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Le Graal tome 6 - Perceval Le Gallois

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emonte à la nuit des temps et qui doit se prolonger dans les siècles à venir. D’ailleurs, sa postérité –<br />

légendaire, il va de soi – est on ne peut plus caractéristique : il sera le père de Lohengrin, le Chevalier au<br />

Cygne, lui-même ancêtre mythique de Godefroy de Bouillon et de la famille de Lorraine ; les Guise, au<br />

XVI e siècle, s’en souviendront lorsqu’ils se présenteront comme les authentiques héritiers du trône de<br />

France, face aux Valois dégénérés. Car le concept de race pure apparaît dans toute sa clarté dans le récit<br />

de Wolfram von Eschenbach : les gardiens du <strong>Graal</strong>, qu’il appelle des Templiers (simple actualisation,<br />

les Templiers n’ayant rien à voir ni avec le <strong>Graal</strong> ni avec l’Allemagne), appartiennent en effet à une<br />

lignée qui ne tolère pas de mésalliance, et c’est pour avoir enfreint cet interdit qu’Amfortas, le Roi<br />

Pêcheur, souffre d’une blessure incurable. Étrange atmosphère que celle de la cour de Montsalvage(4) où<br />

est gardé le <strong>Graal</strong>, et où les Templiers, une élite choisie de façon surnaturelle, ont pour mission d’écarter<br />

les intrus éventuels, voire même de les éliminer. Autour du <strong>Graal</strong>, on n’admet pas de sous-hommes. Et<br />

c’est sur ce royaume que régnera Parzival. Assurément, un monde sépare cette conception élitiste et<br />

raciste d’un secret jalousement réservé à des privilégiés et la notion d’amour universel des êtres et des<br />

choses que suppose la version classique de la Quête du <strong>Graal</strong>(5).<br />

L’option de Chrétien de Troyes privilégiait un héros ignorant plongé contre son gré dans des<br />

marécages et parvenant à s’en sortir pour découvrir des chemins conduisant à la lumière. Mais comme<br />

Chrétien n’a pas achevé son œuvre, ce sont ses continuateurs qui ont fait du <strong>Perceval</strong> primitif un héros<br />

chrétien, ce qu’il n’était assurément pas au départ. L’option de Wolfram von Eschenbach conserve<br />

précieusement le christianisme du héros, mais elle l’altère en y intégrant des notions alchimiques et<br />

ésotériques, des réminiscences empruntées aux traditions iraniennes et même bouddhiques, une<br />

formulation synchrétique à laquelle participe la mystique musulmane par l’intermédiaire de l’Espagne. Il<br />

s’agit là, de toute évidence, d’une version intellectuelle, tandis que la troisième option nous renvoie au<br />

cœur même du mythe primitif.<br />

L’option galloise de Peredur est incontestablement d’essence populaire. Quelle qu’en soit la date de<br />

composition (le manuscrit est du XIII e siècle, mais les archaïsmes y abondent), quelque influence qu’aient<br />

exercée sur lui certains épisodes de Chrétien de Troyes, quelque pesanteur qu’il doive à la civilisation<br />

anglo-normande, le roman conserve un schéma typiquement celtique. S’il fait parfois référence au dieu du<br />

christianisme, le héros n’en demeure pas moins profondément « païen » au sens strict du terme. Et là, le<br />

<strong>Graal</strong> n’est pas une coupe d’émeraude contenant le sang du Christ mais un plateau sur lequel une tête<br />

d’homme coupée baigne dans le sang. D’ailleurs, il n’est jamais dit que Peredur devienne le Roi du<br />

<strong>Graal</strong> : sa quête, fort complexe, et parallèle à celle de Gauvain, le mène à accomplir une vengeance<br />

rituelle par le sang. Est-ce l’image du <strong>Graal</strong> primitif avant l’invasion des spéculations gnostiques et la<br />

récupération chrétienne ? Peut-être. En tout cas, le mérite de Peredur est de nous renvoyer à une tradition<br />

ancrée dans l’inconscient collectif des peuples celtiques d’outre-Manche, au sein même de leur cadre<br />

originel, cadre qui a vu naître et se développer leur mythologie avant que celle-ci ne fût noyée dans le<br />

contexte culturel continental.<br />

En vérité, la version galloise permet, en éliminant les charges prétendument ésotériques accumulées<br />

sur le schéma originel, de remettre les choses en place et de mieux comprendre le personnage de<br />

<strong>Perceval</strong>. Celui-ci n’est ni plus ni moins qu’un héros de conte populaire traditionnel dont on retrouve la<br />

silhouette, sinon le nom, dans toute la mémoire orale de l’Europe. <strong>Le</strong> schéma de base est le suivant : un<br />

jeune homme pauvre, généralement laid, apparemment peu dégourdi, quitte sa famille pour gagner sa vie<br />

dans le vaste monde ; il rencontre les pires difficultés mais, grâce à son bon cœur (ou à un objet magique<br />

remis par une bonne fée), surmonte toutes les épreuves et finit par épouser la fille du roi. Très souvent, ce<br />

jeune homme est le troisième fils de la famille, et ses deux aînés, partis avant lui, ont piteusement échoué<br />

dans leur entreprise. Enfin, il acquiert, au cours de ses aventures, une grande intelligence et une<br />

remarquable beauté physique(6).

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