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PROJET DOMINATION<br />
Tome 4<br />
APOCALYPSE<br />
Crédits<br />
Auteur : Philippe TESSIER
<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
Introduction<br />
24 Avril 569<br />
Océan Atlantique<br />
Plaine abyssale de l’Angola<br />
- 5 690 mètres<br />
Vivre de la pêche aux crustacés ne s’avérait pas particulièrement difficile dans la région<br />
de l’Angola, même à six mille mètres de profondeur. Des centaines de petites cheminées<br />
naturelles réchauffaient l’eau sur plusieurs milles nautiques attirant ainsi dans cette oasis<br />
perdue dans les ténèbres toute une petite faune de créatures sous-marines. Les pêcheurs de la<br />
petite communauté d’Isanis exploitaient ce filon naturel et en tiraient une grande partie de<br />
leurs revenus.<br />
Depuis quelques heures, Vullion, avec deux camarades, ramassait ses casiers. Leur<br />
navire, posé sur le fond sablonneux à quelques mètres d’eux, illuminait d’une lueur bleutée le<br />
saisissant spectacle de cette forêt de cheminées pouvant atteindre quinze mètres de haut, d’où<br />
s’échappait une eau rendue grisâtre par les sulfures métalliques qu’elle contenait.<br />
Le jeune homme avait l’impression d’être un explorateur foulant le sol d’une lointaine<br />
planète hostile. Tout cela lui semblait irréel et sinistre. Fort heureusement, les « habitants » de<br />
cette « lointaine planète » ne comptaient que des petits crustacés inoffensifs, des anémones et<br />
des galathées. Les prédateurs étaient fort rares dans la région ; il n’y avait donc presque<br />
aucun risque de se retrouver nez à nez avec une araignée de mer géante ou un requin.<br />
Tout en sifflotant, le jeune pêcheur jeta un coup d’œil machinal aux informations qui<br />
s’affichaient sur sa visière puis il se pencha pour ramasser un casier et le vider dans le grand<br />
sac flottant qu’il tirait derrière lui. Un de ses compagnons apparut au détour d’une cheminée et<br />
lui fit signe de la main avant de disparaître derrière un obstacle.<br />
Vullion vérifia sa jauge à oxygène. Il lui restait encore une bonne heure devant lui. Son<br />
sac étant déjà presque plein, il regagnerait très certainement le bord avant l’expiration de ce<br />
délai. Il s’enfonça un peu plus profondément dans l’étrange forêt de pierre. Chacun de ses pas<br />
soulevait un petit nuage de sable noir tandis que les plus petits crustacés, d’une blancheur de<br />
craie, fuyaient ce mastodonte en armure de plongée.<br />
Soudain, son attention fut attirée par une sorte de flash au-dessus de sa tête. Il regarda<br />
vers le haut et scruta les ténèbres de l’océan… six kilomètres de noir absolu, six kilomètres<br />
d’eau. Il n’y avait rien d’autre à voir que l’obscurité. Vullion craignait que ce flash ne soit la<br />
première manifestation d’un problème respiratoire. Si ses yeux commençaient à lui jouer des<br />
tours, il lui fallait regagner le navire sans tarder.<br />
Il fit demi-tour et trébucha sur quelque chose recouvert par le sable. Il se pencha pour<br />
ramasser un morceau de métal. Qu’est-ce que ça faisait là ? Il vit un autre flash. Puis encore<br />
un autre.<br />
Cette fois, il en était sûr, il se passait quelque chose au-dessus de sa tête. Il vérifia le<br />
câble de communication qui le reliait au sous-marin et tenta de contacter son compagnon resté<br />
à bord.<br />
- Vosel, dit-il, tu peux me balancer un coup de sonar ? J’ai vu un truc bizarre… Vosel ?<br />
Vullion se mit à pester. Ce satané Vosel devait encore être en train de dormir au lieu de<br />
surveiller les instruments de bord. Cette fois-ci, il allait l’entendre.<br />
Le jeune pêcheur pressa le pas en direction du petit navire de pêche puis s’arrêta<br />
brusquement. Une lourde plaque de métal tombait lentement devant lui. Elle se posa sur le<br />
fond sablonneux en soulevant un nuage de poussière. Vullion attendit que le nuage se disperse<br />
un peu avant de s’approcher.<br />
Il souleva le lourd morceau d'épave et le retourna. Il était noirci mais le symbole gravé<br />
dessus restait parfaitement identifiable : c’était celui de l’Hégémonie !<br />
Que se passait-il donc là-haut ? se demanda-t-il en scrutant de nouveau les ténèbres de<br />
l’océan. Il vit une nouvelle fois une série d’éclairs déchirer l’obscurité puis il se mit à pleuvoir<br />
des morceaux de métal. Sur tout le champ de cheminées s’abattaient des débris de coque.<br />
Vullion sentit la peur l’envahir. Il fallait s’éloigner très rapidement de ce secteur. Il ne<br />
savait pas exactement de quoi il s'agissait mais il semblait évident qu’on se battait là-haut et<br />
qu’il devenait extrêmement dangereux de traîner dans le coin. Il se hâta vers le navire mais,<br />
juste avant qu’il n’y parvienne, une énorme masse métallique s’abattit sur le frêle esquif.<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
Le bateau de pêche fut pulvérisé en un instant. Vullion se retrouva plongé dans le noir<br />
absolu. Il resta là, immobile, ne sachant plus que faire. C’est alors que les restes d’un cuirassé<br />
hégémonien s’écrasèrent sur le champ de cheminées. Vullion n'eut même pas le temps de<br />
réaliser ce qui lui arrivait.<br />
*****<br />
25 Avril 569<br />
Océan Arctique<br />
Plaine abyssale de Barents<br />
Base Généticienne<br />
Dans les immenses installations sous-marines de Cyrull, tout était calme depuis des<br />
années, depuis que le maître des lieux avait rejoint ses frères les Patriarches. Mais au plus<br />
profond du complexe quelque chose se réveilla sur l’ordre de son créateur. Le complexe<br />
cérébral informatique prit acte de l’ordre mental de Cyrull.<br />
Des panneaux s’ouvrirent dans tous les recoins de la base, dévoilant d’étranges<br />
silhouettes humanoïdes sans traits, à la peau aussi lisse que du métal. Les silhouettes<br />
quittèrent leur réceptacle pour gagner leurs postes. Alors toute la station reprit vie. La lumière<br />
se déversa dans les coursives, les machines se remirent à bourdonner et les ateliers<br />
automatisés s’activèrent de nouveau.<br />
Dans une vaste salle circulaire, au cœur des installations, des sarcophages de verre<br />
s’ouvrirent lentement libérant ceux et celles qui y gisaient. Hommes et femmes ouvrirent les<br />
yeux avec peine. La première chose qu’ils ressentirent fut l’immense douleur qui les<br />
submergea comme un torrent furieux. Leur corps, trop longtemps endormi, les faisait<br />
terriblement souffrir. Il fallut attendre quelques minutes avant que les drogues fassent leur<br />
effet et qu’ils se sentent mieux.<br />
A peine avaient-ils retrouvé toutes leurs facultés que leur maître et créateur se rappela à<br />
leur bon souvenir. Sur leur rétine apparurent les détails de leur mission et le temps qui leur<br />
restait pour l’accomplir. Les hommes-minute n’avaient pas oublié ce que cela signifiait. Cyrull<br />
leur avait donné la vie mais il se livrait avec eux à un jeu macabre. Leur vie était une<br />
perpétuelle course contre la montre. Quand Cyrull voulait qu’ils accomplissent sa volonté, il<br />
leur donnait un certain temps pour s’exécuter. S’ils n’y parvenaient pas dans le temps imparti,<br />
ils mouraient. S’ils réussissaient, leur espérance de vie s’en trouvait prolongée. Cruel mais<br />
terriblement efficace. Les hommes-minutes se hâtèrent donc de rejoindre leur poste.<br />
Certains rejoignirent le chantier naval de la base, pour monter à bord du cuirassé<br />
Généticien Golem afin de le préparer au départ. Ils ignorèrent totalement la présence à bord<br />
des pauvres malheureux qui se faisaient appeler les Lions Rouges et qui attendaient là, depuis<br />
près de deux ans, que leur vénéré Empereur Guillaume, l’ordinateur de bord du navire, décide<br />
de leur sort.<br />
Les Lions Rouges formaient une communauté de pirates qui vivaient à bord du navire<br />
Généticien depuis des dizaines d’années. Jusqu’au réveil de Cyrull, ils avaient parcouru les<br />
mers pour piller et massacrer. Puis, soudain, sans qu’ils comprennent pourquoi, leur campagne<br />
de terreur avait pris fin. Le navire leur avait fourni de quoi se nourrir et jamais ils ne s’étaient<br />
doutés qu’ils ne parcouraient plus les océans mais qu’ils se trouvaient en cale sèche dans une<br />
base secrète.<br />
Quand ils virent arriver les premiers hommes-minute, ils pensèrent d’abord que le navire<br />
avait été arraisonné mais, bien vite, l’ordinateur leur annonça qu’il s’agissait d’alliés et que<br />
bientôt, ils allaient pouvoir reprendre la mer. La nouvelle fut accueillie avec joie. Les pirates se<br />
sentirent revivre. Ils étaient de nouveau prêts au combat et constituaient pour l’Empereur<br />
Guillaume, qui les avait "élevés" comme des animaux de laboratoire, une réserve de<br />
combattants bon marché.<br />
Et des soldats, il en aurait besoin. Les ordres de Cyrull ne laissaient planer aucun doute.<br />
La guerre avait embrasé les fonds marins et bientôt le Golem allait pouvoir semer la mort et la<br />
destruction au sein des flottes ennemies.<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
CHAPITRE 1<br />
S’il est une chose dont la Ligue Rouge n’est pas dépourvue c’est bien la débrouillardise.<br />
Alors qu’elle n’a jamais disposé d’une puissance susceptible de rivaliser avec celle de<br />
l’Hégémonie, elle a toujours réussi à tenir en échec la nation des patriarches en recourant à<br />
l’audace, la ruse et à des stratégies que beaucoup auraient considérées comme stupides et<br />
suicidaires.<br />
- Archiviste de Premier Rang Victor Selzman<br />
25 Avril 569<br />
Océan Atlantique<br />
Flotte amirale hégémonienne<br />
A bord de l’Atlantis<br />
Au cœur de l’immense forteresse mobile Atlantis, le Haut-Amiral Viramis examinait avec<br />
une certaine inquiétude les derniers rapports parvenus au centre de commandement<br />
stratégique. Avec ses conseillers, il n’avait presque pas quitté cette vaste pièce circulaire où<br />
tout ce qui se passait dans le monde faisait l’objet d’une analyse approfondie. Des dizaines de<br />
techniciens mettaient à jour minute après minute les écrans stratégiques couvrant les murs,<br />
tandis qu’au centre de la pièce toutes ces informations étaient rassemblées sur la carte globale<br />
des fonds-marins. Viramis et ses conseillers commentaient chaque nouvelle information et<br />
envisageaient toutes les stratégies possibles pour reprendre le contrôle de la situation.<br />
- Anéanties ! murmura le Haut-Amiral. Il ne reste plus rien de la troisième et de la<br />
huitième flotte.<br />
Il regardait un point rouge clignotant dans la région de la Plaine Abyssale de l’Angola.<br />
- Les deux flottes étaient sérieusement affaiblies par le combat qui les avait opposées,<br />
Votre Altesse, commenta un officier. Le seul point positif, c’est que l’armada républicaine a subi<br />
également de sérieuses pertes et que sa progression a été enrayée. Nous sommes désormais<br />
en mesure de l’intercepter.<br />
Viramis haussa un sourcil. Depuis que l’amiral Ulyr avait accepté une trêve, le Haut-<br />
Amiral commandait une des plus grandes armadas sous-marines de l’Histoire. Elle seule<br />
pouvait avoir une chance d’arrêter le rouleau compresseur républicain.<br />
Depuis que la guerre avait éclaté, la situation progressait en faveur de la République du<br />
Corail. La Nouvelle Lémurie avait été la première à tomber, suivie peu après par Rodhia et la<br />
Fédération du Cap. Les légions de Conscience contrôlaient presque tout le Pacifique, à<br />
l’exception des Royaumes pirates qui résistaient encore mais pour combien de temps ?<br />
L’Alliance Polaire ayant déclaré sa neutralité, il ne fallait pas compter sur ses navires pour<br />
menacer les coralliens sur leur frontière nord.<br />
L’océan Indien était entièrement sous la domination des alliés de Conscience, les Etats du<br />
Rift et le Royaume de l’Indus. Ces derniers harcelaient l’Union Méditerranéenne qui ne pouvait<br />
en aucun cas apporter son soutien aux troupes hégémoniennes. Elle avait déjà dû rappeler sa<br />
flotte envoyée au secours d’Equinoxe qui fort heureusement avait repoussé l’agresseur.<br />
Viramis savait qu’il lui fallait à tout prix vaincre l’armada corallienne qui menaçait la<br />
frontière sud-est de l’Hégémonie. Mais, même s’il y parvenait, que resterait-il de sa nation<br />
après cette guerre ? L’Hégémonie se désintégrait. Dans chaque province régnait le chaos.<br />
Entre les mouvements indépendantistes, la désinformation, les attentats terroristes et les<br />
sabotages, le pays perdait peu à peu toute sa capacité de production. A Keryss, un naviresuicide<br />
avait sérieusement endommagé le plus grand chantier naval de la capitale. A Rauxe,<br />
qui contrôlait le Passage de Panama, on s’apprêtait à subir les assauts d’une gigantesque flotte<br />
corallienne qui avait fondu sur la Ligue Rouge. La Ligue… les hégémoniens n’avaient que des<br />
informations fragmentaires sur ce qui se passait là-bas. Et ces informations étaient<br />
terriblement inquiétantes. On parlait d’une explosion nucléaire sous-marine ayant anéanti<br />
presque toute une province, on parlait d’un débarquement des troupes de Conscience sur les<br />
terres de surface contrôlées par la Ligue.<br />
- Veuillez m’excuser, Votre Seigneurie, dit un aide de camp. La délégation de la Ligue<br />
Rouge vient d’arriver.<br />
Le Haut-Amiral salua de la tête les trois hommes qui venaient d’entrer. Il était plus<br />
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qu’étrange de voir à bord de l’Atlantis des officiers de ce pays que tout le monde considérait<br />
comme l’ennemi héréditaire des hégémoniens.<br />
Les délégués de la Ligue s'inclinèrent brièvement et, sans perdre plus de temps, leur<br />
porte-parole fit un résumé rapide de la situation.<br />
- La province de Parasema est tombée et celle de Carnégie connaît de sérieuses<br />
difficultés, ce qui fait courir un réel péril à votre cité-frontière de Rauxe. L’ennemi a également<br />
pu faire débarquer des troupes en surface et menace directement nos installations<br />
industrielles. D’après nos services de renseignement, les coralliens prépareraient une vaste<br />
offensive sur les terres émergées d’Amérique du Nord. Leur objectif n’est autre que le centre<br />
spatial. Ils veulent couper les vivres à l’Alliance Orbitale.<br />
- Qui a commencé à bombarder l’Australie, précisa un officier hégémonien.<br />
- Sans grand résultat, malheureusement, ajouta le délégué de la Ligue. Il semble que les<br />
coralliens disposent de batteries anti-missiles très performantes et de puissants boucliers antibombardements.<br />
Les satellites militaires situés en orbite basse ont presque tous été détruits<br />
au-dessus de l’Australie et toute frappe nucléaire est impossible. Cependant…<br />
Le délégué marqua un temps d’arrêt en regardant les hégémoniens les uns après les<br />
autres.<br />
- L’Empire du Corail tire toute sa puissance d’Oracle et, tant que nous ne parviendrons<br />
pas à neutraliser le dépôt, l’ennemi disposera d’arsenaux capables de produire des navires de<br />
combat beaucoup plus rapidement que nous, sans parler des merveilles technologiques qui s’y<br />
trouvent. Le seul espoir que nous ayons de contrecarrer les plans des coralliens est de détruire<br />
Oracle...<br />
- Détruire Oracle ? s'effara, incrédule, un des officiers hégémoniens. Détruire tous les<br />
secrets qu’il renferme ?<br />
- Je ne vois aucune autre solution, répondit le représentant de la Ligue. Avec Oracle,<br />
notre ennemi commun dispose d’un potentiel militaire contre lequel il est vain de vouloir lutter.<br />
Il nous faut renoncer aux merveilles d’Oracle si nous voulons espérer survivre.<br />
- Imaginons que nous acceptions votre point de vue, reprit l’officier hégémonien,<br />
comment diable parvenir à détruire une base aussi gigantesque ?<br />
Le représentant de la Ligue fit un signe à son aide de camp qui posa devant lui une petite<br />
mallette. Une image holographique d’un immense complexe apparut au-dessus lorsqu'il<br />
l'ouvrit.<br />
- Ce document a été découvert il y a plusieurs années dans un petit dépôt Généticien.<br />
Nous pensons qu’il a été réalisé à l’époque de la guerre entre les Généticiens et l’Alliance Azur.<br />
Oracle est constitué de quatre arsenaux entièrement automatisés, reliés à une base centrale<br />
qui leur fournit la quantité colossale d’énergie dont ils ont besoin pour fonctionner. Cette base<br />
est située sous les Monts Macdonnell, à l’abri du bouclier atmosphérique. La base s’enfonce à<br />
plusieurs centaines de mètres sous terre et commande d’énormes dispositifs de collecte et<br />
d’accumulation d’énergie installés au plus profond des entrailles de la terre. Ces dispositifs<br />
utilisent une réserve d’énergie inépuisable: le noyau terrestre. Notre plan consiste à dépêcher<br />
sur place un commando d'hommes bien entraînés afin de détruire le cœur du complexe et de<br />
provoquer une réaction en chaîne qui anéantira Oracle.<br />
Les hégémoniens se regardèrent, incrédules. Le Haut-Amiral était songeur. Une telle<br />
entreprise lui paraissait totalement insensée.<br />
- Comment voulez-vous envoyer des hommes là-bas ? dit-il. Tous nos commandos ont<br />
échoué. Il nous est impossible d’approcher des Monts Macdonnell, que ce soit par voie<br />
aérienne ou par voie terrestre. Pour réussir, il faudrait faire débarquer en Australie une armée<br />
d’invasion, ce qui est totalement impossible. Et, quand bien même nous réussirions, comment<br />
un petit groupe de commandos pourrait-il parvenir à pénétrer dans les installations<br />
souterraines pour détruire la base ?<br />
- Les plans découverts dans le dépôt Généticien étaient certainement destinés à préparer<br />
une attaque contre Oracle. Ils nous ont permis de déceler le point faible du complexe. Les<br />
hommes n’auront pas besoin d’y entrer. Leur mission serait de détruire les installations<br />
antimissiles, en surface. Une fois ceci accompli les satellites de l’Alliance Orbitale pourront<br />
procéder à une frappe grâce à des missiles thermonucléaires à têtes multiples, conçus pour<br />
atteindre des cibles profondément enfouies.<br />
- Des missiles gigognes ? demanda un officier.<br />
- Effectivement, confirma l’agent de la Ligue. Quatre têtes nucléaires de trente<br />
mégatonnes frappant le même point à quelques secondes d’intervalle. Couplées à des<br />
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perforateurs, elles peuvent atteindre des bunkers enterrés très profondément.<br />
- Et comment amènerez-vous suffisamment de commandos sur place pour détruire les<br />
installations antimissiles, s'enquit Viramis ?<br />
- C’est là que l’Alliance Orbitale va nous être d’un grand secours, répondit le délégué de<br />
la Ligue. Cela fait quelques années que les ingénieurs des stations orbitales travaillent sur des<br />
possibilités d’interventions terrestres sans avoir recours aux navettes spatiales. Leur idée est<br />
de déployer des « grappes » d'hommes en haute atmosphère, dans des espèces de cocons de<br />
protection, puis de les larguer sur terre. A une altitude donnée, les cocons s’ouvrent libérant<br />
les groupes de soldats qui freinent leur chute grâce à des retrofusées spéciales. Cette<br />
technique, bien qu’elle n’ait jamais été testée, serait opérationnelle et l’Alliance Orbitale serait<br />
en mesure de larguer quelques centaines de commandos juste au-dessus des Monts<br />
Macdonnell.<br />
- Cela me paraît très risqué et plus qu’incertain, déclara Viramis.<br />
- Mais quel autre choix avons-nous ? rétorqua le représentant de la Ligue. Nos flottes ne<br />
tiendront guère longtemps contre la machine de guerre républicaine.<br />
Le Haut Amiral lança un coup d'œil interrogateur à ses conseillers. Tous regardaient avec<br />
attention la projection holographique qui passait et repassait, en boucle, une simulation<br />
d’attaque nucléaire contre le dépôt Oracle. Dans la salle, chacun semblait plongé dans un<br />
abîme de perplexité et personne ne montrait un enthousiasme délirant mais ils hochèrent la<br />
tête à tour de rôle.<br />
- Poursuivez, reprit Viramis à l’attention de l’officier de la Ligue.<br />
Celui-ci, avec un petit air satisfait, demanda à son aide de camp de refermer la mallette<br />
pour lui laisser la possibilité d'illustrer son plan sur la carte stratégique des fonds marins.<br />
- L’assaut orbital n’est possible qu’à deux conditions. Tout d’abord l’ennemi doit être<br />
totalement pris au dépourvu. Ce qui implique un secret absolu mais aussi le lancement de<br />
plusieurs opérations de diversion. Ensuite, il nous faut parvenir à effectuer des attaques<br />
aériennes en Australie pour neutraliser, ou seulement éloigner, les avions de la République des<br />
Monts Macdonnell. La Ligue dispose de quelques sous-marins porte-avions et, si je ne<br />
m’abuse, l’Hégémonie également…<br />
L’officier de la Ligue marqua une pause et jeta un regard interrogateur au Haut Amiral.<br />
Ce dernier acquiesça.<br />
- Il nous faut donc permettre à ces engins de se rapprocher suffisamment des côtes<br />
australiennes pour pouvoir lancer des raids. Cette action doit s’accompagner de trois offensives<br />
majeures contre les trois principales flottes républicaines ici, ici et ici.<br />
Il indiquait sur la carte stratégique la région de Panama, celle du Golfe de Guinée et celle<br />
du Cap Horn.<br />
- La flotte amirale républicaine se trouve dans le Golfe de Guinée et fait route vers les<br />
Canaries. Il vous faudra la stopper coûte que coûte. Nous tenterons, avec vos troupes de<br />
Rauxe et avec l’aide de pirates, de repousser la flotte de Panama. Quant à celle du Cap Horn,<br />
je n’ai encore aucune solution à vous proposer. Nos navires et les vôtres présents dans la<br />
région ne peuvent espérer lutter contre un ennemi bien supérieur en nombre. Peut-être<br />
pourrions-nous faire appel à des mercenaires et à des corsaires pour…<br />
Viramis écoutait attentivement l’officier de la Ligue livrer tous les détails de son plan.<br />
Mais il ne pensait qu’à une seule chose : que ce plan soit couronné de succès ou non, qu’allaitil<br />
rester de ce monde après le conflit ? Qu’allait-il rester de son pays ?<br />
*****<br />
Tous les équipages des navires se rendant sur Cerberea, la capitale de la nationmercenaire<br />
de Légion située le long de la côte ouest de l’Amérique du Nord, étaient depuis<br />
longtemps habitués à la vue impressionnante des centaines de navires de guerre de toutes<br />
nations et de toutes obédiences gravitant autour des principales installations. Diplomates,<br />
pirates, contrebandiers, représentants de grandes sociétés, tout le monde venait sur Cerberea<br />
pour engager des troupes mercenaires, que ce soient celles de Légion ou d’autres. L’Amiral<br />
Valérius, le chef incontesté de cette organisation, se voulait d’une totale neutralité et avait<br />
ouvert ses portes à tous ceux qui le désiraient. Sur Cerberea, aucun conflit n’était toléré, tous<br />
y avaient les mêmes droits et les mêmes devoirs.<br />
Mais, en ces temps troublés, il était assez étrange d’apercevoir un bâtiment diplomatique<br />
de la République du Corail côtoyer des navires hégémoniens ou ceux de la Ligue. Pourtant ce<br />
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n’était pas ça que remarquaient en premier les nouveaux arrivants mais plutôt l’énorme masse<br />
du vaisseau sous-marin le plus célèbre au monde : l’Argonaute.<br />
De mémoire de mercenaire, jamais le corsaire Telkran Raljik ne s’était rendu sur<br />
Cerberea bien qu'on raconte que Valérius le connaissait bien.<br />
Kmar, encadré de ses gardes du corps, se frayait un chemin à travers la foule de<br />
représentants et de mercenaires qui se pressait dans la zone commerciale de la station. Depuis<br />
le début du conflit, jamais Cerberea n’avait connu une telle activité. Les contrats se<br />
négociaient à prix d’or. On faisait affaire dans les bars, dans les salles prévues à cet effet et<br />
même dans les coursives quand on manquait de place. Le nouveau capitaine de l’Argonaute<br />
venait également recruter des hommes mais pas n’importe lesquels. Il lui fallait les meilleurs, il<br />
lui fallait Légion.<br />
Il arriva au centre du complexe qui abritait les bureaux de Valérius. C’était un grand<br />
édifice circulaire bordé de statues impressionnantes représentant des guerriers antiques.<br />
Valérius les avait fait ramener d’un site englouti en mer Méditerranée. Les membres des<br />
services de sécurité gardant l’accès du saint des saints de l’organisation mercenaire n’avaient<br />
rien d’enfants de chœur et ils n’étaient pas hommes à se laisser impressionner. Pourtant,<br />
quand Kmar et ses hommes se présentèrent, ils les firent entrer sans poser de questions et<br />
sans prendre la peine de leur retirer leurs armes.<br />
L’antichambre donnant sur les appartements de Valérius était plus vaste que la plupart<br />
des salons diplomatiques. Tout y était prévu pour le confort des hôtes de marque. Un bar, des<br />
divans, de quoi manger et des femmes d’une rare beauté pour faire le service. Mais Kmar ne<br />
prêta aucune attention à tout ce luxe. D'un geste de la main, il renvoya la servante qui<br />
s’approchait de lui et préféra rester debout face à la porte donnant sur le bureau du maître des<br />
lieux.<br />
Il n’attendit pas plus de quelques minutes avant que les battants ne s’ouvrent et cèdent<br />
la place à deux officiers de la République du Corail. Kmar fronça les sourcils tandis que ses<br />
gardes du corps dégainaient leurs armes pour mettre en joue ces représentants de l’ennemi.<br />
- Du calme, dit une voix provenant de derrière les émissaires de Conscience.<br />
Kmar fit un signe à ses gardes qui rengainèrent leurs armes. Les agents du Corail se<br />
détendirent et quittèrent la salle sans perdre de temps.<br />
- Je vous rappelle, messieurs, que vous êtes dans une zone neutre et que toute personne<br />
se trouvant sur ma station est sous ma protection.<br />
Valérius apparut sur le pas de la porte et fit signe à Kmar d’entrer.<br />
- Il faut excuser mes hommes, répondit le capitaine de l’Argonaute. Ces dernières<br />
semaines ont été quelque peu tendues.<br />
Le bureau de Valérius était à l’image de l’antichambre mais en beaucoup plus grand et en<br />
plus luxueux. Kmar s’installa confortablement dans un fauteuil de cuir tandis que le maître de<br />
Légion faisait de même derrière son bureau. Une servante lui offrit du vin et un cigare puis<br />
quitta la salle.<br />
Valérius était un vieux loup de mer d’une soixantaine d’années. Avec ses courts cheveux<br />
grisonnants, ses cicatrices et son bandeau sur l’œil gauche, il évoquait plus un pirate qu’un<br />
homme d’affaires.<br />
- J’ai besoin de tes hommes, dit Kmar sans perdre de temps en vains discours. Il me faut<br />
toute ta légion pour repousser la flotte républicaine du Cap Horn.<br />
Valérius se saisit d’un cigare et se cala dans son fauteuil.<br />
- Et les républicains veulent ma légion pour établir un ordre nouveau, la Ligue veut mes<br />
troupes pour repousser la flotte du Pacifique tandis que le hégémoniens sont prêts à me<br />
couvrir d’or pour renforcer leurs flottes de l’Atlantique. Je ne parle même pas des polariens qui<br />
veulent que j’assure la protection de leur frontière sud et des dizaines de petites nations qui<br />
sont prêtes à me donner tout ce qu’elles possèdent. Que m’offres-tu, toi ?<br />
- Je n’ai rien à te proposer. Les républicains ont détruit la plupart de nos installations. Il<br />
ne nous reste que notre base de Bellingshausen mais elle ne résistera pas à l’assaut des<br />
troupes de Conscience.<br />
- C’est bien maigre comme proposition et bien inférieure aux autres offres. Les<br />
républicains sont généreux…<br />
- Si tu traites avec ces gens-là, ils te détruiront. Un jour ou l’autre, ils se débarrasseront<br />
de toi. Tu ne peux plus rester neutre dans cette affaire, Valérius. Soit tu acceptes la<br />
domination sans partage de Conscience, soit tu te bats contre elle.<br />
- C’est bien ce que j’ai l’intention de faire, rassure-toi. Les deux émissaires que tu as<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
croisés ne faisaient pas partie de l’Etat-major de Conscience mais des troupes libres de la<br />
République. D’ailleurs, ce nouvel « Empire du Corail » n’a pas daigné solliciter mon aide… on<br />
m’a fait parvenir un ultimatum. Le choix était clair, placer mes troupes sous le commandement<br />
corallien ou mourir. Quatre-vingt-huit de mes meilleurs hommes ont été tués quand ils ont<br />
tenté de quitter la République où ils étaient sous contrat. Légion est à toi Kmar.<br />
- J’ai besoin d’une autre information. Où se trouve Telkran ?<br />
Valérius fit la grimace. Il se leva et se planta devant un vieux tableau tout délavé et<br />
abîmé.<br />
- Telkran ne veut pas être retrouvé… et tu sais pourquoi.<br />
- Il est le seul à pouvoir commander les navires de l’Alliance Azur et nous en avons<br />
désespérément besoin contre Conscience.<br />
- Tu sais ce qui peut se passer si tu redonnes le commandement de l’Argonaute à<br />
Telkran ? Avons-nous le droit de courir le risque de laisser à la barre d’un des plus puissants<br />
navires de guerre sous-marins un fou rongé de haine et de douleur ? Telkran, lui, estime que<br />
c’est trop dangereux.<br />
- Ce qui est dangereux pour l’instant, répondit Kmar, c’est de laisser Conscience balayer<br />
tout sur son passage. Si nous ne faisons pas tout ce qui est en notre pouvoir pour contrer les<br />
plans des républicains, le monde n’aura plus jamais à craindre Telkran Raljik car il ne restera<br />
plus grand-chose de ce monde.<br />
Valérius baissa la tête.<br />
- Il est sur Carion !<br />
Kmar resta bouche bée.<br />
- Sur la station des pestiférés ?<br />
- Comme la communauté était placée en quarantaine par les Veilleurs, il pensait qu’il ne<br />
pourrait jamais en sortir vivant. Le problème, c’est que plus personne ne surveille la station et<br />
qu’on y aurait même aperçu des pirates de la Confrérie des Pestiférés.<br />
*****<br />
Sur la passerelle de l’Argonaute, Kmar regardait s’éloigner la station Cerberea. Plusieurs<br />
autres navires de la République du Corail étaient arrivés mais il remarqua que des drones et<br />
des plongeurs qui nageaient le long de leurs flancs et changeaient leurs écussons. Le signal<br />
sonar les identifiant comme des bâtiments Coralliens avait également été sensiblement<br />
modifié. Des amiraux avaient donc pu échapper à l’emprise de Conscience. Cela rassura Kmar.<br />
Il était possible de résister à la nouvelle maîtresse du Corail, elle n'était pas toute puissante.<br />
Le capitaine rejoignit son fauteuil de commandement. L’Argonaute faisait maintenant<br />
route vers Carion. Kmar devait à tout prix convaincre Telkran de reprendre le commandement<br />
de son navire. Et ce, quelles qu’en soient les conséquences…<br />
*****<br />
Seuil de Rockall<br />
Cité neutre d’Equinoxe<br />
Assise sur le bord du lit, Lana ne leva pas la tête quand Silverg entra dans la chambre.<br />
Elle se sentait désemparée. Tout son univers s'était écroulé autour d'elle et elle ne savait plus<br />
qui elle était.<br />
- Qu'est-ce que les médecins ont dit ? demanda l'officier Veilleur.<br />
Lana s'enfouit la tête dans les mains et se mit à pleurer. Silverg s'assit à côté d'elle et la<br />
prit dans ses bras.<br />
- Ils ont dit que ça dépassait leurs compétences, parvint à bredouiller la jeune femme<br />
entre deux sanglots. Ils ont dit qu'ils n'avaient jamais vu ça de leur vie et que quelqu'un, sur<br />
une station spatiale, avait dû modifier mon organisme.<br />
Elle parvint à se reprendre. Elle se redressa et essuya ses larmes.<br />
- Ils m'ont parlé de cellules modifiées, de réseau moléculaire d'une incroyable<br />
complexité, de nano-sondes et d'autres choses auxquelles je n'ai rien compris. J'en ai entendu<br />
murmurer que j'étais plus une machine qu'un être humain !<br />
Silverg ne savait pas quoi dire pour la réconforter. Sernea lui avait raconté ce qui s'était<br />
passé avec les agents de Fragment. Il ne faisait aucun doute que Lana était bien plus qu'un<br />
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simple être humain.<br />
- Ces hommes que vous avez tués pendant la bataille....<br />
- Je ne voulais pas, l'interrompit Lana pour se défendre, je ne sais même pas ce qui s'est<br />
passé.<br />
- Je ne vous blâme pas de les avoir tués, s'expliqua Silverg, je veux juste savoir si vous<br />
vous rappelez comment vous l'avez fait.<br />
- Je... je ne sais pas vraiment, bredouilla la jeune femme. J'ai... j'ai eu l'impression de<br />
connaître tout de leur organisme, comme s'ils étaient de simples pelotes de laine et que je<br />
savais sur quel fil tirer pour qu'ils se défassent. C'est comme si j'avais eu la clef de leur<br />
structure génétique et que je n'ai eu qu'à la tournée pour les détruire !<br />
CHAPITRE 2<br />
Le premier contact entre les humains et les foreurs fut le résultat des efforts d’une<br />
célèbre rebelle hégémonienne : Telma Tiltane. Elle fut invitée au cœur d’une de leurs grandes<br />
cités souterraines et découvrit que leur civilisation ne se limitait pas à quelques tribus de<br />
créatures sauvages. Elle s’aperçut aussi qu'humains et foreurs avaient beaucoup plus en<br />
commun qu’on ne le pensait.<br />
- Archiviste de Premier Rang Victor Selzman<br />
2 Mai 569<br />
Ancienne Australie<br />
Monts Macdonnell<br />
A « vol d’oiseau », la distance entre les contreforts des Monts Macdonnel et la base<br />
Oracle n’excédait pas une centaine de kilomètres, distance qui, en temps normal, aurait pu<br />
être parcourue en une dizaine de jours. Mais, sous terre, la progression était beaucoup plus<br />
lente et surtout il n’y avait pas de passage menant directement à Oracle. Il fallait<br />
constamment faire des détours, s’enfoncer de plusieurs centaines de mètres puis remonter.<br />
Certains passages étaient tellement difficiles à franchir que cela prenait des heures pour<br />
parcourir quelques dizaines de mètres. Les seuls qui semblaient à l’aise dans ce dédale<br />
souterrain étaient les quatre foreurs qui accompagnaient Travis, Meya, Racken, les six<br />
commandos hégémoniens ainsi que le général Vesten et ses hommes.<br />
Le chef des foreurs, Soltgar, marchait en tête de l’expédition et, malgré sa masse<br />
impressionnante, il se déplaçait avec une étonnante agilité. Travis n’avait jamais vu d’aussi<br />
près un des membres de cette mystérieuse race souterraine. Jusqu’alors, il les avait toujours<br />
considérés comme des monstres sans cervelle, des bêtes assoiffées de sang qui ne songeaient<br />
qu’à exterminer la race humaine. Aujourd’hui, il découvrait en Soltgar un individu jovial, cultivé<br />
et bien plus sensible qu’il ne l’aurait imaginé. Quand le groupe s’arrêtait pour faire une pause<br />
de quelques heures, le foreur se montrait attentionné comme un père enseignant à de jeunes<br />
enfants l’art de survivre dans ce milieu hostile. Il semblait d’ailleurs évident que ces êtres<br />
considéraient les humains qui les accompagnaient comme des créatures fragiles qui, sans leur<br />
protection, ne feraient pas de vieux os dans leur royaume. Ils n’avaient pas tout à fait tort.<br />
Soltgar leur avait évité tellement de dangers dus à la nature elle-même ou à de redoutables<br />
prédateurs, que, sans lui, il aurait été impossible d’atteindre Oracle. C’est dire qu’au moindre<br />
signe de nervosité de sa part, tout le monde craignait le pire. Or, justement, depuis quelque<br />
temps Soltgar se montrait nerveux.<br />
Toute l’équipe venait de pénétrer dans une vaste caverne dont on ne pouvait distinguer<br />
les contours malgré l’éclairage de leurs lampes. Une voûte d’un peu moins de quatre mètres de<br />
haut, une forêt de stalactites et de stalagmites à perte de vue et d’inquiétants échos rendaient<br />
cet endroit particulièrement angoissant. Les membres de l’expédition jetaient tous des regards<br />
inquiets dans toutes les directions pour tenter de percer les ténèbres et d’y déceler un danger<br />
potentiel. Les foreurs, eux-mêmes, ne semblaient pas apprécier du tout cet environnement.<br />
Leur pouvoir de détection par écho-sonar était partiellement neutralisé par les nombreux<br />
obstacles que constituaient les formations calcaires.<br />
Soudain Soltgar s’immobilisa et, d'un signe de la main, enjoignit ses compagnons d’en<br />
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faire autant. Son énorme main se crispa sur la poignée de la masse gigantesque qu’il portait à<br />
la ceinture. Il semblait flairer l’atmosphère. Le silence de mort qui régnait ici était presque<br />
oppressant et chacun n’entendait que le bruit de son propre cœur qui battait de plus en plus<br />
fort. Puis on perçut le son d’un ruissellement d’eau sur la pierre et d’une chose raclant la<br />
surface lisse de la roche.<br />
Les membres du groupe n’eurent pas besoin que les foreurs leur fassent un dessin. Ils se<br />
mirent en cercle et dégainèrent leurs armes. Soltgar fit signe au commando hégémonien<br />
équipé du lance-flammes et lui désigna une direction. Le soldat hocha la tête et libéra un jet<br />
ardent vers le rideau de ténèbres que lui montrait le foreur.<br />
La langue de feu se déversa comme un torrent, enflammant tout sur son passage. Et<br />
c’est alors qu’ils découvrirent ce qui glissait dans leur direction. C’était énorme… une sorte de<br />
masse grouillante de tentacules et de gueules monstrueuses qui se tordaient dans tous les<br />
sens et qui s’étalaient sur des dizaines de mètres. Le feu ne semblait pas trop faire souffrir la<br />
chose mais la lumière l'incommodait manifestement. Ses monstrueuses bouches jaillirent de<br />
son corps et s’élancèrent vers ses agresseurs tandis que ses tentacules s’agrippaient aux<br />
formations calcaires pour se propulser en avant. L’horreur se traînait vers ses proies.<br />
- Fuyez ! hurla Soltgar avant d’abattre sa masse sur une gueule qui plongeait vers lui.<br />
Un des hommes de Vesten n’eut pas le temps de réagir. Une mâchoire lui engloutit toute<br />
la tête. Il fut arraché du sol comme une vulgaire poupée et entraîné vers l’immonde masse par<br />
le tentacule qui se rétractait.<br />
- Impossible de lutter contre ça ! cria Soltgar.<br />
Ce fut comme un signal pour tous les membres du groupe qui se mirent à courir droit<br />
devant eux sans savoir où ils allaient. Ceux qui osaient se retourner pour lâcher une rafale<br />
d’arme automatique ou un trait de feu voyaient les appendices monstrueux de la chose se<br />
détendre dans leur direction comme des serpents. Ils abandonnèrent très vite l’idée de venir à<br />
bout de ce monstre grotesque. Quand ils détruisaient une tête, dix prenaient sa place.<br />
Soltgar courait en tête pour essayer de repérer un passage que la créature ne pourrait<br />
emprunter. Il réussit à découvrir une étroite corniche qui longeait un précipice. C’était leur seul<br />
espoir. Jamais une chose de cette taille ne pourrait les y suivre. Il s’engagea sur l’étroite bande<br />
de pierre et hurla aux autres de l’y rejoindre. Un par un les membres de l’expédition réussirent<br />
à gagner l’abri de fortune malgré la confusion et l’affolement général, malgré le vacarme<br />
assourdissant des hurlements de la bête et le manque d’éclairage. Le groupe resta un long<br />
moment silencieux. Chacun s’appliquait à rejoindre l’autre côté du précipice en faisant<br />
attention de ne pas glisser. Les cris rageurs du monstre avaient doublé d’intensité et on<br />
n’entendait plus rien d’autre dans la caverne.<br />
Tandis que les foreurs inspectaient le côté du précipice qu'ils avaient enfin atteint pour<br />
s’assurer qu’il n’y avait plus de danger, les autres membres de l’expédition se laissèrent<br />
tomber à terre pour reprendre leur souffle. Seul, le chef des commandos hégémoniens restait<br />
debout, le regard rivé sur la corniche.<br />
- Fédrick ? répétait-il dans son communicateur. Fédrick, réponds !<br />
Vesten se leva pour aller le rejoindre. Le visage d’ordinaire impassible de Sanadack<br />
trahissait maintenant une grande inquiétude.<br />
- Un problème ? demanda Vesten.<br />
- Un de mes hommes manque à l’appel, répondit sèchement le commando.<br />
- La chose l’a peut-être eu, déplora Vesten. Elle a dévoré quatre des miens.<br />
L’hégémonien secoua négativement la tête.<br />
- Il m’a signalé par communicateur qu’il s’était engagé sur la corniche. La créature<br />
n’aurait pas pu l’attraper à cet endroit.<br />
Tous les membres de l’expédition s’étaient maintenant relevés pour s’approcher des deux<br />
hommes.<br />
- Il a peut-être glissé ? souffla Travis.<br />
Le chef des commandos se contenta de lui lancer un regard noir sans autre commentaire.<br />
Travis se rendit compte de la stupidité de cette supposition. Un commando surentraîné ne<br />
glissait pas, surtout s’il était équipé d’une armure de combat dotée d’un stabilisateur.<br />
- Je vais aller voir ce qui s’est passé, se contenta de dire Sanadack.<br />
- Nous vous attendrons ici, ajouta Vesten.<br />
Sanadack et deux de ses hommes disparurent dans les ténèbres. Le reste de l’équipe<br />
resta silencieux mais certains regards furent échangés, des regards emplis de méfiance.<br />
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Une heure plus tard, les hégémoniens rejoignirent enfin le campement de fortune.<br />
Sanadack ne prononça pas une parole mais l'un de ses hommes renseigna les autres. Ils<br />
n’avaient rien trouvé, pas un seul indice, et il leur avait été impossible de descendre le long de<br />
la fosse pour savoir si le disparu était « tombé ».<br />
Dès que les foreurs furent revenus le petit groupe se remit en marche sans un mot. Les<br />
hégémoniens dévisageaient Travis mais ce dernier ne semblait pas y prêter la moindre<br />
attention. Il réfléchissait. Il essayait de se rappeler quelles personnes se trouvaient près de<br />
l’hégémonien disparu quand ils avaient fui la créature.<br />
*****<br />
Conscience souriait. Les paupières closes, elle regardait par les yeux de quelqu’un<br />
d’autre. Elle voyait une corniche, elle percevait la confusion, elle sentait la peur. Il y avait<br />
derrière elle un de ces mystérieux commandos hégémoniens. Un homme que son hôte n’avait<br />
pas cessé de surveiller car il y avait là une opportunité à saisir pour se débarrasser d’un des<br />
ces gêneurs. Il s’était engagé sur la corniche et s’était retourné pour tirer sur le monstre des<br />
profondeurs. Il tournait le dos à l'hôte de Conscience ce qui lui ôtait toute chance de voir venir<br />
l’attaque. Une main lui arracha son communicateur de la tête tandis que l'autre le poussait<br />
dans le vide. Le commando tenta bien de reprendre son équilibre grâce à ses stabilisateurs<br />
mais un violent coup de pied dans la poitrine lui ôta cet espoir. Conscience souriait. Elle était<br />
satisfaite de son esclave.<br />
*****<br />
Tout avait pourtant bien commencé ! Entre deux assauts des gardes coralliens, Varag<br />
déversait un torrent d’injures destinées aux troupes de Conscience, à ses camarades, à luimême<br />
et à la vie en général. Il leur avait fallu plus de trois semaines de patience avant de<br />
pouvoir mettre en œuvre leur plan d’évasion, trois semaines pour se retrouver bêtement<br />
coincés dans les mines.<br />
Ce qui, à l'origine paraissait le plus difficile, c'est-à-dire réussir à mettre la main sur un<br />
écho-sondeur, n’avait pas vraiment posé de problème. Les insurgés avaient profité d’une<br />
inspection des mines pour provoquer une bagarre entre pirates. Dans la confusion qui avait<br />
suivi, un technicien avait réussi à récupérer les informations nécessaires sur la cartographie<br />
des souterrains. N’ayant pas le temps d’étudier les relevés sur place, il avait eu l’excellente<br />
idée de les transférer dans un robot de forage.<br />
La bagarre fut sévèrement réprimée et coûta la vie à quatre pirates. Leurs corps<br />
pourrissaient encore à l’extérieur des camps de prisonniers, accrochés à des gibets, pour<br />
l’exemple. Plusieurs autres furent enfermés dans des fosses pendant plus d’une semaine avant<br />
d’être réaffectés aux mines. Quand la situation se fut quelque peu apaisée, Varag et ses<br />
compagnons purent, à loisir, consulter les données enregistrées par le robot. Repérer un<br />
passage menant vers les profondeurs demanda plusieurs jours, reprogrammer le robot pour<br />
qu’il fore dans cette direction ne prit que quelques minutes mais modifier les informations de<br />
l’écho-sondeur pour qu’il détecte un filon là où il n’y en avait pas exigea beaucoup de patience,<br />
deux semaines de patience.<br />
Et c’est là que fut commise l’erreur ! En entrant ses propres informations dans l’échosondeur,<br />
le technicien chargé de l’opération avait cru judicieux d’indiquer que, non seulement il<br />
y avait un filon là où il n’y en avait pas, mais qu’en plus ce filon était particulièrement riche.<br />
Pendant quelques jours, les équipes de forage travaillèrent à cet endroit mais, comme aucun<br />
minerai n'en fut extrait, le centre de gestion des coralliens nota une brusque baisse de<br />
rendement dans la mine alors que cette production aurait dû être nettement améliorée étant<br />
donné la qualité du filon.<br />
Le jour même où le robot de forage termina son ouvrage et ouvrit le passage vers les<br />
profondeurs, une escouade d’une vingtaine de gardes coralliens fut dépêchée sur les lieux pour<br />
savoir ce qui se passait<br />
Varag avait senti le désespoir le submerger quand il avait vu arriver les soldats. Il fut<br />
surpris alors même qu’il dirigeait l’évasion avec les autres prisonniers. L’officier corallien<br />
comprit assez vite la situation, Varag aussi… Les corps de ses amis et le sien seraient bientôt<br />
exposés sur des gibets.<br />
Ils ne pouvaient pas faire grand-chose pour échapper à ce triste sort. Les soldats les<br />
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tenaient en joue.<br />
C’est le technicien qui avait involontairement tout fait rater qui les tira de ce mauvais<br />
pas. Après tout, il n’avait pas que de mauvaises idées songea Varag en y repensant par la<br />
suite. Sa mission accomplie, quand le robot de forage remonta des profondeurs, il fut<br />
royalement ignoré par les coralliens. Ils avaient l’habitude de ses énormes machines. Par<br />
contre, ils ne s'attendaient pas à ce qui allait se passer ensuite.<br />
Le technicien se mit à insulter les gardes. Ces derniers, très subtils, répondirent à coup<br />
de crosse. Cela parut fortement déplaire au robot de forage dont la nouvelle programmation<br />
comportait un ordre assez spécial : protéger le technicien !<br />
L’énorme machine de métal déploya un bras articulé pourvu d’un disque de forage et<br />
pulvérisa la première sentinelle. Un autre bras mécanique balaya les gardes à proximité. Les<br />
pirates réagirent sans perdre une seconde. Kyle ramassa une arme, Varag souleva de terre le<br />
corallien qui se trouvait devant lui et lui écrasa le crâne contre la roche tandis que Pencock<br />
brisait la nuque d’un autre adversaire. Tous les autres prisonniers agirent comme un seul<br />
homme. Le combat fut terminé en quelques secondes.<br />
L’évasion discrète s’était transformée en révolte armée qui gagna bientôt toute la mine.<br />
Les gardes furent exécutés et les prisonniers se dotèrent d'un maximum de fusils et de<br />
pistolets. On bloqua le monte-charge permettant d’accéder aux souterrains avant que les<br />
insurgés ne se précipitent vers les profondeurs pour découvrir que le passage qu’ils avaient<br />
repéré n’était qu’un cul de sac pourvu, ô ironie du sort, d’un riche filon de minerai.<br />
La suite n’avait été qu’une succession de catastrophes. Les coralliens avaient désactivé à<br />
distance tous les robots de forage. Les pirates se retrouvaient pris au piège comme des rats.<br />
Ils n’avaient plus qu’à mourir de faim dans leur trou.<br />
L’autre solution consistait à tenter une sortie. Mais il fallait faire vite car, sinon, ils<br />
seraient mis en pièce par les blindés coralliens qui ne tarderaient pas à être déployés en<br />
surface.<br />
Varag, à la tête d’une cinquantaine d’insurgés, avait donc organisé la résistance sur le<br />
petit plateau dominant la plaine. L’endroit serait facilement défendable pendant quelque<br />
temps, jusqu’à ce qu’ils n’aient plus de munitions.<br />
Tout en maudissant toute la création, Varag réfléchissait à un moyen de s’en sortir. Il<br />
trouvait déjà miraculeux qu’ils soient encore en vie et que les avions coralliens ne les aient pas<br />
pulvérisés. Mais les chasseurs avaient apparemment autre chose à faire. Depuis le début de la<br />
matinée, ils ne cessaient de partir en mission, ne revenant que pour refaire le plein de<br />
carburant et de munitions. Quelle que soit la raison qui les retenait ailleurs, elle devait être<br />
beaucoup plus importante qu’une petite rébellion dans une mine. Et Varag s’en félicitait.<br />
Kyle lui fit remarquer deux blindés légers qui progressaient sur la petite piste accédant à<br />
la mine. Le pirate fit signe à l'un de ses hommes retranché derrière un talus. Ce dernier<br />
s’approcha avec des explosifs.<br />
- Fais sauter la route, lui intima Varag. C’est le seul moyen d’arrêter ces trucs-là !<br />
Sans répondre, l’individu se mit à ramper vers son objectif. Pendant ce temps, le<br />
technicien qui avait modifié le robot d’extraction venait d'émerger de la plate-forme de la mine<br />
et accourait à toutes jambes vers la position de Varag. Alors qu’un des blindés lâchait une<br />
rafale dans sa direction, il se jeta à terre et s’étala de tout son long aux pieds de l’imposant<br />
pirate.<br />
- J’ai une bonne nouvelle, dit-il en essayant de reprendre son souffle. J’ai…<br />
Une explosion sourde lui coupa la parole. De la terre se mit à pleuvoir sur les mutins et<br />
quelque chose qui avait certainement dû être une jambe.<br />
- Merde ! dit un pirate. Ils ont fait sauter nos explosifs... et Stilus avec.<br />
- Et la piste ? demanda Varag.<br />
- Intacte.<br />
- Ta nouvelle a intérêt à être sacrément bonne, lança Varag au technicien.<br />
- En démontant les autres robots et en bidouillant le système de contrôle à distance, j’ai<br />
réussi à réactiver notre robot de forage.<br />
Varag le regarda avec de grands yeux.<br />
- Il a repéré une cavité à six cents mètres au-dessous du filon le plus profond de la mine.<br />
On peut certainement se faire la belle par là.<br />
- De toute manière, on n’a plus le choix, conclut Varag en se relevant.<br />
Il fit signe aux prisonniers de se regrouper sur la plate-forme tout en courant dans cette<br />
direction. Kyle le suivait de près, le technicien ne le lâchait pas d’une semelle.<br />
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Les blindés coralliens surgirent sur le plateau au moment où la plate-forme s’enfonçait<br />
dans les profondeurs de la terre.<br />
En arrivant à destination, tous les anciens mineurs s’équipèrent de leurs respirateurs et<br />
de lampes. Non seulement il faisait terriblement chaud à cette profondeur mais la poussière<br />
soulevée par le robot excavateur rendait l’air irrespirable.<br />
La trentaine de rescapés n’avaient plus qu’un seul espoir : que la cavité détectée mène<br />
quelque part… n’importe où, mais loin de la mine.<br />
Les évadés suivirent le robot excavateur pendant plusieurs heures avant de déboucher<br />
dans une vaste galerie naturelle. Les coralliens ne semblaient pas s’être lancés à leurs<br />
trousses… du moins pour le moment. Ils continuèrent leur progression en empruntant des<br />
petits boyaux étroits, des failles dans lesquelles ils devaient se déplacer en crabe et de long<br />
tunnels sinueux. C’est avec regret qu’ils avaient dû abandonner le robot excavateur au début<br />
de leur périple dans les entrailles de la terre mais l’engin était trop gros et ses foreuses ne lui<br />
permettaient pas d’aller plus loin.<br />
Alors qu'ils étaient à la limite de l’épuisement, leur route fut soudain coupée par un<br />
torrent souterrain. Ils n'eurent pas d’autre choix que de le suivre et d’espérer qu’il les mènerait<br />
à un endroit où ils pourraient se reposer.<br />
Au fur et à mesure de leur progression, le bruit de l’eau s’écoulant en cascade se faisait<br />
de plus en plus fort. Plusieurs indices laissaient présager qu’ils s’approchaient de la surface. Le<br />
problème de la survie dans ce milieu mortel allait bientôt se poser.<br />
Le groupe fit halte et on envisagea toutes les solutions possibles. Il fut décidé de<br />
dépêcher deux éclaireurs munis de respirateurs et de légères tenues isolantes bricolées à la<br />
hâte avec les vêtements de travail qu’ils portaient pour la mine. Ces tenues permettraient de<br />
les protéger quelque temps avant que l’acidité de l’atmosphère ne les ronge. Varag et un<br />
ancien corallien se portèrent volontaires.<br />
Quand ils arrivèrent à l’endroit où jaillissait le torrent, ils eurent la surprise de leur vie !<br />
Ils se trouvaient tout à fait à l’ouest de la vallée qu’ils voulaient fuir, à 600 mètres d’altitude,<br />
juste au-dessus du camp numéro 1. Mais la proximité de la grande base installée au pied du<br />
défilé permettant de quitter cette région leur parut vraiment ennuyeuse, dangereuse, bref<br />
éminemment gênante.<br />
Une autre surprise les attendait. Une certaine agitation régnait dans la vallée. Une<br />
agitation qui expliquait certainement pourquoi personne ne les avait suivis. Au moment où ils<br />
débouchèrent dehors, ils furent accueillis par les vrombissements stridents des chasseurs de<br />
combat passant en rase-mottes au-dessus des installations coralliennes. Ces chasseurs<br />
n’appartenaient pas à la République étant donné les bombes qu’ils larguaient et les appareils<br />
coralliens lancés à leurs trousses.<br />
Varag réussit à apercevoir le symbole hégémonien sur un des chasseurs avant qu’il<br />
n’explose, frappé par un missile. C’était une véritable mission suicide. En quelques minutes, il<br />
ne resta plus que deux chasseurs-bombardiers. Le premier tenta d’échapper à ses<br />
poursuivants et à la DCA ennemie. Il s’éleva haut dans le ciel avant d’exploser en une boule de<br />
feu. Le second lâcha une autre bombe sur la base militaire et essaya en vain de reprendre de<br />
l'altitude. Il percuta la falaise et se désintégra littéralement.<br />
En examinant avec attention la vallée, Varag remarqua que les attaquants avaient pris<br />
pour cible les grands dômes que le pirate avait remarqués à son arrivée. Ceux-ci révélaient<br />
désormais leur vraie nature. Leur sommet était ouvert et laissait apparaître un énorme canon<br />
braqué vers le ciel. A intervalles réguliers, les canons tiraient des rayons d’énergie sur des<br />
cibles trop distantes pour qu’on puisse les voir.<br />
Il se passait quelque chose dans l’espace.<br />
CHAPITRE 3<br />
Les guerres sous-marines sont généralement assez complexes. Se battre contre les<br />
vaisseaux ennemis n’est pas le plus difficile. Par contre, s’emparer des ressources adverses est<br />
beaucoup plus délicat. Pour n’importe qui, il serait aisé de détruire les stations sous-marines.<br />
Jusqu’à la Grande Guerre, s'emparer des stations intactes était une priorité. Mais ce qui a<br />
caractérisé l’affrontement avec les coralliens, c’est la volonté de ces derniers de détruire les<br />
installations ennemies, surtout les usines et les centres de recherche. Cela compliqua<br />
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fortement la tâche des troupes luttant contre Conscience puisqu’elles devaient également<br />
assurer la protection des zones peuplées.<br />
- Archiviste de Premier Rang Victor Selzman<br />
3 Mai 569<br />
Dorsale du Pacifique oriental<br />
Station Carion<br />
- 335 mètres<br />
Kmar avait préféré ne pas déclencher un conflit inutile avec d’éventuels pirates présents<br />
sur Carion. Il avait donc embarqué à bord d’une petite navette et laissé l’Argonaute à quelques<br />
milles nautiques. Si la Confrérie des Pestiférés s’était emparé de la station, les choses<br />
risquaient de se compliquer. Dirigée par Le Lépreux, cette organisation était constituée de<br />
forbans cruels, atteints pour la plupart de maladies incurables. On racontait sur eux des choses<br />
atroces, particulièrement à propos de la manière dont ils traitaient leurs victimes. Quant au<br />
Lépreux, on avait affaire à un homme rongé par la haine et le désir de vengeance, un fou<br />
sanguinaire doublé d'un redoutable capitaine.<br />
Kmar ne put s’empêcher de pousser un soupir de soulagement quand l’équipage de la<br />
navette lui signala l’absence du Fléau, le croiseur de classe Neptune du Lépreux. Il n’y avait<br />
autour des deux petits complexes sous-marins que deux frégates non identifiées, amarrées<br />
aux docks extérieurs.<br />
L’approche de la navette ne provoqua aucune réaction. Elle accosta le long d’un des longs<br />
tunnels externes qui donnaient au complexe principal de la base une allure de pieuvre aux<br />
tentacules étalés. Avant de débarquer, Kmar et quatre de ses hommes s’injectèrent des<br />
produits destinés à renforcer leurs défenses contre les virus puis ils enfilèrent des<br />
combinaisons isolantes. Deux précautions valaient mieux qu’une dans ce genre d’endroit.<br />
Derrière le sas s'étirait un long tunnel coupé à intervalles réguliers par des portes<br />
massives et des salles de décontamination. Entrer était assez rapide mais Kmar imaginait la<br />
longue procédure de sortie. On pouvait apercevoir sur les murs les orifices noircis des<br />
incinérateurs qui, le corsaire l’espérait, avaient été désactivés depuis le départ des Veilleurs.<br />
Au bout du tunnel, un panneau sur le dernier sas avertissait le visiteur qu’il allait entrer<br />
dans une zone contaminée dont il ne pourrait plus jamais sortir sous peine d’être brûlé vif.<br />
Kmar appuya sur la commande d’ouverture du sas. Ce qu’il y découvrit lui fit froid dans le dos.<br />
Le complexe principal n'était qu'un énorme dôme dont la base faisait plusieurs centaines<br />
de mètres de diamètre. On pouvait y compter neuf niveaux s’enfonçant en cercles<br />
concentriques, le plus élevé étant celui où débouchaient les tunnels d’accès. Kmar jeta un coup<br />
d'oeil vers les étages inférieurs. Il en eut presque le vertige.<br />
Des centaines de gens vivaient ici sans disposer d’aucune installation décente. On aurait<br />
dit une station de réfugiés. La plupart étaient installés à même le sol sur des couvertures<br />
miteuses. D’autres s’étaient installés dans les rares bâtiments préfabriqués de la base. Seuls<br />
les sanitaires, à chaque étage, étaient à peu près en bon état.<br />
L’éclairage était précaire, la plupart des systèmes étant en panne. Dans la pénombre, les<br />
corsaires ne distinguaient qu’une foule de silhouettes courbées, traînant leur misère. Leur<br />
arrivée tira de leur torpeur les miséreux qui étaient près du sas. Ils se levèrent, telle une<br />
armée de zombies pour examiner d’un peu plus près les nouveaux venus. Kmar ne pouvait voir<br />
leur visage dissimulé par des capuchons crasseux mais ces êtres lui inspiraient une terreur<br />
indéfinissable. Il porta la main à son mousquet, ce qui suffit à calmer les pestiférés.<br />
Les corsaires avancèrent sans perdre de vue les fantômes qui hantaient cette station<br />
maudite. Mais le capitaine de l’Argonaute tentait également de reconnaître Telkran en l’un<br />
d’eux. Il essayait aussi de repérer des pirates. Les deux frégates à quai devaient bien<br />
appartenir à quelqu’un et il doutait fortement qu’un de ces misérables ait jamais mis les pieds<br />
sur un navire de combat.<br />
Ils empruntèrent les rampes permettant d’accéder aux niveaux inférieurs. A chaque fois<br />
qu’ils arrivaient à un étage, il leur fallait se montrer menaçants pour faire reculer les mutants<br />
les plus téméraires. Carion était véritablement un enfer. Kmar supportait difficilement les<br />
terribles visions d’horreur qu’offrait cette station. Il s'attarda un long moment devant une<br />
femme décharnée qui serrait dans ses bras un bébé mort depuis quelque temps et qui le<br />
suppliait de l’aider. Les pustules qui ravageaient son corps devaient la faire horriblement<br />
Auteur : Philippe TESSIER Page 14 / 48
<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
souffrir. Le capitaine de l’Argonaute eut l'envie fugitive d’anéantir cette base, de mettre un<br />
terme aux souffrances de tous ces êtres.<br />
La femme se serra contre sa jambe… Kmar la repoussa doucement en se baissant vers<br />
elle. Il croisa alors son regard et sentit sa gorge se nouer. Il se releva brusquement pour<br />
s'éloigner à grands pas.<br />
Le niveau le plus bas du dôme abritait une faune différente. Les mutants qui s’y<br />
trouvaient étaient moins nombreux, en meilleure santé et, surtout, ils étaient armés. On y<br />
trouvait des installations mieux entretenues et un module central gardé par les pirates que<br />
recherchait Kmar. Des caisses de nourriture et des bidons d’eau étaient entreposés un peu<br />
partout. Il nota aussi l'existence de couloirs partant dans toutes les directions vers les soussols<br />
de la station.<br />
A l’arrivée des corsaires, plusieurs individus se dirigèrent vers eux, l’arme au poing. Ils<br />
ne se montraient pas menaçants mais plutôt très prudents. L’un d’eux avait la moitié du visage<br />
déformée mais le reste de son corps semblait intact. Il se planta devant Kmar tandis que ses<br />
compagnons formaient un demi-cercle autour des corsaires.<br />
- Z’êtes en zone interdite, les gars, dit l'infirme d’une voix déformée par sa bouche à<br />
moitié tordue.<br />
- Où est ton chef ? se contenta de répondre Kmar sans laisser poindre le moindre indice<br />
susceptible de laisser croire qu’il était impressionné par le comité d’accueil.<br />
Le pirate le regarda des pieds à la tête comme s’il jaugeait le danger que pouvait<br />
représenter cet individu. Son regard s’arrêta un instant sur le mousquet, dont tous les<br />
hommes du célèbre Telkran Raljik étaient équipés.<br />
Le pirate désigna de la tête le module central puis s’écarta. Il avait dû estimer que ces<br />
gaillards-là avaient des crocs et qu’il aurait pu y laisser des plumes.<br />
Alors que la population de Carion vivait dans la plus grande misère, le chef des pirates se<br />
vautrait dans le luxe. Il s’agissait d’un mutant de la Confrérie des Pestiférés, un des lieutenants<br />
du Lépreux. L’individu se nommait Vanhul et ne portait aucun signe visible d’une quelconque<br />
mutation, maladie ou déformation. Pourtant, il ne fallait pas se fier aux apparences. Vanhul<br />
était, de loin, le plus redoutable des individus présents sur Carion. Il faisait partie de ces êtres<br />
capables de s’adapter à n’importe quelle maladie tout en étant extrêmement contagieux. Le<br />
pirate était un véritable bouillon de culture des virus les plus mortels de la création. Son seul<br />
contact suffisait à contaminer quelqu'un en quelques secondes. Généralement, la malheureuse<br />
victime mourait dans d'atroces souffrances en un instant.<br />
Malgré cela, Vanhul était quelqu’un d’assez courtois.<br />
- Soyez les bienvenus sur Carion, dit-il quand Kmar et ses hommes furent entrés dans<br />
ses quartiers.<br />
- J’espère que vous ne venez pas pour la bagarre ou pour réclamer un territoire qui est<br />
nôtre !<br />
- Je viens chercher quelqu’un, répondit Kmar, un individu qui a dû arriver ici il y a environ<br />
un an.<br />
- Oh ! Vous savez, en un an, beaucoup de gens sont arrivés ici. Beaucoup d’autres en<br />
sont repartis d’ailleurs… dans des sacs.<br />
- Je doute que celui-ci soit reparti.<br />
- Ecoutez ! Nous ne sommes là que depuis quelques mois, j’ignore qui vous recherchez et<br />
je m’en fiche. Cherchez tant que vous voudrez ici et dans l’autre station et prenez qui vous<br />
voulez. Tant que vous ne cherchez pas d'ennuis, je n’y vois aucun inconvénient. Maintenant, si<br />
celui ou celle qui vous intéresse n’est pas là, je vous recommande de partir ou de tenter votre<br />
chance dans les bas-fonds !<br />
Il eut un petit rire narquois.<br />
- Vous ne contrôlez pas toute la station ? ironisa Kmar.<br />
- Ce qu’il y a là-dessous, même Le Lépreux n’en veut pas, répondit le pirate.<br />
Kmar remercia son hôte et, avec ses hommes, il quitta la pièce. Sans perdre un instant, il<br />
se dirigea vers l'un des tunnels d’accès conduisant aux niveaux inférieurs. Les pirates qui en<br />
gardaient l’accès eurent un petit sourire en ouvrant tout grand le sas aux corsaires.<br />
- Bonne chance, dit l’un d’eux, et criez quand vous reviendrez, on vous ouvrira !<br />
Les corsaires s’engagèrent dans le couloir. Puis le sas se referma sur eux. De l’autre côté,<br />
Vanhul avait rejoint les gardes.<br />
- Personne ne ressort de là, dit-il. Personne…<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
- Et si l’Argonaute vient les rechercher ? demanda un des gardes.<br />
- Je doute que l’Argonaute soit encore là pour leur porter secours !<br />
*****<br />
Plaine abyssale des Canaries<br />
- 5 000 mètres<br />
- Les porte-avions ont commencé les opérations de diversion, amiral, annonça un officier.<br />
Mais les flottes coralliennes ne tarderont pas à les débusquer et à les couler. Leurs escortes<br />
sont réduites et ne risquent pas de protéger grand-chose.<br />
Viramis en convint. Tout cela faisait partie du plan. Il espérait seulement que le sacrifice<br />
de navires aussi précieux que des porte-avions sous-marins en valait la peine. Mais, pour le<br />
moment, il avait d’autres sujets de préoccupation. L’armada qu’il commandait faisait route en<br />
direction de la plus puissante flotte de Conscience. Cette dernière semait le chaos dans toute<br />
la région en envoyant des escadres de chasse détruire les infrastructures sur la frontière<br />
hégémonienne. Ourgor, ou tout du moins ce qu’il en restait, était tombée entre les mains de<br />
l’ennemi. Quant à Crinéa, Féora et Tanez, leur situation était critique.<br />
Pour compliquer un peu plus les choses, les derniers rapports faisaient état de raids<br />
ennemis sur Keryss, Bermudes, Clemt et Nox, en plein cœur de la nation des Patriarches. On<br />
parlait aussi d’insurrections armées et de dissidence dans de nombreuses provinces. Il fallait à<br />
tout prix mettre un terme à cette campagne de destruction orchestrée par l’ennemi. Telle était<br />
la mission confiée aux forces hégémoniennes.<br />
Le Haut-Amiral, les traits creusés par la fatigue, laissa à ses seconds le commandement<br />
du centre stratégique et se retira dans ses quartiers. L’espace d’un instant, il envisagea de se<br />
rendre sur la passerelle pour prendre des nouvelles de Vira Our, capitaine de l’Atlantis et<br />
confidente du maître de l’Hégémonie. Mais elle devait avoir fort à faire. Il fallait coordonner<br />
l’offensive qui aurait lieu incessamment maintenant. Ce ne serait pas une partie de plaisir.<br />
La cabine du Haut-Amiral était des plus spartiates pour un navire aussi gros que<br />
l’Atlantis. Il n’y avait qu’une couchette, un bureau et une petite table sur laquelle étaient posés<br />
des rafraîchissements. Viramis s’assit sur le lit et se prit la tête à deux mains. Il se surprit<br />
encore une fois à chercher sur sa poitrine une trace de sa blessure mais il n’en trouva aucune.<br />
La science des Patriarches était véritablement extraordinaire. On lui avait tiré une balle à<br />
quelques millimètres du cœur et, quelques semaines après, il n’en gardait aucune cicatrice ! Il<br />
se sentait même mieux qu’avant ! Ce que lui avait fait Cyrull, il l’ignorait. Il espérait<br />
simplement que cela ne cachait pas autre chose qu’aurait omis de lui signaler le Patriarche.<br />
Viramis n’eut aucune difficulté à trouver le sommeil. Quand les sirènes d’alarme le<br />
réveillèrent, il avait l’impression de n’avoir dormi que quelques secondes. Il se leva d’un bond<br />
et ouvrit l’intercom de sa cabine.<br />
- Quelle est la situation ? demanda-t-il.<br />
- La flotte ennemie est sur nos sonscans à 50 milles nautiques, Votre Altesse, lui répondit<br />
l’officier de détection. Nous serons en mesure d’attaquer dans trente minutes.<br />
Le Haut-Amiral ajusta son uniforme froissé avant de quitter sa cabine pour aller rejoindre<br />
son poste. Les choses sérieuses allaient commencer.<br />
Dans le centre stratégique, les officiers s’agitaient en tous sens. Le visage de l’Amiral Ulyr<br />
et celui du Grand Amiral Valastor, capitaine de l’Artémis, apparaissaient sur grands écrans. Ils<br />
commandaient les deux autres flottes prêtes à l’assaut. Viramis se félicitait d’avoir réussi à<br />
ramener Ulyr à la raison. C’était un commandant exceptionnel et son aide ne serait pas<br />
superflue. Quant à Valastor, c’était un individu prétentieux que n’aimait pas le Haut-Amiral<br />
mais il ne pouvait se passer de l’Artémis.<br />
- Nous avons détecté la base mobile de combat, annonça Valastor. Elle est située derrière<br />
la flotte ennemie et, d’après nos relevés, sa puissance de feu égale celle d’une petite flotte. La<br />
détruire sera un tour de force. Elle est sous le commandement d’un certain Néméros qui est<br />
loin d’être un incompétent.<br />
- Il nous faut coûte que coûte anéantir cette base, répondit Ulyr. Sans son quartier<br />
général mobile, la flotte de Conscience sera vulnérable.<br />
- Mais si nous fonçons tête baissée sur cette station de combat, les autres navires feront<br />
tout pour nous tailler en pièces, prévint Viramis.<br />
- Laissez-moi me charger de Néméros, demanda Ulyr. J’en fais mon affaire. C’est un<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
homme que je connais bien. Je suis persuadé qu’avec le soutien de l’Artémis et de l’amiral<br />
Valastor, je peux le vaincre.<br />
Viramis considéra la situation. Il accepta en espérant qu’Ulyr savait ce qu’il faisait.<br />
- Vous avez carte blanche, Ulyr, et nous ferons tout pour vous frayer un chemin au sein<br />
de la flotte ennemie. Bonne chance à tous et que les Patriarches soient avec nous.<br />
*****<br />
Alliance Orbitale<br />
La plupart des hommes qui attendaient d’être largués à bord de capsules de saut<br />
expérimentales, dans des armures de combat tout aussi expérimentales n’auraient jamais<br />
imaginé une semaine auparavant qu'ils se porteraient volontaires pour une mission suicide. Car<br />
c’est bien de cela qu'il s’agissait : un véritable suicide. Pourtant, quand on avait demandé des<br />
volontaires pour cette mission, tous ceux qui s’entraînaient depuis des mois à utiliser ce<br />
nouveau matériel avaient fait un pas en avant.<br />
Ils attendaient donc, serrés comme des sardines dans les capsules de saut transportées<br />
par les navettes, d’être largués sur le territoire de la République Corallienne, sans savoir si<br />
lesdites capsules allaient fonctionner et ignorant complètement si leurs armures de combat<br />
n’allaient pas tomber en panne dès qu’elles auraient touché le sol.<br />
S’ils survivaient au saut, il leur faudrait affronter les troupes coralliennes tout en<br />
essayant de détruire les systèmes antimissiles de la base ennemie. Et, s’ils réussissaient, il<br />
était peu probable qu’ils puissent s'exfiltrer avant l’attaque nucléaire. Bref, leurs chances de<br />
survie étaient presque nulles.<br />
Et pourtant, tous ces hommes n’avaient pas hésité une seconde, comme tant d’autres<br />
avant eux dans toutes les guerres qui avaient ravagé l’humanité.<br />
Ils étaient une centaine à partir, aucun n’en reviendraient probablement. Ils avaient donc<br />
fait leurs adieux à leurs proches. Et voilà qu'après la souffrance de la séparation, il leur fallait<br />
affronter l’angoisse de l’inaction, laissant libre cours à leur inquiétude. Les navettes<br />
approchaient de la zone critique, la zone de saut. Pour larguer leurs cocons, les vaisseaux<br />
spatiaux devaient adopter une orbite basse et ils devenaient donc vulnérables aux attaques<br />
des batteries de défense antisatellites.<br />
Les commandos, engoncés dans leurs lourdes armures, priaient pour avoir au moins la<br />
chance d’être éjectés, de mourir en pleine action... de ne pas mourir impuissants. Ils n’avaient<br />
aucun moyen de savoir ce qui se passait à l’extérieur. Leurs pilotes n’entreraient en contact<br />
avec eux qu’une minute avant le largage.<br />
Ils perçurent tout d’abord de légers soubresauts. Les défenses antisatellites entraient en<br />
action. Puis les trépidations se firent plus violentes et, par moments, les commandos avaient<br />
l’impression que les navettes allaient se disloquer.<br />
Le premier engin spatial atteignit son point de largage mais n’eut pas le temps de lancer<br />
ses cocons. Un tir ennemi le coupa en deux. Il explosa en une boule de feu. Un deuxième<br />
engin se positionna et ouvrit ses soutes.<br />
Sur les visières des armures, un compte à rebours s’afficha. Les estomacs se nouèrent,<br />
les muscles se tendirent, les mâchoires se crispèrent. Il y eut un claquement métallique puis<br />
un bruit d’enfer quand la navette ouvrit sa soute pour laisser descendre les cocons. Les<br />
commandos serraient leur harnais tellement fort qu’ils imprimaient l’empreinte de leurs mains<br />
gantées de métal sur les renforts en acier. Le bruit sourd dura quelques secondes qui parurent<br />
une éternité. Puis un autre claquement précéda une sensation de chute vertigineuse.<br />
Les soldats crurent mourir. Certains mouillèrent leurs combinaisons tandis que d’autres<br />
serraient les dents tellement fort que leurs mâchoires devenaient douloureuses.<br />
Un premier choc secoua les capsules quand elles entrèrent dans l’atmosphère basse, puis<br />
un second. Les signaux lumineux des armures égrenaient un autre compte à rebours mais la<br />
plupart des commandos étaient incapables de lire correctement les chiffres à cause des<br />
trépidations. Ils étaient secoués en tous sens. Dans l’un des cocons, un des harnais de<br />
protection céda, projetant une armure de combat sur les autres soldats. Le choc pulvérisa les<br />
casques de protection et deux hommes moururent en une fraction de seconde. L’incident<br />
déstabilisa le cocon qui quitta sa trajectoire et se mit à tourbillonner avant de se désintégrer.<br />
Les autres continuaient leur descente infernale. La chaleur devenait insupportable et,<br />
malgré les systèmes de refroidissement, on avait l’impression de rôtir.<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
Un groupe eut la désagréable surprise de se rendre compte que son cocon était<br />
défectueux. Le bouclier thermique avait fondu. Sous les pieds des soldats, le métal fut chauffé<br />
à blanc avant de se volatiliser. Le cocon se désintégra instantanément.<br />
Dans le casque des survivants, une alarme leur vrilla les tympans. Les parachutes des<br />
capsules de largage se déployèrent pour freiner la chute vertigineuse des appareils. C’était le<br />
moment critique de l’opération car ils devenaient ainsi des proies extrêmement vulnérables<br />
pour les chasseurs ennemis et pour les défenses anti-aériennes.<br />
Mais il fallait encore attendre. Quelques secondes d’angoisse supplémentaires, quelques<br />
secondes de totale impuissance... une éternité. Enfin arriva le moment de la libération. Les<br />
harnais de protection se rétractèrent automatiquement avant que les cloisons des cocons ne<br />
soient éjectées par des boulons explosifs. Les commandos, largués à deux mille mètres<br />
d’altitude, tombaient comme des pierres. A mille mètres, leurs réacteurs dorsaux<br />
s’allumeraient automatiquement. Tout au moins pour ceux qui avaient la chance d’avoir<br />
survécu jusque-là. Ces derniers virent passer un cocon dont le parachute ne s’était pas ouvert.<br />
Il finit par s’ouvrir tout de même pour libérer sa cargaison mais les malheureux allaient trop<br />
vite. Malgré leurs réacteurs, ils s’écrasèrent et furent réduits en bouillie.<br />
Sur une centaine d’individus, quarante atteignirent l’altitude de mille mètres. Ils<br />
descendaient maintenant, freinés par leurs propulseurs qui, vus du sol, étaient autant de<br />
points brillants se rapprochant inexorablement de la terre.<br />
Ils se posèrent à six kilomètres de l’endroit prévu. Normalement, ils auraient dû toucher<br />
terre dans une petite vallée à quelques kilomètres au nord d’Oracle. Ils eurent la désagréable<br />
surprise de tomber à seulement quelques centaines de mètres d’une base militaire, en plein<br />
dans la vallée contrôlée par les coralliens.<br />
Dès qu’ils eurent atterri, ils retirèrent leurs harnais de saut sur lesquels étaient fixés<br />
leurs réacteurs. Les troupes ennemies convergeaient vers eux, ils n’avaient pas une seconde à<br />
perdre.<br />
*****<br />
Seuil de Rockall<br />
Cité neutre d’Equinoxe<br />
Dans les docks encore opérationnels d'Equinoxe arriva un étrange navire. Effilé et<br />
majestueux, il n'avait rien à voir avec la plupart des bâtiments qui accostaient sur la cité<br />
neutre. On aurait plutôt dit un vaisseau de croisière. L'engin portait le symbole de<br />
l'Hégémonie. Personne n'attendait de délégués de la nation des Patriarches depuis le début de<br />
la guerre civile et pourtant les troupes d'élite qui débarquèrent protégeaient bien une<br />
personnalité de haut rang.<br />
Les dockers et les membres des services des douanes ne purent voir de qui il s'agissait<br />
mais à en juger par son allure, il devait s'agir d'une femme. L'hégémonienne, vêtue d'un long<br />
manteau de soie qui la couvrait des pieds à la tête, ne s'attarda pas. Elle fut accueillie par des<br />
délégués du Culte du Trident qui la conduisirent immédiatement à l'ambassade d'Hégémonie.<br />
La dignitaire n'était pas là pour rencontrer Déméter ou d'autres représentants des<br />
nations sous-marines. Sa mission était tout autre. Elle venait rendre visite à une jeune femme<br />
et lui indiquer le chemin de la révélation...<br />
Lana se réveilla en sursaut. Quelqu'un venait pour elle, elle en avait le pressentiment. En<br />
rêve, elle avait vu une noble silhouette s'approcher d'elle, une silhouette nimbée de mystère, à<br />
la fois gracieuse et terriblement impressionnante. La jeune femme en avait tout d'abord<br />
éprouvé une certaine crainte mais maintenant, elle avait l'impression de connaître cette<br />
étrange personne comme s'il s'agissait d'un être proche, d'un parent, ou même d'une sœur.<br />
Une chose était certaine, quelqu'un était arrivé sur Equinoxe, quelqu'un qui allait<br />
bouleverser à jamais son existence.<br />
CHAPITRE 4<br />
Les profondeurs de la terre renferment de terribles dangers pour les explorateurs : des<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
tribus hostiles de foreurs, des monstres informes et des créatures tout aussi redoutables que<br />
celles de la surface. Le terrain même dissimule de nombreux pièges. Plus d’un aventurier a<br />
trouvé la mort, noyé dans un boyau inondé, écrasé par un éboulement, disloqué par une chute<br />
ou brûlé vif par un flot de magma.<br />
- Archiviste de Premier Rang Victor Selzman<br />
3 Mai 569<br />
Ancienne Australie<br />
Monts Macdonnell<br />
Adossé à un gros rocher, Travis rechargeait son arme. L’embuscade les avait pris<br />
complètement au dépourvu au moment où ils s'engageaient dans un réseau de tunnels<br />
souterrains aux allures labyrinthiques. Ils avaient tout d’abord pensé être la cible de troupes<br />
coralliennes mais c’était pire que ça, ils avaient affaire à des foreurs appartenant à une tribu<br />
rivale de celle de Soltgar. Pas de négociation possible.<br />
Les agresseurs avaient surgi des parois, tuant l'un des foreurs de leur guide et plusieurs<br />
hommes du Général Vesten. Maintenant, le groupe était dispersé et chacun luttait pour<br />
survivre. Racken et Meya avaient disparu ainsi que plusieurs hommes des commandos<br />
hégémoniens. Vesten était à côté de Travis. Un peu plus loin, à l’abri d’autres formations<br />
rocheuses, il pouvait apercevoir Sanadack, deux foreurs alliés et des rebelles de la surface.<br />
La plus grande confusion régnait. On entendait des détonations, des cris qui provenaient<br />
d’un peu partout mais il était impossible de savoir exactement d’où. L’écho était trop important<br />
et les ondes soniques des foreurs généraient trop de perturbations.<br />
Travis se remit en position de tir. Venant dans leur direction, il aperçut une ombre qui se<br />
déplaçait de rocher en rocher. Il braqua son arme prêt à faire feu. Sanadack semblait l’avoir<br />
repérée également. D'un geste, il signala cette nouvelle menace à Travis et à Vesten.<br />
Soudain, plusieurs foreurs jaillirent de derrière leurs abris. Deux d’entre eux poussèrent<br />
un cri destructeur en direction du sol de la grotte. L’onde sonique fit éclater la roche en<br />
centaines de fragments qui vinrent cribler les positions de Travis et de ses compagnons. Cette<br />
diversion permit aux autres agresseurs de charger.<br />
Quand Travis put de nouveau regarder dans la direction d’où étaient arrivés les foreurs,<br />
l’un d’eux, arrivé à sa hauteur, brandissait une énorme hache. Il ne sentit même pas Déméter<br />
prendre le contrôle et, à sa grande surprise, il vit la hache heurter une barrière invisible.<br />
L’étonnement du foreur permit à Vesten de lâcher une rafale dans la tête de la brute.<br />
Les assaillants surgissaient de partout. Ils semblaient avoir décidé d’en finir avec leurs<br />
proies. Déjà, du côté de Sanadack, on se battait au corps à corps.<br />
C’est alors que Racken, accompagné de Soltgar, d’hégémoniens et de rebelles, arriva à la<br />
rescousse. Ils avaient finalement réussi à se regrouper et fondaient sur l’ennemi. Couverte de<br />
sang, Meya les rejoignit quelques secondes plus tard,. Telle une furie, elle se lança dans la<br />
mêlée lacérant de ses griffes tout ce qui se trouvait devant elle.<br />
Les foreurs étaient des adversaires redoutables. Travis vit un des hommes de Vesten<br />
éclater littéralement sous l’effet de leurs cris. Mais lui aussi avait quelques atouts dans sa<br />
manche. Grâce à la puissance de Déméter, il s’était mué en un redoutable guerrier, usant sans<br />
retenue du pouvoir Polaris pour larder ses ennemis d'invisibles dards d'énergie. Grâce à<br />
Soltgar et à ses foreurs, il devenait de plus en plus évident qu’ils allaient l’emporter. Déjà<br />
certains de leurs adversaires commençaient à fuir.<br />
L’ancien colonel hégémonien combattait côte à côte avec un des commandos des<br />
Patriarches. Soudain, il vit la tête de ce dernier brusquement projetée en arrière. Une gerbe de<br />
sang lui macula le visage. Travis pensa tout d’abord qu’il venait de succomber à l’attaque du<br />
foreur qu’il affrontait mais ce dernier était déjà mort. C’est alors qu’il se rendit compte que<br />
l'homme avait reçu une balle en pleine tête. Aucun de leurs ennemis n’avait d’armes à feu !<br />
Il eut juste le temps d’apercevoir au loin une silhouette s’éloigner en courant, avant<br />
qu’une attaque ne lui rappelle que le combat n’était pas fini et qu’il avait beaucoup à faire.<br />
Quand les derniers foreurs furent mis en déroute, Travis se pencha sur le corps du<br />
commando. Le malheureux n’avait pas eu la sagesse de mettre son casque. Une erreur qu’il<br />
avait payée de sa vie. Il examina l’impact de la balle. Sans nul doute, c’était l’œuvre d’un<br />
tireur d’élite. L’ancien officier hégémonien releva la tête à l’approche de Sanadack.<br />
- Ceci n’est pas l’œuvre des foreurs, dit-il !<br />
Auteur : Philippe TESSIER Page 19 / 48
<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
- Pas plus que pour les deux autres qui ont trouvé la mort au cours de cet affrontement,<br />
répondit Sanadack la mine sombre.<br />
- Il semblerait que Conscience nous ait dépêché un assassin.<br />
- Je dirais même plusieurs assassins, ajouta Sanadack. Un autre de mes hommes a été<br />
abattu d’une balle en pleine tête pendant la mêlée mais la troisième victime était à l’arrière et<br />
elle a été égorgée à l’aide d’une dague.<br />
Travis croisa le regard de Sanadack. Les deux hommes se comprenaient, ils savaient<br />
pertinemment ce que cela impliquait.<br />
- Un assassin à la solde de Conscience se cache parmi nous.<br />
Les deux hommes se turent quand les survivants du petit groupe les rejoignirent. Le<br />
combat avait été féroce et beaucoup étaient morts. Il ne restait que deux commandos<br />
hégémoniens, y compris Sanadack. Des foreurs, seul Soltgar et un de ses lieutenants avaient<br />
survécu. Quant à Vesten, il ne pouvait plus compter que sur cinq hommes.<br />
- Nous avons un assassin aux trousses, lança Sanadack à la cantonade.<br />
- Un assassin qui semble vous en vouloir particulièrement, supposa Racken.<br />
- Je crois que Conscience redoute votre présence, constata Travis. Vous devez être un<br />
élément imprévu dans ses plans. Ce qui implique qu’elle sait parfaitement où nous nous<br />
trouvons, ce que nous projetons et que cela sert ses intérêts.<br />
- Alors, il nous faut renoncer, lança Racken.<br />
Travis jeta un regard discret à Sanadack.<br />
- Quoi qu’il arrive, j’irai jusqu’au bout, reprit-il. Si Conscience veut que j’arrive jusqu’à<br />
elle, qu’il en soit ainsi. Je ferai tout pour ne pas la décevoir. Par contre, il serait suicidaire de<br />
votre part de continuer, ajouta-t-il à l’adresse de Sanadack.<br />
- Vous avez certainement raison, répondit ce dernier. Nous allons rebrousser chemin.<br />
Sanadack lança un regard interrogateur à Soltgar. Ce dernier finit par approuver.<br />
- Rugroark vous accompagnera.<br />
- Ceux qui veulent abandonner le peuvent encore, proposa Travis.<br />
Il interrogea Meya du regard. Cette dernière secoua la tête en se plaçant résolument près<br />
de lui. Racken soupira.<br />
- Je reste avec toi jusqu’au bout, Travis, et, si ça tourne mal, je ne laisserai pas<br />
Conscience me priver de ma vengeance.<br />
- Voilà qui est rassurant, répondit l'intéressé.<br />
Vesten s’approcha à son tour.<br />
- Nous repartons avec les hégémoniens, dit-il. Il est clair que nous avons échoué et que,<br />
si nous continuons, aucun de mes hommes n'en réchappera.<br />
Soltgar prit la parole à son tour.<br />
- Vous avez besoin d’un guide jusqu’à Oracle, je vous y conduirai donc. Après, vous vous<br />
débrouillerez.<br />
Les membres du groupe se réfugièrent dans une caverne nichée non loin du champ de<br />
bataille. Comme elle n'avait qu'une seule entrée, ils pourraient y souffler un peu, à l'abri de<br />
désagréables surprises. Pendant tout le temps qu’ils y passèrent Travis discuta avec Sanadack<br />
et Vesten. Racken n’appréciait pas du tout ces cachotteries car il avait la désagréable<br />
impression qu’on lui cachait quelque chose. Quant à Meya, elle restait prostrée dans un coin à<br />
lécher ses blessures, sans faire attention à ce qui se passait autour d’elle.<br />
Après un repos bien mérité, l’équipe se sépara. Malgré les protestations de deux des<br />
hommes de Vesten, qui n’admettaient pas d’échouer si près du but, Travis, Racken et Meya<br />
suivirent Soltgar tandis que le reste du groupe rebroussait chemin vers les profondeurs. Un<br />
traître se cachait dans l’une des deux équipes. S’il était avec Vesten et ses hommes, la menace<br />
était écartée pour un temps. Dans le cas contraire, Travis devait se rendre à l’évidence : un de<br />
ses trois compagnons jouait un double jeu et cette scission du groupe avait pour seul but de le<br />
démasquer. Conscience ne pouvait pas croire un seul instant que les commandos hégémoniens<br />
laisseraient tomber leur mission aussi facilement. On s'apercevrait alors que les envoyés des<br />
Patriarches suivaient le groupe à bonne distance. L’assassin devrait se débrouiller pour aller<br />
finir son sale boulot ou pour signaler à un tireur isolé où se trouvaient ses cibles. Travis<br />
comptait donc ne pas quitter ses compagnons des yeux et, s’il était fatigué, cela ne poserait<br />
pas un problème de dormir alors que celui qui occupait son corps pouvait veiller à sa place.<br />
Pendant quelques heures, c’est dans le plus grand silence qu’ils progressèrent dans les<br />
dédales du monde souterrain. Soltgar menait son petit monde sans prêter la moindre attention<br />
Auteur : Philippe TESSIER Page 20 / 48
<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
à ce qui pouvait se trouver derrière lui. Racken et Meya semblaient plus nerveux. Le premier<br />
jetait des regards inquiets dans toutes les directions, comme s’il s’attendait à voir surgir une<br />
créature de l’un des multiples recoins d’obscurité. Son armure de combat devenait<br />
particulièrement gênante dans certains passages étroits. Il dut se résoudre à s'en défaire après<br />
la panne du dispositif d’assistance au mouvement. Sans ce système vital, l’armure devenait<br />
trop encombrante et Racken n’aurait pas pu suivre le rythme de la marche.<br />
Meya, quant à elle, cheminait sans dire un mot. Elle humait l’air constamment et<br />
paraissait particulièrement agitée. Quand Travis croisait son regard, elle détournait les yeux<br />
immédiatement. Elle semblait gênée ou peut-être avait-elle tout simplement peur.<br />
Soltgar s’arrêta.<br />
- Oracle n’est plus très loin, dit-il de sa voix caverneuse. Nous allons faire halte ici pour<br />
nous reposer.<br />
Epuisés, Travis et Racken accueillirent cette nouvelle avec soulagement. Ils se laissèrent<br />
tomber à terre. Meya alla se percher sur une saillie rocheuse tandis que Soltgar se contenta de<br />
s’asseoir et de fermer les yeux. Le sommeil ne tarda pas à s'emparer d'eux.<br />
Travis était profondément endormi quand une voix intérieure le tira de sa léthargie. Il se<br />
passait quelque chose et Déméter le lui faisait savoir. Il ouvrit les yeux. Dans la demiobscurité,<br />
il vit distinctement que Racken et Soltgar n’avaient pas bougé. Meya n’était plus là !<br />
Il chercha un indice de sa présence dans la grotte et il aperçut, assez loin déjà, deux<br />
silhouettes qui s’éloignaient dans les ténèbres. L’une d'elles était celle de Meya !<br />
L’officier hégémonien se leva pour secouer Racken et Soltgar. Il leur imposa silence avant<br />
de les inviter à le suivre.<br />
Meya conduisait son complice vers le piège que leur avait tendu Travis. Comme il l’avait<br />
deviné, Conscience n’avait pas cru une seconde que les commandos hégémoniens<br />
renonceraient à leur mission. Il fallait maintenant la persuader que ces hommes envoyés par<br />
les Patriarches n’étaient plus une menace.<br />
Au bout d’un quart d’heure d’une progression absolument silencieuse, Travis, Racken et<br />
Soltgar s’allongèrent pour regarder ce qui se passait un peu plus loin. Travis avait laissé un<br />
petit objet tomber de son sac quand il était passé là pour la première fois afin de signaler aux<br />
commandos de tendre le piège à cet endroit précis.<br />
C’était une petite caverne qui offrait à un tireur d’élite plusieurs postes d'observation en<br />
hauteur. Quant à Meya, elle pouvait s’approcher suffisamment de ses proies sans craindre<br />
d’être repérée, sauf par des individus se trouvant là où étaient allongés Travis et ses<br />
compagnons.<br />
En contrebas, on avait allumé un petit feu de camp et deux individus en armure étaient<br />
assis à même la roche. Difficile de distinguer les visages des deux individus dissimulés par des<br />
sortes de cagoules pour se protéger du froid, mais il ne faisait aucun doute qu’il s’agissait des<br />
deux derniers envoyés des Patriarches. Meya s’approchait de l’un d’eux en utilisant les<br />
anfractuosités de la grotte pour se dissimuler. Elle se mouvait comme un félin, sans faire le<br />
moindre bruit.<br />
Racken désigna du doigt un endroit assez proche d’eux où l’on pouvait distinguer la<br />
forme allongée d’un individu. Le tireur était aussi à son poste.<br />
Travis se concentra et sentit la force Polaris s’éveiller en lui.<br />
Il y eut une détonation. Un des hégémoniens tomba à la renverse sans un bruit. Meya<br />
jaillit de sa cachette dans le dos du second soldat, les bras écartés et les griffes sorties. Un<br />
instant, elle sembla hésiter puis elle frappa sa cible en pleine tête.<br />
Conscience avait vu ce qu’elle devait voir. Il était temps de mettre un terme à cette<br />
mascarade. Travis libéra une onde mentale dévastatrice qui détruisit en fraction de seconde le<br />
cerveau du tireur d’élite. Ce dernier n'eut pas le temps de réaliser quoi que ce soit.<br />
En contrebas, Meya reculait lentement. Elle contemplait ses griffes ensanglantées avec<br />
dégoût. Puis elle porta la main à son cou comme si quelque chose l’avait piquée. Quelques<br />
secondes plus tard, elle s’effondrait, inconsciente.<br />
Travis quitta son abri et, suivi de Racken et Soltgar, descendit vers le petit bivouac. De<br />
l’autre côté de la grotte, apparurent d’autres silhouettes, celles de Vesten et de ses hommes,<br />
accompagnées des commandos des Patriarches qui ne portaient plus leurs armures de combat.<br />
Ils se rassemblèrent près du corps de Meya.<br />
- Laissez-moi la tuer, demanda Sanadack à Travis.<br />
Ce dernier secoua la tête avant de se baisser pour la prendre dans ses bras.<br />
- Elle ne représente plus un danger et je doute qu’elle soit responsable de ses actes.<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
Conscience la manipulait, c’est Conscience qui a assassiné vos hommes.<br />
Sanadack jeta un regard vers les cadavres de ses compagnons affalés près du feu de<br />
camp. Ils avaient tendu un piège aux assassins avec deux cadavres… deux de ses amis.<br />
- Cela ne change rien au fait que nous rebroussons chemin, intervint Vesten. Nos routes<br />
se séparent ici.<br />
Travis acquiesça et lui serra la main avant de prendre une petite sacoche qu’il lui tendait.<br />
- Vous avez dans ce sac assez de somnifères pour la faire dormir pendant plusieurs jours,<br />
reprit Vesten. Vous êtes sûr que vous ne préférez pas qu’on l’emmène avec nous, ajouta-t-il en<br />
désignant Meya.<br />
- Non, répondit Travis. Je veux savoir depuis quand Conscience la manipule et elle pourra<br />
peut-être nous être utile une fois que tous les masques seront tombés.<br />
*****<br />
Des perles brillantes tombaient du ciel comme si les étoiles se décrochaient de la voûte<br />
céleste. Bien qu’il fasse jour, ces petits points lumineux étaient parfaitement visibles. Mais les<br />
coralliens ne semblaient pas vouloir qu'ils atteignent le sol. Les batteries antiaériennes de la<br />
vallée faisaient feu mais il leur était difficile d’atteindre des cibles aussi petites. Varag se<br />
demandait de quoi il pouvait bien s'agir mais il avait d’autres soucis plus pressants.<br />
Les évadés ne pouvaient en aucun cas revenir en arrière, il leur fallait donc descendre six<br />
cents mètres de falaise abrupte, dépasser le camp numéro 1 et franchir la base militaire<br />
corallienne pour pouvoir quitter cette vallée maudite. Le corpulent pirate espérait profiter de la<br />
diversion offerte par ces lueurs pour réaliser l’impossible.<br />
Ils n'étaient qu'une trentaine d’hommes contre plusieurs centaines de soldats suréquipés,<br />
disposant de blindés et de robots de combat. Autant dire qu’il leur fallait éviter autant que<br />
possible toute confrontation directe.<br />
La première difficulté était bien entendu de descendre de leur perchoir sans être repérés<br />
par les gardes des miradors du camp numéro 1. Fort heureusement, ces derniers étaient<br />
occupés à surveiller leurs prisonniers et à contempler ce qui se passait dans le ciel. Mais cela<br />
n’allait pas s’avérer plus facile pour autant. Comme chez la plupart des pirates, il y avait<br />
comme une "incompatibilité" entre Varag et l’escalade. La falaise offrait cependant de<br />
nombreuses prises et, pour un professionnel, ne présentait pas de réelles difficultés… pour eux<br />
cela relevait de l’exploit mais c’était faisable. Ce qui rassurait le corsaire, c’était de voir la tête<br />
de Kyle et de Pencock. Ces deux-là avaient l’air aussi inspirés que lui.<br />
Les plus courageux entreprirent les premiers la descente. Pour une fois, le corsaire n'en<br />
faisait pas partie. Il se contenta d’observer attentivement comment s’y prenaient les plus<br />
débrouillards et de bien repérer où ils mettaient leurs pieds et leurs mains.<br />
De longues minutes d’angoisse s’écoulèrent avant qu’un des pirates n’atteigne enfin une<br />
corniche, quelque deux cents mètres plus bas. Il s’y arrêta pour guider ses compagnons.<br />
Quand tout le monde se fut engagé sur la paroi, Varag prit son courage à deux mains et se<br />
lança dans l’aventure.<br />
Terrifié, il transpirait à grosses gouttes et progressait à l'allure d’un escargot. Chacun de<br />
ses mouvements lui demandait une concentration extrême. Il ne remarqua même pas le<br />
premier impact de balle. Ce n’est que quand un autre tir lui frôla les moustaches et lui projeta<br />
des éclats dans les yeux qu’il se rendit compte que quelqu’un lui tirait dessus.<br />
Sans chercher à savoir d’où les salves provenaient, il se sentit soudain plus agile. Il<br />
enchaîna les mouvements avec une rapidité extraordinaire et descendit deux fois plus vite que<br />
ses compagnons. A quelques mètres de la corniche, il rata une prise et se sentit tomber. Il<br />
heurta violemment la roche, glissa dans le vide mais, au dernier moment, il sentit des mains<br />
l’agripper. Il se retrouva pendu par les pieds, son regard contemplant le sol quatre cents<br />
mètres plus bas. Dans cette position particulièrement inconfortable, il put découvrir d’où<br />
provenaient les tirs : un des gardiens des miradors du camp numéro 1 les avait repérés. Le<br />
soldat avait fait mouche plusieurs fois et s’acharnait sur les malheureux qui avaient quitté la<br />
corniche. Le corsaire vit plusieurs de ses compagnons récolter une balle avant de lâcher prise.<br />
Les autres, ceux qui le tenaient par les pieds, étaient allongés sur la corniche et heureusement<br />
n'offraient pas trop de prise aux coups.<br />
Le salut vint de ces étranges étoiles qui tombaient du ciel et se révélèrent être des<br />
commandos en tenue de saut. Ces derniers commençaient à toucher terre dans la région du<br />
camp numéro 1 et de la base militaire corallienne. Inutile de dire qu’ils semblaient beaucoup<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
plus menaçants que les quelques prisonniers désespérément collés à la paroi. Le tireur imita<br />
donc ses camarades et tourna son arme dans la direction de ces nouveaux venus.<br />
Varag sentit qu’on le hissait. Quelques instants plus tard, il était à l’abri sur la corniche.<br />
Mais il ne prit pas beaucoup de temps pour souffler. Il fallait absolument profiter de la diversion<br />
offerte par les commandos pour descendre le plus vite possible.<br />
La descente parut interminable mais dès qu’il fut hors de vue des sentinelles des<br />
miradors, protégé par les arbres, Varag se sentit plus décontracté. Il n’avait qu’une crainte :<br />
que le tireur de tout à l’heure ne s'intéresse de nouveau à eux. Ce ne fut heureusement pas le<br />
cas.<br />
Une vingtaine de prisonniers atteignirent le bas de la falaise en un seul morceau. Il leur<br />
fallait maintenant quitter cette vallée qui résonnait désormais des bruits d’un affrontement<br />
impitoyable entre commandos et forces coralliennes. C’est Pencock qui émit la première<br />
proposition.<br />
- Le camp 1 ne m’a pas l’air très fortement défendu. Si nous pouvions supprimer les<br />
sentinelles, non seulement on pourrait semer un peu plus le chaos en libérant les prisonniers<br />
mais aussi récupérer du matériel.<br />
- Si on est trop nombreux, je doute qu’on puisse s’en sortir, rétorqua Varag.<br />
- Qui te parle de récupérer les prisonniers ? Qu’ils se débrouillent, ils feront diversion<br />
pendant qu’on se fera la malle.<br />
- Et comment franchit-on la base militaire qui ferme l’accès à la piste ? demanda un<br />
pirate.<br />
- On…<br />
Une violente explosion coupa la parole à Pencock. Un nuage de fumée s’élevait au-dessus<br />
des arbres. Ils ignoraient ce qui avait bien pu exploser mais ça devait être gros.<br />
- Donc, disais-je, reprit Pencock, il risque d’y avoir un peu d’agitation dans le coin. On<br />
pique un ou plusieurs véhicules et on fonce dans le tas. C’est risqué mais je ne vois pas d’autre<br />
solution. En plus, sans véhicule, je vois mal comment survivre hors de la protection du bouclier<br />
atmosphérique.<br />
Faute de mieux, les pirates approuvèrent le « plan ». Ils firent l’inventaire des armes<br />
qu’ils possédaient et s’enfoncèrent dans la forêt en direction du camp numéro 1. Après avoir<br />
parcouru quelques mètres, ils entendirent un sifflement suraigu. Ils se mirent à couvert<br />
quelques secondes avant qu’un projectile ne s’abatte à côté d’eux dans un bruit de tonnerre.<br />
Un pirate qui avait eu le malheur de relever la tête au moment de l’impact eut le crâne<br />
emporté par un éclat de métal.<br />
Varag s'était protégé la tête avec ses bras. Prudemment, il risqua un coup d’œil. Ce qui<br />
était tombé près d’eux avait creusé un cratère fumant au milieu d’une petite clairière et se<br />
révéla être un homme vêtu d’une lourde armure de combat qui n'était plus maintenant qu'un<br />
amas de ferraille. Ce qui restait du pilote ne devait pas être bien beau à voir.<br />
Les pirates se relevèrent les uns après les autres et s’éloignèrent en jetant un dernier<br />
coup d’œil à ce spectacle sinistre. Tous pensaient la même chose : il fallait être sacrement<br />
culotté pour se jeter dans le vide avec ces trucs-là !<br />
Quand ils atteignirent la lisière de la forêt qui séparait le camp numéro 1 du pied de la<br />
falaise, ils se mirent à l’abri des bosquets pour étudier la situation.<br />
Certains gardes du camp faisaient rentrer les prisonniers dans leurs baraquements tandis<br />
que d’autres, du haut de leurs miradors, faisaient feu sur des cibles trop éloignées pour les<br />
distinguer.<br />
Pencock était déjà en position. Il ajustait son arme en direction d’une première<br />
sentinelle. Varag retint son tir et lui désigna un convoi de soldats de la République qui quittait<br />
le camp pour fondre sur les ennemis venus des étoiles.<br />
- Attends qu’ils s’éloignent un peu, ça fera toujours ça de moins à abattre.<br />
Quand le détachement fut hors de vue, tous purent se rendre compte que la réputation<br />
de Pencock n’était pas usurpée. Chacun de ses coups faisait mouche.<br />
Le temps que les autres gardes coralliens se rendent compte de ce qui se passait, les<br />
pirates couraient déjà en direction des portes grillagées du camp, couverts par Pencock et<br />
d’autres tireurs d’élite dont Kyle. L’assaut fut facilité par les prisonniers eux-mêmes qui, se<br />
rendant compte de ce qui se passait, se révoltèrent contre leurs geôliers.<br />
En moins d’une dizaine de minutes, le camp numéro 1 était tombé entre les mains des<br />
pirates. Et c’est là que les ennuis commencèrent.<br />
Tandis que Pencock, Varag et quelques pirates tentaient d’expliquer succinctement aux<br />
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prisonniers du camp 1 qu’ils ne venaient pas les libérer mais qu’ils devaient se débrouiller par<br />
eux-mêmes, Kyle était monté sur l’un des miradors pour aller récupérer l’arme d’un des<br />
gardes. C’est en se relevant qu’il aperçut les robots de combat et les véhicules blindés qui<br />
arrivaient de la base militaire dans leur direction.<br />
- Hé ! les gars, hurla-t-il du haut du mirador, on a de la compagnie.<br />
Les pirates se précipitèrent dans la direction qu’indiquait Kyle, pour voir ce qui se passait.<br />
Quand il vit les troupes qui approchaient du camp, Varag se décomposa.<br />
- Oh ! Merde ! dit-il<br />
A ce moment-là, quelqu’un lui posa la main sur l’épaule. Il se retourna vivement et<br />
reconnut Soldal, le mineur avec lequel il était resté coincé dans une des mines.<br />
- Il semble que, finalement, vous allez avoir besoin de nous, dit Soldal en souriant.<br />
Varag lança un regard interrogateur à Pencock et aux autres pirates. Etant donné ce qui<br />
arrivait vers eux et qu’ils n’avaient encore trouvé aucun véhicule pour forcer le passage, leurs<br />
options étaient plutôt limitées. Ils suivirent donc les prisonniers du camp 1 vers les<br />
baraquements, pour discuter de la stratégie à adopter. S’ils ne trouvaient pas très vite une<br />
solution, la situation risquait, dans peu de temps, de devenir très, très inconfortable pour eux.<br />
CHAPITRE 5<br />
Une maladie, dans un espace confiné comme une station sous-marine, peut s’avérer<br />
aussi dévastatrice qu’un feu dans un dépôt de carburant. Il est donc impératif, pour la survie<br />
de tous, de disposer de moyens de prévention, de détection et d’éradication pour prévenir<br />
toute épidémie. La prévention passe généralement par l'addition de produits dans les boissons<br />
et la nourriture mais aussi par une formation de la population dans le domaine de l’hygiène. La<br />
détection est l’affaire de chacun. A la moindre alerte, il est du devoir de chaque citoyen de<br />
consulter un médecin. Pour ceux qui oublieraient un peu trop vite cette mesure de sécurité, les<br />
services d’hygiène restent extrêmement vigilants. L’éradication peut prendre plusieurs<br />
formes : la mise en quarantaine des personnes infectées dans des stations spéciales,<br />
l’incinération pure et simple de ces personnes ou bien encore l’internement en centres de<br />
décontamination (des laboratoires de recherche pour être plus précis).<br />
- Archiviste de Premier Rang Victor Selzman<br />
3 Mai 569<br />
Dorsale du Pacifique oriental<br />
Station Carion<br />
- 335 mètres<br />
Kmar et ses corsaires allumèrent leurs projecteurs portables pour tenter d’apercevoir<br />
quelque chose dans les ténèbres devant eux. Le couloir descendait en pente douce vers les<br />
niveaux inférieurs de la base mais déjà on pouvait se faire une petite idée des conditions dans<br />
lesquelles survivaient ceux qui s'y trouvaient. Les dispositifs d’éclairage étaient tous en panne,<br />
la température avoisinait zéro et de minces filets d’eau suintaient le long des parois. Le tunnel<br />
était crasseux et puait. Cette terrible odeur, les corsaires la sentait malgré les filtres de leurs<br />
masques respirateurs. En signe de bienvenue, un squelette de ce qui avait dû être un humain<br />
était assis au milieu de la coursive.<br />
Les corsaires vérifièrent leurs armes et leur tenue avant de s’avancer. Après une dizaine<br />
de mètres, ils arrivèrent devant une grande plate-forme élévatrice qui devait servir autrefois à<br />
descendre des machines lourdes et encombrantes dans les sous-sols. Il semblait étrange que<br />
cet élévateur se trouve à leur étage et non en bas. Kmar ne chercha pas à comprendre. Il y<br />
prit place avec ses hommes et appuya sur le bouton commandant la descente.<br />
A son grand étonnement, le mécanisme fonctionnait toujours, même s’il était dans un<br />
état tel qu’on avait l’impression de se trouver dans la salle des machines d’un croiseur de<br />
combat et que la plate-forme risquait de se détacher pour aller se fracasser tout en bas.<br />
C’est donc avec une certaine appréhension que les corsaires entreprirent cette descente<br />
dans les ténèbres vers ce qui avait tout l’air d’être un véritable enfer.<br />
Kmar tripotait nerveusement son arme. Il n’avait aucune idée de ce qu’il allait trouver en<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
bas. Il ne savait même pas si Telkran s’y trouvait ou si seulement il était encore en vie. Et si<br />
c’était le cas, dans quel état allait-il le trouver ? Etait-il encore maître de lui ou avait-il cédé à<br />
la folie meurtrière ? Le fier capitaine de l’Argonaute existait-il encore ou n’était-il plus qu’un<br />
monstre sans âme assoiffé de sang ?<br />
L’arrêt brutal de la plate-forme le tira de ses réflexions. Les corsaires se mirent en cercle.<br />
L’élévateur atterrissait en plein milieu d’une vaste salle dont ils ne parvenaient pas à discerner<br />
les contours malgré leurs projecteurs. Des choses bougeaient à la limite de leur champ de<br />
vision, des choses qui n’aimaient pas la lumière et évitaient son contact. Pourtant certaines<br />
semblaient plus téméraires que d’autres. On pouvait apercevoir leurs silhouettes difformes<br />
tournées vers les nouveaux venus. Ces ombres inspiraient la crainte, elles se traînaient<br />
lentement autour des corsaires, sans se rapprocher, comme si elles prenaient la mesure de ces<br />
futures proies.<br />
Kmar fit quelques pas en avant et faillit trébucher sur un bras rongé par la vermine, à<br />
moitié dévoré. Le sol était jonché de détritus et d’ossements. Il continua sa progression tout<br />
en faisant reculer les habitants de cet enfer avec la lueur de son projecteur. Il remarqua,<br />
cependant, qu’un des mutants ne reculait pas. Il s’agissait d’un vieillard décharné à moitié nu<br />
qui souriait constamment. Ses yeux étaient aussi blancs que le corail le plus pur. Tandis que les<br />
autres corsaires assuraient les arrières de leur chef, ce dernier s’approcha un peu plus du vieil<br />
homme.<br />
L’attaque fut foudroyante. L’individu décharné cracha une sorte de limon vert qui vint se<br />
coller sur le verre du projecteur. Aussitôt la lumière atténuée, des formes quittèrent l’abri des<br />
ténèbres pour se jeter sur les corsaires. Tels des poissons-torpilles, les mutants agrippèrent<br />
Kmar pour tenter de l’entraîner dans leur royaume tandis que d’autres bondissaient sur le dos<br />
des corsaires.<br />
Kmar balaya tout ce qui se trouvait devant lui d’un tir nourri de son arme automatique<br />
tandis que ses hommes luttaient au corps à corps contre leurs agresseurs. Le combat tourna<br />
court. Ces êtres pitoyables n’étaient pas particulièrement forts ni robustes. Ils furent vaincus.<br />
Mais vaincre les corsaires étaient-ils bien leur objectif ? Quand les corsaires eurent refermé le<br />
cercle, ils se rendirent compte que deux de leurs projecteurs avaient été brisés au cours de<br />
l’escarmouche et celui de Kmar était toujours couvert d’un limon collant. Fort heureusement,<br />
une rapide inspection de leur tenue de protection ne révéla aucune déchirure.<br />
Ils avancèrent, en tentant d’utiliser au mieux leurs deux derniers projecteurs pour tenir<br />
en respect la faune locale qui, d’ailleurs, ne semblait pas désireuse de se lancer de nouveau à<br />
l’assaut du petit groupe. Kmar repéra un couloir un peu plus loin et il y dirigea ses hommes.<br />
Tous les êtres qu’ils croisèrent sur leur chemin se contentaient d’éviter la lumière et<br />
aucun ne se montra hostile. Le couloir menait à une autre salle tout aussi délabrée que la<br />
précédente mais qui était faiblement éclairée par la lueur de petits feux allumés dans des<br />
tonneaux. Ceux qui y habitaient semblaient beaucoup moins craindre la lumière.<br />
Il y avait là des individus qu’on aurait cru sortis des bas-fonds des grandes cités sousmarines.<br />
La plupart étaient vêtus de lourdes tenues de cuir qui les couvraient de la tête aux<br />
pieds. Quand ils aperçurent les pirates, ils se levèrent lentement en saisissant des armes<br />
improvisées, comme des barres de fer, des chaînes ou des lances fabriquées avec des<br />
morceaux de bois et des éclats de métal.<br />
Une petite foule s’était rassemblée devant les corsaires et, sans un mot, elle avançait<br />
vers ces intrus avec la volonté évidente d'en découdre.<br />
Kmar leva son arme. Il s’apprêtait à tirer quand une détonation résonna dans la pièce. La<br />
tête d’un des habitants des bas-fonds vola en éclat. Les autres s'immobilisèrent<br />
instantanément et se tournèrent lentement vers l’endroit d’où était parti le coup de feu puis ils<br />
s’éloignèrent pour regagner leur place. Les corsaires ne les intéressaient plus.<br />
Le second de l’Argonaute essayait désespérément d’apercevoir l’individu qui avait ouvert<br />
le feu. Au bout de quelques secondes, une silhouette se détacha de la pénombre. Un homme<br />
avançait vers lui, un homme vêtu d’un lourd manteau et qui tenait à la main un mousquet<br />
encore fumant. Le nouveau venu releva son capuchon et Kmar reconnut Telkran.<br />
- Ne t’avais-je pas dit de ne pas chercher à me retrouver ? dit le capitaine de l’Argonaute.<br />
- La situation est grave, Telkran, répondit Kmar. Le monde est au bord du chaos ! Nous<br />
avons besoin de toi pour reprendre le commandement de l’Argonaute et bénéficier du soutien<br />
des navires de l’Alliance Azur. Tu es le seul qui puisse faire appel à eux !<br />
- Je suis mort ! s’emporta Telkran. Tu m’entends ? Mort ! Mon corps pourrit à vue d’œil et<br />
la soif de sang se fait plus forte chaque jour qui passe. Je ne contrôle plus mes instincts… tu ne<br />
Auteur : Philippe TESSIER Page 25 / 48
<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
peux même pas imaginer comme il m’est difficile de ne pas céder à la pulsion qui me<br />
commande de vous détruire tous. Chaque seconde de mon existence est un véritable calvaire…<br />
En poussant un hurlement de douleur, Telkran se plia en deux en laissant tomber son<br />
arme à terre. Kmar se précipita pour l’aider mais son ancien capitaine leva une main pour le<br />
retenir.<br />
- Ne t’approche pas ! Retournez d’où vous venez ! Je ne peux rien faire pour vous !<br />
- Il est hors de question qu’on te laisse pourrir ici.<br />
- Partez, partez ! hurla Telkran. La douleur…<br />
Tout autour des corsaires, les mutants s’étaient relevés et s’approchaient de nouveau.<br />
- Viens avec nous, Telkran, cria Kmar. On trouvera une solution pour t’aider, on trouvera<br />
un moyen.<br />
Les corsaires se préparaient à ouvrir le feu mais ils savaient qu’ils n’avaient pas l’ombre<br />
d’une chance de s’en sortir. Les ennemis étaient trop nombreux et il ne semblait pas que la<br />
peur de la mort puisse faire reculer ces êtres déjà en proie aux tourments de l'enfer.<br />
- Telkran, tu dois nous aider !<br />
- Je… je suis navré, Kmar !<br />
Quand l’ancien capitaine de l’Argonaute se releva, Kmar croisa son regard. Il n’y avait<br />
plus aucune trace d’humanité dans ses yeux. C’était le regard d’un fou, d’un esprit rendu<br />
malade par la souffrance.<br />
La situation semblait désespérée quand soudain, toute la base se mit à trembler. On avait<br />
l’impression que quelque chose d’énorme avait percuté les structures extérieures. Le choc fut<br />
tel que plusieurs mutants perdirent l’équilibre.<br />
Un deuxième choc, plus terrible que le précédent, fit s’écrouler des poutrelles<br />
métalliques. Tous ceux qui se trouvaient dans la pièce jetaient des regards inquiets autour<br />
d’eux cherchant à déceler la moindre fuite indiquant une rupture de l’étanchéité de la station.<br />
- On se tire, cria Kmar.<br />
Profitant de la diversion offerte par les tremblements, Kmar tira un pistolet<br />
hypodermique de sa ceinture et l’appliqua sur Telkran. Ce dernier eut juste le temps de réaliser<br />
ce qui se passait avant de perdre connaissance.<br />
Le second de l’Argonaute chargea son capitaine sur l’épaule avant de se précipiter hors<br />
de la salle.<br />
Une autre secousse ébranla la station. Des tuyaux se détachèrent et des plaques<br />
métalliques furent arrachées. Chez les mutants, c’était la panique. Ils couraient dans tous les<br />
sens comme des rats pris au piège. Certains s’agglutinaient sur l’élévateur dans le vain espoir<br />
d’accéder aux niveaux supérieurs. Les corsaires firent feu pour se frayer un passage. Leurs<br />
armes taillaient en pièces les tristes résidus d’humanité qui n’écoutaient plus maintenant que<br />
leur instinct de survie.<br />
Arrivé sur la plate-forme, Kmar posa le corps de Telkran pour mettre l'engin en marche<br />
pendant que ses hommes tenaient à distance les mutants à coups de rafales d’armes<br />
automatiques.<br />
Le monte-charge s’ébranla et s'éleva lentement. A mi-parcours, un nouveau tremblement<br />
fit perdre l’équilibre à Kmar qui réussit à se retenir d’une main. Un des corsaires n’eut pas<br />
cette chance. Il tomba pour aller s’écraser plusieurs mètres plus bas. Kmar n’espérait qu’une<br />
chose : qu’il soit mort dans sa chute car il ne pouvait redescendre le chercher.<br />
Après des minutes qui parurent durer une éternité, les corsaires arrivèrent enfin dans le<br />
long couloir permettant d’accéder à la salle principale. Ils s'y précipitèrent en courant jusqu’au<br />
sas par lequel ils étaient arrivés mais ils eurent beau cogner dessus à coups de crosse,<br />
personne ne leur ouvrit.<br />
Kmar hurlait à pleins poumons en traitant de tous les noms les pirates de la Confrérie des<br />
Pestiférés mais il savait que cela ne changerait rien à la situation. Ils étaient bloqués,<br />
prisonniers d’une station qui menaçait de se désintégrer d’une minute à l’autre.<br />
A la plus grande surprise des corsaires, le sas finit par s’ouvrir. Kmar, éberlué, resta sans<br />
voix devant un des membres de l’équipage de l’Argonaute qui l’attendait de l’autre côté.<br />
- Il faut regagner le bord immédiatement, capitaine, dit le corsaire. Les républicains nous<br />
sont tombés dessus sans crier gare.<br />
Kmar jeta un coup d’œil dans la grande salle que contrôlaient autrefois les pirates de la<br />
Confrérie des Pestiférés. Des corps gisaient un peu partout et les pirates qui avaient survécu à<br />
l’assaut des hommes de l’Argonaute étaient à genoux, les mains sur la tête, surveillés par des<br />
gardes.<br />
Auteur : Philippe TESSIER Page 26 / 48
<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
Le corsaire esquissa un sourire.<br />
- On s’est fait des amis aujourd’hui !<br />
Deux de ses hommes emportèrent Telkran et toute l’équipe se dirigea en courant vers la<br />
sortie.<br />
A bord de la navette, Kmar prit connaissance de la situation. L’Argonaute était assailli par<br />
plusieurs frégates et croiseurs ennemis mais aussi par les vaisseaux de la Confrérie. Ces<br />
traîtres de pirates s’étaient ralliés à Conscience et à sa flotte du nord. Les explosions qui<br />
avaient secoué la base provenaient de la destruction des deux vaisseaux que les corsaires<br />
avaient aperçus en arrivant sur la station. L’un des engins gisait, le flanc contre le module<br />
principal. L’impact avait dû provoquer de sérieux dommages à la structure.<br />
Mais, pour l’instant, ce n’était pas ce qui préoccupait le plus Kmar. Les sonscans avaient<br />
détecté l’approche d’autres navires et notamment celui du Lépreux en personne. Il fallait à<br />
tout prix qu’il regagne l’Argonaute. Ce qui risquait d’être assez difficile, étant donné que la<br />
bataille faisait rage et que son bâtiment était en plein milieu !<br />
******<br />
Plaine abyssale des Canaries<br />
- 5 000 mètres<br />
Jamais Vira n’avait vu une telle concentration de vaisseaux de sa vie. Plusieurs centaines<br />
de navires s’apprêtaient à s’affronter dans les eaux calmes de la Plaine Abyssale des Canaries.<br />
Les armadas s’approchaient les unes des autres et, dans quelques secondes, elles seraient<br />
prêtes à faire feu. L’amiral Our se sentait nerveuse. Pour la première fois de sa vie, elle se<br />
demandait si l’Atlantis était en mesure de survivre au combat à venir. Le bâtiment étant sous<br />
son commandement, elle ferait tout pour triompher mais l’ennemi était tellement puissant !<br />
Tout comme le capitaine de l’Artémis, le principal problème auquel elle devrait faire face<br />
serait la manœuvrabilité de ce monstre de métal. Les eaux de la plaine Abyssale allaient être<br />
saturées d’engins de toutes sortes et de toutes tailles. Même avec cinq mille mètres de<br />
profondeur, il serait particulièrement délicat de tirer le meilleur parti d’une forteresse de trois<br />
mille mètres de long. De tels bâtiments n’étaient pas prévus pour le combat rapproché. Leur<br />
fonction était avant tout d’apporter un soutien logistique aux flottes hégémoniennes, pas de<br />
combattre en première ligne. Il s’agissait de bases mobiles et non de navires d’attaque.<br />
Mais dans la bataille à venir, l’Artémis et l’Atlantis seraient les cibles privilégiées des<br />
vaisseaux coralliens. Si l’ennemi parvenait à couler ces deux emblèmes de l’Hégémonie, sa<br />
victoire ne ferait plus aucun doute.<br />
- Ennemis à portée de tir, signala un officier.<br />
Le moment était arrivé. Vira serra les accoudoirs de son fauteuil.<br />
- A tous les navires, ouvrez le feu à votre discrétion. Alerte combat pour tout l’équipage,<br />
activez les boucliers.<br />
Une sirène se mit à hurler pendant quelques secondes. Vira attendit que son harnais de<br />
sécurité se mette en place avant de coiffer un casque tactique grâce auquel elle aurait une<br />
vision plus nette de la situation. En fait cet appareil lui permettait de s’immerger dans une<br />
reconstitution virtuelle du champ de bataille et donc de commander avec plus de facilité les<br />
différents éléments de la flotte.<br />
Tous les tubes lance-torpilles des navires s’ouvrirent. Quelques instants plus tard, des<br />
milliers de projectiles autoguidés filaient vers leurs cibles. Deux véritables murailles de charges<br />
explosives se rapprochaient inexorablement l’une de l’autre. Dix milles nautiques séparaient les<br />
flottes antagonistes. Dans moins de dix minutes on enregistrerait les premiers impacts. Dans<br />
moins de dix minutes, l’océan se mettrait à bouillonner de la fureur des combats.<br />
Un officier effectuait le décompte à voix haute. Plus les minutes s’écoulaient, plus la<br />
tension était perceptible sur la passerelle de l’Atlantis.<br />
Dans le Centre de Stratégie, le Haut-Amiral Viramis et ses officiers attendaient dans le<br />
plus grand silence. Par les haut-parleurs, ils écoutaient le sinistre compte à rebours.<br />
Les torpilles se croisèrent. Certaines se percutèrent, d’autres prirent pour cible des<br />
torpilles adverses et firent demi-tour, la plupart continuèrent leur course vers leurs objectifs.<br />
Dans les coursives des navires hégémoniens, des soldats se mirent à chanter un hymne à<br />
la gloire des Patriarches. Dans les hangars des chasseurs sous-marins, les pilotes, déjà à leur<br />
poste, tripotaient nerveusement les commandes de leurs appareils. Ils attendaient avec<br />
Auteur : Philippe TESSIER Page 27 / 48
<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
angoisse l’ordre de lancement. La même inquiétude étreignait les commandos marins et les<br />
techno-hybrides qui attendaient dans leur sas d’entrer en action. Aux tourelles de combat, les<br />
opérateurs vérifiaient une dernière fois leurs contrôles tandis que dans les salles des torpilles<br />
on rechargeait les tubes avec célérité. Quant aux techniciens chargés du bon fonctionnement<br />
des boucliers, ils priaient pour que les défenses de leurs navires supportent la première salve.<br />
Sur la passerelle du vaisseau amiral d’Ulyr, ce dernier attendait les bras croisés le début<br />
de la confrontation. Il ne semblait pas en proie à la moindre crainte mais était déterminé à se<br />
battre. Il n’avait en tête qu’un seul objectif : détruire la base mobile corallienne. A ses yeux,<br />
c’était la seule solution pour racheter ses erreurs. De nouveau aux commandes du Paramar, il<br />
se sentait parfaitement à l’aise. Il aimait ce bâtiment mais il savait que c’était peut-être la<br />
dernière fois qu’il le commandait. En attendant que les torpilles ennemies atteignent leurs<br />
objectifs, il observait avec attention chaque recoin de sa passerelle pour s’imprégner du<br />
moindre détail. Il passa une main distraite sur son fauteuil à ses côtés. Il le caressait comme<br />
s’il s’agissait de la chose la plus douce qu’il ait jamais touchée.<br />
Le Grand-amiral Valastor ne partageait pas cette sentimentalité. Aux commandes de<br />
l’Artémis, il était entièrement concentré sur la bataille à venir. Il songeait non seulement à<br />
l’affrontement mais aussi à ce qui allait se passer après. Pour lui, il ne faisait aucun doute<br />
qu’ils allaient l’emporter. Il envisageait donc, une fois la victoire à portée de la main, de<br />
retourner ses armes contre les bâtiments de Viramis. Ainsi il ferait d'une pierre deux coups.<br />
Il regrettait qu’Ulyr ne puisse lui être d’aucune utilité. Il s’était trompé sur ce vieil<br />
homme, ce n’était pas le visionnaire, le grand officier qu’il avait imaginé.<br />
Soudain, l’océan s’embrasa. Les torpilles pleuvaient sur les boucliers de protection des<br />
navires. Plusieurs escorteurs légers furent pulvérisés dès la première salve. Quelques frégates,<br />
touchées de plein fouet, se mirent à gîter avant de s’écarter de la flotte et de s’abîmer au fond<br />
de l’océan. La bataille avait commencé, elle allait être terrible.<br />
*****<br />
3 Mai 569<br />
Ancienne Australie<br />
Monts Macdonnell<br />
Quand il s’était engagé dans le corps expéditionnaire de l’Alliance Orbitale, le jeune Selio<br />
n’avait jamais envisagé d'être envoyé en mission sur terre. Il avait imaginé partir à bord d’une<br />
de ces grandes nefs spatiales en direction d’étoiles lointaines ou de stations du système<br />
solaire. La terre, pour lui, n’était qu’un enfer dénué d’intérêt. Il s’en fichait et n’avait pas du<br />
tout l’intention d’y retourner un jour. Tout le monde savait que ce monde était mort et que<br />
l’avenir de l’humanité résidait dans la découverte d’une nouvelle planète capable d’abriter la<br />
vie humaine. Il aurait voulu faire partie de ces équipes d’exploration dépêchées aux quatre<br />
coins de l’univers pour découvrir la terre promise. Poser le pied sur un astre neuf, contempler<br />
des étoiles étrangères, affronter l’inconnu, revenir en héros parmi les siens : telles étaient les<br />
raisons qui l’avaient poussé à supporter le dur entraînement de commando spatial. C’était à ça<br />
qu’il s’était accroché pour tenir bon, pour faire partie des meilleurs, de l’élite.<br />
Et voilà qu’aujourd’hui, il s’était porté volontaire pour aller mourir dans un coin perdu de<br />
cette planète qu’il haïssait tant ! Oui ! Il s’était porté volontaire car, comme tout bon soldat,<br />
l’honneur prenait le pas sur la gloire. Son rêve, il acceptait de le sacrifier à la sauvegarde du<br />
plus grand nombre. En agissant ainsi, il faisait honneur à son régiment, il faisait honneur à sa<br />
famille, il se faisait honneur à lui-même.<br />
Il avait beau être courageux, la seule chose qu’il ressentait pour l’instant c’était la peur.<br />
Dans le cocon de saut, il avait cru s’évanouir de terreur. Après l’éjection et pendant toute la<br />
descente en atmosphère, il avait tellement serré les dents qu’il ne sentait plus sa mâchoire. Et<br />
maintenant qu’il était au sol, il haletait dans son armure de combat. Mais il savait que le<br />
combat ne lui laisserait aucun répit, que sa peur s’envolerait dès qu’il serait entré en action. Et<br />
de l’action, il promettait d’y en avoir.<br />
On tirait de partout. Ses compagnons s’étaient retrouvés dispersés dans toute la plaine<br />
au lieu d’atterrir sur le point prévu. L’erreur de saut était grossière. Les commandos de<br />
l’Alliance Orbitale étaient tombés directement sur leurs ennemis. A peine Selio s’était-il<br />
débarrassé de son harnais que son détecteur de mouvement lui signalait plusieurs cibles en<br />
acquisition. Fort heureusement pour lui, l’ordinateur de l’armure avait automatiquement<br />
Auteur : Philippe TESSIER Page 28 / 48
<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
verrouillé l’adversaire le plus proche et l’avait abattu sans que le jeune homme ait à intervenir.<br />
Cela lui laissait le temps de faire le point de la situation. Plusieurs autres commandos<br />
avaient atterri à quelques dizaines de mètres de lui. Il vérifia les paramètres de son armure.<br />
Constatant qu’aucun dysfonctionnement n’était signalé, il actionna son réacteur de saut<br />
individuel et fit un bond de plusieurs mètres vers ses amis.<br />
Au cours de ce saut, il vit les deux énormes robots de combat qui venaient droit sur eux.<br />
Son ordinateur verrouilla la cible et se mit en relation avec les ordinateurs des autres<br />
commandos. Plusieurs micro-missiles jaillirent des lanceurs des armures de combat et<br />
frappèrent une des machines de combat de plein fouet. L’engin perdit ses deux pattes avant et<br />
s’effondra sans pouvoir se relever. Il se débattait comme un insecte auquel on aurait arraché<br />
les pattes.<br />
Sélio se posa juste au moment où le deuxième robot s’abattait sur ses amis et saisissait<br />
un des commandos dans ses mandibules pour le fracasser par terre. L’armure du pauvre<br />
bougre avait tenu le coup mais le choc semblait l’avoir assommé. Ses compagnons réagirent et<br />
ouvrirent le feu sur la machine de combat. Sélio, quant à lui, fit jaillir de son avant-bras droit<br />
une lame d’énergie rouge et se précipita sur le tête de l’engin. Il commença par sectionner une<br />
de mandibules, afin de libérer son camarade, puis plongea la lame d’énergie dans le crâne de<br />
la bête mécanique. Dans une gerbe d’étincelles, le colosse de métal s’effondra.<br />
Les commandos se regroupèrent autour de leur ami inconscient. Les ordinateurs de leurs<br />
armures signalaient qu’il ne souffrait que d’une perte de connaissance momentanée et que les<br />
drogues injectées par son armure n’allaient pas tarder à faire leur effet. Ce serait<br />
effectivement une bonne chose, pensa Sélio. Plusieurs véhicules blindés et des dizaines de<br />
soldats coralliens convergeaient vers eux. La bataille risquait d’être intense et un homme en<br />
moins pouvait faire toute la différence.<br />
*****<br />
Seuil de Rockall<br />
Cité neutre d’Equinoxe<br />
- As-tu déjà entendu parler des Généticiens ? demanda la dignitaire hégémonienne à<br />
Lana.<br />
Cette dernière ne savait plus quoi penser. Elle ne savait même pas pourquoi elle avait<br />
accepté de rencontrer cette personne venue de la lointaine Hégémonie. Quelque chose en elle<br />
l'avait poussée à accepter, quelque chose lui avait susurré à l'oreille que son avenir en<br />
dépendait. Quand la dignitaire était entrée dans sa chambre et avait relevé son capuchon,<br />
Lana avait failli s'évanouir. Elle connaissait cette personne... elle ne savait pas comment, mais<br />
elle la connaissait.<br />
- Comme tout le monde... mais... c'est un mythe ?<br />
- Un mythe ne pèse pas de tout son poids sur la vie quotidienne de l'humanité, répondit<br />
la mystérieuse femme. Les Généticiens existent bel et bien. Ils œuvrent en secret et<br />
manipulent les "puissants" de ce monde. Ils sont vingt-quatre... douze créateurs, six renégats<br />
et six destructeurs. Ils ont vécu toute l'histoire de ce monde et la revivront sans cesse.<br />
- Ce... ce sont eux qui m'ont fait ça, bredouilla Lana.<br />
- Oh ! que non, jeune fille ! Ils ne t'ont rien fait ! Tu fais partie des leurs. Tu es une<br />
Généticienne !<br />
CHAPITRE 6<br />
Une des plus grandes merveilles inventées par les Généticiens fut certainement le<br />
bouclier atmosphérique capable de recréer des conditions terrestres normales. Bien que nous<br />
disposions aujourd’hui d’une technologie similaire grâce aux découvertes faites dans des<br />
dépôts Généticiens, il nous est encore impossible d’en comprendre exactement le<br />
fonctionnement. Les générateurs atmosphériques dont nous disposons datent de l’époque de<br />
l’Empire des Généticiens et nous sommes toujours incapables de les fabriquer. Mais nous<br />
devons faire confiance à nos chercheurs pour maîtriser cette science qui nous permettra de<br />
reconstituer l'atmosphère terrestre.<br />
Auteur : Philippe TESSIER Page 29 / 48
<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
- Archiviste de Premier Rang Victor Selzman<br />
3 Mai 569<br />
Ancienne Australie<br />
Base Oracle<br />
L’officier de l’Empire du Corail pénétra dans la grande salle de commandement<br />
accompagné de ses deux aides de camp. Il n’était pas un des esclaves de la Matière et avait<br />
rejoint volontairement les troupes de Conscience pour la plus grande gloire de l’Empire.<br />
Cependant, la maîtresse toute-puissante de l’ancienne République le mettait mal à l’aise et<br />
c’est l’estomac noué qu’il s’approcha de son trône au centre de la vaste pièce circulaire. Mais<br />
comment ne pas éprouver de la crainte dans un endroit tel que celui-ci ? Une salle presque<br />
vide qu’on aurait dit taillée dans une pierre grise des plus étranges mais qui n’était pas de la<br />
pierre. Sur les murs étaient gravés d’énormes symboles que l’officier ne parvenait pas à<br />
identifier. Au centre de la salle se tenait Conscience, assise sur un trône constitué de la même<br />
matière grisâtre. Autour d’elle, ses conseillères empathes, vêtues de leurs longues robes<br />
blanches, jetaient des regards inquisiteurs à l’officier. Il haïssait ces sorcières qui pénétraient<br />
votre âme, qui violaient votre esprit. Toujours silencieuses, elles étaient, tels des spectres<br />
maléfiques, presque irréelles mais pourtant bien présentes. Il était inutile de les voir pour<br />
sentir leur regard froid braqué sur vous.<br />
L’officier s’arrêta devant le trône et baissa la tête. Conscience méditait et il aurait été<br />
imprudent de sa part de la déranger. Il attendit ainsi de longues minutes puis, lentement, sa<br />
maîtresse releva la tête.<br />
- Parle ! dit –elle.<br />
- Les troupes de l’Alliance Orbitale ont donné l’assaut, Votre Altesse ! Il semble que leur<br />
objectif soit la destruction du bouclier protégeant Oracle. L’attaque était imprévisible… l’étatmajor<br />
ignorait que l’Alliance pouvait disposer d’armures de saut aussi évoluées.<br />
Les mains de Conscience se crispèrent sur les accoudoirs de son trône. Concentrée sur la<br />
progression du commando souterrain, elle avait négligé de surveiller ce qui se passait ailleurs.<br />
Cet assaut orbital était une vraie menace, une menace qu’elle n’avait pas anticipée.<br />
- Il est impératif qu’ils ne parviennent pas à atteindre leur but, répondit Conscience. Sans<br />
le bouclier, nous serions vulnérables. Détruisez les troupes de l’Alliance !<br />
- Et que faisons-nous pour le petit groupe de rebelles qui approche par les souterrains ?<br />
Doit-on activer les systèmes de défense du dépôt ?<br />
Conscience hésita. Il existait un risque bien réel que les troupes de l’Alliance Orbitale<br />
atteignent leur objectif. Si cela se produisait avant qu’elle n’ait affronté Déméter et Travis tout<br />
était perdu. Le problème était de savoir ce qui s’était passé avec Meya et ce que mijotaient ses<br />
proies. Elle aurait voulu attendre encore un peu mais le temps lui était désormais compté. Elle<br />
devait prendre le risque de faire face !<br />
- Je vais m’occuper personnellement d’eux ! finit-elle par dire.<br />
- Peut-être pourrions-nous envoyer un détachement pour nous en débarrasser ? suggéra<br />
l’officier.<br />
- Vos hommes n’ont pas la moindre chance de vaincre un maître du Flux, répondit<br />
Conscience. Il faut des forces autrement plus puissantes pour abattre de tels adversaires.<br />
Contentez-vous d’éliminer nos ennemis de la surface.<br />
L’officier s’inclina et quitta la salle. Conscience ferma les yeux. Elle plongea mentalement<br />
au plus profond de la base jusqu’à un endroit secret qui renfermait le cœur d’Oracle. Là, son<br />
esprit se mêla à celui de l’ordinateur conscient qui contrôlait chaque centimètre carré du dépôt.<br />
Elle eut alors l’étrange sensation de devenir Oracle. Elle ne faisait plus qu’un avec une<br />
structure colossale qui s’étendait sur des kilomètres. Elle sentait son corps foulé par une<br />
multitude de petits êtres ! Elle était présente dans chaque parcelle de cette incroyable création<br />
faite d’une matière presque vivante ! Les couloirs de la base devenaient ses artères, les<br />
énormes extracteurs d’énergie plongeant jusqu'au cœur du monde devenaient ses poumons.<br />
Oracle vivait ! Ce n’était pas uniquement un gigantesque complexe de machineries et de<br />
chantiers mais un organisme doté d’un semblant de vie.<br />
Sur un ordre mental, une porte s’ouvrit dans les profondeurs de la terre. Elle donnait<br />
dans une caverne où coulait un torrent furieux. Les Guetteurs Mimétiques qui s’étaient activés<br />
en détectant l’approche d’intrus, reçurent l’ordre de rentrer dans leurs niches. Lentement, les<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
humanoïdes à la peau métallique entièrement lisse regagnèrent leurs cocons et replongèrent<br />
dans le sommeil. Conscience désactiva aussi tous les autres systèmes de défense d’Oracle et<br />
ferma toutes les portes qui se trouvaient sur le chemin des intrus, à l’exception de celles qui<br />
les amèneraient tout droit en sa présence.<br />
*****<br />
Racken fut le premier à s’extraire de l’étroit passage qui donnait sur une vaste caverne<br />
traversée en son centre par une rivière souterraine. Le boyau était si petit qu’il avait dû se<br />
débarrasser de son armure de combat. Ce qui était loin de le mettre à l’aise.<br />
Il fut surpris de constater que l’endroit était éclairé par des espèces de mousses<br />
phosphorescentes dégageant une lumière bleutée. Ces mousses recouvraient le plafond de la<br />
caverne et permettaient de voir très nettement le pont métallique qui enjambait une rivière<br />
rugissante et la porte ouverte de l’autre côté. Il s’assura qu’aucun danger ne le menaçait puis<br />
signala à Sanadack qu'il pouvait passer. L’hégémonien s’extirpa à son tour et jeta un coup d’œil<br />
à la grotte avant d’aider Travis à faire passer le corps de Meya.<br />
C’est avec regret qu’ils avaient dû se séparer de Soltgar mais ce dernier était trop massif<br />
pour emprunter le passage. Il aurait pu l’élargir en creusant la roche mais il considérait que sa<br />
mission était terminée. Il s’en était donc retourné dans les profondeurs de son domaine.<br />
Travis ne fut qu’à moitié étonné de trouver la porte du dépôt ouverte. Cela signifiait bien<br />
évidemment qu’ils étaient invités par Conscience à pénétrer dans son domaine et cela ne<br />
présageait rien de bon. Mais avaient-ils le choix ?<br />
Le petit groupe traversa le pont et se dirigea vers l’entrée d’Oracle. Juste avant la porte,<br />
Racken s’arrêta et désigna des cocons métalliques encastrés dans les parois de la caverne.<br />
- Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda-t-il.<br />
- Des Guetteurs Mimétiques, répondit Sanadack. Des machines Généticiennes assez<br />
redoutables. On en trouve souvent dans les dépôts Généticiens mais très rarement dans ceux<br />
de l’Alliance Azur.<br />
- On ne risque rien, ajouta Travis. Si les systèmes de sécurité de la base étaient activés<br />
nous ne serions pas arrivés jusqu’ici avec autant de facilité.<br />
Ils entrèrent dans le long couloir qui s’ouvrait devant eux. Au fur et à mesure qu’ils<br />
progressaient, Travis sentait Déméter devenir de plus en plus inquiet. Oracle les observait. Ils<br />
avaient la sensation d’être au cœur d’un gigantesque organisme vivant qui les guettait. Il n’y<br />
avait pas la moindre caméra et pourtant il semblait que les murs eux-mêmes les épiaient.<br />
Les couloirs donnaient dans d’autres couloirs totalement vides. A chaque fois, une seule<br />
porte était ouverte, les autres étaient verrouillées. Conscience les menait là où elle voulait<br />
qu’ils aillent. Il leur fallut moins d’une heure pour atteindre cet objectif. Une grande porte<br />
s’ouvrit sur une vaste salle circulaire au centre de laquelle les attendait la Maîtresse de<br />
l’Empire du Corail.<br />
*****<br />
Dire que les événements prenaient une allure catastrophique était un euphémisme. Les<br />
coralliens venaient de lancer l’assaut contre le camp de prisonniers et Varag voyait mal<br />
comment ils allaient pouvoir s’en sortir. Ils ne disposaient que de quelques armes alors que<br />
leurs adversaires attaquaient avec des troupes de soldats bien équipés, des robots de combat<br />
et des blindés. Sans être devin, le pirate connaissait déjà l’issue du combat : l’extermination<br />
totale des prisonniers. Le seul qui s’en sortait à peu près bien, c’était Pencock. Ce type-là était<br />
un vrai cauchemar et il n’avait pas l’intention de mourir sans se battre. A chaque fois qu’il<br />
tirait, un homme tombait. Il avait même réussi à détruire un robot de combat par un tir d’une<br />
précision incroyable. Mais malgré sa présence, l’issue était inéluctable.<br />
Alors que Varag s’abritait des explosions résultant des tirs des blindés et qu’il se<br />
demandait comment lui, un simple pirate, pouvait se retrouver dans un tel endroit, il sentit une<br />
main se poser sur son épaule. Soldal s’accroupit près de lui.<br />
- On est plutôt mal barrés, hein ? J’ai peut-être une solution…<br />
Varag le regarda avec de grands yeux.<br />
- Tu attends le déluge pour me dire ça ? T’aurais pas pu te réveiller un peu plus tôt ?<br />
- J’hésitais, répondit Soldal. C’est une solution qui ne permet qu’à quatre d’entre nous de<br />
s’en tirer.<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
- Pencock, Kyle, toi et moi, ça fait quatre, où est le problème ?<br />
- On se barre d’ici sans rien dire aux autres, reprit Soldal. Et on file en direction du camp<br />
d’extermination. Je sais que les coralliens préparaient l’ouverture d’une nouvelle mine dans le<br />
secteur. Qui dit nouvelle mine, dit excavatrice pour creuser les principaux tunnels. Et avec une<br />
excavatrice on peut se tirer.<br />
- C’est la solution la plus sensée qu’il m’ait été donné d’entendre depuis le début des<br />
combats, alors je préviens les autres et on te suit.<br />
*****<br />
Sélio avait l’objectif bien en vue. Son groupe et lui devaient détruire un des relaisparaboliques<br />
du bouclier. Ce dernier ne se trouvait plus qu’à quelques centaines de mètres<br />
mais les coralliens leur menaient la vie dure. Son ordinateur lui signala qu’un missile l’avait<br />
accroché. Automatiquement, le dispositif de sécurité de son armure de saut verrouilla l’engin<br />
téléguidé et libéra deux anti-missiles. Puis Sélio fouilla le périmètre pour repérer l’engin qui<br />
l’avait pris pour cible. Il fit un bond de plusieurs mètres dans les airs et vit un blindé qui venait<br />
dans sa direction. La tourelle de l’engin pivota et cracha une rafale dans la direction du<br />
commando. Les balles de gros calibre lui firent perdre l’équilibre mais heureusement sans<br />
parvenir à percer son blindage. Sélio réussit à se rétablir avant de retomber sur le plancher<br />
des vaches. Dans les airs, il avait eu le temps d’apercevoir une des énormes paraboles du<br />
bouclier exploser. Cela signifiait que les autres groupes de commandos se débrouillaient plutôt<br />
bien.<br />
Il fallait donc qu’il sorte ses hommes de cette situation précaire pour parvenir jusqu’à son<br />
objectif. Mais c’était plus facile à dire qu’à faire. Il y eut un rugissement sourd puis une sorte<br />
de traînée incandescente dans les airs. Sélio eut juste le temps de se retourner pour voir la<br />
traînée percuter de plein fouet un de ses hommes qui fut littéralement pulvérisé sous ses yeux.<br />
Un canon électromagnétique les avait pris pour cible.<br />
Le cœur du commando se mit à battre la chamade tandis qu’il tentait de repérer un engin<br />
capable de projeter des sphères de titane avec une telle puissance que l’obus surchauffait l’air<br />
dans sa trajectoire. Une telle arme était redoutable mais elle ne pouvait être utilisée qu’en tir<br />
direct. La plate-forme de lancement était donc forcément visible dans son périmètre de vision.<br />
L’ordinateur calcula la trajectoire du tir et indiqua comme source probable un petit bosquet<br />
situé à plus d’un kilomètre de sa position… derrière les lignes ennemies. Sélio en eut la<br />
confirmation quand l’engin fit feu pour la seconde fois. Le projectile rata de peu sa cible et se<br />
fracassa contre une colline.<br />
Il fallait impérativement qu’il neutralise cette menace. Il verrouilla son dernier missile sur<br />
le véhicule et transmit les coordonnées aux autres ordinateurs de ses hommes. Des armures<br />
des commandos s’élevèrent des traînées blanches qui décrivirent un arc avant de s’abattre en<br />
pluie sur les quelques arbres servant d’abri à la plate-forme de tir. Si l’engin n’était pas détruit,<br />
ils ne pouvaient plus rien faire d'autre. Sélio donna donc l’ordre à ses hommes d’avancer, il<br />
fallait qu’ils enfoncent les lignes ennemies protégeant la parabole et qu’au moins l’un d’entre<br />
eux parvienne sur l’objectif pour le détruire.<br />
*****<br />
Progresser en plein champ de bataille n’était pas la chose la plus facile à faire comme<br />
s’en rendirent très vite compte Varag, Soldal, Kyle et Pencock. S’échapper du camp de<br />
prisonniers n’avait pas été particulièrement difficile mais franchir les quelques kilomètres qui<br />
les séparaient du camp d’extermination s’avérait beaucoup plus compliqué. Les hommes qui<br />
étaient tombés du ciel affrontaient des robots, des blindés et les troupes coralliennes. On tirait<br />
de partout, des missiles passaient au-dessus de leurs têtes, des explosions soulevaient des<br />
gerbes de terre et des balles perdues sifflaient à leurs oreilles.<br />
Varag, à bout de souffle, s’arrêta et jeta un coup d’œil derrière lui. Le camp de<br />
prisonniers était en feu, les bâtiments soufflés un à un par des explosions. L’assaut avait été<br />
donné et il y avait fort à parier que les coralliens ne feraient pas de quartier. Une fois que le<br />
pirate eut repris son souffle, il se releva et se remit à courir. Il rattrapa ses compagnons qui<br />
s’étaient mis à l’abri dans un fossé. Sans chercher à comprendre pourquoi, Varag plongea à<br />
côté d’eux. Quelques secondes plus tard, il y eut une série d’explosions à quelques mètres de<br />
leurs positions alors qu’une volée de roquettes s’abattait près de leur cachette.<br />
Auteur : Philippe TESSIER Page 32 / 48
<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
Ce n’était pas un tir perdu… on les avait pris pour cible. C’est alors qu’ils virent l’appareil<br />
qui venait droit sur eux. C’était une sorte de petit avion chargé de paniers de roquettes qui<br />
approchait lentement. Le pilote mit son engin en vol stationnaire et cracha une nouvelle salve<br />
d’obus explosifs. Varag baissa la tête mais pas Pencock. Ce dernier était allongé face à la<br />
menace et visait le pilote avec son arme. Alors que tout explosait autour de lui, il ne bronchait<br />
pas. Quand un éclat s’enfonça dans son épaule, il eut à peine une grimace de douleur. Il n’était<br />
pas humain, se dit Varag, c’était une machine. Pencock tira et manqua sa cible, il tira une<br />
seconde fois et atteignit le pilote en pleine tête. L’appareil se cabra puis piqua dans leur<br />
direction.<br />
- Dispersez-vous, hurla Pencock.<br />
Les évadés eurent à peine le temps de se relever, de détaler puis de se jeter à terre.<br />
L’engin ennemi s’écrasa à l’endroit où ils étaient quelques secondes plus tôt. Varag, les mains<br />
sur la tête, sentit passer au-dessus de lui un énorme morceau de métal qui alla se fracasser<br />
contre un arbre. Puis il entendit les gémissements de Soldal.<br />
Le malheureux avait été touché par des éclats. Sa jambe droite était en lambeaux et son<br />
bras gauche avait été coupé à la hauteur du coude.<br />
- Aidez-moi, supplia-t-il.<br />
Varag, Kyle et Pencock s’approchèrent de lui. Ils se regardèrent, comprenant qu’ils<br />
n’avaient pas le choix.<br />
Kyle braqua son arme sur la tête de Soldal mais Pencock le retint par le bras.<br />
- On a besoin des balles, dit-il en tirant son couteau. Puis il s’agenouilla près de Soldal,<br />
plaqua sa main sur ses yeux et lui trancha la gorge.<br />
Sans ajouter un mot, il se releva et se remit à courir. Kyle lui emboîta le pas tandis que<br />
Varag resta un moment interdit. Il regardait le cadavre de l’homme qui leur avait offert le seul<br />
moyen de se tirer de ce mauvais pas et ce fut une des rares fois de son existence où il<br />
ressentit un profond dégoût. Son instinct de survie reprit rapidement le dessus et il s'efforça<br />
d'oublier tout ça. Il se mit à courir pour rejoindre les autres.<br />
Il leur fallut plusieurs heures pour atteindre le camp d’extermination. L’entrée de la mine<br />
se trouvait à une centaine de mètres sur la droite du sinistre édifice et il ne semblait pas y<br />
avoir de gardes ou de dispositifs de sécurité. Ils foncèrent donc droit sur leur objectif.<br />
Pencock menait le groupe. Il ne restait plus qu’à franchir une petite butte de terre et ils<br />
seraient tirés d’affaire, en espérant que la mine soit déserte. L’assassin arriva au sommet du<br />
dernier obstacle et s’arrêta brutalement. Il fit un pas en arrière.<br />
- Qu’y-a-t-il ? cria Varag tout en courant.<br />
Pencock ne répondit pas. Kyle venait d’arriver à sa hauteur et avait eu le même<br />
mouvement de recul. Varag, essouflé, finit par arriver au sommet de la butte et ce qu’il vit lui<br />
glaça le sang.<br />
Ce n’était pas seulement une mine que les coralliens creusaient ici. C’était aussi un<br />
charnier. En contrebas, à quelques mètres de l’entrée, des centaines, des milliers de cadavres<br />
étaient entassés les uns sur les autres. La puanteur était atroce et Varag crut un moment qu’il<br />
allait vomir.<br />
Il y avait là des mutants de la surface, en grande majorité, mais aussi des vieillards, des<br />
infirmes et des hommes en uniforme de la République du Corail, certainement ceux qui avaient<br />
refusé de se rallier à Conscience. Ils étaient entassés comme de la marchandise. Des<br />
prisonniers décharnés retiraient aux cadavres tout ce qu’ils avaient sur eux. Certains corps<br />
étaient jetés dans une des fosses tandis que d’autres étaient entassés sur des plates-formes<br />
flottant au-dessus du sol.<br />
Quatre gardes coralliens surveillaient les prisonniers, deux individus bouffis à l’allure de<br />
pirates contrôlaient les corps que l’on mettait sur les plates-formes. Avant qu’ils aient eu le<br />
temps d’apercevoir les évadés, Pencock leva son arme et abattit le premier garde. Comme des<br />
zombies, les prisonniers se tournèrent lentement dans la direction du coup de feu, tandis que<br />
les gardes dégainaient leurs armes. Pencock abattit un deuxième soldat corallien. Les individus<br />
bouffis et les autres gardes ouvrirent le feu. Varag en tua un et Kyle toucha en pleine tête un<br />
des individus empâtés.<br />
Le dernier garde voulut fuir mais Pencock le toucha à la jambe. L'individu à l’allure de<br />
pirate jeta son arme et leva les mains.<br />
Kyle, Pencock et Varag descendirent la butte. Pencock se dirigea droit sur le garde<br />
corallien blessé à la jambe et le tira par les cheveux aux pieds des prisonniers décharnés qui le<br />
regardaient d’un air médusé.<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
- Il est à vous, se contenta-t-il de dire.<br />
Puis il rejoignit Varag et Kyle qui tenaient en joue le pirate.<br />
- Il serait dommage de me tuer, bredouilla ce dernier. Toi, je te connais, dit-il à l’attention<br />
de Varag. T’es un pirate de la Confrérie de la Licorne… on te croyait mort…<br />
- Tu connais cette chose ?, demanda Pencock.<br />
- C’est un des fidèles de Liebur, le marchand de chair, une belle ordure.<br />
- Ne me tuez pas, je ne suis pas responsable de tout ceci. Je ne fais que des affaires.<br />
Liebur peut se montrer extrêmement reconnaiss…<br />
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase. Varag lui avait asséné un coup de crosse en plein<br />
tête. Le marchand de chair tomba par terre, inconscient.<br />
Varag le traîna jusqu’à une fosse et le jeta dedans puis s’installa aux commandes d’une<br />
pelleteuse et renversa une pile de cadavres toute proche sur le corps du boucanier.<br />
Il redescendit de l’engin et se dirigea vers l’entrée de la mine. Pencock et Kyle lui<br />
emboîtèrent le pas en ne prétant aucune attention aux hurlements du soldat corallien qu’ils<br />
avaient confié aux bons soins des prisonniers.<br />
La mine était effectivement en plein chantier et totalement déserte. Il y avait des engins<br />
de forage un peu partout et notamment, comme l’avait dit Soldal, une vedette-foreuse à<br />
quatre places qui semblait en parfait état. Avec cet engin, ils pourraient quitter la région assez<br />
facilement si elle ne tombait pas en panne. La seule question qu’il restait à régler était de<br />
savoir où aller. Ils étaient en territoire ennemi, ignoraient tout de la navigation souterraine et<br />
ne connaissaient rien des dangers du monde des profondeurs. Mais avaient-ils vraiment le<br />
choix ?<br />
Varag inspectait l’engin tandis que Kyle se familiarisait avec le poste de pilotage et que<br />
Pencock vérifiait les tenues étanches de secours. Quand tout fut prêt, les trois hommes<br />
s’installèrent dans l’excavatrice et affichèrent les cartes des souterrains que la machine avait<br />
en mémoire. Puis ils choisirent une route au hasard.<br />
***<br />
Il ne restait désormais plus que Sélio. Tout autour de lui gisaient des épaves de véhicules<br />
calcinés, de robots à moitié fondus et les cadavres de coralliens mais aussi ceux de ses amis.<br />
La bataille avait été particulièrement violente mais il avait réussi à passer. Cependant, il devait<br />
faire vite, les renforts ennemis ne tarderaient pas à arriver. Sélio se releva péniblement. Il<br />
avait mal partout. Son armure était perforée au niveau du ventre et un liquide rouge coulait<br />
sur ses jambes. Il mit quelques minutes à se rendre compte que ce liquide n’était autre que<br />
son sang.<br />
La parabole se trouvait à quelques mètres devant lui mais ces quelques mètres s’étiraient<br />
à l’infini. Le commando trébucha sur un morceau de métal chauffé à blanc. Tout son corps ne<br />
désirait qu’une chose : ne plus bouger, laisser venir la froide étreinte de la mort. Mais la<br />
volonté de Sélio était la plus forte. Il se redressa encore une fois et se traîna vers son objectif.<br />
Après une éternité, il se laissa tomber au pied de la parabole. Il avait le goût du sang dans la<br />
bouche et ses mains tremblaient. Les bruits des moteurs de véhicules lui parvenaient d’un peu<br />
partout, les coralliens arrivaient… il fallait agir vite. Il ne prit pas le temps de séparer la charge<br />
explosive de son armure. Il activa le compte-à-rebours et se mit sur le dos. C’est à peine s’il<br />
entendait son ordinateur compter les secondes. Il se remémora les meilleurs instants de sa vie<br />
et se perdit dans le ciel bleu azur qu’il voyait pour la première et dernière fois. Il était heureux<br />
d’avoir pu contempler une telle splendeur même s’il était ici pour détruire cette merveille.<br />
Quand le bouclier serait désactivé, il ne resterait plus sur terre d’endroit où admirer un ciel<br />
aussi magnifique.<br />
CHAPITRE 7<br />
La grande guerre fut responsable non seulement de la destruction d’une partie du<br />
potentiel industriel des nations mais aussi de leurs flottes. Alors qu’à cette époque, il n’était<br />
pas rare de voir des croiseurs et quelques cuirassés, après les terribles batailles de ces<br />
funestes années, les géants des mers se firent aussi rares que les Léviathans. Plus aucune<br />
organisation n’ayant les moyens de reconstruire de tels colosses, on se remit à concevoir des<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
vaisseaux plus petits, des sous-marins classiques également appelés frégates ou escorteurs.<br />
La grande guerre marque véritablement la fin de l’époque des géants des mers.<br />
- Archiviste de Premier Rang Victor Selzman<br />
3 Mai 569<br />
Dorsale du Pacifique oriental<br />
Région de Carion<br />
- 335 mètres<br />
La navette fut violemment secouée quand elle fut prise dans les remous de deux<br />
chasseurs ennemis qui venaient de lui couper la route. L’Argonaute était maintenant tout<br />
proche mais commandos et chasseurs de combat, amis et ennemis, gravitaient tout autour<br />
comme les abeilles autour d’une ruche. La manœuvre d’abordage risquait d’être<br />
particulièrement délicate. Assis près du pilote, Kmar vit l’un des chasseurs qui les avait<br />
dépassés ralentir puis manoeuvrer pour changer de cap. Le chasseur avait bien l’intention de<br />
s’offrir un petit transporteur.<br />
- Fonce dessus, cria Kmar à l’attention du pilote.<br />
C’est exactement ce qu’il fit, à la grande surprise du chasseur pirate. Le choc fut<br />
terrible… le volet de sécurité de la navette se rabattit automatiquement pour protéger la<br />
verrière du poste de pilotage. On entendit alors la masse métallique de l’appareil ennemi rouler<br />
sur le dessus du navire. Tous les voyants de contrôle virèrent au rouge et une explosion secoua<br />
le poste de pilotage. Kmar vit la verrière se fissurer sur toute sa longueur. Il se précipita<br />
aussitôt sur la bombe de secours et appliqua une mousse de colmatage tout le long de la<br />
fissure. Sans le volet de sécurité, ils seraient déjà tous morts.<br />
Le sonar indiquait plusieurs appareils en approche rapide. Pour l’instant il était impossible<br />
de dire s’il s’agissait d’adversaires. Quant à l’Argonaute, il tentait de faciliter l’approche de la<br />
navette en réduisant son allure et en envoyant des chasseurs d’escorte. Mais cette manœuvre<br />
le rendait vulnérable aux tirs ennemis. Ses boucliers de protection ne tiendraient pas<br />
longtemps contre le pilonnage intensif des navires adverses.<br />
Le pilote commença sa manœuvre d’approche mais il dut l’abandonner au dernier<br />
moment à cause de plusieurs appareils ennemis. Il recommença quelques minutes plus tard<br />
mais dut encore une fois renoncer en raison d’une torpille qui filait droit sur la navette.<br />
- On n'y arrivera jamais, gronda Kmar en se levant. Envoie un signal d’assistance<br />
plongeurs à l’Argonaute.<br />
Il quitta le poste de pilotage et rejoignit ses hommes dans la soute.<br />
- Mettez le capitaine dans un caisson d’isolation et enfilez vos tenues, dit-il en revêtant<br />
son armure de plongée.<br />
Quelques minutes plus tard, l’équipage du frêle esquif sortait de l’appareil par un des sas<br />
latéraux. Le pilote fut le dernier à quitter son poste, il s’éloigna le plus rapidement possible<br />
mais ne put échapper complètement au souffle de l’explosion quand la navette fut pulvérisée<br />
par la torpille. Deux corsaires se précipitèrent au secours de l’infortuné tandis que Kmar et<br />
quatre de ses hommes guidaient le caisson de survie vers l’Argonaute.<br />
Les plongeurs pirates jaillirent des ténèbres en deux groupes. Six d’entre eux s’abattirent<br />
sur les deux corsaires qui tentaient de remonter le pilote inconscient, tandis qu’un autre<br />
groupe de douze hommes, portant tous le symbole du Lépreux sur leurs armures, s’en prenait<br />
à Kmar et à sa petite escouade.<br />
Les corsaires n’étaient pas équipés pour s’opposer à une telle menace. De plus, ils<br />
devaient protéger le caisson dans lequel gisait leur capitaine. Kmar sentit un harpon rebondir<br />
contre sa carapace de protection et, tout de suite après, un plongeur s’accrocher à lui. Tenant<br />
le caisson de la main droite, il ceintura son adversaire avec le bras gauche et le plaqua dos au<br />
caisson. Le pirate avait rabattu sa visière de sécurité et cherchait à transpercer l’armure de<br />
Kmar avec une pointe effilée qui sortait de son poing droit. Le second de l’Argonaute ne voyait<br />
pas trop ce qu’il pouvait faire à part lui tenir le bras. Il sentit un second plongeur l'agripper<br />
dans le dos. Mais, alors qu’il croyait que tout était perdu, quelque chose arracha le pirate<br />
derrière lui. Une seconde plus tard, il entendit dans ses écouteurs un signal familier, ce signal,<br />
dans la langue des dauphins, signifiait « écarte-toi ».<br />
Kmar lâcha le pirate et s’écarta de la trajectoire du mammifère marin qui percuta son<br />
assaillant dans le torse. Le pirate fut apparemment sonné par le coup de rostre et il glissa<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
lentement dans l’eau avant de recevoir un coup de queue en pleine tête. Les dauphins, menés<br />
par Fi, leur chef, fonçaient par dizaines sur les hommes du Lépreux tandis que d’autres<br />
s’occupaient de ramener les blessés à bord de l’Argonaute.<br />
- Sacrée infanterie sous-marine, murmura Kmar.<br />
Le combat tourna court. Escortés par les dauphins, les corsaires réussirent à remonter à<br />
bord de l’Argonaute. Aussitôt arrivé dans le hangar des plongeurs, Kmar retira son casque et<br />
se précipita vers la passerelle. Il ordonna aux médecins présents de ranimer Telkran et de le<br />
ramener sous bonne garde à ses côtés.<br />
- Situation, interrogea-t-il en reprenant son poste de commandement.<br />
- La flotte du nord corallienne nous est tombé dessus avec les navires du Lépreux. Pour<br />
l’instant tous les systèmes sont opérationnels mais les boucliers ont souffert. Le principal<br />
problème, c’est que les eaux ne sont pas assez profondes pour faire manœuvrer l’Argonaute.<br />
Les Croiseurs ennemis restent à distance dans des eaux plus profondes et envoient leurs<br />
chasseurs, leurs escorteurs et leurs frégates.<br />
- Cap sur la Fracture de Clippertown, elle plonge à mille deux cents mètres. Nous y<br />
serons à l’abri des croiseurs et, si leurs frégates veulent nous suivre, je n’y vois aucun<br />
inconvénient. Quand nous serons dans le Guyot de Lynn, on aura de cinq à sept mille mètres<br />
de profondeur.<br />
- Ils vont certainement nous attendre dans le Guyot, remarqua l’officier de navigation.<br />
- Je doute que leurs navires lourds puissent rivaliser de vitesse avec l’Argonaute. Quant<br />
aux frégates et aux escorteurs, nous nous en débarrasserons dans la Fracture.<br />
La manœuvre de Kmar était audacieuse. La Fracture de Clippertown était véritablement<br />
très dangereuse à cause de ses éperons rocheux, de ses arêtes acérées et de ses multiples<br />
pièges naturels. Dans la faille, il ne fallait pas compter sur les relevés électroniques, il fallait<br />
disposer d’une bonne vieille carte de navigation et calculer les manœuvres du bâtiment avec<br />
un bon vieux chronomètre. Les chasseurs ennemis seraient obligés de naviguer à vue, sans<br />
leurs volets de protection, quant aux frégates elles avaient intérêt à avoir de sacrément bons<br />
capitaines.<br />
Sous les tirs ennemis, l’Argonaute changea de cap pour foncer droit sur la Fracture située<br />
à quelques milles nautiques de là. Les coralliens ne réagirent pas à la manœuvre mais le<br />
Lépreux connaissait parfaitement la région et il comprit immédiatement ce que projetait le<br />
navire corsaire. Son croiseur, le Fléau, modifia sa course avec ses frégates d’escorte et se<br />
risqua sur les bas-fonds. Son objectif était clair : couper la route de l’Argonaute.<br />
- Les bâtiments du Lépreux ont sorti leurs éperons, capitaine, signala un des officiers de<br />
Kmar. Notre flanc gauche est vulnérable.<br />
Sur l’écran tactique, il ne faisait aucun doute que le Fléau avait l’intention de percuter<br />
l’Argonaute et de provoquer ainsi l'échouage des deux navires. S’il virait à tribord, l’Argonaute<br />
s’aventurait dans les eaux de moins en moins profondes de la Dorsale du Pacifique oriental. Il<br />
serait alors totalement sans défense. Et derrière, l’attendait toute la flotte corallienne. Il fallait<br />
donc à tout prix atteindre la Fracture de Clippertown.<br />
- A babord toute, dit une voix.<br />
Tout l’équipage de la passerelle se tourna vers le sas d’entrée. Telkran Raljik, soutenu par<br />
deux corsaires, venait d'arriver. Il avait l’air malade et épuisé. Il tenait à peine debout.<br />
- Le capitaine est sur la passerelle, dit Kmar en cédant sa place avec un sourire.<br />
Telkran lui répondit avec une grimace de souffrance avant de se laisser tomber dans son<br />
fauteuil.<br />
- Tous les hommes aux postes de combat, ordonna Telkran. Préparez-vous à aborder le<br />
Fléau.<br />
Kmar lui lança un regard interrogateur.<br />
- Je connais bien le Lépreux, expliqua-t-il. Ce diable navigue dans ces eaux depuis qu’il<br />
est né et la Fracture fait partie de son domaine. Je suis prêt à parier que toute la zone est<br />
minée et qu’on nous y attend de pied ferme.<br />
L’Argonaute fut secoué par plusieurs explosions violentes. La flotte corallienne continuait<br />
à lancer ses torpilles contre le navire corsaire.<br />
- Mais si nous attaquons le Fléau, dit Kmar, la flotte du nord va fondre sur nous.<br />
- Je n’ai pas l’intention de m’emparer du Fléau, seulement que les coralliens le croient. Je<br />
vais m’en servir comme bouclier et montrer au Lépreux que ses alliés se moquent éperdument<br />
de ce qui peut lui arriver.<br />
- Le Fléau ouvre le feu, indiqua le responsable sonar.<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
- Il n’y a plus qu’à espérer que ce face à face ne nous sera pas fatal, répondit Telkran. A<br />
tous les postes de combat… feu à volonté.<br />
Les deux gigantesques navires sous-marins filaient à pleine vitesse l’un vers l’autre<br />
crachant des salves de torpilles et de rayons d’énergie. L’Argonaute était violemment secoué<br />
par des séries d’explosions mais les dommages qu’il infligeait au Fléau étaient considérables.<br />
- Le navire du Lépreux ralentit !<br />
- Il va essayer de se dégager, commenta Telkran. Mais c’est trop tard ! S’il vire, il nous<br />
offre son flanc ! Son seul espoir est d’inverser les machines ! Préparez-vous à l’aborder sur son<br />
flanc babord.<br />
- Les frégates coralliennes gagnent du terrain et leurs croiseurs seront bientôt à portée<br />
de tir.<br />
Le Fléau n’était plus qu’à quelques milles nautiques. Les tirs de torpilles avaient cessé<br />
mais les canons Hades du navire pirate pulvérisaient les plaques de blindage de l’Argonaute.<br />
On signalait de nombreuses avaries mais Telkran les ignorait.<br />
- Quart de vitesse, virez de dix degrés à tribord, parés aux armes de salves.<br />
Tandis que le bâtiment du Lépreux faisait machine arrière à pleine vitesse, l’Argonaute<br />
modifia légèrement sa trajectoire pour éviter de le percuter. Les deux mastodontes étaient<br />
maintenant côte à côte et leurs armes de salves échangeaient des tirs nourris.<br />
- Manœuvre d’abordage, lancez les grappins magnétiques !<br />
Du flanc gauche du navire corsaire jaillirent des centaines de plaques métalliques qui<br />
vinrent se fixer sur le Fléau. Puis il y eut un grand choc qui fit trembler les deux bâtiments<br />
alors que leurs flancs se percutaient.<br />
- Position des navires coralliens ? demanda Telkran.<br />
- Douze milles nautiques derrière nous.<br />
- A babord toute !<br />
Ce qu’avait prévu Telkran se confirma quelques minutes plus tard. L’Argonaute avait forcé<br />
le Fléau à s’interposer entre lui et les navires de Conscience. Les capitaines coralliens se<br />
fichaient éperdument de ce qui pouvait arriver à un pirate. Tout ce qu’ils voyaient, c’était leur<br />
cible qui était vulnérable car elle avait fait l’erreur de se lancer à l’abordage d’un autre navire.<br />
La flotte du nord fit feu de toutes ses pièces en espérant envoyer par le fond l’Argonaute<br />
même si cela devait signifier la destruction du Fléau. Une véritable armada de torpilles filait<br />
droit sur eux.<br />
- Manœuvre de désarrimage, barre à tribord, machines en avant toute.<br />
L’Argonaute se détacha lentement du flanc du croiseur qui tentait de reprendre de la<br />
vitesse pour se dégager de la trajectoire des torpilles. Mais le Lépreux avait déjà dû se rendre<br />
compte que la plupart des engins téléguidés étaient verrouillés sur son navire. Il fut secoué par<br />
une série de terribles explosions qui lui firent prendre une forte gîte.<br />
La réaction des autres navires pirates fut immédiate, ils ouvrirent le feu contre les<br />
navires coralliens.<br />
Telkran ignorait totalement si le Lépreux allait se sortir de ce mauvais pas et, à vrai dire,<br />
cela lui était bien égal. Pas un navire ne pourrait rattraper l’Argonaute maintenant qu’aucun<br />
obstacle ne se dressait plus devant lui.<br />
******<br />
Plaine abyssale des Canaries<br />
- 5 000 mètres<br />
Jamais Vira n’avait imaginé assister à un affrontement d’un telle ampleur. Des centaines<br />
de navires dispersés sur des dizaines de milles nautiques se livraient un combat d’une rare<br />
violence. Chasseurs, escorteurs, frégates, croiseurs et cuirassés faisaient bouillonner les eaux.<br />
Pour l’instant il était très difficile de savoir quel camp l’emportait sur l’autre. Les pertes étaient<br />
considérables, que ce soit du côté de l’armada corallienne ou du côté de l’armada alliée. Mais<br />
une chose était certaine ! Comme l’avait craint Vira, les deux principaux objectifs de la flotte<br />
de Conscience étaient l’Artémis et l’Atlantis.<br />
Le cœur du dispositif corallien, la base de combat mobile, était encore intact. L’engin,<br />
escorté par plusieurs croiseurs lourds, restait légèrement en retrait. Malgré les efforts répétés<br />
de l’Amiral Ulyr pour s’en approcher, aucune torpille n’était parvenue à percer ses boucliers<br />
défensifs.<br />
Auteur : Philippe TESSIER Page 37 / 48
<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
Les communications étaient le plus gros problème pour Vira. Il était impossible d’émettre<br />
ou de recevoir le moindre message. Toutes les fréquences étaient brouillées ou saturées. Les<br />
analyses sonars devenaient extrêmement complexes avec tant de navires engagés en même<br />
temps. La plupart des engins sous-marins naviguaient et combattaient à vue. On préférait<br />
utiliser des torpilles en tir direct ou des torpilles filo-guidées, les engins auto-guidés risquant à<br />
tout moment de prendre pour cible un navire allié.<br />
Les seules informations qu’on pouvait obtenir sur la bataille étaient fournies soit par des<br />
messagers à bord de chasseurs rapides qui faisaient la navette entre les différents bâtiments,<br />
soit par des petits navires d’observation qui croisaient à faible profondeur et qui avaient<br />
déployé des balises de communication. Bien entendu, pour bénéficier de ces informations, il<br />
fallait se rapprocher de la surface et envoyer soi-même une balise. Ce que peu de navires<br />
avaient le temps de faire.<br />
Vira fut tirée de ses réflexions par l’alerte torpille qui résonnait dans les coursives de<br />
l’Atlantis. Tandis qu'elle était plongée dans la représentation holographique de la bataille,<br />
l’ordinateur lui signala l’apparition de plusieurs contacts sur le flanc tribord de son navire. Les<br />
données qui s’affichaient à côté de ces contacts les identifiaient comme trois cuirassés<br />
coralliens. Ces navires s’étaient tenus à l’écart des combats et fondaient sur le navire amiral<br />
hégémonien. Elle effleura les icônes représentant plusieurs croiseurs d’escorte pour leur<br />
signaler de se détourner de leur route mais en vain. Les communications ne passaient pas. Elle<br />
dut quitter son univers virtuel pour donner ses ordres de vive voix.<br />
- Indiquez par signaux lumineux à nos bâtiments d’escorte la présence des cuirassés<br />
ennemis. A tribord toute, amenez-nous droit sur eux.<br />
- La station de combat ennemie change sa trajectoire, signala un officier des détections.<br />
Elle se dirige droit sur nous.<br />
- Quoi ! cria Vira. Où se trouvent l’Artémis et le Paramar ?<br />
- L’Artémis est engagé à vingt milles nautiques de notre position, quant au Paramar, nous<br />
n’avons aucune indication sur sa position.<br />
Soudain une terrible explosion fit trembler l’Atlantis. Sur la passerelle, les hommes<br />
d’équipage qui n’étaient pas solidement attachés furent projetés à terre. Plusieurs consoles de<br />
commande s’embrasèrent tandis que résonnaient les sirènes d’alerte.<br />
- Qu’est-ce que c’était que ça ? demanda Vira.<br />
- Un tir direct de la station de combat corallienne, Votre Altesse, répondit médusé un des<br />
officiers.<br />
- C’est impossible, elle est beaucoup trop loin et aucune arme n’a cette puissance.<br />
Comme pour confirmer ses pires craintes une deuxième explosion encore plus puissante<br />
secoua le bâtiment. Sur la passerelle, un panneau de contrôle s’effondra tandis que des<br />
pupitres entiers s’embrasaient.<br />
- Ils vont nous réduire en miettes, s’écria Vira.<br />
- Trajectoire du deuxième tir confirmé… il provient bien de la station de combat.<br />
- Les cuirassés viennent de lancer leurs torpilles, signala un second officier.<br />
Vira Our sentit son sang se glacer. L’Atlantis était pris au piège. Il était impossible à un<br />
navire de cette taille de fuir ou de tenter des manœuvres d’esquive. Elle n’avait que deux<br />
solutions soit attaquer de front la base corallienne, soit foncer dans la mêlée de navires en<br />
espérant que cela gênerait les attaques de la station de combat. Mais cette deuxième solution<br />
posait un problème de taille, l’Atlantis risquait de percuter des navires alliés et de perturber<br />
leurs manœuvres. Un titan de trois mille mètres était un véritable léviathan dans un champ de<br />
coraux.<br />
- Cap sur la station de combat à pleine vitesse, ordonna-t-elle. A tous les postes de tir,<br />
feu à volonté, coulez-moi cet engin avant qu’il ne nous mette en morceaux.<br />
La puissance de feu de l’Atlantis était formidable mais pas suffisante pour endommager<br />
sérieusement la station de combat. Les boucliers protecteurs de cette dernière encaissaient la<br />
plupart des tirs sans montrer le moindre signe de faiblesse. Ses attaques, quant à elles,<br />
étaient redoutables. Au troisième tir, les écrans du navire hégémonien furent saturés, au<br />
quatrième toute une section du navire fut anéantie.<br />
Vira savait qu’elle n’arriverait jamais à percuter la base mobile, son bâtiment serait<br />
anéanti bien avant d’y parvenir. La moitié de la passerelle était détruite et, sur les panneaux de<br />
contrôle, des points rouges indiquant les zones endommagées apparaissaient à chaque<br />
seconde. Les dégâts devaient déjà être considérables et les pertes terrifiantes.<br />
Une nouvelle explosion arracha la capitaine de l’Atlantis à son fauteuil. Elle tomba à terre<br />
Auteur : Philippe TESSIER Page 38 / 48
<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
et sentit aussitôt son navire prendre de la gîte.<br />
- Ils ont touché la propulsion ! s’écria un officier.<br />
La partie était terminée. L’Atlantis était désormais une proie facile. Vira se releva<br />
péniblement, rajusta son uniforme et regagna son fauteuil en essayant de tenir debout malgré<br />
l’inclinaison du navire.<br />
- Rétablissez la gîte ! ordonna-t-elle sachant que cela ne changerait rien à la situation.<br />
- Amiral ! s’exclama le responsable des détections. La station de combat a changé de<br />
cible !<br />
Vira se leva, incrédule. L’Atlantis était à sa merci, pourquoi ne pas l’achever ? Elle comprit<br />
aussitôt en voyant l’écran tactique. Un écho non-identifié fonçait droit sur le bâtiment corallien.<br />
Bien que l’ordinateur soit incapable de déterminer de quel type d’engin il s’agissait, la menace<br />
qu’il représentait devait être suffisamment importante pour que les coralliens s'en inquiètent.<br />
Mais Vira avait d’autres chats à fouetter. Elle nota que ses croiseurs d’escorte avaient<br />
engagé les cuirassés ennemis. Cette fois-ci encore, elle s’en tirait bien. L’Atlantis avait plongé<br />
de quelques centaines de mètres et rétablit son assiette.<br />
- L’Artémis est signalé à douze milles nautiques en rapprochement constant, signala un<br />
officier. Le Paramar signale qu’il a engagé la station de combat ennemie.<br />
Le Paramar s’étonna Vira ? Ulyr était-il cette menace qui faisait tellement peur aux<br />
coralliens ? Non. Ulyr fonçait droit sur la base mobile mais le nom du bâtiment qui avait sauvé<br />
l’Atlantis venait d’apparaître sur l’écran tactique : le Golem. Le célèbre navire Généticien des<br />
Lions Rouges venait d’entrer dans la mêlée.<br />
La raison qui poussait ces célèbres pirates à se porter au secours des hégémoniens<br />
échappait totalement à Vira. Elle s’en moquait d’ailleurs. La victoire était à portée de la main,<br />
voilà ce qui comptait. Face au Golem, au Paramar et à l’Artémis, la puissante station de<br />
combat des coralliens pouvait avoir du souci à se faire.<br />
L’énorme base mobile subissait un tir de barrage auquel aucun bâtiment sous-marin<br />
n’aurait pu survivre. L’Artémis faisait feu de tout bois, tandis que les batteries du Golem<br />
pulvérisaient ses écrans de protection. Mais la station corallienne n’avait pas dit son dernier<br />
mot et elle crachait des rayons de mort sur ses agresseurs.<br />
Sur son écran de contrôle, Vira pouvait avoir une idée des dommages subis par l’Artémis<br />
et le Golem. Les deux navires étaient secoués par de terribles explosions. Il était impossible de<br />
savoir qui allait l’emporter dans ce combat de titans.<br />
De toute manière, Vira ne pouvait rien y faire. L’Atlantis avait subi trop de dommages. Il<br />
pouvait à peine naviguer et il n’était pas question d'utiliser son système d’armement.<br />
Totalement concentrée sur le combat qui se livrait sous ses yeux, le capitaine de l’Atlantis<br />
ne remarqua pas l’arrivée du Haut-Amiral Viramis sur la passerelle. Ce dernier demeura<br />
silencieux ne quittant pas des yeux, lui aussi, l’écran tactique.<br />
- La station de combat ennemie vient de perdre ses boucliers de protection, signala un<br />
officier. Mais elle vient aussi de modifier sa trajectoire. Elle fonce droit sur nous !<br />
Vira sentit son cœur battre la chamade. Les coralliens se savaient perdus mais ils ne<br />
voulaient pas disparaître sans un feu d’artifice spectaculaire. Leur objectif était clair. Quitte à<br />
mourir, ils allaient détruire l’Atlantis et tuer le Haut-Amiral. Toute fuite était inutile !<br />
La station de combat de plusieurs millions de tonnes filait à pleine vitesse vers le navire<br />
de Vira. L’Artémis et le Golem avaient beau pilonner l’engin, cela ne l’arrêtait pas. Seul le<br />
Paramar s’interposait encore entre le colosse hégémonien et le titan corallien, mais il subissait<br />
un tir nourri des canons ennemis. Le cuirassé ne tiendrait pas longtemps avant d’être<br />
pulvérisé.<br />
Soudain, le visage d’Ulyr apparut sur l’écran principal. Il se tenait à son poste de<br />
commandement ravagé par les flammes. Du sang coulait sur son visage.<br />
- Il semble que vous ayez un léger ennui, votre Altesse, dit-il en souriant à l’attention du<br />
Haut-Amiral.<br />
Avant que celui-ci n’ait eu le temps de répondre le capitaine du Paramar reprit la parole.<br />
- J’ignore si j’avais raison ou tort en voulant m’emparer du pouvoir mais ce dont je suis<br />
sûr, c’est que je ne suis le jouet de personne. Adieu, Votre Altesse, et redevenez le chef dont a<br />
tant besoin l’Hégémonie. Gloire aux Patriarches !<br />
L’image d’Ulyr disparut. Le Paramar venait de changer de cap et fonçait droit sur la<br />
station corallienne.<br />
Vira et Viramis retinrent leur respiration. Le cuirassé s’encastra dans la machine de<br />
guerre de Conscience. Les deux bâtiments explosèrent.<br />
Auteur : Philippe TESSIER Page 39 / 48
<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
Le Haut-Amiral ne dit pas un mot. L’air songeur, il quitta de la passerelle plongée dans le<br />
silence.<br />
*****<br />
La bataille était gagnée. La flotte alliée avait détruit les troupes de Conscience mais les<br />
pertes étaient telles qu’il était difficile de parler de victoire. Les trois quarts de la flotte<br />
hégémonienne avaient été anéantis. Et les navires rescapés demanderaient de longs mois de<br />
réparation.<br />
Le Golem avait disparu aussi vite qu’il était arrivé. Quant à l’Artémis, il avait quitté la<br />
région après un bref message de Valastor signalant au Haut-Amiral que son bâtiment et son<br />
équipage ne faisaient plus partie de la flotte hégémonienne. Valastor avait autorisé ceux qui ne<br />
voulaient pas le suivre dans son exil à quitter son bord. Les réfugiés, la mine grave, gagnèrent<br />
l’Atlantis.<br />
Les coralliens avaient été vaincus mais pour combien de temps ? Désormais tout<br />
dépendait de l’assaut contre Oracle.<br />
*****<br />
Seuil de Rockall<br />
Cité neutre d’Equinoxe<br />
Les souvenirs sont bien peu de chose ! C'est ce que découvrit Lana. Elle avait toujours<br />
cru être née dans l'espace mais la vérité était toute autre. Elle avait été conçue dans les cuves<br />
génétiques de Keryss à l'instar de milliers d'autres enfants. Mais, alors que ses créateurs<br />
auraient dû détecter son véritable potentiel et la reconnaître comme une Généticienne,<br />
quelqu'un l'avait enlevée et élevée au sein de l'Alliance Orbitale. Ce quelqu'un lui avait menti<br />
pendant des années pour la "protéger" d'elle-même. D'après la dignitaire hégémonienne, il ne<br />
pouvait s'agir que d'un Généticien Renégat, un de ces vils individus cherchant à contrer par<br />
tous les moyens les "œuvres" de ses frères et sœurs.<br />
Mais la vérité n'apaisait en rien la souffrance qui rongeait Lana. Elle ne désirait qu'une<br />
chose : être comme tout le monde. Et pourtant elle se sentait irrésistiblement attirée vers<br />
l'avenir que lui avait décrit la noble hégémonienne. Elle se sentait désormais investie d'une<br />
mission pour le plus grand bien de l'humanité, une mission qui avait pour nom la Fondation et<br />
qui permettrait au monde de sortir de l'âge des ténèbres et de bâtir un nouvel âge d'or grâce à<br />
la reconquête de la surface.<br />
Pourquoi Lana aurait-elle douté de la parole de sa bienfaitrice qui venait de lui révéler la<br />
vérité ?<br />
Mais ses nouvelles responsabilités lui interdisaient de mener une existence normale. Elle<br />
devrait renoncer à voir ses amis, elle ne pouvait plus se permettre de frayer avec des "gens<br />
normaux". Lana décida de se consacrer corps et âme à sa tâche. Il lui fallait éviter à tout prix<br />
de repenser au passé. Bientôt la noble dame reviendrait la voir et alors elle lui révélerait son<br />
dernier secret, un secret concernant Lana, l'hégémonienne, et les Généticiens.<br />
CHAPITRE 8<br />
La bataille du Dépôt Oracle marqua le premier tournant de la Grande guerre. Les<br />
offensives coralliennes marquèrent le pas et la situation se stabilisa. La perte de la flotte<br />
amirale était un sérieux revers pour les généraux de l'empire qui durent repenser leur<br />
stratégie. Quant à Oracle, nul ne sait quelles merveilles on aurait pu découvrir dans ses salels<br />
inviolées mais l'important est bien que ses arsenaux aient été neutralisés. La zone est encore<br />
aujourd'hui en quarantaine. Qui sait ce qui peut y avoir subsisté ?<br />
- Archiviste de Premier Rang Victor Selzman<br />
3 Mai 569<br />
Ancienne Australie<br />
Auteur : Philippe TESSIER Page 40 / 48
<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
Base Oracle<br />
Pendant un bref instant, personne ne fit un geste ou ne dit un mot. Travis-Déméter,<br />
Racken et Sanadack se trouvaient enfin en présence de Conscience et de quatre de ses<br />
empathes assises au pied de son trône. La maîtresse de l’empire du Corail se leva lentement.<br />
- Soyez les bienvenus, dit-elle dans un murmure.<br />
- Même si l’un d’entre vous n’a pas été invité, ajouta-t-elle à l’adresse de Sanadack.<br />
Ce dernier fit un pas en avant et s’inclina.<br />
- Je vous salue Conscience, je suis…<br />
Sanadack n’eut pas le temps de finir sa phrase. Son esprit subit une attaque mentale<br />
massive. En une fraction de seconde, son cerveau fut calciné par l’onde psychique de<br />
Conscience. Du sang s'écoula de ses oreilles et de son nez et il s’écroula. Racken leva son<br />
arme mais elle lui fut brusquement arrachée des mains par une force mystérieuse. Travis tenta<br />
de se concentrer pour contrer l’attaque de Conscience mais il en fut incapable. Il sentit que<br />
Déméter s’y opposait.<br />
- Maintenant que nous sommes débarrassés des importuns, reprit Conscience, il est<br />
temps de régler nos affaires. Si tu savais combien j’ai attendu ce moment, Travis ! Depuis le<br />
jour où tu es entré dans ce dépôt Généticien et où les capteurs ont décelé en toi un être<br />
d’exception, j’ai œuvré pour t’amener là où je voulais que tu sois. Tu as été mon pion pendant<br />
des années mais aujourd’hui tu as accompli ta tâche et je n’ai plus besoin de toi.<br />
- Quoi que tu attendes de moi, répondit Travis, n’espère pas l’obtenir.<br />
- Mais je l’ai déjà obtenu, mon pauvre Travis, rétorqua Conscience. Je t’ai observé<br />
pendant tout ce temps par l’intermédiaire de cette pitoyable Meya qui, je te l’assure, t’est<br />
totalement fidèle. La malheureuse n’avait aucune chance de résister à ma volonté. C'est une<br />
empathe particulièrement puissante. Son don la rendait perméable à mon influence. Elle a<br />
lutté, je puis te l’affirmer. Mais ses efforts étaient vains. Comment une enfant si jeune et si<br />
frêle pouvait-elle espérer me résister, à moi qui suis sans âge ?<br />
Conscience reprit place sur son trône et fit signe à ses empathes de se lever.<br />
- Aujourd’hui, tu me livres l’esprit de Déméter qui se cache en toi, comme je l’avais<br />
prévu. Une fois qu’il sera mien, je contrôlerai tout le Flux Polaris et plus rien ne pourra arrêter<br />
mon œuvre.<br />
- Ton œuvre ! s’exclama Déméter par l’intermédiaire de Travis. Mais que cherches-tu<br />
donc Conscience ? Pourquoi ces destructions aveugles ? Pourquoi cette volonté d’asservir<br />
l’humanité ?<br />
- Tu te méprends sur mon compte, répondit Conscience. Mon but n’a jamais été de<br />
détruire l’humanité mais bien de la sauver. De la sauver de la pire des menaces ! Celle des<br />
Généticiens. Non, je ne suis pas l’ennemie des humains, je suis celle qui peut les sauver et<br />
empêcher l’avènement des Généticiens.<br />
- Je … je ne comprends pas, bredouilla Travis/Déméter.<br />
- Comment pourrais-tu comprendre le Grand Dessein, toi qui n’a vécu qu’un battement<br />
de cœur de l’histoire de l’humanité. Comment peux-tu espérer comprendre celle qui t'a créé ?<br />
Tu es mon enfant, Déméter, car ce que tu es aujourd'hui, tu me le dois. Alors que mes frères<br />
dormaient, j'œuvrais en secret. Alors qu'il n'était qu'un fœtus, j'ai fait don du pouvoir du Flux<br />
au premier prêtre du Trident, Simon Arimatti. Tout comme j'ai créé l'Alliance Azur pour contrer<br />
mes frères Généticiens, je suis celle qui a pensé le Culte du Trident... je suis Nisalia, la<br />
Corruptrice.<br />
- Tu... tu es folle, bredouilla Travis/Déméter... ce que tu dis est inconcevable... l'Alliance<br />
Azur est...<br />
- Est mon œuvre ! l'interrompit Conscience. J'ai poussé les humains à se révolter contre<br />
leurs immondes maîtres avant que ces derniers ne les détruisent tous avec leurs expériences...<br />
car c'est bien cela que vous êtes pour les Généticiens... des sujets d'étude, de simples rats de<br />
laboratoire, conçus dans le seul but de satisfaire leur insatiable soif de connaissances.<br />
- Insinues-tu que les Généticiens nous ont créés ?<br />
- Je ne l'insinue pas... je l'affirme. Ou plutôt, ils vous ont re-créés. Vois-tu Déméter, les<br />
humains d'aujourd'hui n'ont pas de passé... l'humanité des origines est morte, consumée par<br />
la folie de mes frères. Huit milliards d'êtres furent anéantis pour être remplacés par un peuple<br />
de cobayes. Vous êtes des cobayes, créés génétiquement dans les cuves d'incubation de<br />
Cyrull, des cobayes qu'ils manipulent à leur guise, des cobayes qu'ils font évoluer ou régresser<br />
selon leurs caprices. Ne t'es-tu jamais interrogé sur l'existence des dépôts Généticiens ? En as-<br />
Auteur : Philippe TESSIER Page 41 / 48
<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
tu déjà visité un ? Pourquoi crois-tu qu'ils aient été conçus ? Les dépôts ne sont que des<br />
laboratoires dont le seul but est d'étudier l'homme. De fantastiques labyrinthes pour rats dans<br />
lesquels les Généticiens ont placé certains de leurs jouets pour récompenser les braves petits<br />
cobayes qui réussiraient à déjouer tous leurs pièges. Il n'existe nul virus responsable de la<br />
stérilité ou des mutations humaines, uniquement une clef génétique présente en chacun de<br />
vous, qui détermine votre évolution. Cette clef, je vous offre de la détruire... je vous offre de<br />
redevenir des êtres libres.<br />
- En nous massacrant et en faisant de nous des esclaves à ta solde ? répondit Déméter<br />
qui avait désormais le contrôle total du corps de Travis. Conscient de son impuissance, l'esprit<br />
de ce dernier avait laissé le champ libre au maître du Culte du Trident.<br />
- Ne vaut-il pas mieux servir une maîtresse compatissante qui vous rendra votre<br />
humanité, plutôt que de demeurer les jouets impuissants de savants fous qui ne voient en<br />
vous que du matériel génétique dont ils peuvent user comme ils l'entendent ? Veux-tu donc<br />
rester le simple fruit d'une expérience et attendre que les Généticiens aillent une nouvelle fois<br />
trop loin et libèrent les Destructeurs ?<br />
Déméter était troublé. A ses yeux les Généticiens avaient toujours représenté une<br />
menace pour l'humanité. Toute son existence, il avait tenté de tout savoir sur eux et de contrer<br />
chacune de leurs manigances. Mais jamais il n'aurait imaginé ce que venait de lui révéler<br />
Conscience. Fallait-il la croire ? Et si ce n'était pas un mensonge, ne valait-il mieux pas s'allier<br />
à elle pour détruire ces êtres immondes ? Le doute s'insinuait dans son esprit et le doute était<br />
le début de la défaite. Une partie de lui croyait Conscience, l'autre rejetait cette vérité. Il sentit<br />
sa volonté céder devant celle de l'Impératrice du Corail. Il se reprit aussitôt et balaya tous ses<br />
doutes. Non, jamais il ne pactiserait pas avec un démon pour combattre un autre démon.<br />
- Tu mens, tu manipules la vérité comme tu l'as toujours fait, répondit Déméter, la voix<br />
tremblante de colère. Oui, tu es bien une corruptrice et je refuse de tomber dans ton piège.<br />
Seule ta soif de pouvoir est réelle, tout le reste n'est que boniments, illusions et manipulation.<br />
Jamais je ne te céderai mon esprit. Si tu le veux, tu devras te battre et tu découvriras bien vite<br />
que même un rat de laboratoire est capable de mordre.<br />
- A ta guise, Déméter. Cela ne change rien de toute façon. Au lieu d'être mon allié, tu ne<br />
seras bientôt plus qu'un souvenir. Tu as accompli ce pourquoi le Culte du Trident a été créé. Tu<br />
as porté en toi ma création... aujourd'hui tu es le lien entre l'homme, le Flux et la Trinité. Je<br />
vais désormais cueillir le fruit de mon travail. Tu m'offres l'embryon né de l'union d'un esprit<br />
humain, de la Trinité agonisante, des mammifères et du corail. Quand je te l'aurai arraché, je<br />
régnerai en maîtresse absolue sur le Polaris.<br />
Conscience leva la main et Déméter sentit le corps de Travis se raidir. Aspiré au cœur du<br />
Flux, il fut tout d'abord désorienté mais, quand il recouvra ses esprits, la première chose qu'il<br />
vit fut la signature psychique de Conscience, un gigantesque dragon noir qui fondait sur lui.<br />
Racken demeurait coi. Depuis qu'il se trouvait en présence de Conscience, il avait<br />
l'impression d'être transparent. Il venait de réaliser qu'il ne comptait pas, qu'il n'était qu'un<br />
"support", une quantité négligeable. Conscience et Déméter lui apparaissaient comme deux<br />
divinités dont il ne parvenait même pas à comprendre la puissance. Mais que venait-il faire là ?<br />
Pourquoi la Maîtresse de la République ne l'avait-elle pas tué, comme Sanadack ? Quel serait le<br />
rôle qu'il serait appelé à jouer pour justifier sa présence en ces lieux ? Tandis que le plus<br />
puissant des Prêtres du Trident et Conscience s'affrontaient par la pensée, Racken demeurait<br />
seul, impuissant, se sentant parfaitement inutile et incongru face aux empathes de la<br />
République qui le regardaient d'un œil moqueur.<br />
Elles aussi se riaient de lui. Etait-il à ce point ridicule ? Son existence n'avait-elle été<br />
qu'un immense gâchis, un leurre sans réelle consistance, un infime détail dans le grand<br />
dessein de ces deus écrasantes puissances ? Toute sa vie défila devant ses yeux et chacune de<br />
ses souffrances lui revint en tête. Soudain l'image de Travis s'imposa à lui. Travis... ce nom<br />
réveilla en lui de pénibles souvenirs. Tout ça était de sa faute. C'était à cause de lui qu'il avait<br />
été renvoyé de l'armée et qu'il avait dû fuir son pays. C'était à cause de lui qu'il s'était<br />
retrouvé dans les pires situations et qu'il se trouvait ici, impuissant, à la merci des coralliens.<br />
Racken savait qu'en fait, les empathes ne se moquaient pas de lui, mais qu'elles se<br />
concentraient sur ses sentiments pour les exacerber, pour qu'il soit submergé par la rancœur<br />
et la haine. L'ancien officier de la Ligue tenta de résister mais il sentit son esprit céder à tous<br />
ses désirs de vengeance. Il laissa monter en lui toutes ses souffrances qui envahirent son âme<br />
comme un torrent furieux. Il canalisa cette énergie dévastatrice et la dirigea toute entière<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
contre Travis... Travis qui se tenait à quelques pas devant lui... Travis qui était impuissant...<br />
Racken braqua son arme sur la tête de l'ex-colonel hégémonien.<br />
*****<br />
Cyrull fut tiré de sa torpeur méditative par le vrombissement du portail. La machine<br />
s'activait enfin, ce qui signifiait que cela serait bientôt son tour d'entrer en scène. Il se leva et<br />
se planta devant le grand appareil ovale qui ressemblait à un miroir noir. Au sommet de la<br />
machine, s'ouvrit une sorte d'œil d'où jaillit un rayon rouge qui vint balayer le corps du<br />
Généticien.<br />
*****<br />
Dans la salle du trône de Conscience, le corps de Sanadack fut agité de soubresauts.<br />
Quelque chose bougeait dans le cadavre. Le dos du commando hégémonien se recouvrit de<br />
sang avant de se déchirer et d'éclater. Un squelette métallique émergea de la dépouille<br />
sanguinolente dont il se débarrassa comme d'une combinaison de chair et de sang. Encore<br />
rougi par le fluide vital de Sanadack et souillé de lambeaux de son cadavre, l'étrange machine<br />
se précipita sur Racken et lui arracha son arme des mains.<br />
Le pirate fut aussitôt tiré de son état de transe. Il recula instinctivement à la vue du<br />
robot au crâne grimaçant. Il crut d'abord que c'était un véritable squelette humain mais il nota<br />
les reflets métalliques des os. Le robot ignora complètement Racken et se tourna vers les<br />
quatre empathes qui, surprises, s'étaient levées en dégainant leurs armes. Elles n'eurent pas<br />
l'occasion de s'en servir. L'arme arrachée à Racken libéra une rafale de projectiles mortels qui<br />
les faucha.<br />
Puis le robot s'immobilisa. Pendant quelques secondes, il ne se passa rien puis Racken<br />
remarqua que quelque chose se formait sur la surface métallique. Par couches successives, le<br />
squelette de métal "s'habillait" de tendons, de nerfs, de muscles, de vaisseaux sanguin et de<br />
chair. Le pirate, médusé, assistait à la reconstitution d'un corps humain. Il vit un cœur pousser<br />
dans la poitrine de la machine et veines et artères se gonfler de sang. En un clin d'œil, ce qui<br />
n'avait été qu'un assemblage de métal était redevenu un être humain qui se recouvrait<br />
lentement d'une peau parcheminée et de vêtements grisâtres.<br />
Quand le processus de réplication fut achevé, le miroir devant Cyrull s'ouvrit. Il voyait<br />
par les yeux de son double, reconstitué par la Science Généticienne à des milliers de<br />
kilomètres de là. Un double qui lui était en tout point semblable mais qui était dépourvu<br />
d'esprit, ou plutôt, dont l'esprit était situé au cœur de l'Hégémonie.<br />
Cyrull nota la présence de Racken puis se dirigea vers le corps inanimé de Conscience.<br />
Face à un tel adversaire, le Généticien ne prendrait pas le moindre risque. Son attaque ne lui<br />
laisserait aucune chance.<br />
*****<br />
Déméter était balayé par la puissance psychique de Conscience. Cette dernière, tirant<br />
toute sa puissance du corail, bénéficiait d'une réserve presque inépuisable d'énergie spirituelle.<br />
Le prêtre du Trident avait beau bénéficier du soutien des âmes de millions de mammifères<br />
marins, elle semblait invincible. Son seul espoir était de trouver le lien qui l'unissait au coraux<br />
et de le trancher. Malheureusement, Conscience ne lui en laissait guère le temps. L'esprit de<br />
Déméter, épuisé et impuissant, se retrouva pris au piège des serres de l'immense dragon dont<br />
les ailes paraissaient s'étendre à l'infini dans le Flux soumis à l'ennemi.<br />
La tête bestiale s'approcha lentement du prêtre du Trident.<br />
- Il ne pouvait en être autrement, souffla Conscience. Désormais, nul ne pourra plus<br />
s'opposer à moi.<br />
La gueule de la créature frappa la forme psychique de Déméter qui sentit tout son être,<br />
ainsi que les âmes de millions de créatures, se mêler à une noirceur infinie. Mais alors que son<br />
esprit partait en lambeaux, il eut l'impression qu'on lui plantait un fer chauffé à blanc dans le<br />
cerveau. Ou plutôt dans celui de Conscience dont il faisait désormais partie intégrante. Le<br />
dragon se cabra en arrière comme sous l'effet d'une terrible blessure. Sa tête se dressa et<br />
Conscience poussa un hurlement qui fit trembler les cieux. La douleur était atroce. Tout ce qui<br />
constituait l'entité régnant sur le flux fut secoué de spasmes incontrôlables.<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
Chaque parcelle de l'esprit de Conscience agonisait. Il lui était impossible de maintenir sa<br />
cohérence psychique sans risquer de sombrer dans la folie provoquée par la douleur, cette folie<br />
qui grandissait en elle comme un cancer. La maîtresse du corail expulsa d'elle ce qui menaçait<br />
de la dévorer. Mais ce faisant, elle rompit les liens qu'elle avait forgés avec ses esclaves<br />
mentaux. Le corail fut libéré ainsi que Déméter qui vit la forme mentale de Conscience se<br />
dissoudre sous ses yeux. Mais il sentit aussi qu'autre chose se formait, une sorte de démence<br />
engendrée par l'esprit de son adversaire. Cette entité viola l'âme de Déméter et lui en arracha<br />
une partie. Elle puisa au plus profond de son être pour se nourrir de ses doutes et de ses<br />
peurs. Puis elle se tourna vers le corail et les âmes des mammifères pour s'abreuver d'une<br />
partie de leur substance. Tout autour de lui, Déméter perçut les perturbations qui secouaient le<br />
Flux puis il sombra dans la nuit. Quand il ouvrit les yeux, il était de nouveau dans la salle du<br />
trône.<br />
Cyrull retira la dague psychique de la tête de Conscience qui gisait sans vie sur son<br />
trône.<br />
- C'est ainsi qu'elle a détruit la Trinité, murmura-t-il à l'adresse de Déméter. C'est ainsi<br />
qu'elle a été vaincue.<br />
- Est-elle morte ? demanda Racken qui avait renoncé à essayer de comprendre ce qui<br />
s'était passé.<br />
Cyrull se tourna vers le pirate.<br />
- Conscience est morte mais Nisalia règne encore sur la République du Corail. Elle a agi<br />
quand elle a eu la certitude que son autre incarnation était en âge de prendre sa place.<br />
Cyrull descendit les marches du trône alors que sa peau commençait à se désagréger.<br />
- Attends, cria Déméter !<br />
- Il est trop tard, répondit Cyrull. Bientôt il ne restera rien de cet endroit. Plusieurs<br />
missiles nucléaires vont éradiquer Oracle et tout ce qui s'y trouve.<br />
- Si tu es celui que je pense, reprit Déméter, tu dois répondre à ma question. Conscience<br />
a-t-elle dit la vérité ?<br />
Le double de Cyrull n'était plus maintenant qu'un squelette recouvert d'un peu de chair,<br />
de nerfs et de vaisseaux sanguins. Il se tourna vers Déméter.<br />
- Qu'importe la vérité du passé, répondit-il, seul compte l'avenir.<br />
Les derniers vestiges organiques disparurent sur le robot qui s'immobilisa. La machine<br />
attendait désormais sa destruction.<br />
- Comment va-t-on sortir de là ? demanda Racken.<br />
- Il m'est désormais facile de retrouver mon propre corps, lui répondit Déméter. Quant à<br />
vous trois, vous avez peut-être encore le temps de sortir de là et d'aller vous réfugier dans les<br />
dédales souterrains. Faites vite !<br />
Déméter quitta le corps de Travis. Son esprit replongea dans le Flux pour aller réintégrer<br />
son corps. Mais c'est avec une certaine appréhension qu'il le fit. Il savait que Cyrull se trompait<br />
sur Conscience. Elle n'était pas morte et errait quelque part dans cette autre dimension, telle<br />
une bête blessée rendue folle par la douleur. Une chose immonde se cachait désormais dans<br />
les méandres du Polaris.<br />
Débarrassé de Déméter, Travis recouvra aussitôt ses esprits.<br />
- Quel beau salaud, fut sa première phrase. Il nous plante là après tout ce qu'on a fait<br />
pour lui.<br />
Racken ne l'écoutait pas. Il avait chargé Meya sur son dos et courait déjà en direction de<br />
la sortie. Il ne fallut pas longtemps à Travis pour l'imiter.<br />
*****<br />
Sélio ne sentit rien. Le regard perdu dans le bleu du ciel, il fut annihilé en l'espace d'une<br />
fraction de seconde. La bombe tactique qu'il portait sur lui pulvérisa littéralement le générateur<br />
du bouclier et toutes les troupes coralliennes à proximité. L'atmosphère artificielle disparut<br />
instantanément et céda la place au cauchemar climatique qui régnait sur la terre. Des vents<br />
d'une force inouïe balayèrent la vallée en emportant tout sur leur passage. Le bleu du ciel<br />
s'évanouit tandis que plusieurs points brillants tombaient sur Oracle.<br />
Les missiles s'abattirent sur toute la région, libérant leurs têtes multiples les unes après<br />
les autres Chaque missile "gigogne" lâcha ainsi quatre têtes nucléaires qui se suivaient à<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
quelques secondes. Les ogives pénétrantes de 30 mégatonnes frappèrent leurs cibles à plus de<br />
30 000 kilomètres à l'heure et s'enfoncèrent à 200 mètres sous le sol avant d'exploser. Puis ce<br />
fut le tour des secondes ogives pénétrantes qui, quelques secondes plus tard, frappèrent les<br />
mêmes cibles. La troisième vague d'ogives acheva de préparer le terrain aux têtes nucléaires<br />
principales.<br />
Oracle disparut dans une gigantesque explosion thermonucléaire.<br />
*****<br />
De combien de temps disposaient-ils pour s'éloigner d'Oracle ? La question ne cessait de<br />
hanter Racken. Ils avaient pu quitter le dépôt sans rencontrer la moindre opposition et ils se<br />
retrouvaient maintenant devant l'entrée, à quelques pas de la rivière souterraine qui se<br />
précipitait avec furie dans les entrailles de la terre. Même à cette profondeur, ils ne pourraient<br />
jamais s'éloigner suffisamment pour échapper à l'attaque nucléaire.<br />
Racken et Travis se regardèrent. Ils eurent la même idée au même moment. La solution<br />
était désespérée mais c'était leur seule chance. Travis attacha solidement Meya dans le dos de<br />
l'ancien officier de la Ligue Rouge qui lui-même s'accrocha à sa taille.<br />
- Je ne vois pas comment on va s'en sortir mais je ne vois pas non plus d'autres<br />
solutions, cria Travis avant de se jeter avec ses camarades dans le torrent furieux. Juste avant<br />
de toucher l'eau, il fit appel au Flux Polaris et dressa autour d'eux un champ de protection.<br />
Les trois corsaires disparurent instantanément dans la rivière déchaînée.<br />
*****<br />
Au plus profond du Flux, une entité agonisait... non ! Bien que l'on aurait pu croire à une<br />
agonie, c'était bien à une naissance à laquelle on assistait. La naissance d'un esprit tourmenté,<br />
constitué de la fusion de Conscience, de Déméter, du Corail et des mammifères marins, le tout<br />
soudé par l'agonie, la douleur et la haine. Ce qu'avait vomi le dragon avant de se disloquer<br />
avait pris vie dans cette étrange dimension du Flux. Une folie ravagée par la douleur brillait<br />
désormais comme un astre noir au cœur du Polaris. Cet esprit malveillant se chercha une<br />
identité et, au plus profond de sa mémoire tourmentée, il se souvint de l'Autre.<br />
Pour dissimuler sa véritable nature, Conscience avait pris cette identité par le passé.<br />
L'Autre n'avait été qu'un masque bien utile mais, aujourd'hui, il existait.<br />
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EPILOGUE<br />
Sur la passerelle de l'Argonaute régnait un silence de mort. Les mains dans le dos,<br />
Telkran contemplait le spectacle de désolation qui accueillait l'Argonaute dans la plaine<br />
abyssale de Bellingshaussen. La flotte de la Ligue du Cap Horn et les mercenaires de Légion<br />
avaient été taillés en pièces. Les corsaires arrivaient trop tard. Ils avaient dû naviguer hors des<br />
eaux du territoire de la Ligue Rouge pour éviter les navires ennemis mais les rares<br />
renseignements collectés sur les combats dans cette région du monde faisaient froid dans le<br />
dos. La frontière sud de Parasema n'était plus qu'un champ de ruines et il en allait de même<br />
pour Mornington.<br />
L'Argonaute croisa pendant plusieurs heures dans ces eaux transformées en cimetière<br />
puis il mit le cap vers la base de Bellingshaussen où l'attendait le même paysage<br />
apocalyptique. Il ne restait plus rien des installations secrètes des corsaires, pulvérisées par<br />
l'assaut des troupes coralliennes.<br />
- Quels sont vos ordres ? demanda Kmar à Telkran.<br />
Le chef des corsaires retourna s'asseoir dans son fauteuil de commandement. Il semblait<br />
las et souffrant.<br />
- Je ne sais pas, murmura-t-il. Le monde est devenu fou, je ne sais même plus pour qui<br />
me battre ni contre qui. Allons dans les eaux les plus profondes de l'Atlantique et attendons.<br />
Laissons-les s'entre-tuer s'ils le veulent, je suis las de ces combats inutiles. Peut-être devrionsnous<br />
revenir à la piraterie ?<br />
Kmar n'osa pas contredire son capitaine. Ces dernières semaines avaient été éprouvantes<br />
pour tout le monde. Ils avaient tous besoin de repos pour y voir plus clair. Il donna ses ordres<br />
à l'équipage et aida Telkran à regagner sa cabine. Le capitaine de l'Argonaute avait changé. Il<br />
semblait tourmenté et dépressif. Kmar espérait que cela s'arrangerait, qu'il ne sombrerait pas<br />
dans une folie destructrice qui le pousserait à mener ses corsaires sur la voie de la simple<br />
piraterie.<br />
Dans les noires profondeurs de l'océan, l'Argonaute glissa lentement vers les abîmes sans<br />
fond de l'océan Atlantique. Nul ne sait quand il en ressortira.<br />
*****<br />
Karl Voïl, contrairement à bon nombre de hauts responsables de la République, ne<br />
s'inquiétait pas vraiment des derniers bouleversements. Les arsenaux avaient peut-être été<br />
neutralisés mais ils disposaient d'une flotte suffisamment puissante et d'assez d'hommes pour<br />
gagner la guerre. Le pouvoir était stable et les derniers opposants avaient été arrêtés ou<br />
avaient fui. Il était d'ailleurs en train de signer quelques ordres d'exécution pour se<br />
débarrasser des plus gênants.<br />
Même si, sur le front, la situation s'était stabilisée, leurs ennemis étaient tellement<br />
affaiblis qu'ils ne pouvaient envisager une contre-attaque. Cela laissait amplement le temps<br />
aux généraux et aux amiraux de repenser leurs offensives. La guerre serait longue, il n'en<br />
doutait pas mais il était certain qu'ils la gagneraient.<br />
Mais Karl s'inquiétait de la brusque rupture du lien empathique qu'il partageait<br />
jusqu'alors avec sa maîtresse, Conscience. Cette dernière se faisait d'ailleurs appeler Nisalia et<br />
s'était proclamée Impératrice de l'Empire du Corail. Bien qu'elle fut encore entourée de ses<br />
empathes, il semblait évident qu'une partie de sa puissance avait disparu. Les proteus avaient<br />
déserté en masse les troupes coralliennes pour se réfugier dans les profondeurs des océans, le<br />
corail restait inerte et n'était plus sous le contrôle des coralliens et tous les individus dotés<br />
d'implants de coraux ne semblaient plus soumis comme avant à la toute-puissante Conscience.<br />
Karl ignorait ce que cela impliquait mais il s'en souciait peu. L'important était désormais<br />
d'imposer l'ordre corallien au reste de l'humanité.<br />
*****<br />
Quand Déméter avait réintégré son corps, il avait eu la surprise de se réveiller dans la<br />
morgue, aux côtés d'autres prêtres du Trident morts au cours des combats. Ceux et celles qui<br />
le croisèrent quand il regagna ses appartements furent encore plus surpris. Mais Déméter avait<br />
d'autres soucis. Au cours de l'affrontement contre Conscience, une partie de sa puissance, une<br />
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<strong>Projet</strong> <strong>Domination</strong> (Tome 4) - Apocalypse Roman pour POLARIS<br />
partie de son âme, lui avait été arrachée et hantait désormais le Flux Polaris. Cela ne<br />
présageait rien de bon.<br />
Sernéa lui avait également fait un rapport alarmant sur la situation d'Equinoxe et<br />
notamment sur Lana qui avait révélé d'étranges pouvoirs. La jeune fille timide et réservée<br />
avait été prise en charge par une puissante dignitaire hégémonienne qui, selon Sernéa, n'était<br />
autre qu'une Patriarche. Lana s'était installée non loin de l'ambassade d'Hégémonie et avait<br />
créé une organisation, la Fondation. Depuis, elle se montrait réservée et refusait de rencontrer<br />
quiconque à part son fidèle garde du corps Lester.<br />
Mais ce qui troublait le plus Déméter c'était le nom sous lequel elle était désormais<br />
connue sur Equinoxe : Masénya la Fondatrice.<br />
*****<br />
Combien de temps avait duré leur folle chute dans les entrailles de la terre, entraînés par<br />
le courant furieux de la rivière souterraine ? Pour Travis cela avait duré une éternité. Une<br />
éternité pendant laquelle il était resté concentré sur le champ protecteur qui leur avait évité<br />
d'être noyés et déchiquetés. Finalement, l'eau rugissante s'était apaisée en débouchant dans<br />
une profonde caverne.<br />
Travis, à bout de forces, relâcha sa concentration et sentit qu'il avait pied. Il se redressa<br />
dans le noir complet et appela Racken à voix basse. Ce dernier lui répondit en grommelant.<br />
- Qu'est-ce qu'elle est lourde.<br />
- Tu n'as qu'à me poser par terre, répondit Meya. Travis, je...<br />
- On verra ça plus tard, répondit le corsaire, pour l'instant, est-ce que tu pourrais nous<br />
guider, parce qu'on n'y voit strictement rien.<br />
- La berge est à quelques mètres, reprit Meya et il y a....<br />
Sans attendre la fin de sa phrase, les corsaires quittèrent le lit de la rivière quand<br />
soudain une douce lueur illumina la vaste caverne.<br />
- Il y a plusieurs dizaines de foreurs, termina enfin Meya.<br />
Travis sentit son estomac se nouer. Il était incapable de se battre et si ces foreurs étaient<br />
hostiles...<br />
- Heureux de vous revoir, dit un des foreurs au grand soulagement des Corsaires.<br />
Soltgar se détacha du groupe pour les accueillir.<br />
- Je ne pensais retrouver que des cadavres déchiquetés en bas de la rivière, dit-il.<br />
- Comment avez-vous su ? demanda Racken.<br />
- Un de nos hommes était posté près de la sortie du dépôt quand vous avez plongé dans<br />
le torrent, expliqua Soltgar. Le malheureux a eu le temps de nous prévenir avant la grande<br />
explosion. Heureux que vous vous en soyez tirés. Je vais vous conduire à notre campement<br />
puis nous nous rendrons au sein d'une autre tribu qui a recueilli d'autres humains. Peut-être<br />
des amis à vous ?<br />
- Des amis ?<br />
- Oui, ils ont retrouvé trois individus coincés dans une foreuse mécanique suspendue à<br />
l'envers au-dessus d'un de leurs puits d'accès. Il semblerait que ce soient des pirates. Du<br />
moins c'est ce qu'affirme l'un d'eux, un dénommé Varag, je crois. Encore heureux qu'ils soient<br />
tombés sur une tribu amie.<br />
******<br />
Du dernier étage du bâtiment de la Fondation, Lana observait les gens circuler dans la rue en<br />
contrebas. Derrière elle, sa mystérieuse bienfaitrice venue d'Hégémonie était satisfaite de son<br />
élève. Ce qu'elle lui avait révélé aurait conduit à la folie la plupart des humains. Mais Lana<br />
n'était pas humaine ou, plutôt, elle ne l'était plus. Elle était bien plus. L'innocente cartographe<br />
de l'Alliance Orbitale avait cédé la place à un être qui incarnait l'accomplissement de l'évolution<br />
humaine, une Généticienne. Il lui fallait désormais l'admettre. Admettre qu'elle était bien<br />
supérieure aux autres êtres de son espèce. Admettre que la dignitaire hégémonienne n'était<br />
autre qu'elle-même.<br />
- C'est ainsi que les Généticiens demeurent éternels, lui avait-elle dit en lui révélant son<br />
secret. Nous sommes tous nés au cours de ces sombres années de notre histoire et nous<br />
avons vécu une éternité. Nous avons échappé au temps pour revenir du futur afin d'assurer<br />
nous-mêmes notre naissance. Tu es ce que j'étais il y a une éternité et je suis ce que tu seras<br />
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dans une autre éternité. Tu n'as rien de commun avec cette espèce primitive que nous<br />
laissons vivre sur ce monde. Désormais, tu es Masénya la Fondatrice, celle par qui se lèvera<br />
l'Aube des Généticiens.<br />
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