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RéduiRe la moRtalité mateRnelle - Médecins Sans Frontières

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© Sarah Elliott - Burundi<br />

<strong>RéduiRe</strong><br />

<strong>la</strong> <strong>moRtalité</strong><br />

<strong>mateRnelle</strong><br />

Expériences positives<br />

de MSF au Burundi<br />

et en Sierra Leone


© Lynsey Addario - Sierra Leone<br />

novembre 2012<br />

Layout : www.okidokidesign.net - Yesmine Sliman Lawton<br />

© Francesco Zizo<strong>la</strong> / NOOR - Kibera, Kenya<br />

|2


SOmmAiRE<br />

5 RÉSUMÉ<br />

5 POUQUOI DEVONS-NOUS NOUS PRÉOCCUPER<br />

DE LA MORTALITÉ MATERNELLE ?<br />

6 MORTALITÉ MATERNELLE EN SIERRA LEONE ET AU BURUNDI<br />

10 LE PANEL DE SOINS OBSTÉTRICAUX D’URGENCE DE MSF<br />

AU BURUNDI ET EN SIERRA LEONE<br />

11 RÉSULTATS<br />

14 CONCLUSION<br />

3|


© Sarah Elliott - Burundi<br />

|4


RéSumé<br />

Les recherches opérationnelles menées dans le cadre de projets de MSF<br />

à Kabezi (Burundi) et à Bo (Sierra Leone) montrent qu’il est possible<br />

rapidement de réduire <strong>la</strong> mortalité maternelle de 74%, en assurant l’accès<br />

aux soins obstétricaux d’urgence. L’étude de MSF est <strong>la</strong> première dans<br />

son genre à quantifier l’impact d’un tel modèle de soins sur <strong>la</strong> mortalité<br />

maternelle dans le contexte africain.<br />

Bien qu’elle soit tout à fait évitable, <strong>la</strong> mortalité<br />

maternelle constitue toujours un problème<br />

majeur dans de nombreux pays pauvres. une<br />

femme court 200 fois plus le risque de mourir en<br />

couches en Sierra Leone qu’en Suède. A l’échelle<br />

mondiale, le nombre de femmes qui meurent en<br />

mettant au monde un enfant est d’environ 287 000<br />

par an. Ces bébés, suite au décès de leur mère,<br />

risquent dix fois plus de mourir prématurément.<br />

médecins <strong>Sans</strong> <strong>Frontières</strong> (mSF) jouit d’une<br />

longue expérience dans l’offre de soins maternels<br />

dans le monde. En 2011, l’organisation a ainsi<br />

aidé 192 000 femmes à accoucher.<br />

mSF s’emploie à sauver <strong>la</strong> vie des mères au<br />

Burundi depuis 2006 et en Sierra Leone depuis<br />

2008. Ces deux pays connaissent des taux de<br />

mortalité maternelle extrêmement élevés en<br />

raison de l’accès problématique à des soins<br />

obstétricaux d’urgence de qualité. En cause<br />

notamment, le manque de personnel qualifié et<br />

d’infrastructures médicales, ainsi que les années<br />

de guerre civile qui ont anéanti le système de<br />

soins de santé.<br />

Le modèle de soins de santé maternelle déployé<br />

par mSF dans ces deux pays est basé sur un<br />

système de transfert par ambu<strong>la</strong>nce : les femmes<br />

ayant besoin de soins obstétricaux d’urgence sont<br />

transportées dans un hôpital mSF spécialisé.<br />

L’hôpital dispense tous les soins obstétricaux<br />

d’urgence, 24 h sur 24 et 7 jours sur 7. L’ensemble<br />

des services est gratuit.<br />

Dans le district de Kabezi (Burundi), mSF est seule<br />

à dispenser des soins obstétricaux d’urgence. Ses<br />

statistiques pour 2011 indiquent que <strong>la</strong> mortalité<br />

maternelle y a été ramenée à 208 cas pour 100<br />

000 naissances vivantes, soit une diminution<br />

de 74 % par rapport à <strong>la</strong> moyenne nationale de<br />

800 décès pour 100 000 naissances vivantes.<br />

Toujours pour 2011, en Sierra Leone, les<br />

statistiques de mSF indiquent que <strong>la</strong> mortalité<br />

maternelle dans le district de Bo est passée à<br />

351 pour 100 000 naissances vivantes. il s’agit ici<br />

d’une diminution de 61 % par rapport au ratio de<br />

890/100 000 dans le reste du pays.<br />

Dans ces districts, les frais de fonctionnement<br />

totaux par habitant et par an pour ces programmes<br />

n’excèdent pas 1,5 euro à Bo et 3,2 euros à Kabezi.<br />

Aucune infrastructure ou technologie de pointe<br />

n’est nécessaire. Ces résultats prouvent que des<br />

investissements re<strong>la</strong>tivement limités permettent<br />

de réduire rapidement et significativement le<br />

nombre de femmes qui meurent en couches.<br />

Le cinquième objectif du millénaire pour le<br />

développement sert de point de référence<br />

international. il vise à réduire de 75 % <strong>la</strong> mortalité<br />

maternelle d’ici 2015, par rapport au taux national<br />

de 1990. Les estimations de mSF indiquent que le<br />

taux de mortalité maternelle dans le district de<br />

Kabezi est déjà inférieur à ce seuil. À Bo, mSF<br />

est convaincue que son intervention permettra<br />

d’atteindre une diminution de 75 % d’ici 2015.<br />

Le modèle de soins obstétricaux d’urgence que<br />

mSF a développé en Sierra Leone et au Burundi<br />

a déjà évité à un nombre significatif de mères<br />

de mourir de complications liées à <strong>la</strong> grossesse.<br />

L’expérience positive de mSF dans ces pays<br />

doit encourager les bailleurs de fonds, les<br />

gouvernements et les autres ONG : dans des<br />

pays où <strong>la</strong> mortalité maternelle est élevée et<br />

où l’accès aux services obstétricaux d’urgence<br />

est limité, investir dans un système de transfert<br />

fonctionnel et efficace et dans des soins<br />

obstétricaux disponibles 24 h sur 24 et 7 jours<br />

sur 7 porte ses fruits.<br />

5|


© Sarah Elliott - Burundi<br />

POuRQuOi DEVONS-NOuS<br />

NOuS PRéOCCuPER<br />

DE LA mORTALiTé mATERNELLE ?<br />

Chaque année, quelque 287 000 femmes dans le<br />

monde meurent suite à des complications liées à<br />

leur grossesse et à l’accouchement 1 . La plupart<br />

sont jeunes, actives et en bonne santé. En outre,<br />

pour chaque femme qui perd <strong>la</strong> vie, vingt autres<br />

contractent un problème de santé chronique ou<br />

un handicap en raison, par exemple, d’une fistule<br />

obstétricale.<br />

Dans le monde, près de 15 % des femmes enceintes<br />

développent des complications potentiellement<br />

mortelles, et ce dans chaque pays et dans chaque<br />

groupe de popu<strong>la</strong>tion 2 . mais le sort des femmes<br />

enceintes dépend grandement de l’endroit du<br />

monde où elles donnent <strong>la</strong> vie. En fait, 99 % des<br />

décès maternels ont lieu dans les pays pauvres 1 ,<br />

où les services médicaux sont trop peu accessibles<br />

ou trop coûteux pour de nombreuses personnes.<br />

1 Données de l’OmS disponibles à l’adresse :<br />

http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs348/fr/index.html<br />

|6<br />

La majorité des décès maternels ont lieu juste avant,<br />

pendant ou juste après l’accouchement. S’il n’est<br />

souvent pas possible de prévoir les complications<br />

qui entraîneront <strong>la</strong> mort d’une mère, il est souvent<br />

possible d’éviter les décès dus à ces complications<br />

en permettant aux femmes d’accéder à temps à<br />

des soins obstétricaux d’urgence adéquats. Ce<strong>la</strong><br />

inclut des médicaments, du matériel médical et du<br />

personnel de santé qualifié, capable de détecter<br />

à temps les complications et d’administrer le<br />

traitement qui convient.<br />

Quand <strong>la</strong> mère est en danger, c’est toute <strong>la</strong> famille<br />

qui est menacée. Les enfants dont <strong>la</strong> mère est<br />

morte en leur donnant <strong>la</strong> vie courent dix fois plus<br />

de risques de mourir prématurément 2 , et leurs<br />

aînés – qui n’ont plus de mère pour s’occuper d’eux<br />

– sont également en danger. Sauver des mères,<br />

c’est aussi sauver des enfants.<br />

2 Données de l’OmS disponibles à l’adresse :<br />

http://www.who.int/features/qa/12/fr/index.html


© Lynsey Addario - Sierra Leone<br />

LES cinq cauSES principaLES dE MortaLité MatErnELLE<br />

à travErS LE MondE :<br />

HéMorragiE<br />

(saignement important)<br />

Les hémorragies ont souvent lieu juste après l’accouchement.<br />

SEpticéMiE<br />

(infection)<br />

accoucher dans un environnement hygiénique réduit au minimum les risques<br />

d’infection. toute infection doit être traitée avec des antibiotiques.<br />

avortEMEnt à riSquE<br />

Les avortements doivent être réalisés par du personnel de santé<br />

qualifié dans un environnement sûr et hygiénique.<br />

25%<br />

15%<br />

13%<br />

12%<br />

trouBLES HypErtEnSiFS<br />

(pré-éc<strong>la</strong>mpsie et éc<strong>la</strong>mpsie)<br />

La pré-éc<strong>la</strong>mpsie peut se produire à <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> grossesse, pendant le travail ou après<br />

l’accouchement. Le stade final – l’éc<strong>la</strong>mpsie – se caractérise par des convulsions.<br />

dyStociE<br />

Le travail dystocique se produit quand <strong>la</strong> tête de l’enfant est trop grosse pour le pelvis<br />

de <strong>la</strong> femme, quand le fœtus est en position anormale, ou en cas de contractions<br />

utérines faibles ou désordonnées.<br />

“<br />

8%<br />

Je suis à Bo depuis cinq mois et demi. C’est<br />

totalement différent des états-unis, d’où je suis<br />

originaire. La plupart des cas sont bien plus<br />

graves, urgents et potentiellement mortels.<br />

Si mSF n’était pas présente, <strong>la</strong> plupart des<br />

femmes qui viennent nous voir mourraient.<br />

Ce que je préfère dans mon travail, c’est sentir<br />

que je fais une différence, et toute <strong>la</strong> gratitude<br />

que m’expriment les patientes. Ce que je n’aime<br />

pas, c’est voir des patientes mourir et savoir<br />

que nous ne pouvons pas sauver tout le monde.<br />

Betty Raney, 57 ans, obstétricien, Bo, Sierra Leone<br />

”<br />

7|


mORTALiTé mATERNELLE<br />

EN SiERRA LEONE ET Au BuRuNDi<br />

SiERRA LEONE<br />

Les taux de mortalité maternelle en Sierra Leone<br />

et au Burundi sont parmi les plus élevés du monde.<br />

Les deux pays ont été le théâtre de guerres civiles<br />

qui ont anéanti leur système de santé et dont ils ne<br />

se sont toujours pas remis.<br />

Le taux national de mortalité maternelle en Sierra<br />

Leone est le troisième plus élevé au monde (après<br />

le Tchad et <strong>la</strong> Somalie), avec 890 décès pour 100<br />

000 naissances vivantes. Le Burundi arrive en<br />

cinquième position (juste après <strong>la</strong> République<br />

centrafricaine) avec 800 décès pour 100 000<br />

naissances vivantes. Pour bien prendre <strong>la</strong> mesure<br />

de ces chiffres, notons que le taux de mortalité<br />

maternelle en Suède est de 4 décès pour 100 000<br />

naissances vivantes.<br />

L’un des principaux obstacles à <strong>la</strong> reconstruction du<br />

système de santé en Sierra Leone et au Burundi est<br />

le manque criant de personnel médical qualifié. En<br />

2012, seuls trois obstétriciens étaient enregistrés<br />

auprès du ministère sierra-léonais de <strong>la</strong> santé,<br />

pour une popu<strong>la</strong>tion de plus de cinq millions<br />

de personnes. Au Burundi, des 23 obstétriciens<br />

travail<strong>la</strong>nt pour le ministère de <strong>la</strong> Santé, tous, sauf<br />

un, exercent dans <strong>la</strong> capitale Bujumbura.<br />

inconscients des signes de danger, <strong>la</strong> plupart<br />

des gens ne recherchent une aide médicale que<br />

lorsqu’il est déjà trop tard. Les routes sont en<br />

mauvais état et les possibilités de transport sont<br />

limitées, mêmes pour celles qui peuvent payer le<br />

trajet jusqu’au centre de santé. une fois arrivées,<br />

les femmes risquent de devoir attendre avant<br />

de recevoir le traitement approprié, à cause du<br />

manque de médicaments, de matériel médical<br />

et de personnel. Enfin, les soins prodigués sont<br />

généralement de piètre qualité.<br />

|8<br />

BuRuNDi


“<br />

Je travaille pour mSF depuis un an et demi. mon boulot d’ambu<strong>la</strong>ncier sauve<br />

des vies. Ce travail demande d’y mettre toute son énergie et toutes ses forces.<br />

Si une patiente est dans un état critique, il faut se dépêcher pour lui sauver<br />

<strong>la</strong> vie. Et les routes sont très mauvaises. Parfois, il me faut deux heures pour<br />

arriver jusqu’à <strong>la</strong> patiente, qui est déjà sur le point d’accoucher. il y a deux<br />

semaines, nous sommes allés au centre de santé de Jimi Gbagbo. Dans<br />

l’ambu<strong>la</strong>nce, <strong>la</strong> patiente criait : « Oh monsieur le chauffeur, freinez ! monsieur<br />

le chauffeur, freinez ! » Elle me tirait presque l’épaule pour que je freine<br />

tellement <strong>la</strong> route était cahoteuse et elle avait mal. Quand nous avons atteint<br />

l’hôpital, elle avait presque accouché dans le véhicule.<br />

Foday Kpaka, 43 ans, ambu<strong>la</strong>ncier, Bo, Sierra Leone<br />

”<br />

9|<br />

© Lynsey Addario - Sierra Leone


LE PANEL DE SOiNS OBSTéTRiCAuX<br />

D’uRGENCE DE mSF Au BuRuNDi<br />

ET EN SiERRA LEONE<br />

En 2006, mSF a commencé à travailler dans le<br />

district de Kabezi, au Burundi, avec comme objectif<br />

principal de réduire <strong>la</strong> mortalité maternelle. Dans le<br />

district de Bo, en Sierra Leone, mSF dirige un hôpital<br />

depuis 2003. En 2008, une nouvelle maternité a été<br />

inaugurée. Dans ces deux régions, l’approche de mSF<br />

vise à relever deux défis majeurs :<br />

a) Le manque de structures médicales<br />

spécialement conçus pour les urgences<br />

obstétricales et les soins néonatals.<br />

b) Le mauvais accès géographique à ces services<br />

pour les femmes ayant une grossesse à<br />

complication.<br />

Dans les deux districts, mSF a remédié à ces <strong>la</strong>cunes<br />

en créant une structure de référence centrale offrant<br />

des soins obstétricaux d’urgence ainsi qu’un service<br />

de transfert d’urgence en ambu<strong>la</strong>nce pour conduire<br />

les patientes des centres de santé périphériques à <strong>la</strong><br />

structure de référence.<br />

mSF et le personnel du ministère de <strong>la</strong> Santé<br />

dispensent des soins prénatals dans les centres de<br />

santé pour assurer le suivi des grossesses et détecter<br />

les complications. Les femmes ont également <strong>la</strong><br />

possibilité de séjourner dans un foyer d’attente à<br />

côté du centre de santé afin d’être à proximité de<br />

l’infrastructure médicale au moment d’accoucher.<br />

Lorsqu’une femme présentant (ou risquant de<br />

présenter) des complications liées à <strong>la</strong> grossesse/<br />

l’accouchement arrive au centre de santé, le<br />

personnel contacte directement l’hôpital par radio.<br />

une ambu<strong>la</strong>nce est alors envoyée sur p<strong>la</strong>ce (avec<br />

un infirmier qualifié) pour aller chercher <strong>la</strong> patiente.<br />

À l’hôpital, <strong>la</strong> patiente et son bébé reçoivent une série<br />

de soins obstétricaux et néonatals d’urgence:<br />

|10<br />

• Administration d’antibiotiques, d’ocytociques et<br />

d’anticonvulsivants<br />

• Retrait manuel du p<strong>la</strong>centa<br />

• Retrait des tissus restants à <strong>la</strong> suite d’un<br />

avortement<br />

• Accouchement par voie basse assisté, de<br />

préférence avec ventouse obstétricale<br />

• Soins au nouveau-né, y compris réanimation<br />

néonatale<br />

• Chirurgie (césarienne, hystérectomie,<br />

<strong>la</strong>parotomie)<br />

• Transfusion sanguine sécurisée<br />

• Soins aux nouveau-nés ma<strong>la</strong>des ou de poids faible<br />

Le service d’ambu<strong>la</strong>nce et l’ensemble des soins<br />

obstétricaux et néonatals d’urgence sont proposés 24<br />

heures sur 24, 7 jours sur 7, et ce gratuitement. Ni<br />

à Bo ni à Kabezi, il n’y a d’autre structure que celles<br />

de mSF offrant des soins obstétricaux d’urgence<br />

complets, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.<br />

“<br />

L’ambu<strong>la</strong>nce de mSF est venue me<br />

chercher <strong>la</strong> veille au centre de santé de<br />

Gatumba. On m’a dit que le bébé était<br />

mal positionné et que je ne pourrais pas<br />

accoucher normalement. il fal<strong>la</strong>it faire une<br />

césarienne. C’était mon premier bébé. Je<br />

n’avais pas peur, je vou<strong>la</strong>is juste voir mon<br />

bébé. Je suis consciente qu’il aurait pu y<br />

avoir de nombreuses complications pour<br />

moi-même et l’enfant. Je connais des<br />

femmes qui sont mortes en couches parce<br />

qu’elles n’ont pas reçu d’aide comme moi.<br />

Aujourd’hui, je suis très heureuse.<br />

Mateso Emilienne,<br />

25 ans, mère de famile, Kabezi, Burundi<br />


© Lynsey Addario - Sierra Leone<br />

“<br />

RéSuLTATS<br />

J’ai déjà été enceinte trois fois. J’ai un<br />

enfant en vie, et un premier qui est mort.<br />

J’étais triste et découragée quand j’ai<br />

perdu mon bébé. C’était ma première<br />

grossesse. il m’a fallu dix ans avant de<br />

retomber enceinte. Les gens disaient<br />

que je ne pouvais pas avoir d’enfants. ils<br />

se moquaient de moi.<br />

La semaine passée, dans mon vil<strong>la</strong>ge<br />

de Lower Sama, j’ai commencé à avoir<br />

des contractions. Je me suis rendue<br />

au centre de santé du Sumbuya, mais<br />

les infirmiers n’étaient pas en mesure<br />

de me faire accoucher. ils ont alors<br />

appelé une ambu<strong>la</strong>nce. Comme je ne<br />

pouvais pas accoucher normalement,<br />

les médecins m’ont fait une césarienne.<br />

Aujourd’hui, je suis heureuse et le bébé<br />

va bien. Je reçois des médicaments et<br />

de <strong>la</strong> nourriture gratuitement.<br />

”<br />

Nyema Fodey,<br />

40 ans, mère de famille, Bo, Sierra Leone<br />

Les recherches opérationnelles menées dans les<br />

projets de mSF à Kabezi (Burundi) 3 et à Bo (Sierra<br />

Leone) constituent une première tentative visant à<br />

quantifier de manière précise l’impact sur <strong>la</strong> mortalité<br />

maternelle d’une amélioration de <strong>la</strong> disponibilité et de<br />

l’accessibilité des soins obstétricaux d’urgence dans le<br />

contexte africain.<br />

L’impact de l’intervention de mSF a été modélisé<br />

par l’estimation du nombre de décès évités parmi<br />

les femmes transférées et traitées dans un<br />

établissement de soins obstétricaux d’urgence de<br />

mSF dans un état de « morbidité maternelle sévère<br />

aiguë » (en ang<strong>la</strong>is, SAmm, pour severe acute<br />

maternal morbidity). Autrement dit, « une femme<br />

enceinte ou ayant récemment accouché, très ma<strong>la</strong>de,<br />

serait décédée si <strong>la</strong> chance et des soins de qualité<br />

n’avaient pas été de son côté ». 4<br />

Sont considérés comme des cas de SAmm les femmes<br />

admises dans un hôpital spécialisé de mSF pour l’une<br />

des raisons suivantes :<br />

• travail prolongé et/ou dystocique (> 12 heures) ;<br />

• avortement compliqué (spontané ou provoqué) ;<br />

• pré-éc<strong>la</strong>mpsie/éc<strong>la</strong>mpsie ;<br />

• hémorragie ante-partum ou post-partum ;<br />

• rupture utérine ;<br />

• bébé mort in utero et contractions utérines durant<br />

> 48 heures ;<br />

• septicémie ;<br />

• paludisme sévère ;<br />

• grossesse extra-utérine ;<br />

• anémie sévère à l’admission ;<br />

• hystérectomie d’urgence pour quelque raison que<br />

ce soit ;<br />

• césarienne nécessaire en raison de l’élévation<br />

excessive de l’utérus ou d’une présentation<br />

anormale du bébé.<br />

Sur <strong>la</strong> base des données existantes, il a été estimé<br />

qu’en l’absence de l’intervention de mSF, 7,5 à 13,2 %<br />

des femmes en état de SAmm seraient décédées 5 . Le<br />

taux de mortalité maternelle attendu dans les districts<br />

a également pu être calculé à partir de ce chiffre de<br />

décès maternels évités grâce à l’intervention de mSF.<br />

3 Tayler-Smith K, Zachariah R, manzi m et al (2012), Achieving the millennium<br />

Development Goal of reducing maternal mortality in rural Africa: An<br />

experience from Burundi. Tropical medicine & international Health, doi:<br />

4 mantel G, Buchman E, Reese H, Pattinson RC (1998). Severe acute maternal<br />

morbidity: a pilot study of a definition of a near-miss. Br J Obstet Gynaecol<br />

105:985–90<br />

Prual A, Bouvier-Colle m-H, De Bernis L, Bréart G (2000). Severe maternal<br />

morbidity from direct obstetric causes in West Africa: incidence and case fatality<br />

rates. Bull World Health Organ. 78: 593-602.<br />

Penney G, Brace V. Near miss audit in obstetrics (2007). Curr Opin Obstet<br />

Gynecol 19:145–50.<br />

5 Fournier P, Dumont A, Tourigny C, Dunkley G & Dramé S (2009). improved<br />

access to comprehensive emergency obstetric care and its effect on institutional<br />

maternal mortality in rural mali. Bull World Health Organ 87:30–38<br />

11|


SiERRa LEoNE<br />

Popu<strong>la</strong>tion dans le district de Bo :<br />

596,366<br />

Total des cas obstétricaux traités par mSF en 2011<br />

parmi les femmes du district de Bo :<br />

2,262<br />

Total des cas obstétricaux avec une morbidité<br />

maternelle sévère aiguë (SAmm) :<br />

1874<br />

Taux de mortalité maternelle national :<br />

890 pour 100 000 naissances vivantes<br />

Taux de mortalité maternelle estimé dans le district<br />

de Bo en conséquence du programme de mSF :<br />

351 pour 100 000 naissances vivantes<br />

Réduction estimée de <strong>la</strong> mortalité<br />

maternelle dans le district de Bo<br />

liée au programme de mSF :<br />

61%<br />

|12<br />

BuRuNdi<br />

Popu<strong>la</strong>tion dans le district de Kabezi :<br />

198,000<br />

Total des cas obstétricaux traités par mSF en 2011<br />

parmi les femmes du district de Kabezi :<br />

1,385<br />

Total des cas obstétricaux avec une morbidité<br />

maternelle sévère aiguë (SAmm) :<br />

765<br />

Taux de mortalité maternelle national :<br />

800 per 100,000 naissances vivantes<br />

Taux de mortalité maternelle estimé dans le district<br />

de Kabezi en conséquence du programme de mSF :<br />

208 pour 100 000 naissances vivantes<br />

Réduction estimée de <strong>la</strong> mortalité<br />

maternelle dans le district de<br />

Kabezi liée au programme de mSF :<br />

74%<br />

© Sarah Elliott - Burundi


Taux de mortalité maternelle (décès/100 000 naissances vivantes) Année au Burundi<br />

Maternal Mortality Ratio<br />

(Deaths/1000,000 live births)<br />

1200<br />

1000<br />

800<br />

600<br />

400<br />

200<br />

L’un des objectifs du millénaire pour le développement<br />

est de réduire <strong>la</strong> mortalité maternelle de 75 % d’ici<br />

2015 (par rapport aux taux de 1990). Dans le district<br />

de Kabezi, le taux de mortalité maternelle est déjà<br />

passé sous le seuil souhaité pour 2015. Le graphique<br />

pour le district de Bo montre que mSF est en bonne<br />

voie pour atteindre une telle réduction.<br />

0<br />

1100 1100<br />

1000<br />

910<br />

800<br />

208<br />

MDG<br />

target<br />

275<br />

1990 1995 2000<br />

Year<br />

2005 2011 2015<br />

Taux de mortalité maternelle (décès/100 000 naissances vivantes) Année au Sierra Leone<br />

Maternal Mortality Ratio<br />

(Deaths/1000,000 live births)<br />

1600<br />

1400<br />

1200<br />

1000<br />

800<br />

600<br />

400<br />

200<br />

0<br />

1300<br />

1400<br />

1300<br />

1100<br />

890<br />

351<br />

MDG<br />

target<br />

325<br />

1990 1995 2000 2005 2011 2015<br />

Year<br />

Desired national progress toward the MDG target<br />

Trend in Maternal Mortality Ratio - 1990-2011<br />

Estimated maternal mortality ratio in Bo/Kabezi district - 2011<br />

MDG Target for 2015<br />

Les frais de fonctionnement annuels des activités<br />

de santé maternelle de mSF s’élevaient à environ<br />

0,9 million d’euros dans le district de Bo et à environ<br />

2 millions d’euros dans le district de Kabezi. Ce<strong>la</strong><br />

revient à 1,5 euro par habitant et par an à Bo et à<br />

3,2 euros par habitant et par an à Kabezi. même s’il<br />

s’agit là d’une estimation simplifiée, elle reflète bien<br />

le rapport coût/bénéfice de cette stratégie pour <strong>la</strong><br />

popu<strong>la</strong>tion.<br />

13|


© Sarah Elliott - Burundi “<br />

|14<br />

J’ai déjà été enceinte six fois. mon deuxième<br />

enfant est mort à l’âge de deux ans des suites<br />

d’une ma<strong>la</strong>die. C’est ma troisième césarienne.<br />

ma deuxième césarienne a aussi eu lieu ici, à<br />

l’hôpital de mSF. Dans le passé, les femmes<br />

accouchaient à domicile. Aujourd’hui, je ne connais<br />

plus personne qui accouche chez soi. Entre<br />

femmes, nous nous conseillons d’aller à <strong>la</strong> clinique<br />

ou au centre de santé pour accoucher. mon premier<br />

et mon deuxième enfant sont nés à <strong>la</strong> maison,<br />

parce que c’était <strong>la</strong> guerre civile et qu’à l’époque,<br />

il était trop dangereux de voyager. une sage-femme<br />

traditionnelle du vil<strong>la</strong>ge m’a aidée. maintenant,<br />

<strong>la</strong> paix est revenue et j’ai pu aller au centre de santé<br />

pour donner naissance à mon sixième enfant.<br />

”<br />

odette Banyicandabazi, 32 ans, mère de famille, Kabezi, Burundi


CONCLuSiON<br />

L’analyse de mSF montre qu’en introduisant des<br />

soins obstétricaux d’urgence et un système de<br />

transfert, mSF est parvenue à réduire rapidement<br />

et significativement le taux de mortalité maternelle<br />

dans les zones desservies par les projets au Burundi<br />

et en Sierra Leone.<br />

Ces résultats très encourageants ne requièrent pas<br />

d’investissements importants. ni de services à <strong>la</strong><br />

pointe du progrès.<br />

La mortalité maternelle reste un problème majeur<br />

dans de nombreux pays. Pourtant, les efforts pour y<br />

remédier sont souvent mal orientés. Fréquemment,<br />

on suppose qu’améliorer les soins obstétricaux est<br />

trop onéreux. L’expérience de mSF montre que ce<br />

n’est pas forcément vrai.<br />

Dans les pays où le taux de mortalité maternelle est<br />

élevé, il est impératif de faire de <strong>la</strong> santé maternelle<br />

une priorité. il faut investir dans des stratégies qui<br />

permettent aux femmes d’accéder à temps à des<br />

soins obstétricaux d’urgence de qualité.<br />

Le modèle de soins obstétricaux d’urgence que<br />

mSF a déployé en Sierra Leone et au Burundi a déjà<br />

évité à un grand nombre de mères de mourir de<br />

complications liées à leur grossesse. L’expérience<br />

positive de mSF dans ces pays doit encourager les<br />

bailleurs de fonds, les gouvernements et les autres<br />

ONG : dans des pays où <strong>la</strong> mortalité maternelle<br />

est élevée et où l’accès aux services obstétricaux<br />

d’urgence est limité, investir dans un système de<br />

transfert fonctionnel et efficace et dans des soins<br />

obstétricaux disponibles 24 h sur 24 et 7 jours sur 7<br />

porte ses fruits.<br />

15|


© Lynsey Addario - Sierra Leone<br />

<strong>Médecins</strong> <strong>Sans</strong> <strong>Frontières</strong><br />

Rue Dupré 94 - 1090 Bruxelles - Belgique<br />

www.msf.org

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