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ulletin N° 28 - Association des Amis des Câbles Sous-Marins

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ASSOCIATION DES AMIS DES CABLES SOUS-MARINS<br />

La Charente quittant la darse de la Seyne sur Mer<br />

BULLETIN <strong>N°</strong> <strong>28</strong> – Avril 2005


LE MOT DU PRESIDENT<br />

par Alain Van Oudheusden<br />

E<br />

n ce début d’année, l’actualité est marquée par le<br />

renouveau <strong>des</strong> câbles sous marins et l’annonce de<br />

la pose de nouvelles liaisons dans l’océan indien et<br />

vers la côte d’Afrique. On peut se réjouir du plein emploi<br />

dans les usines d’Alcatel et d’un meilleur niveau<br />

d’occupation <strong>des</strong> navires battant pavillon français (bis).<br />

Une nouvelle organisation est prévue pour les<br />

associations à caractère social liées à la société France<br />

Télécom. La FNARH, notre fédération, continuera ses<br />

activités dans le cadre antérieur. Pour notre part, nous<br />

avons sollicité le renouvellement de Convention qui nous<br />

lie à la DRT de Toulon.<br />

Nous continuons notre travail sur le livre sur les<br />

télécommunications à grande distance. Un b<strong>ulletin</strong> de<br />

souscription est d’ailleurs inclus dans ce b<strong>ulletin</strong> n° <strong>28</strong>. A<br />

l’heure où nous mettons sous presse, les 3 premières<br />

parties du livre relatives au télégraphe, au coaxial et à la<br />

mer sont déjà terminées. Les derniers chapitres sur les<br />

fibres optiques sont en finition et les autorisations<br />

nécessaires ont été demandées. Nous devrions expédier<br />

notre ouvrage comportant une iconographie très riche<br />

avant la fin de l’année.<br />

Entre deux conférences, G Fouchard nous a confié la<br />

première partie de l’histoire <strong>des</strong> communications de la<br />

route <strong>des</strong> épices qui couvre l’ère du télégraphique. Il est<br />

surprenant de constater la faible ambition du Second<br />

Empire dans les télécommunications internationales,<br />

contrairement à nos amis britanniques. La valeur du<br />

directeur du service électro-sémaphorique, le service <strong>des</strong><br />

câbles sous marins de l’époque (F Ailhaud) n’est pas en<br />

cause. Il fut chargé du service dès sa création à Toulon<br />

en 1863 jusqu’à la fondation du ministère <strong>des</strong> Postes et<br />

Télégraphes en 1878. Il a du constater l’absence<br />

d’ambition de son administration de tutelle. Quelques<br />

années plus tard, en 1900, Alexandre Millerand devenu<br />

Ministre dresse l’état <strong>des</strong> lieux. Le retard <strong>des</strong><br />

télécommunications (télégraphe et téléphone) du au<br />

manque de crédits est encore plus significatif.<br />

Nous avons retrouvé dans nos archives une copie du<br />

discours de Louis Leprince-Ringuet, un ancien <strong>des</strong> câbles<br />

sous marins avant de s’engager dans le développement<br />

de la physique nucléaire. Le futur académicien reviendra<br />

sur son travail à bord <strong>des</strong> navires câbliers et sur l’esprit<br />

d’équipe qui y régnait alors. Cela se passait entre 1925 et<br />

1930, à une époque ou la radio semblait avoir périmé<br />

l’industrie câblière. Finalement, comme Gérard Théry et<br />

Michel Hirsch plus tard, les câbles préparent aux plus<br />

brillantes carrières, à condition d’en sortir.<br />

Enfin, nous publions quelques bonnes feuilles du<br />

roman de Jean Devos, présenté dans la rubrique<br />

bibliographique. Cet épisode se situe dans les<br />

années 1975-80, à l’époque où l’équipe<br />

commerciale de Jean Devos, très réduite se lançait<br />

à la conquête <strong>des</strong> marchés traditionnellement<br />

britanniques. Après l’Espagne, l’Italie et la<br />

Méditerranée, Submarcom obtiendra un premier<br />

succès en Asie, le câble Timor (Taiwan) puis le<br />

Sea-Me-We (1986). Quelques amis ont bien connu<br />

cette époque glorieuse du câble français.<br />

Nous avons complété ce b<strong>ulletin</strong> par les souvenirs<br />

du commandant Mertz et un rappel de l’importance<br />

<strong>des</strong> découvertes de Newton par Jean Gérin,<br />

ancien ingénieur en chef <strong>des</strong> chantiers (CNIM).<br />

Enfin, la presse nous apprend que le navire affrété<br />

par Siemens pour le colloque de Cannes sur les<br />

Mobiles 3G a coupé le câble Continent – Corse.<br />

Décidemment, les câbles sous marins ne<br />

réussissent pas au constructeur allemand.<br />

Grâce en particulier à J.L. Bricout une exposition<br />

de maquettes de câbliers, photos, « éclatés » et<br />

cartes <strong>des</strong> câbles posés s’est déroulée de janvier à<br />

mars à l’Espace St Nazaire de Sanary. Ce matériel<br />

avait été obligeamment prêté par le Directeur de la<br />

Base Marine de La Seyne. Cette Exposition sur les<br />

métiers de la mer, s’est déroulée en collaboration<br />

avec la Marine Nationale, Ifremer, <strong>des</strong> associations<br />

de maquettistes et divers collectionneurs. Cette<br />

manifestation est toujours très appréciée,<br />

notamment <strong>des</strong> enfants <strong>des</strong> écoles, qui ont bien<br />

rempli le livre d’or. Mais quel travail pour notre<br />

dévoué secrétaire.<br />

Comme vous avez pu le constater, le b<strong>ulletin</strong> <strong>N°</strong><br />

27 était de très mauvaise qualité, du à un incident<br />

technique chez notre imprimeur. Aussi nous avons<br />

décidé de présenter ce b<strong>ulletin</strong> sur notre site<br />

Internet : http://www.chez.com/cablesm/ et, pour<br />

ceux qui ne possèdent pas Internet, d’ajouter les<br />

photos les plus représentatives dans ce b<strong>ulletin</strong>.<br />

Nous vous prions de nous excuser pour cet<br />

incident indépendant de notre volonté.<br />

A. Van Oudheusden


LES TELECOMMUNICATIONS ENTRE L’EUROPE ET L’ORIENT DEPUIS 1860<br />

Première partie : La route impériale de l’Eastern Telecom<br />

Pour Edith et François Bernard Huyghe, les<br />

épices sont avec l’argent le prétexte <strong>des</strong><br />

occidentaux pour découvrir l’Inde, un espace aux<br />

contours imprécis englobant l’Inde, l’Insulinde<br />

mais également la Chine. Les épices sont le<br />

prétexte à innover, naviguer, commercer,<br />

communiquer mais aussi à dominer. Les voies de<br />

Sur les routes <strong>des</strong> épices, les communications<br />

sont longtemps limitées à un échange<br />

d’informations entre personnes se rencontrant<br />

avant que l’écrit permette l’échange de<br />

correspondances à distance. La diffusion<br />

d’informations apparaît avec le livre. Ainsi, la<br />

relation du voyage de Marco Polo en Chine (1271<br />

– 1295) est l’une <strong>des</strong> premières diffusions<br />

d’informations qui s’apparente aujourd’hui aux<br />

techniques de télécommunications sans fil<br />

(radiodiffusion et télévision). La télédiffusion se<br />

différentie <strong>des</strong> télécommunications entre deux<br />

correspondants.<br />

Longtemps limitées à la vitesse du cheval et à la<br />

force <strong>des</strong> vents sur les voiles, les échanges de<br />

correspondances se sont accélérés au milieu de<br />

19 ème siècle avec le télégraphe électrique. La<br />

transmission de l’information devient possible à la<br />

vitesse de la lumière. Une seconde évolution<br />

survient à la fin du 20 ème siècle lorsque les<br />

échanges d’informations couvrent la parole,<br />

l’image et les reportages. La mise en service <strong>des</strong><br />

fibres optiques et de la numérisation de<br />

l’information (application de la théorie de<br />

Shannon) modifie les données techniques et<br />

économiques, libérant les télécommunications à<br />

grande distance. Ce sont les lignes à fibres<br />

optiques qui permettent le développement actuel<br />

de l’internet.<br />

Depuis 1860 et la mise en place du télégraphe<br />

électrique, les moyens de télécommunications de<br />

la route <strong>des</strong> épices ont suivi les gran<strong>des</strong> routes<br />

<strong>des</strong> voyageurs et <strong>des</strong> transports. Si la route <strong>des</strong><br />

transports maritimes par la Méditerranée, la Mer<br />

Rouge et l’Océan Indien s’est imposée après le<br />

percement du canal de Suez, c’était déjà la route<br />

<strong>des</strong> télécommunications. Des câbles sous marins<br />

britanniques posés entre territoires britanniques<br />

reliaient Londres à Bombay, Singapour, l’Australie<br />

et la Chine à partir de 1972. Les centres de<br />

câbles sous marins se trouvaient situés à<br />

Gibraltar, Malte, Alexandrie, Suez, Aden,<br />

Bombay, Colombo, Malacca, Singapour, Cairn et<br />

HongKong. Ces ports abritaient <strong>des</strong> dépôts de<br />

G. Fouchard<br />

communication permettent les transports de<br />

marchandises et les échanges d’idées le long<br />

d’itinéraires terrestres et maritimes. Les<br />

voyageurs doivent affronter <strong>des</strong> conditions<br />

climatiques et géographiques difficiles et les<br />

routes sont périlleuses. Ils doivent survivre aux<br />

accidents et aux maladies, éviter les zones en<br />

guerre, les bandits et les pirates.<br />

charbon, les garnisons et les services de<br />

renseignement et de contrôle <strong>des</strong><br />

télécommunications. The Red Route fonctionna<br />

jusqu’en 1970 et le centre d’Aden fut<br />

définitivement clos en 1978.<br />

Aujourd’hui, plus de 90 % <strong>des</strong><br />

télécommunications mondiales (téléphone et<br />

Internet) empruntent <strong>des</strong> câbles terrestres ou<br />

sous marins, alors que moins de 10 % du trafic<br />

est acheminé par les satellites de<br />

télécommunications. Par contre, ceux-ci<br />

conservent la part belle pour la diffusion <strong>des</strong><br />

programmes de radio et de télévision.<br />

1 - Echec de la première tentative de liaison<br />

sous marine vers l’Inde (Bright – 1860).<br />

En 1860, le télégraphe terrestre s’est densifié<br />

dans trois gran<strong>des</strong> régions du monde : l’Europe,<br />

l’Inde et l’Amérique du Nord. Le télégraphe,<br />

jusqu’alors utilisé par les forces armées et la<br />

police est mis à la disposition du public (1951 en<br />

France). Tout naturellement, on cherche à<br />

traverser les mers et les océans (premières<br />

tentatives entre la France et l’Angleterre en 1850<br />

et 1851). Entre 1850 et 1860, la longueur totale<br />

<strong>des</strong> câbles sous-marins posés en mer est de<br />

20.826 Km, dont 5.173 Km en Méditerranée et en<br />

mer Noire. En 1877, de ce réseau construit avant<br />

1860, il ne restera plus en service que 5.113 Km 1 ,<br />

dont très peu en Méditerranée.<br />

Parmi les sinistres, le transatlantique de 1858<br />

(promoteurs JW Brett, Charles Bright et Cyrus<br />

Field), la liaison Bornéo – Batavia, les câbles<br />

posés en Méditerranée (concessions accordées à<br />

JW Brett) et la ligne entre l’Egypte et l’Inde de<br />

1860 (promoteur Charles Bright). Le coût de tous<br />

ces échecs est considérable aussi bien pour les<br />

entrepreneurs britanniques que pour leur<br />

1 Nomenclature <strong>des</strong> câbles formant le réseau<br />

sous-marin du globe, Bureau International <strong>des</strong><br />

Administrations télégraphiques, Berne, 1°<br />

Edition, 1877.


Les télécommunications entre l'Europe et l'Orient ont été<br />

assurées par <strong>des</strong> câbles sous marins Britaniques via l'Océan<br />

Indien dés 1870 et par l'Océan Pacifique à partie de 1902<br />

gouvernement. Bright, promoteur du câble de<br />

1860 bénéficiait d’une garantie financière du<br />

gouvernement britannique <strong>des</strong>tinée à couvrir les<br />

charges de la ligne sur l’Inde alors que cette<br />

liaison n’ait jamais fonctionné de bout en bout.<br />

Deux Commissions scientifiques sur les câbles<br />

sous-marins et sur les systèmes d’unités sont<br />

créées par le ministère du Commerce (Board of<br />

Trade). Ses membres interrogent tous les<br />

scientifiques, industriels et financiers ayant<br />

participé aux différentes entreprises. A partir de<br />

1860, La science de Volta, Oersted, Ampère,<br />

Faraday, Morse et Wheatstone jusqu’alors<br />

internationale se mobilise au service d’un seul<br />

Etat, l’Empire Britannique.<br />

Le constat de la Commission 2 est sévère. Elle<br />

affirme que l’insuccès <strong>des</strong> lignes sous marines<br />

existantes est du à <strong>des</strong> accidents dont on aurait<br />

pu se mettre à l’abri si la question avait été<br />

préalablement suffisamment étudiée. Et nous<br />

sommes convaincus qu’en tenant compte <strong>des</strong><br />

principes que nous avons énoncé sur l’étude, la<br />

fabrication, la pose et l’entretien <strong>des</strong> câbles sousmarins,<br />

les entreprises de cette espèce pourront<br />

être aussi bien couronnées de succès qu’elles ont<br />

été jusqu’à ce jour désastreuses. La conception<br />

du câble de grand fond n’est pas correcte, la<br />

qualité <strong>des</strong> matières premières (cuivre, gutta,<br />

2 Le rapport de la commission britannique est<br />

publié dans les Annales télégraphiques de 1862


acier) est insuffisante, les navires de pose utilisés<br />

manquent de capacité de stockage et de<br />

possibilités de manœuvre. Toutes les causes <strong>des</strong><br />

dérangements ont pour effet de rendre les<br />

réparations impossibles puisque ces câbles ne<br />

supportent pas leur propre poids. On découvre<br />

également que la transmission du signal<br />

télégraphique n’est pas instantanée mais que<br />

l’effet capacitif d’un câble déforme le signal. Le<br />

rapport retient la valeur de vitesse de propagation<br />

du signal sur une ligne électrique établie par<br />

Gounelle et Fizeau (220.000 Km/s). Quel progrès<br />

1861 : Premières transversales américaines entre<br />

la côte Est <strong>des</strong> Etats-Unis et San Francisco, et<br />

entre Valparaiso et Montevideo.<br />

1864 : Achèvement de la ligne entre l’Europe du<br />

Nord et l’Inde via Constantinople, Bagdad, Fao,<br />

Bouchir et Karachi. La ligne n’était pas rapide, il<br />

fallait 6 jours, 8 heures et 44 minutes pour<br />

envoyer un message de Londres à l’Inde. Elle<br />

était souvent coupée en Anatolie.<br />

1870 : Le 19 janvier, W Siemens inaugure la ligne<br />

indo-européenne par le Caucase 3 .<br />

3 Karbelashvily (A), La ligne télégraphique<br />

transcaucasienne entre l’Europe et l’Inde, in<br />

Journal <strong>des</strong> Télécommunications vol 56, UIT<br />

Genève, décembre 1989.<br />

Situation <strong>des</strong> câbles terrestre en 1874<br />

par rapport à la vitesse <strong>des</strong> courriers <strong>des</strong> siècles<br />

précédents.<br />

2 - Les premières routes vers l’Inde, la Chine<br />

le Japon et l’Australie (1860 – 1874).<br />

Pour relier les réseaux entre eux, plusieurs<br />

itinéraires sont imaginés. <strong>Câbles</strong> terrestres et<br />

sous marins sont en concurrence entre l’Europe<br />

et les Etats-Unis et entre l’Europe et l’Inde et<br />

l’Extrême Orient. Certaines réalisations sont en<br />

cours d’achèvement en 1860 ; d’autres, plus<br />

ambitieuses et coûteuses, seront mises en<br />

service en 1870-72. Rappelons quelques dates :<br />

1871 : La Russie construit le transsibérien<br />

Moscou – Vladivostok avec une branche vers la<br />

Mongolie 4 . Ce projet fédérateur est coûteux pour<br />

l’Empire Russe<br />

.<br />

4 Joukovsky (Dimity), La Russie, important maillon<br />

du réseau mondial de communications, Colloque<br />

de Villefranche sur Mer, 1-3 juin 1989.


L’installation <strong>des</strong> premiers câbles transatlantiques à l’initiative de l’américain Cyrus Field a marqué les<br />

esprits. Ces véritables expéditions ont <strong>des</strong> succès divers : celle de 1858 est un échec mais les deux<br />

suivantes de 1865 et 1866 sont <strong>des</strong> succès. En fait, cette liaison n’était pas la priorité <strong>des</strong> milieux politiques<br />

et <strong>des</strong> affaires britanniques, beaucoup plus intéressés par <strong>des</strong> liaisons télégraphiques vers l’Inde et au-delà.<br />

1 – Les projets terrestres (Transsibérien et Télégraphe Indo-Européen).<br />

En 1857, un certain Romanov présente à Mouriatov, gouverneur de la Sibérie orientale, le projet de<br />

communication avec l’Amérique via le détroit de Behring. Mouriatov interroge la Société Internationale <strong>des</strong><br />

Télégraphes Electrique à Paris qui juge le tracé par la Sibérie et l’Alaska plus commode, plus avantageux, et<br />

plus sûr que la voie sous marine traversant l’océan Atlantique. Les experts français 5 qualifient cette dernière<br />

d’entreprise de fort coûteuse et d’un succès douteux. De son côté, la société américaine Western Union, de<br />

son coté s’active en Alaska.<br />

Projet Français en 1862<br />

5 Babinet (Jacques), De la télégraphie électrique ligne de jonction <strong>des</strong> 5 parties du monde, Paris, Librairie<br />

Nouvelle, 1861.


La Russie entame la construction du transsibérien<br />

en 1859 (Moscou, Gorki, Kaza, Perm, Sverdlovsk,<br />

Irbit, Omsk, Tomsk, Krasnoïarsk, Irkoutsk, Ychita,<br />

Kiaskhta et Vladivostok. L’embranchement de<br />

Kiaskhta vers la Mongolie n’arriva jamais à Pékin<br />

du fait du refus <strong>des</strong> autorités chinoises. En<br />

octobre 1869, avant donc l’achèvement de<br />

l’ouvrage, le gouvernement russe accorde une<br />

concession de 30 ans à la compagnie danoise<br />

GNTC.<br />

Deux projets sont lancés pour relier l’Europe à<br />

L’Inde. Le premier, à travers l’Anatolie a la faveur<br />

<strong>des</strong> britanniques mais traverse <strong>des</strong> régions non<br />

contrôlées. Le second est le projet <strong>des</strong> frères<br />

Siemens. Leur société, la compagnie du<br />

Télégraphe Indo-Européen, obtient la concession<br />

en 1867 et la construction commence en 1868.<br />

L’ouvrage <strong>des</strong> frères Siemens entre Londres et<br />

l’Inde s’étend sur 8.600 Km et pas moins de<br />

11.000 poteaux furent expédiés de Londres vers<br />

le Caucase et la Perse. En 1869, la construction<br />

bat son plan et on traverse le détroit de Kertch à<br />

Poti par un câble sous marin. Elle fut utilisé de<br />

1870 à 1931, date de sa nationalisation par<br />

l’Union soviétique.<br />

2 - Le projet français.<br />

En 1862, les ingénieurs français de<br />

l’Administration <strong>des</strong> Télégraphes, qui ont participé<br />

à la plupart <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> poses, connaissent et<br />

partagent les conclusions du rapport britannique.<br />

Les Annales Télégraphiques dirigées par<br />

Gounelle et Blavier servent de support de<br />

connaissance et ne comportent plus que <strong>des</strong><br />

articles sur la télégraphie électrique. Gounelle<br />

meurt en 1864, Blavier est muté à Nancy et les<br />

Annales cessent de paraître en 1865.<br />

L’administration s’attache toujours à relier la<br />

France à L’Algérie et les échecs se succèdent<br />

(1860, 1861 et 1864).<br />

Les institutions françaises dirigeantes adoptent un<br />

projet de câblage du monde très ambitieux. En<br />

1862, les ministres de l’Intérieur, de la Marine et<br />

<strong>des</strong> colonies et de l’Agriculture et du Commerce<br />

adoptent le projet de Vérard de Sainte-Anne 6 dont<br />

le mémoire est présenté à l’institut impérial.<br />

Jacques Babinet, membre de l’Institut, est<br />

l’influent défenseur d’un projet qui reprend ses<br />

propres idées en particulier.<br />

• Poser un câble par grand fonds est impossible<br />

(en particulier un transatlantique) et il convient<br />

d’utiliser <strong>des</strong> câbles sous marin en feston le<br />

long <strong>des</strong> côtes.<br />

• Il faut relier <strong>des</strong> zones habitées pour réaliser le<br />

projet par étape et en assurant sa rentabilité.<br />

6 Vérard de Sainte-Anne, Télégraphie Electrique –<br />

Ligne d’Europe, d’Asie, d’Afrique, d’Océanie,<br />

d’Amérique, Paris, Librairie Paul Dupont, 1862<br />

Ainsi, la réalisation d’un transsibérien est aussi<br />

ruineuse qu’inutile.<br />

• Ce projet ne demande pas de financement<br />

préalable. Ce point ne peut que satisfaire J<br />

Babinet dont tous les écrits vantent la politique<br />

impériale qui consiste à concéder les lignes<br />

télégraphiques à <strong>des</strong> entrepreneurs privés, en<br />

particulier britanniques. A la fin du second<br />

Empire, les concessions étrangères 7<br />

acheminent l’essentiel du trafic international.<br />

En 1877, le réseau étranger <strong>des</strong>servant la France<br />

est de 11.855 Km 8 (10% de la longueur du réseau<br />

mondial – 118.507 Km) et le réseau français,<br />

uniquement gouvernemental n’est que 1.246 Km<br />

constitué par :<br />

• les câbles côtiers posés depuis 1863 dans le<br />

but d’assurer la continuité du service public avec<br />

les îles du littoral.<br />

• les câbles méditerranéens <strong>des</strong>servent la Corse<br />

et l’Afrique du Nord dont le premier Marseille –<br />

Alger 1871. Ce câble a été installé dans <strong>des</strong><br />

conditions surprenantes 9 sur les hauts fonds près<br />

<strong>des</strong> Baléares.<br />

3 – Les projets britanniques.<br />

Pour le gouvernement Britannique la télégraphie<br />

sous-marine peut fournir à l’Empire un réseau<br />

indépendant. Plus que la réalisation d’une ligne<br />

transatlantique, la ligne sur l’Inde est prioritaire<br />

mais les deux projets sont liés à leur faisabilité<br />

technique et le hasard déterminera l’ordre <strong>des</strong><br />

mises en service. La Commission Galton ayant<br />

conclu en la faisabilité <strong>des</strong> câbles sous marins,<br />

les industriels modernisent leur outil de production<br />

et obtiennent au meilleur prix le Great Eastern,<br />

seul navire capable de poser un câble par grande<br />

profondeur.<br />

7 Cinq compagnies étrangères fournissent un<br />

service international au départ de la France :<br />

Submarine Telegraph, Anglo Américan<br />

Telegraph, Eastern Telegraph Spanish<br />

Telegraph et GNTC. La longueur cumulée de<br />

ces câbles atterrissant en France est de 11.855<br />

Km en 1877.<br />

8 Les câbles franco-anglais sont alors la propriété<br />

la Submarine Cable Company, dont la<br />

concession s’achève en 1890. Ces liaisons sont<br />

la propriété conjointe du British Post Office et<br />

<strong>des</strong> P& T. Lorsque le monopole <strong>des</strong> télégraphes<br />

britanniques est créé le 1 er avril 1868, elles<br />

seront partagées entre les deux administrations<br />

en 1888.<br />

9 En 1870, deux lignes (Gravelines – Cherbourg<br />

et Brest – Bordeaux) sont commandées en<br />

Angleterre, mais elles sont bloquées à la<br />

demande du gouvernement allemand. Le<br />

gouvernement Thiers négocie avec le<br />

constructeur pour poser ces câbles, fabriqués<br />

en partie, entre Marseille et Alger.


Les maître d’œuvre du redéploiement industriel<br />

sont deux industriels de Manchester : John<br />

Pender, qui a fait fortune dans le coton, et Charles<br />

Goosch, un directeur de compagnies de chemin<br />

de fer. John Pender profite de la commande<br />

attribuée à l’industrie britannique pour la<br />

restructurer l’industrie britannique autour d’un pôle<br />

industriel The Telegraph Construction and<br />

Maintenance Company (TCM) qui souscrit la<br />

moitié du capital nécessaire à l’entreprise. De son<br />

côté, Charles Goosch achète le paquebot Great<br />

Eastern.<br />

Aussi, lorsque l’américain Cyrus Field relance le<br />

projet du câble transatlantique de sa société<br />

l’Atlantic Telegraph en 1864 et qu’il recherche <strong>des</strong><br />

capitaux en Grande Bretagne, l’affaire est<br />

rapidement conclue entre les trois hommes.<br />

L’échec de l’expédition de 1865 exige de trouver<br />

<strong>des</strong> capitaux supplémentaires. Dans la nouvelle<br />

société créée (Anglo-American Telegraph<br />

Company), Cyrus Field apporte le droit exclusif<br />

d’atterrissement de câbles à Terre Neuve de<br />

l’Atlantic Telegraph, mais les britanniques apporte<br />

les capitaux nécessaires et deviennent<br />

majoritaires. La pose du Great Eastern se déroule<br />

sans incident entre le 13 et le 27 juillet 1866; le<br />

La red route via océan Indien<br />

navire répare le second câble le 8 août 1866 et<br />

l’Anglo peut exploiter deux câbles transatlantiques<br />

avant la fin de 1866.<br />

Ce double succès prouve au monde entier que<br />

l’aventure sous-marine est possible. La ligne<br />

télégraphique reliant l’Europe aux Etats-Unis ne<br />

traversera pas le détroit de Behring et sur<br />

recommandation <strong>des</strong> ingénieurs américains de la<br />

Western Union 10 , l’Alaska sera acheté au Tsar<br />

pour 7,2 millions de dollars.<br />

Pour construire la ligne entre Suez et Bombay, J.<br />

Pender crée The British-Indian Submarine<br />

Telegraph Company en 1866 et trois nouvelles<br />

sociétés en 1868. Falmouth, Gibraltar, Malta<br />

Telegraph Company pour relier l’Angleterre à<br />

Alexandrie, Marseilles, Algiers and Malta<br />

Telegraph Company pour construire les câbles<br />

Marseille – Bône - Malte et L’Anglo-Mediterranean<br />

Telegraph Company pour développer un réseau<br />

en Méditerranée orientale. Chaque compagnie<br />

obtient les concessions <strong>des</strong> gouvernements<br />

10 Les ingénieurs américains avaient décelé les<br />

richesses minérales au cours <strong>des</strong> travaux et<br />

adressé un rapport au gouvernement.


associés à l’entreprise. Lorsque le Great Eastern<br />

termine la pose du câble Aden - Bombay, le 23<br />

juin 1870, Londres est relié à l’Inde par la voie<br />

sous-marine qui offre un service beaucoup plus<br />

Au-delà de l’Inde, J. Pender crée plusieurs<br />

sociétés chargées <strong>des</strong> prolongements au-delà de<br />

Bombay vers Singapour, la Chine et l’Inde. En<br />

1872, Londres, relié à Adélaïde (Australie), peut<br />

transmettre presque instantanément <strong>des</strong><br />

messages dans les 5 continents<br />

4 – Le projet danois.<br />

Le Danemark a toujours fourni <strong>des</strong> grands<br />

entrepreneurs et C F Teitgen en est un exemple.<br />

En 1867, après le double succès <strong>des</strong> poses<br />

transatlantiques de 1866, Teitgen fonde deux<br />

sociétés pour relier le Danemark à l’Angleterre et<br />

à la Russie, s’adressant à deux constructeurs<br />

britanniques différents. En 1869, il propose<br />

d’unifier son réseau à celui d’une compagnie<br />

norvégienne et constitue la Grande Compagnie<br />

<strong>des</strong> Télégraphes du Nord (GNTC). Il venait de<br />

signer avec le gouvernement russe un accord<br />

d’utilisation du transsibérien (qui sera achevé en<br />

1871). Ce visionnaire construira le premier<br />

câblier, construit spécialement pour la réparation<br />

<strong>des</strong> câbles sous-marins en 1870, et n’hésitera pas<br />

à investir pour <strong>des</strong>servir la France dans un câble<br />

de 713 Km pour relier Oye près de Calais à Fano<br />

au Danemark.<br />

Eastern Télégraphe en 1872<br />

fiable que les deux voies terrestres à peine<br />

terminées. Le 1 er juin 1872, John Pender regroupe<br />

ses sociétés en une seule : The Eastern<br />

Telegraph Company.<br />

3 - La route impériale (1872 – 1978) 11<br />

J. Pender a conçu la route impériale comme un<br />

militaire. Les câbles aboutissent dans <strong>des</strong><br />

territoires britanniques, près <strong>des</strong> escales <strong>des</strong><br />

paquebots là où se trouve dépôts de charbons<br />

ravitaillés en permanence par une noria de<br />

charbonniers. Les câbles sont exploitées par du<br />

personnel britannique et réparés par <strong>des</strong> navires<br />

câbliers basés à Gibraltar, Malte, Aden, Bombay,<br />

Singapour.<br />

Le codage par mots de 5 lettres est le procédé qui<br />

permet de réduire le nombre de mots d’un<br />

message et donc de réduire les frais. Entre 1872<br />

et le fin du télégraphe électrique (vers 1965 - 70),<br />

la productivité de la ligne a été améliorée par le<br />

multiplexage, la transmission automatique, les<br />

multi-secteurs, les amplificateurs Heurtley et la<br />

réception automatique. Toutes ces améliorations<br />

successives permettent de faire passer le débit<br />

<strong>des</strong> lignes de 2 à 1000 mots à la minute. Comme<br />

le trafic s’est accru plus vite que la productivité de<br />

la ligne, il a fallu la renforcer par deux, trois<br />

jusqu’à six câbles vers 1930. J. Pender et ses<br />

11 Barty-King (Hugh), Girgle round the Earth, the<br />

story of Cable and Wireless, Heinemann,<br />

Londres 1979 – page 176 (fermeture de la<br />

branche de l’océan Indien).


successeurs s’appliquent à diversifier les itinéraires pour ne pas concentrer tous les câbles aux mêmes<br />

endroits.<br />

1870 Porhcurno – Carcavelos 1<br />

1870 Carcavelos – Gibraltar 1<br />

1873 Porthcurno – Vigo<br />

1873 Vigo - Carcavellos<br />

1887 Porthcurno – Carcavelos 2<br />

1887 Carcavelos – Gibraltar 2<br />

1897 Vigo - Gibraltar<br />

1898 Porthcurno – Gibraltar 1<br />

1914 Porthcurno – Gibraltar 2<br />

1870 Gibraltar – Malte 1<br />

1887 Gibraltar – Malte 2<br />

1899 Gibraltar – Malte 3<br />

1912 Gibraltar – Malte 4<br />

1921 Gibraltar – Malte 5<br />

1868 Malte – Alexandrie 1<br />

1870 Malte – Alexandrie 2<br />

1899 Malte – Alexandrie 3<br />

1912 Malte – Alexandrie 4<br />

1920 Malte – Alexandrie 5<br />

1883 Suez – Port Soudan 3 - Aden (refit en<br />

1920)<br />

Réseau Mondial en 1921<br />

1890 Suez – Port Soudan 2 – Perim – Aden<br />

(refit en 1920)<br />

1901 Suez – Port Soudan 1 – Perim – Aden<br />

(refit en 1921)<br />

1914 Suez – Aden<br />

1922 Suez – Port Soudan 4 - Aden<br />

1870 Aden – Bombay 1<br />

1877 Aden – Bombay 2 (Refit en 1921)<br />

1891 Aden – Bombay 3<br />

1913 Aden – Colombo<br />

1920 Aden – Bombay 4<br />

1870 Madras – Penang - Singapour<br />

1879 Penang – Singapour<br />

1891 Madras – Penang – Singapour<br />

1913 Colombo – Penang – Singapour<br />

1921 Madras - Singapour<br />

The Red Line fut complété en 1902 par deux<br />

grands projets réalisés :<br />

• en 1901 – 1902 - la ligne du Pacifique entre le<br />

Canada, l’Australie et la Nouvelle Zélande.


• entre 1902 et 1905 – Câblage de l’océan<br />

Indien et pose d’un câble entre l’Australie à<br />

l’Afrique du Sud.<br />

Au début <strong>des</strong> guerres mondiales, la censure du<br />

trafic est systématique et les co<strong>des</strong> sont interdits.<br />

En 1940, le centre de Porthcurno en Cornouailles<br />

a été doublé par une station souterraine construite<br />

dans le granit après la déclaration de la guerre et<br />

la protection de la ligne par la marine est<br />

prioritaire. La Red Line fut menacée entre 1914 et<br />

1918 sans avoir été interrompue. Elle sera<br />

coupée en 1941 lorsque les Italiens prennent<br />

Aden et Périm.<br />

En dehors de la guerre, le gouvernement<br />

britannique n’a pas respecté la liberté <strong>des</strong><br />

informations.<br />

1885 : Après la chute de Long Son (Tonkin), l’<br />

Eastern bloque le message signalant le<br />

rétablissement de la situation et la reprise<br />

de la place. A la Chambre <strong>des</strong> Députés,<br />

le gouvernement Jules Ferry est<br />

violemment attaqué sur sa politique<br />

coloniale et doit démissionner.<br />

1893 : Ultimatum français au Siam. Le message<br />

est transmis avec retard après un contrôle<br />

britannique<br />

1894 : A la mort du roi du Maroc Moulay Hassan<br />

1, les Britanniques conservent<br />

l’exclusivité de l’utilisation du câble de<br />

Tanger pendant 36 heures.<br />

1895 : Lors de la prise de Tananarive par<br />

Duchesne, l’information est conservée<br />

pendant 3 jours.<br />

1898 : Marchand et Kitchener sont face à face à<br />

Fachoda pour le contrôle du Soudan.<br />

Pendant que les deux gouvernements<br />

négocient, Londres et Kitchener restent<br />

en contact par télégraphe. Marchand n’a<br />

pas de contact avec Paris.<br />

1902 : Pendant la guerre <strong>des</strong> Boers, toute<br />

information est interrompue par les<br />

censeurs installés à Aden et Freetown.<br />

Ces initiatives ont conduit la France et<br />

l’Allemagne à envisager leur propre réseau vers<br />

l’Asie du Sud. Pour la France, il s’agit de relier<br />

Personnel d'Aden en 1939 (Aden à fermé en<br />

1978)<br />

l’Indochine. Il est envisagé une ligne Dakar - la<br />

Réunion – Saigon que le gouvernement Waldeck-<br />

Rousseau refuse de financer. L’Allemagne<br />

souhaite relier l’Insulinde et les Philippines. Après<br />

<strong>des</strong> débats passionnés, les deux gouvernement<br />

renoncent à leurs projets pour raisons : le coût<br />

associé à une rentabilité incertaine d’un tel<br />

investissement et l’arrivée prochaine d’une<br />

nouvelle technologie, la radio qui pouvait assurer<br />

l’indépendance de leurs communications<br />

extérieures.<br />

Pendant près d’un siècle la ligne vers l’Orient<br />

resta britannique et contribua à la prospérité de la<br />

couronne. On ignorait encore en 1900 qu’il faudra<br />

attendre une vingtaine d’année pour disposer <strong>des</strong><br />

premières liaisons de radiocommunications à<br />

longue distance.<br />

4 - Entre 1922 et 1969 - Radio et câbles.<br />

Concurrence ou complémentarité ?<br />

Le câble a constitué le seul support <strong>des</strong><br />

télécommunications à grande distance jusqu’en<br />

1922. D’ailleurs, le dernier renforcement de la<br />

voie impériale est réalisé entre 1920 et 1922 par<br />

l’installation d’une quatrième ligne après celles de<br />

1868-70, 1877-80, 1890-92 et 1912-14. Après la<br />

guerre de 1914-18, la radio, qui s’était généralisée<br />

dans les relations avec les avions et les navires<br />

ainsi que sur le champ de bataille, est en mesure<br />

de fournir les circuits radiotélégraphiques à<br />

longue distance. Quatre gran<strong>des</strong> industries<br />

nationales sont créées immédiatement après la<br />

guerre.<br />

Personnel de la Station de Colombo


En France, la CSF est en mesure de construire le<br />

réseau colonial qui fonctionne entre Paris, Saigon,<br />

Hanoi, Brazzaville, Tananarive, La Réunion,<br />

Bamako et Dakar. L’Indochine est le relais vers la<br />

Nouvelle Calédonie et la Polynésie. Ce grand<br />

programme de la décennie 1920 – 1930 permettra<br />

à la France, à la Grande Bretagne mais aussi à<br />

l’Allemagne et à l’Italie de construire <strong>des</strong> réseaux<br />

nationaux et de faire appel aux compagnies<br />

câblières américaines et britanniques qu’en<br />

dernier recours.<br />

La compagnie Radio Marconi and Wireless est un<br />

sérieux concurrent pour l’Eastern mais les deux<br />

compagnies s’inclinent devant l’intérêt national<br />

face à la crise mondiale de 1929-32 et à la<br />

concurrence américaine. La fusion de Radio<br />

Marconi et l’Eastern se fait au bénéfice du câble<br />

(56%-44%) et permet d’ouvrir un guichet unique à<br />

la clientèle. Pour les britanniques, cette fusion<br />

évite une concurrence stérile entre les deux<br />

techniques.<br />

Une station radio en 1930<br />

Après 1930, la radio utilise les on<strong>des</strong> courtes, les<br />

équipements sont moins volumineux, l’exploitation<br />

du télégraphe est plus simple. Elle permet le<br />

transmettre la voie et offre le service téléphonique<br />

à grande distance est ouvert à partir de 1935.<br />

Pourtant, la radio ne remplacera pas le câble,<br />

même après la guerre de 1939 – 1945. Les<br />

réseaux de câbles sous marins endommagés par<br />

le manque de réserves et les coupures <strong>des</strong><br />

belligérants sont réparés et remis en service<br />

après 1945. Le centre d’Aden est fermé en 1978.


L<br />

'auteur, jean Devos, fut cadre supérieur d'un<br />

grand groupe industriel français. Né juste<br />

avant la guerre dans une ferme <strong>des</strong> Flandres<br />

françaises, il voit mourir sa mère alors qu'il n'a que<br />

sept ans. Son père le propulse vers le collège et<br />

l'université. Il entrera ensuite dans la grande<br />

industrie, au service d'une France d'après-guerre, à<br />

développer. Ce roman est le fruit de son<br />

expérience, mais aussi de toute sa philosophie<br />

humaniste.<br />

Nous présentons, avec l’accord de l’auteur<br />

quelques bonnes feuilles de ce livre qui constituent<br />

le chapitre 11 d’un roman qui en comporte 19. Bien<br />

sur toute ressemblance entre le texte qui suit et la<br />

réalité n’est que coïncidence puisqu’il s’agit d’un<br />

roman qui évoque <strong>des</strong> situations réelles mais n'en<br />

fournit pas une <strong>des</strong>cription complète ou fidèle".<br />

NDLR<br />

Jean Devos fut directeur de Submarcom à partir de<br />

1977 jusqu’à la constitution d’Alcatel-ASN en 1999.<br />

LES BASTIDES ANGLAISES<br />

Martin affronta ses premières vraies batailles en<br />

Europe. Ce qui paraît impensable aujourd'hui, c'est que<br />

deux pays étaient alors inaccessibles à l'industrie<br />

française, l'Espagne et l'Italie, bastions britanniques !<br />

Les raisons en étaient confuses, historiques et<br />

multiples. La France coopérait avec le Portugal, et<br />

BOTANY BAY<br />

Par Jean DEVOS<br />

l'Espagne avec l'Angleterre. L'administration française<br />

se voulait dominatrice en Méditerranée, captant le trafic<br />

à son profit. L'Italie ne pouvait que chercher le<br />

contrepoids anglais.<br />

Martin décida que cette situation ne pouvait durer. Il<br />

était temps de devenir le fournisseur de tous ! «Mare<br />

nostrum », il fallait bouter l'Anglais hors de la<br />

Méditerranée ! Quand il s'en ouvrit à la Direction<br />

générale, il ne reçut que <strong>des</strong> conseils de prudence. «<br />

Ne provoquez pas les Anglais; ils ont les moyens de<br />

nous le faire payer très cher ! » Martin choisit donc une<br />

méthode de présence progressive : se mettre en<br />

position de saisir l'occasion. Il fallut plus de deux<br />

années de préparation du terrain : visites <strong>des</strong><br />

dirigeants, implantation d'agents locaux, articles dans<br />

<strong>des</strong> revues techniques, présentation <strong>des</strong> produits,<br />

opérations de charme.<br />

Et la chance se mit à sourire, à récompenser le travail<br />

accompli. Les Espagnols voulurent une liaison directe<br />

vers la Belgique et l'Allemagne, lassée de supporter les<br />

coûts de transit par la France, pratique alors courante<br />

mais incompatible avec une légitime volonté<br />

d'indépendance.<br />

Martin était devenu familier de Luis Tyrol,<br />

directeur international de l'opérateur national<br />

espagnol. Luis était une personnalité remarquable,<br />

d'une culture gigantesque, au charme fou, parlant<br />

cinq ou six langues. Luis était l'ami de Jean<br />

Granger, son équivalent français, qu'il respectait<br />

mais dont il connaissait la capacité de nuisance.<br />

Martin suggéra à Luis qu'un contrat avec l'industriel<br />

français serait de nature à annihiler toute réaction<br />

française ! « Granger ne fera rien qui <strong>des</strong>serve<br />

l'industrie française, il mettra de côté ses envies de<br />

représailles. »<br />

Cette stratégie rencontra <strong>des</strong> circonstances<br />

favorables : le produit offert par SubCom<br />

correspondait mieux aux besoins que le produit<br />

anglais, et les Japonais étaient sortis les moinsdisant<br />

de l'appel d'offre. Cela offrait aux Espagnols<br />

<strong>des</strong> raisons valables pour se justifier auprès de leur<br />

fournisseur habituel.<br />

Martin accepta aussi de partager les risques<br />

d'une opération très délicate dans la Manche, une<br />

première mondiale. Il prit là, seul, une énorme


esponsabilité. À cette époque, un contrat s'inscrivait<br />

dans une relation à long terme : c'était un<br />

engagement de coopérer, pas un engagement de<br />

résultat. Négocier un contrat permettait aux deux<br />

parties de se bien comprendre, de définir le rôle de<br />

chacun. Les juristes n'avaient pas encore fait leur<br />

apparition ! L'ingénieur espagnol, promoteur d'un<br />

projet dont le succès rejaillirait sur toute sa carrière,<br />

garderait pour Martin une affectueuse<br />

reconnaissance, y compris quand il deviendrait<br />

directeur général. La bataille de Madrid était gagnée.<br />

Le président consentit à venir présider le dîner que<br />

Martin organisa dans un grand hôtel madrilène pour<br />

la signature du contrat. Martin savourait cette victoire<br />

historique et prometteuse sur les Anglais, un de ses<br />

premiers succès personnels. Il y avait là les<br />

directeurs généraux espagnol, néerlandais, belge et<br />

allemand. Luis prononça une magnifique allocution<br />

de fin de repas, en un français superbe : classe,<br />

culture, humour !<br />

Le président, nouveau dans sa fonction, peu<br />

sensible encore à cet aspect stratégique, découvrit là<br />

l'intérêt pour lui de ce genre de dîners, où il pouvait<br />

rencontrer et connaître de gran<strong>des</strong> personnalités<br />

étrangères. Martin en organiserait bien d'autres. Il<br />

faut savoir servir les goûts et ambitions de son<br />

patron !<br />

La chute <strong>des</strong> Anglais à Rome prit une tout autre<br />

tournure. L'arrivée de la technologie numérique<br />

offrait à l'Italie une occasion de retour dans une<br />

industrie où elle avait un temps joué un rôle il lui<br />

fallait un partenaire pour ne pas devoir développer<br />

l'ensemble <strong>des</strong> technologies nécessaires. Le<br />

gouvernement italien avait un programme de<br />

câblage de la Péninsule, dont la géographie<br />

particulière favorisait la solution maritime. Cette<br />

volonté italienne, Martin la découvrit<br />

progressivement grâce à Silvio Barrone, le<br />

merveilleux agent qu'il y avait choisi, un homme<br />

d'une grande culture et une grande présence locale.<br />

Il était tout simplement l'ami du président d'Italcom et<br />

guida Martin dans les méandres de la psychologie et<br />

de la politique italiennes. Il lui raconta le passé<br />

brillant de son pays dans cette activité. Un virage<br />

technologique avait été raté trente ans plus tôt, mais<br />

la nostalgie était grande, ce qui expliquait la volonté<br />

politique et industrielle d'aujourd'hui. Silvio lui fit<br />

visiter le musée <strong>des</strong> Télécoms, lui montra la<br />

présence de la technologie allemande, conséquence<br />

de la guerre. Il lui expliqua l'imbrication entre<br />

l'industrie et l'État. Il conquit aussi Martin en lui<br />

montrant Rome sous un jour qu'il ne connaissait pas<br />

les petites églises, les placettes, les fontaines, les<br />

jardins. Un agent est un traducteur de situation, un<br />

décodeur sans qui rien ne se comprend, surtout les<br />

subtilités qui font les différences. Rome décidément<br />

est l'endroit où Martin a tout appris. Les Horaces et<br />

les Curiaces<br />

Pourquoi apporter sa coopération à une société qui<br />

pourrait un jour devenir votre concurrente ? C'est la<br />

question que le président posa à Martin. Celui-ci sut<br />

convaincre : «Pour éviter que les Anglais ou les<br />

Américains ne le fassent ! »<br />

SubCom fournira pendant dix ans <strong>des</strong> équipements<br />

et services dans ce pays, en sous-traitance d'un<br />

grand groupe italien, et bénéficiera du support italien<br />

dans plusieurs projets internationaux. La société en<br />

question ne parviendra jamais à concurrencer<br />

SubCom sur le marché international, trop imprégnée<br />

dans ses habitu<strong>des</strong> domestiques<br />

Répéteurs en cours de montage<br />

Martin avait appliqué là la maxime chinoise de Lao<br />

Tseu : « Agir, c'est accompagner le mouvement, s'y<br />

glisser, en profiter. » Il se glissa dans l'ambition<br />

italienne plutôt que de s'y opposer. Bien plus<br />

intelligent ! Cette attitude contribua fortement à<br />

l'image de SubCom sur le marché mondial. Ces<br />

victoires méditerranéennes furent le vrai début de son<br />

envolée.<br />

Et ces victoires, Martin ne les doit à personne; ce<br />

sont bien les siennes. La Direction générale<br />

enregistre ces comman<strong>des</strong> sans en percevoir le<br />

poids stratégique.<br />

Il y forge sa philosophie : se sentir responsable.<br />

Prendre le vrai pouvoir. Cela lui plaît !


En mai 1989, l’équipe de Submarcom vient d’obtenir le contrat MAT2. On<br />

reconnaît derrière Jean Devos, de gauche à droite Jacques Bouby et Liliane<br />

Peyrat, Ali Nazar, Jean Godeluck (qui lui succèdera), Benoît Duguet (qui<br />

l’accompagnera chez Tyco en 1999) et Gilles Gorse.


LOUIS LEPRINCE RINGUET A LA SEYNE SUR MER<br />

L<br />

’académicien Louis Leprince-Ringuet<br />

effectua une brillante carrière de<br />

physicien puis d’atomiste. Il fut<br />

également écrivain et musicien et ne<br />

dédaignait pas présenter <strong>des</strong> conférences.<br />

En 1981, il se rendit à La Seyne dans le<br />

cadre du centenaire de l’établissement<br />

Seynois. Dans sa causerie, L’académicien<br />

rappelle ses débuts comme ingénieur au<br />

service <strong>des</strong> câbles sous marins sous la<br />

direction de M Larose, le télégraphe<br />

Chappe, la démarche de Morse et de<br />

Thomson…<br />

Ci-<strong>des</strong>sous le discours qu'il prononça lors du<br />

centenaire <strong>des</strong> <strong>Câbles</strong> <strong>Sous</strong>-marin a la Seyne<br />

sur Mer en octobre 1981<br />

Monsieur le Maire, Mesdames, Messieurs,<br />

Me voici revenu aux lieux chers à mes<br />

premiers ans comme on dit, c'est-à-dire à la<br />

Seyne, aux <strong>Câbles</strong> <strong>Sous</strong> <strong>Marins</strong>. Mon premier<br />

travail d'ingénieur a été celui <strong>des</strong> <strong>Câbles</strong> <strong>Sous</strong><br />

<strong>Marins</strong>. Ce travail que vous avez vu n'est pas<br />

toujours très facile, mais c'est un beau travail<br />

et j'ai passé pendant 4 ou 5 ans, 8 mois en<br />

mer par an, beaucoup plus que les officiers de<br />

la Marine de guerre naturellement et nous<br />

étions de vrais travailleurs de la mer, il y avait<br />

<strong>des</strong> pauses, il y avait <strong>des</strong> réparations, en<br />

Atlantique en Méditerranée, un peu partout et<br />

je me rappelle ces vieux bateaux qui étaient<br />

plus anciens que le Marcel Bayard puisque<br />

Marcel Bayard était un de mes camara<strong>des</strong> qui<br />

était ingénieur en même temps que moi.<br />

Tout cela ce passait il y a plus d'un demi siècle<br />

autour de 1926, 1927, 19<strong>28</strong>, 1929, 1930. Dans<br />

cette région, dans cet espace de temps, nous<br />

avions <strong>des</strong> bateaux qui n'étaient pas aussi<br />

perfectionnés que le Vercors, mais qui<br />

ressemblaient quand même à celui-là et la<br />

pose et la réparation ressemblaient fort à celle<br />

que vous avez vue. J'ai gardé <strong>des</strong> souvenirs<br />

merveilleux, de toutes sortes, extrêmement<br />

variés, depuis le souvenir d'une semaine de<br />

mauvais temps en Méditerranée pendant<br />

laquelle on a tourné toute la semaine autour de<br />

la bouée, c'est-à-dire que ceux qui étaient à<br />

bâbord voyaient toujours la bouée au même<br />

endroit pendant une semaine, avec <strong>des</strong><br />

vagues comme çà et avec un gros temps. On<br />

attendait le beau temps, on attendait<br />

l'accalmie.<br />

Il y a eu beaucoup d'autres souvenirs, il y a eu<br />

en particulier <strong>des</strong> souvenirs en Bretagne qui<br />

étaient assez merveilleux, parce que on allait<br />

avec <strong>des</strong> petites chaloupes, <strong>des</strong> petites<br />

embarcations, on allait avec la plate, on allait<br />

avec la baleinière pour réparer les câbles là où<br />

il y avait <strong>des</strong> rochers et entre les îles de<br />

Bretagne, Ouessant, Molène, Sein, il y avait<br />

beaucoup de rochers.<br />

Nous avions là <strong>des</strong> campagnes de réparations<br />

absolument extraordinaires. Naturellement,<br />

quand on relevait le câble par là, on relevait de<br />

temps en temps <strong>des</strong> paniers de homards et<br />

bien sûr, on les remettait à la mer, mais après<br />

avoir fait un large prélèvement sur le contenu.<br />

Il nous est arrivé de manger du homard à tous<br />

les repas pendant huit jours, à la fin on ne<br />

pouvait plus voir le homard. On en avait ras le<br />

bol, absolument, mais c'était merveilleux.<br />

J’ai conservé de nombreux de souvenirs <strong>des</strong><br />

réparations du câble Brest - Dakar près de<br />

Dakar parce que nous avions à l'époque tout<br />

un réseau de câbles télégraphiques. Nous<br />

n'avions pas la possibilité de téléphoner du<br />

bord et par conséquent, il fallait faire <strong>des</strong><br />

mesures aux atterrissages suffisamment<br />

précises pour localiser le défaut et une fois<br />

qu'on était en mer, on était en mer ! On n'avait<br />

plus aucun contact tant qu'on n'avait pas le<br />

câble, et le seul contact qu'on pouvait avoir<br />

c'est par le bon bout du câble, lorsqu'on arrivait<br />

à l'avoir vers Bizerte ou vers Marseille ou<br />

ailleurs, Livourne par exemple. Sur un navire,<br />

c’était un travail d'équipe et je dois dire que ce<br />

j'ai appris m'a servi dans le reste de ma<br />

carrière. Oui, j’ai appris comment travailler en<br />

équipe ! Vous avez bien vu qu’au moment où<br />

on signale la bouée, le déjeuner c'est fini, tout<br />

le monde se lève, on part car il faut faire le<br />

travail et le faire vite. Il faut le faire bien, si<br />

possible avant l'arrivée du gros temps.<br />

Alors au bout de 4 ou 5 ans, j'ai été attiré par


la science, par la physique. Comme ingénieur<br />

<strong>des</strong> Télécommunications, je n'ai eu qu'un<br />

poste, je n'ai eu qu'une fonction, celle<br />

d'ingénieur de 2ème classe ou 3 ème classe, je<br />

ne sais pas, <strong>des</strong> <strong>Câbles</strong> sous marins. Pendant<br />

ces années qui ont été <strong>des</strong> années<br />

merveilleuses, il y a eu <strong>des</strong> moments<br />

superbes, quand on était au large <strong>des</strong> côtes de<br />

la Méditerranée, de Cannes, de Nice lorsqu’on<br />

voit le soleil se lever, se coucher et qu'on voit<br />

cette chaîne de montagnes blanches derrière<br />

la mer. Lorsque c'est le grand calme, on<br />

connaît là <strong>des</strong> joies absolument remarquables.<br />

J'ai gardé <strong>des</strong> souvenirs excellents avec un<br />

chef de service qui s'appelait Monsieur Larose<br />

qui était un homme de tempérament très<br />

particulier. Il était très sympathique, je l'aimais<br />

beaucoup M. Larose, un peu rustre de temps<br />

en temps. A cette époque, il n'y avait pas<br />

d'avion pour venir à Toulon et il fallait prendre<br />

le train. M. Larose aimait bien son confort dans<br />

le train mais il n'y avait pas tellement de<br />

couchettes. Comment faire pour être allongé ?<br />

A Paris, monsieur Larose s'installait dans le<br />

compartiment réservé aux Parlementaires en<br />

arrivant longtemps à l'avance. Il s'allongeait,<br />

sortait un sandwich avec de l'ail et<br />

naturellement il empestait le compartiment.<br />

Lorsqu'un employé de la SNCF venait le<br />

questionner :<br />

- Monsieur est un Parlementaire, Monsieur<br />

LAROSE se levait à moitié et lui répondait :<br />

- Ne m'insultez pas! Alors l'employé s'en allait<br />

et il pouvait voyager tranquille.<br />

Voilà, je ne vais pas vous raconter beaucoup<br />

d'autres souvenirs, parce qu'aujourd'hui, je<br />

voudrais vous faire une sorte de grande<br />

fresque du développement de l'évolution <strong>des</strong><br />

télécommunications. Ce n'est pas très ancien<br />

puisque la première pile électrique date de<br />

1800, la pile de Volta. En 1800, ce n'est pas<br />

très vieux puisque seuls les 19 ème et 20 ème<br />

siècles sont concernés. Avant, il n'y avait a<br />

peu près rien et je vais vous dire comment se<br />

sont développés ces télécommunications et<br />

puis terminer par quelques réflexions sur les<br />

télécommunications actuelles, les<br />

communications, la société et l’homme.<br />

Quelle est l'influence <strong>des</strong> communications<br />

sur nous, sur notre vie, sur notre<br />

comportement ?<br />

Je dois dire qu'au début, il s'agissait<br />

uniquement de communications directes. <strong>Sous</strong><br />

Christophe Colomb, il n'y avait ni radio, ni<br />

câble sous marin, ni téléphone et les<br />

expéditions correspondaient à <strong>des</strong><br />

communications directes; ces communications<br />

directes étaient les techniques de pointe de<br />

l'époque.<br />

Après Christophe Colomb il y a eu les bateaux<br />

à vapeur. C'est dans notre pays que l'on a<br />

développé les techniques de la vapeur grâce à<br />

ces techniques qui étaient l'apanage de<br />

l'Europe et qui après se sont transportées aux<br />

Etats-Unis. Les Américains sont au fond <strong>des</strong><br />

Européens pauvres qui sont partis aux Etats<br />

Unis avec le désir de faire quelque chose et<br />

une volonté d'action. L’Europe et les Etats<br />

Unis de l'Amérique du Nord ont développé <strong>des</strong><br />

techniques qu'on appela les technologies<br />

avancées à l'époque. Ce furent les bateaux à<br />

vapeur, les chemins de fer au cours du 19 ème<br />

siècle, c'est-à-dire tout un réseau de transport.<br />

Ce fut ensuite les avions au 20 ème siècle. Cela<br />

conduira sans doute aux fusées et aux<br />

navettes spatiales qui nous emmèneront dans<br />

l'espace, dans <strong>des</strong> laboratoires de l'espace.<br />

Tout cela représente <strong>des</strong> communications<br />

directes et ne sont pas <strong>des</strong><br />

télécommunications avec fils ou sans fil ou<br />

avec autre chose.<br />

Pour les communications à distance, depuis<br />

longtemps, depuis les Grecs, depuis les<br />

Romains, depuis César, il y avait certaines<br />

possibilités aux moyens de feux qu'on allumait<br />

sur les collines et qui se répondaient. Il y avait<br />

même dans certains cas, plusieurs feux<br />

possibles, ce qui permettait plusieurs formes<br />

de signalisations. Ces feux se transmettaient<br />

de proche en proche et la transmission était<br />

évidemment assez longue.<br />

Cette forme de signalisation fut abandonnée<br />

au moment de la découverte de la télégraphie<br />

optique. Les frères Chappe ont été les grands<br />

initiateurs de cette forme de télégraphe.<br />

Claude Chappe, né en 1763, mort en 1805<br />

invente les bras télégraphiques. Il s'amusait<br />

avec ses frères quand il était jeune garçon à<br />

communiquer à distance avec <strong>des</strong> planches<br />

orientables. Par conséquent il avait déjà tout<br />

jeune le sens <strong>des</strong> dispositifs qui permettaient<br />

d'envoyer un certain nombre de signaux<br />

Chappe est ruiné par la Révolution et cherche<br />

une source de revenus. Il imagine alors une<br />

machine capable de transmettre <strong>des</strong> mots<br />

avec <strong>des</strong> bras mobiles. En somme, il s’agit<br />

d’un retour perfectionné aux jeux de son<br />

enfance. Il fait ses premiers essais en 1791.<br />

Vous connaissez les bras de CHAPPE, c'està-dire<br />

la télégraphie optique, on met cela sur<br />

une colline ou sur une tour et on peut alors<br />

manipuler les bras selon la direction <strong>des</strong> bras


une signalisation particulière est donnée. La<br />

foule soupçonneuse démolit son installation.<br />

Elle pense que c'est un moyen de<br />

communication avec les Royalistes pour<br />

provoquer l'occupation de Paris, si bien que le<br />

télégraphe qu'il avait installé à la barrière de<br />

l'Etoile et du Parc St Farjot est ainsi<br />

endommagé. C’est souvent comme çà, dès<br />

qu'il y a une technique nouvelle, il y a une<br />

méfiance - Il y a eu méfiance pour les tunnels<br />

et les chemins de fer et actuellement pour<br />

l'énergie nucléaire - il y a toujours une<br />

méfiance de la population qui aime bien les<br />

choses classiques et qui se demande à quoi<br />

va servira une invention nouvelle.<br />

En 1792, Chappe propose son système à la<br />

Convention. On décide alors d'établir une ligne<br />

Paris - Lille avec 16 postes. Le 1 er septembre<br />

1794, devant la Convention, Carnot,<br />

l'organisateur de la victoire monte à la tribune<br />

et s'écrie ! Citoyens je vous annonce une<br />

grande nouvelle qui réchauffera vos cœurs.<br />

Les Autrichiens sont en déroute. La place forte<br />

de Condé dont ils étaient les maîtres vient de<br />

nous être rendue. C'est ce que nous annonce<br />

à l'instant le télégraphe Chappe. Ce message<br />

en quelques minutes était transmis pour la<br />

première fois entre deux points distants de 270<br />

kilomètres et Chappe reçoit le titre d'ingénieur<br />

télégraphique.<br />

Progressivement on met en service Paris –<br />

Strasbourg, Paris – Brest. En 1800, le réseau<br />

Chappe a une longueur de mille deux cent<br />

cinquante trois kilomètres (1253 Km). Or, en<br />

1800, la pile électrique n'existe encore pas.<br />

Les bras mobiles sont sur <strong>des</strong> tours et peuvent<br />

prendre 196 positions élémentaires. Un signal<br />

émis de Paris atteint Toulon en 30 minutes et<br />

on peut coder les messages pour assurer le<br />

secret. Chappe connaît <strong>des</strong> difficultés<br />

financières, <strong>des</strong> contestations de son<br />

invention, puis il tombe dans le désespoir et il<br />

se donne la mort en 1805 en se jetant dans le<br />

puits de la maison ou l'atelier télégraphe était<br />

installé. Les grands inventeurs, les grands<br />

génies connaissent toujours un grand moment<br />

de désespoir et meurent en général très<br />

jeunes. Son frère continue son oeuvre jusqu'en<br />

1820. C’est à ce moment qu’apparaît le<br />

télégraphe électrique.<br />

Pourquoi électrique ?<br />

En Angleterre, le télégraphe optique n'est<br />

guère utilisable à cause de la brume. Les<br />

messages sont souvent interrompus. En 1815,<br />

un télégraphiste de Londres reçoit le message<br />

suivant :<br />

"Welington defeated", ce qui veut dire :<br />

"Welington défait"<br />

Le brouillard interrompt le reste de la<br />

communication et on crut alors à la défaite de<br />

Welington. Tous les cours de la Bourse de<br />

Londres s'effondrent. En réalité le message<br />

était le suivant :<br />

"Welington defeated the French at Waterloo"<br />

c'est-à-dire "Welington a défait les Français à<br />

Waterloo".<br />

Seuls les frères Rotschild ont reçu le texte<br />

dans son intégralité grâce à un message<br />

confié au pigeon voyageur. Ils ont de ce fait<br />

profité de cette baisse de la Bourse et fait<br />

fortune.<br />

Ceci est une histoire vraie on comprend alors<br />

pourquoi les Anglais ont poussé dans le sens<br />

du télégraphe électrique. Au début, le<br />

télégraphe électrique était très compliqué car<br />

pour faire 24 lettres, il fallait 24 fils. On a donc<br />

fait un télégraphe avec 24 fils. L'électro-aimant<br />

n'existait encore pas pour déceler l'électricité.<br />

A la réception, on utilisait l'eau qui, par<br />

phénomène d'électrolyse, faisait <strong>des</strong> bulles.<br />

Grace à ces 24 fils reliés à <strong>des</strong> petits bocaux<br />

dont on surveillait l'ébullition on pouvait<br />

transmettre les 24 lettres de l'alphabet. Cet<br />

appareil a été ensuite perfectionné et après<br />

1820 on détecte les signaux par <strong>des</strong> électroaimants<br />

avec un clavier. La voie pour la<br />

télétype était donc ouverte et on a ensuite<br />

envisagé un circuit à deux fils avec un électroaimant.<br />

C'est en 1844 que Samuel Morse met au point<br />

le système à impulsions brèves et longues. Il<br />

en fut le grand inventeur. Il eut une vie<br />

passionnante de grand aventurier. Samuel<br />

Morse naquit aux Etats-Unis en 1791, issu<br />

d'une famille de 11 enfants dont 3 survécurent<br />

(la mortalité infantile était très importante à<br />

cette époque - La science a fait bien <strong>des</strong><br />

progrès dans ce domaine). Morse s'est<br />

intéressé à l'art, un peu à l'électricité, au<br />

galvanisme comme on disait. Il embarque pour<br />

l'Angleterre, il est peintre, sculpteur ; il reçoit<br />

une médaille d'or de la Société <strong>des</strong> Arts.<br />

Ensuite, il retourne aux Etats-Unis, il fait <strong>des</strong><br />

portraits, chaque portrait lui rapporte environ<br />

15 dollars, c'est peu. Puis il invente <strong>des</strong> objets,<br />

en particulier une pompe à incendie.<br />

Malheureusement, il perd sa jeune femme<br />

alors qu’il est absent <strong>des</strong> Etats-Unis. Son<br />

succès de peintre grandit; on lui commande le<br />

portrait du Président <strong>des</strong> Etats-Unis: Monroe,<br />

puis celui de Lafayette. Il rentre en Europe et<br />

s'installe près de la Madeleine à Paris 29, rue<br />

de Turenne pour le terminer.


Après ce travail, en 1932, sur le bateau qui<br />

l'emmène à New York, il entend <strong>des</strong><br />

discussions sur les travaux de l'électricité,<br />

ceux d’Ampère en particulier. Il a alors une<br />

idée de la télégraphie. A son arrivée à New<br />

York, il avait déjà <strong>des</strong>siné son appareil<br />

télégraphique. Son invention est au point mais<br />

comme tout grand inventeur il eut beaucoup de<br />

déboires. A la suite de quoi il est nommé<br />

professeur d'histoire de <strong>des</strong>sin à New York, ce<br />

qui le tire d'affaire. Il commence alors les<br />

expériences sur le télégraphe avec son ami<br />

Vail. Ca marche, ça ne marche pas mais<br />

finalement il prend un brevet et présente à<br />

l'Université de New York son télégraphe avec<br />

transmission d’une première phrase :<br />

"Attention l'univers ; ceci est le signe de la<br />

naissance du télégraphe".<br />

L’année suivante, il présente son appareil<br />

devant le Président <strong>des</strong> Etats-Unis et le<br />

Gouvernement. Ensuite, les choses vont très<br />

vite malgré les difficultés pour la mise au point<br />

de son brevet, les droits de Morse sont<br />

reconnus. Il est le grand inventeur de la<br />

télégraphie. C’est le triomphe et il reçoit la<br />

grande médaille de l'Académie Française <strong>des</strong><br />

sciences. En 1867, on élève sa statue au<br />

Central Park de NEew York. Il reste de Morse<br />

plus de 300 tableaux. Grâce à lui, tous les<br />

pays du monde furent reliés par le télégraphe.<br />

A cette époque là les inventeurs n'étaient pas<br />

<strong>des</strong> spécialistes alors que de nos jours il faut<br />

être spécialisé pour inventer quelque chose. Je<br />

vois dans ma branche, la science la physique<br />

<strong>des</strong> particules, on n'imagine pas quelqu'un<br />

découvrant une particule nouvelle imaginant<br />

une théorie nouvelle, s'il n'a pas passé sa vie<br />

dans ce travail.<br />

Mais là c'est le contraire, il n'y avait pas encore<br />

pas tellement de connaissances. On pouvait<br />

faire plusieurs choses. Ainsi, Mongolfier était<br />

papetier, Franklin était homme d'Etat (il a<br />

découvert <strong>des</strong> choses sur l'électricité), Morse<br />

était peintre, comme Fulton qui construisit <strong>des</strong><br />

sous-marins, Young était un médecin anglais<br />

et fut l'un <strong>des</strong> créateurs de l'optique etc…<br />

Il y a de plus en plus de progrès. On imprime<br />

<strong>des</strong> lettres successives avec <strong>des</strong> caractères,<br />

puis on s'attaque à la transmission <strong>des</strong><br />

<strong>des</strong>sins, <strong>des</strong> images, de l'autographe. Vous<br />

avez entendu parler du bélinographe. C’était<br />

après 1907, nos vieux concitoyens se<br />

souviennent du bélinogramme dont on ne se<br />

sert plus actuellement. Ce fut un grand<br />

moment.<br />

Ensuite, on réalise la transmission simultanée<br />

de plusieurs messages soit avec <strong>des</strong> signaux<br />

de fréquences différentes, c’est le système<br />

Baudot. Alors que le télégraphe comprenait<br />

<strong>des</strong> réseaux avec fils sur toute la terre un<br />

grand réseau de communications sur la<br />

planète fallait il traverser la mer en particulier<br />

l'Atlantique - que pouvait-on faire ? Pouvait-on<br />

imaginer un fil de cuivre de 4.000 kilomètres<br />

de long, immergé au fond de l'Océan ? Même<br />

avec un isolement extérieur, même avec un<br />

blindage, serait-il capable de ne pas se rompre<br />

et de transmettre un signal. Un câble sousmarin<br />

est une sorte de condensateur électrique<br />

et les signaux se déforment, s'affaiblissent tout<br />

au long de ce câble. Par conséquent, pourra-ton<br />

envoyer un top à un bout et le recevoir à<br />

l'autre bout. Il était très difficile d'imaginer la<br />

solution de ce problème. C'est un Anglais<br />

William Thomson qui s'attaque à ce problème<br />

redoutable. Il gagne son pari et c'est lui qui a<br />

réussi à poser le premier câble transatlantique<br />

sous-marin.<br />

C'est une aventure familière à tous les lecteurs<br />

de Jules Verne puisque on connaît le "Great<br />

Eastern". Il y avait bien eu un premier essai,<br />

on en a parlé dans le film de Calais à Douvres.<br />

En 1850, on immergea un fil de cuivre entouré<br />

de gutta percha à travers la Manche, mais le<br />

câble n'étant pas armé, il fut rompu par l'ancre<br />

d'un bateau de pêche quelques heures après<br />

son premier essai. Le bateau qui le récupéra<br />

venait de pêcher un drôle de coquillage.


PARTICIPATION du NC Raymond CROZE<br />

à la pose du SEA.ME.WE 3.<br />

L<br />

e jeudi 26 mars 1998 en matinée le Croze<br />

appareillait de la SEYNE sur MER pour se<br />

rendre à ANTALYA au SW de la<br />

TURQUIE où il était prévu de charger en<br />

deux fois la première partie du segment S6 (Suez-<br />

Djeddah-Djibouti) de la liaison SMW 3. Pour le<br />

transit, le navire était sur lest, équipage allégé lui<br />

aussi, donc sans "Mission".<br />

Quant à moi, j’accomplissais un embarquement de<br />

trois mois pour cause d’indisponibilité d’un de mes<br />

collègues.<br />

Voyage classique sans surprises, agrémenté par le<br />

passage <strong>des</strong> Bouches de Bonifacio, <strong>des</strong> îles Lipari<br />

et du Détroit de Messine, où la navigation n’était<br />

pas encore très réglementée comme actuellement.<br />

Le 29, le sud de la Grèce et l’île de Santorin<br />

doublées, le temps commence à se dégrader avec<br />

une houle de NW engendrée par le "Meltem" un<br />

fameux vent soufflant de la Mer Egée. La tempête<br />

atteindra force 9 dans les parages du cap Prassos au<br />

sud de l’île de Rho<strong>des</strong>. Puis le 30 c’est la côte<br />

turque qui apparaît sur bâbord. A 8h le navire se<br />

présente devant le Port d’Antalaya et, alors que le<br />

vent encore virulent nous envoie <strong>des</strong> rafales de 7/8<br />

Beaufort, il nous est demandé d’attendre les<br />

instructions <strong>des</strong> autorités portuaires.<br />

Ce contretemps nous permettra d’approcher <strong>des</strong><br />

casca<strong>des</strong> de Düden qui de plus de 40 m se jettent<br />

dans la Méditerranée ! Enfin à midi passé, le pilote<br />

monte à bord et nous accoste bâbord à quai, l’étrave<br />

du Croze à quelques petits mètres (3 environ) de<br />

l’étrave du PIETERSGRACHT , un vraquier dont<br />

les cales ont été aménagées en cuves ajourées.<br />

Durant 9 jours ce dernier va nous régurgiter sur<br />

deux lignes ses 1933 tonnes de câble chargé aux<br />

USA, soit environ 750 km.<br />

Au cours de cette longue escale, mes heures de<br />

loisir seront toujours bien employées, car bien que<br />

le port marchand se situe à 15 km du centre ville,<br />

pour un féru d’Empire Ottoman comme je le suis,<br />

la "Capitale de la Turquie du Sud Ouest" est pleine<br />

d’attraits. On peut à pied la rejoindre en longeant<br />

sur 5 km la belle plage Konyaalti, ou bien, pour<br />

plus de couleur locale, se tasser dans un minibus<br />

brinquebalant surchargé de passagers l’inévitable "<br />

domus".<br />

C’est alors le moment de découvrir le célèbre<br />

« Yivli minare » (minaret à cannelures) construit à<br />

l’époque Seljoukide, qui domine Kaleiçi la ville<br />

Ottomane aux rues tortueuses avec ses maisons de<br />

bois aux balcons proéminents, puis sont vieux port<br />

encombré de bateaux de pêche et de « goletta » très<br />

Par Francis LAGRIPPE.<br />

prisées par les touristes ; sans oublier le bazar et la<br />

porte romaine dite d’Hadrien.<br />

D’ailleurs, entre autres, les sites antiques de<br />

« Pergé » et « Aspendos » se trouvent à quelques<br />

dizaines de km à la ronde, avec en toile de fond la<br />

masse imposante de la chaîne du Taurus, enneigé à<br />

cette époque. Quelques voitures et plusieurs<br />

scooters seront loués par les marins et certains<br />

aurons même l’occasion de pratiquer le ski ! J’ai<br />

encore le souvenir du premier soir ou, accoudé au<br />

bastingage j’ai vu partir trois membres de<br />

l’équipage, à califourchon sur une vespa, et qui<br />

sans doute voulaient visiter le fameux « Hammam »<br />

ou bain turc, avant sa fermeture !<br />

Le 7 avril en matinée nous quittons la Turquie, 72<br />

personnes à bord avec pour chef de mission C<br />

Vergy; cap pratiquement au sud pour atteindre le<br />

lendemain matin Port Saïd.<br />

Le 8 avant midi le pilote nous embosse à Port<br />

Fouad, il m’a auparavant montré, terrassée sur un<br />

quai encombré de grues rouillées, la statue de<br />

Ferdinand de Lesseps, qui d’après lui, doit bientôt,<br />

suite à réhabilitation, être érigée a nouveau et trôner<br />

à l’entrée du canal.<br />

Puis, comme à l’accoutumé avec les différentes<br />

autorités, montent à bord une multitude de<br />

"marchands de tapis", qui après m’avoir présenté<br />

leur recommandations et certificats farcis de<br />

multiples cachets, acquis sur <strong>des</strong> navires français<br />

précédents, s’installent dans une coursive<br />

extérieure, et proposent bruyamment tout un fatra<br />

de bibelots, cartes postales, papyrus, tapis de prière<br />

avec boussole incorporée et autre souvenirs<br />

égyptiens"made in Taïwan".<br />

La surface de pont étant restreinte, ça se chamaille<br />

dur pour un peu d’espace et une sorte de "chef


placier gardien" a beaucoup de mal à faire régner<br />

un semblant d’ordre.<br />

Il y a aussi le coiffeur ambulant qui de plus collecte<br />

le courrier <strong>des</strong> rares marins qui tentent de poster<br />

quelques vues de la ville à peine entrevue.<br />

Le représentant de l’agence, à l’issue <strong>des</strong> formalités<br />

d’escale me remet le petit cadeau habituel, à savoir<br />

une jolie boite de loukoums confectionnés en<br />

Turquie. Mais il n’oublie pas de me demander 5<br />

cartouches de "Marlboro", cadeau qu’il doit soit<br />

disant redistribuer à une myriade d’employés, afin<br />

que notre passage du canal se fasse dans les<br />

meilleures conditions possible.<br />

Ce sera là le début de la longue série de<br />

distributions, car chacun réclame son du,<br />

remorqueur, lamaneurs, et aussi canotiers et<br />

électricien projecteur embarqués pour la traversée,<br />

sans oublier les pilotes qui ont parfois <strong>des</strong><br />

deman<strong>des</strong> saugrenues : parfums, savons, et même<br />

camembert"made in France". Sur les navires<br />

occidentaux, il est bon de prévoir un demi carton de<br />

cigarettes "bakchich" pour un transit canal. Mais à<br />

ma connaissance, les navires sous pavillons <strong>des</strong><br />

pays de l’est ou du tiers monde ne donnent rien, on<br />

le comprend aisément.<br />

Enfin le 9 à 4h du matin nous levons l’ancre pour<br />

prendre la tête du 1 er convoi <strong>des</strong>cendant vers la Mer<br />

Rouge, il faut croire que le bakchich ça paye.<br />

Défilent alors les stations canal aux noms<br />

évocateurs : 6h "El Quantara", 8h30 "Ismailia" ou<br />

nous changeons de pilote avec quelques cartouches<br />

à la clef. Sur la berge Est du canal, un immense<br />

monument de béton en forme de Kalachnikof avec<br />

sa baïonnette pointée vers le ciel, érigé à la gloire<br />

<strong>des</strong> "Vaillants Héros" de la guerre <strong>des</strong> six jours,<br />

mais aussi par endroit, <strong>des</strong> carcasses de chars, de<br />

camions ou blindés, ensablés et rouillés, autres<br />

vestiges de cette guerre éclair.<br />

10h25, nous mouillons dans le Grand Lac Amer, et<br />

ce jusqu'à midi, pour laisser passer le convoi<br />

remontant vers le Nord. C’est là que l’on peut voire<br />

ce que j’appelle les "Vrais Vaisseaux du Désert" :<br />

De gros pétroliers et minéraliers ou porte<br />

conteneurs qui semblent dans le lointain, progresser<br />

lentement, leur étrave fendant le sable. La chaleur<br />

aidant, (la température extérieure frisant à cette<br />

époque de l’année les 35°), le phénomène de<br />

mirage en est encore accru.<br />

A 15h40 c’est Suez, débarquement <strong>des</strong> canotiers et<br />

électricien, changement de pilote contre quelques<br />

cartouches à l’un et à l’autre, cet ultime spécialiste<br />

nous emmènera au mouillage de Ras Adabya dans<br />

le fond du golfe de Suez ou nous attendrons jusqu'à<br />

1h30.<br />

le 10, arrivée de trois techniciens et observateur<br />

Américains de la société Tyco<br />

A 9h30 le Croze est sur sa zone de travaux et à midi<br />

après récupération de la queue dragable et passage<br />

Av/Ar, l’extrémité du câble est à bord ( à l’autre<br />

bout, à plusieurs milles l’atterrissement, puis la<br />

section S7, partie terrestre de la liaison entre Suez à<br />

Alexandrie). Pour les lecteurs non avertis en<br />

matière de liaison sous marine et qui se poseraient<br />

la question, je précise qu’il est bien évident que<br />

pour traverser l’isthme de Suez, il était<br />

inconcevable pour le câble d’empreinter le canal.<br />

D’ailleurs souvenons nous de l’expérience du<br />

"Bosphore" qui pourtant n’est pas vraiment<br />

comparable à un canal.<br />

Après 24h de station pour mesures et épissure, soit<br />

le 11 à12h36, le Croze part en pose à 2nds avec mer<br />

calme et vent nul, ce qui est très appréciable, car<br />

entre 14h30 et 16h40 nous allons faire plusieurs<br />

arrêts/stations pour pose d’"Uraducts".(Les<br />

Uraducts sont <strong>des</strong> protections en deux parties, de<br />

2m de long, en matière synthétique de couleur<br />

orange qui sont fixées sur le câble à l’aide de 2<br />

ban<strong>des</strong> Inox , afin d’éviter d’endommager par<br />

ragage, le câble et les nombreux "Pipe Lines"<br />

(oléoducs et gazoducs) qui tapissent le fond de la<br />

Mer Rouge et que nous croisons dans ces parages).<br />

D’ailleurs dans la soirée nous côtoyons le champ<br />

pétrolier de Ras Shukheir et là ce sont les torchères<br />

<strong>des</strong> plates formes à foison qui nous servent de<br />

repères.<br />

Le dimanche 12 en matinée nous posons le dernier<br />

Uraduct qui théoriquement viendra délicatement<br />

couvrir le pipe <strong>N°</strong> 23. Le premier répéteur partira<br />

en début d’après-midi et se couchera sur le fond<br />

après une <strong>des</strong>cente de 80m.<br />

Le 13 tôt le matin nous changeons de cuve, de la II<br />

à la I et c’est aussi la transition du câble "armure<br />

légère" à "Fish Bite"( "Fish Bite" est une<br />

appellation en Anglais qui veut dire que le câble est<br />

conçu pour être protégé contre les morsures de


poissons). Si je ne me trompe, une dizaine d’années<br />

auparavant le Croze avait remonté un câble de<br />

grand fond près <strong>des</strong> Iles Canaries, dont un défaut<br />

avait été provoqué par la morsure d’un requin ou<br />

gros poisson dont quelques dents étaient restées<br />

plantées dans le câble. Des chercheurs d’IFREMER<br />

notamment, s’étaient penchés sur la question, mais<br />

je crois qu’il n’y avait pas eu d’explications<br />

précises à cet attrait qu’exerçait le câble sur les<br />

monstres <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> profondeurs ?<br />

Jusqu’au 15 la pose va se poursuivre dans<br />

d’excellentes conditions météorologiques, par<br />

fonds moyens de 1000 m et les répéteurs vont se<br />

succéder a un rythme variant de 6 à 12h, fonction<br />

de la vitesse de pose qui varie de 2 à 6 noeuds<br />

maximum. Ce même jour en soirée la première<br />

partie de ce segment est terminée et après avoir<br />

largué la queue dragable par 24° Nord, c’est à dire<br />

un peu au <strong>des</strong>sus du Tropique du Cancer, nous<br />

faisons route sur SUEZ, ou nous serons le 17 avant<br />

2h du matin. Durant la nuit nous débarquerons 9<br />

personnes, officiers, équipage et mission qui, étant<br />

nécessaires pour la pose, ne le sont plus pour le<br />

transit. La traversée du canal en sens inverse se fera<br />

avec une visibilité réduite due au vent de sable de<br />

force 7, qui souffle du Sud, ce qui n’empêchera pas<br />

certains pilotes de s’absenter quelques instants de la<br />

passerelle, mais aux heures réglementaires pour<br />

accomplir leur devoir religieux. Et les différentes<br />

autorités de réclamer leur Du.<br />

Entrés à 10h dans le canal, nous sommes libres à<br />

20h 15 et livrés à nous mêmes dans l’étroit chenal<br />

de l’est qui permet de gagner la haute mer. Je suis<br />

contraint de prendre une forte dérive et de forcer<br />

l’allure pour contrer le vent de WNW, toujours<br />

force 7, qui nous attaque par bâbord et fait gîter le<br />

navire lège aux hautes superstructures, comme un<br />

vulgaire voilier. Une heure plus tard nous voguons<br />

à nouveau sur la « Mare nostrum » cap quasiment<br />

au nord sur Antalya ou nous attend la deuxième<br />

section du câble. Après une traversée marquée par<br />

quelques petits ennuis moteurs, nous atteindrons la<br />

rade de la ville la plus touristique de Turquie, le<br />

dimanche 19 et nous y mouillerons en attente<br />

d’instructions. La nuit sera agitée, comme la mer et<br />

à 4h du matin le fort vent de NW force 7 fera<br />

chasser l’ancre et je serai obligé d’aller faire <strong>des</strong><br />

"Ronds dans l’eau" jusqu'à 16h30 le 20, moment où<br />

les autorités daigneront nous accoster au quai<br />

« Umaniyuk » normalement réservé aux paquebots<br />

qui viennent y déverser leur chargement de<br />

touristes. Il faut préciser que Le « Pietersgratch »<br />

n’est pas encore arrivé <strong>des</strong> USA où il devait<br />

prendre la 2 ième partie du câble ! Notre « freighter »<br />

est enfin là le 24 en matinée et en début d’aprèsmidi<br />

nous déhalons pour accoster Tribord de l’autre<br />

côté du port, mais la portion de quai qui nous est<br />

allouée est un peu trop courte, nous avons beau<br />

approcher notre étrave à 1,50m de celle du Pieters,<br />

l’arrière du Croze déborde de 35m de l’angle du<br />

quai. Qu’importe, nous ferons avec les moyens du<br />

bord, il faut que le transfert commence.<br />

Le Dimanche 26 avril, en plein milieu du repas, le<br />

commandant du Pieters me fait savoir qu’il faut<br />

immédiatement que le Croze cule d’au moins 10m<br />

car la forte houle qui pénètre dans le port le fait<br />

talonner assez violemment de l’étambot, car lui<br />

aussi a du se contenter de l’autre bout du quai ou il<br />

est bien accosté mais où la profondeur manque. Je<br />

mets rapidement l’équipage au poste de manoeuvre<br />

et nous nous exécutons promptement car le Cdt du<br />

Pieters menace de couper les deux lignes de câble<br />

pour pouvoir appareiller ! Enfin à 14h45 la<br />

manoeuvre est terminée mais le Croze à maintenant<br />

son arrière qui déborde de 45m du quai et toutes<br />

nos aussières arrière sont en garde. Entre temps j’ai<br />

fait louer (à prix fort et en dollars) un petit ponton<br />

que j’ai repéré et sur lequel on peut poser l’échelle<br />

de coupée, ce qui sera toujours mieux que la<br />

grossière échelle verticale de bois brut,<br />

confectionnée à la hâte pour la circonstance, et que<br />

nous propose l’agence.<br />

Dans la soirée alors que j’avais gagné le centre ville<br />

et que j’étais en train de téléphoner en métropole,<br />

d’un box public situé place Mustapha Kemal<br />

« Atatürk » « Père de la Turquie » (place principale<br />

de toute ville d’importance) j’ai assiste, médusé, à<br />

la cérémonie <strong>des</strong> couleurs, qui comme partout dans<br />

le monde, se déroule au coucher du soleil ! J’avais<br />

bien vu arriver une fanfare d’une dizaine de<br />

cuivres, vêtus de noir et rouge et aussi un escadron<br />

de militaires en armes et tenue kaki, mais lorsque le<br />

clairon a sonné, toute vie s’est brusquement arrêtée,<br />

tout piéton, touriste ou pas, au garde à vous, je<br />

n’osais plus souffler mot dans le combiné ! A<br />

comparer avec le fait que lorsque le muezzin<br />

appelle à la prière 5 fois par jour, personne ne<br />

semble s’en soucier.<br />

Le 30 avril nous déhalons une fois encore, mais<br />

pour permettre au freighter d’appareiller, car le<br />

transfert est terminé. Par contre pour nous ça ne<br />

l’est pas. Nous devons encore charger du câble de


éserve venu de France sur trois camions et <strong>des</strong>tiné<br />

à la réparation de la liaison « Turmeos » dans les<br />

eaux turques au nord de la mer Egée. Dans la soirée<br />

c’est chose faite et c’est à notre tour d’appareiller,<br />

avec 1845 T de câble cette fois, mais nous allons<br />

rester en station DP (Positionnement Dynamique)<br />

devant Antalaya pour saisissage du matériel sur le<br />

pont, cela jusqu'à 2h du matin le 1 er Mai qui, on<br />

peut le dire, ne sera pas chômé. Puis route à l’ouest<br />

avant de louvoyer entre les îles grecques et turques<br />

.Le 2 en matinée, mouillage devant le petit port<br />

touristique de Cesmé pour embarquement de deux<br />

observateurs de Türk Telecom en fin d’après-midi,<br />

arrivée sur zone de travaux à 15 miles dans l’ouest<br />

<strong>des</strong> Dardanelles.<br />

La réparation qui semblait aisée au début, avec un<br />

joint unique, va se compliquer par la suite sur sa<br />

2 ième partie, non seulement à cause <strong>des</strong> conditions<br />

météo qui vont se dégrader, avec un vent de sud<br />

force 8, mais aussi à cause <strong>des</strong> méchantes bulles<br />

dans le moulage, qui vont obliger les jointeurs à<br />

refaire la BJ (Boite de Jonction) initiale. Enfin le 8<br />

Mai en matinée (toujours pas chômé) la liaison<br />

étant rétablie, les Stambouliotes et leurs amis<br />

d’Izmir vont pouvoir converser à nouveau. Ce<br />

même jour en fin d’après-midi retour à Cesmé pour<br />

formalités et débarquement de nos deux<br />

observateurs. Puis route entre les îles, allure maxi<br />

sur 3 diesels, car la Mer Rouge nous appelle.<br />

Le Dimanche 10 mai à 10h20 nous sommes<br />

amarrés sur coffres à Port Saïd et le 11 à 3h30 du<br />

matin nous prenons la tête du convoi vers le sud : le<br />

bakchich a encore marché. Pour le transit canal<br />

RAS, nous commençons à être <strong>des</strong> habitués du lieu.<br />

Après Suez à la sortie du canal, nous débarquerons<br />

trois personnes dont un blessé, puis au mouillage il<br />

faudra souter 100 m3 de Diesel oil sur barge,<br />

embarquer 3 observateurs US et procéder à une<br />

incontournable relève de l’équipage, ce qui nous<br />

fera appareiller le 12 à 1h du matin.<br />

Le 13 en matinée le Croze est sur zone et nous<br />

retrouvons à la première drague, le câble qui nous<br />

attendait avec impatience. Après passage<br />

avant/arrière, mesures et BJ épissure Initiale, nous<br />

partons en pose le 14 à 18h30. Les conditions sont<br />

bonnes et nous atteignons rapidement notre vitesse<br />

de « croisière » de pose, à savoir 6nds (10,8 km/h)<br />

succession <strong>des</strong> répéteurs et deux courts arrêts pour<br />

atténuation de quelques estafila<strong>des</strong> faites à la gaine<br />

câble au passage de la machine à câble.<br />

Le 16 à 15h20, après une belle manoeuvre de<br />

passage AR/Av puis mise de l’extrémité sur bouée<br />

câble, le navire « libre » fait route sur Djedda qui se<br />

trouve à une heure de route à l’est . Dans les<br />

« Documents Nautiques » l’appellation officielle de<br />

ce port est : Port Islamique de Djedda ; à ma<br />

connaissance ce doit être le seul port de ce type<br />

dans le monde, mais c’est aussi le port qui <strong>des</strong>sert<br />

La Mecque et par lequel transitent annuellement les<br />

millions de pèlerins qui s’y rende par les voies<br />

maritimes. Ayant déjà fréquenté cet endroit par le<br />

passé et en connaissant les usages, je fais prendre<br />

avant notre arrivée au mouillage, toutes les mesures<br />

nécessaires pour ne pas « offenser » les autorités<br />

qui en fait se résumeront à une seule personne, un<br />

militaire, sous-officier en uniforme qui en moins<br />

d’un quart d’heure bâclera toutes les formalités;<br />

j’en suis agréablement surpris. Ou les temps ont<br />

changé, ou est-ce fait que nous soyons au mouillage<br />

extérieur, ou bien est-ce parce que nous allons<br />

apporter la « Lumière » au royaume d’Arabie ? Je<br />

me pose encore la question. L’attente <strong>des</strong><br />

autorisations de travail va durer plus de deux jours<br />

alors que la météo est favorable, mais le Dimanche<br />

et le lundi seront mis à profit pour faire <strong>des</strong> vivres<br />

frais et envoyer quelques souffrants en<br />

consultation. Le 19 à 8h c’est le top du départ et à<br />

9h20 le Croze est en station prêt à lancer<br />

l’atterrissement. Une vedette nous a préalablement<br />

accosté et ont embarqué deux officiers <strong>des</strong> services<br />

spéciaux de la marine saoudienne, ceux-ci, barbus,<br />

ne sont pas en uniforme mais portent la djellaba<br />

immaculée et le cheikh au serre tête noir. Il faut<br />

dire qu’une opération particulière nous attend, et ce<br />

pour différentes raisons. Notre position se situe à<br />

quelques encablures de la barrière de corail qui<br />

affleure la surface et ou vient se briser la houle;<br />

derrière la barrière un étroit lagon et une étroite<br />

plage, puis un haut mur d‘enceinte. Et derrière ce<br />

mur ? Le palais « d’été » du Roi Fahd lui même,<br />

lorsqu’il séjourne à Djedda D’ailleurs sur la<br />

gauche, le port privé du Roi, ou sont amarrés cinq<br />

énormes yachts, de vrais petits paquebots et tous, je<br />

vous l’affirme, au moins aussi gros que le Croze.<br />

Sur la plage et en zodiac, une équipe de quelques<br />

Britanniques spécialistes <strong>des</strong> atterrissements mais<br />

qui, vu la situation, feront appel au renfort de nos<br />

marins, surtout pour le tirage du câble dans l’étroit<br />

et houleux passage pratiqué dans le corail. En début<br />

d’après-midi l’extrémité est quand même passée<br />

sous le mur, prête à être raccordée à celle qui vient<br />

du palais ! Mais là je n’en sais pas plus ! Toujours<br />

est-il qu’avant 15h nous partirons en pose à 0,5nds,<br />

puis, malgré la présence de nos deux « barbus » qui<br />

ont troqué la djellaba contre le « jean » et la<br />

casquette américaine, nous ferons patiemment un<br />

arrêt de plusieurs heures dans les eaux territoriales,<br />

à attendre la nécessaire « clearance » Enfin peu<br />

avant minuit nouveau départ, et le 20 avant midi,<br />

est relevée la bouée laissée quatre jours auparavant.<br />

Puis ce sera pour moi non une première, mais une<br />

seconde opération peu courante à l’époque sur le<br />

Croze, à savoir, l’intégration d’une BU (boite de<br />

dérivation de la taille d’un répéteur, dans laquelle<br />

entre un câble d’un côté, et en sortent deux de<br />

l’autre) Je passe sur les problèmes qu’ont du<br />

résoudre le bosco et son équipe, pour amener et<br />

installer l’engin de plus d’une tonne, sur l’arrière


du navire, ainsi que pour disposer les boucles sur<br />

l’avant pour le double jointage <strong>des</strong> deux câbles<br />

sortant de cet engin, un vrai labyrinthe sachant qu’il<br />

faut ensuite faire un passage AV/AR sur ces deux<br />

brins pour pouvoir alors partir en pose. Pour nous<br />

ce sera chose faite le 22 à 8h, et il était temps, car la<br />

mer commence à s’agiter, ce qui n’est jamais<br />

apprécié dans ces circonstances. Le temps va<br />

ensuite redevenir maniable jusqu'à la fin de pose le<br />

25 à 2h du matin; et le 27 en soirée, après passage<br />

AR/AV, mise sur bouée, rupture de la touée, drague<br />

côté Djibouti (préalablement posé par le NC<br />

Fresnel), bouée, 3 dragues côté Djedda,<br />

réalignement du câble, BJ initiale, prise de la bouée<br />

côté Djibouti et BJ finale, (la routine quoi ! ) un<br />

equaliser et la boucle de la finale, qui porte<br />

réellement bien son nom dans ce cas, sont largués<br />

sur le fond à 640m, avec le concours d’un « croc à<br />

déclenchement » qui fonctionne parfaitement, les<br />

excellentes conditions météo aidant . Le segment<br />

S6 est maintenant terminé et nous allons une fois<br />

encore faire route sur Suez que nous atteindrons<br />

dans la nuit du 29 au 30, nous y débarquerons les<br />

deux observateurs saoudiens et les trois<br />

Américains. Après l’ultime transit du canal, nous<br />

aurons droit simultanément à 3 pilotes, dont un<br />

« Chef Pilote » pour aller s’embosser à Port<br />

Saïd (mouillage <strong>des</strong> 2 ancres et aussières sur ducs<br />

d’Albe à l’arrière ; je préfère penser qu’il s’agissait<br />

du contrôle d’un élève pour cette manoeuvre en<br />

espace restreint ! Nous sommes à quelques jours de<br />

La Seyne, mais la Sacro-sainte « Relève de<br />

l’équipage » a été réclamée à corps et à cris, elle<br />

aura donc lieu ici même ! Je me souviens que le<br />

dimanche 31 vers minuit et demi, un maître d’hôtel<br />

embarquant manquait à l’appel, il avait été volé<br />

dans le train de nuit qui l’amenait à Marseille où il<br />

s’était retrouvé sans papiers, sans bagages et sans<br />

chaussures sur le quai de la gare St Charles. J’ai<br />

appris par la suite que les débarquant, partis un<br />

quart d’heure plus tard avaient eux, fait en vieux<br />

bus un sacré périple dans le désert, avant de gagner<br />

très tôt le matin, un hôtel pas très touristique, et<br />

qu’ils avaient attendu un ou deux jours « très<br />

chauds » l’avion qui les ramèneraient en France ; je<br />

suis persuadé qu’ils en gardent un souvenir<br />

inoubliable ! En Méditerranée nous avons beau<br />

temps et le moral <strong>des</strong> troupes est au beau fixe, nous<br />

allons dans le bon sens ! Sud de la Crète, sud de<br />

l’Italie, mais le 2 juin à 18h le navire est stoppé et<br />

se mets en station DP : Nous avons rendez-vous<br />

avec le Fresnel qui lui va vers l’est ; lorsqu’il est en<br />

station DP lui aussi à 150m, avec bonnes conditions<br />

de temps, nous lui transférons en embarcation <strong>des</strong><br />

kits de jointage, puis directement quelques Km de<br />

queue dragable, cela nous amènera quand même<br />

jusqu'à minuit. Messine sera franchi le 3 à 3h 30 du<br />

matin et Bonifacio le 4 à 3h du matin, dommage<br />

pour le coup d’œil, mais le Port d’attache nous<br />

attend et nous y serons de retour ce même jour en<br />

fin d’après-midi, parés pour de<br />

nouvelles.................. « Opérations <strong>Câbles</strong> »<br />

Francis LAGRIPPE


RAPPORT D’A MILLERAND SUR LES CABLES SOUS MARINS EN 1900<br />

L<br />

'attention du Parlement, aussi bien que celle<br />

du Gouvernement, s'est portée à maintes<br />

reprises sur l'insuffisance de notre réseau<br />

télégraphique sous marins et sur les<br />

inconvénients si nombreux qui résultent pour nous<br />

de l'emprunt obligé et presque exclusif <strong>des</strong> lignes<br />

étrangères. Personne n'a nié le péril de cette<br />

situation, dont <strong>des</strong> exemples nombreux et récents<br />

suffiraient à prouver la gravité.<br />

Mais si le câble est devenu aujourd'hui un<br />

élément important de défense, il n'a pas cessé<br />

d'être un instrument d'influence politique et un<br />

auxiliaire précieux du commerce. C'est surtout à<br />

ce point de vue que nous devons, pour notre part<br />

l'envisager, Le gouvernement Anglais l'a<br />

merveilleusement compris, Il a favorisé de tout<br />

son pouvoir l'organisation et le développement du<br />

vaste réseau dont l'univers est tributaire et qui, en<br />

rattachant à la métropole toutes les colonies<br />

Britanniques "en enserrant presque toutes les<br />

mers du globe, a fait de Londres le grand centre<br />

d'information du monde et a contribué au<br />

développement de la richesse du Royaume-Uni.<br />

Il serait certes téméraire de songer aujourd'hui il<br />

supplanter nos voisins et même à les égaler,<br />

Toutefois, sans concevoir un programme qui<br />

dépasserait le but auquel nous pouvons tendre<br />

raisonnablement aujourd'hui, ne peut-on se<br />

demander s'il n'y n pas un effort à faire ou à<br />

renouveler et si la possession d'un domaine<br />

colonial ne nous y oblige pas. Le Parlement a été<br />

de cet avis puisqu'il a donne son approbation à un<br />

projet qui avait pour but de mettre notre pays en<br />

communication avec les Etats-Unis d'Amérique et<br />

de là avec nos possessions de la mer <strong>des</strong> An tilles.<br />

Il a fait aussi un sacrifice financier pour rattacher au<br />

réseau Anglais notre colonie de la Nouvelle-<br />

Calédonie et, sous la pression <strong>des</strong> événements<br />

militaires qui se sont déroulés à Madagascar, il a<br />

admis l'établissement d'une ligne entre Majunga et<br />

Mozambique. Mais pour assurer dans <strong>des</strong><br />

conditions satisfaisantes <strong>des</strong> communications<br />

télégraphiques entre la métropole et les colonies,<br />

Françaises de l'Afrique occidentale, de l'Océan<br />

Indien et de l'Indochine, d'autres sacrifices<br />

importants sont encore nécessaires, Les colonies<br />

de la côte occidentale d'Afrique ( Sénégal, Guinée,<br />

Côte d'Ivoire, Dahomey et Congo) ne sont<br />

actuellement <strong>des</strong>servies que par les câbles partant<br />

de Cadix et dont les atterrissements principaux<br />

sont : Ténériffe, Saint-Louis, Balhurst, Conakry,<br />

Grand-Bassam, Accra, Kotonou, Librevi1le, Il y a<br />

intérêt à constituer une nouvelle communication<br />

sous-marine entre la métropole et le sènégal en<br />

utilisant les câbles existant entre Marseille et Oran<br />

et entre Ténériffe et Saint-Louis, et a compléter et a<br />

améliorer, les lignes terrestres qui de Saint-Louis<br />

vont a travers le Soudan rejoindre les<br />

établissements du golfe de Guinée et du golfe de<br />

Bénin.<br />

L'île de Madagascar n'est reliée au réseau, général<br />

que par le câble de Manjuga à Mozambique. Aucun<br />

<strong>des</strong> autres établissements français de l'Océan<br />

Indien n'est actuellement en communication avec<br />

le réseau télégraphique. La jonction de la Réunion<br />

à Madagascar s'impose, et il est nécessaire de<br />

mettre les relations de la France à l'abri <strong>des</strong><br />

interruptions possibles du câble de Majunga et <strong>des</strong><br />

lignes <strong>Sous</strong>-marines de la côte orientale d'Afrique.<br />

Le Tonkin était relié au réseau sous-marin de la<br />

mer de Chine, qui va de Hong-Kong à<br />

Wladiwostock (point terminus <strong>des</strong> lignes de la<br />

Russie d'Asie), par un câble immergé entre<br />

Haïphong et Hong-Kong. Ce câble est interrompu<br />

depuis plus de trois ans et la compagnie<br />

concessionnaire (Eastern Extension Australasia<br />

and China, telegraph) a renoncé à le réparer en<br />

raison de la difficulté d'entretenir un câble en bon<br />

état dans les fonds tourmentés du détroit d'Haïnan.<br />

Il est indispensable remplacer ce câble, dont la<br />

concession touche d'ailleurs à sa fin par un autre<br />

immergé en dehors du détroit d'Haïnan et<br />

rejoignant, dans, les meilleures conditions<br />

possibles, les lignes sous-marines qui atterrissent<br />

à, Wladiwostock..


Mais, indépendamment <strong>des</strong> lignes dont la création,<br />

pour <strong>des</strong> motifs divers, est nécessaire ou<br />

seulement désirable entre la métropole et les<br />

colonies ou certains territoires étrangers,<br />

l'Administration a il faire face directement a<br />

certaines obligations qu'elle ne saurait éluder. Je<br />

veux parler de l'entretien <strong>des</strong> câbles appartenant à<br />

l'état français, dont beaucoup intéressent la<br />

défense de nos côtes.<br />

Ce réseau, d'abord limité aux conducteurs electlosemaphoriques<br />

établis en 1859 et 1860 pour relier<br />

les îles du littoral au continent s’est<br />

progressivement développé par la pose de câbles<br />

entre la France, l'Algérie et la Tunisie, entre la<br />

France et la Corse, la Sardaigne et l'Italie. La<br />

solution qui s'impose immédiatement et<br />

impérieusement pour prévenir <strong>des</strong> déconvenues<br />

graves consiste à faire passer la Charente dans 1'<br />

Océan et à remplacer l'Ampère, hors de service,<br />

par un navire d'un tonnage d'environ 3.000 tonnes<br />

pourvu de toutes les installations modernes. C'est<br />

le seul moyen de faire face aux besoins actuels et<br />

aux nécessités éventuelles de la défense<br />

nationale.<br />

De plus, l'Etat Français a racheté à frais communs<br />

avec la Grande-Bretagne les câbles francoanglais<br />

et le câble de Piron à Jersey, dont la<br />

compagnie Submarine Telegraph avait la<br />

propriété. L'entretien de ces câbles a d'abord été<br />

confié il l'office anglais, à qui la moitié <strong>des</strong> frais de<br />

réparation était remboursée; mais, en 1895; les<br />

câbles en question, qu i sont la propriété<br />

commune de la France et de l'Angleterre, ont été<br />

divisés en deux lots, et l'Administration française a<br />

dû prendre il sa charge l'entretien de l'un d'eux.<br />

Comme moyens d'action, le service chargé de<br />

l'entretien de ce réseau, qui s'étend sans cesse,<br />

disposait jusqu'à ces derniers temps de deux<br />

navires : l'Ampère et la Charente. L'Ampère,<br />

ancien Dix-Decembre, était un navire charbonnier<br />

déjà fatigué par un long service à la mer lorsqu'il a<br />

été acheté, en 1863, à Glasgow pour servir à la<br />

réparation <strong>des</strong> câbles de l'Océan. La Charente,<br />

ancien aviso transport de la marine de guerre, a<br />

été aménagé, en 1873, pour l'entretien de nos<br />

lignes sous-marines et affecté au service de la<br />

Méditerranée.<br />

Le premier, n'offrant plus, en raison de .sa vétusté,<br />

aucune sécurité pour la navigation, à dû être<br />

définitivement désarmé à la suite de l'examen qu'a<br />

fait de son état une commission dans laquelle<br />

figuraient <strong>des</strong> représentants de la marine. Nous ne<br />

disposons donc plus aujourd'hui d'aucun navire<br />

pour maintenir en état les câbles côtiers de la<br />

Manche et de l'Océan et les câbles franco-anglais<br />

qui assurent nos relations si importantes avec les<br />

Iles Britanniques. La Charente elle-même ne<br />

répond plus aux besoins du service dans la<br />

Méditerranée, où le réseau a pris une si importante<br />

extension. Son tonnage est insuffisant; l'espace y<br />

fait défaut pour emmagasiner pendant les<br />

campagnes d'opération les réserves nécessaires<br />

de câbles neufs, et les sections de câbles retirées<br />

de la mer; l'équipage n'y est logé que difficilement<br />

et l'on ne peut y embarquer, les provisions de<br />

combustibles et de vivres frais qu'exige un séjour<br />

en mer de quelque durée.<br />

La solution qui s'impose immédiatement et<br />

impérieusement pour prévenir <strong>des</strong> déconvenues<br />

graves consiste a faire passer la Charente dans 1'<br />

Océan et à remplacer l'Ampère, hors de service,<br />

par un navire d'un tonnage d'environ 3,000 tonnes<br />

pourvu de toutes les installations modernes. C'est<br />

le seul moyen de faire face aux besoins actuels et<br />

aux nécessités éventuelles de la défense<br />

nationale. La dépense à prévoir de ce chef serait<br />

au minimum de 1725000 francs.


T<br />

out à fait<br />

paradoxalement,<br />

c’est un homme de<br />

lettres, VOLTAIRE,<br />

qui sera l’un <strong>des</strong><br />

premiers en France<br />

à comprendre le<br />

génie de Newton et<br />

à vulgariser la<br />

pensée scientifique<br />

la plus originale <strong>des</strong><br />

temps modernes.<br />

A la fin du XVIIeme siècle, la philosophie<br />

cartésienne domine encore les esprits. D’après<br />

celle-ci, le système héliocentrique est<br />

incontestable, et le monde est mû par <strong>des</strong> «<br />

tourbillons de matière subtile », qui entraînent les<br />

astres dans leur mouvement de rotation. Ce<br />

système inventé par Descartes est soutenu en<br />

particulier par Fontenelle dans ses « Entretiens<br />

sur la Pluralité du Monde », publié en 1686.<br />

C’est lors de son séjour à Londres en 1727-17<strong>28</strong><br />

que VOLTAIRE découvre Newton. Il est très<br />

impressionné par les funérailles grandioses du<br />

savant, dont il se met à fréquenter l’entourage,<br />

ainsi que la famille et s’intéresse à la vie et à<br />

l’œuvre de celui-ci. Certains prétendent que<br />

l’anecdote de la pomme viendrait de lui !<br />

Il a près de 40 ans quand il rentre en France. Il<br />

n’est pas mathématicien, mais avec l’aide de<br />

MAUPERTUIS, chaud partisan lui aussi de la<br />

théorie newtonienne, il prépare les « Lettres<br />

Philosophiques » qui seront publiées<br />

clan<strong>des</strong>tinement en 1733. Il y vante la société<br />

anglaise et y soutient les idées de Newton :<br />

Dans son livre, VOLTAIRE présente l’Angleterre<br />

de 1730, comme « la patrie idéale d’un<br />

philosophe, pays de liberté où les savants<br />

marchent en tête de la pensée scientifique.» Il y<br />

oppose les partisans de « l’Impulsion » chère à<br />

Descartes à ceux de « l’Attraction » sans faire<br />

mystère de ses préférences pour Newton au sujet<br />

de l’attraction, mais aussi de la forme aplatie de la<br />

terre aux pôles, et non pas en « forme de melon »<br />

et de la nature de la lumière qui nous vient du<br />

soleil, alors qu’elle « existe dans l’ai »pour les<br />

cartésiens. Il ironise sur la théorie cartésienne <strong>des</strong><br />

marées due à la répulsion de la lune et soutient<br />

au contraire celle de Newton selon laquelle ce<br />

phénomène est dû à son attraction. Cet ouvrage<br />

lui vaut un « volée de bois vert »de la part du<br />

parlement : « ouvrage scandaleux, contraire à la<br />

religion, aux bonnes meurs et au respect dû aux<br />

puissances !».<br />

VOLTAIRE, contraint de s’enfuir, va chercher<br />

refuge à Cirey, sur la frontière lorraine, chez la<br />

Marquise du Châtelet, férue de sciences, lui-<br />

Voltaire et Newton<br />

même étant peu doué pour cela. Toujours aidé de<br />

MAUPERTUIS, et de Madame du Châtelet il<br />

travaille sur l’œuvre de Newton et établit les<br />

bases de son futur ouvrage. (MAUPERTUIS dira<br />

qu’il avait deux élèves, l’une douée d’une grande<br />

compréhension, l’autre ignorant les<br />

mathématiques !)<br />

En 1737, MAUPERTUIS, aidé de CLAIRAU dirige<br />

une expédition en Laponie et constate, en<br />

mesurant la longueur du degré de méridien<br />

terrestre, l’aplatissement de la terre au pôle Nord.<br />

A la même époque une expédition conduite par<br />

LA CONDAMINE effectue une mission de même<br />

nature au Pérou. Celle ci durera 7 ans mais sera<br />

couronnée de succès en dépit d’énormes<br />

difficultés. Ces résultats confirment les mesure,<br />

effectuées à l’aide du pendule, de la gravité<br />

différente sous nos latitu<strong>des</strong> et au voisinage de<br />

l’équateur.<br />

A la même époque VOLTAIRE ne se sent plus en<br />

sécurité à Cirey et doit se réfugier aux Pays-Bas<br />

où il reprend l’offensive et fait publier les «<br />

Eléments de la Philosophie de Newton » qui<br />

ont un retentissement considérable. Il y met les<br />

idées de Newton à la portée de tous, bien que<br />

toujours récusées par la science officielle. En<br />

1738, la bataille semble gagnée la plupart <strong>des</strong><br />

scientifiques, dont BERNOULLI appuient<br />

l’ouvrage de VOLTAIRE, contre l’avis de quelques<br />

irréductibles du clan cartésien.<br />

Pour couronner le tout, en 1752, parait<br />

Micromégas, habitant de Sirius qui connaît<br />

merveilleusement les lois de la gravitation.<br />

Jean Gérin janvier 2004


1-LE CADRE HISTORIQUE ET POLITIQUE<br />

N<br />

EWTON est le scientifique le plus connu et<br />

probablement le plus important du 17eme siècle,<br />

celui qui va clore une série de découvertes inaugurée<br />

par COPERNIC, suivi de GALILEE puis de KEPLER,<br />

après une léthargie du monde scientifique de 18<br />

siècles qui suivit l’ère <strong>des</strong> grands génies de l’antiquité<br />

grecque. Pour certains il reste l’un <strong>des</strong> plus grand<br />

scientifique de tous les temps à égalité avec<br />

EINSTEIN 3 siècles plus tard, et ERATOSTHENE. 20<br />

siècles plus tôt.<br />

De condition mo<strong>des</strong>te, ses parents possédaient une<br />

petite propriété agricole à Woolsthorp dont sa mère<br />

souhaita en vain qu’il s’occupa à la mort de son père.<br />

Il était d’un caractère ombrageux, renfermé,<br />

suspicieux.<br />

Pour replacer NEWTON dans son cadre historique, on<br />

peut dire qu’il naquit en 1642, année de la mort de<br />

LOUIS XIII, alors que LOUIS XIV est âgé de 5 ans. Il<br />

mourut en 1727 à l’âge de 85 ans, 12 ans après<br />

LOUIS XIV.<br />

L’Angleterre connaît à la même époque une période<br />

de grands bouleversements politiques :<br />

NEWTON était enfant quand CROMWELL créa sa<br />

république puritaine en 1649, pour se comporter en<br />

véritable dictateur après avoir obtenu du parlement la<br />

tête du roi CHARLES 1 er . <strong>Sous</strong> le roi restauré<br />

CHARLES II, est promulguée la Charte de l’HABEAS<br />

CORPUS, déclaration <strong>des</strong> droits de l’homme avant<br />

l’heure, qui défend les droits <strong>des</strong> individus face au<br />

pouvoir royal.<br />

Mais NEWTON s’intéressa-t-il à tous ces tourbillons<br />

qui l’ont entouré ?<br />

2-LE MONDE DES SCIENCES<br />

1642 c’est la naissance de NEWTON, et c’est aussi la<br />

mort de GALILEE.<br />

DESCARTES est âgé de 46 ans, il mourra 4 ans plus<br />

tard.<br />

PASCAL en France, âgé de 20 ans, est au sommet de<br />

son œuvre scientifique. Il a déjà écrit un traité sur les<br />

Isaac NEWTON<br />

(1642-1727)<br />

coniques. Il fabrique la première machine à calculer, il<br />

entretint une correspondance avec FERMAT, à l’origine<br />

du calcul <strong>des</strong> probabilités. PASCAL meurt à 39 ans.<br />

PICARD né en 1620 Astronome-Géodésien mesure en<br />

1669 la longueur d’un arc de méridien de Paris.<br />

MAUPERTUIS né en 1698, mathématicien, dirigera une<br />

expédition en Laponie (1736/37) pour mesurer la<br />

longueur du degré du méridien terrestre et constater<br />

l’aplatissement de la terre au pôle. Il se fit accompagner<br />

de CLAIRAUT, brillant mathématicien.<br />

LA CONDAMINE né en 1701 dirigera avec succès une<br />

expédition ayant le même but au Pérou. Cette<br />

expédition dura 7 ans et rencontra d’énormes difficultés<br />

d’ordres politiques, relationnelles et techniques.<br />

KEPLER en Allemagne a déjà publié son œuvre<br />

ASTRONOMIA NOVA depuis 33 ans.<br />

De grands scientifiques ont été en concurrence avec<br />

NEWTON et il s’en faut de beaucoup pour pouvoir dire<br />

que leurs relations aient été <strong>des</strong> plus sereines :<br />

LEIBNITZ, savant allemand contemporain de<br />

NEWTON, né en 1646, est connu pour ses étu<strong>des</strong> en<br />

mathématiques, en particulier dans le domaine du<br />

calcul différentiel et intégral.<br />

HUYGENS, savant hollandais né en 1646, compose le<br />

premier traité sur le calcul <strong>des</strong> probabilités. Il découvre<br />

les anneaux de Saturne ainsi que son satellite Titan,<br />

grâce à un télescope de sa fabrication, qui d’ailleurs<br />

porte son nom. Il étudie le mouvement du pendule et<br />

découvre la relation entre sa longueur et sa période.<br />

Mais il est surtout célèbre pour ses travaux sur la<br />

lumière, la réflexion et la réfraction, les interférences<br />

lumineuses, et formula le premier la théorie ondulatoire.<br />

ROBERT HOOKE, mathématicien et physicien anglais,<br />

né en 1635, étudia l’élasticité <strong>des</strong> corps, mais aussi les<br />

phénomènes d’interférences de la lumière obtenus à<br />

partir <strong>des</strong> lames minces. Il suggéra comme HUYGENS<br />

la nature ondulatoire de celle-ci dans son ouvrage<br />

MICROGRAPHIA, et avança avant NEWTON<br />

l’hypothèse de l’attraction universelle, sans pour autant<br />

la démontrer.<br />

JOHN FLAMSTEED, Astronome anglais né en 1646<br />

premier astronome officiel de la couronne, organisa<br />

l’observatoire de Greenwich, et réalisa un catalogue<br />

d’étoiles.<br />

Malheureusement NEWTON entra en conflit avec tous<br />

ceux-ci, au cours de ses travaux ou lors de leur<br />

parution. (Notre siècle n’a rien inventé !)<br />

3-L’ŒUVRE DE NEWTON<br />

NEWTON arrive à l’université de CAMBRIDGE’ à l’age<br />

de 18 ans, Il y est reçu bachelier 5 années plus tard, ce<br />

qui correspond au plus haut grade d’étu<strong>des</strong>.<br />

En 1665, une épidémie de peste contraint l’Université à<br />

fermer ses portes. NEWTON doit retourner dans sa<br />

maison familiale à Woolsthorpe, dans un cadre<br />

1


campagnard, (entouré de pommiers, bien entendu),<br />

idèal pour favoriser sa pensée. Il y restera 2 ans,<br />

durant lesquels il compose ou au moins établit les<br />

bases de ses trois plus gran<strong>des</strong> découvertes :<br />

La méthode <strong>des</strong> flux.<br />

La théorie de la composition de la lumière.<br />

L’attraction universelle.<br />

Il semble que cette période productive fut suivie d’une<br />

période de retrait, au cours de laquelle il se consacra à<br />

ses recherches sur l’alchimie, recherches qu’il<br />

n’abandonna d’ailleurs jamais.<br />

LA METHODE DES FLUX:<br />

Dans cet ouvrage, il développe le calcul infinitésimal,<br />

le calcul <strong>des</strong> dérivées qui permet de déterminer<br />

l’équation de la tangente à une courbe, et le calcul<br />

intégral, en concurrence avec LEIBNITZ , qui permet<br />

de calculer les aires délimitées par <strong>des</strong> courbes. C’est<br />

ainsi que pour la première fois, il parvient à déterminer<br />

l’aire délimitée par un segment d’hyperbole. Il classifie<br />

les cubiques, étudie les asymptotes, les points de<br />

rebroussement…Par ailleurs il découvre le fameux<br />

Binôme de Newton qui permet de développer<br />

l’expression (a +b) n , quelle que soit la valeur de n.<br />

Toutefois, il ne publiera ses travaux qu’en 1711.<br />

L’OPTIQUE<br />

Fasciné par l’optique, il polissait très habilement <strong>des</strong><br />

lentilles dont il faisait <strong>des</strong> télescopes. Il en expliqua la<br />

théorie. (Galilée en avait lui aussi fabriqué un, qui lui<br />

avait permis de découvrir les 4 gros satellites de<br />

Jupiter mais l’explication qu’il avait donnée de son<br />

fonctionnement était <strong>des</strong> plus « farfelues »). Malgré<br />

toute son habileté, il constata que ceux-ci donnaient<br />

toujours <strong>des</strong> images floues sur les bords. Il venait de<br />

découvrir l’aberration chromatique <strong>des</strong> lentilles due à<br />

la décomposition de la lumière blanche en plusieurs<br />

couleurs : le spectre lumineux. Il en conclut qu’une<br />

lunette ordinaire ne permettrait jamais de d’obtenir une<br />

image de qualité. Il réalisa alors le premier télescope à<br />

miroir (51mm de diamètre) dans lequel la lumière ne<br />

subit aucune altération. Le télescope de Newton est<br />

l’ancêtre de tous les télescopes modernes, comme<br />

celui du Mont Palomar qui mesure 5 mètres de<br />

diamètre, encore que leur forme soit parabolique et<br />

non sphérique.<br />

Parallèlement, il étudia la décomposition de la lumière<br />

à travers le prisme, et donna une explication<br />

scientifique au phénomène de l’arc-en-ciel.<br />

A l’inverse, il montra que l’on pouvait reconstituer la<br />

lumière blanche en recomposant les différentes<br />

couleurs du spectre : c’est le fameux « Disque de<br />

Newton. »<br />

Les premiers résultats de ses étu<strong>des</strong> furent publiés en<br />

1672. Mais il attendit 1704 pour en publier l’intégralité<br />

dans son fameux OPTIKS, après la mort de HOOKE.<br />

Toutefois NEWTON s’en tint toujours au principe de la<br />

nature corpusculaire de la lumière et n’admit jamais<br />

son caractère ondulatoire qui permettait d’expliquer les<br />

phénomènes d’interférence, comme le soutenait et le<br />

démontra HUYGENS, auquel il s’opposa. NEWTON<br />

partait en effet du principe que pour se propager une<br />

onde avait besoin d’un support, un « éther », ce qu’il<br />

rejetait absolument. (DESCATES avait imaginé,<br />

presque un demi-siècle avant, que l’espace était rempli<br />

de « tourbillons de matière subtile » qui entraînaient les<br />

astres dans leurs mouvements, théorie à laquelle<br />

NEWTON s’opposait, qui lui en fit d’ailleurs détester<br />

l’auteur.) *<br />

PHILOSOPHIA NATURALIS PRINCIPIA<br />

MATHEMATICA<br />

Mais l’œuvre majeure de NEWTON qui contribua le<br />

plus à sa célébrité réside dans ses recherches en<br />

mécanique qui lui permirent de découvrir la gravitation<br />

mais qu’il ne présenta à l’Académie Royale qu’en 1687,<br />

après discussions avec EDMUND HALLEY : Celui ci<br />

cherche à comprendre pourquoi une loi d’attraction en<br />

1/d² conduit à <strong>des</strong> orbites elliptiques. Il s’agit d’un<br />

ouvrage d’un abord difficile, à la portée d’une poignée<br />

de savants seulement. Dans ce livre plus<br />

communément appelé NATURALIS, NEWTON établit<br />

les lois simples qui permettent de comprendre le<br />

fonctionnement de l’univers. Il définit les notions de<br />

masse et de force et énonce les lois de la dynamique :<br />

principe d’inertie et accélération dans les mouvements<br />

circulaires, proportionnalité entre force et accélération,<br />

loi de l’action et de la réaction, loi <strong>des</strong> chocs, force<br />

centripète qui s’oppose à la force centrifuge définie par<br />

HUYGENS. Ces notions permettent de décrire les<br />

mouvements <strong>des</strong> corps dans l’espace et sur la terre, la<br />

théorie <strong>des</strong> marées. NEWTON les applique aux lois de<br />

KEPLER sur le mouvement orbital <strong>des</strong> planètes et<br />

obtient la loi de la gravitation universelle. :<br />

« Les corps s’attirent avec une force<br />

proportionnelle au produit de leurs masses et à<br />

l’inverse du carré de leur distance. »<br />

Il aura à ce sujet de vives discussions avec ROBERT<br />

HOOKES qui l’accuse de lui avoir « volé » sa loi.<br />

La notoriété de NEWTON le conduira à la Chambre <strong>des</strong><br />

Communes où il brillera par son absence : la vie<br />

politique ne l’intéressait pas.<br />

En1692 s’ouvre pour lui une période noire : excès de<br />

travail, mort de sa mère, incendie de son laboratoire<br />

d’alchimie, crise de mysticisme, le conduisent à une<br />

dépression nerveuse et ses recherches scientifiques<br />

s’arrêtent là.<br />

Il est toutefois nommé aux fonctions de Directeur de la<br />

Monnaie Royale de Londres, fonction qui lui procurera<br />

un revenu appréciable. En 1703 il est élu président de<br />

la Royal Sociéty, titre qu’il conservera toute sa vie. Il<br />

publie un an après son ouvrage OPTIKS, après le<br />

décès de ROBERT HOOKES Mais il est affecté par <strong>des</strong><br />

problèmes de santé depuis plusieurs années déjà, et<br />

ses troubles mettent terme à sa créativité.<br />

NEWTON meurt en 1726.<br />

* On sait aujourd’hui que la nature de la lumière<br />

est ambivalente : corpusculaire (le photon) et /ou<br />

ondulatoire.<br />

Jean Gérin janvier 2004<br />

2


S<br />

ans que je puisse en préciser l’année, mon père,<br />

professeur de français, latin et surtout grec,<br />

avait reçu à déjeuner, à Paris, un monsieur russe qui se<br />

nommait Oulianov. C’était au début de ce siècle. Ce<br />

russe professait déjà <strong>des</strong> idées révolutionnaires et mon<br />

père était d’accord avec lui sur le principe mais pas sur<br />

les moyens d’y parvenir. Mon père souhaitait une<br />

évolution du prolétariat vers une prise de pouvoir par les<br />

classes laborieuses de la société. Selon mon père, il<br />

importait que tous reçoivent une instruction suffisante<br />

pour pouvoir gérer leur <strong>des</strong>tin eux-mêmes et ne plus être<br />

gouvernés par une élite capitaliste qui n’avait d’autre<br />

souci que celui d’exploiter les travailleurs. A cette fin il<br />

avait créé une Université Populaire où les plus éminents<br />

professeurs faisaient de la vulgarisation <strong>des</strong><br />

connaissances humaines en se mettant au niveau d’un<br />

très large public. Par ailleurs, pour venir en aide aux<br />

plus démunis, il avait fondé une coopérative où les<br />

denrées étaient moins chères qu’ailleurs.<br />

Son interlocuteur qui fut plus connu sous le nom de<br />

Lénine, voulait une révolution brutale et sanglante si<br />

besoin était. On connaît ce qu’il en fut.<br />

Tout ceci pour expliquer qu’ayant été élevé dans une<br />

ambiance socialisante, j’en partageai les convictions et,<br />

dès le début de ma vie professionnelle, je pris ma carte<br />

du syndicat <strong>des</strong> officiers de la Marine Marchande, lequel<br />

était connu pour être d’obédience communiste, ce qui<br />

me gênait car mes convictions étaient plus modérées.<br />

Au début <strong>des</strong> années soixante, j'étais second du<br />

câblier « Ampère » et par ailleurs, les responsables du<br />

syndicat spécifique <strong>des</strong> officiers <strong>des</strong> câbles sous marins<br />

étant retraités ou se jugeant trop âgés pour continuer<br />

firent savoir qu’ils désiraient passer la main à de plus<br />

jeunes qui soient en activité.<br />

C’est à La Seyne sur Mer que nos camara<strong>des</strong> de<br />

l’Alsace et de l’Ampère se réunirent pour désigner ceux<br />

à qui échouerait la responsabilité de reprendre le<br />

flambeau. Dès le début de notre assemblée et à<br />

l’unanimité <strong>des</strong> collègues présents je fus élu sans avoir<br />

été candidat, Secrétaire général de ce syndicat. Je<br />

protestai de mon inexpérience dans de telles fonctions.<br />

Jusqu’alors je n’avais été qu’un simple syndiqué et que<br />

si j’avais eu l’occasion de rendre de mo<strong>des</strong>tes services<br />

en collant <strong>des</strong> enveloppes, ça ne me donnait aucune<br />

compétence pour assumer un poste de responsabilité.<br />

Mes camara<strong>des</strong> balayèrent ces objections, selon eux,<br />

j’étais l’homme qu’il fallait. Je finis donc, devant cette<br />

insistance unanime, par accepter.<br />

J’eus donc à procéder à la rédaction du compte rendu<br />

de nos décisions que j’adressai à la Fédération <strong>des</strong><br />

Syndicats d’Officiers de la Marine Marchande. En plus<br />

SYNDICALISME ET COMMANDEMENT<br />

Par L.C. Mertz<br />

<strong>des</strong> responsabilités de Secrétaire Général Service Pont, je<br />

pris la trésorerie. Mes amis Beretta René et Le Corre furent<br />

choisis, si ma mémoire est bonne, comme secrétaires<br />

Généraux <strong>des</strong> Services Machine et Radio respectivement.<br />

Dès lors, je passai mes dimanches à rédiger, taper et poly<br />

copier un b<strong>ulletin</strong> de liaison que j’adressai à tous nos<br />

camara<strong>des</strong> syndiquées <strong>des</strong> autres navires. Devant une telle<br />

activité, je reçu <strong>des</strong> deman<strong>des</strong> d’adhésion si bien que nous<br />

fûmes jusqu’à une quarantaine de membres de ce petit<br />

syndicat. Je ne décrirai pas ici les voyages à Paris pour me<br />

rendre au Ministère <strong>des</strong> Finances où, avec l’assistance <strong>des</strong><br />

camara<strong>des</strong> de la Fédération, j’eus l’occasion de défendre nos<br />

justes revendications. Je ne dirais pas non plus les aventures<br />

où j’ai été entraîné par le fait que notre organisation<br />

s’étendant jusqu’à Nice, <strong>des</strong> syndiqués, extérieurs au Service,<br />

demandaient mon intervention.<br />

Mes activités syndicales durèrent deux ou trois ans.<br />

Un jour, Monsieur Salvador vint me parler à bord de<br />

l’Ampère. Il me dit que l’on pensait à moi pour me<br />

commissionner comme Commandant <strong>des</strong> navires du Service,<br />

mais que ma situation de responsable syndical était un<br />

obstacle à mon commissionnement. Si je devenais<br />

Commandant en titre, disait-il, j’aurais deux casquettes et<br />

risquait, dans certains cas, d’être juge et partie.<br />

En résumé, ou bien je démissionnais de mes fonctions de<br />

Secrétaire Général ou bien je renonçais à être Commandant<br />

titularisé.<br />

Je provoquai une réunion <strong>des</strong> camara<strong>des</strong> syndiqués et leur<br />

exposai le problème. Il me fut répondu qu’ils préféraient un<br />

Commandant syndicaliste de cœur à tout autre. Ils<br />

m’encourageaient donc à démissionner de mes fonctions de<br />

Secrétaire Général, ce que je fis et en avertis la Direction.<br />

Coll. par A Van Oudheusden.


D<br />

ans le courant du mois de juillet 1965, lors de<br />

notre première campagne à Terre Neuve, étant<br />

de garde, amarrés au Water Front, à St John’s, le<br />

Chef de Mission, M. Baron, vient m’annoncer qu’il<br />

avait reçu de la Direction une lettre m’informant que<br />

j’étais commissionné Commandant de navires du<br />

Service par le Ministre <strong>des</strong> P.T.T.<br />

Jusqu’alors, j’étais un second capitaine titularisé<br />

par la Direction <strong>des</strong> <strong>Câbles</strong> <strong>Sous</strong> <strong>Marins</strong> et je n’étais<br />

Commandant de l’Ampère qu’à titre intérimaire et, ce<br />

jour là, j’étais commissionné ! Il est a noter qu’en<br />

droit maritime, le Capitaine du navire que l’on appelle<br />

Commandant, selon l’usage, est considéré comme<br />

étant représentant de l’armateur et a <strong>des</strong><br />

responsabilités financières et commerciales et <strong>des</strong><br />

pouvoirs étendus, y compris celui de vendre<br />

(théoriquement) le bateau devenu innavigable, s’il<br />

juge que c’est l’intérêt de l’armement.(1)<br />

Inversement, l’armateur a le droit de licencier son<br />

Capitaine, du jour au lendemain, ce qui n’est pas le<br />

cas <strong>des</strong> autres membres de l’équipage.<br />

Donc, pour moi, c’est un grand jour et je veux faire<br />

partager ma joie à mes collègues et autres membres<br />

de l’équipage. Dès l’annonce de la nouvelle, du<br />

champagne a été mis au frais pour l’état major et du<br />

pastis a été sorti pour les gens du personnel<br />

d’exécution.<br />

Vers 17 heures, nous sommes réunis au premier<br />

carré où le vin est versé dans nos verres et les<br />

biscuits à la cuiller disposés dans nos assiettes. Au<br />

moment de porter un toast, quelqu’un vient nous<br />

prévenir qu’il y a du grabuge sur le quai. L’officier de<br />

garde, M. Lemoigne, est prié de régler l’affaire, il<br />

parle très bien l’anglais et saura se débrouiller.<br />

Il revient au bout de quelques instants :<br />

« Commandant, il faut que vous montiez ! Me dit-il »<br />

J’apprends qu’une « demoiselle » est passée et<br />

repassée devant le navire en criant "Fuck France" !<br />

L’homme de garde à la coupée est un corse, la<br />

France est insultée, il bondit sur le quai, elle<br />

recommence et le griffe au visage quand il<br />

s’écrie : »Faut pas dire ça » La police municipale,<br />

passant par là, sépare les combattants qui vont être<br />

conduits au commissariat, les policiers ne<br />

comprenant rien à toutes ces explications en<br />

français, avec l’accent corse et à l’anglais grossier de<br />

la « donzelle ».<br />

Cette dernière porte une salopette tâchée et celleci<br />

déborde de la graisse de sa propriétaire. Elle est<br />

boudinée dans ce vêtement et fait irrémédiablement<br />

penser au bonhomme Michelin : Bibendum. Par<br />

ailleurs, ordurière et mal embouchée, cette femelle<br />

encore jeune ne cesse de vitupérer dans une langue<br />

BIBENDUM<br />

Par L.C. Mertz<br />

que je ne comprends pas, mais il est évident qu’elle nous<br />

en veut.<br />

Je décide d’accompagner tout ce monde au<br />

commissariat pour porter plainte. C’est ainsi que, à ma<br />

demande, j’y vais, dans le panier à salade.<br />

Au poste de police, le chef, attiré par le bruit, dans la<br />

grande salle centrale, surgit. Il est costaud, un peu<br />

ventripotent et débonnaire. Il se fait mettre au courant par<br />

ses hommes tandis que l’horrible mégère continue à<br />

vomir <strong>des</strong> insultes. Je me présente et porte plainte au<br />

nom de la France et déclare que cette affaire ira à notre<br />

Ambassade. Le commissaire me fait face et se trouve<br />

derrière » Bibendum », donc elle ne peut voir sa<br />

mimique, il me fait <strong>des</strong> clins œil appuyés pour me dire<br />

que c’est une malheureuse et qu’il vaut mieux laisser<br />

tomber, les injures venant de si bas ne peuvent toucher<br />

toute une nation.<br />

Je me calme donc et apprends une fois sur le quai,<br />

notre corse pour protéger son visage avait saisi cette<br />

femme par les cheveux mais pas assez vite pour ne pas<br />

être lacéré, ce qui se voyait. La police était arrivée à cet<br />

instant. Nous finissons par quitter le poste, mon corse et<br />

moi. De retour à bord, le médecin m’assure que les<br />

griffures cicatriseront sans laisser de traces.<br />

Ayant rejoint mes collègues, je trouve mon champagne<br />

chaud, c’est tellement meilleur quand c’est frais !<br />

Quelque jours après, étant dans le bureau du<br />

commissaire du navire, on m’annonce une visite, il est 8<br />

heures du matin, le chef de la police, souriant me tend la<br />

main et, après quelques mots de conversation, me<br />

demande son petit déjeuner avant d’aller travailler. Je<br />

pense qu’il désire du jambon et <strong>des</strong> œufs frits. Ce n’est<br />

pas ça, il veut un grand verre de whisky que le maître<br />

d’hôtel lui apporte et qu’il boit d’un trait avec un<br />

claquement de la langue, un bruyante éructation et la<br />

mention : « It’s good » ! Ce petit jeu se renouvela tous les<br />

jours. Il est bon d’être l’ami du chef de la police.<br />

(1)Le capitaine avait de tels pouvoirs parce qu’il était<br />

isolé de l’armateur, mais les moindres décisions et<br />

compte rendu du voyage sont toujours l’objet du rapport<br />

de mer, obligatoire. Depuis l’invention de la radio et du<br />

Fax, rien ou presque ne se fait sans instructions<br />

(N.D.L.R)<br />

Coll. par A Van Oudheusden.


INFO PRESSE DERNIERE ..... INFO PRESSE DERNIERE .....<br />

PROJETS DE CÂBLES SOUS-MARINS<br />

1 – SEA-ME-WE 3 – Deuxième Upgrade à 10<br />

Gbit/s. Les acheteurs du système ont décidé de<br />

remplacer certains terminaux à 2,5 Gbit/s par <strong>des</strong><br />

terminaux à 10 Gbit/s multipliant ainsi de ces<br />

longueurs d’onde la capacité par 4. La capacité totale<br />

du SMW3 sera d’environ 100 Gbit/s à comparer avec<br />

les capacités de 20 Gbit/s équipée et 40 Gbit/s<br />

« maximum » du contrat initial signé en 1997.<br />

Les terminaux seront fournis par les constructeurs<br />

Alcatel et Fujitsu, les équipements de multiplexage<br />

par Alcatel.<br />

2 – ORASCOM – Le contrat de fourniture de cette<br />

liaison a été signé par Orascom et Alcatel. Orascom,<br />

société basée en Egypte, détient le premier<br />

opérateur mobile en Algérie. C’est la première fois<br />

depuis la pose de Sea-Me-We 2 (en 1993) qu’un<br />

câble sous-marin obtient l’autorisation d’atterrir à<br />

Marseille (en attendant le câble Sea-Me-We 4).<br />

3 – FALCON – Le 17 février 2005, les promoteurs du<br />

système (FLAG, récemment devenu filiale de la<br />

société indienne Reliance) et Alcatel ont annoncé la<br />

signature du contrat. Falcon est constitué d’une<br />

boucle reliant plusieurs pays du golf persique et<br />

d’une liaison Mumbai (Inde), Oman (interconnexion<br />

avec la boucle persique) et Suez (Egypte). Une<br />

partie du système pourrait être mis en service dès la<br />

fin de l’année 2005.<br />

4 – UK – NIGERIA – Un contrat cadre a été signé<br />

par Alcatel pour la réalisation d’une liaison entre la<br />

Grande Bretagne et le Nigéria.<br />

5. Carribean Crossing – Nouveau contrat signé par<br />

Alcatel pour un système répété qui permettra de<br />

relier plusieurs iles <strong>des</strong> Caraïbes au réseau Global<br />

Crossing via une interconnexion à Sainte-Croix.<br />

6. Kodiak – Alaska – Un contrat de liaison sousmarine<br />

dans le jardin américain gagné par Alcatel. Le<br />

système sans répéteur reliera l’ile de Kodiac à<br />

l’Alaska.<br />

NAVIRES ET OPERATIONS MARINES<br />

1 – SEA-ME-WE 4 – Installation en cours. Comme<br />

prévu, la mise en service aura lieu avant la fin de<br />

l’année 2005.<br />

AVRIL 2005 EN BREF<br />

2 - FRANCE TELECOM (MARINE). L’armateur<br />

français a été l’objet de plusieurs reportages<br />

« sauvage » de la part de France Télévision, en<br />

particulier de France 3. Les opérateurs sous couvert<br />

de visite d’un navire opèrent à bord avec <strong>des</strong><br />

caméras cachées et recueillent <strong>des</strong> témoignages<br />

pour construire leur reportage.<br />

Ainsi, France Télécom Marine, qui a été l’un <strong>des</strong> tout<br />

derniers armateurs français à placer ses navires<br />

sous le pavillon français bis (Kerguelen) est celui<br />

dont on parle le plus.<br />

VIE DES SOCIETES<br />

MCI – Bataille pour le rachat de MCI. Alors que<br />

Verizon avait fait une offre à hauteur de 6,7 milliard<br />

de dollars pour le rachat de l’opérateur international,<br />

récemment pris dans la tourmente judiciaire, Qwest<br />

vient d’indiquer être près à faire une offre supérieure<br />

d’environ 1 milliard de dollars.


SCHEMA DU PROJET FALCON<br />

Schéma de principe du système Falcon (Reliance – Flag) attribué à Alcatel qui sera<br />

construit entre Suez et Bombay et <strong>des</strong>servant le Golfe persique.


VU DANS LA PRESSE


Suite de cette affaire.<br />

Le navire de Corsica Ferries rebaptisé par Siemens a rompu le câble de Corse en baie de Cannes pendant le<br />

Colloque sur les Mobiles de la 3ème Génération. Basse vengeance d'un constructeur de téléphones portable qui<br />

n'a jamais très bien réussi dans les câbles sous marins


CableShips<br />

Deux livres récents<br />

Deux livres anciens<br />

BIBLIOGRAPHIE<br />

CABLESHIPS, par Norman Middlemiss, édité par<br />

Shield Publications Ltd – Prix 24 £<br />

LE PATRIMOINE, par la FNARH (Y Lecouturier),<br />

édité par Edit.Flohic – Disponible<br />

Consulter notre <strong>Association</strong> - Prix de 20 €<br />

Le Patrimoine <strong>des</strong><br />

Télécommuications<br />

françaises<br />

UNE CHRONOLOGIE DU 20 ème SIECLE, par la FNARH (Claude Pérardel) – Disponible ;<br />

s’adresser directement par mail à la FNARH (fnarh@wanadoo.fr) - Prix 35 euros<br />

BOTANY BAY par Jean Devos – Prix 20 €<br />

S’adresser à Jean Devos par mail à : submarcom@wanadoo.fr . Pour les Parisiens,<br />

exemplaires disponibles chez AXIOM (Patrick.Faidherbe@axiom.fr ) et pour les Seynois,<br />

exemplaires disponibles chez Gérard Fouchard (fouchard.gerard@wanadoo.fr ).

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