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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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3<br />

L’Occasion perdue<br />

Tout le long du jour, <strong>Perceval</strong> chevaucha, suivant des chemins qui traversaient des forêts désertes et<br />

des landes interminables, mais il n’y croisa personne qui pût le renseigner sur la direction qu’il fallait<br />

prendre pour rejoindre la Gaste Forêt. Il ne cessait d’adresser à Dieu de ferventes prières et de le<br />

supplier de le mener près de sa mère, tant l’angoissait de plus en plus l’idée qu’elle eût pu mourir tandis<br />

qu’il franchissait le pont. Au bas d’une colline, il atteignit une rivière dont les eaux profondes et rapides<br />

le dissuadèrent de s’y engager. « Par ma foi ! s’écria-t-il, si je pouvais la franchir, je suis sûr qu’au-delà<br />

je trouverais ma mère, si du moins elle vit encore ! » Mais il eut beau longer la berge en quête d’un gué,<br />

il n’en trouva point. Et il commençait à désespérer quand il aperçut, en face de lui, les tourelles d’une<br />

forteresse qui, depuis un monticule, surplombait les flots.<br />

Aussi se dirigea-t-il de ce côté. La porte en était ouverte, mais personne ne la gardait. Il entra et, une<br />

fois à l’intérieur, se dirigea droit vers la maison qui lui semblait la plus haute et la plus vaste et, sans plus<br />

de façons, y pénétra. Il découvrit une grande salle qu’éclairaient des torches résineuses qui dégageaient<br />

d’épaisses volutes noires. Un homme aux cheveux blancs s’y trouvait, assis sur les coussins d’un fauteuil<br />

placé près d’un foyer où brûlaient d’énormes bûches. Des valets surgirent de l’ombre et abordèrent<br />

<strong>Perceval</strong> en lui adressant d’aimables paroles de bienvenue. <strong>Le</strong> jeune <strong>Gallois</strong> descendit de son cheval<br />

qu’un valet prit par la bride pour le conduire à l’écurie. Deux autres valets s’empressèrent de lui ôter son<br />

armure, et le vieillard le pria de venir partager son siège. Après s’être incliné devant son hôte, <strong>Perceval</strong><br />

prit la place que celui-ci lui indiquait, et tous deux se mirent à causer de choses et d’autres sans qu’aucun<br />

priât l’autre de se nommer.<br />

La journée s’avançait, et, le moment venu, on dressa les tables, puis le vieillard invita <strong>Perceval</strong> à<br />

partager le repas qu’on avait préparé. <strong>Perceval</strong> s’assit auprès de son hôte, et l’on commença à servir les<br />

mets, tout en versant les boissons dans des coupes d’or. Une fois qu’ils furent rassasiés et désaltérés,<br />

l’homme aux cheveux blancs demanda à <strong>Perceval</strong> s’il savait bien manier l’épée. « Je me crois, répondit<br />

le jeune <strong>Gallois</strong>, capable de me défendre quand on m’attaque. Mais je sais aussi que si l’on m’enseignait<br />

tout ce qui est nécessaire, je deviendrais encore plus habile. – Assurément, dit le vieillard, mais<br />

j’aimerais que tu me montres ce que tu sais faire. Sache d’abord, mon garçon, que celui qui peut jouer<br />

habilement du bâton prouve qu’il peut encore mieux se battre à l’épée. »<br />

<strong>Le</strong> vieillard avait deux fils, l’un blond, l’autre brun. « <strong>Le</strong>vez-vous, jeunes gens, dit-il, afin de jouer du<br />

bâton et du bouclier. » Une fois debout, ils saisirent chacun un bouclier et un bâton qui se trouvaient fixés<br />

au mur de la salle, et, sans un mot, jouèrent du bâton l’un contre l’autre. Mais ils les maniaient si<br />

habilement qu’aucun ne fut atteint. « Dis-moi, mon âme, demanda le vieillard à <strong>Perceval</strong>, à ton avis, quel<br />

est celui qui joue le mieux ? – Je pense, répondit le <strong>Gallois</strong>, que le blond pourrait tirer du sang à l’autre,<br />

à condition du moins qu’il le voulût vraiment. – Voilà qui dénote de ta part un bon sens de l’observation.<br />

Eh bien, va toi-même, mon âme, prends le bâton et le bouclier du brun, et essaie de tirer du sang au blond,<br />

si tu le peux. »<br />

<strong>Perceval</strong> se leva, prit le bâton et le bouclier du jeune homme brun et s’en fut jouer contre le blond.<br />

Brandissant le bras, il lui assena un tel coup sur le visage qu’un des sourcils lui tomba sur l’œil et que le<br />

sang se mit à couler sur ses joues. « Fort bien, mon âme, dit le vieillard. Je sais désormais que tu seras le<br />

plus habile au maniement de l’épée dans toute l’île de Bretagne. Cependant, je voudrais que tu m’en<br />

fournisses la preuve. – Qu’il en soit selon ton désir », dit <strong>Perceval</strong>.

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