Enterrer la hache - Libération Afrique
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24 <strong>Enterrer</strong> <strong>la</strong> <strong>hache</strong><br />
Annexe 3 : Ressources exploitables de l’Union de<br />
<strong>la</strong> Rivière Mano<br />
Comme ce<strong>la</strong> a été démontré par l’implication du FRU et<br />
du gouvernement libérien dans des terrains d’extraction<br />
de diamants de <strong>la</strong> Sierra Leone pendant <strong>la</strong> guerre civile<br />
en Sierra Leone, le gouvernement libérien a fait preuve<br />
de son intérêt, voire sa dépendance, pour l’exploitation<br />
de ses propres ressources naturelles et de celles des États<br />
avoisinants. Si <strong>la</strong> région devait se déstabiliser comme<br />
c’était le cas pendant <strong>la</strong> guerre civile en Sierra Leone,<br />
ceci permettrait l’implication d’agents malveil<strong>la</strong>nts de<br />
tous les États avoisinants, particulièrement du Liberia. À<br />
ce titre, il est utile d’examiner les ressources exploitables<br />
de <strong>la</strong> région et leurs perspectives pour un<br />
développement et une exploitation futurs.<br />
Diamants<br />
Liberia : Des sanctions ont été imposées en 2000 sur les<br />
diamants bruts libériens, suite à des enquêtes et à <strong>la</strong><br />
publication de rapports antérieurs du groupe d’experts,<br />
exposant <strong>la</strong> manière dont les diamants trafiqués et leur<br />
vente sur des marchés occidentaux finançaient les forces<br />
destructrices du FRU en Sierra Leone et le<br />
gouvernement de Taylor. Le taux élevé du trafic de<br />
diamants de l’époque a mené à des quantités et une<br />
qualité de diamants exportés vers le marché de diamants<br />
buts en Belgique, qui dépassaient <strong>la</strong>rgement le potentiel<br />
naturel du Liberia. Ceci a attiré l’attention de <strong>la</strong><br />
communauté internationale, et depuis l’interdiction<br />
de <strong>la</strong> vente de diamants bruts libériens, il n’y a pas<br />
eu d’exportations officielles depuis le Liberia et<br />
pas d’importations officielles enregistrées à Anvers<br />
en Belgique 104 .<br />
Le commerce de diamants continue au Liberia, dans<br />
une moindre mesure et avec beaucoup moins de<br />
trafiquants impliqués. L’implication sur tout le territoire<br />
n’est pas établie, mais le gouvernement du Liberia<br />
estime qu’il y a quelque 60 000 mineurs alluviaux de<br />
diamants alors que d’autres personnes du secteur<br />
estiment le nombre à 20 000 ou 30 000. Le commerce de<br />
diamants bruts est illégal, mais une quantité nonnégligeable<br />
de diamants bruts est exportée<br />
c<strong>la</strong>ndestinement vers des États avoisinants, <strong>la</strong> Sierra<br />
Leone, <strong>la</strong> Guinée, <strong>la</strong> Côte d’Ivoire et <strong>la</strong> Gambie où ils<br />
sont b<strong>la</strong>nchis. De nombreux courtiers en diamants<br />
libériens ont ouvert des agences en ce but en Sierra<br />
Leone, en Guinée et en Côte d’Ivoire 105 . Des arrestations<br />
pour de tels délits sont rares, bien que fin novembre<br />
2001, deux semaines après un bi<strong>la</strong>n cing<strong>la</strong>nt du Groupe<br />
d’experts de l’ONU sur le respect des sanctions au<br />
Liberia106, un ressortissant japonais ait été arrêté pour<br />
soi-disant 135 000 $US trouvés en sa possession et pour<br />
l’intention d’exporter des diamants bruts libériens. En<br />
même temps, le ministre adjoint des Opérations et<br />
l’assistant au ministre des Mines au ministère des Terres,<br />
Mines et de l’Énergie ont été suspendus de leurs<br />
fonctions à cause de leur présumée complicité dans<br />
cette activité 107 .<br />
La contrebande et le commerce de diamants<br />
continuent à s’appuyer sur un groupe notoire de<br />
personnages vils, y compris Issa Sessay, leader par intérim<br />
de l’entité politique du FRU (FRU-P) en Sierra Leone,<br />
Gibril Massaquoi, l’ancien leader FRU, Sanjivan Ruprah,<br />
le trafiquant d’armes. Des rumeurs courent sur le fait<br />
que le président Taylor et sa famille commencent à y<br />
participer pour leur profit personnel 108 .<br />
Alors que l’industrie de diamants libérienne<br />
pourrait être une source importante de devises pour le<br />
gouvernement, son rôle potentiellement corrupteur et<br />
déstabilisant doit encore être combattu par un système<br />
de contrôle et de certification. Un autre obstacle à<br />
l’exploitation légale des ressources en diamants du<br />
Liberia réside dans le fait que beaucoup des<br />
gisements alluviaux se trouvent dans l’ouest du<br />
Liberia, lieu de combats intensifs avec le groupe<br />
rebelle LURD. Le LURD a déjà attaqué des régions<br />
minières de diamants, et alors qu’il nie toute<br />
implication dans le commerce de diamants, certains<br />
de ses officiers avouent vendre les diamants saisis lors<br />
de combats à des acheteurs en Guinée 109 .<br />
Sierra Leone : La Sierra Leone dispose maintenant de<br />
systèmes de certificats d’origine « entièrement mis en<br />
œuvre ». Depuis que son système de certificats d’origine<br />
est entré en vigueur, <strong>la</strong> Sierra Leone a exporté des<br />
diamants bruts 110 et taillés pour une valeur de<br />
30 520 000 $US. De nouvelles sauvegardes, telles que des<br />
photos numériques de diamants bruts et taillés pour<br />
l’estimation et l’export, sont utilisées et transmises<br />
électroniquement avec l’information figurant sur le<br />
certificat d’origine. Les arrestations de personnes nonautorisées<br />
à être en possession de diamants sont<br />
également encourageantes, avec des confiscations de<br />
diamants pour une valeur de 20 000 $US 111 . Les régions<br />
minières de Kono et de Tongo ne sont cependant pas<br />
sous le contrôle ferme du gouvernement, et l’explosion<br />
de nouvelles licences minières a submergé les autorités<br />
locales, qui sont incapables de contrôler <strong>la</strong> situation 112 . Ce<br />
problème est exacerbé par <strong>la</strong> montée en puissance et en<br />
influence de deux forces d’autodéfense de jeunes, le<br />
Movement of Concerned Kono Youth (MOCKY) et le<br />
Tongo Youth Group. Puisqu’une bonne partie de<br />
l’activité minière dans le pays semble se dérouler sans<br />
permis, il est fort possible que des intérêts extérieurs<br />
mettent <strong>la</strong> main sur les diamants de <strong>la</strong> Sierra Leone par<br />
le biais d’opérateurs locaux 113 .<br />
Guinée et Côte d’Ivoire : La Guinée, qui dispose de son<br />
propre régime de certification, a tenté de maîtriser le<br />
marché illégal de diamants, avec quelques réussites<br />
notoires. La Côte d’Ivoire ne dispose pas encore de<br />
régime de certification crédible, par manque de capacité<br />
et de ressources. C’est pourquoi <strong>la</strong> contrebande et<br />
l’achat illégal de diamants sont assez répandus à Abidjan.<br />
Bauxite, rutile et or<br />
Les trois pays de l’Union de <strong>la</strong> rivière Mano sont<br />
potentiellement riches en ressources minérales, <strong>la</strong><br />
Guinée disposant de l’industrie minière <strong>la</strong> plus avancée<br />
des trois. L’économie d’export de <strong>la</strong> Guinée est basée<br />
sur des ressources abondantes en bauxite, qui<br />
représentent 90 % de ses exportations, mais le pays a<br />
aussi des exploitations d’or assez développées en plus<br />
d’un potentiel en métaux de base et en minerai de fer 114 .<br />
La Sierra Leone a attiré l’attention grâce à ses<br />
ressources en rutile (dioxyde de titane), un composant<br />
important pour les secteurs des télécommunications, de<br />
l’aéronautique, du p<strong>la</strong>stique et de l’énergie nucléaire.<br />
La Sierra Leone détient également d’importants<br />
gisements d’or et de bauxite.<br />
Bien que le Liberia entretienne des gisements de<br />
minerai de fer exploitables, ce sont les perspectives de<br />
grandes réserves d’or qui ont attiré les intérêts miniers et<br />
d’investissement vers le pays. Beaucoup d’or est extrait<br />
par des locaux et utilisé dans l’artisanat ou sorti<br />
c<strong>la</strong>ndestinement du pays pour <strong>la</strong> revente 115 . Mais des<br />
groupes internationaux exploitent des gisements au<br />
Liberia, notamment Mano River Ressources et Freedom Gold.<br />
Mano River Ressources a des activités dans tous les pays<br />
de <strong>la</strong> région de <strong>la</strong> rivière Mano, et a reçu ces derniers<br />
mois des injections de capital d’investisseurs<br />
institutionnels pour financer ses activités 116 .<br />
Mais c’est l’implication de Freedom Gold, une coentreprise<br />
fondé par Pat Robertson, l’évangéliste<br />
chrétien américain, qui a attiré <strong>la</strong> plus grande attention<br />
médiatique. La société, dans <strong>la</strong>quelle le gouvernement<br />
aurait une part financière, s’est révélée être un désastre<br />
publicitaire pour Robertson 117,118,119 , puisque, n’ayant<br />
encore pas inscrit de bénéfices, elle a été accusée<br />
d’avoir gonflé ses chiffres d’effectifs et les avantages<br />
économiques apportés aux Libériens en général. De<br />
plus, Robertson a fait entendre son soutien personnel<br />
au régime de Taylor, qualifiant le Liberia d’endroit où<br />
Freedom Gold aurait « trouvé <strong>la</strong> liberté du culte, <strong>la</strong><br />
liberté de mouvement, <strong>la</strong> liberté d’expression, et qui<br />
semble être un système judiciaire dévoué au respect de<br />
<strong>la</strong> loi 120 .