />

célèbre rebelle hégémonienne : Telma Tiltane. Elle fut invitée au cœur d’une de leurs grandes<br />

cités souterraines et découvrit que leur civilisation ne se limitait pas à quelques tribus de<br />

créatures sauvages. Elle s’aperçut aussi qu'humains et foreurs avaient beaucoup plus en<br />

commun qu’on ne le pensait.<br />

- Archiviste de Premier Rang Victor Selzman<br />

2 Mai 569<br />

Ancienne Australie<br />

Monts Macdonnell<br />

A « vol d’oiseau », la distance entre les contreforts des Monts Macdonnel et la base<br />

Oracle n’excédait pas une centaine de kilomètres, distance qui, en temps normal, aurait pu<br />

être parcourue en une dizaine de jours. Mais, sous terre, la progression était beaucoup plus<br />

lente et surtout il n’y avait pas de passage menant directement à Oracle. Il fallait<br />

constamment faire des détours, s’enfoncer de plusieurs centaines de mètres puis remonter.<br />

Certains passages étaient tellement difficiles à franchir que cela prenait des heures pour<br />

parcourir quelques dizaines de mètres. Les seuls qui semblaient à l’aise dans ce dédale<br />

souterrain étaient les quatre foreurs qui accompagnaient Travis, Meya, Racken, les six<br />

commandos hégémoniens ainsi que le général Vesten et ses hommes.<br />

Le chef des foreurs, Soltgar, marchait en tête de l’expédition et, malgré sa masse<br />

impressionnante, il se déplaçait avec une étonnante agilité. Travis n’avait jamais vu d’aussi<br />

près un des membres de cette mystérieuse race souterraine. Jusqu’alors, il les avait toujours<br />

considérés comme des monstres sans cervelle, des bêtes assoiffées de sang qui ne songeaient<br />

qu’à exterminer la race humaine. Aujourd’hui, il découvrait en Soltgar un individu jovial, cultivé<br />

et bien plus sensible qu’il ne l’aurait imaginé. Quand le groupe s’arrêtait pour faire une pause<br />

de quelques heures, le foreur se montrait attentionné comme un père enseignant à de jeunes<br />

enfants l’art de survivre dans ce milieu hostile. Il semblait d’ailleurs évident que ces êtres<br />

considéraient les humains qui les accompagnaient comme des créatures fragiles qui, sans leur<br />

protection, ne feraient pas de vieux os dans leur royaume. Ils n’avaient pas tout à fait tort.<br />

Soltgar leur avait évité tellement de dangers dus à la nature elle-même ou à de redoutables<br />

prédateurs, que, sans lui, il aurait été impossible d’atteindre Oracle. C’est dire qu’au moindre<br />

signe de nervosité de sa part, tout le monde craignait le pire. Or, justement, depuis quelque<br />

temps Soltgar se montrait nerveux.<br />

Toute l’équipe venait de pénétrer dans une vaste caverne dont on ne pouvait distinguer<br />

les contours malgré l’éclairage de leurs lampes. Une voûte d’un peu moins de quatre mètres de<br />

haut, une forêt de stalactites et de stalagmites à perte de vue et d’inquiétants échos rendaient<br />

cet endroit particulièrement angoissant. Les membres de l’expédition jetaient tous des regards<br />

inquiets dans toutes les directions pour tenter de percer les ténèbres et d’y déceler un danger<br />

potentiel. Les foreurs, eux-mêmes, ne semblaient pas apprécier du tout cet environnement.<br />

Leur pouvoir de détection par écho-sonar était partiellement neutralisé par les nombreux<br />

obstacles que constituaient les formations calcaires.<br />

Soudain Soltgar s’immobilisa et, d'un signe de la main, enjoignit ses compagnons d’en<br />

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faire autant. Son énorme main se crispa sur la poignée de la masse gigantesque qu’il portait à<br />

la ceinture. Il semblait flairer l’atmosphère. Le silence de mort qui régnait ici était presque<br />

oppressant et chacun n’entendait que le bruit de son propre cœur qui battait de plus en plus<br />

fort. Puis on perçut le son d’un ruissellement d’eau sur la pierre et d’une chose raclant la<br />

surface lisse de la roche.<br />

Les membres du groupe n’eurent pas besoin que les foreurs leur fassent un dessin. Ils se<br />

mirent en cercle et dégainèrent leurs armes. Soltgar fit signe au commando hégémonien<br />

équipé du lance-flammes et lui désigna une direction. Le soldat hocha la tête et libéra un jet<br />

ardent vers le rideau de ténèbres que lui montrait le foreur.<br />

La langue de feu se déversa comme un torrent, enflammant tout sur son passage. Et<br />

c’est alors qu’ils découvrirent ce qui glissait dans leur direction. C’était énorme… une sorte de<br />

masse grouillante de tentacules et de gueules monstrueuses qui se tordaient dans tous les<br />

sens et qui s’étalaient sur des dizaines de mètres. Le feu ne semblait pas trop faire souffrir la<br />

chose mais la lumière l'incommodait manifestement. Ses monstrueuses bouches jaillirent de<br />

son corps et s’élancèrent vers ses agresseurs tandis que ses tentacules s’agrippaient aux<br />

formations calcaires pour se propulser en avant. L’horreur se traînait vers ses proies.<br />

- Fuyez ! hurla Soltgar avant d’abattre sa masse sur une gueule qui plongeait vers lui.<br />

Un des hommes de Vesten n’eut pas le temps de réagir. Une mâchoire lui engloutit toute<br />

la tête. Il fut arraché du sol comme une vulgaire poupée et entraîné vers l’immonde masse par<br />

le tentacule qui se rétractait.<br />

- Impossible de lutter contre ça ! cria Soltgar.<br />

Ce fut comme un signal pour tous les membres du groupe qui se mirent à courir droit<br />

devant eux sans savoir où ils allaient. Ceux qui osaient se retourner pour lâcher une rafale<br />

d’arme automatique ou un trait de feu voyaient les appendices monstrueux de la chose se<br />

détendre dans leur direction comme des serpents. Ils abandonnèrent très vite l’idée de venir à<br />

bout de ce monstre grotesque. Quand ils détruisaient une tête, dix prenaient sa place.<br />

Soltgar courait en tête pour essayer de repérer un passage que la créature ne pourrait<br />

emprunter. Il réussit à découvrir une étroite corniche qui longeait un précipice. C’était leur seul<br />

espoir. Jamais une chose de cette taille ne pourrait les y suivre. Il s’engagea sur l’étroite bande<br />

de pierre et hurla aux autres de l’y rejoindre. Un par un les membres de l’expédition réussirent<br />

à gagner l’abri de fortune malgré la confusion et l’affolement général, malgré le vacarme<br />

assourdissant des hurlements de la bête et le manque d’éclairage. Le groupe resta un long<br />

moment silencieux. Chacun s’appliquait à rejoindre l’autre côté du précipice en faisant<br />

attention de ne pas glisser. Les cris rageurs du monstre avaient doublé d’intensité et on<br />

n’entendait plus rien d’autre dans la caverne.<br />

Tandis que les foreurs inspectaient le côté du précipice qu'ils avaient enfin atteint pour<br />

s’assurer qu’il n’y avait plus de danger, les autres membres de l’expédition se laissèrent<br />

tomber à terre pour reprendre leur souffle. Seul, le chef des commandos hégémoniens restait<br />

debout, le regard rivé sur la corniche.<br />

- Fédrick ? répétait-il dans son communicateur. Fédrick, réponds !<br />

Vesten se leva pour aller le rejoindre. Le visage d’ordinaire impassible de Sanadack<br />

trahissait maintenant une grande inquiétude.<br />

- Un problème ? demanda Vesten.<br />

- Un de mes hommes manque à l’appel, répondit sèchement le commando.<br />

- La chose l’a peut-être eu, déplora Vesten. Elle a dévoré quatre des miens.<br />

L’hégémonien secoua négativement la tête.<br />

- Il m’a signalé par communicateur qu’il s’était engagé sur la corniche. La créature<br />

n’aurait pas pu l’attraper à cet endroit.<br />

Tous les membres de l’expédition s’étaient maintenant relevés pour s’approcher des deux<br />

hommes.<br />

- Il a peut-être glissé ? souffla Travis.<br />

Le chef des commandos se contenta de lui lancer un regard noir sans autre commentaire.<br />

Travis se rendit compte de la stupidité de cette supposition. Un commando surentraîné ne<br />

glissait pas, surtout s’il était équipé d’une armure de combat dotée d’un stabilisateur.<br />

- Je vais aller voir ce qui s’est passé, se contenta de dire Sanadack.<br />

- Nous vous attendrons ici, ajouta Vesten.<br />

Sanadack et deux de ses hommes disparurent dans les ténèbres. Le reste de l’équipe<br />

resta silencieux mais certains regards furent échangés, des regards emplis de méfiance.<br />

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Une heure plus tard, les hégémoniens rejoignirent enfin le campement de fortune.<br />

Sanadack ne prononça pas une parole mais l'un de ses hommes renseigna les autres. Ils<br />

n’avaient rien trouvé, pas un seul indice, et il leur avait été impossible de descendre le long de<br />

la fosse pour savoir si le disparu était « tombé ».<br />

Dès que les foreurs furent revenus le petit groupe se remit en marche sans un mot. Les<br />

hégémoniens dévisageaient Travis mais ce dernier ne semblait pas y prêter la moindre<br />

attention. Il réfléchissait. Il essayait de se rappeler quelles personnes se trouvaient près de<br />

l’hégémonien disparu quand ils avaient fui la créature.<br />

*****<br />

Conscience souriait. Les paupières closes, elle regardait par les yeux de quelqu’un<br />

d’autre. Elle voyait une corniche, elle percevait la confusion, elle sentait la peur. Il y avait<br />

derrière elle un de ces mystérieux commandos hégémoniens. Un homme que son hôte n’avait<br />

pas cessé de surveiller car il y avait là une opportunité à saisir pour se débarrasser d’un des<br />

ces gêneurs. Il s’était engagé sur la corniche et s’était retourné pour tirer sur le monstre des<br />

profondeurs. Il tournait le dos à l'hôte de Conscience ce qui lui ôtait toute chance de voir venir<br />

l’attaque. Une main lui arracha son communicateur de la tête tandis que l'autre le poussait<br />

dans le vide. Le commando tenta bien de reprendre son équilibre grâce à ses stabilisateurs<br />

mais un violent coup de pied dans la poitrine lui ôta cet espoir. Conscience souriait. Elle était<br />

satisfaite de son esclave.<br />

*****<br />

Tout avait pourtant bien commencé ! Entre deux assauts des gardes coralliens, Varag<br />

déversait un torrent d’injures destinées aux troupes de Conscience, à ses camarades, à luimême<br />

et à la vie en général. Il leur avait fallu plus de trois semaines de patience avant de<br />

pouvoir mettre en œuvre leur plan d’évasion, trois semaines pour se retrouver bêtement<br />

coincés dans les mines.<br />

Ce qui, à l'origine paraissait le plus difficile, c'est-à-dire réussir à mettre la main sur un<br />

écho-sondeur, n’avait pas vraiment posé de problème. Les insurgés avaient profité d’une<br />

inspection des mines pour provoquer une bagarre entre pirates. Dans la confusion qui avait<br />

suivi, un technicien avait réussi à récupérer les informations nécessaires sur la cartographie<br />

des souterrains. N’ayant pas le temps d’étudier les relevés sur place, il avait eu l’excellente<br />

idée de les transférer dans un robot de forage.<br />

La bagarre fut sévèrement réprimée et coûta la vie à quatre pirates. Leurs corps<br />

pourrissaient encore à l’extérieur des camps de prisonniers, accrochés à des gibets, pour<br />

l’exemple. Plusieurs autres furent enfermés dans des fosses pendant plus d’une semaine avant<br />

d’être réaffectés aux mines. Quand la situation se fut quelque peu apaisée, Varag et ses<br />

compagnons purent, à loisir, consulter les données enregistrées par le robot. Repérer un<br />

passage menant vers les profondeurs demanda plusieurs jours, reprogrammer le robot pour<br />

qu’il fore dans cette direction ne prit que quelques minutes mais modifier les informations de<br />

l’écho-sondeur pour qu’il détecte un filon là où il n’y en avait pas exigea beaucoup de patience,<br />

deux semaines de patience.<br />

Et c’est là que fut commise l’erreur ! En entrant ses propres informations dans l’échosondeur,<br />

le technicien chargé de l’opération avait cru judicieux d’indiquer que, non seulement il<br />

y avait un filon là où il n’y en avait pas, mais qu’en plus ce filon était particulièrement riche.<br />

Pendant quelques jours, les équipes de forage travaillèrent à cet endroit mais, comme aucun<br />

minerai n'en fut extrait, le centre de gestion des coralliens nota une brusque baisse de<br />

rendement dans la mine alors que cette production aurait dû être nettement améliorée étant<br />

donné la qualité du filon.<br />

Le jour même où le robot de forage termina son ouvrage et ouvrit le passage vers les<br />

profondeurs, une escouade d’une vingtaine de gardes coralliens fut dépêchée sur les lieux pour<br />

savoir ce qui se passait<br />

Varag avait senti le désespoir le submerger quand il avait vu arriver les soldats. Il fut<br />

surpris alors même qu’il dirigeait l’évasion avec les autres prisonniers. L’officier corallien<br />

comprit assez vite la situation, Varag aussi… Les corps de ses amis et le sien seraient bientôt<br />

exposés sur des gibets.<br />

Ils ne pouvaient pas faire grand-chose pour échapper à ce triste sort. Les soldats les<br />

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tenaient en joue.<br />

C’est le technicien qui avait involontairement tout fait rater qui les tira de ce mauvais<br />

pas. Après tout, il n’avait pas que de mauvaises idées songea Varag en y repensant par la<br />

suite. Sa mission accomplie, quand le robot de forage remonta des profondeurs, il fut<br />

royalement ignoré par les coralliens. Ils avaient l’habitude de ses énormes machines. Par<br />

contre, ils ne s'attendaient pas à ce qui allait se passer ensuite.<br />

Le technicien se mit à insulter les gardes. Ces derniers, très subtils, répondirent à coup<br />

de crosse. Cela parut fortement déplaire au robot de forage dont la nouvelle programmation<br />

comportait un ordre assez spécial : protéger le technicien !<br />

L’énorme machine de métal déploya un bras articulé pourvu d’un disque de forage et<br />

pulvérisa la première sentinelle. Un autre bras mécanique balaya les gardes à proximité. Les<br />

pirates réagirent sans perdre une seconde. Kyle ramassa une arme, Varag souleva de terre le<br />

corallien qui se trouvait devant lui et lui écrasa le crâne contre la roche tandis que Pencock<br />

brisait la nuque d’un autre adversaire. Tous les autres prisonniers agirent comme un seul<br />

homme. Le combat fut terminé en quelques secondes.<br />

L’évasion discrète s’était transformée en révolte armée qui gagna bientôt toute la mine.<br />

Les gardes furent exécutés et les prisonniers se dotèrent d'un maximum de fusils et de<br />

pistolets. On bloqua le monte-charge permettant d’accéder aux souterrains avant que les<br />

insurgés ne se précipitent vers les profondeurs pour découvrir que le passage qu’ils avaient<br />

repéré n’était qu’un cul de sac pourvu, ô ironie du sort, d’un riche filon de minerai.<br />

La suite n’avait été qu’une succession de catastrophes. Les coralliens avaient désactivé à<br />

distance tous les robots de forage. Les pirates se retrouvaient pris au piège comme des rats.<br />

Ils n’avaient plus qu’à mourir de faim dans leur trou.<br />

L’autre solution consistait à tenter une sortie. Mais il fallait faire vite car, sinon, ils<br />

seraient mis en pièce par les blindés coralliens qui ne tarderaient pas à être déployés en<br />

surface.<br />

Varag, à la tête d’une cinquantaine d’insurgés, avait donc organisé la résistance sur le<br />

petit plateau dominant la plaine. L’endroit serait facilement défendable pendant quelque<br />

temps, jusqu’à ce qu’ils n’aient plus de munitions.<br />

Tout en maudissant toute la création, Varag réfléchissait à un moyen de s’en sortir. Il<br />

trouvait déjà miraculeux qu’ils soient encore en vie et que les avions coralliens ne les aient pas<br />

pulvérisés. Mais les chasseurs avaient apparemment autre chose à faire. Depuis le début de la<br />

matinée, ils ne cessaient de partir en mission, ne revenant que pour refaire le plein de<br />

carburant et de munitions. Quelle que soit la raison qui les retenait ailleurs, elle devait être<br />

beaucoup plus importante qu’une petite rébellion dans une mine. Et Varag s’en félicitait.<br />

Kyle lui fit remarquer deux blindés légers qui progressaient sur la petite piste accédant à<br />

la mine. Le pirate fit signe à l'un de ses hommes retranché derrière un talus. Ce dernier<br />

s’approcha avec des explosifs.<br />

- Fais sauter la route, lui intima Varag. C’est le seul moyen d’arrêter ces trucs-là !<br />

Sans répondre, l’individu se mit à ramper vers son objectif. Pendant ce temps, le<br />

technicien qui avait modifié le robot d’extraction venait d'émerger de la plate-forme de la mine<br />

et accourait à toutes jambes vers la position de Varag. Alors qu’un des blindés lâchait une<br />

rafale dans sa direction, il se jeta à terre et s’étala de tout son long aux pieds de l’imposant<br />

pirate.<br />

- J’ai une bonne nouvelle, dit-il en essayant de reprendre son souffle. J’ai…<br />

Une explosion sourde lui coupa la parole. De la terre se mit à pleuvoir sur les mutins et<br />

quelque chose qui avait certainement dû être une jambe.<br />

- Merde ! dit un pirate. Ils ont fait sauter nos explosifs... et Stilus avec.<br />

- Et la piste ? demanda Varag.<br />

- Intacte.<br />

- Ta nouvelle a intérêt à être sacrément bonne, lança Varag au technicien.<br />

- En démontant les autres robots et en bidouillant le système de contrôle à distance, j’ai<br />

réussi à réactiver notre robot de forage.<br />

Varag le regarda avec de grands yeux.<br />

- Il a repéré une cavité à six cents mètres au-dessous du filon le plus profond de la mine.<br />

On peut certainement se faire la belle par là.<br />

- De toute manière, on n’a plus le choix, conclut Varag en se relevant.<br />

Il fit signe aux prisonniers de se regrouper sur la plate-forme tout en courant dans cette<br />

direction. Kyle le suivait de près, le technicien ne le lâchait pas d’une semelle.<br />

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Les blindés coralliens surgirent sur le plateau au moment où la plate-forme s’enfonçait<br />

dans les profondeurs de la terre.<br />

En arrivant à destination, tous les anciens mineurs s’équipèrent de leurs respirateurs et<br />

de lampes. Non seulement il faisait terriblement chaud à cette profondeur mais la poussière<br />

soulevée par le robot excavateur rendait l’air irrespirable.<br />

La trentaine de rescapés n’avaient plus qu’un seul espoir : que la cavité détectée mène<br />

quelque part… n’importe où, mais loin de la mine.<br />

Les évadés suivirent le robot excavateur pendant plusieurs heures avant de déboucher<br />

dans une vaste galerie naturelle. Les coralliens ne semblaient pas s’être lancés à leurs<br />

trousses… du moins pour le moment. Ils continuèrent leur progression en empruntant des<br />

petits boyaux étroits, des failles dans lesquelles ils devaient se déplacer en crabe et de long<br />

tunnels sinueux. C’est avec regret qu’ils avaient dû abandonner le robot excavateur au début<br />

de leur périple dans les entrailles de la terre mais l’engin était trop gros et ses foreuses ne lui<br />

permettaient pas d’aller plus loin.<br />

Alors qu'ils étaient à la limite de l’épuisement, leur route fut soudain coupée par un<br />

torrent souterrain. Ils n'eurent pas d’autre choix que de le suivre et d’espérer qu’il les mènerait<br />

à un endroit où ils pourraient se reposer.<br />

Au fur et à mesure de leur progression, le bruit de l’eau s’écoulant en cascade se faisait<br />

de plus en plus fort. Plusieurs indices laissaient présager qu’ils s’approchaient de la surface. Le<br />

problème de la survie dans ce milieu mortel allait bientôt se poser.<br />

Le groupe fit halte et on envisagea toutes les solutions possibles. Il fut décidé de<br />

dépêcher deux éclaireurs munis de respirateurs et de légères tenues isolantes bricolées à la<br />

hâte avec les vêtements de travail qu’ils portaient pour la mine. Ces tenues permettraient de<br />

les protéger quelque temps avant que l’acidité de l’atmosphère ne les ronge. Varag et un<br />

ancien corallien se portèrent volontaires.<br />

Quand ils arrivèrent à l’endroit où jaillissait le torrent, ils eurent la surprise de leur vie !<br />

Ils se trouvaient tout à fait à l’ouest de la vallée qu’ils voulaient fuir, à 600 mètres d’altitude,<br />

juste au-dessus du camp numéro 1. Mais la proximité de la grande base installée au pied du<br />

défilé permettant de quitter cette région leur parut vraiment ennuyeuse, dangereuse, bref<br />

éminemment gênante.<br />

Une autre surprise les attendait. Une certaine agitation régnait dans la vallée. Une<br />

agitation qui expliquait certainement pourquoi personne ne les avait suivis. Au moment où ils<br />

débouchèrent dehors, ils furent accueillis par les vrombissements stridents des chasseurs de<br />

combat passant en rase-mottes au-dessus des installations coralliennes. Ces chasseurs<br />

n’appartenaient pas à la République étant donné les bombes qu’ils larguaient et les appareils<br />

coralliens lancés à leurs trousses.<br />

Varag réussit à apercevoir le symbole hégémonien sur un des chasseurs avant qu’il<br />

n’explose, frappé par un missile. C’était une véritable mission suicide. En quelques minutes, il<br />

ne resta plus que deux chasseurs-bombardiers. Le premier tenta d’échapper à ses<br />

poursuivants et à la DCA ennemie. Il s’éleva haut dans le ciel avant d’exploser en une boule de<br />

feu. Le second lâcha une autre bombe sur la base militaire et essaya en vain de reprendre de<br />

l'altitude. Il percuta la falaise et se désintégra littéralement.<br />

En examinant avec attention la vallée, Varag remarqua que les attaquants avaient pris<br />

pour cible les grands dômes que le pirate avait remarqués à son arrivée. Ceux-ci révélaient<br />

désormais leur vraie nature. Leur sommet était ouvert et laissait apparaître un énorme canon<br />

braqué vers le ciel. A intervalles réguliers, les canons tiraient des rayons d’énergie sur des<br />

cibles trop distantes pour qu’on puisse les voir.<br />

Il se passait quelque chose dans l’espace.<br />

CHAPITRE 3<br />

Les guerres sous-marines sont généralement assez complexes. Se battre contre les<br />

vaisseaux ennemis n’est pas le plus difficile. Par contre, s’emparer des ressources adverses est<br />

beaucoup plus délicat. Pour n’importe qui, il serait aisé de détruire les stations sous-marines.<br />

Jusqu’à la Grande Guerre, s'emparer des stations intactes était une priorité. Mais ce qui a<br />

caractérisé l’affrontement avec les coralliens, c’est la volonté de ces derniers de détruire les<br />

installations ennemies, surtout les usines et les centres de recherche. Cela compliqua<br />

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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

fortement la tâche des troupes luttant contre Conscience puisqu’elles devaient également<br />

assurer la protection des zones peuplées.<br />

- Archiviste de Premier Rang Victor Selzman<br />

3 Mai 569<br />

Dorsale du Pacifique oriental<br />

Station Carion<br />

- 335 mètres<br />

Kmar avait préféré ne pas déclencher un conflit inutile avec d’éventuels pirates présents<br />

sur Carion. Il avait donc embarqué à bord d’une petite navette et laissé l’Argonaute à quelques<br />

milles nautiques. Si la Confrérie des Pestiférés s’était emparé de la station, les choses<br />

risquaient de se compliquer. Dirigée par Le Lépreux, cette organisation était constituée de<br />

forbans cruels, atteints pour la plupart de maladies incurables. On racontait sur eux des choses<br />

atroces, particulièrement à propos de la manière dont ils traitaient leurs victimes. Quant au<br />

Lépreux, on avait affaire à un homme rongé par la haine et le désir de vengeance, un fou<br />

sanguinaire doublé d'un redoutable capitaine.<br />

Kmar ne put s’empêcher de pousser un soupir de soulagement quand l’équipage de la<br />

navette lui signala l’absence du Fléau, le croiseur de classe Neptune du Lépreux. Il n’y avait<br />

autour des deux petits complexes sous-marins que deux frégates non identifiées, amarrées<br />

aux docks extérieurs.<br />

L’approche de la navette ne provoqua aucune réaction. Elle accosta le long d’un des longs<br />

tunnels externes qui donnaient au complexe principal de la base une allure de pieuvre aux<br />

tentacules étalés. Avant de débarquer, Kmar et quatre de ses hommes s’injectèrent des<br />

produits destinés à renforcer leurs défenses contre les virus puis ils enfilèrent des<br />

combinaisons isolantes. Deux précautions valaient mieux qu’une dans ce genre d’endroit.<br />

Derrière le sas s'étirait un long tunnel coupé à intervalles réguliers par des portes<br />

massives et des salles de décontamination. Entrer était assez rapide mais Kmar imaginait la<br />

longue procédure de sortie. On pouvait apercevoir sur les murs les orifices noircis des<br />

incinérateurs qui, le corsaire l’espérait, avaient été désactivés depuis le départ des Veilleurs.<br />

Au bout du tunnel, un panneau sur le dernier sas avertissait le visiteur qu’il allait entrer<br />

dans une zone contaminée dont il ne pourrait plus jamais sortir sous peine d’être brûlé vif.<br />

Kmar appuya sur la commande d’ouverture du sas. Ce qu’il y découvrit lui fit froid dans le dos.<br />

Le complexe principal n'était qu'un énorme dôme dont la base faisait plusieurs centaines<br />

de mètres de diamètre. On pouvait y compter neuf niveaux s’enfonçant en cercles<br />

concentriques, le plus élevé étant celui où débouchaient les tunnels d’accès. Kmar jeta un coup<br />

d'oeil vers les étages inférieurs. Il en eut presque le vertige.<br />

Des centaines de gens vivaient ici sans disposer d’aucune installation décente. On aurait<br />

dit une station de réfugiés. La plupart étaient installés à même le sol sur des couvertures<br />

miteuses. D’autres s’étaient installés dans les rares bâtiments préfabriqués de la base. Seuls<br />

les sanitaires, à chaque étage, étaient à peu près en bon état.<br />

L’éclairage était précaire, la plupart des systèmes étant en panne. Dans la pénombre, les<br />

corsaires ne distinguaient qu’une foule de silhouettes courbées, traînant leur misère. Leur<br />

arrivée tira de leur torpeur les miséreux qui étaient près du sas. Ils se levèrent, telle une<br />

armée de zombies pour examiner d’un peu plus près les nouveaux venus. Kmar ne pouvait voir<br />

leur visage dissimulé par des capuchons crasseux mais ces êtres lui inspiraient une terreur<br />

indéfinissable. Il porta la main à son mousquet, ce qui suffit à calmer les pestiférés.<br />

Les corsaires avancèrent sans perdre de vue les fantômes qui hantaient cette station<br />

maudite. Mais le capitaine de l’Argonaute tentait également de reconnaître Telkran en l’un<br />

d’eux. Il essayait aussi de repérer des pirates. Les deux frégates à quai devaient bien<br />

appartenir à quelqu’un et il doutait fortement qu’un de ces misérables ait jamais mis les pieds<br />

sur un navire de combat.<br />

Ils empruntèrent les rampes permettant d’accéder aux niveaux inférieurs. A chaque fois<br />

qu’ils arrivaient à un étage, il leur fallait se montrer menaçants pour faire reculer les mutants<br />

les plus téméraires. Carion était véritablement un enfer. Kmar supportait difficilement les<br />

terribles visions d’horreur qu’offrait cette station. Il s'attarda un long moment devant une<br />

femme décharnée qui serrait dans ses bras un bébé mort depuis quelque temps et qui le<br />

suppliait de l’aider. Les pustules qui ravageaient son corps devaient la faire horriblement<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 14 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

souffrir. Le capitaine de l’Argonaute eut l'envie fugitive d’anéantir cette base, de mettre un<br />

terme aux souffrances de tous ces êtres.<br />

La femme se serra contre sa jambe… Kmar la repoussa doucement en se baissant vers<br />

elle. Il croisa alors son regard et sentit sa gorge se nouer. Il se releva brusquement pour<br />

s'éloigner à grands pas.<br />

Le niveau le plus bas du dôme abritait une faune différente. Les mutants qui s’y<br />

trouvaient étaient moins nombreux, en meilleure santé et, surtout, ils étaient armés. On y<br />

trouvait des installations mieux entretenues et un module central gardé par les pirates que<br />

recherchait Kmar. Des caisses de nourriture et des bidons d’eau étaient entreposés un peu<br />

partout. Il nota aussi l'existence de couloirs partant dans toutes les directions vers les soussols<br />

de la station.<br />

A l’arrivée des corsaires, plusieurs individus se dirigèrent vers eux, l’arme au poing. Ils<br />

ne se montraient pas menaçants mais plutôt très prudents. L’un d’eux avait la moitié du visage<br />

déformée mais le reste de son corps semblait intact. Il se planta devant Kmar tandis que ses<br />

compagnons formaient un demi-cercle autour des corsaires.<br />

- Z’êtes en zone interdite, les gars, dit l'infirme d’une voix déformée par sa bouche à<br />

moitié tordue.<br />

- Où est ton chef ? se contenta de répondre Kmar sans laisser poindre le moindre indice<br />

susceptible de laisser croire qu’il était impressionné par le comité d’accueil.<br />

Le pirate le regarda des pieds à la tête comme s’il jaugeait le danger que pouvait<br />

représenter cet individu. Son regard s’arrêta un instant sur le mousquet, dont tous les<br />

hommes du célèbre Telkran Raljik étaient équipés.<br />

Le pirate désigna de la tête le module central puis s’écarta. Il avait dû estimer que ces<br />

gaillards-là avaient des crocs et qu’il aurait pu y laisser des plumes.<br />

Alors que la population de Carion vivait dans la plus grande misère, le chef des pirates se<br />

vautrait dans le luxe. Il s’agissait d’un mutant de la Confrérie des Pestiférés, un des lieutenants<br />

du Lépreux. L’individu se nommait Vanhul et ne portait aucun signe visible d’une quelconque<br />

mutation, maladie ou déformation. Pourtant, il ne fallait pas se fier aux apparences. Vanhul<br />

était, de loin, le plus redoutable des individus présents sur Carion. Il faisait partie de ces êtres<br />

capables de s’adapter à n’importe quelle maladie tout en étant extrêmement contagieux. Le<br />

pirate était un véritable bouillon de culture des virus les plus mortels de la création. Son seul<br />

contact suffisait à contaminer quelqu'un en quelques secondes. Généralement, la malheureuse<br />

victime mourait dans d'atroces souffrances en un instant.<br />

Malgré cela, Vanhul était quelqu’un d’assez courtois.<br />

- Soyez les bienvenus sur Carion, dit-il quand Kmar et ses hommes furent entrés dans<br />

ses quartiers.<br />

- J’espère que vous ne venez pas pour la bagarre ou pour réclamer un territoire qui est<br />

nôtre !<br />

- Je viens chercher quelqu’un, répondit Kmar, un individu qui a dû arriver ici il y a environ<br />

un an.<br />

- Oh ! Vous savez, en un an, beaucoup de gens sont arrivés ici. Beaucoup d’autres en<br />

sont repartis d’ailleurs… dans des sacs.<br />

- Je doute que celui-ci soit reparti.<br />

- Ecoutez ! Nous ne sommes là que depuis quelques mois, j’ignore qui vous recherchez et<br />

je m’en fiche. Cherchez tant que vous voudrez ici et dans l’autre station et prenez qui vous<br />

voulez. Tant que vous ne cherchez pas d'ennuis, je n’y vois aucun inconvénient. Maintenant, si<br />

celui ou celle qui vous intéresse n’est pas là, je vous recommande de partir ou de tenter votre<br />

chance dans les bas-fonds !<br />

Il eut un petit rire narquois.<br />

- Vous ne contrôlez pas toute la station ? ironisa Kmar.<br />

- Ce qu’il y a là-dessous, même Le Lépreux n’en veut pas, répondit le pirate.<br />

Kmar remercia son hôte et, avec ses hommes, il quitta la pièce. Sans perdre un instant, il<br />

se dirigea vers l'un des tunnels d’accès conduisant aux niveaux inférieurs. Les pirates qui en<br />

gardaient l’accès eurent un petit sourire en ouvrant tout grand le sas aux corsaires.<br />

- Bonne chance, dit l’un d’eux, et criez quand vous reviendrez, on vous ouvrira !<br />

Les corsaires s’engagèrent dans le couloir. Puis le sas se referma sur eux. De l’autre côté,<br />

Vanhul avait rejoint les gardes.<br />

- Personne ne ressort de là, dit-il. Personne…<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 15 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

- Et si l’Argonaute vient les rechercher ? demanda un des gardes.<br />

- Je doute que l’Argonaute soit encore là pour leur porter secours !<br />

*****<br />

Plaine abyssale des Canaries<br />

- 5 000 mètres<br />

- Les porte-avions ont commencé les opérations de diversion, amiral, annonça un officier.<br />

Mais les flottes coralliennes ne tarderont pas à les débusquer et à les couler. Leurs escortes<br />

sont réduites et ne risquent pas de protéger grand-chose.<br />

Viramis en convint. Tout cela faisait partie du plan. Il espérait seulement que le sacrifice<br />

de navires aussi précieux que des porte-avions sous-marins en valait la peine. Mais, pour le<br />

moment, il avait d’autres sujets de préoccupation. L’armada qu’il commandait faisait route en<br />

direction de la plus puissante flotte de Conscience. Cette dernière semait le chaos dans toute<br />

la région en envoyant des escadres de chasse détruire les infrastructures sur la frontière<br />

hégémonienne. Ourgor, ou tout du moins ce qu’il en restait, était tombée entre les mains de<br />

l’ennemi. Quant à Crinéa, Féora et Tanez, leur situation était critique.<br />

Pour compliquer un peu plus les choses, les derniers rapports faisaient état de raids<br />

ennemis sur Keryss, Bermudes, Clemt et Nox, en plein cœur de la nation des Patriarches. On<br />

parlait aussi d’insurrections armées et de dissidence dans de nombreuses provinces. Il fallait à<br />

tout prix mettre un terme à cette campagne de destruction orchestrée par l’ennemi. Telle était<br />

la mission confiée aux forces hégémoniennes.<br />

Le Haut-Amiral, les traits creusés par la fatigue, laissa à ses seconds le commandement<br />

du centre stratégique et se retira dans ses quartiers. L’espace d’un instant, il envisagea de se<br />

rendre sur la passerelle pour prendre des nouvelles de Vira Our, capitaine de l’Atlantis et<br />

confidente du maître de l’Hégémonie. Mais elle devait avoir fort à faire. Il fallait coordonner<br />

l’offensive qui aurait lieu incessamment maintenant. Ce ne serait pas une partie de plaisir.<br />

La cabine du Haut-Amiral était des plus spartiates pour un navire aussi gros que<br />

l’Atlantis. Il n’y avait qu’une couchette, un bureau et une petite table sur laquelle étaient posés<br />

des rafraîchissements. Viramis s’assit sur le lit et se prit la tête à deux mains. Il se surprit<br />

encore une fois à chercher sur sa poitrine une trace de sa blessure mais il n’en trouva aucune.<br />

La science des Patriarches était véritablement extraordinaire. On lui avait tiré une balle à<br />

quelques millimètres du cœur et, quelques semaines après, il n’en gardait aucune cicatrice ! Il<br />

se sentait même mieux qu’avant ! Ce que lui avait fait Cyrull, il l’ignorait. Il espérait<br />

simplement que cela ne cachait pas autre chose qu’aurait omis de lui signaler le Patriarche.<br />

Viramis n’eut aucune difficulté à trouver le sommeil. Quand les sirènes d’alarme le<br />

réveillèrent, il avait l’impression de n’avoir dormi que quelques secondes. Il se leva d’un bond<br />

et ouvrit l’intercom de sa cabine.<br />

- Quelle est la situation ? demanda-t-il.<br />

- La flotte ennemie est sur nos sonscans à 50 milles nautiques, Votre Altesse, lui répondit<br />

l’officier de détection. Nous serons en mesure d’attaquer dans trente minutes.<br />

Le Haut-Amiral ajusta son uniforme froissé avant de quitter sa cabine pour aller rejoindre<br />

son poste. Les choses sérieuses allaient commencer.<br />

Dans le centre stratégique, les officiers s’agitaient en tous sens. Le visage de l’Amiral Ulyr<br />

et celui du Grand Amiral Valastor, capitaine de l’Artémis, apparaissaient sur grands écrans. Ils<br />

commandaient les deux autres flottes prêtes à l’assaut. Viramis se félicitait d’avoir réussi à<br />

ramener Ulyr à la raison. C’était un commandant exceptionnel et son aide ne serait pas<br />

superflue. Quant à Valastor, c’était un individu prétentieux que n’aimait pas le Haut-Amiral<br />

mais il ne pouvait se passer de l’Artémis.<br />

- Nous avons détecté la base mobile de combat, annonça Valastor. Elle est située derrière<br />

la flotte ennemie et, d’après nos relevés, sa puissance de feu égale celle d’une petite flotte. La<br />

détruire sera un tour de force. Elle est sous le commandement d’un certain Néméros qui est<br />

loin d’être un incompétent.<br />

- Il nous faut coûte que coûte anéantir cette base, répondit Ulyr. Sans son quartier<br />

général mobile, la flotte de Conscience sera vulnérable.<br />

- Mais si nous fonçons tête baissée sur cette station de combat, les autres navires feront<br />

tout pour nous tailler en pièces, prévint Viramis.<br />

- Laissez-moi me charger de Néméros, demanda Ulyr. J’en fais mon affaire. C’est un<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 16 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

homme que je connais bien. Je suis persuadé qu’avec le soutien de l’Artémis et de l’amiral<br />

Valastor, je peux le vaincre.<br />

Viramis considéra la situation. Il accepta en espérant qu’Ulyr savait ce qu’il faisait.<br />

- Vous avez carte blanche, Ulyr, et nous ferons tout pour vous frayer un chemin au sein<br />

de la flotte ennemie. Bonne chance à tous et que les Patriarches soient avec nous.<br />

*****<br />

Alliance Orbitale<br />

La plupart des hommes qui attendaient d’être largués à bord de capsules de saut<br />

expérimentales, dans des armures de combat tout aussi expérimentales n’auraient jamais<br />

imaginé une semaine auparavant qu'ils se porteraient volontaires pour une mission suicide. Car<br />

c’est bien de cela qu'il s’agissait : un véritable suicide. Pourtant, quand on avait demandé des<br />

volontaires pour cette mission, tous ceux qui s’entraînaient depuis des mois à utiliser ce<br />

nouveau matériel avaient fait un pas en avant.<br />

Ils attendaient donc, serrés comme des sardines dans les capsules de saut transportées<br />

par les navettes, d’être largués sur le territoire de la République Corallienne, sans savoir si<br />

lesdites capsules allaient fonctionner et ignorant complètement si leurs armures de combat<br />

n’allaient pas tomber en panne dès qu’elles auraient touché le sol.<br />

S’ils survivaient au saut, il leur faudrait affronter les troupes coralliennes tout en<br />

essayant de détruire les systèmes antimissiles de la base ennemie. Et, s’ils réussissaient, il<br />

était peu probable qu’ils puissent s'exfiltrer avant l’attaque nucléaire. Bref, leurs chances de<br />

survie étaient presque nulles.<br />

Et pourtant, tous ces hommes n’avaient pas hésité une seconde, comme tant d’autres<br />

avant eux dans toutes les guerres qui avaient ravagé l’humanité.<br />

Ils étaient une centaine à partir, aucun n’en reviendraient probablement. Ils avaient donc<br />

fait leurs adieux à leurs proches. Et voilà qu'après la souffrance de la séparation, il leur fallait<br />

affronter l’angoisse de l’inaction, laissant libre cours à leur inquiétude. Les navettes<br />

approchaient de la zone critique, la zone de saut. Pour larguer leurs cocons, les vaisseaux<br />

spatiaux devaient adopter une orbite basse et ils devenaient donc vulnérables aux attaques<br />

des batteries de défense antisatellites.<br />

Les commandos, engoncés dans leurs lourdes armures, priaient pour avoir au moins la<br />

chance d’être éjectés, de mourir en pleine action... de ne pas mourir impuissants. Ils n’avaient<br />

aucun moyen de savoir ce qui se passait à l’extérieur. Leurs pilotes n’entreraient en contact<br />

avec eux qu’une minute avant le largage.<br />

Ils perçurent tout d’abord de légers soubresauts. Les défenses antisatellites entraient en<br />

action. Puis les trépidations se firent plus violentes et, par moments, les commandos avaient<br />

l’impression que les navettes allaient se disloquer.<br />

Le premier engin spatial atteignit son point de largage mais n’eut pas le temps de lancer<br />

ses cocons. Un tir ennemi le coupa en deux. Il explosa en une boule de feu. Un deuxième<br />

engin se positionna et ouvrit ses soutes.<br />

Sur les visières des armures, un compte à rebours s’afficha. Les estomacs se nouèrent,<br />

les muscles se tendirent, les mâchoires se crispèrent. Il y eut un claquement métallique puis<br />

un bruit d’enfer quand la navette ouvrit sa soute pour laisser descendre les cocons. Les<br />

commandos serraient leur harnais tellement fort qu’ils imprimaient l’empreinte de leurs mains<br />

gantées de métal sur les renforts en acier. Le bruit sourd dura quelques secondes qui parurent<br />

une éternité. Puis un autre claquement précéda une sensation de chute vertigineuse.<br />

Les soldats crurent mourir. Certains mouillèrent leurs combinaisons tandis que d’autres<br />

serraient les dents tellement fort que leurs mâchoires devenaient douloureuses.<br />

Un premier choc secoua les capsules quand elles entrèrent dans l’atmosphère basse, puis<br />

un second. Les signaux lumineux des armures égrenaient un autre compte à rebours mais la<br />

plupart des commandos étaient incapables de lire correctement les chiffres à cause des<br />

trépidations. Ils étaient secoués en tous sens. Dans l’un des cocons, un des harnais de<br />

protection céda, projetant une armure de combat sur les autres soldats. Le choc pulvérisa les<br />

casques de protection et deux hommes moururent en une fraction de seconde. L’incident<br />

déstabilisa le cocon qui quitta sa trajectoire et se mit à tourbillonner avant de se désintégrer.<br />

Les autres continuaient leur descente infernale. La chaleur devenait insupportable et,<br />

malgré les systèmes de refroidissement, on avait l’impression de rôtir.<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 17 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

Un groupe eut la désagréable surprise de se rendre compte que son cocon était<br />

défectueux. Le bouclier thermique avait fondu. Sous les pieds des soldats, le métal fut chauffé<br />

à blanc avant de se volatiliser. Le cocon se désintégra instantanément.<br />

Dans le casque des survivants, une alarme leur vrilla les tympans. Les parachutes des<br />

capsules de largage se déployèrent pour freiner la chute vertigineuse des appareils. C’était le<br />

moment critique de l’opération car ils devenaient ainsi des proies extrêmement vulnérables<br />

pour les chasseurs ennemis et pour les défenses anti-aériennes.<br />

Mais il fallait encore attendre. Quelques secondes d’angoisse supplémentaires, quelques<br />

secondes de totale impuissance... une éternité. Enfin arriva le moment de la libération. Les<br />

harnais de protection se rétractèrent automatiquement avant que les cloisons des cocons ne<br />

soient éjectées par des boulons explosifs. Les commandos, largués à deux mille mètres<br />

d’altitude, tombaient comme des pierres. A mille mètres, leurs réacteurs dorsaux<br />

s’allumeraient automatiquement. Tout au moins pour ceux qui avaient la chance d’avoir<br />

survécu jusque-là. Ces derniers virent passer un cocon dont le parachute ne s’était pas ouvert.<br />

Il finit par s’ouvrir tout de même pour libérer sa cargaison mais les malheureux allaient trop<br />

vite. Malgré leurs réacteurs, ils s’écrasèrent et furent réduits en bouillie.<br />

Sur une centaine d’individus, quarante atteignirent l’altitude de mille mètres. Ils<br />

descendaient maintenant, freinés par leurs propulseurs qui, vus du sol, étaient autant de<br />

points brillants se rapprochant inexorablement de la terre.<br />

Ils se posèrent à six kilomètres de l’endroit prévu. Normalement, ils auraient dû toucher<br />

terre dans une petite vallée à quelques kilomètres au nord d’Oracle. Ils eurent la désagréable<br />

surprise de tomber à seulement quelques centaines de mètres d’une base militaire, en plein<br />

dans la vallée contrôlée par les coralliens.<br />

Dès qu’ils eurent atterri, ils retirèrent leurs harnais de saut sur lesquels étaient fixés<br />

leurs réacteurs. Les troupes ennemies convergeaient vers eux, ils n’avaient pas une seconde à<br />

perdre.<br />

*****<br />

Seuil de Rockall<br />

Cité neutre d’Equinoxe<br />

Dans les docks encore opérationnels d'Equinoxe arriva un étrange navire. Effilé et<br />

majestueux, il n'avait rien à voir avec la plupart des bâtiments qui accostaient sur la cité<br />

neutre. On aurait plutôt dit un vaisseau de croisière. L'engin portait le symbole de<br />

l'Hégémonie. Personne n'attendait de délégués de la nation des Patriarches depuis le début de<br />

la guerre civile et pourtant les troupes d'élite qui débarquèrent protégeaient bien une<br />

personnalité de haut rang.<br />

Les dockers et les membres des services des douanes ne purent voir de qui il s'agissait<br />

mais à en juger par son allure, il devait s'agir d'une femme. L'hégémonienne, vêtue d'un long<br />

manteau de soie qui la couvrait des pieds à la tête, ne s'attarda pas. Elle fut accueillie par des<br />

délégués du Culte du Trident qui la conduisirent immédiatement à l'ambassade d'Hégémonie.<br />

La dignitaire n'était pas là pour rencontrer Déméter ou d'autres représentants des<br />

nations sous-marines. Sa mission était tout autre. Elle venait rendre visite à une jeune femme<br />

et lui indiquer le chemin de la révélation...<br />

Lana se réveilla en sursaut. Quelqu'un venait pour elle, elle en avait le pressentiment. En<br />

rêve, elle avait vu une noble silhouette s'approcher d'elle, une silhouette nimbée de mystère, à<br />

la fois gracieuse et terriblement impressionnante. La jeune femme en avait tout d'abord<br />

éprouvé une certaine crainte mais maintenant, elle avait l'impression de connaître cette<br />

étrange personne comme s'il s'agissait d'un être proche, d'un parent, ou même d'une sœur.<br />

Une chose était certaine, quelqu'un était arrivé sur Equinoxe, quelqu'un qui allait<br />

bouleverser à jamais son existence.<br />

CHAPITRE 4<br />

Les profondeurs de la terre renferment de terribles dangers pour les explorateurs : des<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 18 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

tribus hostiles de foreurs, des monstres informes et des créatures tout aussi redoutables que<br />

celles de la surface. Le terrain même dissimule de nombreux pièges. Plus d’un aventurier a<br />

trouvé la mort, noyé dans un boyau inondé, écrasé par un éboulement, disloqué par une chute<br />

ou brûlé vif par un flot de magma.<br />

- Archiviste de Premier Rang Victor Selzman<br />

3 Mai 569<br />

Ancienne Australie<br />

Monts Macdonnell<br />

Adossé à un gros rocher, Travis rechargeait son arme. L’embuscade les avait pris<br />

complètement au dépourvu au moment où ils s'engageaient dans un réseau de tunnels<br />

souterrains aux allures labyrinthiques. Ils avaient tout d’abord pensé être la cible de troupes<br />

coralliennes mais c’était pire que ça, ils avaient affaire à des foreurs appartenant à une tribu<br />

rivale de celle de Soltgar. Pas de négociation possible.<br />

Les agresseurs avaient surgi des parois, tuant l'un des foreurs de leur guide et plusieurs<br />

hommes du Général Vesten. Maintenant, le groupe était dispersé et chacun luttait pour<br />

survivre. Racken et Meya avaient disparu ainsi que plusieurs hommes des commandos<br />

hégémoniens. Vesten était à côté de Travis. Un peu plus loin, à l’abri d’autres formations<br />

rocheuses, il pouvait apercevoir Sanadack, deux foreurs alliés et des rebelles de la surface.<br />

La plus grande confusion régnait. On entendait des détonations, des cris qui provenaient<br />

d’un peu partout mais il était impossible de savoir exactement d’où. L’écho était trop important<br />

et les ondes soniques des foreurs généraient trop de perturbations.<br />

Travis se remit en position de tir. Venant dans leur direction, il aperçut une ombre qui se<br />

déplaçait de rocher en rocher. Il braqua son arme prêt à faire feu. Sanadack semblait l’avoir<br />

repérée également. D'un geste, il signala cette nouvelle menace à Travis et à Vesten.<br />

Soudain, plusieurs foreurs jaillirent de derrière leurs abris. Deux d’entre eux poussèrent<br />

un cri destructeur en direction du sol de la grotte. L’onde sonique fit éclater la roche en<br />

centaines de fragments qui vinrent cribler les positions de Travis et de ses compagnons. Cette<br />

diversion permit aux autres agresseurs de charger.<br />

Quand Travis put de nouveau regarder dans la direction d’où étaient arrivés les foreurs,<br />

l’un d’eux, arrivé à sa hauteur, brandissait une énorme hache. Il ne sentit même pas Déméter<br />

prendre le contrôle et, à sa grande surprise, il vit la hache heurter une barrière invisible.<br />

L’étonnement du foreur permit à Vesten de lâcher une rafale dans la tête de la brute.<br />

Les assaillants surgissaient de partout. Ils semblaient avoir décidé d’en finir avec leurs<br />

proies. Déjà, du côté de Sanadack, on se battait au corps à corps.<br />

C’est alors que Racken, accompagné de Soltgar, d’hégémoniens et de rebelles, arriva à la<br />

rescousse. Ils avaient finalement réussi à se regrouper et fondaient sur l’ennemi. Couverte de<br />

sang, Meya les rejoignit quelques secondes plus tard,. Telle une furie, elle se lança dans la<br />

mêlée lacérant de ses griffes tout ce qui se trouvait devant elle.<br />

Les foreurs étaient des adversaires redoutables. Travis vit un des hommes de Vesten<br />

éclater littéralement sous l’effet de leurs cris. Mais lui aussi avait quelques atouts dans sa<br />

manche. Grâce à la puissance de Déméter, il s’était mué en un redoutable guerrier, usant sans<br />

retenue du pouvoir Polaris pour larder ses ennemis d'invisibles dards d'énergie. Grâce à<br />

Soltgar et à ses foreurs, il devenait de plus en plus évident qu’ils allaient l’emporter. Déjà<br />

certains de leurs adversaires commençaient à fuir.<br />

L’ancien colonel hégémonien combattait côte à côte avec un des commandos des<br />

Patriarches. Soudain, il vit la tête de ce dernier brusquement projetée en arrière. Une gerbe de<br />

sang lui macula le visage. Travis pensa tout d’abord qu’il venait de succomber à l’attaque du<br />

foreur qu’il affrontait mais ce dernier était déjà mort. C’est alors qu’il se rendit compte que<br />

l'homme avait reçu une balle en pleine tête. Aucun de leurs ennemis n’avait d’armes à feu !<br />

Il eut juste le temps d’apercevoir au loin une silhouette s’éloigner en courant, avant<br />

qu’une attaque ne lui rappelle que le combat n’était pas fini et qu’il avait beaucoup à faire.<br />

Quand les derniers foreurs furent mis en déroute, Travis se pencha sur le corps du<br />

commando. Le malheureux n’avait pas eu la sagesse de mettre son casque. Une erreur qu’il<br />

avait payée de sa vie. Il examina l’impact de la balle. Sans nul doute, c’était l’œuvre d’un<br />

tireur d’élite. L’ancien officier hégémonien releva la tête à l’approche de Sanadack.<br />

- Ceci n’est pas l’œuvre des foreurs, dit-il !<br />

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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

- Pas plus que pour les deux autres qui ont trouvé la mort au cours de cet affrontement,<br />

répondit Sanadack la mine sombre.<br />

- Il semblerait que Conscience nous ait dépêché un assassin.<br />

- Je dirais même plusieurs assassins, ajouta Sanadack. Un autre de mes hommes a été<br />

abattu d’une balle en pleine tête pendant la mêlée mais la troisième victime était à l’arrière et<br />

elle a été égorgée à l’aide d’une dague.<br />

Travis croisa le regard de Sanadack. Les deux hommes se comprenaient, ils savaient<br />

pertinemment ce que cela impliquait.<br />

- Un assassin à la solde de Conscience se cache parmi nous.<br />

Les deux hommes se turent quand les survivants du petit groupe les rejoignirent. Le<br />

combat avait été féroce et beaucoup étaient morts. Il ne restait que deux commandos<br />

hégémoniens, y compris Sanadack. Des foreurs, seul Soltgar et un de ses lieutenants avaient<br />

survécu. Quant à Vesten, il ne pouvait plus compter que sur cinq hommes.<br />

- Nous avons un assassin aux trousses, lança Sanadack à la cantonade.<br />

- Un assassin qui semble vous en vouloir particulièrement, supposa Racken.<br />

- Je crois que Conscience redoute votre présence, constata Travis. Vous devez être un<br />

élément imprévu dans ses plans. Ce qui implique qu’elle sait parfaitement où nous nous<br />

trouvons, ce que nous projetons et que cela sert ses intérêts.<br />

- Alors, il nous faut renoncer, lança Racken.<br />

Travis jeta un regard discret à Sanadack.<br />

- Quoi qu’il arrive, j’irai jusqu’au bout, reprit-il. Si Conscience veut que j’arrive jusqu’à<br />

elle, qu’il en soit ainsi. Je ferai tout pour ne pas la décevoir. Par contre, il serait suicidaire de<br />

votre part de continuer, ajouta-t-il à l’adresse de Sanadack.<br />

- Vous avez certainement raison, répondit ce dernier. Nous allons rebrousser chemin.<br />

Sanadack lança un regard interrogateur à Soltgar. Ce dernier finit par approuver.<br />

- Rugroark vous accompagnera.<br />

- Ceux qui veulent abandonner le peuvent encore, proposa Travis.<br />

Il interrogea Meya du regard. Cette dernière secoua la tête en se plaçant résolument près<br />

de lui. Racken soupira.<br />

- Je reste avec toi jusqu’au bout, Travis, et, si ça tourne mal, je ne laisserai pas<br />

Conscience me priver de ma vengeance.<br />

- Voilà qui est rassurant, répondit l'intéressé.<br />

Vesten s’approcha à son tour.<br />

- Nous repartons avec les hégémoniens, dit-il. Il est clair que nous avons échoué et que,<br />

si nous continuons, aucun de mes hommes n'en réchappera.<br />

Soltgar prit la parole à son tour.<br />

- Vous avez besoin d’un guide jusqu’à Oracle, je vous y conduirai donc. Après, vous vous<br />

débrouillerez.<br />

Les membres du groupe se réfugièrent dans une caverne nichée non loin du champ de<br />

bataille. Comme elle n'avait qu'une seule entrée, ils pourraient y souffler un peu, à l'abri de<br />

désagréables surprises. Pendant tout le temps qu’ils y passèrent Travis discuta avec Sanadack<br />

et Vesten. Racken n’appréciait pas du tout ces cachotteries car il avait la désagréable<br />

impression qu’on lui cachait quelque chose. Quant à Meya, elle restait prostrée dans un coin à<br />

lécher ses blessures, sans faire attention à ce qui se passait autour d’elle.<br />

Après un repos bien mérité, l’équipe se sépara. Malgré les protestations de deux des<br />

hommes de Vesten, qui n’admettaient pas d’échouer si près du but, Travis, Racken et Meya<br />

suivirent Soltgar tandis que le reste du groupe rebroussait chemin vers les profondeurs. Un<br />

traître se cachait dans l’une des deux équipes. S’il était avec Vesten et ses hommes, la menace<br />

était écartée pour un temps. Dans le cas contraire, Travis devait se rendre à l’évidence : un de<br />

ses trois compagnons jouait un double jeu et cette scission du groupe avait pour seul but de le<br />

démasquer. Conscience ne pouvait pas croire un seul instant que les commandos hégémoniens<br />

laisseraient tomber leur mission aussi facilement. On s'apercevrait alors que les envoyés des<br />

Patriarches suivaient le groupe à bonne distance. L’assassin devrait se débrouiller pour aller<br />

finir son sale boulot ou pour signaler à un tireur isolé où se trouvaient ses cibles. Travis<br />

comptait donc ne pas quitter ses compagnons des yeux et, s’il était fatigué, cela ne poserait<br />

pas un problème de dormir alors que celui qui occupait son corps pouvait veiller à sa place.<br />

Pendant quelques heures, c’est dans le plus grand silence qu’ils progressèrent dans les<br />

dédales du monde souterrain. Soltgar menait son petit monde sans prêter la moindre attention<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 20 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

à ce qui pouvait se trouver derrière lui. Racken et Meya semblaient plus nerveux. Le premier<br />

jetait des regards inquiets dans toutes les directions, comme s’il s’attendait à voir surgir une<br />

créature de l’un des multiples recoins d’obscurité. Son armure de combat devenait<br />

particulièrement gênante dans certains passages étroits. Il dut se résoudre à s'en défaire après<br />

la panne du dispositif d’assistance au mouvement. Sans ce système vital, l’armure devenait<br />

trop encombrante et Racken n’aurait pas pu suivre le rythme de la marche.<br />

Meya, quant à elle, cheminait sans dire un mot. Elle humait l’air constamment et<br />

paraissait particulièrement agitée. Quand Travis croisait son regard, elle détournait les yeux<br />

immédiatement. Elle semblait gênée ou peut-être avait-elle tout simplement peur.<br />

Soltgar s’arrêta.<br />

- Oracle n’est plus très loin, dit-il de sa voix caverneuse. Nous allons faire halte ici pour<br />

nous reposer.<br />

Epuisés, Travis et Racken accueillirent cette nouvelle avec soulagement. Ils se laissèrent<br />

tomber à terre. Meya alla se percher sur une saillie rocheuse tandis que Soltgar se contenta de<br />

s’asseoir et de fermer les yeux. Le sommeil ne tarda pas à s'emparer d'eux.<br />

Travis était profondément endormi quand une voix intérieure le tira de sa léthargie. Il se<br />

passait quelque chose et Déméter le lui faisait savoir. Il ouvrit les yeux. Dans la demiobscurité,<br />

il vit distinctement que Racken et Soltgar n’avaient pas bougé. Meya n’était plus là !<br />

Il chercha un indice de sa présence dans la grotte et il aperçut, assez loin déjà, deux<br />

silhouettes qui s’éloignaient dans les ténèbres. L’une d'elles était celle de Meya !<br />

L’officier hégémonien se leva pour secouer Racken et Soltgar. Il leur imposa silence avant<br />

de les inviter à le suivre.<br />

Meya conduisait son complice vers le piège que leur avait tendu Travis. Comme il l’avait<br />

deviné, Conscience n’avait pas cru une seconde que les commandos hégémoniens<br />

renonceraient à leur mission. Il fallait maintenant la persuader que ces hommes envoyés par<br />

les Patriarches n’étaient plus une menace.<br />

Au bout d’un quart d’heure d’une progression absolument silencieuse, Travis, Racken et<br />

Soltgar s’allongèrent pour regarder ce qui se passait un peu plus loin. Travis avait laissé un<br />

petit objet tomber de son sac quand il était passé là pour la première fois afin de signaler aux<br />

commandos de tendre le piège à cet endroit précis.<br />

C’était une petite caverne qui offrait à un tireur d’élite plusieurs postes d'observation en<br />

hauteur. Quant à Meya, elle pouvait s’approcher suffisamment de ses proies sans craindre<br />

d’être repérée, sauf par des individus se trouvant là où étaient allongés Travis et ses<br />

compagnons.<br />

En contrebas, on avait allumé un petit feu de camp et deux individus en armure étaient<br />

assis à même la roche. Difficile de distinguer les visages des deux individus dissimulés par des<br />

sortes de cagoules pour se protéger du froid, mais il ne faisait aucun doute qu’il s’agissait des<br />

deux derniers envoyés des Patriarches. Meya s’approchait de l’un d’eux en utilisant les<br />

anfractuosités de la grotte pour se dissimuler. Elle se mouvait comme un félin, sans faire le<br />

moindre bruit.<br />

Racken désigna du doigt un endroit assez proche d’eux où l’on pouvait distinguer la<br />

forme allongée d’un individu. Le tireur était aussi à son poste.<br />

Travis se concentra et sentit la force Polaris s’éveiller en lui.<br />

Il y eut une détonation. Un des hégémoniens tomba à la renverse sans un bruit. Meya<br />

jaillit de sa cachette dans le dos du second soldat, les bras écartés et les griffes sorties. Un<br />

instant, elle sembla hésiter puis elle frappa sa cible en pleine tête.<br />

Conscience avait vu ce qu’elle devait voir. Il était temps de mettre un terme à cette<br />

mascarade. Travis libéra une onde mentale dévastatrice qui détruisit en fraction de seconde le<br />

cerveau du tireur d’élite. Ce dernier n'eut pas le temps de réaliser quoi que ce soit.<br />

En contrebas, Meya reculait lentement. Elle contemplait ses griffes ensanglantées avec<br />

dégoût. Puis elle porta la main à son cou comme si quelque chose l’avait piquée. Quelques<br />

secondes plus tard, elle s’effondrait, inconsciente.<br />

Travis quitta son abri et, suivi de Racken et Soltgar, descendit vers le petit bivouac. De<br />

l’autre côté de la grotte, apparurent d’autres silhouettes, celles de Vesten et de ses hommes,<br />

accompagnées des commandos des Patriarches qui ne portaient plus leurs armures de combat.<br />

Ils se rassemblèrent près du corps de Meya.<br />

- Laissez-moi la tuer, demanda Sanadack à Travis.<br />

Ce dernier secoua la tête avant de se baisser pour la prendre dans ses bras.<br />

- Elle ne représente plus un danger et je doute qu’elle soit responsable de ses actes.<br />

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Conscience la manipulait, c’est Conscience qui a assassiné vos hommes.<br />

Sanadack jeta un regard vers les cadavres de ses compagnons affalés près du feu de<br />

camp. Ils avaient tendu un piège aux assassins avec deux cadavres… deux de ses amis.<br />

- Cela ne change rien au fait que nous rebroussons chemin, intervint Vesten. Nos routes<br />

se séparent ici.<br />

Travis acquiesça et lui serra la main avant de prendre une petite sacoche qu’il lui tendait.<br />

- Vous avez dans ce sac assez de somnifères pour la faire dormir pendant plusieurs jours,<br />

reprit Vesten. Vous êtes sûr que vous ne préférez pas qu’on l’emmène avec nous, ajouta-t-il en<br />

désignant Meya.<br />

- Non, répondit Travis. Je veux savoir depuis quand Conscience la manipule et elle pourra<br />

peut-être nous être utile une fois que tous les masques seront tombés.<br />

*****<br />

Des perles brillantes tombaient du ciel comme si les étoiles se décrochaient de la voûte<br />

céleste. Bien qu’il fasse jour, ces petits points lumineux étaient parfaitement visibles. Mais les<br />

coralliens ne semblaient pas vouloir qu'ils atteignent le sol. Les batteries antiaériennes de la<br />

vallée faisaient feu mais il leur était difficile d’atteindre des cibles aussi petites. Varag se<br />

demandait de quoi il pouvait bien s'agir mais il avait d’autres soucis plus pressants.<br />

Les évadés ne pouvaient en aucun cas revenir en arrière, il leur fallait donc descendre six<br />

cents mètres de falaise abrupte, dépasser le camp numéro 1 et franchir la base militaire<br />

corallienne pour pouvoir quitter cette vallée maudite. Le corpulent pirate espérait profiter de la<br />

diversion offerte par ces lueurs pour réaliser l’impossible.<br />

Ils n'étaient qu'une trentaine d’hommes contre plusieurs centaines de soldats suréquipés,<br />

disposant de blindés et de robots de combat. Autant dire qu’il leur fallait éviter autant que<br />

possible toute confrontation directe.<br />

La première difficulté était bien entendu de descendre de leur perchoir sans être repérés<br />

par les gardes des miradors du camp numéro 1. Fort heureusement, ces derniers étaient<br />

occupés à surveiller leurs prisonniers et à contempler ce qui se passait dans le ciel. Mais cela<br />

n’allait pas s’avérer plus facile pour autant. Comme chez la plupart des pirates, il y avait<br />

comme une "incompatibilité" entre Varag et l’escalade. La falaise offrait cependant de<br />

nombreuses prises et, pour un professionnel, ne présentait pas de réelles difficultés… pour eux<br />

cela relevait de l’exploit mais c’était faisable. Ce qui rassurait le corsaire, c’était de voir la tête<br />

de Kyle et de Pencock. Ces deux-là avaient l’air aussi inspirés que lui.<br />

Les plus courageux entreprirent les premiers la descente. Pour une fois, le corsaire n'en<br />

faisait pas partie. Il se contenta d’observer attentivement comment s’y prenaient les plus<br />

débrouillards et de bien repérer où ils mettaient leurs pieds et leurs mains.<br />

De longues minutes d’angoisse s’écoulèrent avant qu’un des pirates n’atteigne enfin une<br />

corniche, quelque deux cents mètres plus bas. Il s’y arrêta pour guider ses compagnons.<br />

Quand tout le monde se fut engagé sur la paroi, Varag prit son courage à deux mains et se<br />

lança dans l’aventure.<br />

Terrifié, il transpirait à grosses gouttes et progressait à l'allure d’un escargot. Chacun de<br />

ses mouvements lui demandait une concentration extrême. Il ne remarqua même pas le<br />

premier impact de balle. Ce n’est que quand un autre tir lui frôla les moustaches et lui projeta<br />

des éclats dans les yeux qu’il se rendit compte que quelqu’un lui tirait dessus.<br />

Sans chercher à savoir d’où les salves provenaient, il se sentit soudain plus agile. Il<br />

enchaîna les mouvements avec une rapidité extraordinaire et descendit deux fois plus vite que<br />

ses compagnons. A quelques mètres de la corniche, il rata une prise et se sentit tomber. Il<br />

heurta violemment la roche, glissa dans le vide mais, au dernier moment, il sentit des mains<br />

l’agripper. Il se retrouva pendu par les pieds, son regard contemplant le sol quatre cents<br />

mètres plus bas. Dans cette position particulièrement inconfortable, il put découvrir d’où<br />

provenaient les tirs : un des gardiens des miradors du camp numéro 1 les avait repérés. Le<br />

soldat avait fait mouche plusieurs fois et s’acharnait sur les malheureux qui avaient quitté la<br />

corniche. Le corsaire vit plusieurs de ses compagnons récolter une balle avant de lâcher prise.<br />

Les autres, ceux qui le tenaient par les pieds, étaient allongés sur la corniche et heureusement<br />

n'offraient pas trop de prise aux coups.<br />

Le salut vint de ces étranges étoiles qui tombaient du ciel et se révélèrent être des<br />

commandos en tenue de saut. Ces derniers commençaient à toucher terre dans la région du<br />

camp numéro 1 et de la base militaire corallienne. Inutile de dire qu’ils semblaient beaucoup<br />

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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

plus menaçants que les quelques prisonniers désespérément collés à la paroi. Le tireur imita<br />

donc ses camarades et tourna son arme dans la direction de ces nouveaux venus.<br />

Varag sentit qu’on le hissait. Quelques instants plus tard, il était à l’abri sur la corniche.<br />

Mais il ne prit pas beaucoup de temps pour souffler. Il fallait absolument profiter de la diversion<br />

offerte par les commandos pour descendre le plus vite possible.<br />

La descente parut interminable mais dès qu’il fut hors de vue des sentinelles des<br />

miradors, protégé par les arbres, Varag se sentit plus décontracté. Il n’avait qu’une crainte :<br />

que le tireur de tout à l’heure ne s'intéresse de nouveau à eux. Ce ne fut heureusement pas le<br />

cas.<br />

Une vingtaine de prisonniers atteignirent le bas de la falaise en un seul morceau. Il leur<br />

fallait maintenant quitter cette vallée qui résonnait désormais des bruits d’un affrontement<br />

impitoyable entre commandos et forces coralliennes. C’est Pencock qui émit la première<br />

proposition.<br />

- Le camp 1 ne m’a pas l’air très fortement défendu. Si nous pouvions supprimer les<br />

sentinelles, non seulement on pourrait semer un peu plus le chaos en libérant les prisonniers<br />

mais aussi récupérer du matériel.<br />

- Si on est trop nombreux, je doute qu’on puisse s’en sortir, rétorqua Varag.<br />

- Qui te parle de récupérer les prisonniers ? Qu’ils se débrouillent, ils feront diversion<br />

pendant qu’on se fera la malle.<br />

- Et comment franchit-on la base militaire qui ferme l’accès à la piste ? demanda un<br />

pirate.<br />

- On…<br />

Une violente explosion coupa la parole à Pencock. Un nuage de fumée s’élevait au-dessus<br />

des arbres. Ils ignoraient ce qui avait bien pu exploser mais ça devait être gros.<br />

- Donc, disais-je, reprit Pencock, il risque d’y avoir un peu d’agitation dans le coin. On<br />

pique un ou plusieurs véhicules et on fonce dans le tas. C’est risqué mais je ne vois pas d’autre<br />

solution. En plus, sans véhicule, je vois mal comment survivre hors de la protection du bouclier<br />

atmosphérique.<br />

Faute de mieux, les pirates approuvèrent le « plan ». Ils firent l’inventaire des armes<br />

qu’ils possédaient et s’enfoncèrent dans la forêt en direction du camp numéro 1. Après avoir<br />

parcouru quelques mètres, ils entendirent un sifflement suraigu. Ils se mirent à couvert<br />

quelques secondes avant qu’un projectile ne s’abatte à côté d’eux dans un bruit de tonnerre.<br />

Un pirate qui avait eu le malheur de relever la tête au moment de l’impact eut le crâne<br />

emporté par un éclat de métal.<br />

Varag s'était protégé la tête avec ses bras. Prudemment, il risqua un coup d’œil. Ce qui<br />

était tombé près d’eux avait creusé un cratère fumant au milieu d’une petite clairière et se<br />

révéla être un homme vêtu d’une lourde armure de combat qui n'était plus maintenant qu'un<br />

amas de ferraille. Ce qui restait du pilote ne devait pas être bien beau à voir.<br />

Les pirates se relevèrent les uns après les autres et s’éloignèrent en jetant un dernier<br />

coup d’œil à ce spectacle sinistre. Tous pensaient la même chose : il fallait être sacrement<br />

culotté pour se jeter dans le vide avec ces trucs-là !<br />

Quand ils atteignirent la lisière de la forêt qui séparait le camp numéro 1 du pied de la<br />

falaise, ils se mirent à l’abri des bosquets pour étudier la situation.<br />

Certains gardes du camp faisaient rentrer les prisonniers dans leurs baraquements tandis<br />

que d’autres, du haut de leurs miradors, faisaient feu sur des cibles trop éloignées pour les<br />

distinguer.<br />

Pencock était déjà en position. Il ajustait son arme en direction d’une première<br />

sentinelle. Varag retint son tir et lui désigna un convoi de soldats de la République qui quittait<br />

le camp pour fondre sur les ennemis venus des étoiles.<br />

- Attends qu’ils s’éloignent un peu, ça fera toujours ça de moins à abattre.<br />

Quand le détachement fut hors de vue, tous purent se rendre compte que la réputation<br />

de Pencock n’était pas usurpée. Chacun de ses coups faisait mouche.<br />

Le temps que les autres gardes coralliens se rendent compte de ce qui se passait, les<br />

pirates couraient déjà en direction des portes grillagées du camp, couverts par Pencock et<br />

d’autres tireurs d’élite dont Kyle. L’assaut fut facilité par les prisonniers eux-mêmes qui, se<br />

rendant compte de ce qui se passait, se révoltèrent contre leurs geôliers.<br />

En moins d’une dizaine de minutes, le camp numéro 1 était tombé entre les mains des<br />

pirates. Et c’est là que les ennuis commencèrent.<br />

Tandis que Pencock, Varag et quelques pirates tentaient d’expliquer succinctement aux<br />

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prisonniers du camp 1 qu’ils ne venaient pas les libérer mais qu’ils devaient se débrouiller par<br />

eux-mêmes, Kyle était monté sur l’un des miradors pour aller récupérer l’arme d’un des<br />

gardes. C’est en se relevant qu’il aperçut les robots de combat et les véhicules blindés qui<br />

arrivaient de la base militaire dans leur direction.<br />

- Hé ! les gars, hurla-t-il du haut du mirador, on a de la compagnie.<br />

Les pirates se précipitèrent dans la direction qu’indiquait Kyle, pour voir ce qui se passait.<br />

Quand il vit les troupes qui approchaient du camp, Varag se décomposa.<br />

- Oh ! Merde ! dit-il<br />

A ce moment-là, quelqu’un lui posa la main sur l’épaule. Il se retourna vivement et<br />

reconnut Soldal, le mineur avec lequel il était resté coincé dans une des mines.<br />

- Il semble que, finalement, vous allez avoir besoin de nous, dit Soldal en souriant.<br />

Varag lança un regard interrogateur à Pencock et aux autres pirates. Etant donné ce qui<br />

arrivait vers eux et qu’ils n’avaient encore trouvé aucun véhicule pour forcer le passage, leurs<br />

options étaient plutôt limitées. Ils suivirent donc les prisonniers du camp 1 vers les<br />

baraquements, pour discuter de la stratégie à adopter. S’ils ne trouvaient pas très vite une<br />

solution, la situation risquait, dans peu de temps, de devenir très, très inconfortable pour eux.<br />

CHAPITRE 5<br />

Une maladie, dans un espace confiné comme une station sous-marine, peut s’avérer<br />

aussi dévastatrice qu’un feu dans un dépôt de carburant. Il est donc impératif, pour la survie<br />

de tous, de disposer de moyens de prévention, de détection et d’éradication pour prévenir<br />

toute épidémie. La prévention passe généralement par l'addition de produits dans les boissons<br />

et la nourriture mais aussi par une formation de la population dans le domaine de l’hygiène. La<br />

détection est l’affaire de chacun. A la moindre alerte, il est du devoir de chaque citoyen de<br />

consulter un médecin. Pour ceux qui oublieraient un peu trop vite cette mesure de sécurité, les<br />

services d’hygiène restent extrêmement vigilants. L’éradication peut prendre plusieurs<br />

formes : la mise en quarantaine des personnes infectées dans des stations spéciales,<br />

l’incinération pure et simple de ces personnes ou bien encore l’internement en centres de<br />

décontamination (des laboratoires de recherche pour être plus précis).<br />

- Archiviste de Premier Rang Victor Selzman<br />

3 Mai 569<br />

Dorsale du Pacifique oriental<br />

Station Carion<br />

- 335 mètres<br />

Kmar et ses corsaires allumèrent leurs projecteurs portables pour tenter d’apercevoir<br />

quelque chose dans les ténèbres devant eux. Le couloir descendait en pente douce vers les<br />

niveaux inférieurs de la base mais déjà on pouvait se faire une petite idée des conditions dans<br />

lesquelles survivaient ceux qui s'y trouvaient. Les dispositifs d’éclairage étaient tous en panne,<br />

la température avoisinait zéro et de minces filets d’eau suintaient le long des parois. Le tunnel<br />

était crasseux et puait. Cette terrible odeur, les corsaires la sentait malgré les filtres de leurs<br />

masques respirateurs. En signe de bienvenue, un squelette de ce qui avait dû être un humain<br />

était assis au milieu de la coursive.<br />

Les corsaires vérifièrent leurs armes et leur tenue avant de s’avancer. Après une dizaine<br />

de mètres, ils arrivèrent devant une grande plate-forme élévatrice qui devait servir autrefois à<br />

descendre des machines lourdes et encombrantes dans les sous-sols. Il semblait étrange que<br />

cet élévateur se trouve à leur étage et non en bas. Kmar ne chercha pas à comprendre. Il y<br />

prit place avec ses hommes et appuya sur le bouton commandant la descente.<br />

A son grand étonnement, le mécanisme fonctionnait toujours, même s’il était dans un<br />

état tel qu’on avait l’impression de se trouver dans la salle des machines d’un croiseur de<br />

combat et que la plate-forme risquait de se détacher pour aller se fracasser tout en bas.<br />

C’est donc avec une certaine appréhension que les corsaires entreprirent cette descente<br />

dans les ténèbres vers ce qui avait tout l’air d’être un véritable enfer.<br />

Kmar tripotait nerveusement son arme. Il n’avait aucune idée de ce qu’il allait trouver en<br />

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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

bas. Il ne savait même pas si Telkran s’y trouvait ou si seulement il était encore en vie. Et si<br />

c’était le cas, dans quel état allait-il le trouver ? Etait-il encore maître de lui ou avait-il cédé à<br />

la folie meurtrière ? Le fier capitaine de l’Argonaute existait-il encore ou n’était-il plus qu’un<br />

monstre sans âme assoiffé de sang ?<br />

L’arrêt brutal de la plate-forme le tira de ses réflexions. Les corsaires se mirent en cercle.<br />

L’élévateur atterrissait en plein milieu d’une vaste salle dont ils ne parvenaient pas à discerner<br />

les contours malgré leurs projecteurs. Des choses bougeaient à la limite de leur champ de<br />

vision, des choses qui n’aimaient pas la lumière et évitaient son contact. Pourtant certaines<br />

semblaient plus téméraires que d’autres. On pouvait apercevoir leurs silhouettes difformes<br />

tournées vers les nouveaux venus. Ces ombres inspiraient la crainte, elles se traînaient<br />

lentement autour des corsaires, sans se rapprocher, comme si elles prenaient la mesure de ces<br />

futures proies.<br />

Kmar fit quelques pas en avant et faillit trébucher sur un bras rongé par la vermine, à<br />

moitié dévoré. Le sol était jonché de détritus et d’ossements. Il continua sa progression tout<br />

en faisant reculer les habitants de cet enfer avec la lueur de son projecteur. Il remarqua,<br />

cependant, qu’un des mutants ne reculait pas. Il s’agissait d’un vieillard décharné à moitié nu<br />

qui souriait constamment. Ses yeux étaient aussi blancs que le corail le plus pur. Tandis que les<br />

autres corsaires assuraient les arrières de leur chef, ce dernier s’approcha un peu plus du vieil<br />

homme.<br />

L’attaque fut foudroyante. L’individu décharné cracha une sorte de limon vert qui vint se<br />

coller sur le verre du projecteur. Aussitôt la lumière atténuée, des formes quittèrent l’abri des<br />

ténèbres pour se jeter sur les corsaires. Tels des poissons-torpilles, les mutants agrippèrent<br />

Kmar pour tenter de l’entraîner dans leur royaume tandis que d’autres bondissaient sur le dos<br />

des corsaires.<br />

Kmar balaya tout ce qui se trouvait devant lui d’un tir nourri de son arme automatique<br />

tandis que ses hommes luttaient au corps à corps contre leurs agresseurs. Le combat tourna<br />

court. Ces êtres pitoyables n’étaient pas particulièrement forts ni robustes. Ils furent vaincus.<br />

Mais vaincre les corsaires étaient-ils bien leur objectif ? Quand les corsaires eurent refermé le<br />

cercle, ils se rendirent compte que deux de leurs projecteurs avaient été brisés au cours de<br />

l’escarmouche et celui de Kmar était toujours couvert d’un limon collant. Fort heureusement,<br />

une rapide inspection de leur tenue de protection ne révéla aucune déchirure.<br />

Ils avancèrent, en tentant d’utiliser au mieux leurs deux derniers projecteurs pour tenir<br />

en respect la faune locale qui, d’ailleurs, ne semblait pas désireuse de se lancer de nouveau à<br />

l’assaut du petit groupe. Kmar repéra un couloir un peu plus loin et il y dirigea ses hommes.<br />

Tous les êtres qu’ils croisèrent sur leur chemin se contentaient d’éviter la lumière et<br />

aucun ne se montra hostile. Le couloir menait à une autre salle tout aussi délabrée que la<br />

précédente mais qui était faiblement éclairée par la lueur de petits feux allumés dans des<br />

tonneaux. Ceux qui y habitaient semblaient beaucoup moins craindre la lumière.<br />

Il y avait là des individus qu’on aurait cru sortis des bas-fonds des grandes cités sousmarines.<br />

La plupart étaient vêtus de lourdes tenues de cuir qui les couvraient de la tête aux<br />

pieds. Quand ils aperçurent les pirates, ils se levèrent lentement en saisissant des armes<br />

improvisées, comme des barres de fer, des chaînes ou des lances fabriquées avec des<br />

morceaux de bois et des éclats de métal.<br />

Une petite foule s’était rassemblée devant les corsaires et, sans un mot, elle avançait<br />

vers ces intrus avec la volonté évidente d'en découdre.<br />

Kmar leva son arme. Il s’apprêtait à tirer quand une détonation résonna dans la pièce. La<br />

tête d’un des habitants des bas-fonds vola en éclat. Les autres s'immobilisèrent<br />

instantanément et se tournèrent lentement vers l’endroit d’où était parti le coup de feu puis ils<br />

s’éloignèrent pour regagner leur place. Les corsaires ne les intéressaient plus.<br />

Le second de l’Argonaute essayait désespérément d’apercevoir l’individu qui avait ouvert<br />

le feu. Au bout de quelques secondes, une silhouette se détacha de la pénombre. Un homme<br />

avançait vers lui, un homme vêtu d’un lourd manteau et qui tenait à la main un mousquet<br />

encore fumant. Le nouveau venu releva son capuchon et Kmar reconnut Telkran.<br />

- Ne t’avais-je pas dit de ne pas chercher à me retrouver ? dit le capitaine de l’Argonaute.<br />

- La situation est grave, Telkran, répondit Kmar. Le monde est au bord du chaos ! Nous<br />

avons besoin de toi pour reprendre le commandement de l’Argonaute et bénéficier du soutien<br />

des navires de l’Alliance Azur. Tu es le seul qui puisse faire appel à eux !<br />

- Je suis mort ! s’emporta Telkran. Tu m’entends ? Mort ! Mon corps pourrit à vue d’œil et<br />

la soif de sang se fait plus forte chaque jour qui passe. Je ne contrôle plus mes instincts… tu ne<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 25 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

peux même pas imaginer comme il m’est difficile de ne pas céder à la pulsion qui me<br />

commande de vous détruire tous. Chaque seconde de mon existence est un véritable calvaire…<br />

En poussant un hurlement de douleur, Telkran se plia en deux en laissant tomber son<br />

arme à terre. Kmar se précipita pour l’aider mais son ancien capitaine leva une main pour le<br />

retenir.<br />

- Ne t’approche pas ! Retournez d’où vous venez ! Je ne peux rien faire pour vous !<br />

- Il est hors de question qu’on te laisse pourrir ici.<br />

- Partez, partez ! hurla Telkran. La douleur…<br />

Tout autour des corsaires, les mutants s’étaient relevés et s’approchaient de nouveau.<br />

- Viens avec nous, Telkran, cria Kmar. On trouvera une solution pour t’aider, on trouvera<br />

un moyen.<br />

Les corsaires se préparaient à ouvrir le feu mais ils savaient qu’ils n’avaient pas l’ombre<br />

d’une chance de s’en sortir. Les ennemis étaient trop nombreux et il ne semblait pas que la<br />

peur de la mort puisse faire reculer ces êtres déjà en proie aux tourments de l'enfer.<br />

- Telkran, tu dois nous aider !<br />

- Je… je suis navré, Kmar !<br />

Quand l’ancien capitaine de l’Argonaute se releva, Kmar croisa son regard. Il n’y avait<br />

plus aucune trace d’humanité dans ses yeux. C’était le regard d’un fou, d’un esprit rendu<br />

malade par la souffrance.<br />

La situation semblait désespérée quand soudain, toute la base se mit à trembler. On avait<br />

l’impression que quelque chose d’énorme avait percuté les structures extérieures. Le choc fut<br />

tel que plusieurs mutants perdirent l’équilibre.<br />

Un deuxième choc, plus terrible que le précédent, fit s’écrouler des poutrelles<br />

métalliques. Tous ceux qui se trouvaient dans la pièce jetaient des regards inquiets autour<br />

d’eux cherchant à déceler la moindre fuite indiquant une rupture de l’étanchéité de la station.<br />

- On se tire, cria Kmar.<br />

Profitant de la diversion offerte par les tremblements, Kmar tira un pistolet<br />

hypodermique de sa ceinture et l’appliqua sur Telkran. Ce dernier eut juste le temps de réaliser<br />

ce qui se passait avant de perdre connaissance.<br />

Le second de l’Argonaute chargea son capitaine sur l’épaule avant de se précipiter hors<br />

de la salle.<br />

Une autre secousse ébranla la station. Des tuyaux se détachèrent et des plaques<br />

métalliques furent arrachées. Chez les mutants, c’était la panique. Ils couraient dans tous les<br />

sens comme des rats pris au piège. Certains s’agglutinaient sur l’élévateur dans le vain espoir<br />

d’accéder aux niveaux supérieurs. Les corsaires firent feu pour se frayer un passage. Leurs<br />

armes taillaient en pièces les tristes résidus d’humanité qui n’écoutaient plus maintenant que<br />

leur instinct de survie.<br />

Arrivé sur la plate-forme, Kmar posa le corps de Telkran pour mettre l'engin en marche<br />

pendant que ses hommes tenaient à distance les mutants à coups de rafales d’armes<br />

automatiques.<br />

Le monte-charge s’ébranla et s'éleva lentement. A mi-parcours, un nouveau tremblement<br />

fit perdre l’équilibre à Kmar qui réussit à se retenir d’une main. Un des corsaires n’eut pas<br />

cette chance. Il tomba pour aller s’écraser plusieurs mètres plus bas. Kmar n’espérait qu’une<br />

chose : qu’il soit mort dans sa chute car il ne pouvait redescendre le chercher.<br />

Après des minutes qui parurent durer une éternité, les corsaires arrivèrent enfin dans le<br />

long couloir permettant d’accéder à la salle principale. Ils s'y précipitèrent en courant jusqu’au<br />

sas par lequel ils étaient arrivés mais ils eurent beau cogner dessus à coups de crosse,<br />

personne ne leur ouvrit.<br />

Kmar hurlait à pleins poumons en traitant de tous les noms les pirates de la Confrérie des<br />

Pestiférés mais il savait que cela ne changerait rien à la situation. Ils étaient bloqués,<br />

prisonniers d’une station qui menaçait de se désintégrer d’une minute à l’autre.<br />

A la plus grande surprise des corsaires, le sas finit par s’ouvrir. Kmar, éberlué, resta sans<br />

voix devant un des membres de l’équipage de l’Argonaute qui l’attendait de l’autre côté.<br />

- Il faut regagner le bord immédiatement, capitaine, dit le corsaire. Les républicains nous<br />

sont tombés dessus sans crier gare.<br />

Kmar jeta un coup d’œil dans la grande salle que contrôlaient autrefois les pirates de la<br />

Confrérie des Pestiférés. Des corps gisaient un peu partout et les pirates qui avaient survécu à<br />

l’assaut des hommes de l’Argonaute étaient à genoux, les mains sur la tête, surveillés par des<br />

gardes.<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 26 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

Le corsaire esquissa un sourire.<br />

- On s’est fait des amis aujourd’hui !<br />

Deux de ses hommes emportèrent Telkran et toute l’équipe se dirigea en courant vers la<br />

sortie.<br />

A bord de la navette, Kmar prit connaissance de la situation. L’Argonaute était assailli par<br />

plusieurs frégates et croiseurs ennemis mais aussi par les vaisseaux de la Confrérie. Ces<br />

traîtres de pirates s’étaient ralliés à Conscience et à sa flotte du nord. Les explosions qui<br />

avaient secoué la base provenaient de la destruction des deux vaisseaux que les corsaires<br />

avaient aperçus en arrivant sur la station. L’un des engins gisait, le flanc contre le module<br />

principal. L’impact avait dû provoquer de sérieux dommages à la structure.<br />

Mais, pour l’instant, ce n’était pas ce qui préoccupait le plus Kmar. Les sonscans avaient<br />

détecté l’approche d’autres navires et notamment celui du Lépreux en personne. Il fallait à<br />

tout prix qu’il regagne l’Argonaute. Ce qui risquait d’être assez difficile, étant donné que la<br />

bataille faisait rage et que son bâtiment était en plein milieu !<br />

******<br />

Plaine abyssale des Canaries<br />

- 5 000 mètres<br />

Jamais Vira n’avait vu une telle concentration de vaisseaux de sa vie. Plusieurs centaines<br />

de navires s’apprêtaient à s’affronter dans les eaux calmes de la Plaine Abyssale des Canaries.<br />

Les armadas s’approchaient les unes des autres et, dans quelques secondes, elles seraient<br />

prêtes à faire feu. L’amiral Our se sentait nerveuse. Pour la première fois de sa vie, elle se<br />

demandait si l’Atlantis était en mesure de survivre au combat à venir. Le bâtiment étant sous<br />

son commandement, elle ferait tout pour triompher mais l’ennemi était tellement puissant !<br />

Tout comme le capitaine de l’Artémis, le principal problème auquel elle devrait faire face<br />

serait la manœuvrabilité de ce monstre de métal. Les eaux de la plaine Abyssale allaient être<br />

saturées d’engins de toutes sortes et de toutes tailles. Même avec cinq mille mètres de<br />

profondeur, il serait particulièrement délicat de tirer le meilleur parti d’une forteresse de trois<br />

mille mètres de long. De tels bâtiments n’étaient pas prévus pour le combat rapproché. Leur<br />

fonction était avant tout d’apporter un soutien logistique aux flottes hégémoniennes, pas de<br />

combattre en première ligne. Il s’agissait de bases mobiles et non de navires d’attaque.<br />

Mais dans la bataille à venir, l’Artémis et l’Atlantis seraient les cibles privilégiées des<br />

vaisseaux coralliens. Si l’ennemi parvenait à couler ces deux emblèmes de l’Hégémonie, sa<br />

victoire ne ferait plus aucun doute.<br />

- Ennemis à portée de tir, signala un officier.<br />

Le moment était arrivé. Vira serra les accoudoirs de son fauteuil.<br />

- A tous les navires, ouvrez le feu à votre discrétion. Alerte combat pour tout l’équipage,<br />

activez les boucliers.<br />

Une sirène se mit à hurler pendant quelques secondes. Vira attendit que son harnais de<br />

sécurité se mette en place avant de coiffer un casque tactique grâce auquel elle aurait une<br />

vision plus nette de la situation. En fait cet appareil lui permettait de s’immerger dans une<br />

reconstitution virtuelle du champ de bataille et donc de commander avec plus de facilité les<br />

différents éléments de la flotte.<br />

Tous les tubes lance-torpilles des navires s’ouvrirent. Quelques instants plus tard, des<br />

milliers de projectiles autoguidés filaient vers leurs cibles. Deux véritables murailles de charges<br />

explosives se rapprochaient inexorablement l’une de l’autre. Dix milles nautiques séparaient les<br />

flottes antagonistes. Dans moins de dix minutes on enregistrerait les premiers impacts. Dans<br />

moins de dix minutes, l’océan se mettrait à bouillonner de la fureur des combats.<br />

Un officier effectuait le décompte à voix haute. Plus les minutes s’écoulaient, plus la<br />

tension était perceptible sur la passerelle de l’Atlantis.<br />

Dans le Centre de Stratégie, le Haut-Amiral Viramis et ses officiers attendaient dans le<br />

plus grand silence. Par les haut-parleurs, ils écoutaient le sinistre compte à rebours.<br />

Les torpilles se croisèrent. Certaines se percutèrent, d’autres prirent pour cible des<br />

torpilles adverses et firent demi-tour, la plupart continuèrent leur course vers leurs objectifs.<br />

Dans les coursives des navires hégémoniens, des soldats se mirent à chanter un hymne à<br />

la gloire des Patriarches. Dans les hangars des chasseurs sous-marins, les pilotes, déjà à leur<br />

poste, tripotaient nerveusement les commandes de leurs appareils. Ils attendaient avec<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 27 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

angoisse l’ordre de lancement. La même inquiétude étreignait les commandos marins et les<br />

techno-hybrides qui attendaient dans leur sas d’entrer en action. Aux tourelles de combat, les<br />

opérateurs vérifiaient une dernière fois leurs contrôles tandis que dans les salles des torpilles<br />

on rechargeait les tubes avec célérité. Quant aux techniciens chargés du bon fonctionnement<br />

des boucliers, ils priaient pour que les défenses de leurs navires supportent la première salve.<br />

Sur la passerelle du vaisseau amiral d’Ulyr, ce dernier attendait les bras croisés le début<br />

de la confrontation. Il ne semblait pas en proie à la moindre crainte mais était déterminé à se<br />

battre. Il n’avait en tête qu’un seul objectif : détruire la base mobile corallienne. A ses yeux,<br />

c’était la seule solution pour racheter ses erreurs. De nouveau aux commandes du Paramar, il<br />

se sentait parfaitement à l’aise. Il aimait ce bâtiment mais il savait que c’était peut-être la<br />

dernière fois qu’il le commandait. En attendant que les torpilles ennemies atteignent leurs<br />

objectifs, il observait avec attention chaque recoin de sa passerelle pour s’imprégner du<br />

moindre détail. Il passa une main distraite sur son fauteuil à ses côtés. Il le caressait comme<br />

s’il s’agissait de la chose la plus douce qu’il ait jamais touchée.<br />

Le Grand-amiral Valastor ne partageait pas cette sentimentalité. Aux commandes de<br />

l’Artémis, il était entièrement concentré sur la bataille à venir. Il songeait non seulement à<br />

l’affrontement mais aussi à ce qui allait se passer après. Pour lui, il ne faisait aucun doute<br />

qu’ils allaient l’emporter. Il envisageait donc, une fois la victoire à portée de la main, de<br />

retourner ses armes contre les bâtiments de Viramis. Ainsi il ferait d'une pierre deux coups.<br />

Il regrettait qu’Ulyr ne puisse lui être d’aucune utilité. Il s’était trompé sur ce vieil<br />

homme, ce n’était pas le visionnaire, le grand officier qu’il avait imaginé.<br />

Soudain, l’océan s’embrasa. Les torpilles pleuvaient sur les boucliers de protection des<br />

navires. Plusieurs escorteurs légers furent pulvérisés dès la première salve. Quelques frégates,<br />

touchées de plein fouet, se mirent à gîter avant de s’écarter de la flotte et de s’abîmer au fond<br />

de l’océan. La bataille avait commencé, elle allait être terrible.<br />

*****<br />

3 Mai 569<br />

Ancienne Australie<br />

Monts Macdonnell<br />

Quand il s’était engagé dans le corps expéditionnaire de l’Alliance Orbitale, le jeune Selio<br />

n’avait jamais envisagé d'être envoyé en mission sur terre. Il avait imaginé partir à bord d’une<br />

de ces grandes nefs spatiales en direction d’étoiles lointaines ou de stations du système<br />

solaire. La terre, pour lui, n’était qu’un enfer dénué d’intérêt. Il s’en fichait et n’avait pas du<br />

tout l’intention d’y retourner un jour. Tout le monde savait que ce monde était mort et que<br />

l’avenir de l’humanité résidait dans la découverte d’une nouvelle planète capable d’abriter la<br />

vie humaine. Il aurait voulu faire partie de ces équipes d’exploration dépêchées aux quatre<br />

coins de l’univers pour découvrir la terre promise. Poser le pied sur un astre neuf, contempler<br />

des étoiles étrangères, affronter l’inconnu, revenir en héros parmi les siens : telles étaient les<br />

raisons qui l’avaient poussé à supporter le dur entraînement de commando spatial. C’était à ça<br />

qu’il s’était accroché pour tenir bon, pour faire partie des meilleurs, de l’élite.<br />

Et voilà qu’aujourd’hui, il s’était porté volontaire pour aller mourir dans un coin perdu de<br />

cette planète qu’il haïssait tant ! Oui ! Il s’était porté volontaire car, comme tout bon soldat,<br />

l’honneur prenait le pas sur la gloire. Son rêve, il acceptait de le sacrifier à la sauvegarde du<br />

plus grand nombre. En agissant ainsi, il faisait honneur à son régiment, il faisait honneur à sa<br />

famille, il se faisait honneur à lui-même.<br />

Il avait beau être courageux, la seule chose qu’il ressentait pour l’instant c’était la peur.<br />

Dans le cocon de saut, il avait cru s’évanouir de terreur. Après l’éjection et pendant toute la<br />

descente en atmosphère, il avait tellement serré les dents qu’il ne sentait plus sa mâchoire. Et<br />

maintenant qu’il était au sol, il haletait dans son armure de combat. Mais il savait que le<br />

combat ne lui laisserait aucun répit, que sa peur s’envolerait dès qu’il serait entré en action. Et<br />

de l’action, il promettait d’y en avoir.<br />

On tirait de partout. Ses compagnons s’étaient retrouvés dispersés dans toute la plaine<br />

au lieu d’atterrir sur le point prévu. L’erreur de saut était grossière. Les commandos de<br />

l’Alliance Orbitale étaient tombés directement sur leurs ennemis. A peine Selio s’était-il<br />

débarrassé de son harnais que son détecteur de mouvement lui signalait plusieurs cibles en<br />

acquisition. Fort heureusement pour lui, l’ordinateur de l’armure avait automatiquement<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 28 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

verrouillé l’adversaire le plus proche et l’avait abattu sans que le jeune homme ait à intervenir.<br />

Cela lui laissait le temps de faire le point de la situation. Plusieurs autres commandos<br />

avaient atterri à quelques dizaines de mètres de lui. Il vérifia les paramètres de son armure.<br />

Constatant qu’aucun dysfonctionnement n’était signalé, il actionna son réacteur de saut<br />

individuel et fit un bond de plusieurs mètres vers ses amis.<br />

Au cours de ce saut, il vit les deux énormes robots de combat qui venaient droit sur eux.<br />

Son ordinateur verrouilla la cible et se mit en relation avec les ordinateurs des autres<br />

commandos. Plusieurs micro-missiles jaillirent des lanceurs des armures de combat et<br />

frappèrent une des machines de combat de plein fouet. L’engin perdit ses deux pattes avant et<br />

s’effondra sans pouvoir se relever. Il se débattait comme un insecte auquel on aurait arraché<br />

les pattes.<br />

Sélio se posa juste au moment où le deuxième robot s’abattait sur ses amis et saisissait<br />

un des commandos dans ses mandibules pour le fracasser par terre. L’armure du pauvre<br />

bougre avait tenu le coup mais le choc semblait l’avoir assommé. Ses compagnons réagirent et<br />

ouvrirent le feu sur la machine de combat. Sélio, quant à lui, fit jaillir de son avant-bras droit<br />

une lame d’énergie rouge et se précipita sur le tête de l’engin. Il commença par sectionner une<br />

de mandibules, afin de libérer son camarade, puis plongea la lame d’énergie dans le crâne de<br />

la bête mécanique. Dans une gerbe d’étincelles, le colosse de métal s’effondra.<br />

Les commandos se regroupèrent autour de leur ami inconscient. Les ordinateurs de leurs<br />

armures signalaient qu’il ne souffrait que d’une perte de connaissance momentanée et que les<br />

drogues injectées par son armure n’allaient pas tarder à faire leur effet. Ce serait<br />

effectivement une bonne chose, pensa Sélio. Plusieurs véhicules blindés et des dizaines de<br />

soldats coralliens convergeaient vers eux. La bataille risquait d’être intense et un homme en<br />

moins pouvait faire toute la différence.<br />

*****<br />

Seuil de Rockall<br />

Cité neutre d’Equinoxe<br />

- As-tu déjà entendu parler des Généticiens ? demanda la dignitaire hégémonienne à<br />

Lana.<br />

Cette dernière ne savait plus quoi penser. Elle ne savait même pas pourquoi elle avait<br />

accepté de rencontrer cette personne venue de la lointaine Hégémonie. Quelque chose en elle<br />

l'avait poussée à accepter, quelque chose lui avait susurré à l'oreille que son avenir en<br />

dépendait. Quand la dignitaire était entrée dans sa chambre et avait relevé son capuchon,<br />

Lana avait failli s'évanouir. Elle connaissait cette personne... elle ne savait pas comment, mais<br />

elle la connaissait.<br />

- Comme tout le monde... mais... c'est un mythe ?<br />

- Un mythe ne pèse pas de tout son poids sur la vie quotidienne de l'humanité, répondit<br />

la mystérieuse femme. Les Généticiens existent bel et bien. Ils œuvrent en secret et<br />

manipulent les "puissants" de ce monde. Ils sont vingt-quatre... douze créateurs, six renégats<br />

et six destructeurs. Ils ont vécu toute l'histoire de ce monde et la revivront sans cesse.<br />

- Ce... ce sont eux qui m'ont fait ça, bredouilla Lana.<br />

- Oh ! que non, jeune fille ! Ils ne t'ont rien fait ! Tu fais partie des leurs. Tu es une<br />

Généticienne !<br />

CHAPITRE 6<br />

Une des plus grandes merveilles inventées par les Généticiens fut certainement le<br />

bouclier atmosphérique capable de recréer des conditions terrestres normales. Bien que nous<br />

disposions aujourd’hui d’une technologie similaire grâce aux découvertes faites dans des<br />

dépôts Généticiens, il nous est encore impossible d’en comprendre exactement le<br />

fonctionnement. Les générateurs atmosphériques dont nous disposons datent de l’époque de<br />

l’Empire des Généticiens et nous sommes toujours incapables de les fabriquer. Mais nous<br />

devons faire confiance à nos chercheurs pour maîtriser cette science qui nous permettra de<br />

reconstituer l'atmosphère terrestre.<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 29 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

- Archiviste de Premier Rang Victor Selzman<br />

3 Mai 569<br />

Ancienne Australie<br />

Base Oracle<br />

L’officier de l’Empire du Corail pénétra dans la grande salle de commandement<br />

accompagné de ses deux aides de camp. Il n’était pas un des esclaves de la Matière et avait<br />

rejoint volontairement les troupes de Conscience pour la plus grande gloire de l’Empire.<br />

Cependant, la maîtresse toute-puissante de l’ancienne République le mettait mal à l’aise et<br />

c’est l’estomac noué qu’il s’approcha de son trône au centre de la vaste pièce circulaire. Mais<br />

comment ne pas éprouver de la crainte dans un endroit tel que celui-ci ? Une salle presque<br />

vide qu’on aurait dit taillée dans une pierre grise des plus étranges mais qui n’était pas de la<br />

pierre. Sur les murs étaient gravés d’énormes symboles que l’officier ne parvenait pas à<br />

identifier. Au centre de la salle se tenait Conscience, assise sur un trône constitué de la même<br />

matière grisâtre. Autour d’elle, ses conseillères empathes, vêtues de leurs longues robes<br />

blanches, jetaient des regards inquisiteurs à l’officier. Il haïssait ces sorcières qui pénétraient<br />

votre âme, qui violaient votre esprit. Toujours silencieuses, elles étaient, tels des spectres<br />

maléfiques, presque irréelles mais pourtant bien présentes. Il était inutile de les voir pour<br />

sentir leur regard froid braqué sur vous.<br />

L’officier s’arrêta devant le trône et baissa la tête. Conscience méditait et il aurait été<br />

imprudent de sa part de la déranger. Il attendit ainsi de longues minutes puis, lentement, sa<br />

maîtresse releva la tête.<br />

- Parle ! dit –elle.<br />

- Les troupes de l’Alliance Orbitale ont donné l’assaut, Votre Altesse ! Il semble que leur<br />

objectif soit la destruction du bouclier protégeant Oracle. L’attaque était imprévisible… l’étatmajor<br />

ignorait que l’Alliance pouvait disposer d’armures de saut aussi évoluées.<br />

Les mains de Conscience se crispèrent sur les accoudoirs de son trône. Concentrée sur la<br />

progression du commando souterrain, elle avait négligé de surveiller ce qui se passait ailleurs.<br />

Cet assaut orbital était une vraie menace, une menace qu’elle n’avait pas anticipée.<br />

- Il est impératif qu’ils ne parviennent pas à atteindre leur but, répondit Conscience. Sans<br />

le bouclier, nous serions vulnérables. Détruisez les troupes de l’Alliance !<br />

- Et que faisons-nous pour le petit groupe de rebelles qui approche par les souterrains ?<br />

Doit-on activer les systèmes de défense du dépôt ?<br />

Conscience hésita. Il existait un risque bien réel que les troupes de l’Alliance Orbitale<br />

atteignent leur objectif. Si cela se produisait avant qu’elle n’ait affronté Déméter et Travis tout<br />

était perdu. Le problème était de savoir ce qui s’était passé avec Meya et ce que mijotaient ses<br />

proies. Elle aurait voulu attendre encore un peu mais le temps lui était désormais compté. Elle<br />

devait prendre le risque de faire face !<br />

- Je vais m’occuper personnellement d’eux ! finit-elle par dire.<br />

- Peut-être pourrions-nous envoyer un détachement pour nous en débarrasser ? suggéra<br />

l’officier.<br />

- Vos hommes n’ont pas la moindre chance de vaincre un maître du Flux, répondit<br />

Conscience. Il faut des forces autrement plus puissantes pour abattre de tels adversaires.<br />

Contentez-vous d’éliminer nos ennemis de la surface.<br />

L’officier s’inclina et quitta la salle. Conscience ferma les yeux. Elle plongea mentalement<br />

au plus profond de la base jusqu’à un endroit secret qui renfermait le cœur d’Oracle. Là, son<br />

esprit se mêla à celui de l’ordinateur conscient qui contrôlait chaque centimètre carré du dépôt.<br />

Elle eut alors l’étrange sensation de devenir Oracle. Elle ne faisait plus qu’un avec une<br />

structure colossale qui s’étendait sur des kilomètres. Elle sentait son corps foulé par une<br />

multitude de petits êtres ! Elle était présente dans chaque parcelle de cette incroyable création<br />

faite d’une matière presque vivante ! Les couloirs de la base devenaient ses artères, les<br />

énormes extracteurs d’énergie plongeant jusqu'au cœur du monde devenaient ses poumons.<br />

Oracle vivait ! Ce n’était pas uniquement un gigantesque complexe de machineries et de<br />

chantiers mais un organisme doté d’un semblant de vie.<br />

Sur un ordre mental, une porte s’ouvrit dans les profondeurs de la terre. Elle donnait<br />

dans une caverne où coulait un torrent furieux. Les Guetteurs Mimétiques qui s’étaient activés<br />

en détectant l’approche d’intrus, reçurent l’ordre de rentrer dans leurs niches. Lentement, les<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 30 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

humanoïdes à la peau métallique entièrement lisse regagnèrent leurs cocons et replongèrent<br />

dans le sommeil. Conscience désactiva aussi tous les autres systèmes de défense d’Oracle et<br />

ferma toutes les portes qui se trouvaient sur le chemin des intrus, à l’exception de celles qui<br />

les amèneraient tout droit en sa présence.<br />

*****<br />

Racken fut le premier à s’extraire de l’étroit passage qui donnait sur une vaste caverne<br />

traversée en son centre par une rivière souterraine. Le boyau était si petit qu’il avait dû se<br />

débarrasser de son armure de combat. Ce qui était loin de le mettre à l’aise.<br />

Il fut surpris de constater que l’endroit était éclairé par des espèces de mousses<br />

phosphorescentes dégageant une lumière bleutée. Ces mousses recouvraient le plafond de la<br />

caverne et permettaient de voir très nettement le pont métallique qui enjambait une rivière<br />

rugissante et la porte ouverte de l’autre côté. Il s’assura qu’aucun danger ne le menaçait puis<br />

signala à Sanadack qu'il pouvait passer. L’hégémonien s’extirpa à son tour et jeta un coup d’œil<br />

à la grotte avant d’aider Travis à faire passer le corps de Meya.<br />

C’est avec regret qu’ils avaient dû se séparer de Soltgar mais ce dernier était trop massif<br />

pour emprunter le passage. Il aurait pu l’élargir en creusant la roche mais il considérait que sa<br />

mission était terminée. Il s’en était donc retourné dans les profondeurs de son domaine.<br />

Travis ne fut qu’à moitié étonné de trouver la porte du dépôt ouverte. Cela signifiait bien<br />

évidemment qu’ils étaient invités par Conscience à pénétrer dans son domaine et cela ne<br />

présageait rien de bon. Mais avaient-ils le choix ?<br />

Le petit groupe traversa le pont et se dirigea vers l’entrée d’Oracle. Juste avant la porte,<br />

Racken s’arrêta et désigna des cocons métalliques encastrés dans les parois de la caverne.<br />

- Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda-t-il.<br />

- Des Guetteurs Mimétiques, répondit Sanadack. Des machines Généticiennes assez<br />

redoutables. On en trouve souvent dans les dépôts Généticiens mais très rarement dans ceux<br />

de l’Alliance Azur.<br />

- On ne risque rien, ajouta Travis. Si les systèmes de sécurité de la base étaient activés<br />

nous ne serions pas arrivés jusqu’ici avec autant de facilité.<br />

Ils entrèrent dans le long couloir qui s’ouvrait devant eux. Au fur et à mesure qu’ils<br />

progressaient, Travis sentait Déméter devenir de plus en plus inquiet. Oracle les observait. Ils<br />

avaient la sensation d’être au cœur d’un gigantesque organisme vivant qui les guettait. Il n’y<br />

avait pas la moindre caméra et pourtant il semblait que les murs eux-mêmes les épiaient.<br />

Les couloirs donnaient dans d’autres couloirs totalement vides. A chaque fois, une seule<br />

porte était ouverte, les autres étaient verrouillées. Conscience les menait là où elle voulait<br />

qu’ils aillent. Il leur fallut moins d’une heure pour atteindre cet objectif. Une grande porte<br />

s’ouvrit sur une vaste salle circulaire au centre de laquelle les attendait la Maîtresse de<br />

l’Empire du Corail.<br />

*****<br />

Dire que les événements prenaient une allure catastrophique était un euphémisme. Les<br />

coralliens venaient de lancer l’assaut contre le camp de prisonniers et Varag voyait mal<br />

comment ils allaient pouvoir s’en sortir. Ils ne disposaient que de quelques armes alors que<br />

leurs adversaires attaquaient avec des troupes de soldats bien équipés, des robots de combat<br />

et des blindés. Sans être devin, le pirate connaissait déjà l’issue du combat : l’extermination<br />

totale des prisonniers. Le seul qui s’en sortait à peu près bien, c’était Pencock. Ce type-là était<br />

un vrai cauchemar et il n’avait pas l’intention de mourir sans se battre. A chaque fois qu’il<br />

tirait, un homme tombait. Il avait même réussi à détruire un robot de combat par un tir d’une<br />

précision incroyable. Mais malgré sa présence, l’issue était inéluctable.<br />

Alors que Varag s’abritait des explosions résultant des tirs des blindés et qu’il se<br />

demandait comment lui, un simple pirate, pouvait se retrouver dans un tel endroit, il sentit une<br />

main se poser sur son épaule. Soldal s’accroupit près de lui.<br />

- On est plutôt mal barrés, hein ? J’ai peut-être une solution…<br />

Varag le regarda avec de grands yeux.<br />

- Tu attends le déluge pour me dire ça ? T’aurais pas pu te réveiller un peu plus tôt ?<br />

- J’hésitais, répondit Soldal. C’est une solution qui ne permet qu’à quatre d’entre nous de<br />

s’en tirer.<br />

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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

- Pencock, Kyle, toi et moi, ça fait quatre, où est le problème ?<br />

- On se barre d’ici sans rien dire aux autres, reprit Soldal. Et on file en direction du camp<br />

d’extermination. Je sais que les coralliens préparaient l’ouverture d’une nouvelle mine dans le<br />

secteur. Qui dit nouvelle mine, dit excavatrice pour creuser les principaux tunnels. Et avec une<br />

excavatrice on peut se tirer.<br />

- C’est la solution la plus sensée qu’il m’ait été donné d’entendre depuis le début des<br />

combats, alors je préviens les autres et on te suit.<br />

*****<br />

Sélio avait l’objectif bien en vue. Son groupe et lui devaient détruire un des relaisparaboliques<br />

du bouclier. Ce dernier ne se trouvait plus qu’à quelques centaines de mètres<br />

mais les coralliens leur menaient la vie dure. Son ordinateur lui signala qu’un missile l’avait<br />

accroché. Automatiquement, le dispositif de sécurité de son armure de saut verrouilla l’engin<br />

téléguidé et libéra deux anti-missiles. Puis Sélio fouilla le périmètre pour repérer l’engin qui<br />

l’avait pris pour cible. Il fit un bond de plusieurs mètres dans les airs et vit un blindé qui venait<br />

dans sa direction. La tourelle de l’engin pivota et cracha une rafale dans la direction du<br />

commando. Les balles de gros calibre lui firent perdre l’équilibre mais heureusement sans<br />

parvenir à percer son blindage. Sélio réussit à se rétablir avant de retomber sur le plancher<br />

des vaches. Dans les airs, il avait eu le temps d’apercevoir une des énormes paraboles du<br />

bouclier exploser. Cela signifiait que les autres groupes de commandos se débrouillaient plutôt<br />

bien.<br />

Il fallait donc qu’il sorte ses hommes de cette situation précaire pour parvenir jusqu’à son<br />

objectif. Mais c’était plus facile à dire qu’à faire. Il y eut un rugissement sourd puis une sorte<br />

de traînée incandescente dans les airs. Sélio eut juste le temps de se retourner pour voir la<br />

traînée percuter de plein fouet un de ses hommes qui fut littéralement pulvérisé sous ses yeux.<br />

Un canon électromagnétique les avait pris pour cible.<br />

Le cœur du commando se mit à battre la chamade tandis qu’il tentait de repérer un engin<br />

capable de projeter des sphères de titane avec une telle puissance que l’obus surchauffait l’air<br />

dans sa trajectoire. Une telle arme était redoutable mais elle ne pouvait être utilisée qu’en tir<br />

direct. La plate-forme de lancement était donc forcément visible dans son périmètre de vision.<br />

L’ordinateur calcula la trajectoire du tir et indiqua comme source probable un petit bosquet<br />

situé à plus d’un kilomètre de sa position… derrière les lignes ennemies. Sélio en eut la<br />

confirmation quand l’engin fit feu pour la seconde fois. Le projectile rata de peu sa cible et se<br />

fracassa contre une colline.<br />

Il fallait impérativement qu’il neutralise cette menace. Il verrouilla son dernier missile sur<br />

le véhicule et transmit les coordonnées aux autres ordinateurs de ses hommes. Des armures<br />

des commandos s’élevèrent des traînées blanches qui décrivirent un arc avant de s’abattre en<br />

pluie sur les quelques arbres servant d’abri à la plate-forme de tir. Si l’engin n’était pas détruit,<br />

ils ne pouvaient plus rien faire d'autre. Sélio donna donc l’ordre à ses hommes d’avancer, il<br />

fallait qu’ils enfoncent les lignes ennemies protégeant la parabole et qu’au moins l’un d’entre<br />

eux parvienne sur l’objectif pour le détruire.<br />

*****<br />

Progresser en plein champ de bataille n’était pas la chose la plus facile à faire comme<br />

s’en rendirent très vite compte Varag, Soldal, Kyle et Pencock. S’échapper du camp de<br />

prisonniers n’avait pas été particulièrement difficile mais franchir les quelques kilomètres qui<br />

les séparaient du camp d’extermination s’avérait beaucoup plus compliqué. Les hommes qui<br />

étaient tombés du ciel affrontaient des robots, des blindés et les troupes coralliennes. On tirait<br />

de partout, des missiles passaient au-dessus de leurs têtes, des explosions soulevaient des<br />

gerbes de terre et des balles perdues sifflaient à leurs oreilles.<br />

Varag, à bout de souffle, s’arrêta et jeta un coup d’œil derrière lui. Le camp de<br />

prisonniers était en feu, les bâtiments soufflés un à un par des explosions. L’assaut avait été<br />

donné et il y avait fort à parier que les coralliens ne feraient pas de quartier. Une fois que le<br />

pirate eut repris son souffle, il se releva et se remit à courir. Il rattrapa ses compagnons qui<br />

s’étaient mis à l’abri dans un fossé. Sans chercher à comprendre pourquoi, Varag plongea à<br />

côté d’eux. Quelques secondes plus tard, il y eut une série d’explosions à quelques mètres de<br />

leurs positions alors qu’une volée de roquettes s’abattait près de leur cachette.<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 32 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

Ce n’était pas un tir perdu… on les avait pris pour cible. C’est alors qu’ils virent l’appareil<br />

qui venait droit sur eux. C’était une sorte de petit avion chargé de paniers de roquettes qui<br />

approchait lentement. Le pilote mit son engin en vol stationnaire et cracha une nouvelle salve<br />

d’obus explosifs. Varag baissa la tête mais pas Pencock. Ce dernier était allongé face à la<br />

menace et visait le pilote avec son arme. Alors que tout explosait autour de lui, il ne bronchait<br />

pas. Quand un éclat s’enfonça dans son épaule, il eut à peine une grimace de douleur. Il n’était<br />

pas humain, se dit Varag, c’était une machine. Pencock tira et manqua sa cible, il tira une<br />

seconde fois et atteignit le pilote en pleine tête. L’appareil se cabra puis piqua dans leur<br />

direction.<br />

- Dispersez-vous, hurla Pencock.<br />

Les évadés eurent à peine le temps de se relever, de détaler puis de se jeter à terre.<br />

L’engin ennemi s’écrasa à l’endroit où ils étaient quelques secondes plus tôt. Varag, les mains<br />

sur la tête, sentit passer au-dessus de lui un énorme morceau de métal qui alla se fracasser<br />

contre un arbre. Puis il entendit les gémissements de Soldal.<br />

Le malheureux avait été touché par des éclats. Sa jambe droite était en lambeaux et son<br />

bras gauche avait été coupé à la hauteur du coude.<br />

- Aidez-moi, supplia-t-il.<br />

Varag, Kyle et Pencock s’approchèrent de lui. Ils se regardèrent, comprenant qu’ils<br />

n’avaient pas le choix.<br />

Kyle braqua son arme sur la tête de Soldal mais Pencock le retint par le bras.<br />

- On a besoin des balles, dit-il en tirant son couteau. Puis il s’agenouilla près de Soldal,<br />

plaqua sa main sur ses yeux et lui trancha la gorge.<br />

Sans ajouter un mot, il se releva et se remit à courir. Kyle lui emboîta le pas tandis que<br />

Varag resta un moment interdit. Il regardait le cadavre de l’homme qui leur avait offert le seul<br />

moyen de se tirer de ce mauvais pas et ce fut une des rares fois de son existence où il<br />

ressentit un profond dégoût. Son instinct de survie reprit rapidement le dessus et il s'efforça<br />

d'oublier tout ça. Il se mit à courir pour rejoindre les autres.<br />

Il leur fallut plusieurs heures pour atteindre le camp d’extermination. L’entrée de la mine<br />

se trouvait à une centaine de mètres sur la droite du sinistre édifice et il ne semblait pas y<br />

avoir de gardes ou de dispositifs de sécurité. Ils foncèrent donc droit sur leur objectif.<br />

Pencock menait le groupe. Il ne restait plus qu’à franchir une petite butte de terre et ils<br />

seraient tirés d’affaire, en espérant que la mine soit déserte. L’assassin arriva au sommet du<br />

dernier obstacle et s’arrêta brutalement. Il fit un pas en arrière.<br />

- Qu’y-a-t-il ? cria Varag tout en courant.<br />

Pencock ne répondit pas. Kyle venait d’arriver à sa hauteur et avait eu le même<br />

mouvement de recul. Varag, essouflé, finit par arriver au sommet de la butte et ce qu’il vit lui<br />

glaça le sang.<br />

Ce n’était pas seulement une mine que les coralliens creusaient ici. C’était aussi un<br />

charnier. En contrebas, à quelques mètres de l’entrée, des centaines, des milliers de cadavres<br />

étaient entassés les uns sur les autres. La puanteur était atroce et Varag crut un moment qu’il<br />

allait vomir.<br />

Il y avait là des mutants de la surface, en grande majorité, mais aussi des vieillards, des<br />

infirmes et des hommes en uniforme de la République du Corail, certainement ceux qui avaient<br />

refusé de se rallier à Conscience. Ils étaient entassés comme de la marchandise. Des<br />

prisonniers décharnés retiraient aux cadavres tout ce qu’ils avaient sur eux. Certains corps<br />

étaient jetés dans une des fosses tandis que d’autres étaient entassés sur des plates-formes<br />

flottant au-dessus du sol.<br />

Quatre gardes coralliens surveillaient les prisonniers, deux individus bouffis à l’allure de<br />

pirates contrôlaient les corps que l’on mettait sur les plates-formes. Avant qu’ils aient eu le<br />

temps d’apercevoir les évadés, Pencock leva son arme et abattit le premier garde. Comme des<br />

zombies, les prisonniers se tournèrent lentement dans la direction du coup de feu, tandis que<br />

les gardes dégainaient leurs armes. Pencock abattit un deuxième soldat corallien. Les individus<br />

bouffis et les autres gardes ouvrirent le feu. Varag en tua un et Kyle toucha en pleine tête un<br />

des individus empâtés.<br />

Le dernier garde voulut fuir mais Pencock le toucha à la jambe. L'individu à l’allure de<br />

pirate jeta son arme et leva les mains.<br />

Kyle, Pencock et Varag descendirent la butte. Pencock se dirigea droit sur le garde<br />

corallien blessé à la jambe et le tira par les cheveux aux pieds des prisonniers décharnés qui le<br />

regardaient d’un air médusé.<br />

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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

- Il est à vous, se contenta-t-il de dire.<br />

Puis il rejoignit Varag et Kyle qui tenaient en joue le pirate.<br />

- Il serait dommage de me tuer, bredouilla ce dernier. Toi, je te connais, dit-il à l’attention<br />

de Varag. T’es un pirate de la Confrérie de la Licorne… on te croyait mort…<br />

- Tu connais cette chose ?, demanda Pencock.<br />

- C’est un des fidèles de Liebur, le marchand de chair, une belle ordure.<br />

- Ne me tuez pas, je ne suis pas responsable de tout ceci. Je ne fais que des affaires.<br />

Liebur peut se montrer extrêmement reconnaiss…<br />

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase. Varag lui avait asséné un coup de crosse en plein<br />

tête. Le marchand de chair tomba par terre, inconscient.<br />

Varag le traîna jusqu’à une fosse et le jeta dedans puis s’installa aux commandes d’une<br />

pelleteuse et renversa une pile de cadavres toute proche sur le corps du boucanier.<br />

Il redescendit de l’engin et se dirigea vers l’entrée de la mine. Pencock et Kyle lui<br />

emboîtèrent le pas en ne prétant aucune attention aux hurlements du soldat corallien qu’ils<br />

avaient confié aux bons soins des prisonniers.<br />

La mine était effectivement en plein chantier et totalement déserte. Il y avait des engins<br />

de forage un peu partout et notamment, comme l’avait dit Soldal, une vedette-foreuse à<br />

quatre places qui semblait en parfait état. Avec cet engin, ils pourraient quitter la région assez<br />

facilement si elle ne tombait pas en panne. La seule question qu’il restait à régler était de<br />

savoir où aller. Ils étaient en territoire ennemi, ignoraient tout de la navigation souterraine et<br />

ne connaissaient rien des dangers du monde des profondeurs. Mais avaient-ils vraiment le<br />

choix ?<br />

Varag inspectait l’engin tandis que Kyle se familiarisait avec le poste de pilotage et que<br />

Pencock vérifiait les tenues étanches de secours. Quand tout fut prêt, les trois hommes<br />

s’installèrent dans l’excavatrice et affichèrent les cartes des souterrains que la machine avait<br />

en mémoire. Puis ils choisirent une route au hasard.<br />

***<br />

Il ne restait désormais plus que Sélio. Tout autour de lui gisaient des épaves de véhicules<br />

calcinés, de robots à moitié fondus et les cadavres de coralliens mais aussi ceux de ses amis.<br />

La bataille avait été particulièrement violente mais il avait réussi à passer. Cependant, il devait<br />

faire vite, les renforts ennemis ne tarderaient pas à arriver. Sélio se releva péniblement. Il<br />

avait mal partout. Son armure était perforée au niveau du ventre et un liquide rouge coulait<br />

sur ses jambes. Il mit quelques minutes à se rendre compte que ce liquide n’était autre que<br />

son sang.<br />

La parabole se trouvait à quelques mètres devant lui mais ces quelques mètres s’étiraient<br />

à l’infini. Le commando trébucha sur un morceau de métal chauffé à blanc. Tout son corps ne<br />

désirait qu’une chose : ne plus bouger, laisser venir la froide étreinte de la mort. Mais la<br />

volonté de Sélio était la plus forte. Il se redressa encore une fois et se traîna vers son objectif.<br />

Après une éternité, il se laissa tomber au pied de la parabole. Il avait le goût du sang dans la<br />

bouche et ses mains tremblaient. Les bruits des moteurs de véhicules lui parvenaient d’un peu<br />

partout, les coralliens arrivaient… il fallait agir vite. Il ne prit pas le temps de séparer la charge<br />

explosive de son armure. Il activa le compte-à-rebours et se mit sur le dos. C’est à peine s’il<br />

entendait son ordinateur compter les secondes. Il se remémora les meilleurs instants de sa vie<br />

et se perdit dans le ciel bleu azur qu’il voyait pour la première et dernière fois. Il était heureux<br />

d’avoir pu contempler une telle splendeur même s’il était ici pour détruire cette merveille.<br />

Quand le bouclier serait désactivé, il ne resterait plus sur terre d’endroit où admirer un ciel<br />

aussi magnifique.<br />

CHAPITRE 7<br />

La grande guerre fut responsable non seulement de la destruction d’une partie du<br />

potentiel industriel des nations mais aussi de leurs flottes. Alors qu’à cette époque, il n’était<br />

pas rare de voir des croiseurs et quelques cuirassés, après les terribles batailles de ces<br />

funestes années, les géants des mers se firent aussi rares que les Léviathans. Plus aucune<br />

organisation n’ayant les moyens de reconstruire de tels colosses, on se remit à concevoir des<br />

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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

vaisseaux plus petits, des sous-marins classiques également appelés frégates ou escorteurs.<br />

La grande guerre marque véritablement la fin de l’époque des géants des mers.<br />

- Archiviste de Premier Rang Victor Selzman<br />

3 Mai 569<br />

Dorsale du Pacifique oriental<br />

Région de Carion<br />

- 335 mètres<br />

La navette fut violemment secouée quand elle fut prise dans les remous de deux<br />

chasseurs ennemis qui venaient de lui couper la route. L’Argonaute était maintenant tout<br />

proche mais commandos et chasseurs de combat, amis et ennemis, gravitaient tout autour<br />

comme les abeilles autour d’une ruche. La manœuvre d’abordage risquait d’être<br />

particulièrement délicate. Assis près du pilote, Kmar vit l’un des chasseurs qui les avait<br />

dépassés ralentir puis manoeuvrer pour changer de cap. Le chasseur avait bien l’intention de<br />

s’offrir un petit transporteur.<br />

- Fonce dessus, cria Kmar à l’attention du pilote.<br />

C’est exactement ce qu’il fit, à la grande surprise du chasseur pirate. Le choc fut<br />

terrible… le volet de sécurité de la navette se rabattit automatiquement pour protéger la<br />

verrière du poste de pilotage. On entendit alors la masse métallique de l’appareil ennemi rouler<br />

sur le dessus du navire. Tous les voyants de contrôle virèrent au rouge et une explosion secoua<br />

le poste de pilotage. Kmar vit la verrière se fissurer sur toute sa longueur. Il se précipita<br />

aussitôt sur la bombe de secours et appliqua une mousse de colmatage tout le long de la<br />

fissure. Sans le volet de sécurité, ils seraient déjà tous morts.<br />

Le sonar indiquait plusieurs appareils en approche rapide. Pour l’instant il était impossible<br />

de dire s’il s’agissait d’adversaires. Quant à l’Argonaute, il tentait de faciliter l’approche de la<br />

navette en réduisant son allure et en envoyant des chasseurs d’escorte. Mais cette manœuvre<br />

le rendait vulnérable aux tirs ennemis. Ses boucliers de protection ne tiendraient pas<br />

longtemps contre le pilonnage intensif des navires adverses.<br />

Le pilote commença sa manœuvre d’approche mais il dut l’abandonner au dernier<br />

moment à cause de plusieurs appareils ennemis. Il recommença quelques minutes plus tard<br />

mais dut encore une fois renoncer en raison d’une torpille qui filait droit sur la navette.<br />

- On n'y arrivera jamais, gronda Kmar en se levant. Envoie un signal d’assistance<br />

plongeurs à l’Argonaute.<br />

Il quitta le poste de pilotage et rejoignit ses hommes dans la soute.<br />

- Mettez le capitaine dans un caisson d’isolation et enfilez vos tenues, dit-il en revêtant<br />

son armure de plongée.<br />

Quelques minutes plus tard, l’équipage du frêle esquif sortait de l’appareil par un des sas<br />

latéraux. Le pilote fut le dernier à quitter son poste, il s’éloigna le plus rapidement possible<br />

mais ne put échapper complètement au souffle de l’explosion quand la navette fut pulvérisée<br />

par la torpille. Deux corsaires se précipitèrent au secours de l’infortuné tandis que Kmar et<br />

quatre de ses hommes guidaient le caisson de survie vers l’Argonaute.<br />

Les plongeurs pirates jaillirent des ténèbres en deux groupes. Six d’entre eux s’abattirent<br />

sur les deux corsaires qui tentaient de remonter le pilote inconscient, tandis qu’un autre<br />

groupe de douze hommes, portant tous le symbole du Lépreux sur leurs armures, s’en prenait<br />

à Kmar et à sa petite escouade.<br />

Les corsaires n’étaient pas équipés pour s’opposer à une telle menace. De plus, ils<br />

devaient protéger le caisson dans lequel gisait leur capitaine. Kmar sentit un harpon rebondir<br />

contre sa carapace de protection et, tout de suite après, un plongeur s’accrocher à lui. Tenant<br />

le caisson de la main droite, il ceintura son adversaire avec le bras gauche et le plaqua dos au<br />

caisson. Le pirate avait rabattu sa visière de sécurité et cherchait à transpercer l’armure de<br />

Kmar avec une pointe effilée qui sortait de son poing droit. Le second de l’Argonaute ne voyait<br />

pas trop ce qu’il pouvait faire à part lui tenir le bras. Il sentit un second plongeur l'agripper<br />

dans le dos. Mais, alors qu’il croyait que tout était perdu, quelque chose arracha le pirate<br />

derrière lui. Une seconde plus tard, il entendit dans ses écouteurs un signal familier, ce signal,<br />

dans la langue des dauphins, signifiait « écarte-toi ».<br />

Kmar lâcha le pirate et s’écarta de la trajectoire du mammifère marin qui percuta son<br />

assaillant dans le torse. Le pirate fut apparemment sonné par le coup de rostre et il glissa<br />

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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

lentement dans l’eau avant de recevoir un coup de queue en pleine tête. Les dauphins, menés<br />

par Fi, leur chef, fonçaient par dizaines sur les hommes du Lépreux tandis que d’autres<br />

s’occupaient de ramener les blessés à bord de l’Argonaute.<br />

- Sacrée infanterie sous-marine, murmura Kmar.<br />

Le combat tourna court. Escortés par les dauphins, les corsaires réussirent à remonter à<br />

bord de l’Argonaute. Aussitôt arrivé dans le hangar des plongeurs, Kmar retira son casque et<br />

se précipita vers la passerelle. Il ordonna aux médecins présents de ranimer Telkran et de le<br />

ramener sous bonne garde à ses côtés.<br />

- Situation, interrogea-t-il en reprenant son poste de commandement.<br />

- La flotte du nord corallienne nous est tombé dessus avec les navires du Lépreux. Pour<br />

l’instant tous les systèmes sont opérationnels mais les boucliers ont souffert. Le principal<br />

problème, c’est que les eaux ne sont pas assez profondes pour faire manœuvrer l’Argonaute.<br />

Les Croiseurs ennemis restent à distance dans des eaux plus profondes et envoient leurs<br />

chasseurs, leurs escorteurs et leurs frégates.<br />

- Cap sur la Fracture de Clippertown, elle plonge à mille deux cents mètres. Nous y<br />

serons à l’abri des croiseurs et, si leurs frégates veulent nous suivre, je n’y vois aucun<br />

inconvénient. Quand nous serons dans le Guyot de Lynn, on aura de cinq à sept mille mètres<br />

de profondeur.<br />

- Ils vont certainement nous attendre dans le Guyot, remarqua l’officier de navigation.<br />

- Je doute que leurs navires lourds puissent rivaliser de vitesse avec l’Argonaute. Quant<br />

aux frégates et aux escorteurs, nous nous en débarrasserons dans la Fracture.<br />

La manœuvre de Kmar était audacieuse. La Fracture de Clippertown était véritablement<br />

très dangereuse à cause de ses éperons rocheux, de ses arêtes acérées et de ses multiples<br />

pièges naturels. Dans la faille, il ne fallait pas compter sur les relevés électroniques, il fallait<br />

disposer d’une bonne vieille carte de navigation et calculer les manœuvres du bâtiment avec<br />

un bon vieux chronomètre. Les chasseurs ennemis seraient obligés de naviguer à vue, sans<br />

leurs volets de protection, quant aux frégates elles avaient intérêt à avoir de sacrément bons<br />

capitaines.<br />

Sous les tirs ennemis, l’Argonaute changea de cap pour foncer droit sur la Fracture située<br />

à quelques milles nautiques de là. Les coralliens ne réagirent pas à la manœuvre mais le<br />

Lépreux connaissait parfaitement la région et il comprit immédiatement ce que projetait le<br />

navire corsaire. Son croiseur, le Fléau, modifia sa course avec ses frégates d’escorte et se<br />

risqua sur les bas-fonds. Son objectif était clair : couper la route de l’Argonaute.<br />

- Les bâtiments du Lépreux ont sorti leurs éperons, capitaine, signala un des officiers de<br />

Kmar. Notre flanc gauche est vulnérable.<br />

Sur l’écran tactique, il ne faisait aucun doute que le Fléau avait l’intention de percuter<br />

l’Argonaute et de provoquer ainsi l'échouage des deux navires. S’il virait à tribord, l’Argonaute<br />

s’aventurait dans les eaux de moins en moins profondes de la Dorsale du Pacifique oriental. Il<br />

serait alors totalement sans défense. Et derrière, l’attendait toute la flotte corallienne. Il fallait<br />

donc à tout prix atteindre la Fracture de Clippertown.<br />

- A babord toute, dit une voix.<br />

Tout l’équipage de la passerelle se tourna vers le sas d’entrée. Telkran Raljik, soutenu par<br />

deux corsaires, venait d'arriver. Il avait l’air malade et épuisé. Il tenait à peine debout.<br />

- Le capitaine est sur la passerelle, dit Kmar en cédant sa place avec un sourire.<br />

Telkran lui répondit avec une grimace de souffrance avant de se laisser tomber dans son<br />

fauteuil.<br />

- Tous les hommes aux postes de combat, ordonna Telkran. Préparez-vous à aborder le<br />

Fléau.<br />

Kmar lui lança un regard interrogateur.<br />

- Je connais bien le Lépreux, expliqua-t-il. Ce diable navigue dans ces eaux depuis qu’il<br />

est né et la Fracture fait partie de son domaine. Je suis prêt à parier que toute la zone est<br />

minée et qu’on nous y attend de pied ferme.<br />

L’Argonaute fut secoué par plusieurs explosions violentes. La flotte corallienne continuait<br />

à lancer ses torpilles contre le navire corsaire.<br />

- Mais si nous attaquons le Fléau, dit Kmar, la flotte du nord va fondre sur nous.<br />

- Je n’ai pas l’intention de m’emparer du Fléau, seulement que les coralliens le croient. Je<br />

vais m’en servir comme bouclier et montrer au Lépreux que ses alliés se moquent éperdument<br />

de ce qui peut lui arriver.<br />

- Le Fléau ouvre le feu, indiqua le responsable sonar.<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 36 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

- Il n’y a plus qu’à espérer que ce face à face ne nous sera pas fatal, répondit Telkran. A<br />

tous les postes de combat… feu à volonté.<br />

Les deux gigantesques navires sous-marins filaient à pleine vitesse l’un vers l’autre<br />

crachant des salves de torpilles et de rayons d’énergie. L’Argonaute était violemment secoué<br />

par des séries d’explosions mais les dommages qu’il infligeait au Fléau étaient considérables.<br />

- Le navire du Lépreux ralentit !<br />

- Il va essayer de se dégager, commenta Telkran. Mais c’est trop tard ! S’il vire, il nous<br />

offre son flanc ! Son seul espoir est d’inverser les machines ! Préparez-vous à l’aborder sur son<br />

flanc babord.<br />

- Les frégates coralliennes gagnent du terrain et leurs croiseurs seront bientôt à portée<br />

de tir.<br />

Le Fléau n’était plus qu’à quelques milles nautiques. Les tirs de torpilles avaient cessé<br />

mais les canons Hades du navire pirate pulvérisaient les plaques de blindage de l’Argonaute.<br />

On signalait de nombreuses avaries mais Telkran les ignorait.<br />

- Quart de vitesse, virez de dix degrés à tribord, parés aux armes de salves.<br />

Tandis que le bâtiment du Lépreux faisait machine arrière à pleine vitesse, l’Argonaute<br />

modifia légèrement sa trajectoire pour éviter de le percuter. Les deux mastodontes étaient<br />

maintenant côte à côte et leurs armes de salves échangeaient des tirs nourris.<br />

- Manœuvre d’abordage, lancez les grappins magnétiques !<br />

Du flanc gauche du navire corsaire jaillirent des centaines de plaques métalliques qui<br />

vinrent se fixer sur le Fléau. Puis il y eut un grand choc qui fit trembler les deux bâtiments<br />

alors que leurs flancs se percutaient.<br />

- Position des navires coralliens ? demanda Telkran.<br />

- Douze milles nautiques derrière nous.<br />

- A babord toute !<br />

Ce qu’avait prévu Telkran se confirma quelques minutes plus tard. L’Argonaute avait forcé<br />

le Fléau à s’interposer entre lui et les navires de Conscience. Les capitaines coralliens se<br />

fichaient éperdument de ce qui pouvait arriver à un pirate. Tout ce qu’ils voyaient, c’était leur<br />

cible qui était vulnérable car elle avait fait l’erreur de se lancer à l’abordage d’un autre navire.<br />

La flotte du nord fit feu de toutes ses pièces en espérant envoyer par le fond l’Argonaute<br />

même si cela devait signifier la destruction du Fléau. Une véritable armada de torpilles filait<br />

droit sur eux.<br />

- Manœuvre de désarrimage, barre à tribord, machines en avant toute.<br />

L’Argonaute se détacha lentement du flanc du croiseur qui tentait de reprendre de la<br />

vitesse pour se dégager de la trajectoire des torpilles. Mais le Lépreux avait déjà dû se rendre<br />

compte que la plupart des engins téléguidés étaient verrouillés sur son navire. Il fut secoué par<br />

une série de terribles explosions qui lui firent prendre une forte gîte.<br />

La réaction des autres navires pirates fut immédiate, ils ouvrirent le feu contre les<br />

navires coralliens.<br />

Telkran ignorait totalement si le Lépreux allait se sortir de ce mauvais pas et, à vrai dire,<br />

cela lui était bien égal. Pas un navire ne pourrait rattraper l’Argonaute maintenant qu’aucun<br />

obstacle ne se dressait plus devant lui.<br />

******<br />

Plaine abyssale des Canaries<br />

- 5 000 mètres<br />

Jamais Vira n’avait imaginé assister à un affrontement d’un telle ampleur. Des centaines<br />

de navires dispersés sur des dizaines de milles nautiques se livraient un combat d’une rare<br />

violence. Chasseurs, escorteurs, frégates, croiseurs et cuirassés faisaient bouillonner les eaux.<br />

Pour l’instant il était très difficile de savoir quel camp l’emportait sur l’autre. Les pertes étaient<br />

considérables, que ce soit du côté de l’armada corallienne ou du côté de l’armada alliée. Mais<br />

une chose était certaine ! Comme l’avait craint Vira, les deux principaux objectifs de la flotte<br />

de Conscience étaient l’Artémis et l’Atlantis.<br />

Le cœur du dispositif corallien, la base de combat mobile, était encore intact. L’engin,<br />

escorté par plusieurs croiseurs lourds, restait légèrement en retrait. Malgré les efforts répétés<br />

de l’Amiral Ulyr pour s’en approcher, aucune torpille n’était parvenue à percer ses boucliers<br />

défensifs.<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 37 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

Les communications étaient le plus gros problème pour Vira. Il était impossible d’émettre<br />

ou de recevoir le moindre message. Toutes les fréquences étaient brouillées ou saturées. Les<br />

analyses sonars devenaient extrêmement complexes avec tant de navires engagés en même<br />

temps. La plupart des engins sous-marins naviguaient et combattaient à vue. On préférait<br />

utiliser des torpilles en tir direct ou des torpilles filo-guidées, les engins auto-guidés risquant à<br />

tout moment de prendre pour cible un navire allié.<br />

Les seules informations qu’on pouvait obtenir sur la bataille étaient fournies soit par des<br />

messagers à bord de chasseurs rapides qui faisaient la navette entre les différents bâtiments,<br />

soit par des petits navires d’observation qui croisaient à faible profondeur et qui avaient<br />

déployé des balises de communication. Bien entendu, pour bénéficier de ces informations, il<br />

fallait se rapprocher de la surface et envoyer soi-même une balise. Ce que peu de navires<br />

avaient le temps de faire.<br />

Vira fut tirée de ses réflexions par l’alerte torpille qui résonnait dans les coursives de<br />

l’Atlantis. Tandis qu'elle était plongée dans la représentation holographique de la bataille,<br />

l’ordinateur lui signala l’apparition de plusieurs contacts sur le flanc tribord de son navire. Les<br />

données qui s’affichaient à côté de ces contacts les identifiaient comme trois cuirassés<br />

coralliens. Ces navires s’étaient tenus à l’écart des combats et fondaient sur le navire amiral<br />

hégémonien. Elle effleura les icônes représentant plusieurs croiseurs d’escorte pour leur<br />

signaler de se détourner de leur route mais en vain. Les communications ne passaient pas. Elle<br />

dut quitter son univers virtuel pour donner ses ordres de vive voix.<br />

- Indiquez par signaux lumineux à nos bâtiments d’escorte la présence des cuirassés<br />

ennemis. A tribord toute, amenez-nous droit sur eux.<br />

- La station de combat ennemie change sa trajectoire, signala un officier des détections.<br />

Elle se dirige droit sur nous.<br />

- Quoi ! cria Vira. Où se trouvent l’Artémis et le Paramar ?<br />

- L’Artémis est engagé à vingt milles nautiques de notre position, quant au Paramar, nous<br />

n’avons aucune indication sur sa position.<br />

Soudain une terrible explosion fit trembler l’Atlantis. Sur la passerelle, les hommes<br />

d’équipage qui n’étaient pas solidement attachés furent projetés à terre. Plusieurs consoles de<br />

commande s’embrasèrent tandis que résonnaient les sirènes d’alerte.<br />

- Qu’est-ce que c’était que ça ? demanda Vira.<br />

- Un tir direct de la station de combat corallienne, Votre Altesse, répondit médusé un des<br />

officiers.<br />

- C’est impossible, elle est beaucoup trop loin et aucune arme n’a cette puissance.<br />

Comme pour confirmer ses pires craintes une deuxième explosion encore plus puissante<br />

secoua le bâtiment. Sur la passerelle, un panneau de contrôle s’effondra tandis que des<br />

pupitres entiers s’embrasaient.<br />

- Ils vont nous réduire en miettes, s’écria Vira.<br />

- Trajectoire du deuxième tir confirmé… il provient bien de la station de combat.<br />

- Les cuirassés viennent de lancer leurs torpilles, signala un second officier.<br />

Vira Our sentit son sang se glacer. L’Atlantis était pris au piège. Il était impossible à un<br />

navire de cette taille de fuir ou de tenter des manœuvres d’esquive. Elle n’avait que deux<br />

solutions soit attaquer de front la base corallienne, soit foncer dans la mêlée de navires en<br />

espérant que cela gênerait les attaques de la station de combat. Mais cette deuxième solution<br />

posait un problème de taille, l’Atlantis risquait de percuter des navires alliés et de perturber<br />

leurs manœuvres. Un titan de trois mille mètres était un véritable léviathan dans un champ de<br />

coraux.<br />

- Cap sur la station de combat à pleine vitesse, ordonna-t-elle. A tous les postes de tir,<br />

feu à volonté, coulez-moi cet engin avant qu’il ne nous mette en morceaux.<br />

La puissance de feu de l’Atlantis était formidable mais pas suffisante pour endommager<br />

sérieusement la station de combat. Les boucliers protecteurs de cette dernière encaissaient la<br />

plupart des tirs sans montrer le moindre signe de faiblesse. Ses attaques, quant à elles,<br />

étaient redoutables. Au troisième tir, les écrans du navire hégémonien furent saturés, au<br />

quatrième toute une section du navire fut anéantie.<br />

Vira savait qu’elle n’arriverait jamais à percuter la base mobile, son bâtiment serait<br />

anéanti bien avant d’y parvenir. La moitié de la passerelle était détruite et, sur les panneaux de<br />

contrôle, des points rouges indiquant les zones endommagées apparaissaient à chaque<br />

seconde. Les dégâts devaient déjà être considérables et les pertes terrifiantes.<br />

Une nouvelle explosion arracha la capitaine de l’Atlantis à son fauteuil. Elle tomba à terre<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 38 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

et sentit aussitôt son navire prendre de la gîte.<br />

- Ils ont touché la propulsion ! s’écria un officier.<br />

La partie était terminée. L’Atlantis était désormais une proie facile. Vira se releva<br />

péniblement, rajusta son uniforme et regagna son fauteuil en essayant de tenir debout malgré<br />

l’inclinaison du navire.<br />

- Rétablissez la gîte ! ordonna-t-elle sachant que cela ne changerait rien à la situation.<br />

- Amiral ! s’exclama le responsable des détections. La station de combat a changé de<br />

cible !<br />

Vira se leva, incrédule. L’Atlantis était à sa merci, pourquoi ne pas l’achever ? Elle comprit<br />

aussitôt en voyant l’écran tactique. Un écho non-identifié fonçait droit sur le bâtiment corallien.<br />

Bien que l’ordinateur soit incapable de déterminer de quel type d’engin il s’agissait, la menace<br />

qu’il représentait devait être suffisamment importante pour que les coralliens s'en inquiètent.<br />

Mais Vira avait d’autres chats à fouetter. Elle nota que ses croiseurs d’escorte avaient<br />

engagé les cuirassés ennemis. Cette fois-ci encore, elle s’en tirait bien. L’Atlantis avait plongé<br />

de quelques centaines de mètres et rétablit son assiette.<br />

- L’Artémis est signalé à douze milles nautiques en rapprochement constant, signala un<br />

officier. Le Paramar signale qu’il a engagé la station de combat ennemie.<br />

Le Paramar s’étonna Vira ? Ulyr était-il cette menace qui faisait tellement peur aux<br />

coralliens ? Non. Ulyr fonçait droit sur la base mobile mais le nom du bâtiment qui avait sauvé<br />

l’Atlantis venait d’apparaître sur l’écran tactique : le Golem. Le célèbre navire Généticien des<br />

Lions Rouges venait d’entrer dans la mêlée.<br />

La raison qui poussait ces célèbres pirates à se porter au secours des hégémoniens<br />

échappait totalement à Vira. Elle s’en moquait d’ailleurs. La victoire était à portée de la main,<br />

voilà ce qui comptait. Face au Golem, au Paramar et à l’Artémis, la puissante station de<br />

combat des coralliens pouvait avoir du souci à se faire.<br />

L’énorme base mobile subissait un tir de barrage auquel aucun bâtiment sous-marin<br />

n’aurait pu survivre. L’Artémis faisait feu de tout bois, tandis que les batteries du Golem<br />

pulvérisaient ses écrans de protection. Mais la station corallienne n’avait pas dit son dernier<br />

mot et elle crachait des rayons de mort sur ses agresseurs.<br />

Sur son écran de contrôle, Vira pouvait avoir une idée des dommages subis par l’Artémis<br />

et le Golem. Les deux navires étaient secoués par de terribles explosions. Il était impossible de<br />

savoir qui allait l’emporter dans ce combat de titans.<br />

De toute manière, Vira ne pouvait rien y faire. L’Atlantis avait subi trop de dommages. Il<br />

pouvait à peine naviguer et il n’était pas question d'utiliser son système d’armement.<br />

Totalement concentrée sur le combat qui se livrait sous ses yeux, le capitaine de l’Atlantis<br />

ne remarqua pas l’arrivée du Haut-Amiral Viramis sur la passerelle. Ce dernier demeura<br />

silencieux ne quittant pas des yeux, lui aussi, l’écran tactique.<br />

- La station de combat ennemie vient de perdre ses boucliers de protection, signala un<br />

officier. Mais elle vient aussi de modifier sa trajectoire. Elle fonce droit sur nous !<br />

Vira sentit son cœur battre la chamade. Les coralliens se savaient perdus mais ils ne<br />

voulaient pas disparaître sans un feu d’artifice spectaculaire. Leur objectif était clair. Quitte à<br />

mourir, ils allaient détruire l’Atlantis et tuer le Haut-Amiral. Toute fuite était inutile !<br />

La station de combat de plusieurs millions de tonnes filait à pleine vitesse vers le navire<br />

de Vira. L’Artémis et le Golem avaient beau pilonner l’engin, cela ne l’arrêtait pas. Seul le<br />

Paramar s’interposait encore entre le colosse hégémonien et le titan corallien, mais il subissait<br />

un tir nourri des canons ennemis. Le cuirassé ne tiendrait pas longtemps avant d’être<br />

pulvérisé.<br />

Soudain, le visage d’Ulyr apparut sur l’écran principal. Il se tenait à son poste de<br />

commandement ravagé par les flammes. Du sang coulait sur son visage.<br />

- Il semble que vous ayez un léger ennui, votre Altesse, dit-il en souriant à l’attention du<br />

Haut-Amiral.<br />

Avant que celui-ci n’ait eu le temps de répondre le capitaine du Paramar reprit la parole.<br />

- J’ignore si j’avais raison ou tort en voulant m’emparer du pouvoir mais ce dont je suis<br />

sûr, c’est que je ne suis le jouet de personne. Adieu, Votre Altesse, et redevenez le chef dont a<br />

tant besoin l’Hégémonie. Gloire aux Patriarches !<br />

L’image d’Ulyr disparut. Le Paramar venait de changer de cap et fonçait droit sur la<br />

station corallienne.<br />

Vira et Viramis retinrent leur respiration. Le cuirassé s’encastra dans la machine de<br />

guerre de Conscience. Les deux bâtiments explosèrent.<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 39 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

Le Haut-Amiral ne dit pas un mot. L’air songeur, il quitta de la passerelle plongée dans le<br />

silence.<br />

*****<br />

La bataille était gagnée. La flotte alliée avait détruit les troupes de Conscience mais les<br />

pertes étaient telles qu’il était difficile de parler de victoire. Les trois quarts de la flotte<br />

hégémonienne avaient été anéantis. Et les navires rescapés demanderaient de longs mois de<br />

réparation.<br />

Le Golem avait disparu aussi vite qu’il était arrivé. Quant à l’Artémis, il avait quitté la<br />

région après un bref message de Valastor signalant au Haut-Amiral que son bâtiment et son<br />

équipage ne faisaient plus partie de la flotte hégémonienne. Valastor avait autorisé ceux qui ne<br />

voulaient pas le suivre dans son exil à quitter son bord. Les réfugiés, la mine grave, gagnèrent<br />

l’Atlantis.<br />

Les coralliens avaient été vaincus mais pour combien de temps ? Désormais tout<br />

dépendait de l’assaut contre Oracle.<br />

*****<br />

Seuil de Rockall<br />

Cité neutre d’Equinoxe<br />

Les souvenirs sont bien peu de chose ! C'est ce que découvrit Lana. Elle avait toujours<br />

cru être née dans l'espace mais la vérité était toute autre. Elle avait été conçue dans les cuves<br />

génétiques de Keryss à l'instar de milliers d'autres enfants. Mais, alors que ses créateurs<br />

auraient dû détecter son véritable potentiel et la reconnaître comme une Généticienne,<br />

quelqu'un l'avait enlevée et élevée au sein de l'Alliance Orbitale. Ce quelqu'un lui avait menti<br />

pendant des années pour la "protéger" d'elle-même. D'après la dignitaire hégémonienne, il ne<br />

pouvait s'agir que d'un Généticien Renégat, un de ces vils individus cherchant à contrer par<br />

tous les moyens les "œuvres" de ses frères et sœurs.<br />

Mais la vérité n'apaisait en rien la souffrance qui rongeait Lana. Elle ne désirait qu'une<br />

chose : être comme tout le monde. Et pourtant elle se sentait irrésistiblement attirée vers<br />

l'avenir que lui avait décrit la noble hégémonienne. Elle se sentait désormais investie d'une<br />

mission pour le plus grand bien de l'humanité, une mission qui avait pour nom la Fondation et<br />

qui permettrait au monde de sortir de l'âge des ténèbres et de bâtir un nouvel âge d'or grâce à<br />

la reconquête de la surface.<br />

Pourquoi Lana aurait-elle douté de la parole de sa bienfaitrice qui venait de lui révéler la<br />

vérité ?<br />

Mais ses nouvelles responsabilités lui interdisaient de mener une existence normale. Elle<br />

devrait renoncer à voir ses amis, elle ne pouvait plus se permettre de frayer avec des "gens<br />

normaux". Lana décida de se consacrer corps et âme à sa tâche. Il lui fallait éviter à tout prix<br />

de repenser au passé. Bientôt la noble dame reviendrait la voir et alors elle lui révélerait son<br />

dernier secret, un secret concernant Lana, l'hégémonienne, et les Généticiens.<br />

CHAPITRE 8<br />

La bataille du Dépôt Oracle marqua le premier tournant de la Grande guerre. Les<br />

offensives coralliennes marquèrent le pas et la situation se stabilisa. La perte de la flotte<br />

amirale était un sérieux revers pour les généraux de l'empire qui durent repenser leur<br />

stratégie. Quant à Oracle, nul ne sait quelles merveilles on aurait pu découvrir dans ses salels<br />

inviolées mais l'important est bien que ses arsenaux aient été neutralisés. La zone est encore<br />

aujourd'hui en quarantaine. Qui sait ce qui peut y avoir subsisté ?<br />

- Archiviste de Premier Rang Victor Selzman<br />

3 Mai 569<br />

Ancienne Australie<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 40 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

Base Oracle<br />

Pendant un bref instant, personne ne fit un geste ou ne dit un mot. Travis-Déméter,<br />

Racken et Sanadack se trouvaient enfin en présence de Conscience et de quatre de ses<br />

empathes assises au pied de son trône. La maîtresse de l’empire du Corail se leva lentement.<br />

- Soyez les bienvenus, dit-elle dans un murmure.<br />

- Même si l’un d’entre vous n’a pas été invité, ajouta-t-elle à l’adresse de Sanadack.<br />

Ce dernier fit un pas en avant et s’inclina.<br />

- Je vous salue Conscience, je suis…<br />

Sanadack n’eut pas le temps de finir sa phrase. Son esprit subit une attaque mentale<br />

massive. En une fraction de seconde, son cerveau fut calciné par l’onde psychique de<br />

Conscience. Du sang s'écoula de ses oreilles et de son nez et il s’écroula. Racken leva son<br />

arme mais elle lui fut brusquement arrachée des mains par une force mystérieuse. Travis tenta<br />

de se concentrer pour contrer l’attaque de Conscience mais il en fut incapable. Il sentit que<br />

Déméter s’y opposait.<br />

- Maintenant que nous sommes débarrassés des importuns, reprit Conscience, il est<br />

temps de régler nos affaires. Si tu savais combien j’ai attendu ce moment, Travis ! Depuis le<br />

jour où tu es entré dans ce dépôt Généticien et où les capteurs ont décelé en toi un être<br />

d’exception, j’ai œuvré pour t’amener là où je voulais que tu sois. Tu as été mon pion pendant<br />

des années mais aujourd’hui tu as accompli ta tâche et je n’ai plus besoin de toi.<br />

- Quoi que tu attendes de moi, répondit Travis, n’espère pas l’obtenir.<br />

- Mais je l’ai déjà obtenu, mon pauvre Travis, rétorqua Conscience. Je t’ai observé<br />

pendant tout ce temps par l’intermédiaire de cette pitoyable Meya qui, je te l’assure, t’est<br />

totalement fidèle. La malheureuse n’avait aucune chance de résister à ma volonté. C'est une<br />

empathe particulièrement puissante. Son don la rendait perméable à mon influence. Elle a<br />

lutté, je puis te l’affirmer. Mais ses efforts étaient vains. Comment une enfant si jeune et si<br />

frêle pouvait-elle espérer me résister, à moi qui suis sans âge ?<br />

Conscience reprit place sur son trône et fit signe à ses empathes de se lever.<br />

- Aujourd’hui, tu me livres l’esprit de Déméter qui se cache en toi, comme je l’avais<br />

prévu. Une fois qu’il sera mien, je contrôlerai tout le Flux Polaris et plus rien ne pourra arrêter<br />

mon œuvre.<br />

- Ton œuvre ! s’exclama Déméter par l’intermédiaire de Travis. Mais que cherches-tu<br />

donc Conscience ? Pourquoi ces destructions aveugles ? Pourquoi cette volonté d’asservir<br />

l’humanité ?<br />

- Tu te méprends sur mon compte, répondit Conscience. Mon but n’a jamais été de<br />

détruire l’humanité mais bien de la sauver. De la sauver de la pire des menaces ! Celle des<br />

Généticiens. Non, je ne suis pas l’ennemie des humains, je suis celle qui peut les sauver et<br />

empêcher l’avènement des Généticiens.<br />

- Je … je ne comprends pas, bredouilla Travis/Déméter.<br />

- Comment pourrais-tu comprendre le Grand Dessein, toi qui n’a vécu qu’un battement<br />

de cœur de l’histoire de l’humanité. Comment peux-tu espérer comprendre celle qui t'a créé ?<br />

Tu es mon enfant, Déméter, car ce que tu es aujourd'hui, tu me le dois. Alors que mes frères<br />

dormaient, j'œuvrais en secret. Alors qu'il n'était qu'un fœtus, j'ai fait don du pouvoir du Flux<br />

au premier prêtre du Trident, Simon Arimatti. Tout comme j'ai créé l'Alliance Azur pour contrer<br />

mes frères Généticiens, je suis celle qui a pensé le Culte du Trident... je suis Nisalia, la<br />

Corruptrice.<br />

- Tu... tu es folle, bredouilla Travis/Déméter... ce que tu dis est inconcevable... l'Alliance<br />

Azur est...<br />

- Est mon œuvre ! l'interrompit Conscience. J'ai poussé les humains à se révolter contre<br />

leurs immondes maîtres avant que ces derniers ne les détruisent tous avec leurs expériences...<br />

car c'est bien cela que vous êtes pour les Généticiens... des sujets d'étude, de simples rats de<br />

laboratoire, conçus dans le seul but de satisfaire leur insatiable soif de connaissances.<br />

- Insinues-tu que les Généticiens nous ont créés ?<br />

- Je ne l'insinue pas... je l'affirme. Ou plutôt, ils vous ont re-créés. Vois-tu Déméter, les<br />

humains d'aujourd'hui n'ont pas de passé... l'humanité des origines est morte, consumée par<br />

la folie de mes frères. Huit milliards d'êtres furent anéantis pour être remplacés par un peuple<br />

de cobayes. Vous êtes des cobayes, créés génétiquement dans les cuves d'incubation de<br />

Cyrull, des cobayes qu'ils manipulent à leur guise, des cobayes qu'ils font évoluer ou régresser<br />

selon leurs caprices. Ne t'es-tu jamais interrogé sur l'existence des dépôts Généticiens ? En as-<br />

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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

tu déjà visité un ? Pourquoi crois-tu qu'ils aient été conçus ? Les dépôts ne sont que des<br />

laboratoires dont le seul but est d'étudier l'homme. De fantastiques labyrinthes pour rats dans<br />

lesquels les Généticiens ont placé certains de leurs jouets pour récompenser les braves petits<br />

cobayes qui réussiraient à déjouer tous leurs pièges. Il n'existe nul virus responsable de la<br />

stérilité ou des mutations humaines, uniquement une clef génétique présente en chacun de<br />

vous, qui détermine votre évolution. Cette clef, je vous offre de la détruire... je vous offre de<br />

redevenir des êtres libres.<br />

- En nous massacrant et en faisant de nous des esclaves à ta solde ? répondit Déméter<br />

qui avait désormais le contrôle total du corps de Travis. Conscient de son impuissance, l'esprit<br />

de ce dernier avait laissé le champ libre au maître du Culte du Trident.<br />

- Ne vaut-il pas mieux servir une maîtresse compatissante qui vous rendra votre<br />

humanité, plutôt que de demeurer les jouets impuissants de savants fous qui ne voient en<br />

vous que du matériel génétique dont ils peuvent user comme ils l'entendent ? Veux-tu donc<br />

rester le simple fruit d'une expérience et attendre que les Généticiens aillent une nouvelle fois<br />

trop loin et libèrent les Destructeurs ?<br />

Déméter était troublé. A ses yeux les Généticiens avaient toujours représenté une<br />

menace pour l'humanité. Toute son existence, il avait tenté de tout savoir sur eux et de contrer<br />

chacune de leurs manigances. Mais jamais il n'aurait imaginé ce que venait de lui révéler<br />

Conscience. Fallait-il la croire ? Et si ce n'était pas un mensonge, ne valait-il mieux pas s'allier<br />

à elle pour détruire ces êtres immondes ? Le doute s'insinuait dans son esprit et le doute était<br />

le début de la défaite. Une partie de lui croyait Conscience, l'autre rejetait cette vérité. Il sentit<br />

sa volonté céder devant celle de l'Impératrice du Corail. Il se reprit aussitôt et balaya tous ses<br />

doutes. Non, jamais il ne pactiserait pas avec un démon pour combattre un autre démon.<br />

- Tu mens, tu manipules la vérité comme tu l'as toujours fait, répondit Déméter, la voix<br />

tremblante de colère. Oui, tu es bien une corruptrice et je refuse de tomber dans ton piège.<br />

Seule ta soif de pouvoir est réelle, tout le reste n'est que boniments, illusions et manipulation.<br />

Jamais je ne te céderai mon esprit. Si tu le veux, tu devras te battre et tu découvriras bien vite<br />

que même un rat de laboratoire est capable de mordre.<br />

- A ta guise, Déméter. Cela ne change rien de toute façon. Au lieu d'être mon allié, tu ne<br />

seras bientôt plus qu'un souvenir. Tu as accompli ce pourquoi le Culte du Trident a été créé. Tu<br />

as porté en toi ma création... aujourd'hui tu es le lien entre l'homme, le Flux et la Trinité. Je<br />

vais désormais cueillir le fruit de mon travail. Tu m'offres l'embryon né de l'union d'un esprit<br />

humain, de la Trinité agonisante, des mammifères et du corail. Quand je te l'aurai arraché, je<br />

régnerai en maîtresse absolue sur le Polaris.<br />

Conscience leva la main et Déméter sentit le corps de Travis se raidir. Aspiré au cœur du<br />

Flux, il fut tout d'abord désorienté mais, quand il recouvra ses esprits, la première chose qu'il<br />

vit fut la signature psychique de Conscience, un gigantesque dragon noir qui fondait sur lui.<br />

Racken demeurait coi. Depuis qu'il se trouvait en présence de Conscience, il avait<br />

l'impression d'être transparent. Il venait de réaliser qu'il ne comptait pas, qu'il n'était qu'un<br />

"support", une quantité négligeable. Conscience et Déméter lui apparaissaient comme deux<br />

divinités dont il ne parvenait même pas à comprendre la puissance. Mais que venait-il faire là ?<br />

Pourquoi la Maîtresse de la République ne l'avait-elle pas tué, comme Sanadack ? Quel serait le<br />

rôle qu'il serait appelé à jouer pour justifier sa présence en ces lieux ? Tandis que le plus<br />

puissant des Prêtres du Trident et Conscience s'affrontaient par la pensée, Racken demeurait<br />

seul, impuissant, se sentant parfaitement inutile et incongru face aux empathes de la<br />

République qui le regardaient d'un œil moqueur.<br />

Elles aussi se riaient de lui. Etait-il à ce point ridicule ? Son existence n'avait-elle été<br />

qu'un immense gâchis, un leurre sans réelle consistance, un infime détail dans le grand<br />

dessein de ces deus écrasantes puissances ? Toute sa vie défila devant ses yeux et chacune de<br />

ses souffrances lui revint en tête. Soudain l'image de Travis s'imposa à lui. Travis... ce nom<br />

réveilla en lui de pénibles souvenirs. Tout ça était de sa faute. C'était à cause de lui qu'il avait<br />

été renvoyé de l'armée et qu'il avait dû fuir son pays. C'était à cause de lui qu'il s'était<br />

retrouvé dans les pires situations et qu'il se trouvait ici, impuissant, à la merci des coralliens.<br />

Racken savait qu'en fait, les empathes ne se moquaient pas de lui, mais qu'elles se<br />

concentraient sur ses sentiments pour les exacerber, pour qu'il soit submergé par la rancœur<br />

et la haine. L'ancien officier de la Ligue tenta de résister mais il sentit son esprit céder à tous<br />

ses désirs de vengeance. Il laissa monter en lui toutes ses souffrances qui envahirent son âme<br />

comme un torrent furieux. Il canalisa cette énergie dévastatrice et la dirigea toute entière<br />

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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

contre Travis... Travis qui se tenait à quelques pas devant lui... Travis qui était impuissant...<br />

Racken braqua son arme sur la tête de l'ex-colonel hégémonien.<br />

*****<br />

Cyrull fut tiré de sa torpeur méditative par le vrombissement du portail. La machine<br />

s'activait enfin, ce qui signifiait que cela serait bientôt son tour d'entrer en scène. Il se leva et<br />

se planta devant le grand appareil ovale qui ressemblait à un miroir noir. Au sommet de la<br />

machine, s'ouvrit une sorte d'œil d'où jaillit un rayon rouge qui vint balayer le corps du<br />

Généticien.<br />

*****<br />

Dans la salle du trône de Conscience, le corps de Sanadack fut agité de soubresauts.<br />

Quelque chose bougeait dans le cadavre. Le dos du commando hégémonien se recouvrit de<br />

sang avant de se déchirer et d'éclater. Un squelette métallique émergea de la dépouille<br />

sanguinolente dont il se débarrassa comme d'une combinaison de chair et de sang. Encore<br />

rougi par le fluide vital de Sanadack et souillé de lambeaux de son cadavre, l'étrange machine<br />

se précipita sur Racken et lui arracha son arme des mains.<br />

Le pirate fut aussitôt tiré de son état de transe. Il recula instinctivement à la vue du<br />

robot au crâne grimaçant. Il crut d'abord que c'était un véritable squelette humain mais il nota<br />

les reflets métalliques des os. Le robot ignora complètement Racken et se tourna vers les<br />

quatre empathes qui, surprises, s'étaient levées en dégainant leurs armes. Elles n'eurent pas<br />

l'occasion de s'en servir. L'arme arrachée à Racken libéra une rafale de projectiles mortels qui<br />

les faucha.<br />

Puis le robot s'immobilisa. Pendant quelques secondes, il ne se passa rien puis Racken<br />

remarqua que quelque chose se formait sur la surface métallique. Par couches successives, le<br />

squelette de métal "s'habillait" de tendons, de nerfs, de muscles, de vaisseaux sanguin et de<br />

chair. Le pirate, médusé, assistait à la reconstitution d'un corps humain. Il vit un cœur pousser<br />

dans la poitrine de la machine et veines et artères se gonfler de sang. En un clin d'œil, ce qui<br />

n'avait été qu'un assemblage de métal était redevenu un être humain qui se recouvrait<br />

lentement d'une peau parcheminée et de vêtements grisâtres.<br />

Quand le processus de réplication fut achevé, le miroir devant Cyrull s'ouvrit. Il voyait<br />

par les yeux de son double, reconstitué par la Science Généticienne à des milliers de<br />

kilomètres de là. Un double qui lui était en tout point semblable mais qui était dépourvu<br />

d'esprit, ou plutôt, dont l'esprit était situé au cœur de l'Hégémonie.<br />

Cyrull nota la présence de Racken puis se dirigea vers le corps inanimé de Conscience.<br />

Face à un tel adversaire, le Généticien ne prendrait pas le moindre risque. Son attaque ne lui<br />

laisserait aucune chance.<br />

*****<br />

Déméter était balayé par la puissance psychique de Conscience. Cette dernière, tirant<br />

toute sa puissance du corail, bénéficiait d'une réserve presque inépuisable d'énergie spirituelle.<br />

Le prêtre du Trident avait beau bénéficier du soutien des âmes de millions de mammifères<br />

marins, elle semblait invincible. Son seul espoir était de trouver le lien qui l'unissait au coraux<br />

et de le trancher. Malheureusement, Conscience ne lui en laissait guère le temps. L'esprit de<br />

Déméter, épuisé et impuissant, se retrouva pris au piège des serres de l'immense dragon dont<br />

les ailes paraissaient s'étendre à l'infini dans le Flux soumis à l'ennemi.<br />

La tête bestiale s'approcha lentement du prêtre du Trident.<br />

- Il ne pouvait en être autrement, souffla Conscience. Désormais, nul ne pourra plus<br />

s'opposer à moi.<br />

La gueule de la créature frappa la forme psychique de Déméter qui sentit tout son être,<br />

ainsi que les âmes de millions de créatures, se mêler à une noirceur infinie. Mais alors que son<br />

esprit partait en lambeaux, il eut l'impression qu'on lui plantait un fer chauffé à blanc dans le<br />

cerveau. Ou plutôt dans celui de Conscience dont il faisait désormais partie intégrante. Le<br />

dragon se cabra en arrière comme sous l'effet d'une terrible blessure. Sa tête se dressa et<br />

Conscience poussa un hurlement qui fit trembler les cieux. La douleur était atroce. Tout ce qui<br />

constituait l'entité régnant sur le flux fut secoué de spasmes incontrôlables.<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 43 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

Chaque parcelle de l'esprit de Conscience agonisait. Il lui était impossible de maintenir sa<br />

cohérence psychique sans risquer de sombrer dans la folie provoquée par la douleur, cette folie<br />

qui grandissait en elle comme un cancer. La maîtresse du corail expulsa d'elle ce qui menaçait<br />

de la dévorer. Mais ce faisant, elle rompit les liens qu'elle avait forgés avec ses esclaves<br />

mentaux. Le corail fut libéré ainsi que Déméter qui vit la forme mentale de Conscience se<br />

dissoudre sous ses yeux. Mais il sentit aussi qu'autre chose se formait, une sorte de démence<br />

engendrée par l'esprit de son adversaire. Cette entité viola l'âme de Déméter et lui en arracha<br />

une partie. Elle puisa au plus profond de son être pour se nourrir de ses doutes et de ses<br />

peurs. Puis elle se tourna vers le corail et les âmes des mammifères pour s'abreuver d'une<br />

partie de leur substance. Tout autour de lui, Déméter perçut les perturbations qui secouaient le<br />

Flux puis il sombra dans la nuit. Quand il ouvrit les yeux, il était de nouveau dans la salle du<br />

trône.<br />

Cyrull retira la dague psychique de la tête de Conscience qui gisait sans vie sur son<br />

trône.<br />

- C'est ainsi qu'elle a détruit la Trinité, murmura-t-il à l'adresse de Déméter. C'est ainsi<br />

qu'elle a été vaincue.<br />

- Est-elle morte ? demanda Racken qui avait renoncé à essayer de comprendre ce qui<br />

s'était passé.<br />

Cyrull se tourna vers le pirate.<br />

- Conscience est morte mais Nisalia règne encore sur la République du Corail. Elle a agi<br />

quand elle a eu la certitude que son autre incarnation était en âge de prendre sa place.<br />

Cyrull descendit les marches du trône alors que sa peau commençait à se désagréger.<br />

- Attends, cria Déméter !<br />

- Il est trop tard, répondit Cyrull. Bientôt il ne restera rien de cet endroit. Plusieurs<br />

missiles nucléaires vont éradiquer Oracle et tout ce qui s'y trouve.<br />

- Si tu es celui que je pense, reprit Déméter, tu dois répondre à ma question. Conscience<br />

a-t-elle dit la vérité ?<br />

Le double de Cyrull n'était plus maintenant qu'un squelette recouvert d'un peu de chair,<br />

de nerfs et de vaisseaux sanguins. Il se tourna vers Déméter.<br />

- Qu'importe la vérité du passé, répondit-il, seul compte l'avenir.<br />

Les derniers vestiges organiques disparurent sur le robot qui s'immobilisa. La machine<br />

attendait désormais sa destruction.<br />

- Comment va-t-on sortir de là ? demanda Racken.<br />

- Il m'est désormais facile de retrouver mon propre corps, lui répondit Déméter. Quant à<br />

vous trois, vous avez peut-être encore le temps de sortir de là et d'aller vous réfugier dans les<br />

dédales souterrains. Faites vite !<br />

Déméter quitta le corps de Travis. Son esprit replongea dans le Flux pour aller réintégrer<br />

son corps. Mais c'est avec une certaine appréhension qu'il le fit. Il savait que Cyrull se trompait<br />

sur Conscience. Elle n'était pas morte et errait quelque part dans cette autre dimension, telle<br />

une bête blessée rendue folle par la douleur. Une chose immonde se cachait désormais dans<br />

les méandres du Polaris.<br />

Débarrassé de Déméter, Travis recouvra aussitôt ses esprits.<br />

- Quel beau salaud, fut sa première phrase. Il nous plante là après tout ce qu'on a fait<br />

pour lui.<br />

Racken ne l'écoutait pas. Il avait chargé Meya sur son dos et courait déjà en direction de<br />

la sortie. Il ne fallut pas longtemps à Travis pour l'imiter.<br />

*****<br />

Sélio ne sentit rien. Le regard perdu dans le bleu du ciel, il fut annihilé en l'espace d'une<br />

fraction de seconde. La bombe tactique qu'il portait sur lui pulvérisa littéralement le générateur<br />

du bouclier et toutes les troupes coralliennes à proximité. L'atmosphère artificielle disparut<br />

instantanément et céda la place au cauchemar climatique qui régnait sur la terre. Des vents<br />

d'une force inouïe balayèrent la vallée en emportant tout sur leur passage. Le bleu du ciel<br />

s'évanouit tandis que plusieurs points brillants tombaient sur Oracle.<br />

Les missiles s'abattirent sur toute la région, libérant leurs têtes multiples les unes après<br />

les autres Chaque missile "gigogne" lâcha ainsi quatre têtes nucléaires qui se suivaient à<br />

Auteur : Philippe TESSIER Page 44 / 48


<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

quelques secondes. Les ogives pénétrantes de 30 mégatonnes frappèrent leurs cibles à plus de<br />

30 000 kilomètres à l'heure et s'enfoncèrent à 200 mètres sous le sol avant d'exploser. Puis ce<br />

fut le tour des secondes ogives pénétrantes qui, quelques secondes plus tard, frappèrent les<br />

mêmes cibles. La troisième vague d'ogives acheva de préparer le terrain aux têtes nucléaires<br />

principales.<br />

Oracle disparut dans une gigantesque explosion thermonucléaire.<br />

*****<br />

De combien de temps disposaient-ils pour s'éloigner d'Oracle ? La question ne cessait de<br />

hanter Racken. Ils avaient pu quitter le dépôt sans rencontrer la moindre opposition et ils se<br />

retrouvaient maintenant devant l'entrée, à quelques pas de la rivière souterraine qui se<br />

précipitait avec furie dans les entrailles de la terre. Même à cette profondeur, ils ne pourraient<br />

jamais s'éloigner suffisamment pour échapper à l'attaque nucléaire.<br />

Racken et Travis se regardèrent. Ils eurent la même idée au même moment. La solution<br />

était désespérée mais c'était leur seule chance. Travis attacha solidement Meya dans le dos de<br />

l'ancien officier de la Ligue Rouge qui lui-même s'accrocha à sa taille.<br />

- Je ne vois pas comment on va s'en sortir mais je ne vois pas non plus d'autres<br />

solutions, cria Travis avant de se jeter avec ses camarades dans le torrent furieux. Juste avant<br />

de toucher l'eau, il fit appel au Flux Polaris et dressa autour d'eux un champ de protection.<br />

Les trois corsaires disparurent instantanément dans la rivière déchaînée.<br />

*****<br />

Au plus profond du Flux, une entité agonisait... non ! Bien que l'on aurait pu croire à une<br />

agonie, c'était bien à une naissance à laquelle on assistait. La naissance d'un esprit tourmenté,<br />

constitué de la fusion de Conscience, de Déméter, du Corail et des mammifères marins, le tout<br />

soudé par l'agonie, la douleur et la haine. Ce qu'avait vomi le dragon avant de se disloquer<br />

avait pris vie dans cette étrange dimension du Flux. Une folie ravagée par la douleur brillait<br />

désormais comme un astre noir au cœur du Polaris. Cet esprit malveillant se chercha une<br />

identité et, au plus profond de sa mémoire tourmentée, il se souvint de l'Autre.<br />

Pour dissimuler sa véritable nature, Conscience avait pris cette identité par le passé.<br />

L'Autre n'avait été qu'un masque bien utile mais, aujourd'hui, il existait.<br />

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EPILOGUE<br />

Sur la passerelle de l'Argonaute régnait un silence de mort. Les mains dans le dos,<br />

Telkran contemplait le spectacle de désolation qui accueillait l'Argonaute dans la plaine<br />

abyssale de Bellingshaussen. La flotte de la Ligue du Cap Horn et les mercenaires de Légion<br />

avaient été taillés en pièces. Les corsaires arrivaient trop tard. Ils avaient dû naviguer hors des<br />

eaux du territoire de la Ligue Rouge pour éviter les navires ennemis mais les rares<br />

renseignements collectés sur les combats dans cette région du monde faisaient froid dans le<br />

dos. La frontière sud de Parasema n'était plus qu'un champ de ruines et il en allait de même<br />

pour Mornington.<br />

L'Argonaute croisa pendant plusieurs heures dans ces eaux transformées en cimetière<br />

puis il mit le cap vers la base de Bellingshaussen où l'attendait le même paysage<br />

apocalyptique. Il ne restait plus rien des installations secrètes des corsaires, pulvérisées par<br />

l'assaut des troupes coralliennes.<br />

- Quels sont vos ordres ? demanda Kmar à Telkran.<br />

Le chef des corsaires retourna s'asseoir dans son fauteuil de commandement. Il semblait<br />

las et souffrant.<br />

- Je ne sais pas, murmura-t-il. Le monde est devenu fou, je ne sais même plus pour qui<br />

me battre ni contre qui. Allons dans les eaux les plus profondes de l'Atlantique et attendons.<br />

Laissons-les s'entre-tuer s'ils le veulent, je suis las de ces combats inutiles. Peut-être devrionsnous<br />

revenir à la piraterie ?<br />

Kmar n'osa pas contredire son capitaine. Ces dernières semaines avaient été éprouvantes<br />

pour tout le monde. Ils avaient tous besoin de repos pour y voir plus clair. Il donna ses ordres<br />

à l'équipage et aida Telkran à regagner sa cabine. Le capitaine de l'Argonaute avait changé. Il<br />

semblait tourmenté et dépressif. Kmar espérait que cela s'arrangerait, qu'il ne sombrerait pas<br />

dans une folie destructrice qui le pousserait à mener ses corsaires sur la voie de la simple<br />

piraterie.<br />

Dans les noires profondeurs de l'océan, l'Argonaute glissa lentement vers les abîmes sans<br />

fond de l'océan Atlantique. Nul ne sait quand il en ressortira.<br />

*****<br />

Karl Voïl, contrairement à bon nombre de hauts responsables de la République, ne<br />

s'inquiétait pas vraiment des derniers bouleversements. Les arsenaux avaient peut-être été<br />

neutralisés mais ils disposaient d'une flotte suffisamment puissante et d'assez d'hommes pour<br />

gagner la guerre. Le pouvoir était stable et les derniers opposants avaient été arrêtés ou<br />

avaient fui. Il était d'ailleurs en train de signer quelques ordres d'exécution pour se<br />

débarrasser des plus gênants.<br />

Même si, sur le front, la situation s'était stabilisée, leurs ennemis étaient tellement<br />

affaiblis qu'ils ne pouvaient envisager une contre-attaque. Cela laissait amplement le temps<br />

aux généraux et aux amiraux de repenser leurs offensives. La guerre serait longue, il n'en<br />

doutait pas mais il était certain qu'ils la gagneraient.<br />

Mais Karl s'inquiétait de la brusque rupture du lien empathique qu'il partageait<br />

jusqu'alors avec sa maîtresse, Conscience. Cette dernière se faisait d'ailleurs appeler Nisalia et<br />

s'était proclamée Impératrice de l'Empire du Corail. Bien qu'elle fut encore entourée de ses<br />

empathes, il semblait évident qu'une partie de sa puissance avait disparu. Les proteus avaient<br />

déserté en masse les troupes coralliennes pour se réfugier dans les profondeurs des océans, le<br />

corail restait inerte et n'était plus sous le contrôle des coralliens et tous les individus dotés<br />

d'implants de coraux ne semblaient plus soumis comme avant à la toute-puissante Conscience.<br />

Karl ignorait ce que cela impliquait mais il s'en souciait peu. L'important était désormais<br />

d'imposer l'ordre corallien au reste de l'humanité.<br />

*****<br />

Quand Déméter avait réintégré son corps, il avait eu la surprise de se réveiller dans la<br />

morgue, aux côtés d'autres prêtres du Trident morts au cours des combats. Ceux et celles qui<br />

le croisèrent quand il regagna ses appartements furent encore plus surpris. Mais Déméter avait<br />

d'autres soucis. Au cours de l'affrontement contre Conscience, une partie de sa puissance, une<br />

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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

partie de son âme, lui avait été arrachée et hantait désormais le Flux Polaris. Cela ne<br />

présageait rien de bon.<br />

Sernéa lui avait également fait un rapport alarmant sur la situation d'Equinoxe et<br />

notamment sur Lana qui avait révélé d'étranges pouvoirs. La jeune fille timide et réservée<br />

avait été prise en charge par une puissante dignitaire hégémonienne qui, selon Sernéa, n'était<br />

autre qu'une Patriarche. Lana s'était installée non loin de l'ambassade d'Hégémonie et avait<br />

créé une organisation, la Fondation. Depuis, elle se montrait réservée et refusait de rencontrer<br />

quiconque à part son fidèle garde du corps Lester.<br />

Mais ce qui troublait le plus Déméter c'était le nom sous lequel elle était désormais<br />

connue sur Equinoxe : Masénya la Fondatrice.<br />

*****<br />

Combien de temps avait duré leur folle chute dans les entrailles de la terre, entraînés par<br />

le courant furieux de la rivière souterraine ? Pour Travis cela avait duré une éternité. Une<br />

éternité pendant laquelle il était resté concentré sur le champ protecteur qui leur avait évité<br />

d'être noyés et déchiquetés. Finalement, l'eau rugissante s'était apaisée en débouchant dans<br />

une profonde caverne.<br />

Travis, à bout de forces, relâcha sa concentration et sentit qu'il avait pied. Il se redressa<br />

dans le noir complet et appela Racken à voix basse. Ce dernier lui répondit en grommelant.<br />

- Qu'est-ce qu'elle est lourde.<br />

- Tu n'as qu'à me poser par terre, répondit Meya. Travis, je...<br />

- On verra ça plus tard, répondit le corsaire, pour l'instant, est-ce que tu pourrais nous<br />

guider, parce qu'on n'y voit strictement rien.<br />

- La berge est à quelques mètres, reprit Meya et il y a....<br />

Sans attendre la fin de sa phrase, les corsaires quittèrent le lit de la rivière quand<br />

soudain une douce lueur illumina la vaste caverne.<br />

- Il y a plusieurs dizaines de foreurs, termina enfin Meya.<br />

Travis sentit son estomac se nouer. Il était incapable de se battre et si ces foreurs étaient<br />

hostiles...<br />

- Heureux de vous revoir, dit un des foreurs au grand soulagement des Corsaires.<br />

Soltgar se détacha du groupe pour les accueillir.<br />

- Je ne pensais retrouver que des cadavres déchiquetés en bas de la rivière, dit-il.<br />

- Comment avez-vous su ? demanda Racken.<br />

- Un de nos hommes était posté près de la sortie du dépôt quand vous avez plongé dans<br />

le torrent, expliqua Soltgar. Le malheureux a eu le temps de nous prévenir avant la grande<br />

explosion. Heureux que vous vous en soyez tirés. Je vais vous conduire à notre campement<br />

puis nous nous rendrons au sein d'une autre tribu qui a recueilli d'autres humains. Peut-être<br />

des amis à vous ?<br />

- Des amis ?<br />

- Oui, ils ont retrouvé trois individus coincés dans une foreuse mécanique suspendue à<br />

l'envers au-dessus d'un de leurs puits d'accès. Il semblerait que ce soient des pirates. Du<br />

moins c'est ce qu'affirme l'un d'eux, un dénommé Varag, je crois. Encore heureux qu'ils soient<br />

tombés sur une tribu amie.<br />

******<br />

Du dernier étage du bâtiment de la Fondation, Lana observait les gens circuler dans la rue en<br />

contrebas. Derrière elle, sa mystérieuse bienfaitrice venue d'Hégémonie était satisfaite de son<br />

élève. Ce qu'elle lui avait révélé aurait conduit à la folie la plupart des humains. Mais Lana<br />

n'était pas humaine ou, plutôt, elle ne l'était plus. Elle était bien plus. L'innocente cartographe<br />

de l'Alliance Orbitale avait cédé la place à un être qui incarnait l'accomplissement de l'évolution<br />

humaine, une Généticienne. Il lui fallait désormais l'admettre. Admettre qu'elle était bien<br />

supérieure aux autres êtres de son espèce. Admettre que la dignitaire hégémonienne n'était<br />

autre qu'elle-même.<br />

- C'est ainsi que les Généticiens demeurent éternels, lui avait-elle dit en lui révélant son<br />

secret. Nous sommes tous nés au cours de ces sombres années de notre histoire et nous<br />

avons vécu une éternité. Nous avons échappé au temps pour revenir du futur afin d'assurer<br />

nous-mêmes notre naissance. Tu es ce que j'étais il y a une éternité et je suis ce que tu seras<br />

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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />

dans une autre éternité. Tu n'as rien de commun avec cette espèce primitive que nous<br />

laissons vivre sur ce monde. Désormais, tu es Masénya la Fondatrice, celle par qui se lèvera<br />

l'Aube des Généticiens.<br />

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