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Annales de l'Université Omar Bongo N°17 - Site Officiel des Presses ...

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mort dans la quête <strong>de</strong> la liberté politique et<br />

spirituelle. En outre, il sera important <strong>de</strong> mettre en<br />

évi<strong>de</strong>nce la dimension culturelle <strong>de</strong> ce phénomène<br />

qui, d’une société traditionnelle à une autre, se<br />

découvre différemment. Toutes choses qui<br />

permettront <strong>de</strong> présenter l’image <strong>de</strong> la mort comme<br />

celle d’un canal qui fait passer l’individu <strong>de</strong> la faiblesse<br />

<strong>de</strong> la vie à la puissance <strong>de</strong> l’immortalité, ou <strong>de</strong> la<br />

faiblesse <strong>de</strong> l’existence charnelle (la discontinuité <strong>de</strong><br />

la vie) à la puissance <strong>de</strong> la continuité <strong>de</strong> l’âme.<br />

1. L’épée post mortem dans A Grain of Wheat<br />

<strong>de</strong> Ngugi wa Thiong’o<br />

Selon certaines sociétés traditionnelles africaines,<br />

il existe <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s : le mon<strong>de</strong> visible et concret <strong>de</strong>s<br />

vivants et le mon<strong>de</strong> invisible et abstrait où se<br />

reposent les esprits <strong>de</strong>s ancêtres. La mort, dans ces<br />

sociétés, est considérée comme un voyage chez les<br />

aïeuls et non comme une disparition dans le néant.<br />

Une telle perception est bien souvent illustrée dans<br />

nombre d’ouvrages comme A Grain of Wheat <strong>de</strong><br />

Ngugi wa Thiong’o et La vie et <strong>de</strong>mie <strong>de</strong> Sony Labou<br />

Tansi. Ce <strong>de</strong>rnier, dans la perspective <strong>de</strong> poser un<br />

regard critique sur la gouvernance <strong>de</strong>s Etats africains<br />

en général, et celle <strong>de</strong> la République du Congo<br />

Brazzaville en particulier, recourt à la double<br />

signification <strong>de</strong> la mort pour ironiser sur ce qui est<br />

supposé être un état <strong>de</strong> non-être.<br />

De la même façon, dans son entreprise <strong>de</strong> recoller<br />

les pages <strong>de</strong> la vraie histoire du Kenya, Ngugi fait du<br />

thème <strong>de</strong> la mort un vecteur temporel à partir duquel<br />

il mesure la vie <strong>de</strong>s hommes qui ont posé sur leurs<br />

épaules, au nom <strong>de</strong> la liberté <strong>de</strong> leur peuple, le<br />

far<strong>de</strong>au mortel <strong>de</strong> la résistance anticoloniale. Dans A<br />

Grain of Wheat, l’écrivain kenyan revisite l’histoire <strong>de</strong><br />

son pays pour célébrer les figures emblématiques <strong>de</strong><br />

la résistance, à savoir : les guerriers Mau Mau.<br />

« Les morts ne sont pas morts» 105 . Cette assertion<br />

du poète sénégalais, David Diop trouve ses<br />

résonances dans A Grain of Wheat où la vie après la<br />

mort se thématise et s’articule autour d’une structure<br />

narrative particularisée par les mouvements<br />

continu/discontinu. En effet, sur le plan axiologique,<br />

105 DAVID DIOP, Coups <strong>de</strong> pilon, Paris, Présence Africaine,<br />

2002, p. 34.<br />

ANNALES DE L’UNIVERSITE OMAR BONGO, N° 17, ANNEE 2012<br />

ISSN : 2-912603-18-8 ; ISBN : 978-2-912603-30-2 ; EAN : 9782912603302<br />

WWW.PUG-UOB.ORG 40<br />

se note une permutation, pour ce qui est <strong>de</strong>s héros<br />

dans A Grain of Wheat entre le haut invisible, espace<br />

du Ngoma (esprit du défunt), et le bas visible où se<br />

notent les effets positifs <strong>de</strong> l’absence physique <strong>de</strong>s<br />

guerriers. Alors se trouve être mise en évi<strong>de</strong>nce<br />

l’impossibilité <strong>de</strong> tuer le rêve d’un peuple épris <strong>de</strong><br />

justice et <strong>de</strong> liberté. Le caractère d’ubiquité affecté à<br />

ces héros précise le message <strong>de</strong> Ngugi qui peint la<br />

révolution comme la nécessité, l’expression d’une<br />

volonté populaire indéniable et immortelle. Leurs<br />

actions se rangent dans un passé-présent et restent<br />

<strong>de</strong>s signes évocateurs d’une continuité.<br />

Dans A Grain of Wheat, Ngugi convoque la<br />

thématique <strong>de</strong> la mort pour donner voix à un bilan <strong>de</strong><br />

vie qui, tout en se conjuguant au passé, s’actualise au<br />

présent pour ainsi transmettre un message à une<br />

nouvelle génération. A travers les personnages <strong>de</strong><br />

Waiyaki et d’Harry Thuku, l’écrivain kenyan envisage<br />

la mort comme une vengeance sur la vie, s’inspirant<br />

ainsi <strong>de</strong> la tradition <strong>de</strong> son ethnie kikuyu. En effet,<br />

dans un contexte <strong>de</strong> guerre anticoloniale, là où l’être<br />

assujetti <strong>de</strong>meure mortel, le faire révolutionnaire <strong>de</strong>s<br />

MauMau s’avère atemporel. Face au <strong>de</strong>voir et au<br />

vouloir <strong>de</strong> ses compatriotes, Waiyaki fait preuve <strong>de</strong><br />

dépassement et sacrifie sa vie pour ainsi répondre à<br />

l’appel d’un <strong>de</strong>stin commun. Il affronte les colons et<br />

verse son sang innocent. Par ce geste, il arrose la<br />

matrice patriotique d’une révolution. Il meurt<br />

héroïquement et propage sa cire libératrice dans le<br />

cœur et l’esprit <strong>de</strong>s hommes et <strong>de</strong>s femmes <strong>de</strong> Thabai<br />

et <strong>de</strong> Reng’ei.<br />

La graine <strong>de</strong> sa vie tombe <strong>de</strong> l’arbre <strong>de</strong><br />

l’engagement pour donner un nouvel élan à la<br />

volonté du peuple <strong>de</strong> se <strong>de</strong>ssaisir du far<strong>de</strong>au<br />

oppressant <strong>de</strong> l’asservissement. Son esprit se sauve<br />

<strong>de</strong> la peur <strong>de</strong> la mort, et se projette dans un « Nous »<br />

dont la fonction est <strong>de</strong> se libérer. Waiyaki meurt <strong>de</strong><br />

son engagement individuel pour retrouver la vie dans<br />

un projet social commun. Ainsi, il fait connaître à son<br />

être un <strong>de</strong>stin éternel. De ce fait, l’événement <strong>de</strong> la<br />

mort prend la marque séculière d’un phénomène<br />

transitionnel mettant en relief une continuité<br />

temporelle. Elle apparaît comme une constante à<br />

partir <strong>de</strong> laquelle le héros transcen<strong>de</strong> la flèche du<br />

temps pour épouser l’immortalité. De la réalité<br />

empirique <strong>de</strong> la mort, découle une acception du<br />

temps qui ne s’arrête que pour continuer. Par ce biais,<br />

l’existence du héros conduit le récit à développer un<br />

« stop and go » narratif.

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