REDUIRE LE PALUDISME AU MALI - MSF Field Research
REDUIRE LE PALUDISME AU MALI - MSF Field Research
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<strong>MSF</strong>-ocB Medical DepartmenT<br />
REduire le paludisme <br />
<strong>AU</strong> <strong>MALI</strong><br />
Diagnostics et traitements efficaces ne suffisent pas<br />
Projet <strong>MSF</strong> dans le district de Kangaba<br />
Mars 2011
<strong>MSF</strong>-ocB Medical DepartmenT<br />
REduire le paludisme <br />
<strong>AU</strong> <strong>MALI</strong><br />
Diagnostics et traitements efficaces ne suffisent pas<br />
Projet <strong>MSF</strong> dans le district de Kangaba<br />
Mars 2011
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong><br />
<strong>MSF</strong>-OCB, Medical Department<br />
94 Rue Dupre<br />
Bruxelles 1090<br />
Belgium<br />
Technical support & Coordination<br />
Operational <strong>Research</strong> and Documentation Unit<br />
<strong>MSF</strong>-Luxembourg<br />
68 Rue de Gasperich<br />
L-1617 Luxembourg<br />
Further information and reprints<br />
Dr Rony Zachariah<br />
E-mail: rony.zachariah@msf.be<br />
Tel: + 352 332515<br />
Fax: + 352 335133
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong> 3<br />
Les auteurs<br />
Ce rapport a été rédigé par une équipe composée de Wilma van den Boogaard,<br />
Marcel Manzi, Engy Ali et Tony Reid, du département de recherche opérationnelle<br />
<strong>MSF</strong>-OCB, Luxembourg.<br />
Remerciements<br />
Ce rapport repose sur les contributions du personnel <strong>MSF</strong> au Mali dont les<br />
noms suivent Jean Claude Djoumessi, Cheick Toure,Youssouf Dembele, Ousmane<br />
Goita, Ouologuem Sekou, Sidibe Bakary, Sekou Ouedraogo, Abdoul Sangare,<br />
Mohammed Sow, AP, Ibrahim Keita, Sitan Keita et Anthony Keita ainsi que les<br />
membres des ASACO des CSCOM de Carrier et Manicoura (CSREF de Selingue)<br />
plus les CSCOM de Salamale et Kenieba (CSREF de Kangaba– Amadou Tangara).<br />
Il s’appuie également sur des rapports et recherches antérieurs un projet d’étude<br />
de mortalité communautaire (Michel van Herp), les rapports annuels de <strong>MSF</strong> Bamako,<br />
un projet d’étude CAP sur l’utilisation des moustiquaires, 2010 (Unité EHA), des<br />
publications de <strong>MSF</strong>, « Améliorer l’accès au traitement efficace du paludisme au Mali,<br />
2008 », « Prescription Complète », 2008, la politique opérationelle de <strong>MSF</strong> au Mali<br />
2010, et des rapports écrits suite à de récentes visites de terrain par Martin de Smet,<br />
Seco Gerard, et Tine Grammens.<br />
Abréviations<br />
AP<br />
ASACO<br />
AS + AQ<br />
CAP<br />
CSCOM<br />
CSREF<br />
CTA<br />
FE<br />
IEC<br />
MS<br />
PEV<br />
TDR<br />
Agent Palu (agents chargés du paludisme dans les villages)<br />
Association de santé communautaire<br />
Artesunate + Amodiaquine combination therapy (bithérapie AS + AQ)<br />
(Etude des) Connaissances, Attitudes et Pratiques<br />
Centre de santé communautaire<br />
Centre de santé de référence<br />
Combinaison Thérapeutique à base d’Artémisine<br />
Femmes enceintes<br />
Information, Education, Communication<br />
Ministère de la santé<br />
Programme élargi de vaccination<br />
Test de Diagnostic Rapide
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong> 5<br />
<strong>MSF</strong>-OCB Medical Department<br />
REsumE<br />
<br />
Au regard de la lourde charge que représente le paludisme au Mali, en 2005 <strong>MSF</strong> s’est proposé<br />
de collaborer avec les autorités sanitaires maliennes afin d’introduire une nouvelle stratégie,<br />
plus efficace, d’utilisation des Tests de Diagnostic Rapide (TDR) et des Combinaisons<br />
Thérapeutiques à base d’Artémisine (CTA). L’objectif était d’améliorer l’accès à un diagnostic<br />
et un traitement efficace chez les enfants de 0 à cinq ans et chez les femmes enceintes, les<br />
deux groupes de la population qui payent le plus lourd tribut à la maladie.<br />
<strong>MSF</strong> a choisi le district de Kangaba, dans le sud du Mali, pour démontrer la faisabilité d’un<br />
nouveau protocole thérapeutique antipaludéen. Sept centres de santé communautaires (CS-<br />
COM) et un centre de référence (CSREF) ont ainsi reçu un soutien à travers la formation du<br />
personnel, la fourniture de TDR et de CTA, et des campagnes de sensibilisation auprès de la<br />
population. Les soins étaient gratuits pour les patients diagnostiqués positifs.<br />
Pendant les deux premières années du programme (2005-2006) les taux de fréquentation<br />
des centres de santé ont augmenté par rapport aux années précédentes, mais pas autant<br />
qu’escompté. <strong>MSF</strong> a donc réévalué sa stratégie et en a conclu que des barrières financières<br />
et géographiques significatives limitaient l’accès aux soins efficaces. Malgré la gratuité des<br />
TDR et des CTA, d’autres frais de consultation semblaient décourager la fréquentation et pour<br />
de nombreux habitants des villages reculés, il est très difficile de se rendre aux centres de<br />
santé pendant la saison des pluies (pic dans la transmission du paludisme).<br />
Par conséquent, dans la deuxième phase du projet, de 2007 à 2010, tous les enfants de cinq<br />
ans et moins ainsi que les femmes enceintes ont bénéficié de soins gratuits, tandis qu’un<br />
tarif subventionné était appliqué pour les patients de plus de cinq ans. Par ailleurs, un nouveau<br />
profil de travailleurs de santé fut déployé, appelés les Agents Palu (agents de santé<br />
communautaire chargés du paludisme). Ils étaient choisis par leur village et après une formation<br />
en diagnostic et traitement du paludisme, ils dispensaient des soins antipaludéens<br />
gratuits dans les villages éloignés.<br />
Pendant la deuxième phase du projet, plusieurs autres initiatives ont été mises en œuvre en<br />
vue de réduire la morbidité et la mortalité dues à la malaria. Elles comprenaient une aide à la<br />
gestion des associations de santé communautaires (ASACO), des formations et un soutien<br />
pour les centres de référence, des aides financières ciblées pour les analyses de laboratoire<br />
et les services ambulanciers, des campagnes de sensibilisation dans les villages concernant<br />
la gratuité des soins et le nouveau protocole de traitement, et le soutien à une vaste<br />
campagne destinée à introduire les moustiquaires traitées à l’insecticide dans les villages.<br />
Un second centre de référence et quatre autres centres de santé se sont joints au projet. En<br />
effet, les interventions se sont multipliées à mesure du déroulement du programme.<br />
Les résultats en termes de fréquentation et de réduction de la mortalité due au paludisme<br />
montrent une nette amélioration après 2007, qui se poursuit jusqu’à la fin du projet en 2010.<br />
Il apparaît clairement que l’objectif initial de fournir des TDR et des CTA gratuits ne suffisait<br />
pas à améliorer notablement l’efficacité des soins antipaludéens dans le district. La prise en<br />
charge de la malaria devait être intégrée dans des soins de santé primaires gratuits pour les<br />
groupes cibles et être étendue aux régions isolées avec les Agents Palu. Enfin, la faisabilité<br />
de l’introduction du nouveau protocole diagnostic/traitement a été démontrée pour le Ministère<br />
de la santé malien.<br />
Même s’il n’est pas possible, à partir de cette évaluation, de prouver que ces résultats étaient<br />
dûs à des interventions spécifiques, nous pensons que la levée des barrières financières à<br />
travers la gratuité et la subvention du prix des soins, alliée à la réduction des barrières géographiques<br />
grâce aux Agents Palu, expliquent en grande partie les améliorations obtenues.<br />
Il reste à espérer que les autorités sanitaires maliennes pourront s’appuyer sur les résultats de<br />
ce projet pour améliorer la prise en charge du paludisme dans d’autres régions du pays.
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong> 7<br />
<strong>MSF</strong>-OCB Medical Department<br />
Table des matiEres<br />
<br />
pages<br />
1. Introduction 9<br />
1.1_ Historique 9<br />
1.2_ Objectifs du rapport 9<br />
1.3_ Context Général 9<br />
1.4_ Santé et paludisme 9<br />
1.5_ Le système de santé au Mali 10<br />
1.6_ Justification du projet <strong>MSF</strong> 10<br />
1.7_ Contexte local 10<br />
2. Evolution chronologique du projet <strong>MSF</strong> 11<br />
3. Les trois phases du projet <strong>MSF</strong> 13<br />
3.1_ Phase 1 13<br />
3.2_ Phase 2 13<br />
3.3_ Phase 3 14<br />
4. Les ASACO et le soutien de <strong>MSF</strong> 15<br />
4.1_ Système financier avant la collaboration avec <strong>MSF</strong> 15<br />
4.2_ Phase financière 1 de la collaboration avec <strong>MSF</strong> 16<br />
4.3_ Phase financière 2 de la collaboration avec <strong>MSF</strong> 16<br />
4.4_ Phase financière 3 de la collaboration avec <strong>MSF</strong> 16<br />
4.5_ Système financier après le départ de <strong>MSF</strong> 17<br />
5. Agents Palu 18<br />
5.1_ Sélection et formation 18<br />
5.2_ Fournitures 19<br />
5.3_ Encadrement 19<br />
5.4_ Couverture 19<br />
5.5_ Expériences 20<br />
6. Le Relais 21<br />
7. Analyse / méthode 23<br />
7.1_ déontologie 23<br />
8. Résultats/Discussion 24<br />
9. Conclusions 30<br />
10. Références 31
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong> 9<br />
M<strong>AU</strong>RITANIA<br />
Tombouctou<br />
Kidal<br />
<strong>MALI</strong><br />
Gao<br />
Mopti<br />
Kayes<br />
Koulikoro<br />
Segou<br />
NIGER<br />
Bamako<br />
BURKINA FASO<br />
Kangaba<br />
GUINEA<br />
Sikasso<br />
BENIN<br />
GHANA<br />
SIERRA<br />
<strong>LE</strong>ONE<br />
COTE<br />
D'IVOIRE<br />
TOGO<br />
NIGERIA<br />
<strong>MSF</strong>-OCB Medical Department<br />
LIBERIA<br />
1. introduction<br />
1.1 Historique<br />
<strong>MSF</strong> a travaillé depuis 2005 avec du personnel<br />
de santé malien sur un projet visant<br />
à améliorer l’accès aux soins et une<br />
prévention efficaces du paludisme. Le<br />
projet devant s’achever en mars 2011, le<br />
personnel <strong>MSF</strong> a procédé à une évaluation<br />
de son impact. Ce rapport décrit les<br />
résultats de cette évaluation.<br />
1.2 Objectifs du rapport<br />
Décrire, évaluer et analyser le projet malaria<br />
<strong>MSF</strong>-OCB dans le district de Kangaba,<br />
au Mali, entre 2005-2010, afin d’évaluer son<br />
impact sur l’accès aux soins et sur la morbidité<br />
et la mortalité dues au paludisme.<br />
1.3 Contexte General<br />
Le Mali est un pays d’Afrique de l’Ouest<br />
sans accès à la mer, d’une superficie de<br />
1,24 millions km 2 , qui partage une frontière<br />
avec l’Algérie, le Sénégal, la Guinée, la<br />
Côte d’Ivoire, le Niger et le Burkina Faso.<br />
Sa population était estimée à 12 millions<br />
d’habitants en 2006 (1) .<br />
Le désert recouvre environ les 2/3 du pays<br />
dans le nord, et dans le sud le fleuve Niger<br />
coule d’ouest en est avec des crues<br />
saisonnières pendant la saison des pluies.<br />
Il y a trois saisons principales au Mali : les<br />
mois très chauds de mars à juin, une saison<br />
chaude et humide entre juin et octobre,<br />
et une agréable saison sèche, plus<br />
fraîche, de novembre à mars.<br />
Au Mali, 72% de la population vit sous le<br />
seuil d’extrême pauvreté défini internationalement<br />
et 63% vit sous le seuil de pauvreté<br />
national (2) . Selon l’indice de développement<br />
humain du PNUD, le Mali se classe<br />
160 ème sur les 169 pays étudiés (3) .<br />
1.4 Santé et paludisme<br />
Le Mali affiche des taux de mortalité maternelle<br />
et infantile parmi les plus élevés<br />
au monde : 528 femmes décèdent sur<br />
100.000 naissances vivantes et près de<br />
20% des enfants meurent avant d’atteindre<br />
l’âge de cinq ans (4) .<br />
Le paludisme constitue un problème de<br />
santé publique majeur au Mali puisqu’il<br />
représente la principale cause de morbidité<br />
et de mortalité. En moyenne, les enfants<br />
de moins de cinq ans connaissent<br />
deux épisodes de malaria par an, tandis<br />
que les plus de cinq ans sont victimes<br />
d’un épisode par an (5) . La proportion des<br />
décès d’enfants dus au paludisme au Mali<br />
est de 17% (6) . Les chiffres du Rapport<br />
Mondial sur le Paludisme de 2009 montrent<br />
que le Mali a enregistré une augmentation<br />
régulière du nombre de cas signalés<br />
et de décès (respectivement 1.600 et<br />
2.300 en 2009) au cours des dix dernières<br />
années (7) . Mais l’on considère que les chiffres<br />
des cas de malaria et de décès dus au<br />
paludisme sont en réalité plus élevés car<br />
beaucoup de cas ne sont pas signalés (6) .<br />
Le paludisme est endémique dans le centre<br />
et le sud du pays, et potentiellement<br />
épidémique dans les régions du nord. Le<br />
pic de transmission de la malaria a lieu<br />
pendant la saison des pluies de juillet à<br />
décembre. Pendant cette période, en raison<br />
des inondations, l’accès aux villages<br />
situés à plus de cinq km des centres de<br />
santé communautaires devient extrêmement<br />
difficile.<br />
La politique nationale de lutte contre le<br />
paludisme vise à la prévention et à la prise<br />
en charge de tous les cas de malaria. En<br />
pratique, cependant, toute une combinaison<br />
de facteurs environnementaux, géographiques<br />
et économiques rendent les<br />
soins de santé inaccessibles à la majorité<br />
de la population malienne.
10<br />
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong><br />
1.5 Le système de santé au Mali<br />
Le système de santé du Mali est fondé sur<br />
les principes de l’Initiative de Bamako, selon<br />
lesquels les soins de santé primaires<br />
sont dispensés dans le cadre d’un système<br />
de recouvrement des coûts géré par<br />
la communauté (8) . Les deux premiers niveaux<br />
de la pyramide du système sanitaire<br />
correspondent aux centres de santé<br />
communautaires (CSCOM) et aux centres<br />
de santé de référence (CSREF). Les CS-<br />
COM fournissent des services de soins<br />
primaires de base et sont gérés par des<br />
associations de santé communautaires<br />
(ASACO) dont les membres sont recrutés<br />
dans les villages desservis.<br />
Les CSREF sont les premiers centres de<br />
référence pour les CSCOM. Ils sont chargés<br />
des urgences médicales, chirurgicales<br />
et obstétriques et offrent également des<br />
services de pédiatrie et de nutrition.<br />
Selon les principes de recouvrement des<br />
coûts, les communautés sont censées financer<br />
leurs services de santé en faisant<br />
payer les usagers. Consultations, examens,<br />
médicaments, traitements, et hospitalisations<br />
sont payants. L’argent collecté<br />
est géré par des comités de gestion<br />
élus par la communauté (les ASACO) qui<br />
versent les salaires aux personnels des<br />
CSCOM, achètent les médicaments et assurent<br />
l’entretien des bâtiments.<br />
1.6 Justification du projet <strong>MSF</strong><br />
En 2003/2004 Epicentre (<strong>MSF</strong>), le Département<br />
malien d’Epidémiologie pour les<br />
Infections Parasitaires et le Centre de Recherche<br />
et de Formation sur le Paludisme<br />
ont réalisé une étude qui a confirmé un<br />
taux élevé de résistance à la chloroquine<br />
(90,4%) dans le district de Koumantou au<br />
Mali (9) .<br />
Par ailleurs, <strong>MSF</strong> a effectué une enquête<br />
sanitaire sur l’accès aux soins dans le district<br />
de Bougouni, dans la région malienne<br />
de Sikasso (sud-est du district de Kangaba)<br />
(10) . La cause principale de maladie<br />
était « la fièvre », surtout chez les enfants<br />
de moins de cinq ans, et que « la fièvre »<br />
était responsable de plus de 40% des décès.<br />
20% de la population étaient exclus<br />
des soins de santé, par manque d’argent<br />
pour l’essentiel, dans un pays où 51% vivent<br />
avec moins de 1,25 $ par jour (pourcentage<br />
de la population vivant sous un<br />
seuil de pauvreté défini à l’échelle nationale,<br />
PPP) (11) . Les familles déclaraient que le<br />
coût d’un épisode de paludisme dans un<br />
centre de santé représentait deux mois de<br />
revenus.<br />
Le « Cercle » de Kangaba, situé au sud-ouest de Bamako le long de la frontière guinéenne<br />
En 2005 le gouvernement du Mali a approuvé<br />
l’utilisation des tests de diagnostic<br />
rapide (TDR) et des Combinaison Thérapeutique<br />
à base d’Artémisine (CTA). Comme<br />
le Centre Opérationnel de <strong>MSF</strong> au<br />
Bruxelles (<strong>MSF</strong>-OCB) travaillait déjà dans<br />
le pays sur le paludisme, il s’est proposé<br />
de démontrer comment rendre opérationnelle<br />
l’utilisation combinée des TDR (Paracheck)<br />
et des traitements CTA (Artémisinine<br />
+ Amodiaquine – AS+AQ).<br />
<strong>MSF</strong>-OCB a choisi le district de Kangaba<br />
parce qu’il est relativement petit, qu’il se<br />
trouve dans une zone de forte endémicité<br />
et qu’il est situé proche de Bamako pour<br />
simplifier la logistique.<br />
1.7 Contexte local<br />
Kangaba est situé à 90 km au sud ouest<br />
de Bamako et sa population est estimée à<br />
100.200 habitants (5) . Au début du projet il<br />
comptait sept centres de santé communautaire<br />
en fonction (CSCOM), gérés chacun<br />
par une association de santé communautaire<br />
(ASACO) et un CSREF desservant<br />
une population d’environ 73.000 personnes.<br />
Les CSCOM portent les noms de<br />
Kangaba Central, Salamale, Keniegoue,<br />
Kenieba, Karan, Narena et Tombola tandis<br />
que le CSREF s’appelle simplement Kangaba.<br />
Pour surmonter la barrière géographique<br />
du fleuve Niger et au vu des taux élevés<br />
de morbidité et de mortalité dues à la malaria<br />
révélés par une enquête de 2008 (12) ,<br />
trois autres CSCOM (Manicoura, Selenfougou,<br />
et Figura Toma) et un CSREF (Selingue)<br />
ont intégré le projet du district de<br />
Kangaba en 2008. Voir la carte ci-dessus .
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong> 11<br />
<strong>MSF</strong>-OCB Medical Department<br />
2. Evolution chronologique<br />
du projet <strong>MSF</strong><br />
Le projet a évolué au cours de son histoire avec des changements<br />
d’objectifs et de stratégies. Le graphique ci-dessous, suivi de<br />
descriptions plus détaillées, en donne la chronologie. Il s’agissait<br />
clairement d’un projet complexe avec de multiples interventions<br />
concomitantes qui s’influençaient mutuellement. Ce rapport doit<br />
donc être vu comme un résumé descriptif des événements et des<br />
résultats au fil du temps. Il ne peut démontrer catégoriquement ni<br />
cause ni effet.
12<br />
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong><br />
Phase I<br />
Aoû 2005-Nov 2006<br />
Phase II<br />
Déc 2006-Déc 2008<br />
Phase II<br />
Jan 2009 - Déc 2010<br />
ANNéE 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011<br />
1. OBJECTIFS__________________________________________________________________________________________________________________________________<br />
A<br />
B C D<br />
2. CSCOMs ____________________________________________________________________________________________________________________________________<br />
A B C<br />
3. CSREF ______________________________________________________________________________________________________________________________________<br />
A<br />
B<br />
4. Soutien ASACO_____________________________________________________________________________________________________________________________<br />
A<br />
B<br />
5. Aide financière____________________________________________________________________________________________________________________________<br />
A<br />
b<br />
c<br />
6. Diagnostics_______________________________________________________________________________________________________________________________<br />
A b c<br />
7. Traitement________________________________________________________________________________________________________________________________<br />
A<br />
b<br />
c<br />
d<br />
e<br />
8. Agents Palu_ ______________________________________________________________________________________________________________________________<br />
A<br />
B<br />
C<br />
D<br />
9. TRANSFERTS PAR AMBULANCE______________________________________________________________________________________________________________<br />
A b c<br />
10. Promotion de la santé/ Moustiquaires_ ________________________________________________________________________________________________<br />
A<br />
b<br />
Objectifs<br />
A Août 2005 Accès gratuit à des diagnostics et<br />
traitements palu efficaces pour enfants ≤5 ans<br />
B Déc 2006 Accès gratuit aux soins primaires<br />
pour les ≤5 ans et femmes enceintes avec fièvre<br />
C Juil 2007 Accès géographique étendu au<br />
diagnostic et au traitement du paludisme<br />
simple (AP) pour les ≤5 ans et les 6-10 ans et<br />
orientation des cas graves et des patients avec<br />
TDR négatif<br />
De plus, les femmes enceintes sont désormais<br />
systématiquement testées et traitées au<br />
CSCOM à chaque consultation anténatale<br />
D Juil 2009 Ajout du groupe d’âge des<br />
10-13 ans comme en (c)<br />
CSCOM<br />
A Août 2005 Démarrage avec sept centres sur<br />
la « rive gauche » (Kangaba Central, Salamale,<br />
Keniegou, Tombola, Kenieba, Narena, Karan –<br />
couvrant une de population of 73.000 hab.)<br />
B Jan 2008 Ajout de Balan Bakama,<br />
« rive gauche »<br />
C Juil 2008 Trois de plus sur la « rive droite » –<br />
Selefougou, Figuira Tomo, et Manicoura<br />
CSREF<br />
A Déc 2006 CSREF Kangaba<br />
B Nov 2008 Ajout du CSREF Selingue<br />
Soutien et formation<br />
en gestion pour les ASACO<br />
A Déc 2006 Démarrage dans les sept CSCOM<br />
d’origine<br />
B Juil 2008 Ajout de quatre nouveaux CSCOM<br />
Aide financière<br />
A Aoû 2005 TDR et CTA gratuits et système<br />
de recouvrement des coûts pour les autres<br />
frais pour les ≤5a. Les >5a paient un forfait<br />
de 85 CFA pour les TDR et les CTA et le<br />
système de recouvrement des coûts s’applique<br />
pour tous les autres frais.<br />
B Déc 2006 <strong>MSF</strong> remplace le système de<br />
recouvrement des coûts par un versement<br />
fixe de 1000 CFA pour toutes les consultations<br />
pour les patients ≤5a et les femmes enceintes<br />
fébriles. Les patients fébriles >5a payent un<br />
forfait de 200 CFA couvrant la consultation<br />
et le traitement.<br />
C Fév 2008 <strong>MSF</strong> arrête le paiement de 1000<br />
CFA pour les ≤5a et passe à un système d’aide<br />
financière à deux niveaux : une partie fixe<br />
(salaires des personnels) et une partie variable<br />
(primes de motivation). Le forfait de 200 CFA<br />
pour les >5a est maintenu.<br />
Diagnostics<br />
A Août 2005 Utilisation du Paracheck jusqu’en<br />
Jan 2010 dans les CSCOM.<br />
B Jan 2010 TDR systematique pour tous les<br />
≤5a (même en cas de diagnostic positif d’une<br />
autre maladie fébrile, ex. otite moyenne)<br />
C Juin 2010 Tests SD Bioline introduits<br />
au niveau des CSCOM.<br />
Traitement<br />
A Aoû 2005 CTA et quinine selon les besoins<br />
B Déc 2006 Traitement de toutes les maladies<br />
fébriles dont la malaria (antibiotiques ou CTA)<br />
C Juil 2008 Introduction de l’artéméther<br />
pré-orientation (patients des CSCOM<br />
orienter au CSREF)<br />
D Juil 2009 Début du traitement de trois<br />
doses d’artéméther aux CSCOM<br />
E Juil 2010 Introduction du « Rectocap »<br />
par les AP<br />
Agents Palu<br />
A Juil 2007 Démarrage dans les sept CSCOM<br />
d’origine uniquement pendant la haute saison,<br />
Juil – Déc (18 AP)<br />
B Juil 2008 Ajout de quatre autres CSCOM<br />
(42 AP)<br />
C Juil 2009 Recrutement d’AP<br />
supplémentaires (66)<br />
D Juil 2010 Recrutement de deux AP par les<br />
ASACO (68)<br />
Transfert par ambulance<br />
A Aoû 2005 Les patients paient le coût complet<br />
sauf les femmes enceintes (système malien).<br />
B Déc 2006 <strong>MSF</strong> paye à l’ASACO un tarif<br />
calculé en fonction des distances et du<br />
nombre de cas plus les contributions des<br />
patients (10.000 CFA) pour les services<br />
ambulanciers vers les sept CSCOM. Ainsi, les<br />
patients orientés n’avaient rien à payer pour<br />
l’ambulance.<br />
C Juil 2008 Application du même système<br />
aux quatre autres CSCOM<br />
Promotion de<br />
la santé/Moustiquaires<br />
A Aoû 2005 Les promoteurs de la santé<br />
de <strong>MSF</strong> ont appuié 15 membres du Relais<br />
par CSCOM pour des activités IEC et pour la<br />
distribution de moustiquaires avec instructions.<br />
Le nombre de promoteurs de la santé est<br />
passé d’un à huit en janvier 2009.<br />
<strong>MSF</strong> a fourni des moustiquaires aux groupes<br />
cibles des enfants qui avaient terminé le<br />
programme élargi de vaccination (PEV) et<br />
toutes les femmes enceintes lors de leur<br />
première visite anténatale.<br />
B Jan 2009 Fourniture de moustiquaires<br />
en cas de ruptures de stock.
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong> 13<br />
<strong>MSF</strong>-OCB Medical Department<br />
3. Les trois phases du projet <strong>MSF</strong><br />
3.1 Phase<br />
1 Août 2005 - Décembre 2006<br />
Le projet a démarré en août 2005 avec<br />
l’objectif spécifique de dispenser gratuitement<br />
des TDR et des traitements CTA aux<br />
enfants de zéro à cinq ans dans sept CS-<br />
COM et dans les consultations externes<br />
du CSREF du district de Kangaba (73.000<br />
habitants). Le personnel local a reçu une<br />
formation sur les nouveaux protocoles de<br />
diagnostic et de traitement. La formation<br />
concernait aussi les travailleurs communautaires<br />
(le Relais) qui informaient les<br />
villageois sur l’efficacité du nouveau programme<br />
thérapeutique et l’utilisation des<br />
moustiquaires imprégnées d’insecticide<br />
pour les nourrissons et les femmes enceintes.<br />
Des traitements préventifs intermittents<br />
étaient administrés aux femmes<br />
enceintes pendant les deuxième et troisième<br />
trimestres de grossesse.<br />
A la fin de la première phase, l’introduction<br />
des TDR et des CTA avait été réalisée<br />
avec succès, toutefois des obstacles financiers<br />
et géographiques continuaient<br />
d’empêcher l’accès aux soins en général.<br />
Malgré la fourniture gratuite des TDR et<br />
des CTA, les autres coûts associés à la<br />
consultation et au traitement des personnes<br />
diagnostiquées comme non paludéennes<br />
n’étaient pas couverts, et pendant<br />
la saison des pluies, beaucoup de<br />
villageois ne pouvaient pas arriver<br />
jusqu’au CSCOM. Ces barrières se traduisaient<br />
par la quasi stabilité des taux de<br />
fréquentation des CSCOM, passés de<br />
0,22 nouvelles consultations curatives<br />
toutes maladies confondues/habitant/an<br />
en 2005 à 0,27 en 2006, ces deux chiffres<br />
étant inférieurs aux taux de 0,5-1,0 prévus<br />
par l’OMS (13) . Malgré l’accent mis sur le<br />
paludisme chez les enfants ≤5a, la fréquentation<br />
pour la malaria demeurait faible<br />
à raison de 0,25 épisodes de malaria/<br />
enfant/an en 2005 et 0,38 en 2006 comparé<br />
à l’enquête sanitaire <strong>MSF</strong> de 2005 à<br />
Bougouni qui estimait un taux de 2,0 épisodes<br />
(10) . A la fin 2006, au vu de ces résultats<br />
limités, <strong>MSF</strong> réorientait son programme<br />
et entamait la Phase 2.<br />
3.2 Phase 2<br />
Décembre 2006 - Décembre 2008<br />
Deux changements majeurs sont intervenus<br />
dans la Phase 2 pour surmonter les<br />
obstacles financiers et géographiques à<br />
l’accès aux soins. Les enfants de moins<br />
de cinq ans et les femmes enceintes bénéficiaient<br />
désormais de soins complètement<br />
gratuits pour toutes les causes de<br />
fièvre, et des Agents Palu (AP) furent déployés<br />
pour offrir un plus grand accès aux<br />
soins dans les villages les plus isolés pendant<br />
la saison des pluies. <strong>MSF</strong> compensait<br />
le manque à gagner pour les ASACO et<br />
versait aussi des primes d’encouragement.<br />
Pour les patients >5a, un forfait réduit de<br />
200 CFA était appliqué pour couvrir tous les<br />
coûts des soins pour cause de « fièvre ».<br />
Au CSREF, formation, encadrement et médicaments<br />
étaient fournis pour traiter, gratuitement,<br />
tous les cas de paludisme sévère<br />
adressés par le CSCOM. <strong>MSF</strong> a<br />
également financé les services ambulanciers,<br />
une formation en sécurité des transfusions,<br />
l’achat d’équipements de laboratoire<br />
et de réactifs essentiels.<br />
De surcroît, une étude de mortalité communautaire<br />
menée par <strong>MSF</strong>-OCB (12) en<br />
2008 sur les deux rives du fleuve dans la<br />
zone couverte par Kangaba, a montré que<br />
la mortalité était deux fois plus élevée du<br />
côté de Selingue. Par conséquent, à partir<br />
de juillet 2008, trois CSCOM supplémen-
14<br />
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong><br />
taires sont venus s’ajouter aux sept premiers.<br />
Mais contrairement aux autres ils<br />
orientaient les patients au CSREF de Selingue<br />
parce que c’était plus près et plus<br />
pratique que d’essayer de traverser le<br />
fleuve jusqu’à Kangaba. <strong>MSF</strong> apportait au<br />
CSREF de Selingue un soutien comparable<br />
à celui dont bénéficiait le CSREF de<br />
Kangaba.<br />
A la fin de la Phase 2 les indicateurs de<br />
performance faisaient apparaître de nettes<br />
améliorations. Le nombre de consultations<br />
avait triplé, le taux de fréquentation<br />
des ≤5a avait quadruplé, la fréquentation<br />
par les femmes enceintes s’était multipliée<br />
par un facteur de 3,5, le nombre total de<br />
cas de malaria traités avait triplé, tandis<br />
que les cas sévères et les décès dans les<br />
CSCOM chutaient de façon spectaculaire<br />
(Cf. Tableau et Figure 1).<br />
3.3 Phase 3<br />
Janvier 2009 - Décembre 2010<br />
La phase finale du projet consistait à poursuivre<br />
et à consolider les activités existantes<br />
en attendant de passer le relais à un<br />
partenaire local. Au cours de cette période<br />
plusieurs changements ont été apportés<br />
dans le protocole de traitement et le<br />
diagnostic. En juillet 2009, le traitement<br />
par l’artéméther du paludisme grave a été<br />
introduit dans les CSCOM, réduisant ainsi<br />
le nombre de patients orientés par les CS-<br />
COM aux CSREF. Parallèlement, en juillet<br />
2010, les AP commençaient à utiliser les<br />
suppositoires Rectocaps pour les patients<br />
qu’ils orientaient vers les CSCOM. Le test<br />
de diagnostic rapide SD Bioline a remplacé<br />
le Paracheck en juin 2010 dans les<br />
CSCOM (mais pas pour les AP). Des plans<br />
ont été établis en prévision du retrait de<br />
<strong>MSF</strong> du projet en mars 2011. La documentation<br />
et l’analyse de l’ensemble du<br />
projet, avec l’intégration des données des<br />
trois dernières années, ont constitué un<br />
autre volet important de cette phase.
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong> 15<br />
<strong>MSF</strong>-OCB Medical Department<br />
4. les ASACO et le soutien de <strong>MSF</strong><br />
(finances et gestion)<br />
L’ASACO est l’organe représentatif de la<br />
communauté auprès du CSCOM. Il est<br />
composé de deux villageois élus pour<br />
chacun des villages couverts par le CS-<br />
COM. Au sein de l’ASACO, un petit groupe<br />
est élu pour former le Comité de Gestion,<br />
en charge de l’exécution de toutes<br />
les activités du CSCOM.<br />
Un Comité de Gestion se compose d’au<br />
moins cinq personnes :<br />
1) Président<br />
2) Comptable<br />
3) Trésorier<br />
4) Chef de Poste, le représentant médical<br />
du CSCOM<br />
5) Secrétaire administratif<br />
Le fonctionnement des ASACO dans le<br />
district de Kangaba pourrait être décrit en<br />
cinq phases :<br />
1) Avant la collaboration avec <strong>MSF</strong><br />
2) Trois phases financières de collaboration<br />
avec <strong>MSF</strong><br />
3) Après le départ de <strong>MSF</strong><br />
Ci-dessous suit une description détaillée<br />
de chacune de ces phases.<br />
4.1 Système financier avant<br />
la collaboration avec <strong>MSF</strong><br />
Conformément à l’Initiative de Bamako (8)<br />
un CSCOM au Mali fonctionnait selon un<br />
système de recouvrement des coûts géré<br />
par l’ASACO. Les recettes provenaient de<br />
l’argent perçu pour les consultations, les<br />
soins médicaux (pansements, injections,<br />
accouchements) et de la vente de produits<br />
pharmaceutiques (médicaments et<br />
consommables). Les médicaments étaient<br />
achetés au dépôt du district et vendus<br />
avec un bénéfice de 1,2 - 2,5%.<br />
Les recettes mensuelles étaient déposées<br />
sur un compte bancaire sur lequel étaient<br />
effectués les retraits pour entretenir les locaux<br />
et les équipements, acheter les nouveaux<br />
stocks de médicaments, et payer<br />
les salaires des employés (avec des primes<br />
annuelles s’il y avait un excédent de<br />
fonds par rapport aux besoins). Toutefois,<br />
avant l’arrivée de <strong>MSF</strong>, le système ne<br />
fonctionnait pas bien dans le district de<br />
Kangaba car il n’y avait pas suffisamment<br />
de consultations et de traitements pour<br />
générer des revenus adéquats.<br />
« Avant (l’arrivée de <strong>MSF</strong>) on n’avait peutêtre<br />
que quatre consultations/jour car les<br />
gens sont trop pauvres et ne peuvent pas<br />
payer le ticket et les médicaments ». « Les<br />
gens préféraient aller directement au marché<br />
pour y acheter leurs médicaments. »<br />
(Un président)<br />
« Nos recettes ne suffisaient pas pour<br />
payer les salaires de nos employés parce<br />
qu’on ne vendait pas assez de tickets et<br />
de médicaments. »<br />
(Un président)<br />
« La pharmacie du CSREF n’avait pas toujours<br />
tous les médicaments en stock, alors<br />
on devait aller les acheter à Bamako. »<br />
(Un comptable)
16<br />
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong><br />
4.2 Phase financière 1<br />
de la collaboration avec<br />
<strong>MSF</strong> (Août 2005 - Déc 2006)<br />
Dans la première phase, le système de<br />
recouvrement des coûts a été conservé<br />
sauf que <strong>MSF</strong> fournissait gratuitement les<br />
Tests de Diagnostic Rapide (TDR), la<br />
Combinaison Thérapeutique à base d’Artémisine<br />
(CTA) et le paracétamol. Cette<br />
stratégie était censée couvrir la gratuité<br />
des diagnostics et des traitements antipaludéens<br />
pour les enfants ≤5 ans, tandis<br />
que tous les patients >5a devaient encore<br />
payer un forfait de 85 CFA (égal au précédent<br />
traitement à la chloroquine). Malgré<br />
cette aide, une évaluation du programme<br />
en 2006 montrait seulement une légère<br />
augmentation du nombre de consultations<br />
et, par conséquent, une légère augmentation<br />
des revenus. Cette aide ne suffisait<br />
pas pour améliorer notablement les problèmes<br />
de financement et ne semblait pas<br />
avoir permis de surmonter les barrières<br />
financières à des soins appropriés (en plus<br />
de faire apparaître une décevante augmentation<br />
des consultations cliniques).<br />
4.3 Phase financière 2<br />
de la collaboration avec<br />
<strong>MSF</strong> (Déc 2006 - Fév 2008)<br />
Dans la deuxième phase, <strong>MSF</strong> a supprimé<br />
le système de recouvrement des coûts<br />
afin d’abolir la barrière financière de l’accès<br />
aux soins de santé primaires. Cela a<br />
entraîné pour les ASACO des changements<br />
majeurs dans leur gestion du système<br />
de financement. Au cours de cette<br />
étape, <strong>MSF</strong> a rédigé des « Contrats de<br />
compensation et primes » avec les sept<br />
ASACO concernant :<br />
- Le paiement des salaires de certains<br />
personnels (ceux qui n’étaient pas<br />
payés par le MS)<br />
- Le versement d’un forfait de 1000 CFA/<br />
consultation au CSCOM pour les enfants<br />
≤5 ans et les femmes enceintes<br />
fébriles<br />
- L’approvisionnement en TDR, CTA et<br />
autres médicaments essentiels (par ex.<br />
antibiotiques)<br />
- Le paiement de la contribution versée<br />
par les ASACO pour les services ambulanciers<br />
- La formation et l’encadrement des activités<br />
des ASACO, en particulier la gestion<br />
des recettes, pour garantir le bon<br />
fonctionnement des CSCOM.<br />
En retour, les ASACO s’engageaient sur<br />
les points suivants :<br />
- L’accès gratuit pour tous les enfants ≤5<br />
ans<br />
- L’accès gratuit au traitement et à la prévention<br />
du paludisme pour toutes les<br />
femmes enceintes fébriles<br />
- Tous les patients >5 ans ne devaient<br />
pas payer un forfait supérieur à 200<br />
CFA<br />
- Un système efficace de transfert, avec<br />
transport en ambulance vers le centre<br />
de référence<br />
- L’organisation d’activités IEC dans leur<br />
circonscription à travers le recrutement<br />
de 15 travailleurs communautaires appuiés<br />
par <strong>MSF</strong><br />
- L’entretien des bâtiments et l’approvisionnement<br />
en fournitures.<br />
Au cours de cette période le nombre des<br />
consultations a quadruplé dans les CS-<br />
COM. Grâce au nouveau système de financement<br />
mis en place (ex. 1.000 CFA /<br />
consultation), les revenus des ASACO ont<br />
bondi de manière spectaculaire, annonçant<br />
une nouvelle ère.<br />
« En effet notre compte en banque s’est<br />
mis à grossir ce qui nous a permis de<br />
payer à notre personnel les arriérés de salaires.<br />
»<br />
(Un comptable)<br />
« Nous avons même recruté un employé<br />
supplémentaire. »<br />
(Un président)<br />
4.4 Phase financière 3<br />
de la collaboration avec<br />
<strong>MSF</strong> (Fév 2008 - Déc 2010)<br />
En 2008, <strong>MSF</strong> a conduit une analyse<br />
comptable des revenus et dépenses des<br />
ASACO (14) . Elle a fait apparaître un grand<br />
déséquilibre entre les recettes et les dépenses<br />
: les revenus étaient nettement<br />
supérieurs aux dépenses, ce qui s’est traduit<br />
par de larges excédents budgétaires<br />
pour les ASACO (cas de figure exceptionnel<br />
au Mali!). La question était aussi de<br />
savoir si le tarif fixe garantissait des soins<br />
de bonne qualité. Un nouveau contrat fut<br />
donc signé avec les ASACO, la principale<br />
différence étant que les 1000 CFA/consultation<br />
étaient remplacé par un système à<br />
deux niveaux : un système de compensation<br />
fixe et variable. La compensation fixe<br />
couvrait les salaires des employés des<br />
ASACO, les dépenses d’entretien sur la<br />
base de la moyenne mensuelle de l’année<br />
précédente, et les frais d’ambulance supportés<br />
par les ASACO pour transferer les<br />
patients au centre de référence.<br />
La compensation variable visait à motiver<br />
les équipes et était basée sur une évaluation<br />
conduite par un comité composé d’un<br />
évaluateur <strong>MSF</strong>, un membre ASACO et le<br />
Chef de Poste. Les indicateurs retenus<br />
portaient sur :<br />
- La performance de toutes les activités<br />
de santé effectuées par le personnel<br />
sanitaire (qualité des soins médicaux,<br />
gestion transparente de la pharmacie,<br />
rapport de données mensuelles)
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong> 17<br />
- Le niveau de fonctionnement des<br />
ASACO : planification et gestion des<br />
CSCOM (transparence des comptes,<br />
respect des Plans d’Action Annuels,<br />
procès verbaux des réunions mensuelles,<br />
assemblées générales).<br />
Ce système a engendré une plus grande<br />
interaction entre <strong>MSF</strong>, les ASACO et les<br />
personnels de santé des CSCOM dans le<br />
but de promouvoir une meilleure qualité<br />
de soins et de gestion.<br />
Une des conséquences financières directes<br />
de ce système fut une baisse importante<br />
de revenus pour les ASACO (diminution<br />
de moitié dans certains cas).<br />
Cependant cette baisse ne semblait pas<br />
avoir d’influence sur les soins aux patients,<br />
puisque la fréquentation des CS-<br />
COM restait élevée et continuait d’augmenter.<br />
Voir Figure 1 p.25.<br />
« Oui, bien sûr, nous avons constaté une<br />
énorme différence au niveau des revenus,<br />
mais cela ne concernait que les ASACO,<br />
les patients ne l’ont pas remarqué. »<br />
(Un trésorier)<br />
« La partie évaluation est positive, elle<br />
nous incite à nous améliorer et à apprendre<br />
davantage. »<br />
(Un Chef de Poste)<br />
4.5 Système financier<br />
après le départ de <strong>MSF</strong><br />
Le système décrit plus haut a continué de<br />
fonctionner jusqu’à fin 2010. Mais comme<br />
<strong>MSF</strong> avait prévu de se retirer au 31 mars<br />
2011, et avait organisé plusieurs réunions<br />
à visée informative et participative, il était<br />
important de savoir comment les ASACO<br />
envisageaient l’avenir. Des réunions avec<br />
deux ASACO permirent d’approfondir le<br />
sujet.<br />
Au début 2011, parmi les sept CSCOM<br />
présents à l’origine, la situation était la suivante<br />
: (a) le système financier mis en<br />
place fonctionnait bien, (b) les ASACO et<br />
le personnel de santé avaient reçu des<br />
formations en gestion et clinique, (c) deux<br />
Agents Palu (AP) s’étaient ajoutés à la liste<br />
du personnel dans deux ASACO, (d) deux<br />
ASACO avaient élaboré leurs Plans d’action<br />
annuels pour 2011.<br />
D’après les deux entretiens avec les membres<br />
des ASACO, il semble que l’une et<br />
l’autre n’envisageaient pas l’avenir de la<br />
même manière. Une ASACO ne pouvait<br />
que former le voeu qu’un partenaire soit<br />
trouvé par <strong>MSF</strong> pour prendre le relais. Entre-temps,<br />
elle n’avait pas élaboré de plan<br />
financier alternatif. Les membres de la seconde<br />
ASACO avaient discuté entre eux<br />
du retrait de <strong>MSF</strong> et avaient même envisagé,<br />
indépendamment de <strong>MSF</strong>, quel type<br />
de partenaire pourrait prendre la suite.<br />
Les deux ASACO, sans réserve, estimaient<br />
qu’en l’absence d’un nouveau partenaire<br />
financier, elles reviendraient au<br />
système initial de recouvrement des coûts<br />
pour payer les salaires (excluant ainsi les<br />
AP, sauf pour les deux ASACO qui en<br />
avaient recruté un chacune), y compris<br />
les cotisations sociales (un coût récemment<br />
reconnu imposé aux ASACO), les<br />
médicaments, l’entretien des dispensaires<br />
et le carburant pour les motos (dont le prix<br />
avait beaucoup augmenté).<br />
Etant donnée la probabilité d’un retour à<br />
l’ancien système de recouvrement des<br />
coûts, les deux ASACO commençaient à<br />
sensibiliser leur population cible pour les<br />
informer des changements à venir. Pendant<br />
ce temps, au niveau du district, elles<br />
travaillaient sur un consensus sur des tarifs<br />
standardisés pour les consultations et<br />
les actes médicaux.<br />
La fourniture de soins gratuits aux indigents<br />
était une autre question importante.<br />
Selon la législation de l’Initiative de Bamako<br />
(8) , cette responsabilité incombait<br />
aux ASACO, qui contactaient ensuite les<br />
services du développement social pour<br />
les remboursements. Mais il n’existait pas<br />
de critères précis pour qualifier l’indigence<br />
et les ASACO n’avaient pas de plans<br />
en place pour les prendre en charge avant<br />
l’arrivée de <strong>MSF</strong>. Il était par ailleurs très<br />
difficile d’assigner le statut d’« indigent »<br />
dans une population où la majorité des<br />
gens vivaient sous le seuil de pauvreté.<br />
Avec le soutien financier de <strong>MSF</strong>, les soins<br />
aux indigents n’étaient pas un problème,<br />
les frais étant plus ou moins couverts,<br />
mais à l’avenir les ASACO suggéraient<br />
qu’elles auraient beaucoup plus de difficulté<br />
à aider les indigents avec des ressources<br />
financières limitées.<br />
« Nous avons une mauvaise expérience<br />
avec le conseil municipal qui est censé<br />
nous rembourser les coûts que nous<br />
avons supportés en donnant des soins<br />
gratuits à un indigent. Jusqu’à présent ils<br />
ne nous ont pas remboursé. »<br />
(Un président)<br />
Questionnées sur ce qu’elles pensaient<br />
de « l’accès gratuit aux soins », les ASACO<br />
ont reconnu que la fréquence et le nombre<br />
des consultations avaient augmenté<br />
pendant la collaboration avec <strong>MSF</strong>, d’où<br />
un accroissement conséquent des revenus,<br />
qu’il y avait eu un grand changement<br />
des comportements en matière de demande<br />
de santé et une nette réduction de<br />
la mortalité chez les enfants. Sans la gratuité,<br />
les ASACO pensaient que ces résultats<br />
positifs s’estomperaient à cause du<br />
retour des barrières financières.<br />
« Maintenant que les gens savent qu’ils<br />
doivent venir et qu’on peut leur donner un<br />
bon traitement, ils viendront. »<br />
(Un président)<br />
« Les gens seront moins nombreux à venir<br />
mais si nous pouvons avoir environ 300<br />
consultations/mois, nous nous en sortirons. »<br />
(Un comptable)
18<br />
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong><br />
<strong>MSF</strong>-OCB Medical Department<br />
5. Agents Palu<br />
En juillet 2007, outre la levée des barrières financières, <strong>MSF</strong> voulait<br />
améliorer l’accès géographique au diagnostic et au traitement du<br />
paludisme notamment pendant la saison des pluies, (juillet-décembre),<br />
quand de nombreux villages sont isolés à cause des routes bloquées.<br />
Les inondations empêchaient l’accès aux soins de ces populations au<br />
moment du pic de transmission du paludisme. En réponse, <strong>MSF</strong> a créé<br />
un système de proximité pendant la période de forte transmission pour<br />
le diagnostic et le traitement de la malaria chez les enfants de trois mois<br />
à 13 ans, grâce au déploiement des Agents Palu (AP).<br />
5.1 Sélection et formation<br />
La sélection des sites d’intervention des<br />
AP s’est effectuée sur deux critères :<br />
- >5 kilomètres de distance d’un CSCOM<br />
- Inaccessibilité des routes pendant la<br />
saison des pluies.<br />
Après la sélection des sites, des AP ont<br />
été recrutés, hommes et femmes, lors<br />
d’assemblées de village, à condition de<br />
remplir les critères suivants :<br />
- être respecté dans la communauté<br />
- être disponible 100% du temps (c.à.d.<br />
pas d’autre emploi)<br />
- Savoir lire et écrire en français<br />
- Savoir monter à bicyclette<br />
- être capable d’effectuer des calculs<br />
simples.<br />
<strong>MSF</strong> a dispensé aux AP trois jours de formation<br />
théorique à Kangaba, suivis de<br />
trois jours de formation pratique dans chacune<br />
des localités couvertes par les AP,<br />
avec leurs superviseurs et le Chef de Poste<br />
du CSCOM. Ce stage a permis à chaque<br />
AP d’acquérir une expérience de terrain<br />
et de se familiariser avec le personnel<br />
des CSCOM et leur population cible.<br />
Le profil de poste des AP consistait à :<br />
- connaître les différents signes cliniques<br />
du paludisme simple et sévère<br />
- Prendre la température, reconnaître une<br />
fièvre quand la température était<br />
>37.8°C, et retracer les épisodes fébriles<br />
des 48 heures précédentes<br />
- Effectuer un TDR<br />
- Si TDR positif traiter avec CTA et Paracétamol<br />
selon le protocole <strong>MSF</strong>, superviser<br />
la première dose, et apprendre<br />
aux patients comment prendre le traitement
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong> 19<br />
- Si TDR négatif orienter vers le CS-<br />
COM, avec une fiche de transfert<br />
- Pour les cas de paludisme grave, orienter<br />
au CSCOM (fiche de transfert), et à<br />
compter de juillet 2010, utilisation des<br />
Rectocaps comme traitement pré-orientation<br />
- Enregistrer leurs activités à l’aide de fiche<br />
de pointage pour la collecte des<br />
données (TDR effectué, TDR positif et<br />
négatif, paludisme grave, orientations,<br />
consommation de médicaments).<br />
5.2 Fournitures<br />
<strong>MSF</strong> fournissait à chaque AP une bicyclette,<br />
un kit non médical et un kit médical<br />
composé de :<br />
- TDR (Paracheck)<br />
- CTA (AS + AQ) avec des doses différentes<br />
pour les nourrissons de 3-11<br />
mois, les enfants de 1-5 ans, 6-10 ans<br />
(passé à 6-13 ans en 2010) et Paracétamol<br />
500mg<br />
- Suppositoires Rectocaps, 50 et 200 mg.<br />
- Gants d’examen<br />
- Thermomètre électrique<br />
- Boîte spéciale pour jeter les aiguilles<br />
- Quelques consommables.<br />
Les kits non-médicaux contenaient :<br />
- Bottes en caoutchouc, imperméable,<br />
moustiquaire<br />
- Lampe torche, sac à dos, minuteur<br />
- Gilet marqué <strong>MSF</strong>/AP pour identification<br />
- Quelques articles de bureau et papeterie<br />
- Caisse avec cadenas.<br />
En tant qu’employeurs des AP, les ASACO<br />
recevaient de <strong>MSF</strong> une rémunération<br />
mensuelle de 25.000 CFA/AP avec laquelle<br />
elles payaient les Agents Palu. Les<br />
ASACO étaient chargées de fournir les<br />
autres consommables nécessaires et de<br />
couvrir les frais d’entretien des bicyclettes.<br />
Chaque année, un stage de remise à niveau<br />
était organisé pour les AP expérimentés,<br />
intégré dans la formation des AP<br />
nouvellement recrutés.<br />
5.3 Encadrement<br />
Les AP étaient encadrés par un superviseur<br />
<strong>MSF</strong>, un(e) infirmier(ère) diplômé(e)<br />
d’Etat.<br />
La supervision portait sur les aspects suivants<br />
:<br />
- Des visites surprises aléatoires sur les<br />
sites pour vérifier la présence des AP<br />
conformément à leur planning<br />
- Utilisation correcte des protocoles de<br />
diagnostic et de traitement<br />
- Utilisation correcte des feuilles de collecte<br />
des données<br />
- Résolution des problèmes (personnes<br />
âgées demandant un traitement gratuit,<br />
personnes orientées refusant d’aller au<br />
CSCOM, etc.).<br />
La planification de supervision était basée<br />
sur le degré d’encadrement dont les AP<br />
semblaient avoir besoin, plutôt que sur un<br />
nombre fixe de visites. Cette approche<br />
personnalisée a permis à chaque AP d’atteindre<br />
assez rapidement le niveau souhaité.<br />
Sur la base de cette méthode, seuls<br />
deux AP ont été démis de leurs fonctions<br />
par les superviseurs, l’un pour absences<br />
fréquentes et l’autre pour non respect des<br />
protocoles. Une fois par mois, tous les AP<br />
se rendaient dans leur CSCOM où leurs<br />
données étaient auditées par le superviseur<br />
et où on les réapprovisionnait en nouveaux<br />
TDR/médicaments en fonction des<br />
calculs de consommation.<br />
5.4 Couverture<br />
Sur quatre ans, <strong>MSF</strong> a progressivement<br />
élargi la couverture en recrutant des AP<br />
supplémentaires. Chaque AP couvrait<br />
plusieurs villages et hameaux dans un<br />
rayon moyen d’environ 10 kilomètres, les<br />
chiffres allant de deux à dix villages/hameaux<br />
selon leur taille et les distances à<br />
parcourir. En 2007, dans les sept CSCOM<br />
d’origine, 18 AP couvraient 90 villages et<br />
hameaux, contre 50 AP couvrant 140 villages<br />
dans la dernière saison 2010. Pour<br />
l’ensemble des 11 CSCOM, en 2010, 68<br />
AP couvraient 193 villages ou hameaux et<br />
étaient encadrés par six infirmiers/ères<br />
<strong>MSF</strong>. Selon l’évaluation de <strong>MSF</strong>, les AP<br />
couvraient 62% de la population vivant à<br />
>5kms d’un CSCOM (15) . Toutefois ce chiffre<br />
n’est pas entièrement précis en raison<br />
de non concordance des définitions des<br />
groupes d’âge entre les données du recensement<br />
national et le programme<br />
<strong>MSF</strong>.
20<br />
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong><br />
Le Relais est un réseau communautaire<br />
qui, supervisé par l’ASACO, diffusait des<br />
messages de prévention sanitaire dans<br />
les villages. Cf. Promotion de la santé<br />
(Section 6). En théorie, les AP avaient un<br />
lien fonctionnel avec les travailleurs communautaires<br />
du Relais. Une fois que les<br />
AP avaient vu des patients, les membres<br />
du Relais étaient censés contrôler l’observance<br />
du traitement, et encourager les<br />
orientations vers le CSCOM. Dans la pratique,<br />
cela ne fonctionnait pas toujours, en<br />
raison de mauvaises relations entre les<br />
deux groupes concernant un grand différentiel<br />
de rémunération. (Voir Section 6.)<br />
5.5 Expériences<br />
Pendant notre séjour, nous avons interviewé<br />
trois AP (deux hommes, une femme)<br />
accompagnés de leurs superviseurs<br />
(deux superviseurs responsables de 17<br />
AP) et ils nous ont fait part de leurs expériences<br />
:<br />
- Enfants testés / jour contre TDR positifs :<br />
AP 1 a vu 10 – 12 enfants /jour<br />
7-8 TDR + (+ = 68%)<br />
AP 2 a vu 8 – 9 enfants / jour<br />
6-7 TDR + (+ = 76%)<br />
AP 3 a vu 5 enfants / jour<br />
3 TDR+ (+ = 60%)<br />
- Deux AP trouvaient que, avec le temps,<br />
ils voyaient moins de cas sévères de<br />
paludisme, car la plupart des gens se<br />
présentaient avant pour un diagnostic.<br />
« Même si je suis dans un autre village,<br />
ils vont venir me chercher parce que<br />
maintenant ils savent. »<br />
Cependant un AP disait le contraire :<br />
« Les gens attendent le jour prévu de<br />
mon passage. Si je ne viens pas avant<br />
plusieurs jours, l’enfant va tomber malade<br />
d’un paludisme grave. »<br />
- Être homme ou femme pour un AP ne<br />
semblait avoir aucune influence sur le<br />
comportement de demande de santé<br />
des mères amenant leurs enfants.<br />
- L’un des AP jugeait excellente l’utilisation<br />
des suppositoires (Rectocaps),<br />
alors qu’un autre AP disait qu’il fallait du<br />
temps pour en rendre l’administration<br />
culturellement acceptable. Aucun des<br />
AP n’avait l’impression que les patients<br />
se méprenaient sur l’usage des Rectocaps<br />
comme étant le traitement antipaludique<br />
plutôt qu’une médication de<br />
pré-orientation.<br />
- Les visites de supervision étaient jugées<br />
suffisantes et utiles. Les superviseurs<br />
résolvaient les problèmes (par ex.<br />
faire la liaison entre l’ASACO et l’AP<br />
pour une réparation de vélo) et amélioraient/corrigeaient<br />
les petites erreurs<br />
dans l’utilisation de la fiche de pointage.<br />
Les problèmes le plus souvent rencontrés<br />
par les AP étaient les suivants :<br />
- Des personnes en dehors des groupes<br />
cibles exigeant un traitement<br />
- Des routes impraticables même à bicyclette<br />
(y compris en portant le vélo sur<br />
l’épaule pour traverser les zones inondées),<br />
rendant parfois les villages inaccessibles<br />
- Les réparations de vélo n’étaient pas<br />
assurées rapidement par les ASACO<br />
- Malgré des comportements de recherche<br />
de santé à la hausse, dans certaines<br />
zones, (ex. près des mines d’or) les femmes<br />
étaient trop occupées pour venir<br />
- Il y avait parfois des ruptures de stock,<br />
bien que rarement.
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong> 21<br />
<strong>MSF</strong>-OCB Medical Department<br />
6. Le « Relais » - agents de promotion<br />
de la santE<br />
Le Relais est un réseau communautaire<br />
placé sous la supervision des ASACO et<br />
responsable de l’éducation à la santé et<br />
de la promotion sanitaire dans les villages<br />
concernant le paludisme, la malnutrition,<br />
l’hygiène, et autres messages prophylactiques.<br />
Un mois avant le démarrage du programme<br />
malaria à Kangaba, <strong>MSF</strong> s’est réunie<br />
avec les sept ASACO d’origine et a convenu<br />
d’appuyer 15 des 45 agents communautaires<br />
de chaque Relais. Leur travail<br />
consistait à sensibiliser tous les villages<br />
cibles au nouveau programme contre la<br />
malaria. Cela incluait l’éducation aux nouveaux<br />
protocoles diagnostiques et thérapeutiques<br />
(observance comprise), et la<br />
promotion de changements des comportements<br />
de recherche de santé et de mesures<br />
prophylactiques (suivi de l’utilisation<br />
des moustiquaires).<br />
<strong>MSF</strong> a dispensé une formation sur la prévention<br />
du paludisme et les signes de paludisme<br />
simple et sévère. Un second volet<br />
de la formation portait sur le recours à différentes<br />
formes de communication (mise<br />
en récit/théâtre, discussions de groupe,<br />
visites scolaires, radio, et plus tard, vidéo)<br />
en vue de bien faire passer les messages.<br />
<strong>MSF</strong> fournissait à chaque agent communautaire<br />
ayant réussi la formation une bicyclette,<br />
dont l’ASACO devait assurer l’entretien.<br />
<strong>MSF</strong> ne leur versait aucune prime de<br />
motivation/compensation. L’ASACO s’en<br />
chargeait.<br />
Les sept CSCOM d’origine comptaient au<br />
total 105 travailleurs communautaires du<br />
Relais supervisés initialement par deux et<br />
plus tard quatre agents <strong>MSF</strong> de promotion<br />
de la santé.<br />
A mesure que se déroulaient les différentes<br />
phases du projet, les activités du Relais<br />
avec leurs superviseurs sont montées<br />
en puissance pour inclure les responsabilités<br />
suivantes :<br />
- Assurer la liaison avec les autorités locales<br />
- Organiser des activités IEC concernant<br />
la prévention et les soins antipaludéens<br />
- Participer à la distribution de moustiquaires<br />
et donner des conseils sur leur<br />
utilisation<br />
- Soutenir leurs ASACO à travers des réunions<br />
communautaires<br />
- Assister les AP dans le suivi et le contrôle<br />
de l’observance du traitement CTA<br />
quand les patients étaient orientés vers<br />
un CSCOM.<br />
Malheureusement, ce dernier point n’a<br />
pas donné les résultats escomptés, en raison<br />
du différentiel créé par <strong>MSF</strong> au niveau<br />
du soutien financier accordé au Relais et<br />
aux AP. Ainsi, un travailleur communautaire<br />
bénévole, non rémunéré, pouvait devenir<br />
AP et toucher 25.000 CFA par mois<br />
alors que le volontaire du Relais ne recevait<br />
qu’une bicyclette. Même si les AP devaient<br />
pouvoir consacrer 100% de leur
22<br />
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong><br />
temps à leur travail, ce qui n’était pas le<br />
cas des travailleurs communautaires, cette<br />
différence était perçue comme injuste et a<br />
énormément démotivé les volontaires.<br />
Un travailleur communautaire du Relais ne<br />
recevait de l’ASACO qu’une modeste rémunération<br />
à la veille d’importantes fêtes<br />
religieuses, un simple dédommagement<br />
qui dépendait entièrement du bon vouloir<br />
de l’ASACO.<br />
Une enquête CAP sur l’utilisation des<br />
moustiquaires (16) , réalisée en 2010, a révélé<br />
que les moustiquaires étaient largement<br />
distribuées dans le district de Kangaba<br />
- 98% de tous les ménages interrogés<br />
avaient des moustiquaires, avec une possession<br />
moyenne de 2,96 moustiquaires<br />
par foyer, tandis que 71% des individus<br />
de ces foyers déclaraient dormir sous leur<br />
moustiquaire. Les moustiquaires avaient<br />
été distribuées par différents canaux – aux<br />
mères terminant la première série de vaccinations<br />
de leur nouveau-né, aux femmes<br />
enceintes dans les consultations anténatales<br />
et à travers des campagnes de masse.<br />
Le Relais a soutenu ces activités à<br />
travers l’éducation à la santé. Il est toutefois<br />
impossible de déterminer dans quelle<br />
proportion exacte les activités du Relais<br />
ont contribué à l’adoption massive de l’utilisation<br />
des moustiquaires.<br />
De la même manière, nous ne pouvons pas<br />
établir précisément dans quelle mesure les<br />
changements comportementaux de recherche<br />
de santé étaient attribuables aux activités<br />
du Relais. Ces changements étaient<br />
néanmoins spectaculaires, comme en attestent<br />
la hausse de fréquentation ainsi que<br />
les témoignages des AP et des ASACO,<br />
aussi semblerait-il que ces activités ont<br />
contribué aux changements observés.
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong> 23<br />
<strong>MSF</strong>-OCB Medical Department<br />
7. Analyse – Methode <br />
Ceci est une analyse descriptive qui ne<br />
peut établir de lien de cause à effet ou d’impact<br />
direct attribuables aux interventions.<br />
Les données qui étayent ce rapport ont<br />
été recueillies de la manière suivante : le<br />
personnel de santé des CSCOM enregistrait<br />
les cas dans un registre standard du<br />
Ministère de la santé (MS). Les Chefs de<br />
Postes des CSCOM collectaient les cas à<br />
partir des registres et les recopiaient chaque<br />
mois sur des fiches de recueil de<br />
données élaborées par <strong>MSF</strong>. Les superviseurs<br />
des Agents Palu collectaient les fiches<br />
de pointage tenues par les AP. Les<br />
médecins qui supervisaient les CSCOM et<br />
les AP entraient les données brutes sur<br />
des tableurs Excel et les transmettaient au<br />
gestionnaire de données qui les consolidait<br />
dans une matrice générale, si ces variables<br />
étaient incluses dans la matrice.<br />
Mais comme ce n’était pas toujours le cas,<br />
certaines données n’etaient pas saisies<br />
dans la matrice. L’entrée des données ne<br />
faisait pas l’objet d’une double saisie ni de<br />
vérifications.<br />
La population totale du district couvert par<br />
les sept CSCOM d’origine était estimée à<br />
73.000 personnes dans une étude de<br />
mortalité effectuée par <strong>MSF</strong> en 2008 (12) .<br />
Les critères de paludisme grave incluaient<br />
les cas de fièvre (température axillaire<br />
>37.5°C) accompagnée de signes neurologiques<br />
(convulsions, état de conscience<br />
altéré), d’anémie (diagnostic clinique), ou<br />
de vomissements/diarrhée répétés. Les<br />
décès étaient comptabilisés à partir des<br />
registres des CSCOM et des CSREF, les<br />
chiffres ne concernent donc que les décès<br />
survenus dans les centres de santé.<br />
Les causes de décès étaient telles qu’elles<br />
apparaissaient dans les registres. S’il y<br />
avait plus d’un diagnostic de décès et que<br />
le paludisme figurait parmi ces causes, le<br />
décès était attribué au paludisme.<br />
Par ailleurs l’équipe de recherche a eu<br />
des entrevues avec quatre CSCOM, trois<br />
ASACO, trois AP (avec leurs superviseurs)<br />
et les directeurs de districts de la santé<br />
publique des deux CSREF. Les entretiens<br />
se sont déroulés dans les centres de santé<br />
et ont permis une description détaillée<br />
des rôles, fonctions et expériences de<br />
chaque groupe. Ces interviews s’ajoutaient<br />
à des contacts réguliers avec les<br />
équipes de coordination et de mise en<br />
oeuvre à Kangaba. Etant donné le nombre<br />
limité de personnes interrogées, ces descriptions<br />
peuvent seulement être considérées<br />
comme anecdotiques.<br />
7.1 Déontologie<br />
Ce rapport se fonde sur des données recueillies<br />
dans le cadre du suivi de routine<br />
d’un programme qui satisfaisaient aux critères<br />
éthiques de <strong>MSF</strong> pour ce type d’étude,<br />
l’approbation officielle du comité<br />
d’éthique n’était donc pas nécessaire. Le<br />
personnel local du MS dans les CSCOM et<br />
les CSREF était impliqué dans la collecte<br />
des données et faisait partie du projet.
24<br />
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong><br />
<strong>MSF</strong>-OCB Medical Department<br />
8. ResultaTs/Discussion<br />
Le Tableau 1 et la Figure 1 montrent le<br />
bilan global du programme <strong>MSF</strong> dans le<br />
district de Kangaba pour les sept CSCOM<br />
d’origine sur les six ans qu’a duré le projet.<br />
Le nombre total de cas a explosé en<br />
2007 et a continué d’augmenter suite à<br />
l’introduction de mesures facilitant l’accès<br />
en termes financiers et géographiques,<br />
c.à.d. les aides financières ciblées et les<br />
AP. A partir de 2007, après une forte hausse<br />
initiale, le nombre de cas traités par les<br />
CSCOM s’élève lentement et régulièrement<br />
tandis que la contribution des AP<br />
s’accroît plus rapidement. Les femmes<br />
enceintes ont commencé à être enregistrées<br />
en 2006 et pour elles les consultations<br />
sont restées relativement stables<br />
après 2007.<br />
Tableau I : Total des nouveaux cas (tous diagnostics confondus) dans sept CSCOM 2005 – 2010<br />
Année 2005 2006 2007 2008 2009 2010<br />
Total des nouveaux cas 14361 19555 61083 69891 85939 101493<br />
≤5 5405 (37.6%) 8652 (44.2%) 37530 (61.4%) 41356 (59.2%) 49541 (57.6%) 57412 (56.6%)<br />
>5 8956 (62.4%) 9852 (50.4%) 19453 (31.1%) 24155 (34.6%) 31708 (36.9%) 39259 (38.7%)<br />
CSCOM 14361 18484 (94.5%) 49864 (81.6%) 52804 (75.6%) 58023 (67.5%) 70348 (69.3%)<br />
≤5 5405 (37.6%) 8632 (47.7%) 31611 (63.4%) 32014 (60.6%) 33482 (57.7%) 38895 (55.3%)<br />
>5 8956 (62.4%) 9852 (53.3%) 18253 (36.6%) 20790 (39.4%) 24181 (42.3%) 31453 (44.7%)<br />
AP# 0 0 7159 (11.7%) 12707 (18.2%) 23226 (27.0%) 26323 (25.9%)<br />
≤5 0 0 5919 (82.7%) 9342 (73.5%) 15699 (67.6%) 18517 (70.3%)<br />
>5 0 0 1240 (17.3%) 3365 (26.5%) 7527 (32.4%) 7806 (29.7%)<br />
FE* 1071 (5.5%) 4060 (6.7%) 4380 (6.3%) 4690 (5.5%) 4822 (4.8%)<br />
# AP – Agents Palu<br />
* FE – Femmes enceintes
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong> 25<br />
Fig 1: Total des nouveaux cas (tous diagnostics confondus) dans 7 CSCOMs 2005 - 2010<br />
Nombres<br />
120000<br />
100000<br />
80000<br />
60000<br />
40000<br />
Total nouveaux cas<br />
CSCOM<br />
AP<br />
F.E.<br />
20000<br />
0<br />
2005 2006 2007 2008 2009 2010<br />
Période<br />
La Figure 2 montre le taux de consultations<br />
dans l’ensemble des sept centres de<br />
santé sur les six ans du projet. Suite à un<br />
accès amélioré en 2007, le taux a largement<br />
dépassé la norme de 0,6 visite/habitant/an<br />
préconisée par l’OMS dans les régions<br />
rurales (7/17) .<br />
Fig 2 : Taux de fréquentation (tous diagnostics confondus) dans 7 CSCOMs 2005 - 2010<br />
Nombres<br />
120000<br />
Total consultations<br />
1,4<br />
100000<br />
Taux de fréquentation<br />
1,2<br />
1<br />
80000<br />
0,8<br />
60000<br />
0,6<br />
40000<br />
0,4<br />
20000<br />
0<br />
2005 2006 2007 2008 2009 2010<br />
0,2<br />
0<br />
Période<br />
La Ligne rouge représente la norme préconisée par l’OMS pour le nombre<br />
de consultations/habitant/an dans les zones rurales (17) .<br />
La Figure 3 montre que la hausse du<br />
nombre de nouveaux cas dans les quatre<br />
nouveaux CSCOM ajoutés après 2008 a<br />
suivi le même schéma que dans les sept<br />
CSCOM d’origine.<br />
Fig 3 : Nombre de nouveaux cas (tous diagnostics confondus)<br />
dans 4 nouveaux CSCOMs 2008 - 2010<br />
Nombres<br />
50000<br />
40000<br />
30000<br />
20000<br />
Total nouveaux cas<br />
CSCOM<br />
AP<br />
F.E.<br />
10000<br />
0<br />
2008 2009 2010<br />
Période
26<br />
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong><br />
Les Figures 4 et 5 montrent les proportions<br />
relatives des cas de paludisme versus<br />
autres diagnostics pour les patients<br />
≤5a et >5a. Pour le groupe ≤5a, qui a bénéficié<br />
dès 2007 de la gratuité des soins<br />
primaires et antipaludéens, les nouvelles<br />
consultations ont rapidement augmenté<br />
en 2007 et se répartissaient de manière<br />
égale entre paludisme et autres diagnostics<br />
jusqu’en 2010. En 2010, l’augmentation<br />
de cas de malaria dépistés est vraisemblablement<br />
due à l’utilisation du<br />
nouvel protocol de diagnostic, qui voit testés<br />
tous les enfants fébriles, même ceux<br />
dont la cause de la fiévre était de façon<br />
évidente autre que le paludisme.<br />
Pour les >5a, la hausse des nouveaux cas<br />
s’est amorcée en 2007 et s’est poursuivie<br />
pendant les quatre années suivantes.<br />
Cela s’explique probablement par le système<br />
de tarif subventionné en faveur de<br />
ce groupe, élargi aux enfants de moins de<br />
14 ans après 2008.<br />
Fig 4 : Nouveaux cas de malaria et autres diagnostics chez les enfants ≤5ans 2005 - 2010<br />
Nombres<br />
Fig 5 : Nouveaux cas de malaria et autres diagnostics chez les patients >5ans 2005 - 2010<br />
Nombres<br />
70000<br />
Total nouveaux cas<br />
60000<br />
Nouveaux cas malaria<br />
50000<br />
Autres diagnostics<br />
40000<br />
30000<br />
20000<br />
10000<br />
0<br />
2005 2006 2007 2008 2009 2010<br />
Période<br />
50000<br />
Total nouveaux cas<br />
40000<br />
Nouveaux cas malaria<br />
30000<br />
Autres diagnostics<br />
20000<br />
10000<br />
0<br />
2005 2006 2007 2008 2009 2010<br />
Période<br />
Les Figures 6 et 7 montrent une forte et<br />
rapide augmentation des cas de malaria<br />
traités pendant les six mois de la saison<br />
correspondant au pic de transmission<br />
(juillet – décembre) avec les contributions<br />
relatives des CSCOM et des AP. Dans les<br />
deux cas la contribution des AP au nombre<br />
total des diagnostics de malaria était<br />
impressionnante, surpassant le pourcentage<br />
de cas de paludisme pris en charge<br />
par les CSCOM. En effet, si l’on se réfère à<br />
la Figure 1, il est clair que l’essentiel de la<br />
hausse totale des consultations était dûe<br />
à la contribution des AP. Le déploiement<br />
de ces agents apparaît comme un levier<br />
très puissant pour une prise en charge efficace<br />
du paludisme.<br />
Fig 6 : Nouveaux cas de malaria pendant la saison de haute transmission<br />
chez les enfants ≤5ans 2005 - 2010<br />
Nombres<br />
35000<br />
30000<br />
25000<br />
20000<br />
15000<br />
10000<br />
5000<br />
0<br />
Total<br />
CSCOM<br />
AP<br />
2005 2006 2007 2008 2009 2010<br />
Période<br />
Fig 7 : Nouveaux cas de malaria pendant la saison de haute transmission<br />
chez les patients >5ans 2005 - 2010<br />
120%<br />
100%<br />
80%<br />
60%<br />
40%<br />
20%<br />
0%<br />
25000<br />
20000<br />
120%<br />
100%<br />
Nombres<br />
15000<br />
10000<br />
5000<br />
Total<br />
CSCOM<br />
AP<br />
F.E.<br />
80%<br />
60%<br />
40%<br />
20%<br />
0<br />
2005 2006 2007 2008 2009 2010<br />
Période<br />
0%
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong> 27<br />
Avant 2007, les femmes enceintes n’étaient<br />
traitées contre la malaria que si elles en<br />
présentaient les symptomes. Depuis 2007<br />
elles sont systématiquement téstées, et<br />
traitées si nécessaire, durant les consultations<br />
anténatales. Ainsi, comme l’indique<br />
la Figure 8, le nombre de TDR a augmenté<br />
de façon spectaculaire après 2007.<br />
Toutefois il est intéressant de constater<br />
que la proportion de tests positifs diminue<br />
jusqu’en 2009, ce qui peut s’expliquer par<br />
plusieurs facteurs : la prise en charge efficace<br />
(TDR et CTA) au stade précoce de la<br />
maladie, le recours plus fréquent à la prophylaxie<br />
intermittente, la distribution et<br />
l’utilisation généralisées de moustiquaires,<br />
diminuant ainsi le « reservoir » de personnes<br />
infectées.<br />
Fig 8 : Femmes enceintes : nombre de TDR effectués<br />
et proportion de TDR positifs 2006 - 2010<br />
Nombres<br />
8000<br />
7000<br />
6000<br />
5000<br />
4000<br />
3000<br />
2000<br />
1000<br />
0<br />
Total F.E. TDR effectués<br />
Proportions TDR positifs<br />
2005 2006 2007 2008 2009 2010<br />
Période<br />
0,6<br />
0,5<br />
0,4<br />
0,3<br />
0,2<br />
0,1<br />
0<br />
La Figure 9 montre l’augmentation régulière<br />
du nombre de cas sévères de paludisme<br />
traités dans tous les services. Notez<br />
l’accroissement des cas à partir de<br />
2009 dans le groupe des 6-13 ans qui ont<br />
bénéficié de la gratuité des soins antipaludéens<br />
introduite cette année-là.<br />
Fig 9 : Cas de malaria sévère chez les patients ≤5 ans, 6-13 ans et ≥14ans 2006 - 2010<br />
Nombres<br />
1000<br />
Malaria sévère ≤5 ans<br />
Malaria sévère 6-13 ans<br />
800<br />
Malaria sévère ≥14 ans<br />
600<br />
400<br />
200<br />
0<br />
2006 2007 2008 2009 2010<br />
Période<br />
La Figure 10 montre les résultats les plus<br />
marquants du projet. Malgré la hausse du<br />
nombre de cas de malaria traités, y compris<br />
les cas graves, la mortalité liée au paludisme<br />
a chuté jusqu’à devenir presque<br />
nulle (2005 – 28 décès dans sept CSCOM,<br />
2010 – 14) et la proportion de paludisme<br />
grave a baissé de 6% à 2%. Ces résultats<br />
illustrent très probablement l’impact d’un<br />
accès plus précoce au traitement (financier<br />
et géographique) et d’un diagnostic<br />
et d’un traitement efficaces (TDR et CTA).<br />
Fig 10 : Nombre de cas de malaria sévère et nombre<br />
de décès liés à la malaria 2006 - 2010<br />
Nombres<br />
1400<br />
1200<br />
1000<br />
800<br />
600<br />
400<br />
200<br />
Malaria sévère<br />
Mortalité liée à la malaria<br />
Proportion malaria sévère<br />
0,06<br />
0,05<br />
0,04<br />
0,03<br />
0,02<br />
0,01<br />
0<br />
2005 2006 2007 2008 2009 2010<br />
Période<br />
0
28<br />
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong><br />
Un élément clef pour la sécurité des<br />
Agents Palu (AP) est de disposer d’un<br />
système efficace pour gérer les patients<br />
présentant une fièvre et dont le TDR est<br />
négatif. La Figure 11 montre que la hausse<br />
du nombre d’orientations s’accompagne<br />
d’une hausse régulière du pourcentage<br />
de patients orientés qui se présentent<br />
au CSCOM. En 2010, ils étaient plus de<br />
50%. Cependant ce résultat devrait susciter<br />
une réflexion sur l’efficacité du mécanisme<br />
d’orientation. Même en 2010, près<br />
de 50% des patients avec fièvre et TDR<br />
négatif ne se présentaient pas à leur rendez-vous.<br />
On ignore ce qu’il est advenu<br />
de ces patients. On pourrait avancer que<br />
le paludisme étant la pathologie la plus<br />
courante dans la région, le patient qui apprend<br />
que son TDR est négatif décidait<br />
d’attendre de voir si son état s’aggravait<br />
avant de se rendre au CSCOM, un déplacement<br />
qui pouvait s’avérer coûteux<br />
(transport) ou difficile (pendant la saison<br />
des pluies).<br />
Fig 11 : Nombre de patients référés par les AP et<br />
pourcentages des arrivées aux CSCOMs 2007 - 2010<br />
Nombres<br />
5000<br />
4000<br />
3000<br />
2000<br />
1000<br />
0<br />
Nombre de cas référés<br />
Cas référés enregistrés aux CSCOMs<br />
2007 2008 2009 2010<br />
Période<br />
60%<br />
50%<br />
40%<br />
30%<br />
20%<br />
10%<br />
0%<br />
La Figure 12 démontre clairement que la<br />
grande majorité des patients orientés au<br />
CSCOM par les AP l’étaient pour cause de<br />
fièvre avec un TDR négatif. On peut supposer<br />
que les orientations avec TDR positif<br />
étaient des « paludisme grave » et cette<br />
proportion était faible et a baissé sur la<br />
durée du projet. Cela peut s’expliquer par<br />
un diagnostic et un traitement plus précoces<br />
et plus efficaces dans les villages –<br />
avant que la maladie n’ait évolué vers un<br />
stade sévère.<br />
Fig 12 : Caractéristiques des références faites par les AP 2007 - 2010<br />
Nombres<br />
6000<br />
Total réf. AP<br />
TDR negatifs<br />
5000<br />
TDR positifs<br />
4000<br />
3000<br />
2000<br />
1000<br />
0<br />
2007 2008 2009 2010<br />
Periode<br />
La Figure 13 montre les taux de consultation/patient/an<br />
par groupe d’âge. Comme<br />
attendu, le taux qui monte le plus rapidement<br />
est celui du groupe des ≤5a qui ont<br />
bénéficié de la gratuité des diagnostics/<br />
traitements antipaludiques et des soins<br />
primaires. Le taux chez les >5a a augmenté<br />
mais lentement, ce qui suggèrerait<br />
que la barrière financière, bien qu’abaissée,<br />
restait un facteur. Les femmes enceintes<br />
semblent avoir bénéficié immédiatement<br />
de la gratuité des soins et vu le<br />
plateau atteint après 2007, on peut penser<br />
que pratiquement toutes les femmes<br />
enceintes accedant aux consultations anténatales<br />
étaient testées et traitées efficacement.<br />
Fig 13 : Taux de fréquentation tous diagnostics confondus chez les enfants ≤5 ans,<br />
> 5 ans et femmes enceintes 2005 - 2010<br />
Taux<br />
4,5<br />
4<br />
3,5<br />
3<br />
2,5<br />
2<br />
1,5<br />
1<br />
0,5<br />
0<br />
Taux fréquentation ≤5<br />
Taux fréquentation >5<br />
Taux fréquentation F.E.<br />
2005 2006 2007 2008 2009 2010<br />
Période
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong> 29<br />
La Figure 14 illustre que l’efficacité de la<br />
gratuité des soins primaires pour les enfants<br />
≤5a améliore nettement l’accès aux<br />
soins. Fait intéressant, même les patients<br />
>5a semblent avoir bénéficié de la baisse<br />
des tarifs (forfait) après 2007.<br />
Fig 14 : Consultations pour autres diagmostics patients ≤5 ans,<br />
>5 ans et femmes enceintes 2005 - 2010<br />
Nombres<br />
30000<br />
25000<br />
20000<br />
15000<br />
10000<br />
≤5 ans<br />
>5 ans<br />
F.E.<br />
5000<br />
0<br />
2005 2006 2007 2008 2009 2010<br />
Période<br />
L’objectif initial du projet de Kangaba était<br />
de réduire la mortalité et la morbidité liées<br />
au paludisme en facilitant l’accès à un<br />
diagnostic et un traitement plus efficaces.<br />
<strong>MSF</strong> comptait acquérir une compétence<br />
avec l’introduction des TDR et CTA dans<br />
une région rurale du Mali dans le cadre<br />
d’un projet pilote pour le MS. Un aspect de<br />
la stratégie consistait à dispenser les TDR<br />
et les CTA gratuitement ou à un prix réduit.<br />
Au cours des deux premières années du<br />
projet, les TDR et les CTA ont été introduits,<br />
mais la réponse des patients fut décevante.<br />
Après 2007, on voit un accroissement<br />
marqué du nombre de patients<br />
qui accèdent aux soins, ce que l’on peut<br />
très vraisemblablement attribuer au changement<br />
de stratégie en faveur d’une assistance<br />
financière accrue et du déploiement<br />
des Agents Palu. Ces deux initiatives<br />
étaient également associées à une baisse<br />
substantielle de la mortalité due à la malaria,<br />
l’un des objectifs du projet initial. En<br />
l’absence d’un district témoin à des fins<br />
de comparaison, nous ne pouvons pas<br />
prouver que ces initiatives constituaient<br />
les leviers décisifs, mais les résultats chiffrés<br />
le suggèrent fortement.<br />
Il a été démontré dans d’autres contextes<br />
que les soins gratuits ou fortement subventionnés<br />
ont pour effet d’améliorer l’accès<br />
aux soins, notamment quand la majorité<br />
de la population vit sous le seuil de<br />
pauvreté ou presque (18) . En outre, dans<br />
plusieurs autres pays comme la Sierra<br />
Leone et le Tchad, la combinaison des<br />
traitements gratuits, des tests de diagnostic<br />
rapide et du déploiement des Agents<br />
Palu a prouvé son efficacité dans la lutte<br />
contre le paludisme (19) . Notre projet au<br />
Mali intégrait ces mêmes principes et renforce<br />
le bien-fondé de cette approche.<br />
En même temps, il convient de noter que<br />
le projet s’est modifié au fil du temps, avec<br />
l’introduction de nouvelles stratégies qui<br />
incluaient une modification des systèmes<br />
de financement, l’extension des soins gratuits<br />
à différents groupes d’âge, des activités<br />
de promotion de la santé, une aide à<br />
la gestion des ASACO, la distribution de<br />
moustiquaires et de nouveaux protocoles<br />
de diagnostic et de traitement. Comme<br />
ces mesures ont souvent été appliquées<br />
simultanément, et en l’absence de groupes<br />
témoins pour comparaison, il n’est<br />
pas possible de faire ressortir l'impact<br />
spécifique de chaque intervention. On ne<br />
peut qu’observer de nettes améliorations<br />
dans la prise en charge du paludisme au<br />
fil du temps.
30<br />
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong><br />
<strong>MSF</strong>-OCB Medical Department<br />
9. Conclusions <br />
L’objectif initial de ce projet était d’améliorer<br />
l’accès au diagnostic et au traitement<br />
du paludisme pour les populations vulnérables<br />
que sont les enfants de moins de<br />
cinq ans et les femmes enceintes dans le<br />
district de Kangaba, et il semble avoir été<br />
largement atteint. La hausse spectaculaire<br />
des taux de consultations et des cas de<br />
malaria traités à partir de 2007 est impressionnante,<br />
tout comme la chute de la mortalité<br />
et de la morbidité constatée au sein<br />
du cercle de Kangaba.<br />
Nous pensons que ces progrès sont le résultat<br />
de multiples interventions comprenant<br />
: des diagnostics et des traitements<br />
efficaces, la réduction des barrières financières<br />
et géographiques, le renforcement<br />
des compétences en gestion des soins de<br />
santé au sein de la communauté, et des<br />
mesures prophylactiques dont l’utilisation<br />
de moustiquaires et la promotion de la<br />
santé dans les villages.<br />
Il faut toutefois noter que l’augmentation<br />
des cas traités n’a pu être obtenue<br />
qu’après une sérieuse réévaluation de la<br />
fréquentation suite à l’introduction initiale<br />
des TDR et CTA. L’hypothèse selon laquelle<br />
la seule introduction de TDR et CTA<br />
gratuits conduirait à une prise en charge<br />
efficace du paludisme s’est révélée erronée.<br />
Reconnaissant les barrières conjuguées<br />
du manque d’argent et d’un éloignement<br />
géographique pour de nombreux<br />
habitants, l’équipe <strong>MSF</strong> a décidé d’y remédier<br />
plus efficacement. La mise en place<br />
de « l’accès gratuit aux soins », notamment<br />
pour les groupes vulnérables, et d’un soutien<br />
financier ciblé sur divers aspects liés<br />
aux soins a effectivement aboli les barrières<br />
financières, tandis que l’introduction<br />
des Agents Palu répondait aux difficultés<br />
d’accès aux soins dans les zones isolées.<br />
<strong>MSF</strong> a également pu démontrer la faisabilité<br />
du déploiement sur le terrain de l’approche<br />
combinée TDR et CTA. La formation<br />
et la supervision assurées auprès des<br />
CSCOM, des CSREF et des AP non médicaux<br />
ont conduit la population à rapidement<br />
adhérer à cette approche.<br />
D’autres objectifs secondaires ont été atteints.<br />
La formation et la supervision des<br />
CSCOM et des ASACO semblent avoir<br />
permis une meilleure qualité des soins<br />
dans les centres de santé et plus d’engagement<br />
de leur part. Ces éléments sont<br />
en théorie censés donner la maîtrise des<br />
services de santé à des responsables locaux,<br />
mais échouent souvent dû au manque<br />
de ressources financières et de compétences<br />
managériales.<br />
Une autre réussite fut l’acceptation par la<br />
population des bénéfices du nouveau<br />
protocole diagnostic et thérapeutique. Les<br />
habitants ont été amenés à faire confiance<br />
à ce modèle de soins qui faisait baisser la<br />
mortalité et la morbidité causées par la<br />
malaria. Ce phénomène est illustré par la<br />
hausse des taux de consultations.<br />
<strong>MSF</strong> a atteint ces objectifs grâce à la mobilisation<br />
d’importantes ressources humaines<br />
et financières affectées à un petit<br />
périmètre avec des objectifs clairs. Sur le<br />
long terme, la question reste de savoir<br />
comment les enseignements tirés de ce<br />
projet pilote pourront être intégrés dans le<br />
système de santé malien. Il n’est pas certain<br />
que le Mali adopte rapidement le principe<br />
« d’accès gratuit aux soins », ainsi un<br />
programme adapté, exigant moins de ressources<br />
tout en conservant certains des<br />
principaux éléments du projet <strong>MSF</strong> devrait<br />
être envisagé. En particulier, continuer à<br />
soutenir et à encadrer les CSCOM et les<br />
ASACO et de continuer à employer des<br />
Agents Palu permettrait de préserver les<br />
acquis du projet en matière de lutte contre<br />
le paludisme.
REduire le paludisme <strong>AU</strong> <strong>MALI</strong> 31<br />
<strong>MSF</strong>-OCB Medical Department<br />
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REduire le paludisme au Mali<br />
<strong>MSF</strong>-OCB, Medical Department<br />
94 Rue Dupre<br />
Bruxelles 1090<br />
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Further information and reprints<br />
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