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Gazette n°29 - Livres Médicaux

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N°29<br />

La <strong>Gazette</strong><br />

de la SOciété Française d’Orthopédie Pédiatrique<br />

Février - Mars 2010 - Commission paritaire en cours - N° ISSN en cours<br />

Bureau de la SOFOP<br />

Président : C. Mo r i n<br />

1 er Vice-Président : C. Bo n n a r d - 2 e Vice Président : C. ro M a n a - Fu t u r 2 e Vice Président : J. LeChevaLLier<br />

Ancien Président : J.M. CL a v e r t<br />

Secrétaire Général : J.L. Jo u v e<br />

Trésorier : P. LasCoMBes<br />

Membres du Bureau : B. de BiLLy, s. BoureLLe, a. Ka e L i n, P. Ma r y, P. WiC a r t<br />

De Beaujon sur Paris à Calot sur Berck<br />

Dater, être dépassé et devenu « has been »,<br />

c’est la crainte de tout retraité. Vers 60 ans,<br />

le chirurgien s’inquiète. Il veut rester dans la<br />

course, connaître et utiliser encore les techniques<br />

de pointe, faute de les inventer. C’est<br />

l’avant-dernier combat ; j’ai connu cela.<br />

Au-delà de 70 ans, on finit par accepter de dater,<br />

d’être dépassé, de hasbeener. On n’essaye<br />

plus que d’amuser les jeunes en leur parlant<br />

du bon vieux temps, de son folklore, en embellissant<br />

tout avec nostalgie. C’est le dernier<br />

combat, celui que je mène essouflé. En voici<br />

des épisodes.<br />

Jean-Claude Rey a raison en disant que les<br />

élèves de Jean Cauchoix « se souviendront de<br />

lui avec regret et reconnaissance ». Mais…<br />

J’étais l’interne de Jean Cauchoix à Beaujon<br />

en 1964 ; la plupart des lecteurs de cette gazette<br />

n’étaient pas nés ! Tant pis pour eux. Ils<br />

n’auront pas connu l’aventure crispée d’un<br />

aller Beaujon-Calot à la place du mort, Jean<br />

Cauchoix conduisant son Alfa Romeo. Il aimait<br />

être accompagné par l’un de nous. Il voulait<br />

arriver le plus rapidement possible mais les<br />

routes, dès le sortir de Paris, n’avaient pas<br />

les qualités de l’A 16, en projet seulement à<br />

l’époque. Le compteur descendait rarement<br />

au-dessous de 120 sauf parfois dans les traversées<br />

des villes. Les virages me paraissaient<br />

toujours très raides et le patron parlait en regardant<br />

son passager comme pour guetter<br />

ses réactions. Pour le jeune père responsable<br />

Fondateur<br />

J.C. POULIQUEN † (Paris)<br />

Éditorialiste<br />

H. CARLIOz (Paris)<br />

Rédacteur en chef<br />

C. MORIN (Berck)<br />

Membres<br />

J. CATON (Lyon)<br />

P. CHRESTIAN (Marseille)<br />

G. FINIDORI (Paris)<br />

J. L. JOUVE (Marseille)<br />

R. KOHLER (Lyon)<br />

P. LASCOMBES (Nancy)<br />

G. F. PENNEÇOT (Paris)<br />

M. RONGIERES (Toulouse)<br />

J. SALES DE GAUzY (Toulouse)<br />

R. VIALLE (Paris)<br />

et le “ GROUPE OMBREDANNE”<br />

Correspondants étrangers<br />

M. BEN GHACHEM (Tunis)<br />

R. JAWISH (Beyrouth)<br />

I. GHANEM (Beyrouth)<br />

Editorial SO.F.O.P.<br />

de 3 enfants et habitué à une 2 CV, l’épreuve<br />

était rude. Le respect, en ce temps ancien,<br />

interdisait la moindre remarque sur cette<br />

conduite sportive. C’est en sueurs, exténué<br />

de crampes, tremblotant que j’arrivais à Calot.<br />

D’autres que moi ont connu l’expérience. Mais<br />

seul comptait le résultat et l’on récidivait volontiers<br />

un mois plus tard.<br />

Car à Calot, tout était enseignement. J’y<br />

ai connu avec profit Héripret et Duriez<br />

lorsqu’avec Jean-Claude Rey, nous exploitions<br />

les dossiers « Epiphysiolyse » de l’Institut. C’est<br />

de Georges Morel et d’Yves Cotrel que j’ai le<br />

plus appris…mais je ne sais plus quoi car le<br />

temps est passé là-dessus ! De Berck je me<br />

rappelle cependant quelque chose avec certitude<br />

: le vent. A-t-il disparu avec les progrès<br />

des traitements des scolioses et de la luxation<br />

congénitale de hanche ? J’interrogerai Christian<br />

Morin sur ce point important. En effet, en<br />

1967 (la plupart des lecteurs etc…) le sable,<br />

poussé par lui (le vent) passait sous la porte<br />

et par bien d’autres entrées ; il tapissait tout<br />

l’intérieur, le sol, la table et sa nappe de toile<br />

cirée, les objets, le dessus de lit (en toile cirée)<br />

du petit appartement loué pour deux semaines<br />

près de la plage. Nos garçons étaient réveillés<br />

dès 6 heures le matin par les enfants de<br />

mineurs du nord en vacances sur la côte. Habitués<br />

aux horaires de leurs pères, ils allaient<br />

tôt se baigner et, en chemin, tapaient de leurs<br />

pelles et de leurs seaux les murs de toutes les<br />

maisons. Quel concert, quel repos ! Comme il<br />

n’y a plus de mineurs, il n’y a plus d’enfants de<br />

Éditeur<br />

SAURAMPS MEDICAL<br />

S.a.r.l. D. TORREILLES<br />

11, bd Henri IV<br />

CS 79525<br />

34960 MONTPELLIER<br />

Cedex 2<br />

Tél. : 04 67 63 68 80<br />

Fax : 04 67 52 59 05<br />

mineurs ; on peut dormir tard à Berck. Sur cela<br />

aussi il me faudra interroger Christian Morin.<br />

Quand je retourne à Calot, trop rarement<br />

à mon goût, je prends le train car je n’ai pas<br />

d’Alfa Romeo.<br />

Henri Carlioz<br />

Edito ........................................................................1<br />

par Henri Carlioz<br />

Hommage au Pr. Jean Cauchoix....................2<br />

par Jean-Claude Rey<br />

L’orthopédie pédiatrique<br />

et les hôpitaux berckois ...................................4<br />

par Jean-Claude Léonard<br />

et Christian Morin<br />

Brève histoire berckoise<br />

du traitement orthopédique<br />

de certaines déformations du rachis ........ 10<br />

par Christian Morin<br />

et René Vandermeulen<br />

La technique du « no touch »<br />

une touche de rigueur<br />

pour moins d’infection ? ............................... 15<br />

par Sébastien Raux et al.<br />

La costo-transversectomie ........................... 17<br />

par Jean-Claude Rey<br />

Le cas du jour .................................................... 21<br />

par Philippe Violas et Jonathan Benoist<br />

Technique chirurgicale<br />

de la prothèse totale de hanche<br />

chez le patient neurologique<br />

non marchant ................................................... 22<br />

par Christophe Delecourt et al.<br />

L’enfant « pas comme les autres »<br />

(suite) ................................................................... 25<br />

par Jean-Louis Fournier et al.<br />

Le cas du jour :<br />

réponse à un problème<br />

de vertèbre borgne ......................................... 27<br />

par Philippe Violas et Jonathan Benoist<br />

la <strong>Gazette</strong> est dorénavant publié en format A4, afin d’être directement imprimée<br />

à partir de votre ordinateur via notre adresse : www.livres-medicaux.com


Hommage au Professeur Jean Cauchoix<br />

par Jean-Claude Rey<br />

« C’est pour moi une tâche de mémoire, de fidélité et j’ajouterai<br />

d’affection que de céder à la demande de Christian Morin pour<br />

évoquer la personne du Professeur Jean Cauchoix, décédé le<br />

23 juillet 2009 à l’âge de 97 ans. J’attribue les motifs de cette<br />

demande largement à l’ancienneté de mes rapports avec lui et<br />

je le remercie de la confiance – et de l’honneur – qu’il me fait. »<br />

Le Professeur Jean Cauchoix, Président de la SOFCOT en 1971<br />

Jean Cauchoix est né en 1912. Son père était Chirurgien des<br />

Hôpitaux de Paris, il mourut des suites d’une opération le<br />

laissant tout jeune aux soins de sa mère et de ses tantes.<br />

Très vite il se fit remarquer par sa vivacité, son intelligence et<br />

sa mémoire, sachant par exemple à l’âge de quatre ans ses<br />

départements. Ses études secondaires terminées il s’orienta<br />

naturellement, suivant une pente familiale, vers la médecine.<br />

Externe en 1932, interne des Hôpitaux de Paris en 1934 (8 ème<br />

sur 94), au même concours que Jean Mathey et Jean-Louis<br />

Lortat-Jacob avec lesquels il formait un trio d’inséparables. Il<br />

fut l’interne des plus grands patrons de l’époque, Lenormant,<br />

Mathieu, Gosset et Quénu. Prosecteur en 1942, il est nommé<br />

au Bureau Central, c’est-à-dire Chirurgien des Hôpitaux<br />

en 1943 et sera nommé Agrégé de l’Université en 1952.<br />

D’abord assistant à Cochin de son aîné et ami Robert Merle<br />

d’Aubigné, son premier poste de chef de service à l’hospice<br />

d’Ivry en 1954 sera de courte durée. Il est nommé à Saint-<br />

Louis en 1955. Il y organisera dans des locaux historiques peu<br />

adaptés un service de chirurgie orthopédique de qualité,<br />

partageant avec Jacques Mialaret la charge des urgences,<br />

impliquant deux internes de garde, l’un en chirurgie<br />

générale, l’autre en chirurgie orthopédique : c’était une<br />

innovation pour l’époque. La réforme hospitalo-universitaire<br />

créa quatre chaires de clinique chirurgicale orthopédique et<br />

Jean Cauchoix s’installa dans la chaire de l’hôpital Beaujon. Il<br />

y resta jusqu’à la retraite. A côté de cette carrière hospitalière<br />

il avait conservé une activité libérale qui ne l’empêchait pas<br />

d’exercer dans son service une présence quasi quotidienne,<br />

mais il avait aussi été choisi en 1955 pour diriger l’Institut<br />

Calot de Berck-Plage et organiser cet établissement qui avait<br />

2<br />

perdu son lustre du début du siècle. Voilà en quelques lignes<br />

l’essentiel de sa carrière professionnelle.<br />

La guerre terminée il prit conscience avec d’autres du retard<br />

de notre profession et de notre spécialité en particulier,<br />

figée dans ses acquis d’après 14-18. Avec R. Merle d’Aubigné<br />

et quelques autres, il s’embarqua pour un voyage d’études<br />

outre-atlantique, visitant Boston, New-York, Chicago et la<br />

Mayo. Ce furent des découvertes sur le plan des techniques,<br />

de l’organisation mais aussi sur le plan de l’anesthésieréanimation.<br />

Ce fut aussi l’occasion de liens amicaux durables<br />

avec les chirurgiens américains. Au retour les voyageurs<br />

étaient bien décidés à agir, à bousculer l’état de fait<br />

hospitalier qui refusait l’individualisation de notre spécialité.<br />

Un entêtement aussi des instances professionnelles puisque<br />

l’Ordre des médecins n’accepta qu’en 1982 la spécialité<br />

orthopédique !<br />

Le service de Saint-Louis, quelles qu’aient été les difficultés<br />

matérielles, devint vite un service recherché, avec trois<br />

assistants, Jacques Duparc, André Lemoine et Alexandre<br />

Maschas, et trois internes. La non-touch technique était<br />

appliquée de la façon la plus rigoureuse et les plus réticents<br />

s’y pliaient, d’autant plus nécessaire dans cet environnement<br />

mal adapté. Rien n’était laissé à l’improvisation, on tremblait<br />

à la grande visite du samedi d’être vertement prié de refaire<br />

un plâtre pour quelques degrés d’équin. Puis c’était le staff,<br />

présentation des opérés au programme et discussion des<br />

indications ; le mercredi suivant c’était le déjeuner du service<br />

dans le petit pavillon Henri IV, où l’on découvrait un Patron<br />

un peu détendu. Suivait le staff plus rapide des opérés de la<br />

semaine passée.<br />

Tous les mois le Patron disparaissait quelques jours et<br />

les mieux informés parlaient d’une expédition berckoise.<br />

Pour ceux qui ont eu le privilège – étant interne à Paris –<br />

d’accompagner le Patron, le contraste était étonnant. D’abord<br />

l’ambiance de Calot, parfaitement tenu et administré par<br />

les religieuses Franciscaines, dans une atmosphère étrange<br />

d’encaustique et de désinfectant. Ensuite la transformation<br />

du Patron : à Paris, tension permanente, visage contracté,<br />

des appréciations autoritaires, à Berck un personnage tout<br />

différent, abordable, certes pas jovial mais pouvant plaisanter<br />

avec beaucoup d’humour. C’était donc une fois par mois qu’il<br />

arrivait à l’Institut Calot le mercredi soir vers vingt-trois heures<br />

ou minuit, quel que soit le temps (le verglas dans la descente<br />

sur Poix ou sur Abbeville l’enchantait). Le lendemain il était<br />

prêt pour opérer avant huit heures, chaussé de ses tennis.<br />

La fin du séjour était consacrée à l’examen des dossiers de<br />

malades passés et futurs. Les soirées étaient studieuses à<br />

mettre au point une communication. Il imposait bien sûr à<br />

Berck les mêmes exigences qu’à Paris. Cette activité de Berck<br />

fut pour lui très heureuse car elle lui permettait d’envisager<br />

la chirurgie orthopédique dans son ensemble, chez l’enfant<br />

comme chez l’adulte, sans cette scission ridicule qui n’existe<br />

que chez nous et qui sépare les services d’enfants des<br />

services d’adultes, interdisant le suivi des jeunes patients au<br />

delà de l’âge de quinze ans.<br />

C’est à Calot que M. Cauchoix mit au point sa technique<br />

d’allongement extemporané du fémur avec cette installation<br />

originale du treuil mural. Il y développa la chirurgie<br />

vertébrale, celle du mal de Pott, et engagea la chirurgie des<br />

scolioses, y opéra son premier cas de sténose lombaire. S’il<br />

abandonnait progressivement le traitement des scolioses à


Hommage au Professeur Jean Cauchoix<br />

par Jean-Claude Rey<br />

Yves Cotrel avec le succès que l’on sait, il laissait à Georges<br />

Morel le traitement des luxations congénitales de la hanche,<br />

des ostéochondrites. Mais c’est à Calot qu’il réalisa ce qui<br />

était pour lui un vieux rêve, la création d’un laboratoire de<br />

recherches sur le tissu osseux, animé par Jean Duriez et<br />

Gaston Héripret. Un vieux rêve car on a oublié ses premières<br />

publications (1938) d’expérimentation endocrinienne sur<br />

le cobaye et sa thèse, Hormone folliculaire et fibromatose !<br />

Plusieurs résidents étrangers passèrent à Calot pour<br />

travailler au laboratoire, lequel possédait pour l’époque<br />

des possibilités uniques en France (isotopes, animalerie).<br />

Les visiteurs se succédaient, admiratifs d’une pathologie<br />

souvent exceptionnelle, et quelques Journées réunirent les<br />

plus grand noms, H. Hodgson, Paul Harrington, John Moe et<br />

beaucoup d’autres.<br />

Revenant à Paris, l’activité n’y faiblissait pas, avec Alain<br />

Deburge qui lui succèdera, avec Bruno Lassale trop tôt<br />

disparu, avec Michel Benoist et G. Massare, il centre ses<br />

préoccupations sur la colonne vertébrale, en particulier<br />

la pathologie dégénérative, conflits disco-radiculaires,<br />

spondylolisthésis, sténoses. Il est convaincu de l’intérêt de<br />

la chimionucléolyse par la païkinase, malheureusement<br />

abandonnée par le fabricant pour des raisons économiques.<br />

Les Journées de Beaujon font périodiquement le point de<br />

ces sujets.<br />

Il était membre de nombreuses sociétés de chirurgie<br />

orthopédiques françaises ou internationales, mais<br />

particulièrement fier d’être un des rares membres français<br />

de la British Orthopaedic Society. Il avait encore participé à<br />

la fondation de la Lumbar Spine Society dont il appréciait<br />

le groupe de travail, il intervenait toujours en termes précis,<br />

avec autorité mais s’il lui arrivait de replacer la discussion<br />

dans le droit chemin, c’était toujours avec courtoisie. Il fut<br />

élu à l’Académie de Médecine en 1983 et y fit sa dernière<br />

manifestation scientifique en organisant avec J. Dubousset<br />

et M. Guillaumat une séance spéciale sur les scolioses<br />

idiopathiques en 1999.<br />

Il avait beaucoup voyagé et parlant bien l’anglais,<br />

entretenait des liens d’amitié à travers le monde, aux Etats-<br />

Unis, au Royaume-Uni, aussi en Belgique, au Mexique et en<br />

Argentine, en Italie, au Liban et en Afrique du nord.<br />

Il avait de multiples pôles d’intérêt étrangers à la médecine,<br />

cela lui permettait de sonder sur les sujets les plus<br />

inattendus l’interlocuteur, qui restait désarmé. Avec l’âge il<br />

avait abandonné la voile et le ski, mais restait très actif, se<br />

consacrait à l’horticulture dans sa propriété de l’Ile-aux-<br />

Moines et retenait les noms les plus compliqués. C’était pour<br />

lui ces derniers temps une pénible infirmité que de ne plus<br />

pouvoir lire un livre.<br />

Il n’avait pas cessé de s’intéresser de près à notre spécialité et<br />

à la médecine tout entière grâce aux séances de l’Académie<br />

de Médecine où il fut assidu jusqu’à quelques semaines<br />

avant sa mort. Il regrettait aussi beaucoup que les liens<br />

noués avec le monde anglophone se soient progressivement<br />

distendus.<br />

C’était le dernier représentant d’une époque révolue. Ses<br />

élèves et tous ceux qui l’ont connu se souviendront de<br />

lui avec regret et reconnaissance, que sa famille en soit<br />

assurée.<br />

3


L’orthopédie pédiatrique et les hôpitaux berckois<br />

par Jean-Claude Léonard et Christian Morin<br />

Au moment où la vie des hôpitaux de Berck risque de s’éteindre<br />

plus ou moins complètement, il nous a semblé utile, peutêtre<br />

pour la postérité, de faire revivre un pan de son histoire et<br />

de ses artisans locaux. Pour cadrer avec l’esprit de la <strong>Gazette</strong>,<br />

nous n’en soulèverons qu’un pan, celle de l’assistance portée<br />

aux enfants malades, plus particulièrement à ceux atteints<br />

d’affections de l’appareil locomoteur.<br />

Fig. 1 : Marianne Toute-Seule, un flobart, une pêcheuse de crevettes et les enfants<br />

assistés<br />

Berck, sa plage, son air vivifiant,<br />

et ses femmes de coeur<br />

Au milieu du 19 ème siècle, Berck n’est pas encore « sur mer ». La<br />

plage où s’échouent les bateaux (les flobarts) de sa population<br />

de pêcheurs est encore éloignée de la ville de plus d’un<br />

kilomètre. La vie y est dure. Dans ces conditions difficiles, une<br />

femme veuve vit seule avec ses deux enfants rescapés d’une<br />

épidémie de choléra dans une cabane sur la dune. Plus tard<br />

Maxence van der Meersch écrira La Maison sur la Dune mais<br />

dans un autre contexte. Marianne Gressier, qui restera pour la<br />

postérité Marianne Toute-Seule (Fig. 1), prend en garde les enfants<br />

de pêcheurs pour qu’ils profitent du grand air et d’une<br />

surveillance attentive. Le Dr Perrochaud, médecin des Enfants<br />

Assistés de Paris et directeur de l’antenne locale de Montreuilsur-Mer,<br />

lui confie rapidement des enfants anémiés, scrofuleux,<br />

malades de privation et de carences hygiéniques. En 1859, il<br />

installe Marianne dans un bâtiment en dur accompagnée de 3<br />

religieuses : la station maritime était née.<br />

Une autre Marianne, Duhamel, à peu près à la même époque<br />

reçoit également des enfants en garde pour les soigner avec<br />

4<br />

des bains de mer, les transportant sur une plage voisine de<br />

Berck. Son nom sera moins connu que son homonyme mais<br />

elle doit être associée à l’épopée locale.<br />

Voici donc les pierres fondatrices de l’activité médicale berckoise.<br />

La « bonne air » est désormais reconnue dans un site privilégié<br />

: les médecins et leurs équipes peuvent entrer dans la<br />

place, y travailler durement car la tâche est immense contre le<br />

fléau de l’époque : la tuberculose.<br />

Berck et ses hôpitaux<br />

En 1861, l’Assistance Publique de Paris fait construire « le petit<br />

hôpital », ébauche du futur Hôpital Maritime actuel (Fig. 2).<br />

Sous l’impulsion de l’impératrice Eugénie (craignant une coxalgie<br />

pour son fils), l’Hôpital Napoléon est agrandi, modernisé,<br />

avec le soutien de la baronne de Rothschild.<br />

Un convoi ferroviaire sanitaire amène de Paris chaque mois<br />

un groupe d’enfants en principe uniquement atteints de tuberculose<br />

osseuse, mais bien souvent porteurs de parasitoses,<br />

de carences vitaminiques et protéiques, et de surinfections. Ils<br />

étaient dans un état si précaire qu’un certain nombre mourait<br />

durant le transport.<br />

La ville de Berck trouve un essor retentissant avec la construction<br />

d’hôpitaux, d’hôtels, de pensions de famille, de casinos,<br />

de champs de course, de villas…celle de Mme de Rothschild,<br />

toute en bois, est la plus majestueuse, sur la dune.<br />

D’autres hôpitaux sont construits : l’hôpital Rothschild en<br />

1870, l’hôpital Cazin-Perrochaud en 1893 (Drs Cayre et Forest<br />

de Faye aidés par les sœurs franciscaines chassées de l’hôpital<br />

Maritime), l’Institut Orthopédique du Docteur Calot en 1900,<br />

en 1902 l’Institut Hélio-Marin de Mme Bouville, et en 1923<br />

la Fondation Franco-Américaine de Jacques Calvé et de son<br />

épouse.<br />

Fig. 2 : l’hôpital Maritime et le phare de la ville de Berck<br />

Guerres, incendies, restructurations en modifieront l’architecture<br />

au fil des ans mais ces établissements hospitaliers continueront<br />

de donner au front de mer un aspect incomparable.<br />

A la fin du 18 ème siècle ils vont servir de champ d’action à la<br />

« bande des quatre ».


L’orthopédie pédiatrique et les hôpitaux berckois<br />

par Jean-Claude Léonard et Christian Morin<br />

Fig. 3 : “la bande des quatre”1- Victor Ménard 2-François calot<br />

3-Jacques Calvé 4-Etienne Sorrel<br />

Les pionniers du Berck médical : « la bande des 4 »<br />

Calot, Ménard, Calvé et Sorrel, voici donc cette fameuse « bande<br />

des quatre » (Fig. 3) dont nous allons rapidement conter<br />

l’équipée. Ils étaient tous brillants sujets, forts en caractère et<br />

ont marqué, chacun à leur façon, l’histoire du Berck médical.<br />

Victor Ménard (1854-1934)<br />

Il succède à Pierre Cazin, gendre de Paul Perrochaud, en 1891 à<br />

la suite d’un concours âprement disputé avec François Calot.<br />

V. Ménard est l’homme de toutes les peines de l’époque : il<br />

commence seul sa chefferie de service, sans interne, pour<br />

700 malades et 400 enfants assistés répartis dans d’autres<br />

établissements berckois ; il se fait refuser par l’administration<br />

de l’AP un appareil de radiographie qu’il doit installer en ville<br />

chez un ami pharmacien ; il doit lutter non seulement contre<br />

la tuberculose, mais contre les complications infectieuses, les<br />

maladies parasitaires importées, les carences alimentaires des<br />

milieux défavorisés, l’analphabétisme ; il opposera à ces fléaux<br />

l’association « grand air- instruction » en créant l’école à l’hôpital<br />

et en permettant l’accès au soleil et à la mer des enfants allongés<br />

en ajoutant tout simplement des roulettes sous les lits,<br />

premiers pas vers les célèbres gouttières berckoises (Fig. 4) .<br />

Malgré ce travail intense, inimaginable actuellement, il publie<br />

deux livres : « Étude sur la coxalgie » et « Le mal de Pott ». Il<br />

donne son nom à une technique chirurgicale, la costo-transversectomie<br />

et à une entité radiographique, le cintre cervicoobturateur<br />

dont il démontre tout l’intérêt dans les luxations<br />

de la hanche.<br />

Peu belliqueux, il ne s’oppose que très discrètement aux attaques<br />

parfois « frontales » menées par F.Calot en matière de<br />

traitement de la tuberculose osseuse.<br />

On gardera de lui cette phrase souvent citée et toujours d’actualité<br />

: « Pour être médecin, il faut avoir une conscience ! Sans<br />

conscience, on devient vite un forban ».<br />

François Calot ( 1861-1944)<br />

Contrairement à V.Ménard, F.Calot déborde de dynamisme<br />

pour se faire connaître, pour développer ses hôpitaux, pour<br />

valoriser un enseignement qui sera mondialement connu. Il<br />

utilise avant l’heure le « management » et le « public relation ».<br />

De nombreuses têtes couronnées viennent le consulter, créant<br />

par voie de conséquence des besoins d’accueil en hôtellerie et<br />

en distractions.<br />

Il est un des premiers en France à préconiser l’asepsie opératoire<br />

la plus stricte, dans la suite de Lucas-Champonnière et de<br />

Lister. Après avoir opéré des lésions osseuses tuberculeuses en<br />

grand nombre et après de nombreux échecs, il s’autocritique<br />

et propose le traitement conservateur : « Ouvrir la tuberculose,<br />

c’est ouvrir la porte de la mort ».<br />

Ne pouvant succéder à V. Ménard, il prend la direction de l’Institut<br />

Cazin-Perrochaud avec l’aide financière de la baronne de<br />

Rothschild.<br />

Sa publication « La guérison des bossus » en 1896 le fait connaître<br />

mondialement.<br />

En 1900 il obtient la création du futur Institut Calot, en devient<br />

le médecin chef tout en conservant ses chefferies dans<br />

d’autres institutions : en tout 1350 lits…quelle santé !<br />

Entre-temps il revient, sur les conseils d’Abbott, à une correction<br />

moins brutale des gibbosités pottiques. Il propose des<br />

ponctions dans les abcès, leur stérilisation par des liquides<br />

modificateurs... ce qui l’oppose à Ménard qui préconise l’abord<br />

vertébral direct pour l’évacuation de ces abcès.<br />

Il faut lui reconnaître une grande expérience chirurgicale et<br />

quelques autocritiques qui lui font préférer par exemple le<br />

traitement orthopédique des luxations de hanche à la chirur-<br />

5<br />

Fig. 4 : lits à roulettes, préfigurant les gouttières de Berck


L’orthopédie pédiatrique et les hôpitaux berckois<br />

par Jean-Claude Léonard et Christian Morin<br />

gie systématique. Par contre il se fourvoie en niant l’existence<br />

de l’ostéochondrite primitive de hanche mise en évidence par<br />

Jacques Calvé… de l’Institut voisin.<br />

Il restera malgré ses erreurs un pionnier réputé de la chirurgie<br />

orthopédique, ayant consigné ses enseignements dans<br />

l’« Orthopédie indispensable aux praticiens ».<br />

Fait curieux, sa célébrité dans le monde anglo-saxon, il la devra<br />

non pas tant à ses travaux sur la pathologie ostéo-articulaire<br />

mais sur la description qu’il fit des relations entre canal<br />

cystique, artère cystique et canal cholédoque qui forment<br />

entre eux « the Calot’s triangle » !!! (Fig. 5)<br />

Fig. 5 : le triangle de Calot, triangle isocèle formé par le canal<br />

cystique (bord inférieur) son artère (bord supérieur) et sa base le<br />

canal hépatique<br />

Jacques Calvé (1875-1954)<br />

Atteint lui-même, dans son enfance, d’une tumeur blanche du<br />

genou, J. Calvé est prédestiné à la chirurgie osseuse et arrive à<br />

Berck en 1907 comme assistant de V. Ménard. La même année,<br />

il rencontre sa future épouse veuve américaine, mère d’un enfant<br />

tuberculeux.<br />

Mais en 1922, Etienne Sorrel, gendre du Professeur Dejerine,<br />

ravit le poste de chef de service et le laisse dans un profond<br />

désarroi. Son épouse récolte aux USA suffisamment de fonds<br />

pour créer la Fondation Franco-Américaine, afin de procurer à<br />

son mari le confort de travail auquel il aspire.<br />

La sagesse, l’obstination minutieuse, l’examen complet sont<br />

ses devises.<br />

La notoriété est confirmée en 1910 par la description de l’ostéochrondrite<br />

primitive de hanche, en même temps que Legg et<br />

Perthes. Puis il met en évidence le cycle évolutif de la vertebra<br />

plana, sans bien entendu l’identifier au groupe des histiocytoses.<br />

Le souci de spécialiser la profession médicale le hantait. On<br />

peut lui assimiler cette phrase de Montaigne qui ouvre un<br />

chapitre de son livre « La tuberculose ostéo-articulaire » (Fig. 6) :<br />

« chacun ne se mesle que de son sujet…à chaque malade, à chaque<br />

partie du corps, son oeuvrier ».<br />

Etienne Sorrel (1882-1965)<br />

Il arrive à Berck en 1920 pour prendre la chefferie de service de<br />

l’Hôpital Maritime, encouragé par son beau-père le neurologue<br />

Déjerine, aidé par son épouse Yvonne Déjerine et sa belle<br />

mère Augusta Klumpke, américaine et première femme interne<br />

des Hôpitaux de Paris en 1896. Blessé de guerre en 1914, il<br />

6<br />

en garde des séquelles physiques toute sa vie.<br />

Baroudeur, patriote ardent, sa carrière médicale sera honnête,<br />

entrecoupée de séjours à Strasbourg puis à Paris. Son épouse<br />

et lui publieront un livre de référence : « Tuberbulose osseuse et<br />

ostéo-articulaire » en 1932 (Fig. 7).<br />

Fig. 6 : livre de Calvé sur la tuberculose ostéo-articulaire et le moyen<br />

de ponctionner “sans danger” les abcès froids intra rachidiens<br />

Fig. 7 : “le cinquième enfant” du couple Sorrel Déjerine,<br />

comme ils aimaient à appeler ce remarquable livre sur la<br />

tuberculose ostéoarticulaire<br />

« La femme est l’avenir de l’homme »<br />

Les femmes sont omniprésentes dans la création puis l’essor<br />

médical de Berck-Sur-Mer jusqu’à la fin de la 2 nde guerre mondiale.<br />

Elles étaient de classe sociale, de nationalité, de religion<br />

différentes, mariées ou veuves, religieuses, elles ont œuvré<br />

sans compter pour la cause des enfants malades.<br />

Et ces malades ? Ils sont partout présents dans la ville, sur la<br />

plage, allongés bien souvent sur des gouttières, parfois tirés<br />

dans des carrioles par des ânes, exposés au soleil et à l’air dans<br />

de larges galeries demi couvertes, immobilisés pendant de<br />

longues périodes dans des corsets plâtrés, ponctionnés régulièrement<br />

de leur abcès pottique récidivant. Certains attendaient<br />

la mort, d’autres la découverte des antibiotiques qui va<br />

révolutionner la prise en charge de la tuberculose. Et cet autre<br />

fléau, la guerre…


L’orthopédie pédiatrique et les hôpitaux berckois<br />

par Jean-Claude Léonard et Christian Morin<br />

La guerre<br />

L’ennemi pénètre dans Berck le 23 mai 1940. A partir du 23<br />

juillet toute la zone au nord de la Somme est déclarée zone<br />

interdite. En 1941, l’entreprise Todt construit le mur de l’Atlantique<br />

ornementant ainsi la plage de Berck. Le 23 août 1941sur<br />

ordre des autorités allemandes malades et blessés sont évacués.<br />

L’exil durera 4 ans. Les hôpitaux sont délabrés, tout est<br />

à refaire.<br />

L’après-guerre immédiat<br />

Elle est marquée dans le monde médical par l’arrivée des antibiotiques.<br />

A Berck le premier à expérimenter la pénicilline<br />

est Calvé et puis en 1947 la streptomycine arrive et Sorrel sera<br />

rapporteur à la Sofcot des effets « miraculeux » de ce médicament<br />

; les fistules se tarissent, les Pott et les coxalgiques remarchent.<br />

Une autre page des hôpitaux Berckois va s’ouvrir. Parmi<br />

ceux-ci l’un plus que les autres ronronne : c’est l’Institut Calot.<br />

Il regorge de patients allongés sur les gouttières pour des cures<br />

hélio marines. Il est dirigé par le neveu de François Calot,<br />

le Dr Joseph Fouchet excellent orthopédiste mais également<br />

maire de Berck. Son plus grand mérite est de s’entourer de jeunes<br />

médecins et chirurgiens qui vont apporter du sang neuf à<br />

cette institution (Fig. 8).<br />

Fig. 8 : réunion de travail avec autour de J Fouchet (1), Y Cotrel (2), G Morel (3)<br />

et J Duriez (4)<br />

Yves Cotrel est breton, fait ses études de médecine à Paris,<br />

se destine à l’origine à l’obstétrique. C’est par hasard qu’il débarque<br />

à Berck pour y faire office pendant quelques semaines<br />

seulement de médecin résident. Nous sommes en 1948.<br />

Georges Morel est étudiant à l’université catholique de Lille. Il<br />

est nommé externe mais la déclaration de la Guerre l’empêche<br />

de devenir interne. Il veut pourtant devenir chirurgien, passe<br />

les concours d’anatomie, devient prosecteur, obtient un poste<br />

d’interne en chirurgie à Oignies, part en Afrique au Cameroun<br />

mais des problèmes de santé chez son épouse l’obligent à rentrer<br />

en France. Il répond alors positivement à une proposition<br />

de poste à Berck. Nous sommes en 1950. Il y retrouve un collègue<br />

de l’université catholique de Lille, le Dr Jean Duriez jeune<br />

médecin débarqué dans les sables de Berck en 1949. Autre<br />

rencontre avec un jeune radiologue fraîchement diplômé, tout<br />

juste remis d’une tuberculose pulmonaire, et qui embarque<br />

également dans l’équipe. Il s’agit de Gaston Héripret. L’équipe<br />

est formée. Il manque le maître à bord. Ce sera le Pr Cauchoix<br />

(Fig. 9). Voici comment il raconte les évènements au cours du<br />

centenaire de l’Institut Calot fêté en 2000.<br />

M. le Professeur Jean Cauchoix<br />

« Par un beau jour de 1952, Robert Méary m’annonce au téléphone<br />

qu’on me propose la direction médicale de l’honorable maison,<br />

dont nous célébrons aujourd’hui le centenaire.<br />

Aussi étonné qu’indécis, j’accours à Berck et je demande conseil<br />

à Roger de Cagny. J’avais toute confiance et beaucoup d’affection<br />

pour ce parent assez proche, chirurgien chef de la Fondation<br />

Franco-américaine, lui-même ancien malade de Berck. Aussi<br />

étonné qu’enthousiaste, sa réponse est claire : « l’Institut Calot va<br />

devenir fréquentable ».<br />

Il faut savoir qu’une inimitié tenace les séparait depuis que dans<br />

les années 20, Etienne Sorrel et Jacques Calvé, régnaient, l’un sur<br />

Maritime, l’autre sur Franco-Américain. Cette aversion n’était rien<br />

à côté de celle de l’un et l’autre à l’égard du fondateur de notre<br />

maison (François Calot). Ils s’indignaient de ses méthodes thérapeutiques<br />

mais, peut-on aussi penser, n’y avait-il pas quelque<br />

jalousie de son succès dans le public.<br />

Il fallait calmer le jeu. Ce fut facile. Un cocktail y pourvut. Mais<br />

qu’allais-je trouver ? Oh miracle ! Une jeune équipe aussi peu titrée<br />

qu’inexpérimentée, mais riche d’enthousiasme et d’une évidente<br />

ardeur à progresser dans la modernité. Je ne les nommerai<br />

pas, vous les reconnaîtrez :<br />

• la providence de l’enfance boiteuse ou malformée (Georges<br />

Morel), dont la modestie me pardonnera de le situer parmi<br />

les maîtres de l’orthopédie pédiatrique,<br />

• un scoliologue opiniâtre et avisé (Yves Cotrel), qui partit de<br />

Rang-du-Fliers, pour conquérir le monde. Vous connaissez la<br />

suite.<br />

• un savant, solitaire et peu disert (Gaston Héripret), qui nous<br />

enchantait chaque jour de ses merveilleuses images,<br />

• un rhumatologue (Jean Duriez), qui nous a récemment quittés,<br />

dont l’amitié ne m’a jamais fait défaut ….. »<br />

7<br />

Fig. 9 : M. le Professeur Jean Cauchoix


L’orthopédie pédiatrique et les hôpitaux berckois<br />

par Jean-Claude Léonard et Christian Morin<br />

Fig. 10 : de gauche à droite, par ordre alphabétique, Yves Cotrel, Jean Duriez, Gaston Héripret et Georges Morel<br />

Une autre « bande des » 4<br />

(Cotrel, Duriez, Héripret et Morel)<br />

Une équipe jeune, pleine d’ardeur, constituée sous l’autorité<br />

et la direction du professeur Jean Cauchoix et sous l’œil<br />

bienveillant des religieuses franciscaines missionnaires de<br />

Marie, va alors prendre les rennes de l’Institut Calot (Fig. 10).<br />

Tous médecins à plein temps, non autorisés à avoir une activité<br />

privée, ils peuvent se consacrer totalement à leur activité<br />

hospitalière.<br />

Le Professeur Cauchoix vient à Berck chaque mois, y reste 2<br />

journées et demi pour voir les nouveaux patients, opérer les<br />

cas difficiles, orienter la carrière de chacun et encourager les<br />

publications.<br />

De nombreux enfants affluent d’Afrique du Nord, l’activité<br />

s’amplifie, il faut diversifier les rôles. Yves Cotrel s’occupera<br />

des scolioses, Georges Morel de l’orthopédie pédiatrique. Leur<br />

renommée dépasse à force de travail le microcosme berckois<br />

pour s’étendre bien au-delà de nos frontières. Voici ce que<br />

Jean Claude Pouliquen écrivait dans un éditorial de la <strong>Gazette</strong><br />

du Geop en décembre 1998 :<br />

Mais c’est où exactement Berck ?<br />

« C’est au bord de la mer ... tout en haut. On suit une charmante<br />

petite route qui traverse la campagne sur quelques dizaines de<br />

kilomètres. Une fois arrivé, il y a la mer et des plages. Il y a souvent<br />

du vent et il y a parfois du soleil. » Voilà comment un touriste de<br />

passage pourrait décrire ce lieu perdu sur cette côte du nord de<br />

la France.<br />

Pour l’orthopédiste et pour le pédiatre, Berck reste pourtant un<br />

lieu mythique. Non pas parce qu’il aurait été l’antre de quelque<br />

Zeus, la Thèbes d’un autre Hercule ou le Domrémy d’une Sainte<br />

Jeanne. Non. Cet endroit est un lieu mythique parce qu’il a été<br />

et parce qu’il reste un berceau dans lequel ont germé des idées<br />

qu’ont su nourrir des gens exceptionnels dont Calot n’a été que<br />

l’un des tout premiers.<br />

L’air qui souffle là-haut serait-il chargé de vertus particulières qui<br />

expliqueraient cette effervescence intellectuelle et cette faculté<br />

qu’ont les médecins qui y travaillent d’innover et d’exporter leur<br />

savoir-faire dans le monde entier ? Cet air et cette mer qui guérissaient<br />

les scrofuleux donneraient-ils aussi intelligence, sérieux et<br />

opiniâtreté ?<br />

De cet air du large, les Calot, Cotrel, Morel ... et les autres n’ont<br />

d’ailleurs sûrement pas épuisé les réserves : les équipes berkoises<br />

8<br />

actuelles continuent à réfléchir, à créer, à faire progresser les idées<br />

et à les faire connaître. Tout ce qu’ils inventent est imité, copié, pillé<br />

puis vendu sur toute la planète ... On peut d’ailleurs se demander<br />

s’ils ne feraient pas mieux de mettre leur mélange d’air et d’eau<br />

dans des boîtes de conserve et de les vendre. Ils deviendraient riches<br />

et un souffle nouveau gagnerait la terre entière. Tout le monde<br />

deviendrait intelligent, sérieux et opiniâtre.<br />

On peut rêver... »<br />

En attendant la nouvelle « bande des 4 », sérieuse et opiniâtre<br />

travaille.<br />

C’est Jean Duriez qui fonde l’Institut de recherche sur les maladies<br />

du squelette en 1968 avec des travaux importants sur les<br />

greffes vertébrales, les cals d’allongement, la fragilité osseuse,<br />

et l’évolutivité des scolioses lombaires à l’âge adulte.<br />

C’est Gaston Héripret qui rentre dans l’histoire de l’orthopédie<br />

pédiatrique en décrivant une technique de prévision d’inégalité<br />

de longueur et une méthode radiographique de mesure des<br />

angles d’inclinaison et de déclinaison des cols fémoraux.<br />

C’est Georges Morel qui en toute modestie va se faire un grand<br />

nom dans l’orthopédie pédiatrique française. Il aime de façon<br />

passionnée son métier et les enfants qu’il soigne. C’est un clinicien<br />

remarquable, un opérateur dans les mains duquel tout<br />

paraît facile et sans danger. Il adore enseigner ses assistants,<br />

au coin du négatoscope, le soir après une longue journée opératoire.<br />

Il revoit avec une grande constance ses anciens dossiers<br />

avant tout pour comprendre ce qui a cloché et tenter<br />

d’en trouver remède.<br />

Ses sujets de prédilection sont nombreux : la luxation de la<br />

hanche après l’âge de la marche avec des résultats à long terme<br />

inégalés, le pied bot varus équin du grand enfant pour<br />

lequel il repousse avec un certain succès les limites des indications<br />

de libération des parties molles, le traitement orthopédique<br />

des scolioses infantiles avec des travaux publiés en<br />

compagnie de Min Mehta sur la possibilité de guérison des<br />

« progressives bénignes », le traitement des inégalités de longueur<br />

des membres et son attachement tout particulier pour<br />

la technique d’allongement extemporané du fémur.<br />

Il ne lui est pas toujours facile de faire admettre ses idées dans<br />

le monde orthopédique de l’époque. Et ce n’est probablement<br />

pas pour lui une partie de plaisir que de présenter un jour de


L’orthopédie pédiatrique et les hôpitaux berckois<br />

par Jean-Claude Léonard et Christian Morin<br />

novembre 1971, à la Sofcot, ses résultats de réduction orthopédique<br />

des luxations de hanche associée à l’ostéotomie de<br />

Salter, à l’époque de la sacro-sainte ostéotomie fémorale de<br />

dérotation-varisation.<br />

L’histoire d’Yves Cotrel est bien connue de tous. Voici comment<br />

elle peut être résumée :<br />

Arrivé à Berck en octobre 1948, pour quelques mois… il y<br />

restera 30 ans.<br />

1950 : thèse sur le traitement de la tuberculose osseuse par<br />

la streptomycine<br />

1953 : première greffe pour scoliose avec le Pr Jean<br />

Cauchoix<br />

1956 : visite de Risser (Los Angeles) à Berck<br />

1958 : rends visite à Cobb (New York)<br />

1959 : mise en fabrication du premier cadre pour confection<br />

des plâtres EDF<br />

1964 : premiers patients opérés avec greffon tibial encastré<br />

entre les épineuses<br />

1968 : la traction vertébrale dynamique et nocturne (TD,<br />

TVN),<br />

1969 : première réunion du GES (dont il est un membre<br />

fondateur et le premier vice-président) à Berck,<br />

1973 : naissance du DTT<br />

1977 : retraite forcée à Kerrosen<br />

1979-1982 : mise au point d’une nouvelle instrumentation<br />

rachidienne (le futur CD)<br />

1983 : 1 ère implantation de CD à SVP et puis à Saint Joseph<br />

En 2005, plus d’1 million de patients de part le monde ont été<br />

opérés avec le matériel imaginé par Yves Cotrel !!!<br />

En 1999 il crée une fondation pour la recherche en pathologie<br />

rachidienne.<br />

Et quelques autres orthopédistes de grande<br />

importance…<br />

Le monde hospitalier berckois peut également s’enorgueillir<br />

d’avoir accueilli d’autres grands noms de l’orthopédie ayant<br />

eu une activité plus ou moins exclusive en pédiatrie.<br />

Fig. 11 : L’Institut Calot vu de la plage<br />

Jean Claude Rey passera plusieurs années à l’Institut Calot, y<br />

important en particulier l’instrumentation de Harrington dans<br />

la chirurgie de la scoliose. Gérard Taussig, Raphaël Seringe,<br />

Jean Jacques Rombouts, ont aussi été des « calotins » et dans<br />

les autres hôpitaux berckois, Georges Filipe fit pendant de<br />

nombreuses années les beaux jours de la Fondation Francoaméricaine.<br />

La dernière génération<br />

Georges Morel cesse ses fonctions à l’Institut Calot en février<br />

1986, comme il l’avait prévu le jour de ses 65 ans, laissant sa<br />

place à l’un des co-auteurs de ce texte.<br />

Après son départ pour cause de maladie, le service d’Yves Cotrel<br />

va être repris par Raphaël Seringe. Cette prise de fonction<br />

sera de courte durée, sa nomination comme Professeur lui<br />

donnant la possibilité de retourner à Paris. C’est Daniel Chopin<br />

qui jusqu’à ce jour et avec le succès que l’on connaît dirigera<br />

alors l’ancien service d’Yves Cotrel.<br />

Et demain<br />

Depuis 1995 la majorité des établissements de santé berckois<br />

est regroupée au sein d’une Fondation. Des blocs opératoires<br />

qui au milieu du 20 ème siècle étaient le fer de lance des établissements<br />

comme l’Institut Calot (Fig. 11), la Fondation Franco-<br />

Américaine, le Centre Hélio-Marin ou l’hôpital Maritime, il ne<br />

reste que celui du premier nommé.<br />

Dans les années qui vont venir, l’ensemble de l’activité de<br />

court séjour sera transféré à proximité de l’établissement public<br />

voisin de Rang-du-Fliers.<br />

De 1891 à 1955, un tortillard communément appelé ch’tacot<br />

ou ch’tio train reliait Rang-du -Fliers aux hôpitaux de Berck-<br />

Plage. C’est à son bord que de nombreux patients et soignants<br />

découvraient l’immensité des plages et les établissements<br />

berckois qui allaient, parfois pendant de longues années, être<br />

leur seul horizon. Le tortillard a fait valoir ses droits à la retraite,<br />

les gouttières de Berck abandonneront bientôt l’esplanade, un<br />

nouvel horizon devra se dessiner pour le Berck médical.<br />

9


Brève histoire berckoise<br />

du traitement orthopédique de certaines déformations du rachis<br />

par Christian Morin et René Vandermeulen<br />

« L’air iodée et l’eau de mer ont sur l’état général des enfants atteints<br />

de tuberculose ganglionnaire et osseuse une action très<br />

favorable » Pierre Cazin -1842<br />

Margate en Angleterre puis Viareggio en Italie sont les premiers<br />

exemples d’hôpitaux maritimes. Leur architecture et leur fonctionnement<br />

vont fortement influencer Paul Perrochaud et son<br />

gendre Pierre Cazin (les pionniers du Berck médical) quand il<br />

s’agira d’édifier celui de Berck sur mer.<br />

Puis ce sera, avec l’expansion de la maladie tuberculeuse, le<br />

développement des autres hôpitaux berckois, l’Institut Calot,<br />

la Fondation Franco-Américaine et les Etablissements Hélio<br />

Marins.<br />

Fort des connaissances acquises dans le traitement du mal de<br />

Pott et de ses complications, c’est tout naturellement vers le<br />

traitement des scolioses que ces différents hôpitaux vont se<br />

reconvertir après la seconde guerre mondiale en même temps<br />

que disparaissait le fléau tuberculeux.<br />

Retraçons en quelques tableaux l’apport des « berckois » dans<br />

le traitement non opératoire de ces pathologies rachidiennes.<br />

Mal de Pott<br />

« Jusqu’à ces 35 dernières années, le mal de Pott avait comme<br />

aboutissant une bosse ou la mort — celle-ci souvent plus enviable<br />

que celle-là !<br />

Aujourd’hui, le mal de Pott a cessé d’être la maladie terrible entre<br />

toutes. Il aboutit à la guérison, à une guérison, presque toujours<br />

intégrale.<br />

C’est à Berck (nous sera-t-il permis de le rappeler ?) qu’a été accomplie<br />

cette révolution thérapeutique.<br />

La gibbosité a cessé d’être incurable depuis le jour (24 décembre<br />

1896) où nous avons présenté, à l’Académie de Médecine, des<br />

pottiques redressés par une méthode nouvelle et personnelle ».<br />

Voyons comment cela se déroule :<br />

Fig.1 : démonstration de la technique de redressement extemporanée<br />

d’une cyphose pottique telle qu’elle fut utilisée<br />

chez les 37 patients dont les observations sont à la base de la<br />

communication du Dr Calot…et de sa future notoriété.<br />

10<br />

« Endormi au chloroforme (à gauche de la photo le tampon imbibé<br />

de la substance anesthésiante), le malade est retourné sur<br />

le ventre et, pendant que deux ou quatre aides, suivant l’âge de<br />

l’enfant, exercent à la tête et aux pieds des tractions vigoureuses,<br />

l’opérateur pèse de tout son poids et de toute sa vigueur sur la<br />

bosse jusqu’à ce que la partie déviée de la colonne vertébrale soit<br />

rentrée dans l’alignement. Cela dure deux minutes au maximum.<br />

Après quoi un plâtre est confectionné pour assurer une immobilisation<br />

prolongée. Dans les 37 cas il n’y a eu que des succès ».<br />

Malgré ces succès proclamés, François Calot modifiera sa technique<br />

en passant de l’extemporané au progressif.<br />

Fig. 2 : résultat chez le petit Abel de la technique de redressement<br />

progressif.<br />

« Cette méthode actuelle de redressement est tellement bien réglée<br />

et simplifiée qu’elle est aussi sûrement bénigne qu’efficace.<br />

Elle consiste simplement dans l’emploi d’un corset, avec fenêtre<br />

dorsale permettant la compression douce et progressive du segment<br />

vertébral saillant au moyen de feuilles ou carrés d’ouate<br />

superposés. On renouvelle cette compression tous les 8 jours par<br />

exemple et cela sans enlever le plâtre, donc sans traumatisme et<br />

sans fatigue pour les malades. Les vertèbres rentrent peu à peu<br />

dans le rang et le dos redevient droit, si bien qu’on peut dire qu’il<br />

est plus simple et plus bénin de redresser un dos que de redresser<br />

une hanche ou un genou ».


Brève histoire berckoise<br />

du traitement orthopédique de certaines déformations du rachis<br />

par Christian Morin et René Vandermeulen<br />

Fig. 3 : Corset plâtré avec col officier pour mal de Pott dorsal<br />

« Les abcès et la paralysie du mal de Pott sont guéris régulièrement<br />

sans aucune opération, - la paralysie par l’application d’un<br />

grand plâtre fait dans la tension du rachis (mais laissant une liberté<br />

thoracique bien illustrée sur cette photographie), et les abcès<br />

par la méthode des ponctions ».<br />

Scoliose et déviations de la taille : Abbott et Calot<br />

« Le traitement de la scoliose est entré dans une ère nouvelle de<br />

progrès illimité. Le mérite en revient surtout à Abbott (chirurgien<br />

américain de Portland, Oregon). Mais cette méthode d’Abbott<br />

dont tout le monde parle, combien peu la connaissent ! »<br />

François Calot va en faire profiter la communauté scientifique<br />

française par une communication orale au congrès de Paris en<br />

1913 et par la parution la même année de cet opuscule de 109<br />

pages « Guérison de la scoliose et méthode d’Abbott ».<br />

« Est-il maladie plus commune que celle qui frappe 20 p. 100 de<br />

nos jeunes filles ! Est-il maladie plus fâcheuse que celle qui « gâte<br />

» et rapetisse la taille, déforme le thorax et rétrécit le bassin - d’où<br />

l’amoindrissement esthétique, vital et sexuel de toutes celles qui<br />

sont frappées ! »<br />

François Calot est déçu des résultats obtenus par sa méthode<br />

jusque la utilisée et qui s’apparentait à celle utilisée pour les<br />

corrections des gibbosités pottiques « technique de correction<br />

forcée exécutée sous chloroforme dans notre machine spéciale ;<br />

après quoi, pour maintenir cette correction, un grand plâtre allant<br />

de la racine des cuisses jusqu’à la base du, crâne, inclusivement,<br />

- plâtre fenêtré ensuite au niveau de la gibbosité costale pour permettre<br />

une correction supplémentaire, ouatée, progressive ».<br />

Méthode, selon ses propres dires, longue (« il nous a fallu 2 ans<br />

et demi ») et pénible (« pour le malade et pour nous »).<br />

Ces scolioses ne peuvent se produire qu’en associant à l’inclinaison<br />

du tronc une flexion de celui-ci, car « dans l’extension, les<br />

articulations des vertèbres entre elles sont bloquées, il n’y a pas de<br />

mouvement possible ; tandis qu’au contraire, dans la flexion, ces<br />

articulations deviennent mobiles ».<br />

Cette position en flexion est donc nécessaire « pour corriger la<br />

rotation des corps vertébraux. qui était la pierre d’achoppement<br />

du traitement des vieilles scolioses ».<br />

11<br />

Fig. 4 : Couverture de « Guérison de la scoliose et<br />

méthode d’Abbott » (1913)<br />

Fig. 5 : les bases expérimentales du bien-fondé de la méthode d’Abbott<br />

avec de gauche à droite :<br />

- un étudiant en médecine, élève d’Abbott, non scoliotique,<br />

- le même avec un corset destiné à produire une scoliose droite<br />

- effectivement il a maintenant une scoliose droite<br />

- le même avec corset destiné à hyper corriger la scoliose<br />

- il a maintenant une scoliose gauche !!!


Brève histoire berckoise<br />

du traitement orthopédique de certaines déformations du rachis<br />

par Christian Morin et René Vandermeulen<br />

Fig. 6 : position dans le cadre d’Abbott avec les différentes bandes toilées<br />

de correction<br />

« Au cadre du milieu est fixée une pièce de toile : c’est le lit d’Abbot<br />

ou mieux le hamac d’Abbott. Ce hamac est constitué par une<br />

forte pièce de toile taillée d’une manière particulière... On place<br />

le tronc du scoliotique sur ce hamac, de manière à ce que le côté<br />

convexe du dos repose sur la partie tendue de la toile -, la concavité,<br />

par conséquent, se trouve au-dessus de la partie lâche. Puis,<br />

à l’aide d’une poulie, on soulève les pieds et on place un oreiller<br />

sous la tête : la colonne vertébrale se trouve ainsi en flexion.<br />

À l’aide de bandes on exerce des tractions sur le tronc. Une bande<br />

trois chefs sur la région saillante des côtes, tire d’une part latéralement<br />

sur cette voussure et d’autre part de haut en bas sur le tronc.<br />

Une seconde bande à trois chefs tire le bassin d’une part vers le<br />

côté concave et d’autre part en haut. »<br />

Fig. 7 : le plâtre avec la grande fenêtre concave de décompression<br />

et les trois « lucarnes » antérieure et latérales qui serviront pour le passage des<br />

feutres correcteurs.<br />

Fig. 8 : l’action de dérotation et d’inclinaison latérale des feutres correcteurs<br />

12<br />

« Pour augmenter et compléter la correction on introduira progressivement,<br />

par la fenêtre antérieure, une série de carrés de feutre<br />

(Fig. 8 a) qui feront pression sur les côtes médianes gauches<br />

convexes eu avant (en fait il s’agit de compression sur le thorax<br />

concave) et forceront ces côtes à faire une saillie de plus en plus<br />

forte travers la grande fenêtre postérieure.<br />

Pour corriger l’inclinaison latérale, par les deux fenêtres pratiquées<br />

sur les lignes axillaires antérieure et postérieure du côté<br />

droit, convexes (et il s’agira là effectivement de compression sur<br />

le thorax convexe), on introduit d’autres coussins (Fig. 8 b) qui<br />

forceront la colonne vertébrale à se porter à gauche ».<br />

Fig. 9 : en cours de traitement<br />

« quand le scoliotique se trouve depuis deux mois en hypercorrection<br />

(comme c’est le cas avec cette patiente) on le débarrasse de<br />

son plâtre, on lui met un corset en celluloïd ».<br />

Notez combien le plâtre montait haut sur la nuque pour maintenir<br />

en flexion la totalité de la colonne vertébrale.<br />

Les temps modernes : l’EDF d’Yves Cotrel<br />

Par rapport au corset d’Abbott qui n’avait pratiquement pas<br />

été modifié par Calot, l’EDF aura comme particularités :<br />

• de confier à la traction le soin de « désencastrer les articulaires<br />

», ce qu’Abbott recherchait en flexion antérieure du<br />

tronc<br />

• de rejeter toute compression antérieure directe (effet néfaste<br />

pour le thorax)<br />

• d’agir sur la gibbosité d’arrière en avant et non latéralement<br />

(effet néfaste pour le thorax)<br />

• de posséder de très larges ouvertures antérieures et postérieures<br />

avec libération de l’épaule concave et de la charnière<br />

cervico-dorsale pour le travail musculaire actif et la<br />

ventilation pulmonaire intensive.


Brève histoire berckoise<br />

du traitement orthopédique de certaines déformations du rachis<br />

par Christian Morin et René Vandermeulen<br />

Fig. 10 : le cadre de traction de l’Institut Calot<br />

« Le corset E.D.F. est effectué sur un cadre spécial permettant de<br />

combiner simultanément les trois forces correctrices nécessaires<br />

à l’élongation, la dérotation et la flexion latérale. Le patient est<br />

placé sur le cadre en décubitus dorsal, ceinture scapulaire en position<br />

corrigée par élévation et antépulsion de l’épaule « concave »,<br />

hanches fléchies, genoux tendus pour fixation du bassin par tension<br />

des muscles ischio-jambiers.<br />

L’élongation du rachis est réalisée au moyen d’une prise pelvienne<br />

par sangles de toiles sus-iliaques croisées en avant et en arrière, et<br />

d’une prise occipito-mentonnière classique. La force de traction<br />

est contrôlée au dynamomètre. Elle ne doit pas dépasser 50 pour<br />

cent du poids du sujet. Elle sera réalisée par traction céphalique<br />

ou pelvienne, à la tête ou aux pieds du cadre, ou aux deux, suivant<br />

la localisation de la (ou des) courbure(s) ».<br />

Fig. 11 : le positionnement et l’action des bandes de dérotation<br />

« La dérotation vertébrale et thoracique est obtenue sous traction<br />

au moyen de deux bandes, l’une sus-gibbositaire se réfléchissant<br />

au sommet de la courbure, à la région postéro-latérale de l’hémithorax<br />

convexe, mais laissant libre la partie latérale du thorax<br />

pour éviter tout écrasement costal, l’autre de fixation scapulaire,<br />

permettant de maintenir dans le plan horizontal le parallélisme<br />

des ceintures scapulaire et pelvienne. Dans les courbures multiples,<br />

une bande sus-gibbositaire sera mise en action au sommet<br />

de chacune des courbures ».<br />

Fig. 12 : les bandes de correction avec en 1 la bande sus-gibbositaire et en 2a et 2b<br />

la bande trois chefs<br />

Fig. 13 : le F de l’EDF<br />

« Troisième et dernière manoeuvre, la flexion latérale. Elle est produite par la translation<br />

du chariot de traction céphalique ou pelvienne vers la convexité. Elle accentue<br />

l’effet correcteur de la bande sus-gibbositaire. »<br />

13


Brève histoire berckoise<br />

du traitement orthopédique de certaines déformations du rachis<br />

par Christian Morin et René Vandermeulen<br />

Fig. 14 : le plâtre EDF<br />

« Le plâtre est confectionné dans la position ainsi obtenue. Il sera largement découpé.<br />

La tête et la nuque sont libres. Les ouvertures scapulaires et de larges fenêtres<br />

antérieures et postérieures sont découpées de façon asymétrique. La fenêtre<br />

thoracique antérieure ne descend pas plus bas qu’un travers de main au-dessus<br />

de l’ombilic pour maintenir les dernières côtes ».<br />

La fenêtre postérieure doit laisser libre les épineuses pour<br />

que le feutrage convexe n’aggrave pas la lordose thoracique<br />

(Fig.14 a). L’antépulsion de l’épaule concave est encouragée<br />

par la suppression de l’appui anté scapulaire correspondant<br />

(Fig.14 b).<br />

« La correction active est réalisée par une kinésithérapie appropriée<br />

sous plâtre.<br />

Une gymnastique respiratoire<br />

intensive mobilisant<br />

au maximum<br />

la cage thoracique… »<br />

« Le plâtre sera répété 2<br />

ou 3 fois jusqu’à ce que<br />

la correction morphologique<br />

maximale soit<br />

atteinte. Il sera ensuite<br />

relayé par une orthèse<br />

de même type qui aura<br />

pour objet de maintenir<br />

la correction ».<br />

Georges Morel décrira<br />

le corset plâtré<br />

de dérotation sous<br />

traction sans flexion<br />

(ED et non EDF) avec<br />

gypsotomie en fin de<br />

parcours quand ne<br />

persiste plus qu’une<br />

Fig. 15 : le plâtre gypsotomisé<br />

courbure latérale sans rotation. Sur ce plâtre est dessiné le<br />

coin de gypsotomie qui va être retiré.<br />

Références<br />

Guérison de la scoliose et méthode d’Abbott par F. Calot (1933)<br />

Berck et ses traitements Les raisons de sa supériorité par F. Calot (1913)<br />

La technique de l’EDF dans le traitement des scolioses. Quelques conseils pratiques<br />

par Y. Cotrel et M. Vercauteren<br />

Tractions extra squelettiques du rachis. Techniques et indications par Y. Cotrel<br />

dans le Cahier d’enseignement de la Sofcot n°17 (1982)<br />

Les scolioses idiopathiques infantiles par C. Morin, G. Morel et D. Chopin dans<br />

la Vie Médicale n°22 (1981)<br />

La technique de l’E.D.F. dans la correction des scolioses par Y. Cotrel et G. Morel<br />

dans la Revue de chirurgie orthopédique n°50 (1964)<br />

Sauramps<br />

médical<br />

a eu l’honneur d’éditer les travaux d’Yves Cotrel et Jean Dubousset de 1986 à 1993


La technique du « no touch »<br />

une touche de rigueur pour moins d’infection ?<br />

par Sébastien Raux, Thierry David, Ashok Acharya et Christian Morin<br />

Fig. 1 : la partie utile des instruments est posée sur un chemin de table<br />

(ici de couleur blanche) (Coll. T David)<br />

La technique dite du « no touch » est une méthode chirurgicale<br />

élaborée en Angleterre entre les deux guerres. Décrite<br />

initialement par Reginald Watson-Jones[1], elle a pour objectif<br />

principal de diminuer les complications postopératoires<br />

d’ordre infectieux, se basant sur certains principes retrouvés<br />

lors d’études bactériologiques. « Interdit de toucher » est la<br />

traduction littérale de cette technique qui consiste à opérer<br />

sans contact direct des doigts avec la peau péri-opératoire<br />

du patient et l’intérieur du site opératoire. Elle s’applique essentiellement<br />

pour les interventions dites « hyper aseptiques »<br />

comme celles pratiquées en orthopédie. Importée en France<br />

par les Professeur Cauchoix à Paris et Trillat à Lyon, elle s’est<br />

développée à l’Institut Calot de Berck-Plage à partir du milieu<br />

des années cinquante. Depuis, son enseignement est perpétué<br />

avec la conviction qu’il s’agit d’une technique qui est aussi<br />

exigeante pour le praticien qu’elle est utile pour le patient.<br />

Quels sont les fondements et les principes ayant<br />

abouti à la pratique du « no touch » ?<br />

• Les mains du chirurgien et de ses collaborateurs ne sont<br />

pas stériles à proprement parlé, et ce malgré la durée et<br />

la rigueur de réalisation du lavage chirurgical. On sait que<br />

la contamination des gants vient en partie de la peau des<br />

mains du chirurgien, notamment lorsque les gants présentent<br />

des défauts mêmes infimes. Or l’effraction méconnue<br />

des gants lors de l’intervention est un phénomène sousestimé.<br />

• Les études bactériologiques réalisées sur des gants « stériles<br />

» en fin d’intervention montrent une contamination<br />

importante de l’ordre de 33 % selon Ritter [2], et ce, même<br />

en cas de superposition des gants.<br />

• Sont considérés comme parfaitement stériles le matériel<br />

utilisé après son passage en stérilisation et les liquides de<br />

détersion (type Bétadine iodée, eau stérile, etc..). A partir<br />

de cet état de fait, il est facile de comprendre que seule<br />

la partie utile des instruments est autorisée à toucher le<br />

site opératoire. Par extension, les gants ou casaques de<br />

l’équipe, et les champs opératoires ne doivent pas être en<br />

contact avec cette même partie utile des instruments.<br />

Plus concrètement voici la manière dont nous procédons<br />

à l’Institut Calot (nous ne préciserons pas quelles mesures<br />

générales adopter, mesures inhérentes au fonctionnement de<br />

tout bloc opératoire et nous renvoyons le lecteur à la conférence<br />

d’enseignement de la Sofcot de 2000 sur le sujet par<br />

J. Lannelongue [3] :<br />

• Le patient arrive au bloc opératoire après une douche bétadinée<br />

complète. Il est anesthésié puis installé en bonne<br />

position dans le sas qui jouxte la salle d’intervention. C’est<br />

dans ce sas que le personnel infirmier réalise une détersion<br />

puis un premier badigeonnage sur la zone opératoire<br />

épilée au préalable.<br />

• Pendant ce temps, l’infirmière habillée stérilement dans la<br />

salle d’intervention installe ses tables : la partie utile des<br />

instruments est extraite des boîtes sans être touchée puis<br />

posée sur un chemin de table (de couleur différente) qu’il<br />

est nécessaire de préserver tout au long de l’intervention<br />

(Fig. 1). Il est naturellement proscrit de toucher ce chemin<br />

de table. On comprend l’intérêt d’avoir un personnel rompu<br />

à cette technique, dont la pratique impose des règles<br />

avant même l’entrée du malade en salle d’opération.<br />

• Le chirurgien et son équipe, après lavage rigoureux des<br />

mains et avant-bras, pénètrent dans la salle d’intervention.<br />

L’infirmière habillée stérilement met elle-même une<br />

première paire de gants à l’ensemble de l’équipe puis elle<br />

donne les casaques stériles. Celles-ci sont enfilées à l’aide<br />

de l’infirmière circulante. Une deuxième paire de gants est<br />

mise par l’infirmière. Il est préférable que les membres de<br />

l’équipe ne mettent pas eux même leurs gants.<br />

• A ce stade, la zone opératoire est badigeonnée une nouvelle<br />

fois par le chirurgien. Il est nécessaire de patienter<br />

une à deux minutes pour permettre le séchage et une<br />

bonne stérilisation de la zone. Une double barrière de<br />

champs et un champ autocollant type « steridrape » sont<br />

mis en place. Ce dernier est appliqué sur la peau la main<br />

protégée par un américain ou une compresse. A aucun<br />

moment les gants ne toucheront la partie centrale du<br />

champ autocollant. Un premier change de gants est effectué<br />

par l’ensemble de l’équipe. L’infirmière se rapproche<br />

avec sa table contenant les instruments les plus utilisés,<br />

instruments reposant par leur partie utile sur le chemin<br />

de table. Le bistouri électrique et l’aspiration sont fixés à<br />

celle-ci de telle sorte que leur utilisation respecte le « notouch<br />

». A noter que la canule d’aspiration est dangereuse<br />

de par sa mobilité et son aspiration. Il est donc nécessaire<br />

de la ranger dans un étui, et de la prévoir munie d’un clapet<br />

de coupure de vide.<br />

• L’incision est réalisée par un bistouri dont la lame usitée<br />

sera rangée ou jetée. On n’utilise que des instruments<br />

longs, maintenant une distance suffisante entre les mains<br />

du chirurgien et le site opératoire. Les instruments sans<br />

manche tels que les écarteurs de Farabeuf « classiques »<br />

sont dès lors interdits. Aucun instrument n’est autorisé<br />

à séjourner sur le site et tous doivent être rangés sur le<br />

chemin de table ou isolés dans des cupules, après rinçage<br />

à l’eau stérile et séchage préalables. Les compresses sont<br />

utilisées à l’aide de pinces et sont rapidement éliminées.<br />

L’infirmière tend les instruments par leur partie proximale,<br />

15


La technique du « no touch »<br />

une touche de rigueur pour moins d’infection ?<br />

par Sébastien Raux, Thierry David, Ashok Acharya et Christian Morin<br />

et les récupère de la main du chirurgien sans toucher leur<br />

partie utile. Il est recommandé de changer de gants toutes<br />

les 2 heures maximum, et avant la mise en place d’un<br />

quelconque implant.<br />

• La fermeture est rompue aux mêmes règles. Le fil serti est<br />

monté sur porte-aiguille par l’intermédiaire d’une pince à<br />

disséquer. Les nœuds sont réalisés comme le décrit Watson-Jones<br />

avec dans une main le fil tenu par intermédiaire<br />

d’une pince (à la rigueur par l’intermédiaire d’une compresse)<br />

et dans l’autre le porte-aiguille qui réalise les boucles<br />

(Fig. 2). L’aide est invité à « tenir » la première boucle à<br />

l’aide d’une pince de type Kelly.<br />

Lors de son passage au travers de la peau, le drain de redon est<br />

mis en place en étant maintenu par un davier de Farabeuf, celuici<br />

n’est donc pas directement pris en main par le chirurgien.<br />

Fig. 2 : la technique des nœuds en « no touch » avec la pince et le porte aiguille<br />

(Coll. T David)<br />

A aucun moment les doigts de l’opérateur ou de ses aides ne<br />

peuvent entrer en contact direct avec la peau, et encore moins<br />

avec le site opératoire profond. Si cela devait arriver, on rince<br />

au préalable les doigts de l’opérateur, et le site souillé avec de<br />

l’eau stérile ou avec de la Bétadine dermique.<br />

Cette manière de faire est donc d’une extrême exigence,<br />

mais nos résultats nous encouragent à poursuivre dans<br />

cette voie.<br />

Acharya a présenté une série de 879 patients opérés en « no<br />

touch » lors du congrès de la SICOT (Société Internationale de<br />

Chirurgie Orthopédique et Traumatologique) à Istanbul en<br />

2005. Ces patients ont tous bénéficié d’une arthrodèse rachidienne<br />

instrumentée par voie postérieure dans deux centres :<br />

450 enfants à l’institut Calot de Berck, 429 adultes à la polyclinique<br />

de Bois Bernard. Le taux d’infection postopératoire pour<br />

cette série s’élève à 1,7 %, c’est-à-dire 15 patients sur 879 au<br />

total (4 infections superficielles, 11 profondes) ce qui se compare<br />

favorablement avec les chiffres habituellement annon-<br />

16<br />

cés dans la littérature pour des gestes chirurgicaux similaires<br />

(4.7 % d’infections rapportées par la commission de morbidité<br />

du GES [4].<br />

Une étude non encore publiée a recherché le nombre de perforations<br />

des gants lors d’opérations de chirurgie orthopédique<br />

pédiatrique réalisée avec deux paires de gants (« inner »<br />

et « outer gloves »). Lorsque la « no touch technic » était utilisée,<br />

le pourcentage d’« inner gloves » percé n’est que de 1,5 %, bien<br />

moindre qu’avec la « touch technic » où des chiffres de 10 % à<br />

13 % sont cités dans la littérature. [5, 6]<br />

Last but not least<br />

D’autres avantages peuvent êtres reconnus à la « no touch<br />

technic » dont la prévention des blessures des mains des<br />

chirurgiens (par des aiguilles manipulées à main « nue », par<br />

des fils noués à la main, par des esquilles osseuses en traumatologie…).<br />

Il est à noter qu’au moment du déclenchement de<br />

l’épidémie de Sida sur la côte ouest des Etats-Unis, la technique<br />

du « no touch » fut remise au goût du jour.<br />

Conclusion<br />

Face à l’hyper technicité dans laquelle notre spécialité orthopédique<br />

s’engage progressivement, il ne faut pas oublier les<br />

principes et méthodes simples qui rendent service. La chirurgie<br />

en « no touch » est un bénéfice réel pour le patient, auquel<br />

nous nous devons d’assurer des soins de la plus haute qualité.<br />

Les enjeux, en termes de santé mais aussi sur le plan médicolégal,<br />

nous incitent donc à poursuivre dans cette voie et à encourager<br />

le mouvement pour d’autres équipes chirurgicales<br />

volontaires.<br />

Références<br />

1. WATSON JONES R. Fracture & Joint Injuries. Edinburgh :Livingstone ;1943.<br />

p194-7<br />

2. RITTER MA, MORRIS LV, FRANCH AND HAROLD EITzEN. Evaluation of microbial<br />

contamination of surgical gloves during actual use. Clinical Orthopaedics<br />

and Related research. 1976, 117, 303-6.<br />

3. LANNELONGUE J. L’asepsie au bloc opératoire. Conférences d’enseignement<br />

de la Sofcot. 2000 ; 73 13-28.<br />

4. GUIGUI P, BLAMOUTIER A. Les complications du traitement chirurgical des<br />

déviations rachidiennes. Étude prospective multicentrique d’une cohorte de 3311<br />

patients. Revue de Chirurgie Orthopédique 2005, 91,314-27.<br />

5. MCCUE SF, BERG EW, SAUNDERS EA. Efficacy of double-gloving as a barrier<br />

to microbial contamination during total joint arthroplasty. J Bone Joint Surg<br />

Am.1981 63(5) : 811-3<br />

6. WRIGHT KU, MORAN CG, BRIGGS PJ. Glove perforation during hip arthroplasty.<br />

A randomised prospective study of a new taperpoint needle. J Bone Joint<br />

Surg Br. 1994 76(3) : 505


La costo-transversectomie<br />

par Jean-Claude Rey<br />

Introduction<br />

Avant de vous rappeler l’histoire et la technique de la costotransversectomie,<br />

il m’a semblé opportun de faire une courte<br />

évocation de la tuberculose au moment de l’apparition des<br />

antibiotiques.<br />

C’était un véritable fléau, qui frappait toutes les couches de la<br />

population et rares étaient les familles à l’abri de son atteinte.<br />

Toutes les localisations étaient possibles avec des formes<br />

chroniques ou aiguës. Les localisations pulmonaires faisaient<br />

la majorité, les formes aiguës (méningite, miliaire pulmonaire)<br />

étaient vite mortelles ; les formes rénales fréquentes.<br />

Les formes osseuses, ostéo-articulaires (et ganglionnaires) évoluaient<br />

sur quatre à cinq ans, l’ankylose était un mode de guérison<br />

souhaitable, bloquant une hanche, un genou ou fixant<br />

une gibbosité angulaire. Entre-temps étaient apparus des abcès,<br />

parfois une paraplégie dont on discutait le mécanisme par<br />

œdème ou par pachyméningite. Le traitement se résumait au<br />

repos allongé et prolongé, à la prévention des attitudes vicieuses<br />

par des plâtres, aux ponctions d’abcès avant fistulisation,<br />

porte d’entrée des surinfections dont le pronostic pouvait être<br />

fatal. On se souvient de la formule attribuée à Calot : « ouvrir un<br />

foyer tuberculeux, c’est ouvrir une porte à la mort ».<br />

Il y avait alors dans les hôpitaux berckois une ambiance toute<br />

particulière dont le récit de F. Aman-Jean : « Annie de Berck et<br />

Marie de Montreuil » (Paris, Buchet-Chastel, 1963) donne une<br />

image authentique. Pour animer les longs jours de cette petite<br />

ville artificielle qui groupait plusieurs milliers de patients,<br />

il y avait encore les querelles d’école, entre Ménard, Calot et<br />

Calvé.<br />

Ainsi se fit la fortune de Berck à la fin du XIX ème siècle et ceci<br />

jusqu’à la découverte des antibiotiques, de la streptomycine<br />

(Waksman, 1944) puis de l’isoniazide au début des années cinquante,<br />

accessoirement de l’éthionamide et du P.A.S. (acide<br />

para-amino-salicylique) d’efficacité modeste.<br />

L’antibiothérapie n’eut pas de mal pour détrôner l’air marin.<br />

Il faut ici évoquer le travail de bénédictin réalisé par Arsène<br />

Debeaumont (Fig.1), pharmacien et chef de laboratoire de<br />

l’Institut Calot, objet de sa thèse de doctorat de 1963, précisant<br />

les modalités d’un traitement à doses efficaces pendant<br />

plusieurs mois, sachant encore que 15% des souches isolées<br />

s’avéraient partiellement résistantes justifiant une tri-thérapie<br />

à posologie correcte. Une autre caractéristique des foyers ostéo-articulaires<br />

: ils ne contenaient que quelques milliers de<br />

germes, et de ce fait étaient réputés moins accessibles que les<br />

foyers pulmonaires qui en contenaient des millions.<br />

N’empêche que la tuberculose a ainsi disparu progressivement<br />

de nos pays et les derniers cas de tuberculose ostéo-articulaire<br />

« autochtone » datent des années soixante-dix.<br />

Hélas, la survenue d’un autre fléau, le S.I.D.A., a permis le réveil<br />

de la tuberculose avec des formes graves et très résistantes.<br />

A partir des années cinquante, l’abord des foyers osseux en<br />

particulier vertébraux, pour évacuer les lésions caséeuses, réaliser<br />

leur comblement et une arthrodèse deviendra une indication<br />

habituelle. L’intervention permettait en outre de confirmer<br />

le diagnostic par l’étude bactériologique (inoculation à<br />

l’animal et antibiogramme).<br />

C’est à partir de cette expérience que se développera la chirurgie<br />

vertébrale moderne et tout spécialement l’abord des corps<br />

vertébraux par voie antérieure.<br />

J’ai choisi de reproduire ici les quelques pages écrites d’abord<br />

en 1900 par Victor Ménard (Fig. 2), chirurgien des Hôpitaux de<br />

Paris et chef de service de l’Hôpital maritime de Berck, dans<br />

son ouvrage « Étude pratique sur le Mal de Pott » (Paris, Masson,<br />

1900) Il explique dans quelles conditions il fut amené à la<br />

technique de la costo-transversectomie, en définit ensuite les<br />

indications et rapporte ses 23 observations faites entre 1891<br />

et 1897 (Fig. 3). Ensuite, en manière de pendant la description<br />

de Jean Debeyre, en 1956.<br />

Fig. 2 : Victor Ménard et son équipe (cliché aimablement<br />

communiqué par le Dr J.-P. Ruelle dont le papa, Interne chez Victor<br />

Ménard, réalise ici un corset minerve sous le regard attentif de Victor<br />

Ménard)<br />

Drainage latéral du foyer somatique.<br />

Costo-transversectomie<br />

Nous avons été amenés à pratiquer directement le drainage du<br />

foyer tuberculeux par la voie latérale, après avoir éprouvé l’insuccès<br />

de la laminectomie. Le nom de costo-transversectomie a été<br />

donné à ce drainage pour indiquer les temps du procédé opératoire<br />

: résection d’une extrémité costale postérieure au niveau de<br />

la gibbosité et de l’apophyse transverse correspondante. Le canal<br />

périostique résultant de la résection costale conduit directement<br />

dans le foyer tuberculeux intersegmentaire.<br />

Nous avions, nous aussi, tenté de guérir la paraplégie pottique<br />

par la laminectomie.<br />

17<br />

Fig. 1 : Arsène Debeaumont faisant un laïus (1964)


La costo-transversectomie<br />

par Jean-Claude Rey<br />

Fig. 3 : Couverture du livre de Victor Ménard sur le Mal de Pott dans lequel on trouve le schéma<br />

de la costo-transversectomie<br />

Dans un premier cas il s’agissait d’une fillette de onze ans, atteinte<br />

de mal de Pott dorsal avec paraplégie très grave : paralysie<br />

motrice et anesthésie complètes, contracture, eschares profondes<br />

sur les deux trochanters, incontinence double. La laminectomie<br />

ne fut suivie d’aucun résultat. La plaie opératoire guérit par première<br />

intention, mais le résultat thérapeutique fut nul. La malade<br />

finit par succomber aux suites des eschares trochantériennes.<br />

A l’autopsie, on trouva un énorme abcès prévertébral pénétrant<br />

de chaque côté dans le canal rachidien et exerçant sur la mœlle<br />

une compression manifeste. La dure-mère n’était pas altérée par<br />

sa face interne. La mœlle refoulée en arrière, n’offrait pas d’altération<br />

apparente et le canal rachidien n’était nullement rétréci.<br />

Chez une deuxième malade, âgée de neuf ans, atteinte de mal<br />

de Pott dorsal avec gibbosité, la paraplégie ne fut en rien modifiée<br />

par la laminectomie. La paralysie motrice, l’anesthésie, les<br />

contractures restèrent après l’opération ce qu’elles étaient auparavant.<br />

Une troisième fois, la laminectomie fut pratiquée pour une paraplégie<br />

complète et ancienne chez une fillette de dix ans et demi.<br />

Mais un incident opératoire survint. Au moment où, après avoir<br />

enlevé la partie médiane d’un arc postérieur, j’attaquais avec la<br />

pince-gouge ses parties latérales, un flot liquide grumeleux fit<br />

irruption dans la plaie. Je venais d’ouvrir un abcès tuberculeux,<br />

siégeant sur le côté gauche des corps vertébraux et offrant un<br />

prolongement postérieur vers le canal rachidien.<br />

Le résultat fut tout différent de ce qu’il avait été dans les deux premiers<br />

cas. Dès le lendemain de l’opération les mouvements volontaires<br />

et la sensibilité, entièrement abolis auparavant, commencent<br />

à reparaître. Au bout de quelques jours, les mouvements de<br />

flexion et d’extension peuvent s’exécuter volontairement, et enfin,<br />

après un délai de six semaines, la marche redevient possible sans<br />

appui. Ce succès nous parut attribuable, non à l’ouverture du canal<br />

rachidien, mais à l’ouverture de l’abcès tuberculeux.<br />

D’après cette interprétation, le second malade, qui avait subi sans<br />

résultat la laminectomie, fut soumis, après un intervalle de trois<br />

mois, à une nouvelle opération, au drainage latéral du foyer pottique.<br />

La paraplégie guérit rapidement.<br />

Cette courte série de faits tendait à nous montrer l’inutilité de<br />

l’ouverture du canal rachidien, l’efficacité, au contraire, de l’ouverture<br />

du foyer tuberculeux. L’intervention opératoire mettait sous<br />

nos yeux la confirmation de l’opinion ancienne des médecins<br />

qui disaient que la paraplégie disparaissait, lorsqu’un abcès par<br />

18<br />

congestion s’ouvrait à l’extérieur. Telle a été l’origine de notre opération<br />

du drainage latéral dans la paraplégie pottique.<br />

On verra, dans quelle mesure, les faits ont ensuite réalisé les promesses<br />

des premiers succès.<br />

Manuel opératoire<br />

Nous choisissons le côté gauche.<br />

Une incision transversale de 5 à 7 centimètres découvre la partie<br />

rachidienne de la côte qui paraît répondre le mieux au sommet<br />

de la gibbosité, plutôt au-dessous qu’au dessus. La surface extérieure<br />

de cette côte est soigneusement dénudée de son périoste à<br />

l’aide de la rugine. Cet instrument est ensuite insinué doucement<br />

en dedans des bords supérieur et inférieur de l’arc costal, de manière<br />

à décoller en grande partie le périoste de sa face interne.<br />

Une pince-gouge saisit la côte à 4 centimètres environ de l’apophyse<br />

transverse correspondante, et, enlevant successivement<br />

plusieurs parcelles de tissu osseux sur ce point, arrive en quelques<br />

instants avec précaution à la section complète. On ne court aucun<br />

danger de blesser la plèvre en procédant de cette manière.<br />

D’un coup de pince, on enlève l’apophyse transverse qui recouvre<br />

et bride en arrière le fragment de côte libéré en avant par la<br />

section.<br />

La rugine, introduite sous ce fragment qui est ramené en dehors à<br />

l’aide d’une pince à forcipressure, décolle le périoste de ses dernières<br />

adhérences. On arrache ensuite l’extrémité costale.<br />

La tête fixée au rachis reste au fond du canal périosté. On l’extrait<br />

facilement à l’aide d’une curette tranchante de diamètre approprié.<br />

Il arrive, dans près de la moitié des cas, qu’en terminant l’ablation<br />

de la tête costale, on ouvre du même coup le foyer tuberculeux, ce<br />

qui ne peut surprendre, les corps vertébraux auxquels s’attachait<br />

la côte ayant été détruits, et leur place étant occupée par le foyer<br />

tuberculeux.<br />

Si l’ouverture n’est pas effectuée, la sonde cannelée, conduite au<br />

fond du canal périostique écarte doucement les parties molles et<br />

pénètre dans l’espace intersegmentaire.<br />

Il ne reste plus qu’à élargir l’ouverture à l’aide de l’extrémité du<br />

doigt.<br />

Il peut arriver que l’espace laissé par l’ablation d’une côte soit fort<br />

étroit ; ou bien la côte à réséquer a été mal choisie, trop haut ou<br />

trop bas. On est conduit à réséquer une deuxième côte au-dessus<br />

ou au-dessous de la première. Ce qui n’offre aucun inconvénient.<br />

Le contenu du foyer s’écoule en quantité variable. Dans quel-


La costo-transversectomie<br />

par Jean-Claude Rey<br />

ques cas nous avons seulement retiré du caséum avec la curette.<br />

Généralement, le pus grumeleux, plus ou moins liquide ou pâteux,<br />

s’écoule spontanément. La collection étant détendue par<br />

l’ouverture, le but est rempli. Le pus tuberculeux s’écoulera plus<br />

tard dans le pansement.<br />

L’opération est terminée par le drainage de la cavité. La plaie cutanée<br />

est rétrécie de chaque côté du drain par quelques points de<br />

suture.<br />

Nous avons souvent retiré de petits séquestres au moment de<br />

l’opération avec la curette introduite dans l’espace inter segmentaire.<br />

D’autres sortent dans la suite par le trajet de drainage.<br />

Le doigt introduit dans l’espace inter segmentaire nous a souvent<br />

permis de constater l’influence des temps de la respiration sur le<br />

mouvement des deux segments. Ils se rapprochent nettement l’un<br />

de l’autre, serrent le doigt interposé à l’expiration ; ils s’éloignent<br />

au contraire légèrement et le doigt se dégage à l’inspiration. Cette<br />

constatation nous a fait penser que les mouvements respiratoires<br />

pouvaient jouer un rôle dans le progrès de l’ulcération compressive<br />

à la région dorsale supérieure, si rapide même parfois chez<br />

les malades couchés.<br />

Les soins consécutifs consistent en des pansements renouvelés<br />

à six ou huit jours d’intervalle. Le drain est laissé longtemps en<br />

place, et par suite la fistule conservée. Il y a avantage à ce qu’elle<br />

soit maintenue plusieurs mois et même un an, deux ans et davantage,<br />

longue période en rapport avec la durée de la réparation du<br />

rachis.<br />

Résultats thérapeutiques<br />

On exposera dans la suite quelle est l’importance de l’ouverture et<br />

du drainage du foyer tuberculeux, quelle est la gravité de la transformation<br />

de la tuberculose pure en tuberculose associée.<br />

Dès maintenant nous devons prévoir les objections principales en<br />

avançant que les faits ont démontré la bénignité de notre intervention.<br />

Aucun malade n’a succombé aux suites directes de l’intervention.<br />

Ce caractère de bénignité doit de suite être opposé à<br />

la mortalité redoutable qui a été la conséquence de la laminectomie,<br />

plus de 30 pour 100 d’après la statistique de 103 cas dressée<br />

par M. Chipault.<br />

Rarement à mon point de vue une description de technique<br />

opératoire a été aussi précise et vécue.<br />

Je n’entrerai pas dans les détails des 23 observations rapportées<br />

minutieusement dans l’ouvrage de Ménard. Pour résumer<br />

il s’agissait, comme dit plus haut, de 23 interventions faites entre<br />

1891 et 1897, toutes pour des paraplégies. Il y eut 13 améliorations<br />

spectaculaires dans les suites immédiates et Ménard<br />

déplorait deux morts, ces deux cas autopsiés.<br />

Les lendemains<br />

Dans les années qui suivirent il semble que l’intervention ait<br />

été quelque peu délaissée. Il y a à cela plusieurs raisons.<br />

La première était certainement technique, une intervention<br />

en décubitus ventral au masque d’Ombrédanne était-elle possible<br />

ou l’intervention se faisait-elle en décubitus latéral ? Il n’y<br />

a pas d’information à ce sujet. Il semble en tout cas qu’avant le<br />

réveil de la chirurgie osseuse survenu après la deuxième guerre<br />

mondiale, la costo-transversectomie n’était plus pratiquée,<br />

comme en témoignent Etienne Sorrel et Mme Sorrel-Déjerine<br />

dans leur riche traité : « Tuberculose osseuse et ostéo-articulaire<br />

», Paris, Masson, 1932, dans ces termes : « c’est bien parce que<br />

des fistules ont persisté après des costo-transversectomies et que<br />

des malades en moururent que M. Ménard renonça rapidement<br />

à son intervention ». Calvé de son côté (« La tuberculose ostéoarticulaire<br />

», Paris, Masson, 1935) est extrêmement réservé et<br />

prône sa technique - un peu acrobatique – de ponction de<br />

l’abcès par le trou de conjugaison. Il reconnaît que « la costotransversectomie<br />

de Ménard, accès direct sur l’abcès pré-médullaire,<br />

a donné des succès étonnants et immédiats, mais cette<br />

intervention laisse après elle une fistule avec tous ses dangers ;<br />

aussi fut-elle abandonnée par l’auteur ». Calvé ajoute en note :<br />

« Nous signalons le procédé de Massart et Ducroquet qui est<br />

une combinaison de la costo-transversectomie de Ménard et de<br />

la ponction intra-médullaire de Calvé. Ces auteurs pratiquent à<br />

ciel ouvert la costo-transversectomie, puis, au lieu d’enfoncer la<br />

curette par le trou de conjugaison et d’ouvrir largement l’abcès,<br />

enfoncent un trocart par le trou de conjugaison jusqu’à l’abcès.<br />

A notre avis, étant donné la facilité extrême du cathétérisme du<br />

trou de conjugaison par voie sous cutanée, nous ne voyons pas la<br />

nécessité de la costo-transversectomie préalable ».<br />

En Angleterre, une excellente revue du traitement fut écrite,<br />

statistiques à l’appui, dans l’ouvrage de Griffiths, Seddon & Roaf,<br />

« Pott’s paraplegia », Oxford U.P., 1956. La costo-transversectomie<br />

y trouve une place réduite ; ils confirment quand même<br />

que Galland, successeur de Calvé a continué à la pratiquer,<br />

compte tenu de la sécurité apportée par les antibiotiques. Les<br />

auteurs anglais envisagent surtout la décompression antérolatérale<br />

de Dott et Alexander (1946) qui est en quelque sorte<br />

une grande costo-transversectomie sur plusieurs étages.<br />

Dans tous ces cas, la stabilisation du rachis par une arthrodèse<br />

postérieure était réalisable sans difficulté supplémentaire<br />

particulière, mais cette indication n’est pas abordée dans ces<br />

textes.<br />

Le retour de la costo-transversectomie<br />

Comme nous venons de l’évoquer, les antibiotiques classiques<br />

puis les antibiotiques spécifiques anti-tuberculeux, ont permis<br />

d’intervenir avec une plus grande sécurité, d’éviter les surinfections<br />

et de contrôler le cours de la maladie.<br />

Aussi, la costo-transversectomie fut-elle considérée à partir<br />

des années cinquante comme un moyen d’intervenir sur un<br />

foyer tuberculeux dorsal, pour permettre l’étude bactériologique<br />

devenue essentielle, d’évacuer les collections, éventuellement<br />

de décomprimer le canal et la mœlle, enfin d’associer<br />

dans ce même temps une arthrodèse postérieure. D’autres<br />

voies d’abord étaient naturellement indiquées pour d’autres<br />

localisations.<br />

En 1956, la Faculté de Médecine organisa une conférence d’actualités<br />

pratiques titrée :<br />

« Nouvelle orientation du traitement du mal de Pott de l’adulte »<br />

par S. de Sèze et J. Debeyre. (Paris, Masson, 1956). Cette publication<br />

confirme, s’il en était besoin, la place importante qu’occupait<br />

alors la tuberculose osseuse en pratique quotidienne<br />

(Fig. 4).<br />

Voici donc, comme annoncé plus haut, et reproduit intégralement<br />

le court chapitre de la costo-transversectomie, par<br />

J.Debeyre et C.Moreau.<br />

19


Fig. 4 : Tiré de l’ouvrage de S. de Sèze et J. Debeyre, trois schémas décrivent l’abord des vertèbres dorsales par costotransversectomie<br />

a) section et désarticulation de deux côtes (avec en cartouche l’incision cutanée) - b) après l’ablation de<br />

l’extrémité postérieure de deux côtes - c) le sac pleural est décollé pour exposer la face latérale des corps vertébraux<br />

« La plupart des voies utilisées dérivent de la classique costotransversectomie<br />

utilisée déjà par Ménard. La désarticulation<br />

costo-vertébrale est la clef de l’abord des faces latérales des vertèbres<br />

dorsales.<br />

L’incision cutanée varie beaucoup : l’on a proposé des incisions<br />

verticales plus ou moins éloignées de la ligne médiane, des incisions<br />

obliques suivant la direction de la côte, des incisions en T,<br />

des incisions curvilignes. Nous utilisons toujours une incision verticale<br />

faite assez externe, à trois travers de doigt de la ligne médiane,<br />

presque au bord externe de la masse sacro-lombaire. Le<br />

milieu de l’incision correspond aux vertèbres atteintes.<br />

Aussi cette incision nécessite un repérage soigneux du foyer, pour<br />

éviter les erreurs d’étage ; la radiographie est nécessaire pour exécuter<br />

avec exactitude ce repérage. Le fait de placer cette incision<br />

très externe permet une large exérèse costale, condition essentielle<br />

d’une bonne exposition des lésions. L’incision verticale permet<br />

de s’agrandir facilement en haut et en bas, soit pour redresser<br />

les erreurs d’étage, soit pour suivre un foyer qui n’était pas prévu<br />

aussi étendu en hauteur.<br />

Les muscles superficiels (trapèze, petit dentelé, etc.) sont incisés<br />

jusqu’à l’aponévrose ; lorsqu’on aborde les premières dorsales, il<br />

faut penser à respecter l’innervation du trapèze et pour cela inciser<br />

le muscle à 15 mm de la ligne médiane, les nerfs et les vaisseaux<br />

restent alors dans le lambeau externe. L’aponévrose d’enveloppe<br />

des muscles dorso-lombaires est incisée ; les côtes sont<br />

repérées et ruginées sur la face externe ; les tendons d’insertion<br />

des muscles sacro-lombaire et grand dorsal y adhèrent solidement<br />

et le bistouri doit souvent aider la rugine. Nous exposons en<br />

général quatre côtes.<br />

La résection de deux côtes est nécessaire pour aborder un foyer<br />

unidiscal, de trois côtes pour aborder un foyer atteignant deux<br />

disques. Les côtes sont sectionnées à 8 cm environ de la pointe de<br />

l’apophyse transverse ; le ligament costo-transversaire est coupé,<br />

l’on peut alors introduire une longue rugine de Lambotte entre<br />

la côte et l’apophyse transverse et, procédant par petits mouvements,<br />

faire progresser la rugine vers la tête costale et peu à peu<br />

rompre les fibres du ligament rayonné ; l’on peut s’aider de quelques<br />

mouvements de torsion, la côte étant saisie dans les mors<br />

d’un davier. Cette désarticulation n’est pas toujours facile, car la<br />

tête costale est souvent fragilisée par le processus tuberculeux : or<br />

il est indispensable d’extirper entièrement la tête.<br />

Les muscles et les vaisseaux intercostaux intermédiaires aux côtes<br />

réséquées sont alors sectionnés entre deux ligatures ; le nerf intercostal<br />

a été préalablement isolé et préservé, la section du nerf<br />

intercostal préconisée par certains n’évite pas les névralgies résiduelles<br />

et le rôle moteur des six derniers nerfs intercostaux n’est<br />

La costo-transversectomie<br />

par Jean-Claude Rey<br />

20<br />

pas à négliger).<br />

Le décollement pleural déjà amorcé pour réséquer les côtes peut<br />

alors être terminé, il faut utiliser idéalement le plan de clivage<br />

qui permet de repousser en avant le fascia endothoracique et la<br />

plèvre : en fait, dans les maux de Pott dorsaux, l’abcès pottique<br />

a décollé le péri rachis, la désarticulation costo-vertébrale ouvre<br />

presque toujours l’abcès et la poche d’abcès mène directement<br />

sur le foyer.<br />

La résection de l’apophyse transverse est inutile, sa présence ne<br />

gêne pas l’abord vertébral si la résection costale est faite assez<br />

externe, comme nous l’avons indiqué. La transversectomie est<br />

par contre nécessaire si l’on veut aborder la face latérale du sac<br />

rachidien, réséquer les pédicules vertébraux, c’est à dire pratiquer<br />

l’ « antero-lateral rachotomy » de Seddon.<br />

La possibilité d’opérer les foyers tuberculeux à plèvre ouverte a<br />

fait envisager la thoracotomie comme voie d’abord des vertèbres<br />

dorsales.<br />

Nous ne l’avons jamais utilisée, le jour obtenu est sans doute très<br />

important à droite, mais à gauche le flanc vertébral est masqué<br />

par l’aorte. Puisque la costectomie nous a toujours donné un jour<br />

très satisfaisant, nous ne pensons pas nécessaire d’exposer le malade<br />

aux suites souvent plus compliquées de la thoracotomie. »<br />

Conclusion<br />

A Berck, je ne peux évoquer que la pratique de l’Institut Calot<br />

où le Pr Jean Cauchoix fut appelé en 1954 pour organiser un<br />

service de chirurgie osseuse moderne. Au bout de dix ans, en<br />

faisant le bilan des interventions chirurgicales, je me rappelle<br />

avoir dénombré 350 costo-transversectomies à quelques unités<br />

près. C’est dire que l’intervention de costo-transversectomie<br />

était réellement une indication « de routine ». Etabli à Angers<br />

à partir de 1968, je ne me rappelle pas en avoir opérée au<br />

delà de 1975. La roue tourne.<br />

Notre collègue Michel Jacquemier nous fait part<br />

d’un besoin en « missionnaires » pour la ville de Gazza<br />

Besoin : deux orthopédistes pédiatres par mission<br />

But : consultations, interventions et enseignement<br />

Durée :10-15 jours par mission<br />

(programme mis en place pour 3 ans, 3 missions par an)<br />

Planning pour 2010 :<br />

- mission 1 : période du 15 au 30 mars 2010<br />

- mission 2 : période du 15 au 30 août 2010<br />

- mission 3 : période du 20 novembre au 5 décembre 2010<br />

contact : mjacquemier@ap-hm.fr ou jmjacquemier@hotmail.com


Louis, âgé de 6 ans est vu par son médecin traitant pour des douleurs du rachis thoracique associées à des réveils nocturnes<br />

après l’inefficacité d’un traitement par ostéopathie (!), l’histoire ayant débuté il y a 3 mois. Il n’a pas d’antécédents personnels,<br />

on retrouve la notion de deux myélomes multiples chez ses arrières grands parents.<br />

L’examen clinique ne retrouve pas de raideur rachidienne, l’examen neurologique est normal. Il bénéficie d’un traitement symptomatique<br />

(paracétamol) qui se révèle rapidement sans effet.<br />

Une radiographie du rachis est réalisée (Fig. 1), complétée d’un scanner (Fig. 2) et d’une IRM (Fig. 3).<br />

Fig. 1<br />

Le cas du jour<br />

par Philippe Violas et Jonathan Benoist<br />

Votre diagnostic ?<br />

Conduite à tenir ?<br />

21<br />

Fig. 2<br />

Fig. 3


Technique chirurgicale de la prothèse totale de hanche<br />

chez le patient neurologique non marchant<br />

par Christophe Delecourt, Jihane Rouissi, Viorel Gurschi et Christian Morin<br />

Les progrès réalisés dans la prise en charge de la spasticité<br />

n’ont pas fait disparaître les luxations de hanche chez<br />

l’infirme moteur d’origine cérébrale, principalement dans<br />

les formes les plus sévères. Les solutions chirurgicales conservatrices<br />

sont le plus souvent dépassées chez le grand<br />

adolescent ou l’adulte jeune. En présence de douleurs ou<br />

d’un enraidissement en position vicieuse gênant la positon<br />

assise, la résection tête et col du fémur plus ou moins élargie<br />

a été utilisée pendant de nombreuses années, mais son<br />

caractère mutilant, la lourdeur des suites opératoires et la<br />

persistance de douleurs pendant de nombreux mois lui font<br />

préférer dans notre pratique la mise en place d’une prothèse<br />

totale de hanche (Fig. 1).<br />

Fig.1 a : luxation paralytique douloureuse chez une enfant IMC de 14 ans non<br />

marchante<br />

b : résultat à 4 ans de recul<br />

Des problèmes liés au contexte neurologique étaient à redouter<br />

en particulier l’agressivité chirurgicale chez des patients<br />

fragiles sur le plan général et osseux, le risque de luxation<br />

de la prothèse ou de migration intra pelvienne, sans<br />

oublier la possibilité de complications septiques.<br />

Des solutions originales ont été apportées pour tenter de<br />

pallier ces inconvénients comme l’utilisation d’un cotyle à<br />

double mobilité (Fig. 2) et l’accourcissement fémoral.<br />

Voie d’abord<br />

La voie d’abord est externe, en décubitus latéral sous anesthésie<br />

générale. Chez les patients antérieurement opérés, la<br />

voie d’abord primitive peut être reprise avec excision de la<br />

cicatrice. La dissection de la fibrose est parfois difficile. Dans<br />

certains cas, une plaque fémorale, encore en place, sera retirée.<br />

Les bords antérieur et postérieur du m.gluteus medius sont<br />

repérés. La désinsertion haute du m.vastus lateralis est<br />

réalisée à minima de façon à ne pas dévasculariser le fragment<br />

fémoral intermédiaire qui sera créé par l’ostéotomie<br />

d’accourcissement.<br />

22<br />

La trochantérotomie est réalisée au ciseau, la dissection du<br />

plan de clivage capsulaire est poursuivie jusqu’au cotyle<br />

pour en avoir une exposition correcte, maintenue par des<br />

clous de Steinman. La capsule est incisée jusqu’au rebord<br />

cotyloïdien, du liquide synovial apparaît régulièrement.<br />

L’anatomie de la luxation de la tête fémorale est alors précisée.<br />

La section du col fémoral à la scie oscillante, selon l’orientation<br />

souhaitée (45°), terminera l’exposition et permettra de préciser<br />

l’importance et l’étendue de la destruction cartilagineuse<br />

et osseuse de la tête fémorale, ainsi que la hauteur et la<br />

profondeur du cotyle.<br />

Fig. 2a : éléments constitutifs d’une prothèse de hanche à double<br />

mobilité avec la tige fémorale (a), la tête fémorale de 26mm (b)<br />

impactée dans l’insert en polyéthylène (c) et le cotyle métallique (d)<br />

Fig. 2b : vue opératoire de la prothèse totale de hanche avec la tête fémorale<br />

(1) impactée dans l’insert en polyéthylène (2) lui-même réduit dans le cotyle<br />

métallique dont on aperçoit la patte de fixation (3)


Technique chirurgicale de la prothèse totale de hanche<br />

chez le patient neurologique non marchant<br />

par Christophe Delecourt, Jihane Rouissi, Viorel Gurschi et Christian Morin<br />

Fig. 3 a : fracture du petit trochanter<br />

b : consolidation après traitement orthopédique<br />

Exposition et préparation du cotyle<br />

Pour permettre au mieux le positionnement en hauteur du<br />

cotyle prothétique, il convient de mettre un écarteur contrecoudé<br />

dans le trou obturateur pour bien visualiser les cornes<br />

antérieure et postérieure du cotyle et retrouver ainsi les traces<br />

du paléocotyle.<br />

Le cotyle présente régulièrement une insuffisance postérosupérieure.<br />

La technique de reconstruction sera fonction de<br />

son importance. Si le cotyle est très insuffisant voire inexistant,<br />

la butée est réalisée rapidement au début du fraisage. Si, au<br />

contraire, la découverture est modeste, elle sera comblée par<br />

une butée positionnée sur le cotyle prothétique après son impaction.<br />

Cette butée, fabriquée aux dépens de la tête fémorale, est synthésée<br />

par des vis ou des broches. Dans un faible nombre de<br />

cas, la tenue du cotyle non cimenté n’est pas satisfaisante, et<br />

un cotyle cimenté doit être utilisé.<br />

Il peut être nécessaire de greffer le fond du cotyle, par contre<br />

nous n’avons pas eu à utiliser d’anneaux de soutien.<br />

La fixation de la pièce cotyloïdienne non scellée se fait par impaction.<br />

Elle peut être améliorée par un vissage dans le toit<br />

du cotyle. En fait, cette vis est rarement utilisée car la tenue<br />

primaire du cotyle impacté est souvent très satisfaisante.<br />

L’orientation du cotyle est en général de 40° sur l’horizontale<br />

avec 20° d’antéversion. Elle doit être définie en fonction de<br />

l’équilibre frontal et sagittal du rachis. Il est en effet préférable<br />

de corriger préalablement à l’intervention sur la hanche<br />

la cause rachidienne du bassin oblique. En cas de persistance<br />

d’un bassin déséquilibré chez un patient arthrodésé jusqu’au<br />

sacrum, il faudra en tenir compte en augmentant par exemple<br />

l’antéversion en cas d’hyperlordose lombo-sacrée ou en modifiant<br />

l’inclinaison en cas d’obliquité frontale résiduelle.<br />

Ostéotomie fémorale<br />

L’accourcissement fémoral est indispensable, la résection pouvant<br />

atteindre de 3 à 5 cm, fonction de la facilité de réduction<br />

des implants.<br />

Il est réalisé en diaphysaire haut pour conserver la totalité de<br />

la métaphyse destinée à loger la partie proximale de la prothèse.<br />

En effet, même une prothèse de type dysplasique possède<br />

une embase dont le volume est trop excessif pour un canal<br />

diaphysaire.<br />

Cet accourcissement fémoral permet en outre de se prémunir<br />

Fig. 4 : a : prothèse fémorale non cimentée<br />

b : stress shielding (résorption de la corticale externe du fémur)<br />

contre une hyperpression pouvant générer à long terme une<br />

migration intra pelvienne des implants.<br />

L’ostéotomie diaphysaire aide également à régler l’antéversion<br />

fémorale au moment du scellement de telle manière que la<br />

tête fémorale correctement alignée dans le fond du cotyle, la<br />

rotule soit dirigée au zénith.<br />

La section de la diaphyse est réalisée en général de 4 à 6 cm<br />

sous de la coupe cervicale, en dessous de l’insertion du tendon<br />

du grand fessier, ce qui permet à la queue de la prothèse<br />

fémorale de dépasser le foyer d’ostéotomie de plusieurs centimètres,<br />

assurant ainsi une synthèse suffisante.<br />

Préparation fémorale<br />

Il est conseillé d’utiliser dans un premier temps les alésoirs de<br />

7, 8 puis 9 mm car les râpes ne sont pas adaptées à l’anatomie<br />

après accourcissement. Elles ne feront que compléter la préparation<br />

proximale et diaphysaire du fémur. L’ostéosynthèse par<br />

plaque, régulièrement utilisée au début de l’expérience, n’est<br />

plus systématique car le scellement permet une bonne stabilité<br />

en rotation du foyer d’ostéotomie autour duquel des<br />

greffons spongieux sont déposés. Le risque de pseudarthrose<br />

persiste cependant.<br />

Avec l’accourcissement diaphysaire et en fonction de la taille<br />

du fémur, une prothèse standard de petite taille peut être utilisée,<br />

cimentée ou non cimentée. Nous préférons la première<br />

solution, l’introduction des prothèses fémorales non cimentées<br />

dont on dispose paraissant comporter un risque accru<br />

de fracture lors de l’impaction (Fig. 3), et surtout de résorption<br />

corticale de type stress shielding (Fig. 4). Une chose est sûre,<br />

il n’est pas nécessaire de mettre une grosse tige. C’est même<br />

dangereux !<br />

Il ne faut pas oublier la préparation de la synthèse trochantérienne<br />

avant le scellement de la pièce fémorale avec la mise en<br />

place de 2 fils métalliques (12/10) ou d’un fil monobrin (n°1)<br />

pour la synthèse du trochanter, et l’avivement de la face externe<br />

de la diaphyse destinée à recevoir le médaillon trochantérien.<br />

• L’implant définitif scellé avec l’antéversion idéale est<br />

ensuite introduit dans le cotyle avec une tête d’essai<br />

pour décider la longueur du col (le plus souvent neutre<br />

ou court, parfois long si l’accourcissement fémoral a été<br />

malencontreusement trop important).<br />

23


Technique chirurgicale de la prothèse totale de hanche<br />

chez le patient neurologique non marchant<br />

par Christophe Delecourt, Jihane Rouissi, Viorel Gurschi et Christian Morin<br />

• La tête, de diamètre 26 mm, en acier, est alors introduite<br />

dans l’insert mobile cotyloïdien puis impactée dans le<br />

cône morse de la pièce fémorale pour limiter le risque de<br />

luxation intra-prothétique (Fig. 5).<br />

Fig.5 : luxation intra-prothétique ayant nécessité une réduction<br />

chirurgicale<br />

La pièce fémorale surmontée de l’insert mobile est alors réduite<br />

dans la cotyle. La réduction doit être particulièrement<br />

facile. Il ne doit y avoir aucune tension.<br />

• La capsule est ensuite suturée, le grand trochanter réinséré,<br />

la fermeture poursuivie comme habituellement sur<br />

un drain de Redon profond et aspiratif. On vérifie l’absence<br />

d’indication de ténotomie des adducteurs, ce qui est régulièrement<br />

le cas après accourcissement fémoral.<br />

• Il est préférable d’immobiliser les patients dans un plâtre<br />

pelvi-pédieux pendant les quinze premiers jours pour<br />

éviter des mouvements désordonnés pouvant être cause<br />

de luxation voire de fracture du massif métaphysaire. Une<br />

mobilisation douce sous traction est alors débutée puis<br />

la position assise est reprise quand la flexion de hanche<br />

atteint 70°.<br />

24<br />

La série<br />

Dans notre série de 20 hanches opérées pour une douleur ou<br />

une attitude vicieuse chez 17 patients IMC non marchants,<br />

d’âge moyen de 17 ans et 7 mois, le recul moyen est de 3<br />

ans et 4 mois. La tête fémorale était luxée et déformée dans<br />

90 % des cas et centrée dans 10% des cas. La durée opératoire<br />

moyenne a été de 155 minutes (extrêmes de 120 et 215 mn), le<br />

saignement moyen de 550ml (extrêmes de 200 à1500 ml) avec<br />

utilisation régulière du cell-saver. Une transfusion a cependant<br />

été nécessaire dans la grande majorité des cas (2,5 culots en<br />

moyenne). L’hospitalisation dure en moyenne cinq semaines,<br />

une en court séjour et quatre en rééducation.<br />

Les complications<br />

Six patients ont présenté une complication précoce.<br />

Une fracture per-opératoire du fémur est apparue lors de<br />

l’impaction d’une tige fémorale non cimentée, synthésée par<br />

un cerclage. Une reprise chirurgicale a été nécessaire pour un<br />

lâchage précoce de la synthèse trochantérienne. Chez un patient,<br />

une fracture du petit trochanter, probablement per-opératoire<br />

et déplacée secondairement, a été découverte et traitée<br />

orthopédiquement par plâtre. Un patient a été transféré<br />

en réanimation pour une détresse respiratoire. Deux patients<br />

ont développé une volumineuse ossification par cal hypertrophique<br />

métaphysaire fémoral sans conséquence.<br />

Une complication tardive est survenue chez sept patients.<br />

Une luxation intra-prothétique et une pseudarthrose métaphysaire<br />

du fémur ont nécessité une reprise chirurgicale. Une<br />

fracture fémorale à distance de la prothèse est survenue dans<br />

deux cas, une résorption fémorale péri-prothétique a été notée<br />

chez deux patients avec une tige fémorale non cimentée,<br />

enfin un patient est surveillé pour un liseré fémoral non évolutif.<br />

Le recul moyen de la série est cependant trop court pour<br />

conclure sur la fréquence du descellement.<br />

Nos quelques ennuis (fracture, résorption corticale) avec les<br />

tiges fémorales non scellées sont à l’origine de l’utilisation dorénavant<br />

exclusive de tiges cimentées.<br />

Conclusion<br />

Contrastant avec les suites opératoires souvent douloureuses<br />

des résections tête et col et leurs fréquents désagréments à<br />

moyen et long termes, les résultats obtenus jusqu’à ce jour<br />

avec cette technique d’arthroplastie totale de hanche nous ont<br />

donné plus de satisfaction. Il s’agit tout de même d’une intervention<br />

assez longue, techniquement plus complexe qu’une<br />

une prothèse totale standard, générant un saignement non<br />

négligeable et s’adressant à des patients fragiles. L’indication<br />

doit donc être raisonnablement discutée.


L’enfant « pas comme les autres » (suite)<br />

par Jean-Louis Fournier, Rémi Kohler et Henri Carlioz<br />

Dans la <strong>Gazette</strong> de la SOFOP n° 27, R. Kohler et H. Carlioz nous disaient avoir été émus par leur rencontre avec Jean-Louis<br />

Fournier, auteur de ce livre très particulier « Où on va, papa ? ».<br />

Une amitié s’est nouée entre eux, et Jean-Louis Fournier a accepté de donner une Conférence aux internes du DESC de chirurgie<br />

infantile à Paris le 21 Septembre 2009, à point nommé après une session sur le handicap. Jean-Louis a pu nous redire en<br />

termes simples, directs, émouvants, ce qu’il pensait des enfants handicapés et surtout de l’humour et du rire comme une<br />

merveilleuse thérapie de la vie. Nous vous livrons ci-après des extraits de cette Conférence et ne pouvons mieux faire que de<br />

vous inciter à lire quelques-uns de ses livres :<br />

« Où on va, papa ? » (qui nous parle de ses deux enfants handicapés),<br />

« Il n’a jamais tué personne mon papa », hommage à son père médecin qui « tutoyait le Byrrh »,<br />

ou encore « Mon dernier cheveu noir » analyse décapante de la vieillesse.<br />

La rédaction de la <strong>Gazette</strong> de la SOFOP<br />

Jean Louis Fournier, conférencier<br />

C’était le 21 septembre dernier, aux Enfants Malades.<br />

Commentant son livre « Où on va, Papa ? », Jean-louis Fournier<br />

nous a parlé de « son aventure qui, heureusement est relativement<br />

exceptionnelle ; un enfant handicapé, ça arrive, deux, c’est<br />

encore mieux ».<br />

Dans son exposé, il nous a expliqué pourquoi on se livre en<br />

public comme il l’a fait devant nous.<br />

C’est, dit-il, que « je réussis à survivre grâce à l’humour, c’est-àdire<br />

que j’ai pris de la distance à l’égard de cette catastrophe au<br />

lieu de m’effondrer….moi, j’avais l’arme de l’humour et je pouvais<br />

m’exprimer….je ne me suis jamais attendri ni effondré….j’ai essayé<br />

de plaisanter et je pense que c’est difficile de plaisanter avec<br />

ce sujet-là parce que c’est quelquefois mal vu…Le rire est un antalgique<br />

absolument extraordinaire qui n’a pas d’effet secondaire.<br />

J’ai continué à l’utiliser pour tout dans la vie ».<br />

« Quand vous avez de gros ennuis, il est bien élevé d’avoir une<br />

tête d’enterrement….Il n’y a pas de raison que les gens qui ont de<br />

grands malheurs n’en rient pas….d’ailleurs….ceux qui sont heureux<br />

n’ont pas besoin de rire, mais ceux qui sont malheureux, le<br />

rire peut les aider beaucoup…. ».<br />

« Autre chose me paraît très important : je me suis mis dans la<br />

peau d’un enfant handicapé et me suis dit : ce sont des gens qui<br />

ne voient jamais personne rire ; quand ils naissent deux visages se<br />

penchent sur le berceau : ah, oh la la ! ; comme mot de bienvenue<br />

sur terre, c’est pas vraiment génial ! Ensuite ces enfants handicapés<br />

feront des bêtises et personne ne rira d’eux ; moi je trouve cela<br />

très grave parce qu’il faut leur laisser aussi le luxe de nous faire<br />

rire ».<br />

Jean-Louis Fournier n’a pas vraiment donné la raison pour laquelle<br />

« on écrit ce genre de livre » bien qu’il l’affirme d’entrée<br />

de jeu, mais il nous a dit comment il a pu vivre son malheur,<br />

comment il a survécu au « top des emmerdements ». « Grâce à<br />

l’humour ». « Cet humour, je ne l’ai pas fabriqué pour faire un livre,<br />

c’est un humour dont je me suis servi dans la vie de tous les<br />

jours »…. « parce que le rire, ce n’est pas de la moquerie, ce n’est<br />

pas de la méchanceté, ce n’est pas de l’indifférence, c’est quelquefois<br />

le contraire de l’indifférence….Le rire est le plus court chemin<br />

d’un homme à un autre. J’ai reçu un millier de lettres de gens qui<br />

étaient confrontés à ce drame et qui me disaient : vous savez, nous<br />

aussi on essaie un peu de plaisanter et vous nous avez confortés.<br />

Je trouve cela formidable. »<br />

Le rire peut donc « être une parade contre la souffrance, contre<br />

l’injustice, une opération de survie ». Mais l’humour qui le soustend<br />

est alors très noir, grinçant et peut être compris comme<br />

cynique.<br />

Dans cet esprit, on peut se permettre de « rire de tout, de la<br />

vieillesse et de tout ce qui n’est pas drôle ». Ce n’est pas Jean-<br />

Louis Fournier mais Boris Vian qui décrit un marché de vieux<br />

comme il y en a de bestiaux ou de volailles ! Même esprit :<br />

« A propos d’un livre que j’ai écrit sur la vieillesse (« mon dernier<br />

cheveu noir ») j’ai réussi, à Strasbourg, à faire rigoler une centaine<br />

de vieux de 90 ans. Je leur ai dit : vous avez été tous formidables,<br />

vous avez ri beaucoup ! Je regardais toutes ces bouches édentées<br />

qui riaient et les remerciais de leur accueil . En partant, je leur ai<br />

donné un tuyau : vous allez mourir prochainement (ce qui les a<br />

fait rire car personne n’a le culot de dire un truc comme çà !) ; lors<br />

de votre dernier soupir, le médecin va dire « c’est la fin ». Vous vous<br />

redresserez et direz « des haricots » ! J’ai fait un malheur ».<br />

Jean-Louis Fournier se réclame de son amitié pour Pierre Desproges<br />

; en lisant les œuvres de l’un et l’autre la parenté artistique<br />

et spirituelle est évidente. Au chapitre « National Socialisme<br />

» de son Dictionnaire superflu, Pierre Desproges dit<br />

que « les surhommes beaux, grands et blonds, sobres en humour<br />

et élégamment bornés….s’obstinèrent à exterminer les petits<br />

bruns »…et les emmenèrent à la campagne dans des bungalows<br />

de bois relativement frustes, au cœur d’immenses clubs privés<br />

très bien protégés des curieux par des gardes assermentés et leurs<br />

chiens, de race également ». Rire et faire rire du nazisme et de<br />

la Shoah….<br />

Roberto Benini a le même culot. Dans son beau film « La vie<br />

est belle » l’humour envahit la vie des juifs déportés et le camp<br />

de concentration, sujets pourtant tabous. Bien des spectateurs<br />

n’ont pas goûté ce sacrilège ; ils ont sûrement réprouvé<br />

aussi « les combats d’enfants organisés par les éducateurs pour se<br />

25


L’enfant « pas comme les autres » (suite)<br />

par Jean-Louis Fournier, Rémi Kohler et Henri Carlioz<br />

détendre et arrondir leurs fins de mois » et l’envie exprimée par<br />

Jean-Louis Fournier « de jeter mon fils par la fenêtre mais nous<br />

sommes au rez de chaussée, ça ne servirait à rien ».<br />

Cet humour sombre, en apparence irrespectueux de la souffrance,<br />

n’est supportable que parce qu’il appartient à celui qui<br />

a souffert, qui souffre tous les jours, « pour qui c’est la seule façon<br />

de garder la tête hors de l’eau ». Un écorché vif par la vie.<br />

Henri Carlioz et Remi Kohler méditant les propos de Jean Louis Fournier<br />

Réunions à venir<br />

7-10 avril 2010<br />

zagreb<br />

29 ème réunion de l’Epos<br />

www.epos.efort.org/zagreb2010<br />

3-7 mai 2010<br />

Waikoloa, Hawaii<br />

Réunion annuelle<br />

de la Posna<br />

http://www.posna.org<br />

7-8 mai 2010<br />

Nantes<br />

42 ème réunion du GES (Groupe Étude Scoliose)<br />

organisateur : Simon Le Naelou<br />

dr.lenaelou@wanadoo.fr<br />

4-5 juin 2010<br />

Toulouse<br />

6 ème congrès de la SFCR<br />

(Société Française de Chirurgie Rachidienne)<br />

www.sfcr.fr<br />

26<br />

Et pourtant « la vie est passionnante ». Les commentaires sur<br />

l’humour ne résument pas la conférence du 21 septembre.<br />

La passion de Jean-Louis Fournier y transparaît car il y a un<br />

monde entre parler de ses souffrances et en faire un livre. Il ne<br />

peut se contenter de les vivre et d’en rire ; il doit les mettre sur<br />

le papier. C’est, me semble-t-il, un besoin irrépressible. Il est<br />

écrivain. C’est pour cela aussi qu’il a écrit « Il a tué personne mon<br />

papa » sur un autre drame de sa vie.<br />

La vie est belle mais elle se termine « en impasse, en cul-de-sac<br />

». D’ailleurs, les réponses à « Où on va papa ? » ne sont que des<br />

impasses : « a veau l’eau…droit dans le mur…en Alaska caresser<br />

les ours…se faire dévorer…cueillir de amanites phalloïdes…<br />

prendre l’autoroute à contre sens ». Expressions outrancières<br />

d’un doute salutaire.<br />

Enfin, pourquoi cette horreur du mot Handicap ? Parce que<br />

catégoriser cet enfant c’est le figer en ne le désignant que par<br />

une de ses particularités. En forçant quelque peu la note c’est<br />

une désignation « raciale ». Jean-Louis Fournier préfère se dire<br />

qu’il est différent « mais pas forcément au-dessous des autres,<br />

ça peut être au-dessus, c’est pas être moyen, c’est être ailleurs des<br />

autres ».<br />

Que de leçons à méditer !<br />

2-5 juin 2010<br />

Madrid<br />

11 ème congrès de l’EFORT<br />

www.efort.org<br />

16-19 juin 2010<br />

Paris- Palais des Congrès<br />

Congrès des Sociétés<br />

de Pédiatrie<br />

Séminaire paramédical (16-17 juin)<br />

pediatrie2010@europa-organisation.com<br />

22-26 juin 2010<br />

Genève<br />

12 ème congrès de l’AOLF<br />

www.aolf2010.com<br />

22-25 septembre 2010<br />

Genève<br />

64 ème réunion de l’AACPDM<br />

(American Academy of Cerebral Palsy)<br />

Washington, DC, USA


Le cas du jour :<br />

réponse à un problème de vertèbre borgne<br />

par Philippe Violas et Jonathan Benoist<br />

Face à cette image de vertèbre borgne T11 et les images IRM<br />

et TDM avec un rétrécissement majeur du canal médullaire, il<br />

est décidé la réalisation d’une biopsie curetage. Cette intervention<br />

est abrégée du fait d’un saignement important peropératoire.<br />

Le résultat anatomopathologique conclut à un ostéoblastome.<br />

Choix d’une embolisation préopératoire (Fig. 4), suivi 48h plus<br />

tard d’un curetage par voie d’abord postérieure, avec greffe<br />

osseuse unilatérale prélevée aux dépens de la crête iliaque,<br />

ostéosynthèse (Fig. 5), et corset pour six mois.<br />

Le recul à 6 mois semble ne pas montrer de récidive (Fig. 6)<br />

avec une bonne intégration du greffon osseux (Fig. 7).<br />

Fig. 4<br />

Fig. 5<br />

Discussion<br />

L’ostéoblastome est une tumeur osseuse bénigne rare de l’os<br />

de l’enfant (environ 3 % des tumeurs osseuses bénignes tout<br />

âge confondu), avec une nette prédominance masculine (sex<br />

ratio 2/1) [1]. Les localisations préférentielles sont le rachis<br />

(40 %), les os longs en particulier l’humérus (20 %) et la mandibule.<br />

La douleur peut être le seul signe de découverte de cette<br />

lésion, mais lors des atteintes rachidiennes les signes cliniques<br />

révélateurs peuvent être des compressions médullaires ou radiculaires<br />

voire des scolioses douloureuses [1].<br />

Les diagnostics différentiels devant ce type de lésion sont<br />

essentiellement l’ostéosarcome, l’ostéome ostéoïde, le chondroblastome,<br />

le kyste osseux anévrismal et le chondrosarcome<br />

[2]. Le diagnostic ne peut bien sûr être affirmé que par la<br />

preuve anatomopathologique. Radiologiquement on peut<br />

retrouver une lésion radio transparente de plus de 2 cm, cerclée<br />

d’une fine ostéocondensation mais on retrouve également<br />

des images opaques dans certains cas. L’IRM est indispensable<br />

dans les localisations rachidiennes. La scintigraphie osseuse<br />

montrera généralement une hyperfixation intense ne permettant<br />

pas de la différencier d’un ostéome ostéoïde. Il n’existe<br />

pas de risque métastatique mais un haut risque de récidive<br />

si l’exérèse n’est pas complète. Le traitement consiste soit en<br />

un curetage mais avec un risque élevé de récidive locale soit<br />

en une exérèse en bloc qui est préférable [1, 2, 3]. S’agissant<br />

d’une tumeur richement vascularisée, dans des localisations<br />

difficiles avec des risques hémorragiques importants, une embolisation<br />

préopératoire est à proposer [4] ce que nous avons<br />

réalisé dans le cas présent.<br />

Références<br />

1. CLAVERT J.M. Tumeurs osseuses bénignes : ostéome ostéoide et ostéoblastome.<br />

Cahiers enseignement de la SOFCOT 2005, vol. 88 (295 p.).<br />

2. BERRY M, MANKIN H, GEBHARDT M, ROSENBERG A, HORNICEK F. Osteoblastoma<br />

: a 30-year study of 99 cases. J Surg Oncol. 2008. 98 : 179-83<br />

3. SAGLIK Y, ATALAR H, YILDIz Y, BASARIR K, GUNAY C. Surgical treatment of<br />

osteoblastoma : a report of 20 cases. Acta Orthop Belg. 2007. 73 : 747-53<br />

4. DENARO V, DENARO L, PAPALIA R, MARINOzzI A, DI MARTINO A. Surgical<br />

management of cervical spine osteoblastomas. Clin Orthop Relat Res. 2007. 455 :<br />

190-5<br />

27<br />

Fig. 6 Fig. 7

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