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JUGEMENT DU TRIBUNAL CORRECTIONNEL Chambre 7 22 juillet ...

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RÉPUBLIQUE ET<br />

MINISTERE PUBLIC<br />

POUVOIR JUDICIAIRE<br />

<strong>JUGEMENT</strong><br />

CANTON DE GENÈVE<br />

<strong>DU</strong> <strong>TRIBUNAL</strong> <strong>CORRECTIONNEL</strong><br />

<strong>Chambre</strong> 7<br />

<strong>22</strong> <strong>juillet</strong> 2011<br />

Banque cantonale de Genève, partie plaignante, représentée par M es Jean-Marie<br />

CRETTAZ et Christophe EMONET<br />

État de Genève, partie plaignante, représenté par M es Éric ALVES DE SOUZA et<br />

Jean-Luc HERBEZ<br />

contre<br />

Monsieur C., né le ___, domicilié ________, assisté de M e Christian REISER<br />

Monsieur D., né le ___, domicilié ________, assisté de M es Robert ASSAËL et Jean-<br />

François MARTI<br />

Monsieur F., né le ___, domicilié ________, assisté de M e Christian LÜSCHER<br />

Monsieur R., né le ___, domicilié ________, assisté de M es Pierre DE PREUX et<br />

Isabelle BÜHLER<br />

Monsieur S., né le ___, domicilié ________, assisté de M es Vincent JEANNERET,<br />

Alec REYMOND et Manuel BOLIVAR<br />

Siégeant: M. Jean-Marc VERNIORY, président; MM. François HADDAD et<br />

Fabrice ROCH, juges; M. Christian ALBRECHT, greffier-juriste; M. Laurent<br />

FAVRE, greffier de chambre.<br />

P/3409/2001


- 2 -<br />

CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :<br />

Le Ministère public conclut à une condamnation des prévenus selon l'acte d'accusation, sous<br />

réserve de la modification du taux de perte moyen subi par la fondation de valorisation et<br />

l'État de Genève, à une peine privative de liberté de 2 ans avec sursis pour les 5 prévenus, et à<br />

la condamnation solidaire de ceux-ci aux frais de la procédure.<br />

Par l'intermédiaire de ses conseils, la Banque cantonale de Genève conclut à une<br />

condamnation des prévenus selon l'acte d'accusation, sous réserve de la modification du taux<br />

de perte moyen subi par la fondation de valorisation et l'État de Genève.<br />

Par l'intermédiaire de ses conseils, l'État de Genève conclut à une condamnation des prévenus<br />

du chef de faux dans les titres.<br />

Par l'intermédiaire de son conseil, C. conclut à son acquittement, à ce que les frais soient<br />

laissés à la charge de l'État et à l'allocation d'une indemnité au sens de l'article 429 CPP, s'en<br />

rapportant à justice quant au montant et sollicitant un bref délai pour se prononcer le cas<br />

échéant.<br />

Par l'intermédiaire de ses conseils, D. conclut à son acquittement, ainsi qu'à l'octroi d'un délai<br />

pour faire valoir des prétentions au titre de l'art. 429 CPP.<br />

Par l'intermédiaire de son conseil, F. conclut à son acquittement, ainsi qu'au versement d'une<br />

indemnité au sens de l'art. 429 CPP, sollicitant le cas échéant un bref délai pour se prononcer<br />

à ce sujet.<br />

Par l'intermédiaire de ses conseils, R. conclut à l'irrecevabilité de l'action publique dirigée<br />

contre lui en raison de la violation du principe de célérité et de la présomption d'innocence,<br />

subsidiairement à sa libération de la poursuite et à son acquittement, plus subsidiairement à<br />

l'exemption de toute peine; il conclut également à être libéré des frais et à l'octroi d'un délai<br />

raisonnable pour présenter une demande d'indemnisation et de réparation selon l'art. 429 CPP.<br />

Par l'intermédiaire de ses conseils, S. conclut à l'irrecevabilité de l'action publique dirigée<br />

contre lui en raison de la violation du principe de célérité et de la présomption d'innocence,<br />

subsidiairement à sa libération de la poursuite et à son acquittement, plus subsidiairement à<br />

l'exemption de toute peine; il conclut également à être libéré des frais et à l'octroi d'un délai<br />

raisonnable pour présenter une demande d'indemnisation et de réparation selon l'art. 429 CPP.<br />

P/3409/2001


- 3 -<br />

EN FAIT<br />

A. Par acte d'accusation du <strong>22</strong> décembre 2009:<br />

a) Il est reproché à D., F. et C. d'avoir, de concert, à Genève, entre 1996 et 1999, alors qu'ils<br />

étaient respectivement président du conseil d'administration (ci-après: CA), directeur général<br />

et directeur général adjoint de la Banque Cantonale de Genève (ci-après: BCGE), qu'ils<br />

avaient constaté, du fait de leurs fonctions, que la situation financière et comptable de la<br />

Banque était en péril et qu'ils avaient décidé de dissimuler cette situation dans les comptes<br />

annuels de la Banque,<br />

aa. fait en sorte que cette dernière publie des résultats annuels falsifiés pour les exercices<br />

1996, 1997 et 1998 (cotes A.I.1 à 3, B.I.1 à 3 et C.I.1 à 3), alors qu'ils savaient que ces<br />

résultats étaient faux et donnaient une image complètement trompeuse de la réelle<br />

situation économique de la Banque, en diminuant fictivement les besoins de provisions<br />

de la Banque (lit. aa, ab, ac et, s'agissant de l'exercice 1998, ad), en décidant de ne pas<br />

amortir des créances irrécouvrables (non-valeurs) (lit. b), en ne provisionnant et en ne<br />

consolidant pas des portages (lit. c et d) et en publiant un faux bénéfice (lit. e), étant<br />

précisé qu'ils auraient agi de la sorte afin d'éviter les obligations découlant du<br />

surendettement de la Banque, d'éviter des mesures de la Commission fédérale des<br />

banques (ci-après: CFB), de conserver leur emploi et de maintenir leur position et le<br />

salaire qu'ils percevaient, en sus d'autres rémunérations, de percevoir indûment une<br />

gratification, de distribuer des dividendes aux actionnaires alors qu'ils savaient que la<br />

publication de chiffres conformes à la réalité aurait empêché la distribution d'un<br />

quelconque dividende, d'améliorer illicitement la situation des anciens débiteurs de la<br />

Banque, dont les biens avaient été repris par les entités de portage, et afin de masquer<br />

le maquillage des comptes pour les exercices 1996 et 1997,<br />

ab. violé pour ce faire leur obligation légale de veiller à bien gérer les intérêts pécuniaires<br />

de la BCGE et à sauvegarder ceux-ci (cotes A.II.4 à 6, B.II.4 à 6 et C.II.4 à 6, lit. a à e)<br />

au mépris des principes éprouvés de l'économie et de l'éthique bancaire tels qu'ils<br />

étaient imposés par l'art. 2 al. 3 de la loi sur la Banque cantonale de Genève, du 24 juin<br />

1993 (D 2 05; LBCGe), les actes mentionnés sous lit. aa. les ayant conduit à manquer,<br />

s'agissant de F. et C., à leur devoir de veiller à ce que le CA soit dûment informé de la<br />

situation réelle de la Banque, à leur devoir de veiller à ce qu'une comptabilité exacte et<br />

fiable de la Banque soit tenue, à leur obligation de surveiller les prescriptions en<br />

matière de liquidités, de fonds propres et de répartition des risques et, s'agissant de D.,<br />

à son devoir de contrôle et de haute surveillance de la Direction générale, notamment<br />

en matière d'évaluation des risques et de détermination du besoin en provisions, à son<br />

devoir de veiller à ce que le CA soit dûment informé de la situation réelle de la<br />

Banque, à ses devoirs de fixation des principes de la comptabilité, à ses devoirs de<br />

surveillance de l'exécution des prescriptions en matière de liquidités, de fonds propres<br />

et de répartition des risques, à ses devoirs de détermination, de limitation et contrôle<br />

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- 4 -<br />

des risques de crédit, de surveillance et de contrôle de la gestion de la Banque, et à son<br />

obligation de veiller à une politique immobilière conforme aux principes éprouvés de<br />

la comptabilité et de l'éthique bancaire, étant précisé que tous trois auraient agi dans<br />

des buts identiques à ceux mentionnés sous aa.<br />

b) Il est reproché à R. et S. d'avoir, de concert, à Genève, entre 1996 et 1999, alors que la<br />

société _____ (ci-après: A.) était l'organe de révision statutaire de la BCGE et qu'ils étaient<br />

respectivement superviseur du mandat de révision et réviseur responsable de la révision des<br />

comptes de la BCGE au sein de cette société, qu'ils avaient constaté, du fait de leurs fonctions<br />

et de leur formation, que la situation financière et comptable de la Banque était en péril et<br />

qu'ils avaient décidé de dissimuler cette situation,<br />

ba. cosigné les rapports statutaires de l'organe de révision relatifs aux comptes annuels de<br />

la BCGE pour les exercices 1996, 1997 et 1998 (cotes D.I.1 à 3 et E.I.1 à 3), alors<br />

qu'ils avaient constaté que les résultats de cette dernière étaient faux en raison de la<br />

diminution fictive des besoins de provisions de la Banque (lit. a), du nonamortissement<br />

des créances irrécouvrables (lit. b), du défaut de provisionnement et de<br />

consolidation des portages (lit. c et d) et de la publication d'un faux bénéfice (lit. e), et<br />

que ces résultats donnaient une image complètement trompeuse de la situation<br />

économique réelle de la Banque, en acceptant pleinement et sans réserve que la<br />

Banque publie ces résultats annuels falsifiés et en recommandant à l'assemblée<br />

générale des actionnaires d'approuver les comptes annuels, en agissant de la sorte afin<br />

d'éviter les obligations découlant du surendettement de la Banque, d'éviter des mesures<br />

de la CFB, de conserver leur emploi, de garder leur position auprès de leur employeur<br />

et de maintenir A. dans son mandat qui rapportait environ 1 million de francs (ciaprès:<br />

MF) par an, de distribuer des dividendes aux actionnaires alors qu'ils savaient<br />

que la publication de chiffres conformes à la réalité aurait empêché la distribution d'un<br />

quelconque dividende, d'améliorer illicitement la situation des anciens débiteurs de la<br />

Banque, dont les biens avaient été repris par les entités de portage, et afin de masquer<br />

le maquillage des comptes pour les exercices 1996 et 1997,<br />

bb. trompé l'assemblée générale des actionnaires de la BCGE par la confection et l'usage<br />

d'un rapport statutaire falsifié ainsi que d'avoir manqué à leurs devoirs d'organe de<br />

révision statutaire et bancaire (cotes D.II.4 à 6 et E.II.4 à 6, lit. a à e), la connaissance<br />

des faits mentionnés sous ba. les ayant à cet égard conduit à violer leurs obligations de<br />

s'assurer de l'établissement correct des comptes annuels, des comptes de groupe et de<br />

l'adéquation de l'évaluation des risques et des provisions leur servant de couverture, de<br />

vérifier l'adéquation du régime appliqué aux créances douteuses, de veiller à<br />

l'intégralité des fonds propres figurant au bilan et de vérifier si la comptabilité, les<br />

comptes annuels et la proposition concernant l'emploi du bénéfice résultant du bilan<br />

étaient conformes à la loi et aux statuts, et conséquemment à violer leur obligation de<br />

recommander à l'assemblée générale de refuser les comptes annuels, en agissant dans<br />

des buts identiques à ceux mentionnés sous ba. et en prêtant de la sorte assistance à D.,<br />

F. et C.<br />

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- 5 -<br />

Historique lié à la fusion de la CEG et de la BHCG<br />

B. a) Créée par arrêté du Conseil d'État le 5 août 1816, la Caisse d'épargne de la<br />

République et canton de Genève (ci-après: CEG) était une fondation de droit public, placée<br />

sous la surveillance du Conseil d'État. Elle était régie par la loi du 15 novembre 1958 sur la<br />

Caisse d'épargne de la République et canton de Genève et par la loi sur les fondations de droit<br />

public, du 15 novembre 1958 (A 2 25; LFond). Conformément à la première de ces lois, les<br />

dépôts d'épargne auprès de la CEG étaient garantis par l'État de Genève à concurrence de<br />

500'000 fr. par déposant et les avoirs des institutions de prévoyance, respectivement les avoirs<br />

en compte de libre-passage, jusqu'à 3 MF par adhérent.<br />

b) De son côté, la Caisse hypothécaire du Canton de Genève a été instituée par la constitution<br />

genevoise du 24 mai 1847, sous la forme d'un établissement de droit public doté de la<br />

personnalité juridique. Par une loi constitutionnelle, acceptée en votation populaire le<br />

26 septembre 1976, elle est devenue la Banque hypothécaire du Canton de Genève (ci-après:<br />

BHCG). La totalité de son capital social était détenue par les 45 communes du canton de<br />

Genève. Au contraire de la CEG, aucun engagement de la BHCG n'était couvert par la<br />

garantie de l'État de Genève.<br />

c) Antérieures toutes deux à la première loi fédérale sur les banques et caisses d'épargne de<br />

1883, les deux banques genevoises étaient au bénéfice d'un droit acquis qui leur permettait<br />

d'être reconnues comme banque cantonale par la loi fédérale, sans que leurs engagements<br />

soient entièrement garantis par le canton (MGC 1992 43/V 5781-5782).<br />

Plusieurs fois évoquée au cours du XX e siècle, l'idée d'une fusion entre ces deux<br />

établissements bancaires s'est finalement matérialisée à la fin des années 1980, sur l'initiative<br />

du Conseil d'État. Une commission de pilotage, commune aux deux banques, a en ce sens été<br />

mise sur pied, présidée par le Conseiller d'État Olivier VODOZ, alors en charge du<br />

Département des finances et des contributions, et composée notamment des présidents et<br />

directeurs généraux des deux établissements.<br />

Il ressort de l'Exposé des motifs relatif aux projets de lois visant à l'instauration d'une Banque<br />

cantonale de Genève (PL 6872 et PL 6873, MGC 1992 43/V 5772 ss), en substance, que le<br />

Conseil d'État, tout comme les organes dirigeants de la CEG et de la BHCG, avait acquis la<br />

certitude que la fusion des deux banques, devenues au fil des années des banques universelles,<br />

était un facteur indispensable au maintien d'une banque à caractère public concurrentielle au<br />

service de la communauté et de la région genevoises. La fusion des deux établissements<br />

devait créer un effet de synergie, permettant un développement supérieur à celui<br />

d'établissements restant séparés.<br />

Il était également prévu que l'État de Genève participe, par le biais d'un emprunt à<br />

concurrence du même montant, soit 147 MF, au capital action de la future banque, ce dans un<br />

souci d'égalité vis-à-vis des communes qui avaient créé puis augmenté successivement le<br />

capital social de la BHCG (MGC 1992 43/V 5797-5798).<br />

Appelée à se prononcer sur cette fusion, la CFB a, au cours de l'année 1991 (7'<strong>22</strong>5'335 ss),<br />

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- 6 -<br />

donné son aval au Conseil d'État et mis en avant l'hypothèse d'une transformation en société<br />

anonyme suivie d'une absorption de la BHCG par la CEG, afin que la garantie partielle dont<br />

disposait la seconde fût étendue à la première.<br />

Dans le cadre de ce processus d'union, le comité de pilotage, afin de connaître la valeur<br />

d'entreprise des deux banques, s'est adressé aux organes de révision de ces dernières, soit A.<br />

pour la CEG et X. pour la BHCG, afin qu'elles établissent une méthode et une liste de critères<br />

visant à fournir une base de réflexion d'un rapport d'échange entre les deux banques<br />

cantonales (2'003'039 et 7'246'023).<br />

Le comité de pilotage s'est par la suite adressé à la fiduciaire W. afin que celle-ci se prononçât<br />

sur les méthodes proposées par A. et X. pour arriver à déterminer une valeur comparative des<br />

deux banques. Par courrier du 26 novembre 1992, W. a confirmé que la méthode retenue,<br />

ainsi que les critères choisis lors de l'exercice de fusion permettraient, lors de l'évaluation<br />

définitive, d'établir des valeurs d'échange objectivement comparables pour les deux banques<br />

(2'003'057, 2'003'066, 2'003'071, et 7'246'016).<br />

Soumis en préconsultation au Grand Conseil, les projets de loi visant à l'instauration d'une<br />

banque cantonale unique ont suscité, dans l'ensemble, l'enthousiasme et ont été renvoyés à<br />

une commission ad hoc chargée de les étudier (MGC 1992 43/V 5794 ss).<br />

Dans son rapport subséquent présenté au Grand Conseil le 12 mars 1993 (MGC 1993 12/II<br />

1652 ss), ladite commission a unanimement accepté le principe de la fusion et la création de<br />

la Banque cantonale. Elle s'était néanmoins interrogée sur les motifs de cette union, évoquant<br />

en particulier les notions de «fusion-raison» et de «fusion-sauvetage». En relation avec cette<br />

dernière expression, la commission s'était posée la question de savoir si les deux banques<br />

n'avaient pas en réalité des difficultés, hypothèse dans laquelle la fusion aurait pu constituer,<br />

en quelque sorte, une «bouée de sauvetage». À cet égard, la commission avait notamment<br />

relevé que la CEG et la BHCG s'étaient lancées, comme toutes les autres banques ou presque,<br />

à l'époque de l'euphorie immobilière, dans des opérations hypothécaires peu sûres, prêtant<br />

parfois des montants exagérés, sur la base d'expertises trop généreuses. Ces banques se<br />

retrouvaient ainsi confrontées à des débiteurs obérés, incapables d'assumer leurs obligations.<br />

La commission avait obtenu des informations des responsables des deux banques dont elle<br />

avait pris acte, soit notamment que la situation des banques n'était alors «ni moins bonne, ni<br />

pire que celle des grands établissements de crédit» et qu'avec les provisions constituées, «la<br />

situation était sous contrôle» (MGC 1993 12/II 1675 ss). Elle avait décidé de leur faire<br />

confiance.<br />

Le peuple genevois a finalement accepté, le 6 juin 1993, la fusion entre la BHCG et la CEG.<br />

Le Grand Conseil a adopté, le 24 juin 1993, le projet de loi y relatif (MGC 1993 25/III 3409<br />

ss).<br />

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Organisation générale de la BCGE<br />

- 7 -<br />

C. a) La BCGE a ainsi été fondée sous la forme d'une société anonyme de droit public<br />

le 1 er janvier 1994, date de l'entrée en vigueur de la LBCGe. Son organisation est régie, outre<br />

cette loi, par les statuts de la BCGE (ci-après: les Statuts), adoptés par l'assemblée générale le<br />

17 février 1994 et ratifiés par le Conseil d'État le 18 février 1994, ainsi que par le Règlement<br />

de gestion et d'organisation (ci-après: RGO) adopté par le CA de la Banque le 24 février<br />

1994.<br />

Son capital social s'élevait, initialement, à <strong>22</strong>5 MF.<br />

L'État de Genève est tenu de garantir, en capital et intérêts, les dépôts d'épargne et de<br />

prévoyance auprès de la BCGE, à concurrence d'une limite maximale fixée par règlement du<br />

Conseil d'État du 10 novembre 1993, soit 500'000 fr. par déposant et 3'000'000 fr. par<br />

institution de prévoyance et pour les avoirs de libre-passage d'un adhérent.<br />

Le but principal de la BCGE, inscrit tant dans la constitution genevoise que dans la LBCGe,<br />

est de contribuer au développement économique du canton et de la région. En sa qualité de<br />

banque universelle, elle traite toutes les opérations prévues par la loi fédérale sur les banques<br />

et les caisses d'épargne du 8 novembre 1934 (RS 952.0; LB).<br />

Le capital social de la Banque est divisé en actions nominatives et au porteur. Le canton de<br />

Genève et l'ensemble des communes détiennent la totalité des actions nominatives, lesquelles<br />

donnent droit à la majorité des voix au sein de la Banque. Les actionnaires privés, pour leur<br />

part, ne peuvent qu'être minoritaires par l'acquisition de titres au porteur.<br />

b) Depuis sa création et jusqu'à l'adoption de la modification de la LBCGe du 9 juin 2000<br />

(PL 8244, MGC 2000 23/IV 3635 ss et MGC 2000 31/V 4836 ss), la BCGE comptait les cinq<br />

organes principaux suivants: l'assemblée générale des actionnaires, le CA, le comité de<br />

banque (ci-après: CB), la direction générale (ci-après: DG) et l'organe de révision.<br />

ba. L'assemblée générale des actionnaires, organe suprême de la BCGE, disposait des<br />

compétences habituellement reconnues à cet organe par le droit de la société anonyme,<br />

soit notamment l'adoption et la modification des statuts, l'approbation du rapport<br />

annuel et des comptes annuels, et la détermination de l'emploi du bénéfice, soit en<br />

particulier la fixation du dividende (art. 11 LBCGe et art. 7 des Statuts).<br />

bb. Le CA, composé de 15 à 18 membres, avait pour tâche de déterminer la politique<br />

générale de l'établissement, de veiller à la réalisation de son but et de surveiller<br />

l'activité du CB. Il procédait notamment à l'élection des membres du CB, à l'exception<br />

du président, nommait les membres de la DG et du chef de l'inspectorat interne,<br />

désignait les réviseurs externes, élaborait les statuts et surveillait leur bonne<br />

application, établissait le rapport de gestion sur l'exercice écoulé et présentait à<br />

l'assemblée générale le bilan et le compte de pertes et profits annuels. Le CA se<br />

réunissait au moins une fois par trimestre (art. 12 LBCGe et art. 15 et 16 des Statuts).<br />

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- 8 -<br />

Il décidait notamment du budget annuel, de la politique immobilière de la Banque, des<br />

opérations en vertu desquelles le total des engagements d'un client envers la Banque<br />

pouvait excéder les limites fixées par article 21, aujourd'hui abrogé, de l'ordonnance<br />

fédérale sur les banques et les caisses d'épargne (ci-après: OB), et de l'acquisition ou<br />

de la cession de participations à caractère permanent de plus de 3 MF (art. 5 RGO).<br />

bc. Le CB, composé de 5 à 7 membres, exerçait la surveillance de la gestion par<br />

délégation du CA. Il était l'organe préposé à la haute direction et disposait des<br />

compétences d'instruction à la DG, d'exécution des décisions du CA, d'examen des<br />

demandes de crédits, de prise de connaissance des rapports périodiques de la DG<br />

concernant les affaires courantes, d'examen des rapports de l'inspectorat et de l'organe<br />

de révision, de préavis sur tous les objets soumis au CA et, enfin, de nomination des<br />

directeurs adjoints et des sous-directeurs. Le CB se réunissait aussi souvent que les<br />

affaires l'exigeaient (art. 14 LBCGe et art. 18 et 19 des Statuts), en pratique une fois<br />

par semaine.<br />

Il décidait, notamment, de l'octroi des prêt et crédits dépassant les compétences de la<br />

DG mais n'excédant pas la répartition des risques admise par la législation fédérale sur<br />

les banques, de l'acquisition ou de la cession de participations à caractère permanent<br />

de moins de 3 MF, et des taux de base des prêts hypothécaires et des prêts aux<br />

collectivités publiques (art. 9 RGO).<br />

bd. La DG, dont les membres étaient désignés par le CA sur proposition du CB, devait<br />

assurer la gestion de la Banque et disposait à cet effet, notamment, des compétences<br />

d'exécution des décisions du CA et du CB, d'établissement de propositions relatives<br />

aux affaires relevant du CA et du CB et de décision dont la compétence n'incombait<br />

pas à d'autres organes aux termes de la loi, des statuts ou des règlements internes (art.<br />

15 LBCGe et art. <strong>22</strong> des Statuts).<br />

S'agissant de son activité de gestion de la Banque, la DG avait notamment pour tâches<br />

de définir, élaborer et soumettre au CA la stratégie de développement de la Banque,<br />

d'établir les documents et propositions nécessaires aux prises de décision des autorités<br />

supérieures de la Banque, d'élaborer le budget annuel et le soumettre au CA, de veiller<br />

à ce que les structures et l'organisation de la Banque soient conformes aux obligations<br />

légales et à l'usage de la profession, et de prendre les décisions dont la compétence<br />

n'incombait pas aux termes de la loi, des statuts ou des règlements internes, à d'autres<br />

organes de la Banque (art. 15 RGO).<br />

La DG devait communiquer au CB toutes les informations nécessaires à l'exécution de<br />

sa tâche, notamment les bilans et comptes de pertes et profits mensuels ainsi que les<br />

principales décisions prises par elle (art. 10 RGO).<br />

Le directeur général ou son remplaçant assistait aux séances du CA, sans participer<br />

aux votes, et à celles du CB, avec voix consultative (art. 3 et 8 RGO).<br />

be. Enfin, un organe de révision bancaire indépendant, nommé par l'assemblée générale,<br />

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- 9 -<br />

devait contrôler la Banque (art. 16 LBCGe et art. 23 des statuts).<br />

Il peut être ici précisé que la modification du 9 juin 2000 de la LBCGe a vu l'instauration d'un<br />

nouvel organe, soit le comité de contrôle, alors que le CB a, quant à lui, été supprimé par<br />

l'adoption de la modification de la LBCGe du 23 juin 2005 (PL 9412, MGC 2004-2005/X<br />

D/55 3665 ss).<br />

Il sied également de relever que, depuis la création de la BCGE et parallèlement aux organes<br />

principaux précités, un certain nombre de structures internes secondaires ont existé, telles que<br />

le comité des crédits, le comité des risques ou l'inspectorat interne.<br />

S'agissant plus particulièrement de ce dernier, il convient d'indiquer que, indépendant de la<br />

DG, il était chargé d'effectuer des contrôles réguliers sur toute l'activité de la Banque. Il<br />

dépendait du président du CA ainsi que du CB (art 24 des Statuts). Ses tâches étaient définies<br />

dans un règlement particulier, approuvé par le CA (art. 19 RGO).<br />

c) S'agissant de l'activité de la Banque, celle-ci était d'abord organisée, durant l'exercice 1994,<br />

en sept divisions, nommées «Planification et contrôle de gestion», «État-major»,<br />

«Commerciale», «Réseau», «Marchés», «Gestion de fortune», et «Administrative». Toutes<br />

ces divisions se trouvaient sous l'autorité de la DG, elle-même située en-dessous du Président<br />

du CA dans l'organigramme de la Banque (5'020'068).<br />

Après avoir subi quelques modifications au cours des exercices suivants (5'020'151 et<br />

5'020'<strong>22</strong>8), l'activité de la Banque a été, à partir du 1 er janvier 1997, réorganisée en trois<br />

divisions principales, chacune comptant plusieurs sous-divisions. Ainsi, la division<br />

«Entreprises, grand public et collectivités publiques», également appelée «Commerciale»,<br />

comptait six sous-divisions, dont notamment la «Section affaires immobilières et<br />

constructions», la division «Gestion et marchés financiers» comptait quatre sous-divisions, et<br />

la division «Gestion des risques et logistique» comptait cinq sous-sections, dont les<br />

départements «Affaires spécifiques (ci-après: AS) et soutien PME», «Gestion des risques» et<br />

«Contentieux» également appelé «Juridique» (ci-après: SJ). Le Directeur général, lui-même<br />

situé dans l'organigramme de la Banque sous le Président du CA, se situait au-dessus de<br />

l'ensemble de ces divisions (5'020'309 et 5'020'392).<br />

Il convient de relever plus particulièrement que le département AS avait pour mission de<br />

s'occuper des dossiers, essentiellement immobiliers, qui posaient problème. Il s'agissait de les<br />

inventorier et d'en améliorer la rentabilité (2'003'787). La décision de transférer un dossier au<br />

département AS, qui dépendait du comité des risques (2'004'827s), était prise par la DG<br />

(2'005'114).<br />

Le département «Soutien PME» (ci-après: département PME) s'occupait pour sa part des<br />

dossiers commerciaux en difficultés (2'004'826).<br />

Enfin, le SJ était chargé de la gestion des dossiers pour lesquels toutes les démarches<br />

nécessaires en vue d'obtenir d'un client qu'il régularisât sa situation avaient été effectuées,<br />

mais étaient demeurées vaines (5'010'267).<br />

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- 10 -<br />

d) Durant toute la période allant du 1 er janvier 1996 au 31 décembre 1999, le président du CA<br />

de la BCGE et simultanément président du CB, était D., auparavant président du CA de la<br />

BHCG.<br />

Le directeur général de la BCGE était F., également président du comité des risques. Il était<br />

précédemment directeur général de la CEG.<br />

Quant à C., qui dirigeait avant la fusion la division commerciale de la BHCG, il est devenu<br />

directeur général adjoint de la BCGE, d'abord en charge de la division «Planification et<br />

contrôle de gestion» puis, dès 1997, de la division «Gestion des risques et logistique». Il est<br />

également devenu membre du comité des risques.<br />

Enfin, durant cette même période, c'est A. qui exerçait le mandat de réviseur externe de la<br />

BCGE. Au sein de cette société, les personnes physiques responsables de la révision étaient<br />

R. et S., respectivement superviseur du mandat de révision et réviseur responsable.<br />

e) Originellement, la LBCGe attribuait au Conseil d'État la surveillance sur l'organisation de<br />

la Banque et sur les activités bancaires des membres de ses organes.<br />

À la suite de la modification de la LB du 18 mars 1994 (FF 1994 II 232) et, dans la foulée, de<br />

celle de la LBCGe du 18 novembre 1994 (PL 7157-A, MGC 1994 43/VI 5475), la<br />

surveillance de la BCGE a été transférée, avec effet au 1 er février 1995, à la CFB (7'<strong>22</strong>5'270).<br />

Le Conseil d'État a conservé une surveillance résiduelle dans le domaine de l'application du<br />

droit cantonal. Le Grand Conseil, quant à lui, exerçait son pouvoir de haute surveillance par le<br />

truchement des rapports du Conseil d'État.<br />

Le 1 er janvier 2009, la CFB a été remplacée par l'Autorité fédérale de surveillance des<br />

marchés financiers (FINMA).<br />

De l'intervention de la CFB et de l'État de Genève<br />

D. a) À la fin de l'exercice 1999, soit en date du 25 novembre 1999, s'est tenue une<br />

réunion dans les locaux de la CFB, au cours de laquelle A. et la BCGE ont annoncé au<br />

Secrétariat de la CFB des risques identifiés pour 1,4 milliard de francs. À cette occasion, une<br />

augmentation du capital-actions de l'établissement a été évoquée (7'125'670).<br />

Le Secrétariat de la CFB a, par courrier du 29 novembre 1999, informé A. et la BCGE des<br />

inquiétudes manifestées par la CFB au sujet de l'évolution de la situation des risques, des<br />

fonds propres de la Banque et de la rentabilité (7'<strong>22</strong>0'581 ss).<br />

En particulier, s'agissant de la situation des risques, le Secrétariat de la CFB relevait<br />

notamment que les avances incluant des risques s'élevaient à 6,33 milliards de francs à fin<br />

1998, que le niveau des créances sans rendement était extrêmement élevé et, qu'au cours du<br />

1 er semestre 1999, les avances à la clientèle avaient progressé de 780 MF. Le Secrétariat<br />

relevait par ailleurs que, dans ses rapports de révision 1998 et de solvabilité du 17 mai 1999,<br />

A. avait indiqué que les provisions constituées par la Banque étaient suffisantes, étant<br />

toutefois précisé que l'assainissement de dossiers difficiles n'était pas terminé et que des<br />

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- 11 -<br />

provisions complémentaires devraient être constituées au fur et à mesure des règlements<br />

(2'006'865 et 7'013'685). S'agissant des fonds propres de la Banque, le Secrétariat relevait que<br />

le degré de fonds propres effectifs de la Banque par rapport aux fonds propres nécessaires<br />

s'élevait à 113,8 % au 30 septembre 1999, alors que le taux moyen des banques cantonales<br />

s'élevait à 143 % à fin 1998. Une telle différence représentait environ 330 MF. Dès lors, il<br />

convenait de procéder à un renforcement des exigences de fonds propres, soit plus<br />

précisément une augmentation du capital social de la Banque. Enfin, la rentabilité de la<br />

Banque était insuffisante, s'étant même affaiblie par rapport aux années précédentes.<br />

Afin de se déterminer sur les suites à donner à cette situation, le Secrétariat demandait à la<br />

BCGE de lui fournir un certain nombre de documents, dont un état de la situation des fonds<br />

propres au 31 décembre 1999 et un rapport de son organe de révision sur le niveau des risques<br />

effectifs et potentiels à cette même date ainsi qu'à plus long terme (3 à 5 ans), pour tenir<br />

compte des risques futurs liés à la stratégie d'assainissement mise en place par la Banque.<br />

b) Par courrier du 12 janvier 2000, le Conseil d'État, suite à différentes rencontres avec des<br />

délégations de la Banque ainsi qu'à une demande écrite du Président du CA de la BCGE du 24<br />

décembre 1999, a confirmé qu'il était favorable à une augmentation du capital social de la<br />

Banque et s'engageait par ailleurs à y participer, la hauteur de cette souscription étant liée à<br />

celles plus ou moins importantes des actionnaires privés et des communes (7'<strong>22</strong>0'539).<br />

Le 10 janvier 2000, les responsables de la BCGE ont répondu à la demande émise par le<br />

Secrétariat de la CFB (7'<strong>22</strong>0'555). Il ressort des annexes de cette lettre que, dans une<br />

perspective à moyen terme, la Banque nécessitait un besoin de provisions total de 1,26<br />

milliard de francs, soit, sous déduction des provisions existantes après passage à pertes et<br />

profits au 31 décembre 1999, un besoin complémentaire théorique de 490 MF. Toutefois, à<br />

titre de complément de couverture venant en déduction du montant précité, la Banque<br />

comptait sur ses réserves latentes estimées à 180 MF, ainsi qu'à l'alimentation progressive des<br />

provisions au cours des exercices suivants, à hauteur de 210 millions. Ainsi, selon la Banque,<br />

le manco théorique sur les risques identifiés au 31 décembre 1999, sans tenir compte du<br />

surplus de fonds propres, s'élevait à 100 millions. En tenant compte du besoins en fonds<br />

propres pour nouvelles affaires et des réserves obligatoires de fonds propres, il convenait dès<br />

lors de procéder à une augmentation de capital de 300 MF.<br />

A. a, également en date du 10 janvier 2000, fait parvenir au Secrétariat de la CFB un rapport<br />

relatif à la révision des crédits. Il ressort de celui-ci que le besoin de provisions de la Banque<br />

devait atteindre 1,3 à 1,5 milliard de francs vers fin 2003, niveau correspondant à 90-100 %<br />

des avances en blanc et environ 50 % des blancs techniques identifiés (cette dernière notion<br />

correspondant, pour les crédits gagés, à la différence entre l'estimation pondérée du gage et le<br />

montant du crédit hypothécaire). Pour couvrir ce risque, la Banque disposait, en sus de<br />

provisions de 900 MF existantes après passage à pertes et profits au 31 décembre 1999, de<br />

réserves latentes réalisables à hauteur de 200 MF, d'un excédent de fonds propres de 100 MF<br />

et de 260 MF d'allocations aux provisions à constituer au cours des exercices 2000 à 2003.<br />

Ainsi, vu l'augmentation de capital à hauteur de 300 MF prévu pour l'automne 2000, l'organe<br />

de révision de la BCGE considérait que les risques à moyen terme, soit à l'horizon fin 2003,<br />

P/3409/2001


seraient couverts (7'<strong>22</strong>0'549).<br />

- 12 -<br />

c) Le 14 février 2000, une nouvelle réunion s'est tenue dans les locaux de la CFB (7'<strong>22</strong>0'500<br />

ss). À cette occasion, la délégation de la CFB a notamment indiqué que le manque de<br />

provisions de 490 MF devait déjà apparaître dans l'exercice 1999 de la Banque et qu'il n'était<br />

pas possible, selon les normes comptables et la LB, d'étaler ce manquement dans le temps.<br />

Pour le président de la CFB, «l'espoir ne [pouvait] pas s'activer au bilan» de la Banque et une<br />

transparence totale était requise vis-à-vis des actionnaires.<br />

La CFB se posait par ailleurs la question de savoir si, pour poursuivre ses activités, il n'était<br />

pas plus opportun que la Banque sorte les risques hérités de la fusion et envisage la cession<br />

des créances y relatives à une société de type «Dezennium-Finanz AG», telle qu'adoptée dès<br />

1993 dans le cas de la Banque cantonale Bernoise (ci-après: BCBe), au bénéfice d'une<br />

garantie de l'État, afin d'éviter de constituer des provisions supplémentaires. Pour les<br />

responsables de la BCGE, si une telle solution pouvait être envisagée ultérieurement, elle ne<br />

l'était pas à l'époque de cette rencontre. Un délai au 18 février 2000 était accordé à la BCGE<br />

pour prendre position s'agissant de ces problématiques.<br />

Dans son courrier du 17 février 2000 (7'<strong>22</strong>0'496 ss), la BCGE prenait d'abord acte de ce que<br />

«les risques identifiés, évalués sur la base du principe de la continuité d'exploitation, devaient<br />

être couverts immédiatement par un montant équivalent de provisions, sans qu'il soit tenu<br />

compte du facteur temps qui peut influencer positivement ou négativement une probabilité de<br />

survenance de perte alors que celle-ci reste incertaine au moment de l'évaluation». En<br />

prenant en compte ce qui précède, la BCGE parvenait à la conclusion d'un manque de<br />

provisions de 500 MF, couvert à hauteur de 300 MF par la réalisation de réserves latentes<br />

ainsi que par la dissolution de la réserve générale. Par ailleurs, la Banque entendait rétablir la<br />

situation s'agissant de ses fonds propres en procédant à une augmentation de son capitalactions,<br />

afin d'alimenter ceux-ci par un montant qui pouvait varier de 281,2 à 315 MF. L'État<br />

de Genève et les communes du canton avaient d'ailleurs réagi positivement à cette dernière<br />

proposition. Une augmentation des fonds propres dans une mesure supérieure n'était pas<br />

envisageable, hypothèse dans laquelle il valait mieux décider la liquidation de la Banque. Le<br />

canton n'était par ailleurs pas en mesure, en l'état de ses finances, de souscrire à une telle<br />

augmentation. Enfin, la Banque demandait à la CFB une dérogation s'agissant de son<br />

insuffisance de fonds propres, pour la période allant du 1 er janvier 2000 à la date de libération<br />

des actions à émettre, ainsi que l'autorisation de verser un dividende égal à celui versé au titre<br />

de l'exercice 1998.<br />

Par un courrier complémentaire du <strong>22</strong> février 2000 (7'<strong>22</strong>0'486s) la BCGE, après avoir<br />

rencontré à plusieurs reprises la Conseillère d'État à l'époque en charge du département des<br />

finances, Micheline CALMY-REY, a indiqué entendre constituer une société ou fondation de<br />

«défaisance», dont la structure juridique et les modalités opérationnelles restaient à définir.<br />

La CFB a, le 25 février 2000, salué l'initiative de constituer une telle entité de défaisance.<br />

S'agissant des comptes au 31 décembre 1999, elle prévoyait une présentation différente de ces<br />

derniers, tenant en particulier compte du fait qu'il n'était pas possible d'enregistrer une<br />

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- 13 -<br />

dissolution partielle de la réserve générale dans les produits extraordinaires. La CFB a encore<br />

accepté la demande de dérogation de la BCGE s'agissant de l'insuffisance de celle-ci en<br />

matière de fonds propres, avec effet jusqu'au 30 juin 2000, et autorisé la distribution d'un<br />

dividende égal à celui versé au titre de l'exercice 1998 (7'<strong>22</strong>0'483s).<br />

Par courrier du 3 avril 2000, la CFB s'est adressée à A. afin de lui faire part de ce qu'il était<br />

permis de se demander, en se référant aux comptes 1999 et en particulier à l'augmentation des<br />

besoins de provisions de 500 MF, si les comptes des années précédentes reflétaient<br />

correctement la réalité économique et si l'évaluation des risques avait été faite avec toute la<br />

diligence requise d'un réviseur sérieux et qualifié. Il était, dans ce cadre, fait référence à des<br />

doutes souvent émis par la CFB s'agissant de l'adéquation du niveau des provisions de la<br />

BCGE (7'<strong>22</strong>0'363).<br />

d) Le Grand Conseil a adopté, le 19 mai 2000, la loi 8194, assortie de la clause d'urgence,<br />

accordant une autorisation d'emprunt de 246,2 MF au Conseil d'État pour financer<br />

l'acquisition d'actions nominatives et au porteur (107,5 MF pour les actions nominatives,<br />

138,7 MF pour les actions au porteur) de la BCGE et ouvrant un crédit extraordinaire<br />

d'investissement pour la constitution d'un capital de dotation de CHF 100'000.- en faveur de la<br />

fondation de valorisation des actifs de la BCGE (ci-après: la fondation de valorisation) afin<br />

d'assurer l'augmentation requise des fonds propres de la BCGE et de répondre aux exigences<br />

de la LB (MGC 2000 14/II 1958 ss).<br />

da. Le 23 mai 2000, l'assemblée générale des actionnaires de la BCGE a décidé<br />

d'augmenter le capital-actions de la Banque de <strong>22</strong>5 MF à 360 MF (1'000'175),<br />

augmentation qui a fait l'objet d'un prospectus d'émission et de cotation publié par la<br />

BCGE le 31 mai 2000. La période de souscription a apporté à la Banque 318,6 MF<br />

bruts. L'État de Genève a participé à cette augmentation à hauteur de 217 MF et a par<br />

ailleurs acheté pour 31 MF d'actions au porteur (7'526'845s).<br />

db. Créée par la loi du 19 mai 2000 et inscrite au registre du commerce le 29 juin 2000, la<br />

fondation de valorisation, placée sous la surveillance de l'État, revêtait la forme d'une<br />

fondation de droit public. Elle avait pour but de gérer, valoriser et réaliser les actifs de<br />

la BCGE qui lui seraient transférés et, par là, de contribuer à l'assainissement de celleci<br />

(art. 5 et 7 de la loi 8194).<br />

Il ressort de la convention tripartite conclue le 27 <strong>juillet</strong> 2000 par le canton, la BCGE<br />

et la fondation de valorisation, que la Banque a cédé à cette dernière les crédits<br />

présentant des risques, mais garantis par des biens immobiliers, pour un prix de<br />

4,961 milliards de francs correspondant aux créances en capital, commissions, frais et<br />

intérêts contre ces débiteurs (7'526'720). Ce prix a finalement été porté à<br />

5,067 milliards de francs, soit la valeur nominale de l'intégralités des actifs au 30 juin<br />

2000, étant précisé qu'il n'a pas été tenu compte, dans la détermination du prix de<br />

cession, des risques liés aux crédits transférés (7'526'820 et 2'003'807). Cette reprise<br />

d'actifs a été financée par un prêt du même montant, au un taux initialement arrêté à<br />

3,57 %, accordé par la BCGE à la fondation et garanti par l'État de Genève (7'526'723<br />

P/3409/2001


et 2'003'807).<br />

- 14 -<br />

Les pertes sur la réalisation des actifs transférés devaient être prises en charge par<br />

l'État, sous réserve des contributions de la BCGE, en fonction de sa situation<br />

financière. Ses pertes devaient être financées par la dissolution de la provision relative<br />

à la BCGE et, au besoin, par un crédit supplémentaire visant à réalimenter la provision<br />

(art 12 de la loi).<br />

La constitution d'une filiale de la Banque, selon le modèle suivi par la BCBe lors de<br />

son assainissement en 1993, n'avait pas été retenue. Dans le contexte de l'époque, il<br />

était apparu préférable de créer une structure juridique indépendante de la Banque, qui<br />

jouissait d'une totale autonomie lui permettant de réaliser ses actifs. Libérée du passé,<br />

la BCGE devait ainsi être en mesure de développer ses propres affaires (MGC 2000<br />

14/II 1958 ss).<br />

e) Dans ses comptes relatifs à l'année 2000, l'État de Genève a inscrit une provision de<br />

2,7 milliards de francs correspondant à l'estimation de l'intégralité de la perte future liée à la<br />

réalisation des actifs transférés à la fondation de valorisation. Le risque de pertes sur les actifs<br />

transférés était estimé, sur la base d'expertises représentant le 48% des engagements de la<br />

fondation, entre 50 et 53 % (7'526'846).<br />

Le 11 mai 2011, le Conseil d'État a finalement fait valoir une perte totale, liée à la vente entre<br />

2000 et 2011 des actifs transférés à la fondation de valorisation, d'environ 1,9 milliard de<br />

francs. Le taux de perte moyen sur l'ensemble des actifs réalisés, actualisé au 31 décembre<br />

2010, s'élevait à 36,92 % (Lettre du Conseil d'État du 11 mai 2011).<br />

De la procédure pénale P/3409/2001<br />

Des procédures P/7828/2000 et P/3409/2001<br />

E. a) Par courriers des 17 et 30 mai 2000, plusieurs petits actionnaires de la BCGE<br />

ont dénoncé les agissements des organes responsables de la Banque et de son organe de<br />

contrôle, A. (1'000'000 ss et 1'000'062 ss).<br />

Ces dénonciations faisaient état, en substance, de ce que la BCGE avait accordé des<br />

conditions de faveur en matière de crédits à des personnes proches des dirigeants de la<br />

Banque, de conflits d'intérêts touchant ces derniers, d'utilisation d'expertises immobilières de<br />

complaisance pour masquer des pertes ou tromper les actionnaires, de comptes publiés<br />

irrégulièrement, du défaut de provisionnement dans les comptes de la Banque et de<br />

blanchiment d'argent (1'000'000 ss).<br />

S'agissant de l'organe de révision de la Banque, il lui était fait reproche d'avoir rédigé des<br />

rapports de révision de complaisance et d'avoir omis de transmettre des renseignements aux<br />

actionnaires de la Banque ainsi qu'à la CFB (1'000'062 ss).<br />

Le Ministère public a, par ordonnance du 9 juin 2000, ouvert une information du chef de<br />

gestion déloyale, procédure référencée sous P/7828/2000 (2'000'000 ss). Le Procureur général<br />

P/3409/2001


- 15 -<br />

mentionnait toutefois dans sa décision que, s'il paraissait difficilement imaginable que la<br />

BCGE ait pu se trouver dans la situation financière qui était la sienne sans que des fautes aient<br />

été commises par ses organes ou ses dirigeants, toute faute de gestion n'entraînait pas<br />

nécessairement des conséquences pénales pour son auteur. Il relevait, par ailleurs, que selon<br />

les renseignements disponibles alors, l'essentiel des risques encourus par la Banque s'agissant<br />

des crédits sensibles se rapportait à des opérations immobilières, de nature spéculative,<br />

engagées avant la fin des années 1980, qui ne pouvaient constituer de la gestion fautive au<br />

sens de l'art. 165 CP au motif d'une part que l'action pénale était déjà prescrite et, d'autre part,<br />

qu'aucune faillite ou concordat homologué n'avait été prononcé. Le Ministère public indiquait<br />

qu'il était dès lors exclu d'engager l'action pénale en vue de passer en revue l'ensemble des<br />

opérations qui étaient à l'origine des difficultés rencontrées à l'époque par la BCGE et qu'il<br />

convenait d'entreprendre des investigations utiles dans ce contexte, tout en limitant leur<br />

champ aux opérations qui, par leur nature, présentaient des risques spécifiques pouvant faire<br />

soupçonner l'existence d'une gestion déloyale intentionnelle (2'000'000s).<br />

Par ordonnance du 12 mars 2001, le juge d'instruction a ouvert une nouvelle procédure<br />

pénale, référencée sous P/3409/2001, qu'il a disjointe de la procédure P/7828/2000<br />

susmentionnée (2'002'538 ss).<br />

Le juge retenait qu'il existait des charges suffisantes permettant de soupçonner que les<br />

organes dirigeants de la BCGE et les réviseurs externes de la Banque, soit en particulier D.,<br />

F., C., S. et R., avaient pu commettre des infractions en matière d'évaluation des risques, de<br />

provisionnement et de présentation des comptes, pour les exercices 1994 à 1999 de la Banque.<br />

Il convenait, notamment afin de préserver le secret bancaire et protéger la sphère privée de<br />

tiers non impliqués, que l'accès des prévenus aux pièces recueillies dans la P/7828/2000 fût<br />

limité aux pièces utiles et, en conséquence, de disjoindre les deux procédures (2'002'539).<br />

Il sied ici de relever que la procédure, prise dans son ensemble, d'instruction préparatoire<br />

relative aux faits reprochés aux cinq prévenus a duré près de sept ans, malgré sa conduite par<br />

quatre juges d'instruction (2'000'003).<br />

Des parties à la procédure d'instruction<br />

ba. Le 23 mars 2001, dans le cadre de la P/3401/2001, D., F., C., R. et S. ont été inculpés, en<br />

substance:<br />

- de gestion déloyale, notamment pour ne pas avoir mis en place une structure adéquate<br />

permettant, d'une part, d'apprécier de façon diligente les risques liés aux opérations de crédit<br />

et, d'autre part, de retracer la corrélation existant entre ces risques et les provisions<br />

constituées, pour avoir accepté que l'organe de révision se substituât à la Banque dans cette<br />

activité en empêchant ainsi toute révision sérieuse, pour avoir organisé ou permis d'organiser<br />

le transfert de plusieurs immeubles à des entités de portage en vue de masquer les besoins de<br />

provisions, et pour avoir comptabilisé ou permis de comptabiliser des provisions largement<br />

insuffisantes pour les exercices 1994 à 1999, pour avoir utilisé ou permis d'utiliser un système<br />

de rating inadapté à l'évaluation des risques, diminuant ainsi la valeur patrimoniale de la<br />

BCGE, mettant en péril sa capacité bénéficiaire et sa pérennité, et occultant la nécessité<br />

P/3409/2001


d'engager des mesures d'assainissement,<br />

- 16 -<br />

étant précisé que D., F. et C. étaient visés en leur qualité de gérants de la société alors que les<br />

réviseurs l'étaient en tant qu'administrateurs de fait;<br />

- de faux dans les titres, pour avoir élaboré, respectivement pour avoir participé à<br />

l'élaboration, de comptes annuels ne reflétant pas la réalité;<br />

- de faux renseignements sur des entreprises commerciales, pour avoir donné ou fait donner<br />

des renseignements incomplets, voire faux, lors de la mise en circulation des comptes relatifs<br />

aux exercices 1994 à 1999 et lors de l'approbation de ces comptes par l'assemblée générale de<br />

la BCGE.<br />

- de gestion déloyale des intérêts publics, pour avoir lésé, respectivement pour avoir participé<br />

à la lésion, des intérêts publics que les organes de la BCGE devaient défendre.<br />

Les cinq inculpés ont contesté les charges notifiées à cette occasion (not. 2'002'554,<br />

2'002'568, 2'002'561, 2'002'805 et 2'002'970).<br />

bb. Par ordonnance du 23 mars 2001, le juge d'instruction a refusé la constitution de partie<br />

civile des actionnaires auteurs de la plainte des 17 et 30 mai 2000 (2'002'582).<br />

Par courrier du 28 mars 2001 adressé au juge d'instruction, l'État de Genève a déclaré se<br />

constituer partie civile à la procédure P/3409/2001 (2'002'604 ss). Par ordonnance du 4 avril<br />

2001, le juge d'instruction a admis la constitution de l'État de Genève en tant que partie civile<br />

(2'002'660).<br />

Sur recours de S., la <strong>Chambre</strong> d'accusation a, le 18 juin 2001, rendu une ordonnance<br />

confirmant la constitution de partie civile de l'État de Genève (2'003'845 ss). Sur recours des<br />

quatre autres prévenus, elle a, le 12 avril 2002, rendu une décision identique (2'005'780).<br />

bc. La BCGE s'est quant à elle constituée partie civile en date du <strong>22</strong> juin 2001 (2'003'900 ss).<br />

Des saisies de documents<br />

c) Au cours de leur enquête visant à déterminer si des opérations avaient objectivement porté<br />

atteinte aux intérêts de la Banque, les juges d'instruction ont procédé à la saisie de très<br />

nombreux documents, notamment auprès d'A., de la BCGE, de la CFB ou d'anciens employés<br />

de la Banque ayant conservé trace de leur activité au sein de celle-ci (cf. 2'000'012s,<br />

2'000'318, 2'000'389, 2'000'639, 2'000'055 et 2'000'487).<br />

Ont ainsi été saisis, entre autres documents, l'intégralité des procès-verbaux des séances du<br />

CA, du CB, et de la DG de la BCGE, de la CEG et de la BHCG (7'120'000 ss, 7'140'000 ss et<br />

7'155'000 ss), ainsi que les listes dites «Magic» (logiciel comptable de suivi de la clientèle et<br />

des risques). L'intégralité des pièces en rapport avec l'exécution par A. de son mandat de<br />

révision pour la CEG entre 1990 et 1993, puis pour la BCGE jusqu'en l'an 2000, a également<br />

été saisie (7'000'000 ss).<br />

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- 17 -<br />

Des auditions des parties, plaignants et témoins<br />

d) Les questions posées aux parties, plaignants et témoins par les juges d'instruction ont<br />

principalement visé à déterminer si des opérations avaient pu être réalisées en faveur des<br />

dirigeants de la Banque ou des débiteurs de celle-ci, ou si des irrégularités avaient été<br />

commises dans la tenue des comptes, particulièrement s'agissant du provisionnement des<br />

risques, et à récolter des informations sur le mécanisme du «portage».<br />

Il sied ici de préciser que le «portage» pouvait se définir comme un mécanisme par lequel,<br />

lorsqu'un crédit hypothécaire avait été octroyé à un client et que celui-ci, en proie à des<br />

difficultés financières, ne parvenait plus à honorer ledit crédit, une entité tierce, société de<br />

«mise en valeur», de prêt partiaire ou de portage, faisait l'acquisition de ce bien immobilier,<br />

d'entente avec la Banque, moyennant le financement par cette dernière de l'opération de vente.<br />

L'opération visait, en particulier, à éviter une vente forcée de l'immeuble à un tiers au prix du<br />

marché, soit à un prix nécessairement bas au vu de l'illiquidité dudit marché.<br />

Du mois de <strong>juillet</strong> 2000 au mois de mars 2001, soit antérieurement à l'inculpation des<br />

prévenus, 28 personnes ont été entendues en qualité de témoins, dont J.-D.B. (notamment les<br />

6, 13 et 25 <strong>juillet</strong> 2000) et G.G. (25 <strong>juillet</strong> 2000), responsables successifs de l'inspectorat<br />

interne, G.V. (27 <strong>juillet</strong> 2000) et E.F. (18 et 21 septembre 2000), tous deux du département<br />

AS, T.Z., chef du SJ (11 août 2000), I.H., chef comptable (29 août 2000), ainsi que R., S., C.,<br />

F. et D..<br />

L'instruction contradictoire a été (super)suspendue dès après les audiences d'inculpation du<br />

23 mars 2001 jusqu'à celle du <strong>22</strong> juin 2001 (2'002'546s).<br />

Durant cette suspension, les prévenus ont été entendus à plusieurs reprises, 28 audiences leur<br />

ayant été consacrées. Cinq témoins ont également été entendus, à savoir A.-B.L., président de<br />

la fondation de valorisation (7 et 13 juin 2001), G.V. (11 juin 2001), T.Z. (13 juin 2001), B.G.<br />

et E.R., respectivement (nouveau) président et membre de la DG de la BCGE (<strong>22</strong> juin 2001).<br />

Après le rétablissement de l'instruction contradictoire, le 25 juin 2001, ont à nouveau été<br />

interrogés comme témoins ou à titre de renseignements, en présence des prévenus et de leurs<br />

conseils, J.-D.B. (28 août et 17 septembre 2001, 11 janvier, 20 février, 30 août 2002), G.V.<br />

(18 janvier 2002), I.H. (18 janvier 2002), T.Z. (1 er février 2002), et B.G. (23 janvier et 4<br />

février 2003).<br />

Les cinq prévenus, dont certains, afin de protester contre le rythme soutenu de l'instruction et<br />

la rigidité avec laquelle celle-ci était selon eux menée, ont partiellement ou complètement<br />

refusé de s'exprimer depuis l'audience du 23 août 2002, et surtout dès celle du 16 janvier<br />

2003, jusqu'à l'audience du 21 septembre 2004, ont par la suite été longuement interrogés, à<br />

l'occasion de 37 audiences tenues jusqu'au 13 septembre 2005.<br />

(…)<br />

F. Le 11 décembre 2000, une première mission d'expertise a été confiée à D.S. Ce<br />

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- 18 -<br />

dernier a rendu son rapport d'expertise le <strong>22</strong> février 2001.<br />

Le 25 juin 2001, lors de l'audition de D.S., une demande de récusation à son encontre a été<br />

formulée par les cinq prévenus, au motif que l'expert et son épouse étaient débiteurs<br />

hypothécaires de la BCGE.<br />

Sur recours formé par les prévenus contre le refus du juge d'instruction de donner suite à cette<br />

requête, la chambre d'accusation a confirmé la décision de ce dernier (2'005'798 ss). Sur<br />

recours de droit public, le Tribunal fédéral a, le 9 août 2002, annulé cette décision, et admis<br />

l'existence d'une apparence de prévention de l'expert en raison de sa qualité de débiteur<br />

hypothécaire de la Banque, du moins dans l'intervalle allant de l'admission de la BCGE en<br />

tant que partie à la procédure jusqu'au transfert du contrat hypothécaire à une autre banque<br />

(1P.294/2002 et 1P.298/2002 du 9.08.2002; 2'006'7<strong>22</strong> ss).<br />

Le Tribunal fédéral a toutefois laissé le soin à la <strong>Chambre</strong> d'accusation de trancher le sort des<br />

actes déjà accomplis par l'expert et ceux auxquels il avait participé. Dans son ordonnance du<br />

4 octobre 2002 (OCA/279/2002; 2'006'903 ss), la <strong>Chambre</strong> d'accusation a prononcé<br />

l'annulation de tous les actes accomplis par D.S., ou ceux auxquels il avait participé à partir<br />

du <strong>22</strong> juin 2001, date de la constitution de partie civile de la BCGE, et a ordonné leur retrait<br />

de la procédure. Le rapport d'expertise et les procès-verbaux d'audition non contradictoires<br />

des 13 mars et 31 mai 2001 devaient ainsi être conservés dans la procédure.<br />

G. a) Une seconde expertise fut ordonnée les 26 novembre 2003 et 20 février 2004<br />

(2'011'490 ss et 2'012'051 ss), suite à l'intervention du Ministère public (2'009'811 ss), et<br />

confiée à trois experts indépendants, à savoir R.B., M.H. et P.L..<br />

S'agissant des compétences respectives de chacun de ces experts, il sied de relever que R.B.<br />

était au bénéfice d'une formation d'expert-comptable et reconnu par la CFB comme réviseur<br />

bancaire responsable (2'011'194). M.H., bien qu'alors dépourvu d'expérience dans le domaine<br />

de la révision bancaire, était docteur en économie, spécialisé dans le domaine de la gestion<br />

financière d'entreprise (2'011'196 et 2'011'647). Enfin, P.L. était au bénéfice, notamment,<br />

d'une formation poussée en comptabilité et en audit interne et externe, et avait été Risk<br />

manager dans une banque en Suisse entre 1997 et 1999 (2'011'680s).<br />

Afin d'accomplir leur mission, un plein accès à la procédure leur a été octroyé (2'017'450s).<br />

Selon le texte de leur mission d'expertise, le rapport à rendre devait décrire les principes<br />

comptables applicables aux établissements bancaires dans le domaine des crédits immobiliers<br />

et commerciaux entre les années 1994 et 2000, commenter leur application s'agissant de la<br />

BCGE, en se limitant aux exercices 1996 à 1998, et faire toute autre observation utile<br />

(2'012'054 ss).<br />

En particulier, les experts devaient, d'une part, décrire les règles applicables en matière de<br />

tenue régulière des comptes, les principes en matière d'évaluation des risques et des<br />

couvertures, les mécanismes en matière de détermination des besoins en correctifs de valeurs,<br />

les règles comptables applicables en matière de sociétés de «portage» ou de «mise en valeur»,<br />

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- 19 -<br />

les rôles et responsabilités respectifs des organes de la Banque et/ou du réviseur externe dans<br />

l'évaluation des crédits immobiliers et commerciaux et des besoins en provisions et, enfin, les<br />

principes de l'évaluation en «valeur de continuation» et «valeur de liquidation», ainsi que<br />

l'application de ces derniers principes dans le domaine bancaire.<br />

Les experts devaient, d'autre part et en substance, décrire les procédures mises en place en ces<br />

matières par la Banque et le rôle du réviseur à cet égard. Il leur était également demandé<br />

d'évaluer la conformité de ces procédures à l'aune de règles et principes mis préalablement en<br />

évidence, ainsi que leur application.<br />

b) Cette seconde expertise a été rendue le 20 décembre 2006 (9'000'000 ss). Elle retient, dans<br />

ses conclusions résumées (9'000'011 ss):<br />

ba. S'agissant de l'évaluation des crédits (9'000'011s),<br />

- que les directives et procédures de la Banque étaient incomplètes et insuffisamment<br />

documentées, qu'il n'existait pas de processus intégré permettant le suivi, la<br />

comptabilisation, l'identification et l'évaluation des risques et des provisions, le<br />

reporting et la surveillance des crédits, et que le système informatique ne suivait pas<br />

l'organisation et présentait des solutions parcellaires en matière de risques (9'000'113) ;<br />

- que le système de rating - soit la classification utilisée - des risques était par ailleurs<br />

insuffisant pour garantir une identification objective des risques sur les crédits et un<br />

calcul approprié des provisions (9'000'130) ;<br />

- qu'en ce qui concernait les provisions, certains des principes majeurs de la<br />

comptabilité ainsi que de la législation bancaire n'avaient pas été respectés; ces<br />

manquement étaient significatifs et auraient dû donner lieu à des réactions des organes<br />

concernés; les provisions comptabilisées à disposition de la Banque et présentées dans<br />

les rapports annuels étaient ainsi insuffisantes pour couvrir les risques existants et<br />

connus de l'établissement (9'000'158);<br />

- que le réviseur n'avait pas mis en place des procédures adaptées à la situation critique<br />

de la Banque, sa démarche en matière de révision des risques de crédits et provisions<br />

ayant été essentiellement constituée par l'examen étendu de crédits individuels effectué<br />

en cours d'année, une éventuelle extrapolation du sondage effectué à l'ensemble des<br />

crédits de la Banque, ainsi que la mise à jour des données au 31 décembre, ne<br />

ressortant pas des documents; par ailleurs les correctifs de valeur avaient été sousévalués<br />

par la Banque et, dans ce cadre, l'organe de révision n'avait pas rempli ses<br />

devoirs d'annonce et les opinions d'audit dégagées dans les rapports annuels de<br />

révision n'étaient pas conformes à la situation réelle de la BCGE (9'000'192).<br />

bb. S'agissant de l'évaluation des gages immobiliers (9'000'013s):<br />

- que ces derniers avaient été surévalués, en particulier dans le contexte de la crise du<br />

marché immobilier des années 1990, dans la mesure où, d'une part, les directives<br />

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- 20 -<br />

relatives à la périodicité de la réévaluation des gages étaient inexistantes jusqu'en 1998<br />

et où, d'autre part, la Banque avait fait application du «prix de revient» - qui s'écartait<br />

de la valeur de marché - à la valorisation des garanties dans le cadre de crédits de<br />

financement des sociétés de portage ou d'autres débiteurs, ayant repris dans le cadre<br />

d'enchères forcées des immeubles de débiteurs obérés de la Banque; le risque résultant<br />

de ces crédits avait ainsi été sous-estimé (9'000'207) ;<br />

- que si le taux de capitalisation utilisé à la BCGE pour les crédits normaux<br />

correspondait au référentiel, il n'en allait pas de même pour les crédits attribués aux<br />

sociétés de portage et aux débiteurs coopérants, cas dans lesquels la Banque appliquait<br />

des méthodes qui ne correspondaient pas au profil de risque des immeubles, et que ces<br />

taux de capitalisation abaissés conduisaient à des valeurs de rendement trop élevées,<br />

ce qui minimisait le risque sur ces crédits et ne faisait pas apparaître un éventuel<br />

besoin de provisions (9'000'219);<br />

- que le réviseur, dans le contexte des méthodes d'évaluation utilisées par la Banque,<br />

aurait dû intervenir auprès de celle-ci afin d'obtenir une régularisation et en informer<br />

les instances de surveillance concernées, et qu'il n'avait pas contesté la méthode du<br />

«prix de revient» en matière de crédits immobiliers, ni l'utilisation de taux de<br />

capitalisation abaissés dans certains cas, alors que les directives professionnelles, les<br />

directives et les commentaires de l'autorité de surveillance interdisaient clairement ces<br />

procédés (9'000'232).<br />

bc. S'agissant des sociétés de portage (9'000'014s),<br />

- que, d'un point de vue comptable, le risque de capital sur le crédit, qui se déterminait<br />

par le niveau de la perte potentielle dégagée au-delà de la valeur vénale du gage, n'était<br />

pas réduit économiquement par cette transaction et que les valeurs de gage des crédits<br />

qui étaient octroyés aux sociétés de portage étaient surévaluées de par l'utilisation de<br />

taux de capitalisation inférieurs au référentiel et la détermination du prix de revient par<br />

référence au montant existant de l'engagement, et non à la valeur de marché; par<br />

ailleurs, la BCGE, en apparence juridiquement indépendante à leur égard, était d'un<br />

point de vue économique dans un rôle de bailleur de fonds propres, respectivement de<br />

quasi-propriétaire de l'immeuble (9'000'247);<br />

- que la comptabilisation des crédits à ces sociétés n'était pas conforme aux principes<br />

comptables, ce qui menait à une sous-évaluation du besoin de fonds propres, à une<br />

surévaluation des fonds propres et du résultat de la Banque; les crédits aux sociétés de<br />

portage étaient surévalués et la Banque aurait dû actualiser et donc accroître ses<br />

provisions en ramenant la valeur de ses crédits à la valeur de marché des immeubles<br />

des sociétés de portage (9'000'253s) ;<br />

- que la Banque les avait utilisées comme des constructions juridiques qu'elle<br />

administrait en réalité pour éviter des provisionnements qui, économiquement, étaient<br />

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nécessaires (9'000'262).<br />

- 21 -<br />

bd. S'agissant d'autres points particuliers (9'000'015s),<br />

- qu'en raison du fait que les comptes annuels ne reflétaient pas correctement le besoin<br />

réel de provisions, le principe de l'évaluation en valeur de continuation des comptes<br />

annuels de la Banque devait être remis en question, étant précisé que l'ampleur du<br />

besoin additionnel de provisions sur les positions à risques connues par la Banque<br />

était telle que les exigences comptables de fonds propres n'étaient plus couvertes<br />

(9'000'266) ;<br />

- que, sur la base des documents de l'année 1998, la Banque n'avait pas respecté les<br />

normes comptables relatives à la coupure en matière de constitution de provisions<br />

(principe de la périodicité), dans la mesure où elle n'avait constitué, au titre de la<br />

clôture de l'exercice 1998, qu'une petite partie du besoin en provisions global identifié<br />

par elle-même; en conséquence, la Banque avait présenté un résultat de l'exercice 1998<br />

surévalué et, en outre, certains intérêts impayés n'avaient pas été correctement<br />

comptabilisés (9'000'268) ;<br />

- que la Banque n'avait pas amorti systématiquement ses créances irrécouvrables (nonvaleurs)<br />

ni par utilisation de ses provisions, ni par imputation directe au compte de<br />

provisions; cette absence d'amortissement était contraire, notamment, au principe de<br />

clarté (9'000'271);<br />

- que, par le recours accru au fractionnement de certains engagements d'un même<br />

groupe de débiteurs, la Banque avait évité certains franchissements de seuils<br />

d'annonces obligatoires aux autorités (9'000'280).<br />

c) À l'appui de leurs conclusions précitées, les experts ont notamment fait les constatations<br />

suivantes :<br />

S'agissant de l'évaluation des crédits et des provisions<br />

ca. S'agissant de l'évaluation des crédits et des provisions, les experts ont, dans un premier<br />

temps, constaté l'absence des documents permettant d'assurer la trace d'audit entre les dossiers<br />

individuels et le montant global des provisions figurant dans les comptes. Ils ont indiqué s'être<br />

ainsi fondés, pour leur analyse, sur des éléments figurant à la procédure, essentiellement des<br />

tableaux de récapitulation présentés aux organes de la Banque, différentes listes issues du<br />

système «Magic» et les rapports de solvabilité établis par le réviseur externe (9'000'140).<br />

Parmi les éléments cités comme fondement de leur analyse, les experts se sont<br />

particulièrement arrêtés sur trois tableaux récapitulatifs établis par la direction afin de<br />

présenter la situation globale, en matière de provisionnement, des avances clientèle de la<br />

Banque. Il peut également être précisé que les experts n'ont pas été en mesure d'identifier les<br />

sources sur lesquelles se basaient lesdits tableaux (9'000'142).<br />

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Exercice 1996<br />

- <strong>22</strong> -<br />

Le premier de ces tableaux, daté du 3 décembre 1996, représentait l'évaluation des risques<br />

potentiels et des besoins en provisions de la Banque au 31 octobre 1996 (5'000'672). Selon ce<br />

document, le besoin de provisions, s'agissant du département AS, s'élevait à 320 MF, tandis<br />

que celui pour l'ensemble de la Banque atteignait 960 MF. La BCGE disposant de provisions<br />

constituées pour 1'009 MF, il lui restait ainsi, par rapport aux risques à couvrir, un solde de<br />

provisions de 49 MF.<br />

Les experts ont néanmoins mis en évidence un autre document, à savoir une récapitulation<br />

Magic du 6 décembre 1996, relative au seul département AS, qui laissait apparaître des<br />

risques sur actes de défaut de biens et des certificats d'insuffisance de gage pour 10 MF et des<br />

risques à hauteur de 1'518 MF sur d'autres positions (7'425'034).<br />

Il sied ici de relever que pour les experts, la BCGE, dans le cadre de la fixation des besoins de<br />

provisions, pondérait le risque, déterminé par la différence entre le montant de l'utilisation et<br />

la valeur des garanties, en fonction des divers stades d'avancement des procédures juridiques.<br />

Ainsi, les clients pour lesquels la Banque disposait d'un acte de défaut de biens ou d'un<br />

certificat d'insuffisance de gage, ou pour lesquels il s'agissait d'un reliquat sur vente, étaient<br />

provisionnés à 100 %. Pour les crédits garantis par gage immobilier, la Banque utilisait la<br />

méthode dite du «blanc technique». Ce risque (cf. la définition donnée supra, p. 11), était<br />

ensuite provisionné à hauteur de 50 % – sous réserve des cas précités – car, selon la Banque,<br />

différents facteurs rendaient une évaluation de la perte potentielle difficile sur ce type de<br />

crédits. Parmi ces facteurs figuraient la difficulté d'évaluer les immeubles, l'amélioration de la<br />

conjoncture ou la durée de la réalisation des immeubles dans le cadre de procédures en<br />

réalisation forcée (9'000'141).<br />

L'application, aux risques mis en évidence par le récapitulatif du 6 décembre 1996, des taux<br />

de provisionnement précités, à savoir 100 % sur les risques des positions répertoriées comme<br />

des acte de défaut de biens et certificats d'insuffisance de gage, et de 50 % sur les risques<br />

induits par les autres positions, «en blanc», faisait apparaître un besoin de provisions, pour le<br />

seul département AS, de 764 MF, soit une différence de 444 MF avec le tableau du<br />

3 décembre 1996 (9'000'143).<br />

Les experts ont encore indiqué que deux positions considérées comme à risques ne figuraient<br />

pas dans les trois départements spécifiques de la Banque, à savoir les départements AS, SJ et<br />

PME, alors que tel aurait dû être le cas. Il s'agissait précisément des groupes STÄUBLI et<br />

GARDY. Leurs besoins de provisions respectifs s'élevaient selon la Banque à 32 MF et<br />

67,8 MF. Pour les experts, il en découlait un besoin de provisions complémentaires de l'ordre<br />

de 100 MF (9'000'144).<br />

Ainsi, en tenant compte d'un solde de provisions disponibles de 49 MF, le besoin<br />

complémentaire de provisions complémentaires, pour l'exercice 1996, s'élevait pour les<br />

experts à 495 MF (9'000'144).<br />

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Exercice 1997<br />

- 23 -<br />

Le second tableau retenu par les experts est un document de la Banque du 6 novembre 1997,<br />

établi dans le cadre de la préparation de la clôture 1997 et se rapportant à la situation des<br />

risques potentiels et des besoins en provisions au 30 septembre 1997 (7'016'088). Il ressort de<br />

ce tableau que le besoin de provisions, s'agissant du département AS, qui totalisait alors un<br />

engagement de 4'200 MF, avait été fixé à 300 MF.<br />

Les experts ont à nouveau mis en évidence une récapitulation Magic relative au seul<br />

département AS, du 5 août 1997, qui laissait apparaître des risques sur actes de défaut de<br />

biens, certificats d'insuffisance et reliquats de vente de gage pour environ 299 MF et des<br />

risques à hauteur de 1'126 MF sur d'autres positions (7'425'027).<br />

L'application, aux risques mis en évidence par le récapitulatif du 5 août 1997, des taux de<br />

provisionnement précités, à savoir 100 % sur les risques des positions répertoriées comme des<br />

actes de défaut de biens et certificats d'insuffisance de gage, et de 50 % sur les risques induits<br />

par les autres positions, faisait apparaître un besoin de provisions, pour le seul département<br />

AS, de 862 MF soit, selon les experts, une différence de 562 MF avec le tableau du 6<br />

novembre 1997 (9'000'146s).<br />

S'agissant de l'exercice 1997, les experts ont également indiqué que les groupes STÄUBLI et<br />

GARDY ne figuraient toujours pas dans les trois départements spécifiques de la Banque, alors<br />

que tel aurait dû être le cas. Leurs besoins de provisions respectifs s'élevaient selon la Banque<br />

à 80 MF et à 78 MF. Pour les experts, il en découlait un besoin de provisions<br />

complémentaires de l'ordre de 158 MF (9'000'146).<br />

Ainsi, pour les experts, le besoin complémentaire de provisions relatif à l'exercice 1997 était<br />

de 720 MF (9'000'147).<br />

Exercice 1998<br />

Le troisième tableau retenu par les experts est une évaluation des risques potentiels et des<br />

besoins en provisions à fin 1998, établi dans le cadre de la préparation de la clôture 1998<br />

(2'001'600).<br />

Il ressort de ce document que, pour les trois départements spécifiques AS, SJ et PME, le<br />

provisionnement des risques en blanc avait été prévu, conformément à la méthode jusque-là<br />

prévue par la Banque, à 100 %. Le total des provisions à cet égard atteignait 758 MF.<br />

S'agissant toutefois du blanc technique, s'élevant dans sa totalité à 1'462 MF, la Banque<br />

n'avait pas appliqué la méthode du provisionnement forfaitaire de 50 %, application qui<br />

aboutissait à un besoin de provisions complémentaire de 731 MF (9'000'147).<br />

Afin de couvrir ces risques, la BCGE avait, en premier lieu, prévu un complément de<br />

provisions de 150 MF, en sus des 758 MF relatifs aux risques en blanc, soit un total de<br />

provisions constituées de 908 MF. À titre de couvertures supplémentaires, la Banque avait<br />

tenu compte des surplus de fonds propres ainsi que des réserves latentes, respectivement de<br />

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- 24 -<br />

200 MF et 100 MF. Par ailleurs, la nécessité de constituer des compléments de provisions au<br />

cours des exercices futurs avait été considérée comme probable. Ces compléments, qui<br />

totalisaient 280 MF, devaient être constitués sur une période de 6 ou 7 ans.<br />

À cet égard, l'expertise mentionne qu'une estimation de la durée nécessaire en nombre<br />

d'années pour doter la Banque du montant des provisions nécessaires était révélatrice d'une<br />

politique d'étalement des pertes dans le temps, laquelle n'était pas conforme au référentiel<br />

(9'000'157).<br />

Concernant encore l'exactitude de ce tableau, les experts ont également relevé que les listes<br />

Magic, relatives au SJ et figurant à la procédure, ne concernaient pas l'ensemble des positions<br />

gérées dans ledit département, de sorte qu'il n'était pas possible de corroborer entièrement les<br />

informations figurant dans le récapitulatif. Dans le même sens, les indications concernant le<br />

département PME ne pouvaient qu'être partiellement justifiées par les récapitulations figurant<br />

au dossier (9'000'148).<br />

S'agissant du département AS, les experts se sont par ailleurs arrêtés sur deux récapitulations<br />

Magic, datées des 4 et 27 août 1998 (7'425'006 et 7'425'013). À leur lecture, ils ont relevé<br />

que, au cours du mois d'août 1998, le mode de détermination du risque avait été modifié pour<br />

certains dossiers gérés par ledit département, notamment ceux relatifs aux sociétés de prêt<br />

partiaire, la Banque considérant qu'ils ne comportaient plus de risque sur le débiteur mais<br />

uniquement un risque de taux, lequel n'intervenait pas directement dans l'évaluation des<br />

risques sur débiteurs. L'évaluation des gages de ces opérations avait ainsi été revue dans le<br />

logiciel Magic, par le remplacement de l'évaluation du bien par le prix de revient de<br />

l'opération (9'000'150).<br />

Ce changement de méthode d'évaluation dans le logiciel Magic, s'agissant du département<br />

AS, avait eu pour conséquence une variation du risque de 657 MF au cours du mois d'août<br />

1998. Pour les experts, il découlait de ce constat un besoin complémentaire de provisions, par<br />

application du taux forfaitaire de 50 % s'agissant du provisionnement du blanc technique, de<br />

328 MF pour le seul département AS (9'000'148).<br />

S'agissant de l'exercice 1998, les experts ont estimé que les positions des dossiers STÄUBLI<br />

et GARDY, à l'examen des montants d'engagements de ces deux groupes, avaient<br />

vraisemblablement été incluses dans la position soutien PME au cours de l'année (9'000'148).<br />

En résumé, s'agissant de l'évaluation des crédits et des provisions relatif à l'exercice 1998, les<br />

experts ont retenu que le besoin complémentaire de provisions s'élevait à 909 MF, soit<br />

731 MF correspondant au 50 % du blanc technique des positions des trois départements<br />

spécifiques AS, SJ et PME, et 328 MF au titre du 50 % du blanc technique des 657 MF<br />

résultant du changement de méthode de détermination des risques s'agissant du département<br />

AS, sous déduction des 150 MF constitués par la Banque à titre de complément de provisions<br />

(9'000'157).<br />

Pour les experts, il découlait de l'application des principes de provisionnement de la Banque<br />

et en tenant compte d'un capital social de <strong>22</strong>5 MF, que la BCGE se trouvait en situation de<br />

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- 25 -<br />

perte en capital en 1998. Cette situation aurait dû conduire à la convocation immédiate d'une<br />

assemblée générale extraordinaire et à la mise en place de mesures d'assainissement<br />

(9'000'157).<br />

S'agissant du provisionnement relatif aux sociétés de portage<br />

cb. S'agissant du mécanisme du portage, les experts ont d'abord estimé que la question du<br />

besoin de provisionnement des financements accordés aux sociétés de portage dépendait<br />

essentiellement de l'existence d'un risque de capital sur ces positions. La BCGE, en tout cas<br />

en ce qui concernait F. et C., considérait que la mise en place dudit mécanisme éliminait ce<br />

risque, de sorte qu'il n'existait pas d'obligation de provisionner (9'000'244).<br />

À cet égard, les experts ont relevé que, du point de vue de la Banque, il s'agissait toujours du<br />

même gage et du même immeuble pour garantir le crédit, que la seule activité de la société de<br />

portage consistait dans la gestion de l'immeuble, et qu'il n'existait pas de mesures préventives<br />

qui protégeaient la valeur de l'immeuble contre les variations de valeur vénale sur le marché<br />

immobilier. Par ailleurs, la solvabilité de la société de portage était insignifiante comparée au<br />

niveau élevé du risque sur le bien immobilier et la conclusion d'une convention de<br />

postposition, qui palliait juridiquement une perte de capital d'après l'art. 725 CO, ne changeait<br />

pas le profil de risque de la société de portage.<br />

Les experts sont ainsi parvenus à la conclusion que l'immeuble de la société de portage était<br />

exposé aux risques usuels de tout propriétaire. L'application des principes comptables exigeait<br />

de ces sociétés de présenter une perte de valeur de l'immeuble au niveau du compte de<br />

résultat, ce qui menait à une réduction de la valeur comptable du bien immobilier et à une<br />

diminution des fonds propres. La banque était par ailleurs consciente de ce risque puisque,<br />

dans les contrats avec les sociétés de portage, les parties avaient prévu la possibilité d'une<br />

éventuelle perte résultant d'une vente d'immeuble et, dans certains cas, réglé la répartition de<br />

cette dernière au détriment de la Banque (9'000'245 et 7'614'768).<br />

Ainsi, contrairement à l'opinion de la Banque et à celle de son organe de révision, les crédits<br />

aux sociétés de portage étaient exposés à un risque de capital. Une perte de valeur du gage<br />

aurait conséquemment dû mener à un provisionnement de ces crédits, au vu de la solvabilité<br />

réduite du débiteur (9'000'251 et 9'000'262).<br />

Dans le contexte des sociétés de portage, la BCGE avait également appliqué le principe dit du<br />

«prix de revient», lequel différait de la valeur vénale. Cette dernière était, pour les dirigeants<br />

de la Banque, «trop arbitraire et ne correspond[ait] pas au principe des prêts partiaires»,<br />

ainsi que cela ressortait d'une communication interne du 28 avril 1998 (9'000'240 et<br />

7'612'776 ss).<br />

Selon les experts, le prix de revient était un prix qui permettait à la Banque d'éviter ou de<br />

minimiser l'enregistrement d'une perte dans l'opération de portage. Si ce prix ne permettait pas<br />

de couvrir le montant de l'ancien crédit, la différence constituait un reliquat dont l'ancien<br />

débiteur devait toujours le remboursement à la Banque (9'000'240). Ce prix, qui reflétait la<br />

stratégie de la Banque de ne sortir du crédit qu'après une reprise du marché immobilier, était<br />

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- 26 -<br />

fixé par le comité des risques et approuvé par le CB. Il ressortait de la procédure que<br />

l'estimation des gages immobiliers des sociétés de portage avait été faite en privilégiant la<br />

valeur de rendement, méthode qui menait généralement à des valeurs correspondant mieux à<br />

la structure du marché dans la période 1996 à 1998 que les méthodes incluant dans leur calcul<br />

la valeur intrinsèque (9'000'242).<br />

Ceci n'était toutefois valable qu'à condition que le calcul se basât sur des taux de capitalisation<br />

adéquats. À cet égard, une fourchette des taux de capitalisation (nets) minimum justifiable<br />

pendant la période sous revue se situait entre 6 % (premier trimestre 1996) et 5,2 % vers la fin<br />

de l'année 1998. Or, la BCGE avait fait application de taux de capitalisation variant entre 3 %<br />

et 4 % (cf. 2'016'037), méthode qui menait à une surestimation des valeurs vénales des gages<br />

entre 13 % et 50 %. Selon les experts, une telle réduction du taux de capitalisation en raison<br />

du portage n'était pas justifiée. La procédure avait en outre démontré une volonté des<br />

responsables de la BCGE de rapporter l'engagement existant de la Banque à un potentiel prix<br />

de vente à terme, volonté qui menait forcément à une valeur des gages supérieure à la valeur<br />

vénale dans la période sous revue (9'000'242).<br />

Cette surévaluation des biens immobiliers au sein des sociétés de portage avait d'ailleurs, pour<br />

les experts, été confirmée par plusieurs sources distinctes, dont plusieurs réviseurs externes<br />

des sociétés de portage (7'772'055 et 7'198'694), des régies immobilières (5'055'182) et<br />

finalement à travers le résultat des ventes réalisées par la fondation de valorisation<br />

(9'000'242s).<br />

Ainsi, les actifs immobiliers des sociétés de portage étaient généralement surévalués au<br />

moment de l'acquisition. Ces biens ayant été financés quasiment à 100 % par un crédit de la<br />

BCGE, il existait une partie non couverte, ou blanc technique, sur ces crédits. En raison de la<br />

solvabilité limitée des sociétés de portage et de leur caractère non significatif au regard de<br />

l'engagement, la Banque aurait dû provisionner ces crédits (9'000'251).<br />

De la consolidation des sociétés de portage<br />

cc. Les experts se sont posés la question de savoir si, à l'égard des sociétés de portage, la<br />

BCGE pouvait être considérée comme bailleur de fonds étrangers ou si elle n'occupait pas<br />

plutôt un rôle de bailleur de fonds propres, cet aspect étant important dans l'optique d'une<br />

consolidation des sociétés de portage.<br />

L'expertise relève à cet égard que dans le cas d'une vente de l'immeuble par la société de<br />

portage, le débiteur était obligé d'obtenir l'accord préalable de la Banque, étant précisé que, si<br />

le gestionnaire respectait certaines formalités, la perte était absorbée par la BCGE. Dans<br />

l'hypothèse d'un gain, celui-ci était partagé entre la Banque et la société de portage. Les<br />

experts ont également retenu que le résultat de la société de portage était absorbé par les<br />

facturations d'intérêts de la Banque (étant précisé que dans certains cas le crédit ne portait pas<br />

d'intérêts), que le montant du crédit de la BCGE équivalait généralement à plus de 95 % du<br />

total des investissements de la société de portage, que ledit crédit équivalait à un crédit en<br />

blanc pour la partie du financement qui n'était pas couverte par la valeur de marché de<br />

l'immeuble financé, et que la BCGE disposait du contrôle sur les liquidités de la société de<br />

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portage (9'000'246).<br />

- 27 -<br />

Ainsi, bien que la BCGE n'ait été ni actionnaire ni membre du CA des sociétés de portage, les<br />

experts sont parvenus à la conclusion que la Banque occupait une position d'administrateur de<br />

fait dans ces entreprises, grâce aux stipulations des contrats conclus entre elles. Elle exerçait<br />

en effet une grande influence sur la politique d'entreprise, ce qui se démontrait à travers la<br />

faculté de jure et de facto de déterminer le prix et le moment de la vente des biens<br />

immobiliers. Il était par ailleurs relevé que la BCGE finançait les sociétés de portage à un<br />

niveau d'endettement qui n'était pas courant pour un bailleur de fonds étrangers. Les experts<br />

ont encore mentionné le fait que C. s'était, au cours d'une séance du 12 mars 1998, adressé au<br />

CB afin de le rassurer «sur le contrôle exercé par la Banque sur la gestion des propriétaires»<br />

(9'000'246 et 7'123'478s).<br />

Ainsi les sociétés de portage se trouvaient-elles dans une situation de complète dépendance<br />

financière vis-à-vis de la Banque, alors qu'une partie du crédit de cette dernière était soumis,<br />

du point de vue financier, à un profil de risque qui correspondait à celui des fonds propres.<br />

Par conséquent, bien que la BCGE eût été juridiquement bailleur de fonds étrangers, elle se<br />

trouvait, au moins pour une part de son engagement, dans une position qui était<br />

économiquement comparable à celle d'un actionnaire des sociétés de portage et donc, à celle<br />

de «(co-)propriétaire» des immeubles. Les experts ont relevé, pour le surplus, que<br />

l'Administration fiscale cantonale de Genève avait adopté une position comparable s'agissant<br />

de l'indépendance d'une société de portage, A_T SA, à l'égard de la BCGE (9'000'246s et<br />

7'013'564).<br />

Les crédits octroyés aux sociétés de portage étaient comptabilisés par la Banque comme des<br />

créances, qui figuraient à l'actif du bilan de la Banque, sous la rubrique «Créances sur la<br />

clientèle» ou «Créances hypothécaires». Or, pour les motifs précités, les experts ont considéré<br />

que les financements aux sociétés de portage étaient, au moins pour partie, à traiter comme<br />

des fonds propres dissimulés, de sorte que tant le capital que le financement eussent dû être<br />

comptabilisés comme des opérations liées à des participations (9'000'249s).<br />

La pratique comptable de la Banque, qui ne reflétait donc pas la réalité économique, se<br />

cantonnait exclusivement au point de vue juridique de ces opérations, sans égard au principe<br />

substance over form qui devait trouver application (9'000'250).<br />

De la comptabilisation des intérêts impayés<br />

cd. S'agissant des intérêts relatifs aux engagements de clients, les experts ont rappelé le<br />

principe selon lequel lesdits engagements étaient augmentés du montant des intérêts au<br />

moment de la facturation contractuelle.<br />

En revanche, le montant de l'intérêt ne devait pas être comptabilisé par la Banque comme un<br />

produit si le crédit était considéré comme en souffrance. Cette notion de débiteur en<br />

souffrance était indépendante de l'existence ou non de procédures juridiques. Les intérêts et<br />

commissions devaient être considérés comme compromis lorsqu'ils étaient échus et impayés<br />

depuis plus de 90 jours. Le montant de ces intérêts devait alors être incorporé aux correctifs<br />

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- 28 -<br />

de valeur pour risques de défaillance, figurant au passif du bilan de la Banque (9'000'281s).<br />

Dans leur analyse, les experts ont indiqué que le mode de provisionnement de la Banque, à<br />

savoir le provisionnement partiel des crédits à base immobilière et la dégradation du taux de<br />

provisionnement effectif des besoins de provisions, les incitait à conclure que la BCGE avait<br />

constaté des produits qui ne pouvaient pas être considérés comme acquis au sens des<br />

dispositions comptables établies par la CFB (9'000'283).<br />

Dès lors, les indications mentionnées à ce sujet dans les rapports annuels de la Banque étaient<br />

erronées (9'000'283).<br />

De la pratique de la Banque en matière de créances irrécouvrables<br />

ce. Selon l'expertise, l'un des critères pour juger du caractère irrécupérable de la créance était<br />

l'obtention par la Banque d'un acte de défaut de biens lors de la clôture des procédures de<br />

poursuites et faillites. D'autres éléments pouvaient entrer en ligne de compte, tels que<br />

l'absence de volonté du créancier de poursuivre juridiquement son débiteur ou l'existence de<br />

possibilités de dédommagement en dépit de l'acte de défaut de biens (9'000'269).<br />

Si le remboursement d'un prêt était totalement compromis, la Banque devait alors<br />

provisionner tout le prêt. Les créances irrécupérables ne pouvaient plus être portées au bilan et<br />

devaient, par conséquent, être amorties. Le prêt et la provision correspondante disparaissaient<br />

alors du bilan (9'000'269).<br />

Les experts ont rappelé que la comptabilisation de pertes pouvait avoir un impact direct sur le<br />

compte de résultats si la perte n'avait pas été provisionnée ou s'il existait un différentiel entre<br />

le montant de la provision et celui de la perte. Cependant, si la provision avait été<br />

correctement calculée, il n'y avait pas d'impact sur le compte de résultats. Par ailleurs, la<br />

décision d'enregistrement comme perte d'une créance ou de son maintien au bilan avec une<br />

provision du même montant était neutre en ce qui concernait le compte de résultat, pour<br />

autant que cette créance eût été intégralement provisionnée antérieurement (9'000'269).<br />

S'agissant de la situation à la BCGE, les experts ont relevé que C. avait indiqué, lors d'une<br />

séance du CB du 5 novembre 1998 (7'123'213), que l'établissement provisionnait<br />

intégralement ses créances irrécouvrables, étant précisé que, pour les créances en blanc, les<br />

besoins de provisions étaient déterminés dès l'obtention d'un acte de défaut de biens, d'un<br />

certificat d'insuffisance de gage ou d'une reconnaissance de dette. Lors d'une autre réunion du<br />

CB, du 4 septembre 1997, le directeur général adjoint avait reconnu que la doctrine comptable<br />

considérait que les non-valeurs devaient être amorties à la fin de l'exercice où elles avaient<br />

pris naissance, et précisé que la BCGE n'avait pas procédé de cette façon au vu du risque<br />

médiatique lié à la dissolution, en une seule fois, de 170 MF de provisions. C. avait encore<br />

indiqué que ce montant devait être passé, dans la mesure du possible, sur quatre exercices,<br />

politique d'amortissement approuvée par A. (7'1<strong>22</strong>'899).<br />

Sur la base des comptes annuels 1997, les experts ont constaté que la Banque n'avait utilisé ou<br />

dissous conformément à leur objet que 85 MF de provisions. Pour eux, il était donc évident<br />

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- 29 -<br />

que la Banque n'avait pas respecté les normes comptables relatives au traitement des créances<br />

irrécupérables.<br />

Aussi l'analyse concluait-elle à ce que la Banque n'avait pas amorti systématiquement ses<br />

créances irrécouvrables, ni par utilisation de ses provisions, ni par imputation directe au<br />

compte de provisions. Cette absence d'amortissement était contraire au principe de clarté.<br />

Bien que cette situation n'eût pas eu d'impact sur le résultat, le ratio créances / provisions s'en<br />

trouvait néanmoins amélioré et donnait, pour les experts, une image plus flatteuse des<br />

comptes de la Banque (9'000'271).<br />

De l'organe de révision<br />

cf. Conformément à la mission qui leur avait été confiée, les experts se sont également<br />

penchés sur le travail de révision externe fourni par A., dans le cadre de l'évaluation des<br />

positions débitrices de la BCGE, et ont évalué celui-ci.<br />

Procédure de révision<br />

À cet égard, les experts ont relevé que, de manière générale, la procédure mise en place en la<br />

matière était décrite dans les rapports de solvabilité ainsi que dans les rapports annuels<br />

bancaires détaillés de l'organe de révision. En outre, un rapport spécifique était établi chaque<br />

année concernant les plus grandes positions débitrices de la Banque (9'000'167).<br />

Il peut être ici mentionné que, selon le réviseur externe, la CFB avait demandé l'exécution<br />

d'un processus de révision approfondi dans le domaine des crédits, ce compte tenu d'un niveau<br />

de risque élevé dans les crédits immobiliers et dans l'économie locale, alors atteinte par la<br />

crise (9'000'168).<br />

En substance, il ressort de l'expertise que le réviseur externe procédait à l'évaluation du besoin<br />

de provisions une fois par année, selon un processus qui commençait au mois d'août pour se<br />

terminer par l'émission des rapports au printemps de l'année suivante. Les travaux<br />

d'évaluation des crédits avaient été effectués sur la base des positions au 31 <strong>juillet</strong> s'agissant<br />

des grands débiteurs de la Banque, et au 31 août pour les autres positions (9'000'168).<br />

Concrètement, la révision s'effectuait par un sondage étendu sur des positions auprès du<br />

département AS (9'000'169 et 9'000'175). Des listes informatiques de clients étaient mises à<br />

disposition du réviseur externe par la révision interne de la Banque, sur la base des critères<br />

suivants: prêts hypothécaires supérieurs à 5 MF, crédits de construction supérieurs à 2 MF,<br />

avances en compte courant ou à terme fixe supérieures à 2 MF, avances en blanc supérieures à<br />

1 MF et avances pour lesquelles il existait une provision supérieure à 0,5 MF. Les débiteurs<br />

ou groupes de débiteurs à examiner étaient sélectionnés par les chefs d'équipe du réviseur<br />

externe à partir de ces listes (9'000'169).<br />

L'équipe de révision répertoriait les données sur différentes feuilles de travail et procédait à la<br />

répartition des engagements entre les différentes catégories du système de rating. A partir de<br />

1996, les différents engagements avaient été répartis en fonction des risques constatés pour<br />

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- 30 -<br />

chaque engagement, en trois catégories A, B ou C. Seule la dernière de ces catégories, à<br />

savoir celles correspondant aux crédits menacés, nécessitait la constitution d'une provision<br />

(9'000'170s).<br />

S'agissant des trois exercices sous revue, les experts ont relevé que, selon les notes de travail<br />

des équipes de révision figurant au dossier, le montant des provisions nécessaires s'élevait à<br />

1'198 MF pour l'exercice 1996, 1'247 MF pour 1997, et 1'435 MF pour 1998. Ces chiffres<br />

montraient une augmentation du besoin moyen de provisionnement sur les crédits<br />

sélectionnés au cours des exercices (9'000'176).<br />

Les experts ont encore relevé qu'il ressortait des déclarations faites au cours de la procédure<br />

que le résultat des travaux d'audit était présenté à la direction de la Banque, après remise à<br />

cette dernière des tableaux de détermination des provisions ligne par ligne (2'013'559). Il<br />

ressortait des déclarations de S. que, de son côté, la Banque n'avait pas transmis à son réviseur<br />

externe de document présentant le besoin de provisions détaillé avant 1998 (2'002'361).<br />

Le résultat des contrôles était comparé lors de plusieurs séances au cours desquelles la<br />

Banque présentait le besoin de provisions retenu par elle-même au niveau des débiteurs<br />

individuels sélectionnés. Dans un premier temps, il s'agissait de comparer les différentes<br />

positions les unes après les autres, ligne par ligne, et d'examiner les divergences d'opinion. Il<br />

semblait que, lors de ces séances, les représentants de la Banque eussent été en possession de<br />

listes présentant l'ensemble des besoins de provisions selon leur point de vue, mais les experts<br />

n'avaient pas trouvé la preuve de l'existence de ces listes dans le dossier relatif à la procédure<br />

(9'000'177).<br />

Les informations reçues par A. au cours de ces entretiens, en principe documentées sur des<br />

listes informatiques, pouvaient entraîner une modification de l'optique de l'auditeur quant à<br />

l'évaluation des risques et du besoin de provisions. Ces variations pouvaient être présentées de<br />

manière synthétique, par comparaison entre les papiers de travail des réviseurs figurant à la<br />

procédure et les rapports finaux établis (9'000'177).<br />

D'après l'expertise, le besoin total de provisions était, dans la version définitive des rapports<br />

de solvabilité relatifs aux exercices 1996, 1997 et 1998, respectivement de 992 MF, 1'018<br />

MF, et 835 MF (9'000'178).<br />

La comparaison des montants ressortant de la version définitive du rapport de solvabilité et<br />

des notes de travail des réviseurs mettait ainsi en évidence une différence, s'agissant du besoin<br />

total de provisions pour les exercices 1996, 1997 et 1998, de 206 MF, respectivement de<br />

<strong>22</strong>9 MF et 600 MF.<br />

S'agissant de cet écart, les experts ont relevé que, dans la mesure où les fichiers informatiques<br />

justifiant les renseignements obtenus au cours des séances avec la direction de la Banque<br />

n'avaient pas été retrouvés, le réviseur n'était pas en mesure de présenter les motifs qui<br />

l'avaient conduit à adapter ses chiffres. Par ailleurs, il était également relevé que les réviseurs,<br />

membres de l'équipe ayant procédé à l'examen, n'avaient pas été commis afin de procéder à la<br />

vérification des informations données par la Banque lors de ces séances (9'000'178).<br />

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- 31 -<br />

Selon l'expertise, les différents rapports émis par A. lors de la période sous revue avaient<br />

néanmoins conclu que le niveau des provisions existantes à la BCGE était satisfaisant et<br />

suffisant, sur la base des analyses effectuées par ses soins, des informations disponibles et de<br />

la situation économique du canton de Genève à la fin de la période (9'000'180).<br />

Appréciation de la méthode<br />

S'agissant de leur appréciation de la procédure décrite ci-avant, les experts ont tout d'abord<br />

relevé que l'ampleur des travaux effectués par A. était considérable, même si cela constituait<br />

surtout, à leurs yeux, un indice majeur de ce que le réviseur externe estimait ne pas être en<br />

mesure de s'appuyer sur le système de contrôle interne ni sur les procédures de la Banque<br />

(9'000'170).<br />

Ils ont également estimé que, alors que la méthode utilisée était celle du sondage, A. n'avait<br />

pas procédé à une extrapolation, nécessaire, du besoin de provisions à l'ensemble du<br />

portefeuille de la Banque à partir des résultats du sondage. Les experts ont rappelé, à ce sujet,<br />

que le rapport de solvabilité permettait uniquement de déterminer le besoin de provisions pour<br />

les débiteurs spécifiquement mentionnés dans ledit document. Le résultat de cette<br />

extrapolation à l'ensemble des positions de la Banque devait ensuite être comparé avec le<br />

montant des provisions figurant en comptabilité. Ces exercices devaient être documentés dans<br />

les notes de travail de l'organe de révision. À cet égard, les experts n'avaient pas constaté la<br />

présence d'éléments permettant de justifier la provision figurant au bilan de la BCGE à partir<br />

du sondage effectué, que ce fût dans les rapports établis ou dans les notes de travail. Il leur<br />

apparaissait par ailleurs difficilement plausible que les chiffres découlant d'une extrapolation<br />

pussent conclure au caractère suffisant des provisions comptabilisées, par rapport aux besoins<br />

de l'établissement (9'000'175 et 9'000'183).<br />

S'agissant ensuite des différences entre les montants retenus par le réviseur dans ses papiers<br />

de travail et les chiffres définitifs mentionnés dans les rapports de solvabilité, les experts les<br />

ont jugées considérables, étant précisé que lesdites différences se sont encore creusées au<br />

cours des exercices. Selon leur opinion, les différentes indications et informations présentées<br />

par la Banque auraient dû conduire à des audits complémentaires, ce au vu de la matérialité<br />

des montants concernés (9'000'179).<br />

Le rapport d'expertise rappelle également que les notes de révision devaient être claires et<br />

simples, de manière à ce qu'un tiers n'ayant pas participé aux vérifications pût porter un<br />

jugement sur la planification, l'exécution et le résultat des travaux de révision. L'absence de<br />

documentation permettant de justifier les modifications entre les papiers de travail des<br />

réviseurs et le rapport définitivement émis n'était pas conforme au référentiel, ce en particulier<br />

lorsque la chaîne des documents n'était pas retrouvée de manière systématique pour<br />

l'ensemble des exercices sous revue (9'000'180).<br />

Il était encore relevé que, dans la mesure où les chiffres présentés dans le rapport de<br />

solvabilité et ceux portant sur les plus grandes positions de la Banque se référaient à des<br />

engagements au 31 août, respectivement au 31 <strong>juillet</strong>, les experts n'avaient pu obtenir<br />

l'assurance qu'une mise à jour systématique des positions au 31 décembre avait été effectuée<br />

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- 32 -<br />

chaque année. Compte tenu de l'écart entre les deux dates, une telle mise à jour des données<br />

était indispensable, et effectuée de manière usuelle dans le cadre de l'audit bancaire.<br />

Pour les experts, il découlait ainsi des constatations précitées que, notamment, les provisions<br />

n'étaient pas justifiées et que la régularité de la comptabilité et des travaux d'audit n'était plus<br />

assurée (9'000'187).<br />

H. a) Le rapport d'expertise du 20 décembre 2006 a été discuté contradictoirement<br />

lors d'audiences d'instruction tenues du 19 au 23 mars 2007.<br />

À cette occasion, R.B., M.H. et P.L. ont confirmé leur rapport et indiqué que ce dernier<br />

reflétait, dans son ensemble, une opinion commune aux trois experts (2'017'456).<br />

b) Parmi les nombreux points particuliers abordés au cours de ces audiences, l'on peut<br />

notamment mentionner:<br />

ba. la question du provisionnement échelonné dans le temps: lors de l'audience du 21 mars<br />

2007, D. a en particulier indiqué avoir toujours cru, tout comme le CA de la Banque,<br />

qu'en cas de situation exceptionnelle, notamment de crise immobilière aigue, il était<br />

possible pour une période limitée d'étaler la constitution de provisions dans le temps,<br />

notamment pour tenir compte des spécificités d'une banque cantonale comme la<br />

BCGE.<br />

À cet égard, P.L. et R.B. ont déclaré qu'un tel étalement dans le temps n'était pas<br />

possible (audience du 21 mars 2007, 2'017'536s).<br />

bb. la question du niveau d'information en possession de la CFB, s'agissant de la situation<br />

en matière de risques et de provisions au sein de la BCGE: R.B. a indiqué que, pour<br />

lui, le niveau d'information dont disposait la CFB pouvait se comprendre à la lecture<br />

de la lettre que cette dernière avait adressée le 26 mars 1996 aux réviseurs bancaires,<br />

avec copie au CA (7'<strong>22</strong>0'076). Par ce courrier, la CFB demandait des informations<br />

quant au total des risques et des provisions, ainsi que le détail des provisions<br />

concernant les principaux dossiers de crédits (audience du 21 mars 2007, 2'017'545).<br />

R.B. a encore déclaré qu'il ressortait du dossier, de la correspondance et des contacts<br />

que la Banque avait eus avec la CFB que cette dernière avait eu des doutes sur les<br />

problèmes de la Banque en général, et notamment s'agissant de savoir si les risques de<br />

crédits étaient correctement identifiés et bien provisionnés. Pour l'expert, la CFB<br />

dépendait en fin de compte, pour son analyse et son appréciation, des éléments que lui<br />

fournissaient les réviseurs (audience du 23 mars 2007, 2'017'605).<br />

bc. la question des intérêts réservés: interpellé par le Procureur général s'agissant de cette<br />

problématique, P.L. a évoqué une note interne du 2 juin 1999, intitulée «Application<br />

des risques AS au 31 décembre 1998», adressée par G.V. à C. et F.. Il ressortait de ce<br />

document que les risques avaient augmenté de 419 MF entre 1997 et 1998, parmi<br />

lesquels une estimation de 120 MF correspondant à des intérêts impayés (7'610'691s).<br />

À la question du Procureur général de savoir si les experts avaient intégré ce «manco»<br />

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- 33 -<br />

de provisions de 120 MF dans leurs tableaux relatifs aux besoins de provisions<br />

complémentaires, P.L. a répondu par la négative, et précisé qu'il fallait donc considérer<br />

ce montant comme un ajustement à leurs conclusions. L'expert R.B. a ajouté qu'il était<br />

possible que, sur ce montant de 120 MF d'intérêts réservés, une partie ait été prise en<br />

compte dans certaines provisions, dans la mesure où lesdits intérêts avaient été<br />

capitalisés. Dans une telle hypothèse, ces intérêts étant intégrés aux crédits, ils<br />

entraient par conséquent dans le calcul du blanc technique, de sorte qu'une provision à<br />

hauteur de 50 % avait pu exister. En d'autres termes, sur ces 120 MF d'intérêts<br />

réservés, 60 MF avaient pu être provisionnés (audience du 21 mars 2007, 2'017'550<br />

ss).<br />

bd. les dossiers GARDY et STÄUBLI: les experts ont précisé, s'agissant de leur prise de<br />

position en pages 145 et suivantes de leur rapport (9'000'144 ss), s'être basés, d'une<br />

part, sur les déclarations de S. devant le juge d'instruction en date du 26 octobre 2004<br />

(2'013'677 ss) et, d'autre part, sur une liste de provisions de 1998 du département<br />

PME, laquelle confirmait que le groupe GARDY n'était plus inclus dans les chiffres<br />

des départements de la Banque (7'606'988 ss). C'était la raison pour laquelle ils avaient<br />

ajouté ces dossiers à ceux gérés par les trois départements spécifiques de la Banque<br />

(audience du <strong>22</strong> mars 2007, 2'017'583).<br />

I. a) Le 12 mars 2008, le juge d'instruction a mis un terme à l'instruction préparatoire<br />

et communiqué la procédure P/3409/2001 au Ministère public (2'017'782 ss).<br />

b) Saisie par les réquisitions du Ministère public en date du 23 septembre 2009, la <strong>Chambre</strong><br />

d'accusation a, par ordonnance du <strong>22</strong> décembre 2009, renvoyé C., D., F., R. et S. devant la<br />

Cour correctionnelle siégeant avec le concours du jury.<br />

J. a) Le 7 <strong>juillet</strong> 2010, le Président désigné de la Cour correctionnelle a fait parvenir<br />

aux parties une liste de 35 jurés, établie le 25 mai 2010.<br />

Ayant constaté que, parmi ces personnes éligibles, quinze étaient fonctionnaires ou<br />

collaboratrices d'une entreprise d'État et dès lors, à son sens, inhabiles à occuper la fonction<br />

de juré dans le cadre de la présente procédure, le conseil de R. a, par courriers des 20 et <strong>22</strong><br />

<strong>juillet</strong> 2010, demandé l'organisation d'un nouveau tirage au sort et que lui fût transmis copie<br />

du procès-verbal des opérations liées à ce premier tirage au sort du jury. Par courrier du 30<br />

<strong>juillet</strong> 2010, il a indiqué, en substance, s'être rendu compte, en se basant sur des tests de<br />

probabilité, que cette première liste de jurés comprenait par ailleurs un nombre trop important<br />

de fonctionnaires.<br />

Le 11 août 2010, les conseils de C., R. et S. ont demandé la récusation du Président de la Cour<br />

correctionnelle. Le conseil de F. a fait de même, par courrier du 13 août 2010.<br />

Le 31 août 2010, le plenum de la Cour de justice a rejeté la demande de récusation formulée<br />

contre ledit Président et donné acte à celui-ci de sa volonté de procéder à un nouveau tirage au<br />

sort en date du 8 septembre 2010.<br />

P/3409/2001


- 34 -<br />

Le 8 septembre 2010, un nouveau tirage au sort des jurés a été effectué par le Président de la<br />

Cour correctionnelle.<br />

Le 15 septembre 2010, F., C., R. et S. ont formé recours en matière pénale au Tribunal fédéral<br />

contre la décision du Plénum de la Cour de justice du 31 août 2010.<br />

Une audience de jugement devant la Cour correctionnelle a débuté le 4 octobre 2010.<br />

Par arrêt du 25 octobre 2010, le Tribunal fédéral a admis le recours déposé par quatre des cinq<br />

prévenus contre la décision du Plénum de la Cour de justice du 31 août 2010, annulé ladite<br />

décision et renvoyé la cause à l'autorité précitée pour nouvelle décision dans le sens des<br />

considérants.<br />

Le 3 novembre 2010, le plenum de la Cour de justice a finalement prononcé la récusation du<br />

Président de la Cour correctionnelle.<br />

b) Par courrier du 11 novembre 2010, le Président de la Cour de justice a invité les parties à<br />

s'exprimer sur les suites à donner à la procédure, leur octroyant pour ce faire un délai au<br />

18 novembre 2010.<br />

Il sied de relever que dans un courrier du 28 octobre 2010 déjà, ayant fait suite à la<br />

notification de l'arrêt du Tribunal fédéral du 25 octobre 2010, les conseils des prévenus, à<br />

l'exception de celui de D., ont indiqué que leurs mandants avaient acquis le droit, confirmé<br />

par la <strong>Chambre</strong> d'accusation, d'être jugés par un jury populaire. L'entrée en vigueur du code<br />

de procédure pénale suisse, le 1 er janvier 2011, ne pouvait ainsi pas le leur retirer. Ils<br />

souhaitaient qu'un nouveau jury de liste fût formé et qu'une nouvelle audience de jugement fût<br />

organisée sous la présidence d'un juge à la Cour correctionnelle. Il était plus sûr, pour éviter<br />

tout contentieux sur cette question, que les opérations préalables à l'ouverture des débats, ainsi<br />

que et y compris l'ouverture de ces derniers, intervinssent avant la fin de l'année 2010. En<br />

d'autres termes, il fallait composer une nouvelle Cour avec jury, ouvrir les débats, les<br />

suspendre pour que la Cour pût se préparer, et reprendre ces débats cela fait.<br />

Dans ses observations du 18 novembre 2010, l'État de Genève a conclu à ce que la Cour de<br />

justice constatât la nullité, subsidiairement à ce qu'elle annulât puis écartât de la procédure<br />

l'ensemble des actes accomplis par le Président récusé de la Cour correctionnelle, ou avec sa<br />

participation, depuis le 11 août 2010.<br />

Par courrier du 18 novembre 2010, le conseil de la BCGE a indiqué que le maintien de<br />

certains actes de la procédure et l'annulation d'autres actes n'étaient pas imaginables sans<br />

l'accord unanime des parties. Un tel accord n'existait pas, et ledit conseil demandait<br />

expressément à la Cour de justice de constater la nullité de tous les actes accomplis par ou<br />

sous la présidence du magistrat récusé depuis le 25 mai 2010. Toute autre solution reviendrait<br />

concrètement à autoriser la défense, qui avait demandé la récusation de Président de la Cour<br />

correctionnelle, à procéder à du «shopping» procédural.<br />

Le Ministère public, dans sa correspondance du 17 novembre 2010, a requis que tous les actes<br />

P/3409/2001


- 35 -<br />

accomplis par le Président de la Cour correctionnelle depuis qu'il avait été saisi de cette<br />

procédure, voire depuis le dépôt de la demande de récusation du 11 août 2010, fussent<br />

déclarés nuls, subsidiairement qu'ils fussent annulés.<br />

Par courrier du 15 novembre 2010, le conseil de F. a d'abord contesté que les parties civiles<br />

eussent été en droit de se prononcer sur les conséquences de la récusation, dans la mesure où<br />

elles n'avaient pas été parties à la procédure ayant abouti à cette décision. Par ailleurs, il était<br />

manifeste que, à cette date, la récusation déployait deux effets: le juge récusé ne pouvait plus<br />

siéger dans cette affaire, et les deux audiences de tirage au sort des 25 mai et 8 septembre<br />

2010 étaient annulées. S'agissant des autres effets de la récusation, ceux-ci devaient être<br />

tranchés par la nouvelle Cour qui serait chargée de la cause. Il était encore relevé que F. avait<br />

fait le choix d'être jugé par la Cour correctionnelle siégeant avec le concours du jury, choix<br />

qui devait être respecté. Il convenait ainsi qu'un nouveau Président de Cour correctionnelle fût<br />

nommé et que le tirage au sort du jury intervînt au plus tard le 25 novembre 2010. Enfin, à<br />

supposer qu'il ne fût pas possible de procéder à ces opérations dans le délai précité, F. ne<br />

perdrait pas le droit à être jugé par une cour siégeant avec jury, indépendamment de<br />

l'application du nouveau code de procédure pénale suisse. Pour le surplus, F. ferait valoir les<br />

droits attachés à sa défense devant la nouvelle cour, notamment ceux exercés sans succès<br />

devant la Cour correctionnelle, dont les débats avaient été «interrompus».<br />

Par courrier du 18 novembre 2010, le conseil de C. a, en premier lieu, indiqué que, à<br />

l'exception du Ministère public, les autres parties que celles ayant sollicité et obtenu la<br />

récusation du Président de la Cour correctionnelle n'étaient pas fondées à présenter de<br />

conclusions sur les conséquences de cette décision. Par ailleurs, le juge récusé ne pouvait plus<br />

siéger ou intervenir dans cette procédure et les deux tirages au sort du jury, des 25 mai et 8<br />

septembre 2010, devaient être annulés. Un nouveau Président de Cour correctionnelle devait<br />

être désigné en urgence, lequel devrait procéder à un nouveau tirage au sort du jury et, à tout<br />

le moins, ouvrir une nouvelle session avant la fin de l'année 2010.<br />

Le conseil de S. a indiqué que les suites de la procédure devaient être réglées par le magistrat<br />

en charge de la procédure. Par ailleurs, les parties civiles et D. n'étaient pas fondées à<br />

s'exprimer dans ce contexte, dès lors qu'ils n'avaient pas été parties à la procédure de<br />

récusation. La Cour correctionnelle avec jury demeurait saisie de l'affaire, et il appartenait à la<br />

Cour de justice de nommer un nouveau Président qui prendrait les décisions utiles, après<br />

audition des parties. Le procès-verbal de l'audience qui s'était ouverte le 4 octobre 2010, avec<br />

les décisions incidentes qu'il comportait, constituaient à tout le moins, en l'état, des éléments<br />

de la présente cause.<br />

Le conseil de R. a indiqué, par courrier du 18 novembre 2010, que la Cour correctionnelle<br />

avait ouvert les débats dans les premiers jours de l'audience entamée le<br />

4 octobre 2010. Le juge récusé devait être écarté définitivement du traitement, sous quelque<br />

forme que ce fût, de la cause et les tirages au sort du jury, des 25 mai et 8 septembre 2010,<br />

devaient être annulés. Le nouveau tribunal de jugement saisi devrait statuer pour le reste. Au<br />

demeurant, il était persisté dans les termes du courrier du 28 octobre 2010. Dans tous les cas,<br />

quelle que fût la date de reprise du procès, le droit des accusés d'être jugés par une Cour<br />

P/3409/2001


- 36 -<br />

siégeant avec jury ne pouvait pas être leur être dénié.<br />

c) Le 23 novembre 2010, le Président de la Cour de justice a indiqué que le transfert de la<br />

procédure au futur Tribunal pénal, par le biais du Tribunal de police, s'imposait, et a rendu,<br />

selon ses propres termes, une décision d'attribution, de nature administrative, ne mettant pas<br />

fin à la procédure. Selon lui, les parties s'accordaient à dire que la récusation du Président de<br />

la Cour correctionnelle avait entraîné la nullité, voire l'annulation des deux tirages au sort des<br />

jurés, ce à quoi elles avaient d'ailleurs expressément conclu.<br />

Il en résultait un effet ex tunc, supposé avoir empêché ce juge de constituer un jury de Cour<br />

correctionnelle, de sorte qu'il fallait considérer que les débats devant cette autorité n'avaient<br />

jamais été valablement ouverts. Partant, après la décision de récusation, il n'y avait pas lieu de<br />

clôturer les débats, censés ne pas avoir existé, et l'interruption qui était survenue à la suite de<br />

cette décision de récusation du plénum équivalait, de facto, à la fin de l'audience.<br />

Par courrier du 14 décembre 2010, adressé au Président de la Cour de justice, le Procureur<br />

général a remis à celui-ci l'ordonnance de renvoi de la <strong>Chambre</strong> d'accusation du <strong>22</strong> décembre<br />

2009, accompagnée d'une annexe et du bordereau de frais, afin de répondre aux exigences<br />

posées par le code de procédure pénale suisse. Le Ministère public priait la Cour de justice<br />

d'acheminer la procédure au Tribunal correctionnel, soit pour lui le Tribunal de police de<br />

l'époque.<br />

Par courrier du 20 décembre 2010, le Président de la Cour de justice a fait parvenir au<br />

Président du Tribunal de première instance les réquisitions du Ministère public, mises en<br />

conformité, selon ses termes, avec le code de procédure pénale suisse.<br />

K. a) Le 10 janvier 2011, le Président du Tribunal pénal a informé les parties de<br />

l'attribution du dossier au Tribunal correctionnel.<br />

b) Le <strong>22</strong> février 2011, la direction de la procédure du Tribunal correctionnel s'est adressée aux<br />

parties afin d'obtenir leur détermination sur une éventuelle jonction de la P/3401/2001 avec la<br />

P/12481/2001, dans la mesure où, notamment, D. et F. étaient tous deux également prévenus<br />

dans le cadre de la P/12481/2001. Pour ce faire, un délai a été octroyé aux parties au 4 mars<br />

2011.<br />

Après avoir recueilli lesdites déterminations, la direction de la procédure a, par ordonnance du<br />

15 mars 2011, considéré que les procédures précitées devaient demeurer séparées et refusé<br />

leur jonction en tant que de besoin.<br />

c) Après avoir octroyé aux parties un délai au 5 avril 2011 pour lui faire parvenir leurs<br />

réquisitions de preuve motivées, la direction de la procédure s'est déterminée, à cet égard, par<br />

ordonnance du 14 avril 2011.<br />

d) Une audience de débats préliminaires, visant à régler les questions d'organisation liées à<br />

l'audience de jugement du Tribunal correctionnel, a été menée par la direction de la procédure<br />

en date du 18 avril 2011.<br />

P/3409/2001


- 37 -<br />

L. a) Plusieurs questions préjudicielles et incidents ont été soulevés par les prévenus<br />

au cours de l'audience convoquée par-devant le Tribunal de céans, dès le 16 mai 2011:<br />

- la saisine du Tribunal de céans et sa compétence ratione temporis ont d'abord été contestées<br />

par C., F., R. et S.;<br />

- la qualité de partie plaignante de l'État de Genève a également été contestée par C., F., R. et<br />

S.;<br />

- la jonction des causes P/3409/2001 et P/12481/2001 a été à nouveau sollicitée par F.;<br />

- la réinstallation au dossier du procès-verbal des débats, arrêts interlocutoires compris, de la<br />

Cour correctionnelle ayant eu lieu du 4 octobre 2010 au 4 novembre 2010 a été demandée par<br />

C., F., R. et S.;<br />

- la récusation de l'expert R.B. a été demandée par R., lequel a par ailleurs conclu à l'apport de<br />

la procédure P/5609/2009, ouverte contre R.B. et J.-E.R. pour faux témoignage et violation du<br />

secret de fonction, et à l'annulation et au retrait de la procédure du rapport d'expertise du<br />

20 décembre 2006 et des procès-verbaux du juge d'instruction, relatifs à la discussion<br />

contradictoire de ce rapport, des 19, 20, 21, <strong>22</strong> et 23 mars 2007;<br />

- C., F., R. et S. ont demandé l'annulation et le retrait de la procédure du rapport d'expertise de<br />

D.S. du <strong>22</strong> février 2001, ainsi que de la mission d'expertise du 11 décembre 2000, des procèsverbaux<br />

d'instruction du 11 décembre 2000, des 18 et 23 mai 2001, 13 mars 2001, 31 mai<br />

2002 et 25 juin 2002, et du rapport de police du 6 décembre 2001; ils ont conclu,<br />

préalablement, à l'annulation et au retrait de la procédure de l'ordonnance de la <strong>Chambre</strong><br />

d'accusation du 4 octobre 2002, en tant que celle-ci prononçait l'annulation à partir du <strong>22</strong> juin<br />

2001 de tous les actes accomplis par l'expert D.S. ou ceux auxquels il avait participé;<br />

- les prévenus ont renouvelé, à titre préjudiciel, tout ou partie des réquisitions de preuves<br />

rejetées par l'ordonnance de la direction de la procédure du 14 avril 2011, notamment en<br />

demandant l'audition d'un certain nombre de témoins et, s'agissant de R. et de S., en<br />

demandant la saisie des procès-verbaux des séances du CB et du CA de la BCGE tenues à<br />

huis clos, ainsi que celle des notes manuscrites du chancelier Robert HENSLER, prises à<br />

l'occasion de réunions des délégations du CA et du Conseil d'État.<br />

b) Après avoir statué sur les diverses questions préjudicielles et autres incidents, puis donné<br />

l'occasion aux prévenus de s'exprimer librement sur l'ensemble de la procédure, le Tribunal<br />

correctionnel a interrogé C., D., F., R. et S., lesquels ont intégralement contesté les faits qui<br />

leur étaient reprochés:<br />

ba. C. a notamment indiqué avoir pris connaissance de l'acte d'accusation et ne pas se<br />

retrouver dans cette description. S'agissant des chiffres que ce document mentionnait, C. les<br />

avait repris et confrontés aux pièces du dossier, et les totaux auxquels il parvenait étaient<br />

complètement différents de ceux mentionnés dans l'acte d'accusation. En particulier, ce<br />

dernier ne faisait pas de distinction entre provisions et autres couvertures. Par ailleurs,<br />

P/3409/2001


- 38 -<br />

s'agissant de son activité sur les points concernés par l'acte d'accusation, il a indiqué avoir agi<br />

au plus près de sa conscience et en toute bonne foi, dans le respect des principes comptables.<br />

Il a ajouté que l'application des règles comptables était de la responsabilité de l'audit interne et<br />

externe, et aussi de la CFB, à partir du moment où le contrôle des banques cantonales avait<br />

été confié à cette dernière. C. n'avait jamais eu connaissance d'un rapport de l'une de ces trois<br />

instances émettant des réserves sur son travail. Dans une banque, quel que soit le niveau<br />

d'activité ou hiérarchique, il y avait toujours un contrôle. En ce qui le concernait, les organes<br />

de contrôle ne lui avaient jamais fait part du moindre souci. Pour C., Le travail avait été fait<br />

correctement., ce qui était par ailleurs attesté par une grande partie des pièces de la procédure.<br />

S'agissant du rapport d'expertise du 20 décembre 2006, C. considérait qu'il s'agissait d'une<br />

bonne expertise, mais uniquement sur un plan technique. Elle était incomplète pour trois<br />

raisons: il n'y avait pas d'approche du risque systémique et des conséquences de l'époque, les<br />

experts avaient omis de prendre en considération d'autres couvertures que les provisions<br />

(excès de fonds propres, réserves latentes, etc.) et, enfin, ils avaient suivi une approche<br />

suivant les ratings, approche entrée en vigueur postérieurement aux faits qui lui étaient<br />

reprochés, soit en 2005.<br />

Concernant la problématique du manque de provisions, C. a produit trois tableaux<br />

récapitulatifs de comparaison établis par ses soins, un par année de la période pénale, lesquels<br />

tenaient compte, selon ses dires, des autres couvertures. Il parvenait à la conclusion que, pour<br />

les exercices 1996 et 1997, les risques étaient couverts et que, pour l'exercice 1998, il y avait<br />

un manque de couvertures dans la mesure où, selon les prévisions, la valeur des garanties<br />

devenait insuffisante. Il a précisé que c'était ce manque de couvertures qui, notamment, avait<br />

conduit aux événements de 1999 et à la recherche de solutions globales d'assainissement.<br />

À propos de ce «manco» de 280 MF qu'il avait dégagé dans l'évaluation présentée au CB le<br />

5 novembre 1998 (2'001'600), C. a indiqué que cette insuffisance, qui n'était pas un manque<br />

de provisions, ne figurait pas dans les comptes de la Banque. C'était la raison pour laquelle il<br />

était prévu, dans la planification, d'utiliser 4 à 5 ans de cash flow pour le résorber. Il avait noté<br />

qu'il s'agissait d'un complément probable à constituer au fur et à mesure des assainissements.<br />

L'on devait donc prendre une des mesures possibles d'assainissement. D'une manière plus<br />

générale, C. se référait, à cet égard, aux explications qu'il avait données au CB le 5 novembre<br />

1998 (7'123'213).<br />

Pour la période de 1996 à 2000, C. a encore indiqué avoir repris tous les éléments du calcul et<br />

être arrivé à un reliquat positif de 214 MF, soit un surplus de provisions par rapport aux pertes<br />

effectivement enregistrées.<br />

S'agissant du tableau récapitulatif du 6 décembre 1996, sorti du programme Magic et relatif<br />

au département AS (7'425'034), l'ancien directeur général adjoint parvenait, par un calcul<br />

sommaire, à un total de pertes de 200 MF lié à des créances perdues (faillites, actes de défaut<br />

de biens, etc.). Il s'agissait de pertes effectives, devant être couvertes par des provisions, ce<br />

qui avait bien été le cas. Toutefois, pour C., cette liste devait être retraitée pour enlever les<br />

sociétés de portage, incluses dans la rubrique «**inexistant**», car celles-ci, bien que gérées<br />

P/3409/2001


- 39 -<br />

par le département AS, ne supportaient pas de risque en capital. Quant au solde, le risque<br />

devait être couvert à 50 %, y compris par d'autres couvertures que les provisions.<br />

Il avait à l'époque sorti une liste affinée dans ce sens et en avait fait la synthèse, laquelle<br />

figurait au dossier, soit le tableau du 3 décembre 1996 (2'000'276). Il avait expliqué pourquoi<br />

les sociétés de portage étaient incluses dans une rubrique qui comprenait un montant au titre<br />

des risques, même si la Banque considérait qu'elles ne supportaient pas de risque en capital. Il<br />

s'agissait précisément de la différence d'évaluation entre la valeur selon le principe de<br />

continuité d'exploitation et le principe de liquidation. Le tableau de synthèse incluait donc une<br />

estimation des risques à la valeur de liquidation.<br />

À la question de savoir comment il expliquait la diminution du poste «risques» de la rubrique<br />

«**inexistant**» du tableau Magic entre le listing du 6 décembre 1996 et celui du<br />

5 août 1997, C. a indiqué que G.V. serait plus à même de répondre. Il a cependant relevé que<br />

le total des positions et le total du nombre de comptes avaient augmenté en raison d'un<br />

arrivage de dossiers sensibles au Département AS et, d'autre part, qu'il y avait, dans le<br />

deuxième tableau, une rubrique «immeubles de tiers» pour 528 MF, rubrique qui n'était pas<br />

incluse dans le premier tableau.<br />

S'agissant du tableau tiré le 27 janvier 1998 (7'425'020), C. a indiqué qu'il y avait, là<br />

également, un nouvel arrivage de dossiers à risque au département AS, avec une<br />

augmentation du nombre de comptes visés et du montant total des positions visées.<br />

Concernant ce volet de l'acte d'accusation, l'ancien responsable a enfin confirmé, ainsi qu'il<br />

l'avait déclaré lors de la procédure d'instruction (2'013'405), que la politique d'évaluation des<br />

risques et des besoins en couvertures était une occupation qui ne lui prenait qu'un temps<br />

limité.<br />

À propos du chapitre de l'accusation consacré aux non-valeurs, C. a indiqué que les décisions<br />

en la matière avaient été prises en commun par F. et par lui-même. Cependant, ces nonvaleurs<br />

étaient comptabilisées et provisionnées. Il y avait donc un poste à l'actif et un poste<br />

correspondant au passif. Il a encore précisé que la comptabilisation de la perte s'effectuait dès<br />

réception du rapport de pertes émis par le gestionnaire.<br />

S'agissant des sociétés de portage, C. a répété que, selon son analyse, la Banque n'encourait<br />

qu'un risque de taux dans les opérations de portage. À propos de déclarations de certains<br />

«porteurs» selon lesquelles les prix de reprise dans les opérations de portage étaient<br />

surévalués, C. a indiqué qu'il s'agissait de leur opinion, pas de la sienne.<br />

bb. D. a indiqué, s'agissant du rôle du président du CA, qu'aucun des textes en vigueur dans la<br />

Banque ne lui attribuait une compétence spécifique, mise à part la supériorité hiérarchique<br />

vis-à-vis du chef de l'inspectorat. Le président n'avait même pas de voix prépondérante au<br />

sein du CA et du CB. Il a ajouté que le président était le porte-parole de la Banque vis-à-vis<br />

de l'extérieur, notamment des collectivités publiques et de la CFB. D. ne s'occupait en<br />

revanche pas du tout de ce qui était opérationnel, soit notamment du calcul des provisions et<br />

de l'estimation des risques.<br />

P/3409/2001


- 40 -<br />

S'agissant de la véracité des comptes de la Banque, D. a déclaré que, selon lui, les comptes<br />

1996 à 1998 reflétaient la situation financière réelle de la Banque. À tout le moins reflétaientils<br />

la situation telle qu'elle lui avait été présentée par la DG et par l'organe de révision, ou<br />

même telle qu'elle avait été présentée au CA par ces organes, auxquels lui-même et le CA<br />

faisaient par ailleurs confiance. Il a ajouté que l'estimation des risques et des besoins en<br />

provisions, qui n'était pas une science exacte, était une tâche dévolue à la DG ainsi qu'à<br />

l'organe de révision. Ce n'était pas le rôle du CA, qui n'en avait en tout cas pas les moyens.<br />

S'agissant en pratique des personnes habilitées à effectuer ces estimations, D. a indiqué que,<br />

en haut de la pyramide, la compétence pour fixer le montant des provisions relatif à un crédit<br />

était dévolue à C., en discussion avec F., dont l'un des traits de caractère était du reste de tout<br />

vouloir contrôler. Il a encore confirmé avoir toujours eu la conviction que ces provisions<br />

étaient suffisantes par rapport aux risques.<br />

S'agissant des décisions d'assainissement prises en 1999-2000, il n'était pas vrai de dire que<br />

c'était la CFB qui s'était emparée du problème. C'était le CA de la BCGE qui, au départ, avait<br />

pris la décision d'augmenter le capital social de la Banque et de réaliser certains actifs. La<br />

banque avait, par la suite, consulté le Conseil d'État en vue d'une telle augmentation de<br />

capital. C'était seulement au début de l'année 2000 que la CFB, sur le vu du business plan<br />

établi par la Banque, avait décidé qu'il était impératif de procéder à la défaisance des crédits<br />

compromis. Il s'agissait donc de renoncer au principe de continuité et de faire application du<br />

principe de liquidation.<br />

À propos du rapport d'expertise du 20 décembre 2006, D. a affirmé que, d'un point de vue<br />

général, il considérait que cette expertise ne concernait que marginalement le CA, dans la<br />

mesure où elle faisait principalement la critique du calcul des provisions et d'autres éléments<br />

techniques, qui n'étaient pas du ressort de cet organe.<br />

S'agissant de sa compréhension en matière de possibilité d'étaler les provisions, D. a déclaré<br />

que cet étalement dans le temps avait déjà été mentionné lors de la préparation de la fusion. Il<br />

en avait souvent été question, dans le cadre des discussions sur le principe de continuation<br />

qui, selon lui, incluait un tel étalement dans le temps. Pour l'ancien président, la méthode du<br />

blanc technique et son provisionnement à hauteur de seulement 50 % participaient d'une telle<br />

philosophie d'étalement dans le temps de l'assainissement. Or, cette méthode avait été<br />

clairement avalisée par la CFB.<br />

Concernant le recours aux sociétés de portage, D. a indiqué que les buts de la Banque étaient,<br />

d'une part, de libérer des fonds propres puisque, par ce mécanisme, le bien appartenait à un<br />

tiers, et, d'autre part, de remplacer un débiteur défaillant par quelqu'un choisi par la Banque,<br />

auquel cette dernière faisait confiance. La banque ne voulait pas remettre ces gages<br />

directement sur le marché, dans la mesure où leur prix de vente n'aurait atteint que des valeurs<br />

dérisoires. A. n'avait pas émis d'objection à l'égard des mécanismes de portage. La CFB, qui<br />

était également au courant de ces opérations de portage, n'avait pas non plus émis de réserve.<br />

La banque s'était posée la question de la consolidation de ces sociétés, étant précisé qu'une<br />

telle consolidation leur aurait fait perdre tout intérêt, notamment s'agissant des obligations de<br />

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- 41 -<br />

fonds propres. À cet égard, diverses opinions avaient été recueillies par la Banque, notamment<br />

sous la forme d'avis de droit émis par des juristes et avocats, ou auprès d'A.. La CFB avait<br />

donné spontanément son avis sur la question, et les responsables de la Banque étaient<br />

parvenus à la conclusion qu'une telle consolidation n'était pas nécessaire. En cas de<br />

conclusion contraire, la Banque aurait renoncé à la pratique du portage.<br />

D. a encore indiqué que le mécanisme du portage n'avait pas eu pour objectif de favoriser les<br />

débiteurs d'origine, étant précisé que, pour la plupart, il s'agissait de débiteurs récalcitrants<br />

que la Banque n'avait aucune envie d'avantager. Ce mécanisme n'avait pas non plus pour<br />

objectif de favoriser les porteurs. Il a répété que le but était de trouver une solution<br />

sauvegardant au mieux les intérêts de la Banque.<br />

Concernant le traitement, par la Banque, de certains dossiers de débiteurs importants, D. a<br />

relevé que l'on parlait à l'époque parfois, notamment dans la presse et au Grand Conseil, de<br />

«politique des petits copains». Afin de mettre un terme à ces rumeurs, il avait proposé de faire<br />

appel à quelqu'un de l'extérieur, en l'occurrence B.Z., pour le suivi de l'assainissement des<br />

grosses positions. C'est dans ce contexte que, en janvier 1999, le comité d'assainissement<br />

avait été créé, sous la présidence de B.Z. et avec la collaboration de C. et G.V. D. souhaitait,<br />

ce faisant, insister sur le fait que c'était toujours l'intérêt de la Banque qui primait, et non celui<br />

des débiteurs. Les rapports du comité d'assainissement avaient été discutés au CB, et ce<br />

dernier n'avait aucun élément lui permettant de penser que le suivi n'était pas effectué de<br />

manière adéquate.<br />

S'agissant des difficultés auxquelles était confrontée la BCGE, D. a déclaré, en substance,<br />

avoir tenu informé le pouvoir politique de la situation. Il a en particulier évoqué une note<br />

manuscrite figurant à la procédure (2'008'165), qui résumait un entretien qu'il avait eu le<br />

4 mars 1997 avec Olivier VODOZ. Cet entretien faisait suite à la présentation des comptes<br />

annuels, à une période proche des discussions que D. avait eues avec J.-D.B., lequel l'avait<br />

alerté sur les problèmes relatifs à l'évaluation des risques et des provisions, ainsi qu'avec la<br />

séance du CB du 20 février 1997, au cours de laquelle l'application du principe de continuité<br />

avait été confirmée. D. avait répercuté cette dernière décision à Olivier VODOZ, tout en lui<br />

évoquant différentes possibilités d'assainissement, notamment une solution de type<br />

Dezennium, dont avait parlé C.. En guise de réaction, son interlocuteur avait levé les bras au<br />

ciel en lui disant de faire au mieux, l'État n'étant pas en mesure d'aider la Banque.<br />

La lettre adressée par la CFB à A. le 26 mars 1996 ayant été évoquée (7'<strong>22</strong>0'076), D. a déclaré<br />

en avoir donné immédiatement connaissance au CB, lequel avait décidé d'attendre la fin des<br />

échanges entre son organe de révision externe et la CFB avant de transmettre ladite lettre au<br />

CA, ce qui avait été finalement fait en <strong>juillet</strong> 1996.<br />

S'agissant de la distribution de dividendes, D. a précisé que les collectivités publiques avaient<br />

toujours insisté pour que des dividendes leur fussent servis. Il eût certes été possible de dire<br />

que la Banque ne servirait pas de dividendes l'une ou l'autre année. Cependant, la pression<br />

était importante, et les responsables redoutaient également les conséquences négatives sur la<br />

confiance du public, qui aurait pu se manifester notamment par des retraits massifs de dépôts.<br />

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- 42 -<br />

L'ancien président du CA a encore rappelé que la CFB avait toujours donné son aval à la<br />

distribution des dividendes.<br />

bc. F. a indiqué, s'agissant du rapport d'expertise du 20 décembre 2006, qu'il ne le trouvait pas<br />

sérieux. En effet, les experts n'avaient pas examiné un seul dossier de crédit. Ce nonobstant,<br />

ils reprochaient aux prévenus de ne pas avoir assez tenu compte de la situation particulière de<br />

chaque débiteur. Par ailleurs, les experts ne faisaient pas de différence entre un acte de défaut<br />

de biens et un certificat d'insuffisance de gages.<br />

S'agissant du volet de l'accusation relatif à l'insuffisance du provisionnement, F. a d'abord<br />

contesté le calcul des experts relatif à l'exercice 1996. Il expliquait que la différence de 444<br />

MF entre les listes Magic de 1996 et le résultat auquel parvenaient les experts par le fait que<br />

les premières comprenaient les sociétés de portage, même si ces dernières ne devaient plus<br />

figurer dans les crédits à risques. Par ailleurs, tous les immeubles gérés par le département AS<br />

n'avaient pas nécessairement besoin d'une provision. Enfin, F. a rappelé qu'un déficit de<br />

provisions du montant précité ne signifiait pas encore un défaut de couverture des risques,<br />

dans la mesure où la Banque bénéficiait d'un surplus de fonds propres, du capital réservé, des<br />

réserves latentes et des swaps. S'agissant des exercices 1997 et 1998, F. faisait la même<br />

réponse, à savoir que la couverture des risques était suffisante et qu'il ne fallait pas seulement<br />

prendre en compte les provisions. Il pensait qu'il y avait eu, à cet égard, une mauvaise<br />

interprétation de la part des experts. Ce n'était qu'en 1999 que la Banque avait eu un<br />

problème.<br />

F. a encore indiqué que, entre 1996 et 1998, les responsables de la Banque avaient toujours eu<br />

le sentiment que les couvertures couvraient les risques. Il a précisé qu'après avoir prévenu la<br />

CFB que, si elle exigeait davantage, il devrait lui apporter les «clefs de la Banque», les<br />

représentants de ladite commission n'avaient plus abordé ce sujet. Il était néanmoins évident<br />

pour l'ancien directeur général que la CFB aurait souhaité que la Banque possède 200 MF de<br />

provisions supplémentaires. À cet égard, F. a ajouté que, lors de sa rencontre à la fin du mois<br />

d'octobre 1998 avec Micheline CALMY-REY, il avait annoncé que, même si les différentes<br />

couvertures paraissaient suffisantes à couvrir les risques pour les responsables de la Banque,<br />

ces derniers se seraient toutefois sentis plus à l'aise avec 300 MF de provisions<br />

supplémentaires. Micheline CALMY-REY en avait seulement pris acte.<br />

À propos des dossiers STÄUBLI et GARDY, F. a indiqué que les chiffres mentionnés dans<br />

l'acte d'accusation étaient erronés, car ces débiteurs se trouvaient déjà inclus dans les listes de<br />

C. ainsi que dans le rapport de solvabilité d'A.. Il a précisé que le dossier STÄUBLI était resté<br />

assez longtemps à la division commerciale avant d'être transféré au département PME, où il a<br />

avait été géré par un collaborateur spécifique. Il ne savait pas à quel moment ce dossier avait<br />

été enregistré dans le listing Magic. Pour le dossier GARDY, F. ne se souvenait pas non plus<br />

si et à quel moment ce dossier avait été enregistré dans ledit logiciel.<br />

S'agissant du chapitre de l'acte d'accusation consacré aux non-valeurs, F. a déclaré que ces<br />

dernières étaient provisionnées à 100% et précisé que cette solution, qui permettaient de<br />

conserver ces non-valeurs au bilan moyennant un besoin complémentaire de fonds propres de<br />

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- 43 -<br />

2%, leur avait paru une solution acceptable. Elle permettait de mieux suivre le débiteur dans<br />

la mesure où le crédit restait au bilan. En outre, cela participait de la volonté de certains<br />

administrateurs de garder un matelas de provisions proche du milliard de francs, d'une part<br />

pour la valeur symbolique du chiffre, et d'autre part parce qu'une diminution aurait pu être mal<br />

interprétée par l'opinion publique.<br />

S'agissant de la pratique du portage, l'ancien directeur général a déclaré que les entités de<br />

portage ou de mise en valeur existaient déjà, à plus petite échelle, à la CEG. C'était B.M.,<br />

juriste de formation et directeur à l'époque du département AS, qui avait proposé cette<br />

construction. Cette solution avait été adoptée non pas pour éviter la constitution de provisions,<br />

mais afin d'économiser des fonds propres et d'éviter de mettre ces objets en vente à pertes, en<br />

l'absence de tout marché immobilier. F. s'était assuré que ce procédé était possible,<br />

notamment s'agissant de l'absence d'obligation de consolidation. La banque était ainsi arrivée<br />

à la conclusion qu'il n'y avait plus de risque en crédit, mais uniquement un risque de taux. F. a<br />

ajouté que les contrats, avec les avantages conférés aux différents porteurs, avaient également<br />

été avalisés par des juristes internes et externes ainsi que par les autorités de la Banque.<br />

Il a également souhaité rappeler d'une part que la décision de la revente appartenait à la<br />

Banque, ce qui démontrait que le but était d'attendre des temps meilleurs, et, d'autre part, que<br />

ces opérations de portage avaient été portées à la connaissance de la CFB.<br />

Concernant l'activité du comité d'assainissement mis en place en 1999 sous la présidence de<br />

B.Z., F. a indiqué que la DG avait dû en anticiper les effets négatifs car, dès ses premières<br />

réunions, ledit comité avait décidé de pratiquer un assainissement en utilisant souvent des<br />

moyens directs tels que des mises aux poursuites ou des ventes de gages. Or, ce type de<br />

procédure constituait un mode de liquidation qui appelait à la constitution de provisions ou de<br />

fonds propres complémentaires, dans la mesure où, s'agissant par exemple des crédits<br />

hypothécaires, la vente prévisible du gage à perte exigeait de passer d'un provisionnement de<br />

50% du blanc technique à un provisionnement total de ce dernier. Ces effets de la commission<br />

d'assainissement constituaient, avec notamment la diminution du cash flow en regard des<br />

prévisions, l'une des causes qui avaient conduit à l'émergence du problème survenu en 1999.<br />

Enfin, à propos de la manie du secret qui lui était imputée par certains participants à la<br />

procédure, F. a contesté avoir eu un sens du secret allant au-delà de ce qu'exigeait la loi en<br />

matière de discrétion bancaire. Il a rappelé qu'au sein de la Banque, l'information circulait.<br />

S'agissant d'informations sensibles, il était vrai qu'il avait fait preuve d'une certaine prudence,<br />

dans la mesure où, pratiquement depuis les débuts de la Banque, des fuites avaient eu lieu<br />

dans la presse. À la question de savoir si les provisions étaient acceptées par le CB dossier par<br />

dossier, l'ancien directeur général a répondu par la négative. Il a toutefois précisé que cet<br />

organe traitait tous les dossiers importants, qu'il était mis au courant des décisions prises au<br />

niveau du comité des crédits ainsi que de la DG, et que ses membres posaient des questions.<br />

S'agissant des gestionnaires, il était exact qu'ils ne connaissaient pas le montant du<br />

provisionnement des crédits qui leur étaient confiés. F. a indiqué que le but était d'éviter qu'ils<br />

ne se reposassent sur un «oreiller de paresse» en considérant que le dossier était déjà<br />

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- 44 -<br />

provisionné et qu'il n'y avait, dès lors, pas besoin de faire d'effort pour essayer de récupérer<br />

les créances ou valoriser les gages.<br />

bd. R. a indiqué, en substance, que la révision, comme l'évaluation des risques, n'étaient pas<br />

une science exacte. Elles relevaient de l'estimation, et devaient s'appuyer sur une méthode<br />

permettant d'obtenir un résultat raisonnable et justifiable, notamment sur le plan économique.<br />

S'agissant de son rôle lors des séances de revue des besoins en provisions avec F., C. et S., R.<br />

a déclaré que lesdites séances servaient plus à la formalisation, ainsi qu'à la discussion de<br />

l'environnement économique et bancaire et de l'évolution des marchés. Il n'avait pas souvenir<br />

de discussions ou de divergences à propos de montants importants. Avant la signature du<br />

rapport de révision, il procédait à la lecture du résultat des travaux de l'équipe de révision et<br />

avait des discussions régulières avec S. à ce sujet. Il lui était également arrivé de reprendre les<br />

chiffres un par un. Il a précisé avoir opéré de la même manière pour tous les mandats de<br />

révision dont il assurait la supervision.<br />

R. a déclaré que, pour lui, les comptes 1996 à 1998 de la BCGE représentaient la situation<br />

réelle de la Banque, et précisé que, si tel n'avait pas été le cas, il n'aurait pas signé les rapports<br />

de révision. Le volume des crédits à risques représentait 6'000 MF environ, dont environ<br />

1'800 MF de crédits compromis. La provision arrêtée par la Banque, soit environ 1'000 MF,<br />

leur paraissait suffisante pour faire face à ces risques avérés et probables.<br />

À la question de savoir si la Banque avait effectivement étalé des provisions entre 1996 et<br />

1998, R. a répondu par la négative et précisé qu'il n'avait pas eu connaissance d'une telle<br />

volonté. Il a par ailleurs indiqué s'être souvenu qu'à plusieurs reprises, la CFB avait permis un<br />

tel étalement à certains établissements bancaires, pour leur permettre de «respirer». À cet<br />

égard, il a indiqué faire référence à un courrier figurant à la procédure et qui concernait la<br />

BHCG.<br />

Concernant l'expertise judiciaire, R. a indiqué avoir deux critiques principales. En premier<br />

lieu, il en contestait les conclusions dans la mesure où les experts n'avaient pas examiné les<br />

dossiers de crédit. Dans de telles conditions, il était impossible de déterminer quelles<br />

provisions étaient nécessaires, étant précisé que les experts n'avaient par ailleurs pas tenu<br />

compte de l'environnement économique à chaque fin d'année. En deuxième lieu, s'agissant des<br />

sociétés de portage, R. contestait les critiques relatives à l'absence de consolidation et de<br />

provisionnement. Ces portages avaient en particulier été commentés dans les rapports de<br />

révision et de solvabilité 1997, 1998, 1999 et dans les lettres de mai 2000 et novembre 2000,<br />

adressées à la CFB. Cette dernière était ainsi parfaitement informée de la situation et n'avait<br />

pas émis d'exigence particulière à cet égard.<br />

S'agissant de la problématique relative à l'évaluation des provisions, R. a encore relevé qu'à<br />

l'époque des faits, il n'y avait pas de référentiel en la matière. A. avait alors considéré qu'il<br />

appartenait à la CFB de fournir à l'ensemble des acteurs, banques et réviseurs, un tel<br />

référentiel. A. avait, du reste, eu de nombreux échanges à cet égard avec F.T. et avec la CFB<br />

en général. R. a indiqué s'être exprimé à l'instruction plus spécifiquement sur ce problème<br />

(2'007'160 ss et 2'014'634 ss).<br />

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- 45 -<br />

À propos du mandat relatif à la BCGE confié à A., R. a tout d'abord indiqué qu'il avait<br />

toujours eu l'impression que ce mandat était exercé vis-à-vis de la Banque en toute<br />

indépendance. Il n'y avait pas eu de régime particulier appliqué à cet établissement, ni de<br />

pression ou de demande des organes de la Banque pour que le réviseur externe allât dans un<br />

sens ou un autre. R. a ajouté qu'il n'avait pas non plus reçu de telle demande ou subi de<br />

pression de la part de sa propre hiérarchie.<br />

S'agissant de l'importance de ce mandat pour la fiduciaire, l'ancien superviseur a déclaré que<br />

les mandats de révisions des banques cantonales romandes, soit celles des cantons de Vaud,<br />

Valais et Genève, et a fortiori de la seule BCGE, représentaient une part modeste du chiffre<br />

d'affaires d'A. pour la Suisse romande. Ainsi, pour l'année 1996, le total de ces trois mandats<br />

représentait 3,25 % du chiffre d'affaires romand, lequel représentait lui-même environ 30 %<br />

du chiffre d'affaires suisse d'A..<br />

D'un point de vue personnel, R. a indiqué avoir exercé la fonction de colleague partner au<br />

sein d'A. Son activité principale était la responsabilité de la direction et de la coordination<br />

d'A. en Suisse romande. Durant les années 1990, son time sheet annuel était situé entre 2'300<br />

et 2'700 heures. Sur ce total, il a déclaré avoir consacré quelque 180 heures au mandat BCGE<br />

au cours de la période ayant suivi la fusion, son activité s'étant réduite à quelques dizaines<br />

d'heures en 1998. Ce nombre d'heures était à sons sens suffisant pour s'acquitter de ses tâches<br />

de supervision et de représentation.<br />

S'agissant de la rémunération en rapport avec le mandat de révision de la BCGE, il a indiqué<br />

que le second n'avait aucune influence sur la première, de sorte que S. et lui-même n'avaient<br />

aucun intérêt à valider des comptes faux. R. a précisé que sa rémunération était divisée en<br />

deux parts, une part fixe qui représentait 85 % à 90 % de son salaire, et une part variable qui<br />

représentait 10 % à 15 %, laquelle dépendait du chiffre d'affaires et du résultat ordinaire du<br />

groupe suisse. La perte du mandat de la BCGE n'aurait ainsi eu, selon l'ancien superviseur,<br />

aucune ou très peu d'influence sur sa rémunération.<br />

be. S. a indiqué, en substance, qu'il considérait que les comptes certifiés par les réviseurs<br />

étaient justes et que les provisions constituées à chaque fin d'exercice étaient adéquates. En<br />

1996, 1997 et 1998, les réviseurs n'avaient pas estimé nécessaire d'émettre de réserves dans le<br />

rapport de révision. La détermination des provisions, comme la révision en général, n'étaient<br />

pas des sciences exactes. Le calcul des provisions se faisait à un moment donné, tandis que<br />

l'analyse du risque était prospective, avec des recherches de tendances à plus ou moins long<br />

terme.<br />

Selon lui, le rôle du réviseur était de contrôler les comptes, mais pas d'établir ces derniers. Il<br />

s'agissait de vérifier, au plus près de sa conscience et des textes régissant cette profession, les<br />

chiffres fournis par la Banque. Un réviseur ne procédait à aucun acte de gestion, et les organes<br />

de la Banque ne lui avaient jamais demandé une telle chose, étant précisé que lui-même s'était<br />

toujours cantonné à son rôle.<br />

Concrètement, la révision avait été opérée par sondage, sondage dont le taux était évidemment<br />

beaucoup plus élevé dans les trois départements à risque de la Banque (AS, PME et<br />

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- 46 -<br />

juridique). Pour les crédits non sondés, il fallait faire un contrôle de plausibilité, ou<br />

extrapolation. Contrairement à ce qui avait été retenu par les experts, S. estimait que cette<br />

extrapolation avait été faite.<br />

S'agissant encore de l'expertise, plus particulièrement de l'affirmation des experts selon<br />

laquelle les montants de provisions retenus dans les papiers de travail de l'équipe de révision<br />

étaient systématiquement supérieurs à ceux finalement retenus, S. a indiqué penser qu'il y<br />

avait une confusion. Il contestait d'abord tout sous-provisionnement et relevait, en tout état de<br />

cause, que les experts n'avaient du reste jamais affirmé qu'un tel sous-provisionnement aurait<br />

été intentionnel. Selon l'ancien réviseur responsable, les chiffres de l'équipe de travail<br />

correspondaient par ailleurs à un niveau de risques, et non pas à un niveau de provisions. S. a<br />

indiqué qu'il prenait les papiers contenant ces chiffres, récoltait toutes les informations<br />

complémentaires puis s'entretenait avec C., ensuite de quoi il déterminait le niveau de<br />

provisions, soit le chiffre que l'on retrouvait dans les projets, puis dans les rapports d'A.. Il a<br />

ajouté qu'il pouvait y avoir des pratiques différentes suivant le niveau d'expérience des<br />

réviseurs de l'équipe, précisant que les réviseurs expérimentés allaient jusqu'à indiquer<br />

directement un montant de provisions, tandis que les jeunes s'en tenaient généralement au<br />

montant du risque.<br />

S. a précisé avoir indiqué, en 1996, qu'il serait bien d'avoir 200 MF de provisions en plus, et<br />

fait référence à cet égard à une note de F.T. du 18 juin 1996 (7'<strong>22</strong>0'045). Il en avait fait de<br />

même en 1997 et en 1998, année au cours de laquelle il parlait même d'un supplément de 300<br />

MF. En 1999, les réviseurs externes avaient indiqué qu'il serait nécessaire de constituer à<br />

terme 400 MF à 600 MF de provisions. Le Secrétariat de la CFB était d'accord avec ce<br />

principe. Le niveau de risque, au fil des années, avait migré et les réviseurs avaient en<br />

conséquence estimé nécessaire d'augmenter le taux de provisionnement.<br />

À la question de savoir s'il avait été surpris par la décision de la CFB, en 2000, d'exiger de<br />

manière immédiate l'apport de 500 MF dans les comptes en 1999, S. a répondu avoir été très<br />

surpris, notamment par rapport à la position adoptée par le Secrétariat, soit d'attendre<br />

l'automne 2000, après l'augmentation du capital, pour passer les provisions en cause.<br />

Enfin, S. a confirmé qu'il n'avait pas eu connaissance d'une volonté au sein de la Banque<br />

d'étaler les provisions.<br />

À propos de son activité personnelle dans le cadre du mandat lié à la BCGE, S. a indiqué<br />

qu'elle avait comptabilisé entre 400 et 600 heures par année. Sur ce total, il estimait que la<br />

consolidation des travaux de l'équipe de révision ainsi que les travaux allant jusqu'à la fixation<br />

des besoins en provisions lui prenaient environ deux semaines de travail, soit 80 heures.<br />

S'agissant de sa rémunération moyenne au sein d'A. durant les années relatives au mandat<br />

BCGE, l'ancien réviseur responsable a indiqué qu'elle était de l'ordre de CHF 250'000.-, dont<br />

20% de partie variable environ. Cette part variable était calculée sur la base des résultats d'A.<br />

Suisse et Suisse romande, ainsi que sur une estimation de ses performances par ses supérieurs.<br />

À l'époque, il était difficile de trouver suffisamment d'experts-comptables diplômés par<br />

rapport au nombre de mandats dont A. avait la gestion, de sorte que, en cas de perte du<br />

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- 47 -<br />

mandat BCGE, S. n'aurait certainement pas perdu son emploi, pas plus qu'il n'aurait dû subir<br />

de pertes en termes de rémunération.<br />

c) Le Tribunal correctionnel a par ailleurs procédé à l'audition, entre les 26 mai et 6 <strong>juillet</strong><br />

2011:<br />

- de B.G., organe de la BCGE, en qualité de personne appelée à donner à renseignements;<br />

- de François LONGCHAMP, organe de l'État de Genève, en qualité de personne appelée à<br />

donner des renseignements;<br />

- d'anciens membres du CA et, pour certains, du CB de la BCGE: G.B., G.-A.C., G.D., D.L.,<br />

P.-A.L., E.M., D.P. et P.-E.S., en qualité de témoins;<br />

- d'anciens employés et responsables de la Banque: D.B., E.F., A.F., G.G., P.La., G.-H.S.,<br />

G.V. et T.Z., en qualité de témoins;<br />

- de «porteurs» ou animateurs de sociétés de portage ou de mise en valeur: P.D. et A.P., en<br />

qualité de témoins;<br />

- d'anciens conseillers d'État: Alain BORNER, Guy-Olivier SEGOND et Oliver VODOZ, en<br />

qualité de témoins;<br />

- de F.T., responsable à l'époque des faits de la surveillance de la BCGE auprès du Secrétariat<br />

de la CFB, en qualité de témoin;<br />

- de A.-B.L., ancien président de la fondation de valorisation, en qualité de<br />

témoin;<br />

- de R.P., en qualité de témoin, lequel était intervenu, dans le cadre la fusion de la CEG et de<br />

la BHCG, afin de déterminer les modalités des paramètres d'échange entre les deux banques<br />

et d'en discuter avec les présidents et les directeurs de celles-ci;<br />

- de témoins de moralité, notamment: R.Bc., Y.C., M.-C.D., J.-F.D., B.D., M.F., T.G., B.H.,<br />

R.-M.L., H.L., M.S., M.So. et U.W., en qualité de témoins.<br />

M. À l'issue de l'audience convoquée par le Tribunal correctionnel, les parties ont pris<br />

les conclusions citées en en-tête du présent jugement.<br />

N. S'agissant de la situation personnelle des prévenus:<br />

a) C. est âgé de ______.<br />

(…).<br />

b) D. est âgé de ______.<br />

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(…).<br />

c) F. est âgé de ______.<br />

(…).<br />

d) R. est âgé de ______.<br />

(…).<br />

e) S. est âgé de ______.<br />

(…).<br />

- 48 -<br />

O. Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, aucun des prévenus ne possède d'antécédent<br />

judiciaire.<br />

EN DROIT<br />

1. Il convient tout d'abord d'examiner les questions préjudicielles soulevées par les<br />

parties.<br />

1.1. La première question, soulevée par C., F., R. et S., concerne la compétence du<br />

Tribunal et la validité de sa saisine.<br />

À partir du 1 er janvier 2011, le code de procédure pénale [genevois], du 29 septembre 1977<br />

(anc. E 4 20; CPP-GE) n'était plus en vigueur, conformément à l'art. 86 lit. b de la loi<br />

d’application du Code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale, du 27 août<br />

2009 (E 4 10; LaCP). Il ne peut désormais plus être applicable que par renvoi du code de<br />

procédure pénale suisse, du 5 octobre 2007 (RS 312.0; CPP), entré en vigueur le même 1 er<br />

janvier 2011.<br />

L'art. 448 al. 1 CPP, disposition transitoire générale, prévoit que les procédures pendantes au<br />

moment de l’entrée en vigueur du présent code se poursuivent selon le nouveau droit, à moins<br />

que les dispositions qui suivent n'en disposent autrement.<br />

Selon l'art. 450 CPP, lorsque les débats de première instance ont été ouverts avant l’entrée en<br />

vigueur du présent code, ils se poursuivent selon l’ancien droit devant le tribunal de première<br />

instance compétent jusqu’alors. Il s'agit dès lors de savoir si les débats ont bien été ouverts au<br />

sens de cette disposition, de par la tenue d'une audience de Cour correctionnelle avec jury<br />

dans la présente cause du 4 octobre au 3 novembre 2010, soit à une date précédant l'entrée en<br />

vigueur du CPP le 1 er janvier 2011.<br />

Si, selon une frange minoritaire de la doctrine (Franz RIKLIN, StPO Kommentar, Zurich<br />

2010, par. 1 ad art. 450 CPP), l'ouverture des débats correspond à la date de la transmission de<br />

l'affaire au tribunal du fond, soit au renvoi dans le cas d'une Cour correctionnelle genevoise<br />

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- 49 -<br />

(l'équivalent de l'art. 328 CPP), la doctrine largement majoritaire précise que ce vocable<br />

correspond à l'ouverture de l'audience de jugement devant le tribunal du fond, soit l'équivalent<br />

dans le nouveau droit de l'art. 339 al. 1 CPP (Niklaus SCHMID, Übergangsrecht der<br />

Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), Zurich 2010, par. 217 [qui corrige à cet égard<br />

des passages imprécis de ses précédents ouvrages]; Viktor LIEBER, in Andreas DONATSCH<br />

/ Thomas HANSJAKOB / Viktor LIEBER [éd.], Kommentar zur schweizerischen<br />

Strafprozessordnung (StPO), Zurich 2010, par. 2 ad art. 450 CPP; Renate PFISTER-<br />

LIECHTI, in André KUHN / Yvan JEANNERET [éd.], Code de procédure pénale suisse -<br />

Commentaire romand, Bâle 2010, par. 2, 8 et 9 ad art. 450 CPP; Max HAURI,<br />

Übergangsrecht, in Brigitte TAG / Max HAURI [éd.], Schweizerische Strafprozessordnung -<br />

ausgewählte Aspekte aus Zürcher Sicht, Zurich 2010, 191-199, 194). Cette solution<br />

correspond au texte clair de la loi, et à l'option générale du droit transitoire de favoriser<br />

l'application aussi rapide que possible du nouveau droit (Message CPP, FF 2006 1334). Dans<br />

son arrêt rendu sur le sujet dans la présente cause, le Tribunal fédéral l'a ainsi confirmée,<br />

estimant que «suivant le texte clair de [l'art. 450 CPP], l'élément décisif pour déterminer la<br />

question du droit applicable, respectivement celle de l'autorité compétente pour en traiter dès<br />

le 1 er janvier 2011, n'est pas la saisine du tribunal de première instance mais le fait que des<br />

débats étaient déjà ouverts à cette date» (ATF 1B_7/2011 du 14 janvier 2011, cons. 2.1).<br />

La question de l'ouverture des débats doit s'apprécier à la lumière du droit de procédure (et le<br />

cas échéant d'organisation judiciaire) applicable avant le 1 er janvier 2011 (Message CPP,<br />

FF 2006 1335), soit en l'espèce le CPP-GE et la loi sur l'organisation judiciaire, du<br />

<strong>22</strong> novembre 1941 (aE 2 05; aLOJ).<br />

En droit genevois, l'ouverture des débats était prévue par l'art. 281 al. 1 CPP-GE.<br />

Conformément à l'art. 280 al. 2 CPP-GE, les débats n'étaient ouverts qu'une fois l'affaire<br />

convoquée, la cause appelée, et la question d'un éventuel renvoi de l'audience tranchée par la<br />

Cour après audition des parties sur ce point (ACJP/53/2011 du 7 mars 2011, cons. 3.3; Renate<br />

PFISTER-LIECHTI, in André KUHN / Yvan JEANNERET [éd.], Code de procédure pénale<br />

suisse - Commentaire romand, Bâle 2010, par. 6 ad art. 450 CPP).<br />

Dans le cas d'espèce, l'ouverture des débats a été formellement prononcée par le Président de<br />

la Cour correctionnelle avec jury en octobre 2010. Au vu toutefois de la récusation dudit<br />

Président par décision du plenum de la Cour de justice du 3 novembre 2010, on doit se<br />

demander si cet acte de procédure était valable.<br />

Le droit genevois de procédure et d'organisation judiciaire, s'il était précis sur les causes de<br />

récusation des juges (art. 84 à 93 aLOJ) et la procédure de récusation proprement dite (art. 96<br />

à 100 aLOJ), ne disait en revanche rien sur les conséquences de la récusation d'un juge,<br />

notamment quant aux actes de procédure déjà effectués.<br />

Il s'agit sans doute aucun d'une lacune proprement dite de la loi. Selon la jurisprudence du<br />

Tribunal fédéral, «l'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune. Une<br />

lacune authentique (ou lacune proprement dite) suppose que le législateur s'est abstenu de<br />

régler un point qu'il aurait dû régler et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de<br />

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- 50 -<br />

l'interprétation de la loi. Si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation<br />

qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un<br />

silence qualifié» (ATF 136 III 96 cons. 3.3; 132 III 707 cons. 2; 131 II 562 cons. 3.5). Dans le<br />

cas d'espèce, on doit admettre que le texte des lois pertinentes ne donne aucune solution, et<br />

que par ailleurs le sort des actes de procédure déjà effectués par un juge récusé doit<br />

impérativement être réglé d'une manière ou d'une autre, sans pouvoir être laissé en suspens.<br />

Conformément à cette seconde constatation, on ne saurait admettre en l'espèce un silence<br />

qualifié du législateur, quand bien même ce dernier n'a pas donné suite à une proposition du<br />

Conseil d'État de régler le problème. En effet, dans le cadre de l'adaptation du droit cantonal à<br />

la nouvelle partie générale du Code pénal, le projet de loi (PL) 9846 prévoyait d'insérer un<br />

nouvel art. 100 al. 4 dans la (a)LOJ, la première phrase de l'alinéa ayant la teneur suivante:<br />

«Dans la mesure où ils ont été accomplis postérieurement à la naissance de la cause de<br />

récusation, les actes de procédure auxquels a participé un juge dont la récusation est<br />

prononcée sont annulés» (MGC 2005-2006/VIII A 6528). Dans l'exposé des motifs, le<br />

Conseil d'État indiquait du reste clairement qu'il s'agissait de remédier à une lacune du droit<br />

positif (MGC 2005-2006/VIII A 6539). Le fait que la commission parlementaire ait estimé<br />

qu'il s'agissait là d'une adaptation de la législation genevoise non pas au code pénal, mais à la<br />

loi sur le Tribunal fédéral, et que cette dernière adaptation pouvait attendre (PL 9846-A, 7 et<br />

10; MGC 2005-2006/XII A 11130 et 11133), ne peut donc pas équivaloir à un silence qualifié<br />

du législateur sur le point des conséquences d'une récusation, point qui doit nécessairement<br />

trouver une solution dans l'ordre juridique.<br />

Il convient dès lors de combler cette lacune du texte légal. Selon la doctrine et la<br />

jurisprudence valables sous l'ancien droit, la conséquence d'une récusation devait être la<br />

nullité ou tout au moins l'annulabilité des actes de procédure déjà effectués (ATF 119 Ia 13,<br />

cons. 3a; Gérard PIQUEREZ, Traité de procédure pénale suisse, Zurich 2006, par. 386 et<br />

Procédure pénale suisse, 2007, n°362, p. 254s; Robert HAUSER / Erhard SCHWERI / Karl<br />

HARTMANN, Schweizerisches Strafprozessrecht, Bâle 2005, chap. 31.7, p. 120); dans le cas<br />

de l'annulabilité, une demande d'annulation pouvait émaner de chacune des parties, et non<br />

seulement de la partie ayant préalablement demandé la récusation (Yves DONZALLAZ, Loi<br />

sur le Tribunal fédéral - Commentaire, Berne 2008, § 660 ad. art. 38; Jean-François<br />

POUDRET, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, Vol. 1, Berne 1990,<br />

ch. 3.3 ad art. 28 et les références citées) – ce qui est logique puisque toutes les parties ont un<br />

droit égal au juge naturel et sont concernées par les conséquences du déport du juge en charge<br />

de leur affaire. Par ailleurs, les nouvelles lois de procédure fédérales (art. 34 à 38 al. 1 de la<br />

loi sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 – RS 173.110 – LTF; art. 51 al. 1 du Code de<br />

procédure civile, du 19 décembre 2008 – RS 272 – CPC; et art. 60 al. 1 CPP), dans lesquelles<br />

le législateur fédéral a sciemment adopté des dispositions similaires en matière de récusation<br />

(Message CPP, FF 2006 1125 s.), prévoient toutes trois l'annulabilité des actes, dans des<br />

délais cependant légèrement différents.<br />

En l'espèce, la récusation du juge ayant présidé la Cour correctionnelle a été ordonnée par<br />

décision du 3 novembre 2010. Le Président de la Cour de justice a, quelques jours plus tard,<br />

imparti aux parties un délai au 18 novembre 2010 pour présenter des observations, en<br />

particulier sur les effets qu'elles considéraient devoir être attribués à la récusation précitée. À<br />

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- 51 -<br />

cet égard, tant la Banque cantonale de Genève que l'État de Genève et le Ministère public ont<br />

conclu, dans leurs observations, à ce que la nullité de tous les actes accomplis par le Président<br />

de la Cour correctionnelle ou avec sa participation soit constatée, subsidiairement à ce qu'ils<br />

soient annulés.<br />

À la lumière de ce qui précède, il se justifie, dès lors que trois des parties à la procédure ont<br />

demandé, dans le délai qui leur a été imparti – et en l'absence de délai légal sur ce point – de<br />

considérer l'ensemble des actes accomplis par le Président récusé comme nuls ou, à tout le<br />

moins, annulés. La question de savoir plus précisément si ces actes étaient nuls ou annulables<br />

importe au demeurant peu, dans la mesure où, dans tous les cas, la demande de récusation,<br />

déposée le 11 août 2010, l'a été antérieurement au second tirage au sort du jury opéré le<br />

8 septembre 2010. Le Tribunal retiendra ainsi que l'intégralité des actes accomplis en leur<br />

temps par J.D., Président de la Cour correctionnelle, et postérieurs au premier tirage au sort<br />

du jury, doit être considérée comme dépourvue de toute validité, et donc comme non avenue.<br />

Dans cette mesure, le Président de la Cour correctionnelle précité n'a pas valablement ouvert<br />

les débats qui devaient se tenir devant cette juridiction dès le 4 octobre 2010. Dès lors, les<br />

débats n'ayant pas été ouverts devant la Cour correctionnelle, ceux-ci ne peuvent pas se<br />

poursuivre devant la Cour correctionnelle (art. 450 CPP a contrario).<br />

Par conséquent, en application de l'art. 448 al. 2 CPP, le nouveau droit de procédure<br />

s'applique à la présente cause.<br />

À toutes fins utiles, il sera encore relevé que le droit d'être jugé par un jury populaire ne fait<br />

pas partie des garanties couvertes par les instruments internationaux de protection des droits<br />

fondamentaux, ainsi que cela ressort en particulier de la jurisprudence de la Cour européenne<br />

des droits de l'homme (DCEDH Klimentyev c. Russie, 46503/99, du 17 septembre 2002,<br />

par. 4) et, en son temps, de la Commission (X. et Y. c. Irlande, 8299/78, DR <strong>22</strong> 75, par. 18-19<br />

p. 97) à propos de la CEDH, ainsi que celle du Comité des droits de l'homme des Nations<br />

Unies (Wilson c. Australie, décision du 1 er avril 2004, CCPR/C/80/D/1239/ 2004, par. 4.4) au<br />

sujet du Pacte II ONU.<br />

S'agissant de la saisine du Tribunal de céans, la saisine du Tribunal correctionnel s'effectue<br />

selon le CPP par le dépôt au Tribunal pénal d'un acte d'accusation au sens des art. 325 et 326<br />

CPP, ce qui crée la «litispendance» au sens de l'art. 328 CPP.<br />

Du 31 août au 31 décembre 2010, l'art. 162 ch. 25 aLOJ, institué par la loi 10681 du 2 <strong>juillet</strong><br />

2010, prévoyait la possibilité de saisir le Tribunal pénal par anticipation en transmettant l'acte<br />

d'accusation au Tribunal de police, alors section du Tribunal de première instance. La novelle<br />

en question ne prévoyait en revanche pas expressément la procédure à suivre pour le transfert<br />

d'un tribunal de jugement à un autre dans le cas où le premier ne parvenait pas à purger sa<br />

saisine avant l'entrée en vigueur du CPP.<br />

L'art. 448 al. 2 CPP prévoyant que les actes de procédure déjà (valablement) effectués sous<br />

l'empire de l'ancien droit restent valables, une ordonnance de renvoi de la <strong>Chambre</strong><br />

d'accusation vaut acte d'accusation, sous réserves de certaines mentions complémentaires non<br />

P/3409/2001


- 52 -<br />

prévues par l'ancien droit, et contenues dans une «annexe» à l'acte d'accusation. Dans le cas<br />

d'espèce, l'ordonnance de renvoi du <strong>22</strong> décembre 2009 avait été valablement adoptée par la<br />

<strong>Chambre</strong> d'accusation, et dûment notifiée à l'ensemble des parties.<br />

En l'espèce, vu les effets de la récusation du Président de la Cour correctionnelle, il<br />

appartenait au Président de la Cour de justice d'attribuer éventuellement la cause à un autre<br />

juge de la Cour de justice, conformément à l'art. 30 aLOJ. Dans sa prise de position du<br />

23 novembre 2010, le Président de la Cour de justice a constaté que la teneur du droit<br />

transitoire et le court délai de convocation d'une session de Cour correctionnelle ne lui<br />

permettaient pas d'attribuer la cause à un autre juge de la Cour de justice. Il a donc procédé<br />

juridiquement – et contrairement aux termes employés dans le courrier en question – à une<br />

non-attribution du dossier.<br />

Selon une interprétation correcte et consensuelle de l'art. 162 ch. 25 aLOJ, dans les dossiers<br />

dont l'une des sections de la Cour de justice était saisie, mais pour lesquels les débats ne<br />

pouvaient être ouverts avant le 1 er janvier 2011, c'est elle qui devait transmettre le dossier au<br />

Tribunal pénal (cf. aussi Viktor LIEBER, in Andreas DONATSCH / Thomas HANSJAKOB /<br />

Viktor LIEBER [éd.], Kommentar zur schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), Zurich<br />

2010, par. 3 ad art. 450 CPP), charge néanmoins au Ministère public de produire les<br />

compléments nécessaires.<br />

C'est précisément ce qu'ont fait les différents intervenants ici. On constate par ailleurs que,<br />

dans l'annexe à l'acte d'accusation (en-tête et p. 2), le Ministère public a très clairement<br />

indiqué qu'il entendait saisir le Tribunal correctionnel de l'affaire, à l'exception de toute autre<br />

section du Tribunal pénal.<br />

On peut également noter que le simple écoulement du temps aurait entraîné les mêmes<br />

conséquences, puisqu'alors, le 1 er janvier 2011, la Cour de justice, formellement saisie de la<br />

cause, aurait dû transmettre cette dernière au Tribunal pénal, seul compétent selon la nouvelle<br />

organisation judiciaire, et d'office compétent selon le droit transitoire.<br />

Enfin, que les parties – en particulier les prévenus – ne se soient le cas échéant pas vu notifier<br />

l'annexe à l'acte d'accusation en même temps que le Tribunal de céans ne saurait avoir une<br />

quelconque incidence sur la validité de la saisine. En effet, cette dernière s'opère uniquement<br />

par la réception de l'acte d'accusation par le Tribunal compétent.<br />

Il en découle que le Tribunal de céans a été valablement saisi, et que la question préjudicielle<br />

doit être rejetée.<br />

1.2 Par le biais d'une deuxième question préjudicielle, C., F., R. et S. concluent à la<br />

constatation par le Tribunal de l'absence de qualité de partie plaignante de l'État de Genève.<br />

Il sied de rappeler que par courrier du 28 mars 2001 adressé au juge d'instruction, l'État de<br />

Genève a déclaré se constituer partie civile dans la procédure P/3409/2001 (2'002'604), ce que<br />

le juge d'instruction a admis. Sur recours des inculpés, la <strong>Chambre</strong> d'accusation a rendu deux<br />

ordonnances des 18 juin 2001 et 12 avril 2002 admettant la constitution de partie civile de<br />

P/3409/2001


- 53 -<br />

l'État de Genève (OCA/168/01 sur recours de S., puis OCA/105/102 sur recours des autres<br />

inculpés).<br />

L'art. 339 al. 2 CPP donne une liste exemplative des différentes questions préjudicielles que<br />

peuvent soumettre les parties au Tribunal, mais n'empêche pas de revenir sur des points déjà<br />

soulevés au cours de l'instruction préparatoire – ce à plus forte raison lorsque l'avènement du<br />

nouveau droit de procédure est susceptible de modifier le résultat auquel les autorités<br />

d'instruction étaient parvenus. On doit dès lors admettre la recevabilité de la question<br />

préjudicielle, laquelle doit se voir examiner sous l'angle du nouveau droit.<br />

Selon l'art. 118 al. 1 CPP, pour revêtir la qualité de partie plaignante, il faut nécessairement<br />

être un lésé, au sens de l'art. 115 CPP. L'art. 115 al. 1 CPP définit comme lésé la personne<br />

dont les droits ont été touchés directement par une infraction. Plus précisément, le lésé est la<br />

personne physique ou morale titulaire du bien juridiquement protégé par la norme et qui est<br />

directement atteinte ou menacée de l'être par l'infraction (Yvan JEANNERET, La partie<br />

plaignante et l'action civile, RPS 2010 297-317, 298). Seule l'interprétation de la norme en<br />

cause permet de déterminer qui est titulaire du bien juridique protégé (ATF 118 IV 209<br />

cons. 2).<br />

En l'espèce, deux infractions sont reprochées aux prévenus, en tant que coauteurs ou<br />

participants accessoires, à savoir la gestion déloyale, au sens de l'art. 158 du code pénal<br />

suisse, du 21 décembre 1937 (RS 311.0; CP), et le faux dans les titres, au sens de<br />

l'art. 251 CP.<br />

L'incrimination de la gestion déloyale protège un bien juridique individuel, à savoir le<br />

patrimoine d'autrui (Stefan TRECHSEL / Dean CRAMERI, in Stefan TRECHSEL et al.,<br />

Schweizerisches Strafgesetzbuch - Praxiskommentar, Zurich / St-Gall 2008, par. 1 ad art. 158<br />

CP; Marcel Alexander NIGGLI, in Marcel A. NIGGLI / Hans WIPRÄCHTIGER [éd.],<br />

Strafrecht II - Basler Kommentar, 2 e éd., Bâle - Genève - Munich 2007, par. 7 ad art. 158 CP,<br />

et les réf. citées; Guido URBACH, Die ungetreue Geschäftsbesorgung gemäss Art. 158 StGB,<br />

Zurich 2002, 21); ce qui résulte notamment d'une interprétation systématique du texte légal,<br />

l'infraction se situant en effet dans le Titre deuxième des dispositions spéciales du CP, soit les<br />

infractions contre le patrimoine.<br />

La jurisprudence fédérale a eu l'occasion de préciser que seul est lésé par un acte de gestion<br />

déloyale au sens de l'art. 158 CP le propriétaire des biens dont l'auteur devait assurer la<br />

gestion (ATF 1A.153/2004 du 7 septembre 2004, cons. 4.2; 6S.206/2000 du 14 août 2000,<br />

cons. 2b).<br />

En l'espèce, les trois prévenus à qui sont reprochés en tant que participants principaux des<br />

actes de gestion déloyale, à savoir C., D. et F., ont été nommés à leur fonction respective<br />

certes par arrêté du Conseil d'État, mais aux fins de gérer la BCGE et son patrimoine, et non<br />

le patrimoine de l'État de Genève.<br />

Il en résulte que ce dernier doit se voir dénier la qualité de partie plaignante en ce qui<br />

concerne les infractions reprochées de gestion déloyale.<br />

P/3409/2001


- 54 -<br />

L'incrimination du faux dans les titres protège selon la jurisprudence un bien juridique<br />

collectif, à savoir la bonne foi en affaires ou, autrement dit, la confiance que l'on peut<br />

accorder, dans les relations juridiques, à un titre en tant que moyen de preuve<br />

(ATF 6B_1073/2010 du 21 juin 2011, cons. 5.3; ATF 132 IV 57 cons. 5.1; 129 IV 53 cons.<br />

3.2 et les arrêts cités; 129 IV 130 cons. 2.1; 128 IV 265 cons. 1.2).<br />

Lorsqu'une infraction protège un intérêt collectif, les personnes physiques ou morales ne sont<br />

considérés comme des lésés que si leurs intérêts privés ont été effectivement touchés par les<br />

actes en cause, de sorte que leur dommage apparaît comme une conséquence directe de<br />

l'infraction (ATF 6B_390/2008 du 9 <strong>juillet</strong> 2008, cons. 3.2; ATF 123 IV 184 cons. 1c; on<br />

notera que l'arrêt du Tribunal pénal fédéral BB.2010.20, du 21 septembre 2010, cons. 4.2,<br />

semble ignorer cette jurisprudence, dans la mesure où il écarte d'emblée la possibilité de se<br />

constituer partie civile pour les infractions contre un bien juridique collectif).<br />

Il faut donc que le plaideur allègue de manière vraisemblable un dommage en lien de<br />

conséquence directe avec le faux dans les titres reproché, dans l'hypothèse où les faits<br />

reprochés seraient avérés. Ce dommage ne doit pas nécessairement être important; en<br />

l'absence de conclusions civiles, il n'a du reste pas à être quantifié.<br />

En l'espèce, l'État de Genève a subi une diminution de son patrimoine en raison des mesures<br />

prises dans la loi 8194 (Loi accordant une autorisation d'emprunt de 246 200 000 F au Conseil<br />

d'État pour financer l'acquisition d'actions nominatives et au porteur de la Banque cantonale<br />

de Genève et ouvrant un crédit extraordinaire d'investissement pour la constitution d'un<br />

capital de dotation de 100 000 F en faveur de la Fondation de valorisation des actifs de la<br />

Banque cantonale afin d'assurer l'augmentation requise des fonds propres de la Banque<br />

cantonale et de répondre aux exigences de la loi fédérale sur les banques et les caisses<br />

d'épargne, du 19 mai 2000 – PA 407.00 – ROLG 2000 404), et donc un dommage. Toujours<br />

dans l'hypothèse où les faits reprochés seraient avérés, une partie de ce dommage, telle la part<br />

des dividendes 1996, 1997 et 1998 versés à d'autres actionnaires qu'à l'État, proviendrait<br />

directement du comportement imputé aux prévenus durant la période pénale.<br />

Reste à examiner si le dommage ainsi subi peut être qualifié de direct. Selon le Tribunal<br />

fédéral, «celui dont l'atteinte n'est qu'indirecte, soit en particulier le créancier de la victime,<br />

le cessionnaire ou la personne subrogée, n'a pas la qualité de lésé» (ATF 129 II 453 cons.<br />

2.2.1). En matière de subrogation, il convient toutefois de tempérer l'affirmation qui précède,<br />

puisque l'art. 121 al. 2 CPP prévoit que la personne qui est subrogée de par la loi aux droits du<br />

lésé est habilitée à introduire une action civile et peut se prévaloir des droits de procédure qui<br />

se rapportent directement aux conclusions civiles – étant précisé que cette disposition ne<br />

trouve aucunement application en l'espèce, ne serait-ce que parce que tant la BCGE que l'État<br />

de Genève souhaitent se constituer parties plaignantes uniquement comme demanderesses au<br />

pénal, au sens de l'art. 119 al. 2 lit. a CPP.<br />

On peut se demander en revanche si l'État de Genève ne doit pas ici être considéré comme<br />

cessionnaire. À cet égard cependant, il convient de se garder de confondre la cession des<br />

actifs compromis, et une cession éventuelle de créance correspondant à tout ou partie du<br />

P/3409/2001


- 55 -<br />

dommage une fois celui-ci intervenu, seul ce dernier cas étant visé dans la définition<br />

jurisprudentielle précitée.<br />

Il apparaît ainsi que la loi 8194 instituait un transfert d'actifs de la BCGE à la Fondation de<br />

valorisation (art. 7, 9 et 10 loi 8194 not., dans sa teneur d'origine) – et parallèlement une prise<br />

en charge par l'État de Genève des pertes futures de la Fondation de valorisation sur la<br />

réalisation desdits actifs (art. 12 al. 1 loi 8194: «Les pertes sur la réalisation des actifs<br />

transférés sont prises en charge par l'État sous réserve des contributions de la Banque<br />

cantonale de Genève en fonction de sa situation financière»). Dans cette mesure, l'État de<br />

Genève ne s'est pas vu céder une éventuelle créance de la BCGE vis-à-vis des prévenus et<br />

correspondant à tout ou partie du dommage; il a au contraire subi personnellement, et en<br />

premier lieu, ce dommage lors de la réalisation des actifs compromis, si bien que son<br />

dommage doit être considéré comme direct, et non comme réfléchi.<br />

S'agissant du caractère prétendument volontaire de l'endossement du dommage par l'État de<br />

Genève, il y a lieu de constater que ce dernier garantissait les dépôts d'épargne et de<br />

prévoyance de la BCGE (art. 4 de la loi sur la Banque cantonale de Genève, du 24 juin 1993;<br />

D 2 05; LBCGe; disposition légale en vigueur depuis le 1 er janvier 1994), à concurrence de<br />

500'000.- fr. par déposant, et 3 MF par institution de prévoyance et pour les avoirs de libre<br />

passage d’un adhérent (art. 3 du Règlement concernant la garantie accordée aux dépôts<br />

d’épargne auprès de la Banque cantonale de Genève, du 10 novembre 1993 – D 2 05.03 –<br />

RGBCGe; disposition légale en vigueur depuis le 1 er janvier 1994). Le montant total de la<br />

garantie en l'an 2000 était ainsi supérieur à 4 milliards de francs (4,6 milliards, selon PL 8194-<br />

A p. 8 = MGC 2000 23/IV 3671).<br />

Par ailleurs, au vu du degré de «pénétration» de la Banque dans l'économie locale, et du<br />

risque systémique qui en découlait, on doit admettre que l'État était dans l'obligation,<br />

indépendamment même de la question de la garantie des dépôts, de porter assistance à la<br />

BCGE. Cette «obligation d'assistance de fait» ne se retrouve pas seulement dans l'avis de droit<br />

du Prof. Jean-Baptiste ZUFFEREY, mandaté par l'État de Genève dans le cadre de la présente<br />

procédure (avis de droit du 2 mai 2001; pièce non numérotée, classeur «Actes formés devant<br />

la <strong>Chambre</strong> d'accusation et leurs ordonnances», 2/17, in fine), mais dans l'ensemble de la<br />

doctrine récente s'exprimant au sujet des banques cantonales (ainsi Andreas VOEGELI,<br />

Staatsgarantie und Leistungsauftrag bei Kantonalbanken, Zurich 2009, 86-87; Walter<br />

STOFFEL, Kantonalbanken - Mavericks der Bankenbranche?, in Verband Schweizerischer<br />

Kantonalbanken 1907-2007, Bâle 2007, 113 ss, 123-124), et même dans les rapports officiels<br />

de la CFB (rapport de gestion CFB 2002, par. 2.6.1, p. 46: «En tant que garants de leurs<br />

banques, les cantons assument en fin de compte l’intégralité des risques. Comme l’ont montré<br />

les cas de la Banque Cantonale Vaudoise et de la Banque Cantonale de Genève, il peut<br />

exister de fait, même en l’absence de toute responsabilité de l’État formalisée dans une loi, un<br />

devoir d’assistance»).<br />

Enfin, on notera que si l'art. 251 CP prévoit – sans ériger le dommage en élément constitutif,<br />

ATF 6B_502/2009 du 7 septembre 2009, cons. 2.4.2 – un dessein spécial, ce dernier peut<br />

porter sur l'atteinte aux intérêts pécuniaires mais aussi, plus généralement, sur l'atteinte aux<br />

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- 56 -<br />

droits d'autrui. Dès lors, en cas de réalisation de l'infraction, il y aurait non seulement lésion<br />

des intérêts patrimoniaux de l'État de Genève, mais également d'autres droits de ce dernier, en<br />

particulier ses droits d'information. À cet égard, si d'autres solutions qu'une recapitalisation<br />

doublée de la création d'une entité de défaisance étaient concevables, c'est sans aucun doute<br />

en raison de la tardiveté de l'information sur les problèmes de la Banque que l'État de Genève<br />

a vu sa marge de manœuvre considérablement restreinte par la CFB sur le choix des moyens<br />

(ainsi que l'a relevé du reste la députée rapporteur de commission: «L’urgence dans laquelle<br />

le Grand Conseil doit travailler aujourd’hui aurait pu être évitée si les organes de la Banque<br />

avaient fait preuve d’une bien plus grande transparence», PL 8194-A p. 9 = MGC 2000<br />

23/IV 3672).<br />

Dès lors, les droits de l'État de Genève seraient donc lésés de manière personnelle et directe<br />

par l'infraction reprochée, en cas de réalisation de celle-ci. La qualité de partie plaignante doit<br />

donc lui être reconnue en ce qui concerne les infractions reprochées de faux dans les titres.<br />

S'agissant de la question incidente soulevée par la suite sur le même sujet, consécutivement à<br />

la production de la décision du Département fédéral des finances (DFF) du 26 août 2010, il<br />

peut être retenu ce qui suit.<br />

Selon l'art. 339 al. 4 CPP, si les parties soumettent des questions incidentes durant les débats,<br />

le tribunal les traite comme des questions préjudicielles. Le texte légal n'interdit pas de poser<br />

une question identique à l'une de celles déjà tranchées plus tôt dans les débats. Par ailleurs, la<br />

révision au sens de l'art. 410 CPP est exclue, dans la mesure où la décision préjudicielle n'est<br />

pas encore entrée en force au sens de l'art. 437 CPP.<br />

Le droit supérieur, à savoir le principe de la bonne foi prévu à l'art. 5 al. 3 Cst., interdit en<br />

revanche manifestement que les parties soumettent plusieurs fois la même question sans<br />

raison objective. Il apparaît ainsi que seuls des éléments nouveaux, pas nécessairement<br />

factuels, permettent d'entrer en matière sur une question incidente matériellement identique à<br />

une question préjudicielle déjà traitée.<br />

En l'espèce, la production de la décision du DFF et des écritures antérieures et postérieures<br />

peut être considérée, vu sous un angle large étant donné l'absence de pratique établie quant à<br />

l'application de l'art. 339 al. 4 CPP, comme un tel élément. Le Tribunal entrera donc en<br />

matière sur la question incidente. Il doit toutefois se limiter à examiner si les éléments<br />

nouveaux issus des pièces produites l'incitent à reconsidérer sa décision. Les arguments<br />

entendus lors des plaidoiries qui pouvaient déjà être tenus lors du premier examen de la<br />

question (comme le caractère direct du dommage p. ex.) doivent être considérés comme<br />

irrecevables.<br />

En l'espèce, la décision du DFF se fonde sur le système de l'administrateur-juge (lequel est<br />

très largement battu en brèche par les réformes successives en matière de procédure<br />

administrative, not. par l'introduction de l'art. 29a Cst., ensuite de critiques fort nourries,<br />

cf. ATF 115 Ia 183 cons. 4b: «Ce système, communément appelé le système de<br />

l'administrateur juge, ne garantit manifestement pas au justiciable l'indépendance et<br />

l'impartialité que lui offrirait un tribunal au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH»); en effet, il s'agit<br />

P/3409/2001


- 57 -<br />

d'une action de droit administratif dans laquelle le DFF est censé juger sa propre activité afin<br />

de déterminer s'il a pu engager, par son action ou son inaction, la responsabilité de la<br />

Confédération. En outre, cette décision n'est pas définitive, puisqu'un arrêt du Tribunal<br />

administratif fédéral – qui constituera ainsi la première prise de position sur la question par un<br />

organe judiciaire – est attendu, et pourrait se voir contester devant le Tribunal fédéral.<br />

De plus et surtout, le raisonnement du DFF se rapporte exclusivement à l'application de la loi<br />

sur la responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses<br />

fonctionnaires, du 14 mars 1958 (RS 170.32; LRCF) et de la loi fédérale sur les banques et les<br />

caisses d'épargne, du 8 novembre 1934 (RS 952.0; LB), et nullement à l'application de<br />

l'art. 251 CP, seul en jeu en l'espèce.<br />

Dès lors, le Tribunal ne peut que rejeter la question incidente sur le fond dans la mesure de sa<br />

recevabilité.<br />

1.3 Dans une troisième question préjudicielle, F. sollicite à nouveau la jonction des<br />

causes P/3409/2001 et P/12481/2001.<br />

Il convient de rappeler que la direction de la procédure a interpellé les parties sur ce point le<br />

<strong>22</strong> février 2011, et a rendu le 15 mars 2011 une ordonnance refusant la jonction des causes,<br />

ordonnance qui rappelle le cadre légal.<br />

Ce nonobstant, en vertu de l'art. 65 al. 2 CPP, les parties sont fondées à soumettre au tribunal<br />

du fond les demandes rejetées par la direction de la procédure, si bien que la question<br />

préjudicielle est recevable.<br />

L'art. 29 CPP postule le principe d'unité de la procédure, et prévoit notamment que les<br />

infractions sont poursuivies et jugées conjointement lorsqu'un prévenu «a commis plusieurs<br />

infractions» – c'est-à-dire que plusieurs infractions sont reprochées au même prévenu – ou<br />

lorsqu'il y a plusieurs coauteurs ou participation.<br />

L'art. 30 CPP prévoit que si des raisons objectives le justifient, le ministère public et les<br />

tribunaux peuvent ordonner la jonction ou la disjonction de procédures pénales. Ainsi, le texte<br />

légal lui-même permet expressément de déroger au principe d'unité de la procédure.<br />

En l'état actuel, les deux procédures n'ont jamais été jointes, et il n'appartient pas au Tribunal<br />

de revenir sur des stades antérieurs de celles-ci, quelle que soit la responsabilité éventuelle de<br />

chacune des parties dans l'avènement du statut présent dans lequel les procédures sont<br />

toujours séparées sur le plan procédural.<br />

Le Tribunal considère qu'au vu des circonstances d'espèce, un report des débats à court terme<br />

serait illusoire. Il se rallie par ailleurs aux motifs développés dans l'ordonnance du 15 mars<br />

2011 à l'appui de la décision de refus de jonction; il est dès lors fait référence en tant que de<br />

besoin à ladite ordonnance. Cette dernière sera donc maintenue, et le Tribunal refusera la<br />

jonction des procédures P/3409/2001 et P/12481/2001, étant rappelé que la <strong>Chambre</strong> pénale<br />

P/3409/2001


- 58 -<br />

de recours a enjoint au Tribunal pénal d'appointer cette dernière cause avant la fin de l'année<br />

2011 (DCPR/86/2011, du 29 avril 2011, cons. 6.2.2 in fine).<br />

1.4 C., F., R. et S. demandent ensuite au Tribunal d'ordonner que soit réinstallé au<br />

dossier le procès-verbal des débats, arrêts interlocutoires compris, de la Cour correctionnelle<br />

ouverts le 4 octobre 2010 et interrompus le 4 novembre 2010.<br />

Le Tribunal réitère tout d'abord que – comme déjà examiné précédemment au cons. 1.1 –<br />

selon l'ancien droit de procédure, les actes effectués avec le concours du président de la Cour<br />

correctionnelle postérieurement au tirage au sort initial du jury sont nuls; ce que le Tribunal<br />

constatera, en tant que de besoin, dans le dispositif du présent jugement.<br />

La question de l'accès au dossier doit en revanche se juger de manière actuelle, et donc selon<br />

le nouveau droit de procédure.<br />

L'art. 60 al. 1 CPP indique que les actes effectués avec le concours d'une personne récusée<br />

sont annulables, mais ne décrit pas le sort desdites pièces en cas d'annulation. Il convient aussi<br />

de préciser à ce stade que l'art. 60 al. 2 CPP n'est pas applicable, même par analogie, dès lors<br />

que les débats de première instance pouvaient être renouvelés – et l'ont du reste été devant le<br />

Tribunal de céans.<br />

Comme le précise SCHMID, les actes annulés au sens de l'art. 60 al. 1 CPP sont nuls et<br />

inexploitables (Niklaus SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung - Praxiskommentar,<br />

Zurich / St-Gall 2009, par. 1 ad art. 60 CPP; cf. également Andreas KELLER, in Andreas<br />

DONATSCH / Thomas HANSJAKOB / Viktor LIEBER [éd.], Kommentar zur<br />

schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), Zurich 2010, par. 3 ad art. 60 CPP, qui précise<br />

a contrario que les pièces relatives aux actes effectués avec le concours de la personne<br />

récusée avant la naissance de la cause de récusation n'ont pas à être sortis du dossier). Cette<br />

interprétation peut sans difficulté être approuvée. En effet, dès lors que lesdites pièces ne<br />

peuvent être prises en considération par les autorités pénales (art. 60 al. 2 CPP a contrario),<br />

on ne voit pas à quoi servirait leur présence au dossier, si ce n'est de risquer d'induire les<br />

plaideurs ou les autorités subséquentes en erreur.<br />

S'agissant des actes de procédure inexploitables, le CPP prévoit soit leur destruction<br />

immédiate (art. 277 ou 289 CPP), soit leur conservation hors dossier (art. 141 al. 5 CPP), en<br />

fonction du caractère plus ou moins sujet à discussion de leur illicéité. En l'espèce, on peut<br />

dès lors appliquer la solution la plus douce, à savoir la conservation hors dossier, et appliquer<br />

par analogie l'art. 141 al. 5 CPP. Cette solution correspond ainsi au statu quo; ce dernier, à<br />

savoir la conservation des pièces par la Cour de justice, sera donc maintenu.<br />

Ce faisant, le Tribunal, tout en reconnaissant l'existence des pièces en cause, doit constater<br />

leur inaccessibilité, y compris pour lui-même. En outre, et dans la mesure de ce qui précède,<br />

les soumettants n'ont pas démontré quel intérêt prépondérant ils pourraient avoir à obtenir<br />

l'acte sollicité.<br />

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- 59 -<br />

La question préjudicielle sera dès lors rejetée, le Tribunal refusant la réinstallation au dossier<br />

du procès-verbal de la Cour correctionnelle s'étant tenue à partir du 4 octobre 2010.<br />

1.5 R. réitère ensuite la demande, déjà faite à plusieurs reprises par lui-même et par<br />

d'autres parties au cours de l'instruction préparatoire, de récusation de l'expert R.B.. Il conclut<br />

formellement à ce que le Tribunal ordonne l'apport de la procédure P/5609/2009 ouverte<br />

contre R.B. et J.-E.R. pour faux témoignage et violation du secret de fonction; prononce la<br />

récusation de l'expert R.B.; et ordonne l'annulation et le retrait de la procédure du rapport<br />

d'expertise du 20 décembre 2006 et des procès-verbaux du juge d'instruction relatifs à la<br />

discussion contradictoire de ce rapport des 19, 20, 21, <strong>22</strong> et 23 mars 2007.<br />

S'agissant du premier point, le Tribunal prend acte qu'aucune enquête préliminaire n'a été<br />

ordonnée par le Ministère public, est en possession de la plainte et de l'ordonnance de<br />

suspension de la procédure et estime dès lors que l'apport de la procédure P/5609/2009 est<br />

inutile, dès lors qu'elle ne comporte aucun autre élément.<br />

Sur le fond de la question préjudicielle, selon l'ATF 1B_162/2008 du 13 août 2008, cons. 2.2,<br />

il importe peu de savoir quelles tâches J.-E.R. a effectivement assumées dans l'établissement<br />

de l'expertise cosignée .<br />

Toujours selon le même arrêt, le fait que J.-E.R. ait accepté à titre personnel un mandat privé<br />

d'expert pour la partie civile dans une autre cause pénale dirigée contre R. n'est pas, d'un point<br />

de vue objectif, de nature à remettre en cause l'aptitude de R.B. à fonctionner comme expert<br />

en toute impartialité et indépendance.<br />

Le Tribunal ne peut que se rallier à ces considérants, qui émanent de l'instance judiciaire<br />

nationale suprême et ne prêtent aucunement le flanc à la critique.<br />

Dans cette mesure, la facturation produite par R., qui impliquerait selon lui une participation<br />

de J.-E.R. plus importante qu'admise par l'intéressé ou par R.B., ne saurait avoir d'incidence<br />

sur le sort de la question. Il en va a fortiori de même de la similitude d'écriture sur la<br />

photocopie de certaines pièces, et dont on ne sait même pas de qui elle émane.<br />

On notera au surplus que le renvoi par le Tribunal fédéral de la question de l'indépendance et<br />

de l'impartialité de l'expert au juge du fond portait sur la participation de l'expert «pour le<br />

reste de la procédure» (ATF 1B_162/2008 du 13 août 2008, cons. 2.2 in fine). Or force est de<br />

constater que l'expert R.B. n'a participé à aucun autre acte de procédure depuis le prononcé de<br />

l'arrêt du Tribunal fédéral.<br />

On ne distingue par ailleurs aucun motif de récusation qui se dégagerait de la jurisprudence<br />

subséquente au sujet de la récusation d'experts en raison de leur proximité avec une partie,<br />

notamment en raison d'un tiers mandat (cf. ATF 4A_256/2010 du 26 <strong>juillet</strong> 2010, cons. 2).<br />

Il résulte de ce qui précède que la question préjudicielle doit être rejetée. Dans le dispositif du<br />

présent jugement, le Tribunal refusera donc l'apport de la P/5609/2009, et rejettera la<br />

demande visant à la récusation de l'expert R.B..<br />

P/3409/2001


- 60 -<br />

1.6 C., F., R. et S. soumettent ensuite au Tribunal la question des conséquences de la<br />

récusation de l'expert D.S.. Ils concluent formellement à ce que le Tribunal ordonne<br />

l'annulation et le retrait de la procédure des actes suivants: mission d'expertise du 11<br />

décembre 2000 (2'001'560-2'001'561); rapport d'expertise de D.S. SA du <strong>22</strong> février 2001<br />

(6'000'001-6'000'297); procès-verbal d'instruction du 11 décembre 2000 (2'001'559); procèsverbal<br />

d'instruction des 18 et 23 mai 2001 (2'003'264-2'003'275; 2'003'325-2'003'334;<br />

2'003'341-2'003'357; 2'003'241-2'003'251; 2'003'587-2'003'601; 2'003'<strong>22</strong>7-2'003'240;<br />

2'003'280-2'003'291; 2'003'292-2'003'305); procès-verbal d'instruction des 13 mars, 31 mai et<br />

25 juin 2002 (2'002'466-2'002'472; 2'003'731-2'003'734; 2'003'925); rapport de police du 6<br />

décembre 2001 (2'005'004-2'005'042).<br />

Préalablement, les mêmes soumettants concluent à l'annulation par le Tribunal de<br />

l'ordonnance de la <strong>Chambre</strong> d'accusation du 4 octobre 2002 (OCA/279/2002), en tant qu'elle<br />

prononce l'annulation à partir du <strong>22</strong> juin 2001 de tous les actes accomplis par l'expert D.S. ou<br />

ceux auxquels il a participé et qu'elle en ordonne le retrait de la procédure.<br />

Il est donc demandé au Tribunal d'annuler l'ordonnance précitée, rendue en 2002. Or seules<br />

deux voies de recours, toutes deux extraordinaires, permettaient ou permettent d'annuler<br />

formellement une décision de cette autorité.<br />

La première est un recours au Tribunal fédéral – pour autant qu'un tel recours fût recevable,<br />

ce qui était très probablement impossible à l'époque faute de préjudice irréparable, et qui l'est<br />

désormais assurément aujourd'hui pour des questions de délai. Le Tribunal de céans n'est<br />

donc pas compétent dans ce premier cas de figure.<br />

La seconde est une demande en révision. Selon le droit transitoire, soit l'art. 453 al. 1 CPP, les<br />

recours formés contre les décisions rendues avant l'entrée en vigueur du CPP sont traités selon<br />

l'ancien droit par les autorités compétentes sous l'empire de ce droit. Par ailleurs, selon la<br />

systématique du code, la révision fait partie des voies de recours.<br />

L'ancien droit d'organisation judiciaire prévoyait, à l'art. 52 aLOJ, que les pourvois en<br />

révision étaient de la compétence de la Cour de cassation. Il s'en ensuit que le Tribunal de<br />

céans n'a pas la compétence d'annuler une ordonnance de la <strong>Chambre</strong> d'accusation, et que la<br />

demande présentée est donc irrecevable.<br />

Sur le fond de la question préjudicielle, les conséquences de la récusation de l'expert D.S. sont<br />

réglées jusqu'à ce jour par l'ordonnance précitée de la <strong>Chambre</strong> d'accusation. En vertu de l'art.<br />

448 al. 2 CPP, cette ordonnance est valable, et demeure au dossier. Cela ne signifie cependant<br />

pas qu'elle ne puisse être revue par le Tribunal de céans, conformément à ce qui a été exposé<br />

supra au cons. 1.2.<br />

La <strong>Chambre</strong> d'accusation elle-même, en raison notamment de la nature des décisions qu'elle<br />

avait à revoir, ne considérait pas que ses propres décisions étaient pourvues d'une pleine<br />

autorité de la chose jugée (OCA/70/2003). Dans la mesure où l'ordonnance en cause concerne<br />

les effets de la récusation, elle ne bénéficie pas de l'autorité de la chose jugée, si bien que le<br />

P/3409/2001


- 61 -<br />

Tribunal de céans peut revoir sous forme de question préjudicielle la réglementation qu'elle<br />

contient.<br />

Il n'est pas contesté que l'annulation des actes doit intervenir à partir de la survenance de la<br />

cause de récusation.<br />

À cet égard, même si le texte de l'art. 90 lit. a aLOJ parle du rapport avec une partie, il<br />

apparaît trop formaliste de retenir que c'est ici seulement la date de la constitution de la partie<br />

en cause qui est pertinente. En effet, la BCGE, même si elle n'était pas encore formellement<br />

partie à la procédure, était, dès avant la commission de D.S. comme expert, au centre de la<br />

procédure. Une apparence de partialité existait dès lors dès ce moment. La solution préconisée<br />

par la <strong>Chambre</strong> d'accusation pourrait en outre déployer des effets particulièrement<br />

indésirables, à savoir favoriser la constitution tardive de parties plaignantes, qui pourraient<br />

ainsi attendre les résultats d'une expertise dont elles peuvent savoir que l'auteur est récusable<br />

(voire clairement à elles-mêmes favorables), et ne se constituer qu'après coup.<br />

S'agissant des actes que la récusation impose d'annuler, le Tribunal fédéral, dans l'arrêt<br />

1P.294/2002 du 9 août 2002, cons. 6, renvoie la cause à l'autorité inférieure en parlant des<br />

actes déjà accomplis par l'expert et ceux auxquels il a participés. Il n'y a dès lors pas lieu<br />

d'étendre les effets de la récusation à des actes de procédure auxquels l'expert récusé n'a pas<br />

directement participé, ce d'autant plus que la théorie dite fruits of the poisonous tree ne vaut<br />

en Suisse, même sous l'empire du nouveau droit de procédure, que de manière limitée. En<br />

effet, en vertu de l'art. 141 al. 4 CPP, applicable ici par analogie, si un moyen de preuve est<br />

recueilli grâce à une preuve non exploitable, il n'est lui-même pas exploitable seulement<br />

lorsqu'il n'aurait pas pu être recueilli sans l'administration de la première preuve; or en<br />

l'espèce, tant les auditions dont l'annulation des procès-verbaux est demandée que le rapport<br />

de police contesté auraient pu être effectuées, respectivement être rédigés, sans le rapport<br />

d'expertise, ce dernier servant certes de point de départ aux questions ou à la compilation des<br />

données, mais ces questions ou données pouvant être posées ou compilées sans lui.<br />

Le Tribunal de céans prononcera donc la nullité des actes visés ci-dessus, soit la mission<br />

d'expertise du 11 décembre 2000, le rapport d'expertise du <strong>22</strong> février 2001 et les procèsverbaux<br />

d'audition de D.S. des 13 mars, 31 mai et 25 juin 2001, et les écartera du dossier, en<br />

les conservant là encore à part, leur caractère inexploitable pouvant notamment se voir<br />

éventuellement contester en appel.<br />

1.7 Enfin, les prévenus renouvellent, à titre préjudiciel, tout ou partie des réquisitions de<br />

preuves formulées lors de la préparation des débats, et rejetées par ordonnance de la direction<br />

de la procédure du 14 avril 2011. Ainsi, C. conclut à l'audition de (…), et à la saisie des<br />

procès-verbaux de séances du Comité de banque et du Conseil d'administration de la BCGE<br />

tenues à huis clos, ainsi que des notes manuscrites du chancelier Robert HENSLER prises à<br />

l'occasion de réunions des délégations du Conseil d'administration et du Conseil d'État.<br />

Le Tribunal comprend la frustration qu'ont pu ressentir certaines parties, liée au changement<br />

législatif en matière d'administration des preuves. En effet, l'art. 343 CPP prévoit désormais, à<br />

P/3409/2001


- 62 -<br />

la différence de ce qui prévalait auparavant devant les Cours avec jury, une immédiateté<br />

limitée des débats, et confère au juge un large pouvoir d'appréciation.<br />

Faisant usage de ce pouvoir, le Tribunal a retenu six témoins en sus de ceux déjà convoqués,<br />

décidant d'auditionner à ce titre Alain BORNER, B.H., R.P., P.-E.S., F.T. et U.W.<br />

S'agissant des motifs de refus des autres moyens de preuve sollicités, le Tribunal fait siens les<br />

motifs retenus par l'ordonnance de la direction de la procédure du 14 avril 2011, étant précisé<br />

que la référence au caractère contextuel de telle ou telle déposition ne visait pas – comme les<br />

débats l'ont du reste montré – à exclure toute description du contexte historique, économique<br />

ou organisationnel, mais seulement à limiter le nombre de déposants n'ayant aucune<br />

connaissance directe des comportements décrits dans l'acte d'accusation, à la période pénale<br />

visée.<br />

En ce qui concerne la saisie de documents, les notes manuscrites de l'ex-chancelier Robert<br />

HENSLER sont celles relatives aux réunions ou déjeuners de travail auxquels participaient le<br />

Conseil d'État, ou l'une de ses délégations, et une délégation de la Banque, délégation qui<br />

comptait toujours au moins l'un des prévenus. De leur côté, les membres du Conseil d'État<br />

comme le Chancelier étaient soumis au secret de fonction (art. 320 CP et 170 CPP). L'on se<br />

trouve ainsi dans un cas d'application de l'art. 264 al. 1 lit. c, qui soustrait à un éventuel<br />

séquestre les objets, notamment les documents et la correspondance, qui proviennent de<br />

relations entre le prévenu et une personne ayant le droit de refuser de témoigner en vertu des<br />

art. 170 à 173 CPP et qui n'a pas le statut de prévenu dans la même affaire.<br />

Même à considérer cette disposition comme inapplicable au cas d'espèce, et à appliquer, dans<br />

le cadre de la procédure de levée de scellés (art. 248 CPP, par renvoi de l'art. 264 al. 3 CPP –<br />

ce qui n'irait pas sans poser de délicats problèmes procéduraux, la seule autorité pénale<br />

pouvant entrer en considération au sens de l'art. 248 al. 2 CPP étant le Ministère public)<br />

l'art. 170 al. 3 CPP par analogie, ou plus généralement le principe de proportionnalité en<br />

matière de mesures de contrainte (art. 197 al. 1 lit. c et d CPP), on aboutirait au même<br />

résultat. L'intérêt des notes prises par le chancelier lors des réunions précitées est très<br />

probablement limité – on rappellera que même lors des séances du Conseil d'État, le procèsverbal<br />

ne reflète que les décisions prises et non la teneur des débats (cf. art. 28 al. 4 du<br />

règlement pour l’organisation du Conseil d’État de la République et canton de Genève, du 25<br />

août 2005; B 1 15.03; RCE; lequel formalise une pratique bien antérieure sur ce point). Par<br />

ailleurs, ces notes sont couvertes par le secret de fonction, lequel protège ici la liberté de<br />

parole au sein de l'exécutif cantonal. La protection du secret de fonction apparaissant ici<br />

prépondérante, la saisie demandée doit être refusée.<br />

Quant aux procès-verbaux de séances à huis clos du CA ou du CB, la procédure démontre<br />

certes l'existence de telles séances, mais pas celle de quelconques procès-verbaux y relatifs.<br />

Or on ne peut à l'évidence séquestrer que des pièces dont l'existence ne fait aucun doute.<br />

Dès lors, ces demandes de saisie, de même que les demandes de témoignages non acceptées<br />

ci-dessus, doivent être rejetées. La décision du Tribunal figure dans le procès-verbal<br />

P/3409/2001


- 63 -<br />

d'audience du 23 mai 2011, en page 2. Il apparaît en revanche inutile de la faire figurer dans le<br />

dispositif du présent jugement, celui-ci, par définition, ne disposant que pour l'avenir.<br />

Au sujet des demandes d'administration complémentaires de preuves soumises conformément<br />

à l'art. 345 CPP, il ne s'agit pas de questions préjudicielles ou incidentes au sens de<br />

l'art. 339 CPP.<br />

Au vu des art. 333, 340 al. 1 lit. b, et 344 CPP, et du stade auquel se trouvait la procédure, le<br />

Tribunal ne pouvait plus modifier l'acte d'accusation ni la qualification juridique retenue. Par<br />

ailleurs, les débats n'avaient pas apporté au Tribunal d'élément pouvant l'inciter à revoir sa<br />

position sur les demandes déjà présentées lors de la préparation des débats ou des questions<br />

préjudicielles. Concernant la demande d'apport des dossiers de crédit et de complément<br />

d'expertise, le Tribunal a considéré que sur le plan des preuves, l'affaire était en état d'être<br />

jugée, tout en réservant l'application de l'art. 349 CPP, dont il n'a finalement pas fait<br />

application.<br />

Comme pour les renouvellements de réquisitions de preuves, les conclusions des parties ainsi<br />

que la décision du Tribunal au sujet des demandes d'administration complémentaires de<br />

preuves figurent au procès-verbal des débats, auxquels il est ainsi fait référence (procèsverbaux<br />

d'audience des 6 et 7 <strong>juillet</strong> 2011); la décision n'a, là non plus, pas à figurer dans le<br />

dispositif du présent jugement.<br />

2. Dans leurs conclusions finales, R. et S. demandent que le Tribunal constate une<br />

violation du principe de célérité et de la présomption d'innocence. Bien qu'il ne s'agisse pas de<br />

questions préjudicielles ou incidentes au sens de l'art. 339 CPP, ces questions, qui concernent<br />

le droit de forme, doivent s'examiner préalablement à celle de la culpabilité.<br />

2.1 Les art. 6 par. 1 CEDH et 14 par. 1 Pacte ONU II, 29 al. 1 Cst. et 5 al. 1 CPP<br />

prescrivent que les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent<br />

à terme sans retard injustifié (principe de célérité; cf. not. ATF 133 IV 158 cons. 8; 130 IV 54<br />

cons. 3.3).<br />

«Le caractère raisonnable de la durée d'une procédure pénale s'apprécie selon les<br />

circonstances particulières de la cause, eu égard en particulier à la complexité de l'affaire,<br />

au comportement du requérant et à celui des autorités compétentes, ainsi qu'à l'enjeu du litige<br />

pour l'intéressé (ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 281 et les arrêts cités). Après la clôture de<br />

l'instruction, le prévenu doit en principe être renvoyé devant le juge du fond dans un délai<br />

qui, pour être conforme aux exigences des art. 10 Cst., 5 CPP et 5 par. 3 CEDH, ne devrait<br />

pas excéder quelques semaines, voire quelques mois (arrêt 1P.540/2002 du 4 novembre 2002<br />

consid. 4.3). Ainsi, en l'absence de circonstances particulières, un délai de sept mois,<br />

uniquement justifié par la surcharge de l'autorité de jugement, est incompatible avec le<br />

principe de célérité (arrêt 1P.750/1999 du 23 décembre 1999 consid. 2d/ee). En revanche, un<br />

délai de quatre mois entre le renvoi et le jugement peut encore être considéré comme<br />

admissible, même s'il n'est pas justifié par les difficultés particulières de la cause (arrêt<br />

1B_97/2007 du 20 juin 2007 consid. 3.2). Un délai de plusieurs mois peut se révéler<br />

nécessaire dans des procès particulièrement complexes, aux multiples ramifications,<br />

P/3409/2001


- 64 -<br />

impliquant plusieurs inculpés et nécessitant une préparation méticuleuse des débats et de<br />

nombreux actes d'instruction; ainsi, on peut tolérer un délai de six mois entre la mise en<br />

accusation et l'ouverture des débats s'agissant d'une affaire de criminalité économique à<br />

grande échelle revêtant une complexité particulière et impliquant plusieurs intervenants<br />

(arrêt 1B_295/2007 du <strong>22</strong> janvier 2008 consid. 2.3) ou un délai de quatre mois et demi dans<br />

une affaire relativement complexe (arrêt 1B_115/2008 du 6 juin 2008 consid. 4.2). Dans une<br />

affaire d'une ampleur exceptionnelle, impliquant en outre des mesures de sécurité<br />

importantes durant les débats, un délai d'environ huit mois a été considéré comme tout juste<br />

compatible avec le principe de célérité (arrêt 1B_95/2008 du 14 mai 2008 consid. 5.4, non<br />

publié dans l'ATF 134 IV 237 et confirmé par l'arrêt CourEDH Shabani contre Suisse du 5<br />

novembre 2009, § 65)» (ATF 1B_69/2011 du 4 mars 2011, cons. 5.1).<br />

S'agissant du point de départ de la procédure pour le calcul du délai raisonnable, la Cour<br />

européenne des droits de l'homme (CourEDH) indique dans sa jurisprudence qu'il s'agit de<br />

l'«accusation» au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH, soit la notification officielle, par l'autorité<br />

compétente, du reproche d'avoir commis une infraction pénale; généralement, il y a<br />

correspondance avec l'inculpation, ou l'audience de notification des charges qui en tient lieu<br />

(ACEDH Kurdov et Ivanov c. Bulgarie, req. 16137/04, du 31 mai 2011, par. 50-52).<br />

Par ailleurs, seules les lenteurs imputables aux autorités judiciaires compétentes peuvent<br />

amener à constater un dépassement du délai raisonnable contraire à la Convention (ACEDH<br />

Giosakis c. Grèce [n° 3], req. 5689/08, du 3 mai 2011, par. 50). Cela étant, la CourEDH<br />

examine la durée de la procédure dans son ensemble, et se montre généralement moins<br />

exigeante que la jurisprudence précitée du Tribunal fédéral sur la durée de phases particulières<br />

de la procédure (cf. p. ex. l'ACEDH Gasiņš c. Lettonie, 69458/01, du 19 avril 2011, par. 78,<br />

dans lequel des ajournements successifs ont reculé de deux ans la tenue de l'audience de<br />

première instance, sans constat de violation).<br />

En l'espèce, l'inculpation des prévenus a eu lieu le 23 mars 2001, et la procédure est toujours<br />

en cours. L'information a été communiquée par les juges d'instruction le 12 mars 2008 au<br />

Ministère public. Ce dernier a demandé le renvoi en jugement des prévenus par des<br />

réquisitions datant du 23 septembre 2009. La <strong>Chambre</strong> d'accusation a prononcé son<br />

ordonnance de renvoi le <strong>22</strong> décembre 2009. La Cour correctionnelle avec jury a été saisie du<br />

dossier du 23 décembre 2009 au 21 décembre 2010. Les débats n'ayant pas été menés à terme,<br />

le Tribunal pénal a été saisi à cette dernière date.<br />

Certains facteurs expliquent en partie la durée de la procédure. Celle-ci ne devait pas être<br />

menée avec un surcroît de célérité, au sens de l'art. 5 al. 2 CPP, en l'absence de détention des<br />

prévenus. Il s'agit d'une affaire économique, sinon particulièrement complexe, du moins d'une<br />

ampleur exceptionnelle, le volume des pièces recueillies étant probablement inégalé à<br />

Genève. Du point de vue du comportement des prévenus, pendant l'instruction préparatoire,<br />

ainsi que depuis le renvoi en jugement, de nombreux recours ont été interjetés par les<br />

prévenus, une majorité d'entre eux sans succès, voire inutilement; les prévenus ont également<br />

soumis de nombreuses requêtes pouvant allonger la procédure, notamment des demandes<br />

d'apport de pièces supplémentaires.<br />

P/3409/2001


- 65 -<br />

Cela étant, une période de plus de 18 mois pour le dépôt des réquisitions, puis une autre de<br />

12 mois devant la Cour correctionnelle, sans venue à chef des débats de première instance,<br />

apparaissent excessifs au regard de la jurisprudence précitée. Le Tribunal constatera dès lors<br />

une violation du principe de célérité.<br />

S'agissant des conséquences de ladite violation, le Tribunal fédéral considère généralement<br />

que, outre la satisfaction du constat de violation en lui-même, une prise en compte sur la<br />

fixation d'une éventuelle peine constitue une réparation adéquate (cf. ATF 1B_69/2011 du<br />

4 mars 2011 précité, cons. 5.2 in fine, et les arrêts cités; aussi ATF 1<strong>22</strong> IV 103 cons. I.4 et<br />

VII.1.c). Le Tribunal ne voit pas de raison de se départir de ce point de vue, la ou les<br />

violations du principe de célérité n'étant ici, compte tenu de la nature de l'affaire et surtout du<br />

volume du dossier pénal, pas telles qu'il y ait lieu de leur conférer des conséquences plus<br />

incisives.<br />

2.2 Selon l'art. 10 al. 1 CPP, qui reprend les garanties constitutionnelles (art. 32 al. 1<br />

Cst.) et conventionnelles (art. 6 par. 2 CEDH, art. 14 par. 2 Pacte ONU II), toute personne est<br />

présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force.<br />

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence impose à<br />

l'accusation de prouver la réalisation de l'infraction; elle est violée lorsque le juge condamne<br />

sur le (seul) constat de ce que le prévenu n'est pas parvenu à prouver son innocence (ATF<br />

6B_831/2010 du 1 er mars 2011, cons. 2.3).<br />

D'une manière générale, seules les autorités judiciaires chargées de statuer sur la culpabilité<br />

sont habilitées à le faire. Durant les phases préliminaires du procès, les tribunaux chargés de<br />

trancher des questions connexes, telles que les mesures de contrainte, ne doivent pas prendre<br />

position, ou donner l'impression de prendre position sur la culpabilité du prévenu. Dans ce<br />

domaine, le choix des mots et des formules revêt une grande importance; selon les termes du<br />

Tribunal fédéral, «les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH, qui consacrent la présomption<br />

d'innocence, sont violés lorsque l'autorité de jugement – ou toute autre autorité ayant à<br />

connaître de l'affaire à un titre quelconque – désigne une personne comme coupable, sans<br />

réserve et sans nuance, préjugeant de l'appréciation par l'autorité appelée à statuer au fond»<br />

(ATF 1B_113/2010, du 11 mai 2010, cons. 5.1). Ainsi, la <strong>Chambre</strong> d'accusation, lorsqu'elle<br />

parle, dans le cadre du contrôle de la détention préventive, de «la peine qui sera infligée» au<br />

prévenu (ATF 124 I 327 cons. 3c), ou une juridiction de renvoi qui retient que le résultat<br />

d'une perquisition «démontre la propension de l'auteur à commettre d'autres infractions dans<br />

le domaine des antiquités» («demonstrates the perpetrator’s propensity to commit further<br />

offences relating to antiquities»; ACEDH Nerattini c. Grèce, req. 43529/07, du 18 décembre<br />

2008, par. 24), violent-elles la présomption d'innocence.<br />

En l'espèce, on doit reconnaître que certains passages de l'ordonnance de la <strong>Chambre</strong><br />

d'accusation du 5 mars 2008 (OCA/58/2008) violent la présomption d'innocence. En effet,<br />

même si le considérant B.b.ba, p. 7, est chapeauté par la phrase introductive «Il leur est, en<br />

substance, imputé:», certaines phrases du considérant sont totalement déconnectées de cette<br />

introduction et se lisent comme des déclarations de culpabilité sur les points considérés («Les<br />

P/3409/2001


- 66 -<br />

deux réviseurs ont en outre validé, en connaissance de cause, les comptes ainsi ajustés», p. 7;<br />

«Les inculpés ont dès lors entrepris d’occulter le surendettement de la Banque par divers<br />

artifices (…)», p. 8). Il en va de même d'autres passages (p. ex. en p. 10: «L'expertise<br />

confirme, en outre, les dissimulations comptables imputées aux inculpés»), en particulier de<br />

l'une des conclusions (p. 58: «Les recourants auront également tout loisir de développer,<br />

devant cette même juridiction, l'ensemble des arguments qu'ils jugeront utiles en vue de<br />

démontrer leur moindre implication, voire leur innocence, au regard des actes qui leur seront<br />

effectivement reprochés à teneur des réquisitions que prendra le Ministère public (…)»).<br />

Il y a dès lors lieu de constater une violation de la présomption d'innocence sur ces points.<br />

S'agissant d'une éventuelle violation de la même présomption d'innocence de par la relation de<br />

la présente procédure par la presse, la jurisprudence européenne (ACEDH Rupa c. Roumanie<br />

[n° 1], req. 58478/00, du 16 décembre 2008, par. 232) et fédérale (ATF 116 IV 31 cons. 5)<br />

reconnaît que le fait des privés que sont les médias peut emporter violation de la présomption<br />

d'innocence, et le cas échéant responsabilité de la part de l'État. Il faut toutefois pour cela une<br />

véritable condamnation prématurée dans la presse; une couverture médiatique importante,<br />

même passionnée, ne suffit pas encore à admettre une violation de la présomption<br />

d'innocence. Il convient de souligner en outre que l'on se trouve ici dans un conflit potentiel<br />

de droits fondamentaux, la liberté de la presse étant elle aussi garantie par le droit supérieur<br />

(art. 19 Pacte ONU II, 10 CEDH et 16 et 17 Cst.; dans le domaine de la relation de procès<br />

pénaux, ATF 1B_134/2011 du 14 <strong>juillet</strong> 2011, destiné à la publication, cons. 4); la<br />

jurisprudence européenne souligne d'ailleurs à l'envi le rôle essentiel joué par la presse dans<br />

une société démocratique (cf. l'un des plus récents parmi de nombreux arrêts,<br />

ACEDH Wizerkaniuk c. Pologne, req. 18990/05, du 5 <strong>juillet</strong> 2011, par. 59).<br />

En l'espèce, les coupures de presse figurant au dossier sont certes nombreuses, et témoignent<br />

d'un intérêt soutenu pour la procédure en cours. Il y est souvent fait allusion à la «débâcle» ou<br />

à la «déroute» de la BCGE, et il y est souvent rappelé le montant des pertes essuyées par l'État<br />

de Genève. Les articles les plus virulents vilipendent la lenteur des autorités pénales, ou<br />

encore les moyens mis en œuvre par les conseils des prévenus pour la défense de ceux-ci.<br />

Mais aucun d'entre eux ne prétend que l'un ou l'autre des prévenus soit effectivement<br />

coupable de gestion déloyale ou de faux dans les titres; quelques-uns rappellent même<br />

expressément qu'ils sont présumés innocents. Il n'est pas davantage appelé publiquement à la<br />

condamnation des prévenus.<br />

Dès lors, il n'y a pas eu violation de la présomption d'innocence du fait de la presse.<br />

S'agissant des conséquences de la violation constatée ci-dessus, dans l'arrêt déjà cité, le<br />

Tribunal fédéral indique que le constat de violation de la présomption d'innocence constitue<br />

une réparation suffisante (ATF 124 I 327 cons. 4c.bb); le Tribunal de céans ne voit pas de<br />

raison de se départir de ce point de vue, et mentionnera donc simplement ce constat dans son<br />

dispositif, ce qui ne pose en revanche pas de problème juridique (cf. ATF 129 V 411 cons. 1.3<br />

et les réf. citées).<br />

P/3409/2001


- 67 -<br />

3. Avant d'examiner les éléments constitutifs des infractions reprochées, il convient de<br />

revenir sur la force probante de l'expertise judiciaire (9'000'001 ss) et des différents rapports<br />

d'expertise privée figurant à la procédure.<br />

3.1 En ce qui concerne la première, selon la jurisprudence constante, «comme tous les<br />

autres moyens de preuve, les expertises sont soumises à la libre appréciation du juge. Le juge<br />

ne s'écarte cependant des constatations de fait d'une expertise judiciaire que pour des motifs<br />

pertinents. L'appréciation des preuves et la réponse aux questions juridiques qui se posent est<br />

l'affaire du juge. Celui-ci doit examiner si, sur la base des autres moyens de preuve et des<br />

observations formulées par les parties, des objections sérieuses viennent ébranler le<br />

caractère concluant des constatations de l'expertise. Si le caractère concluant d'une expertise<br />

lui apparaît douteux sur certains points essentiels, il doit, le cas échéant, recueillir des<br />

preuves complémentaires pour dissiper ces doutes. En se fondant sur une expertise non<br />

concluante ou en renonçant à procéder aux enquêtes complémentaires requises, le juge peut<br />

commettre une appréciation arbitraire des preuves et violer l'art. 9 Cst. féd. ( ATF 130 I 337<br />

c. 5.4.2, JdT 2005 I 95; ATF 129 I 49 c. 4; ATF 128 I 81 c. 2, JdT 2004 IV 55 , avec d'autres<br />

réf.)» (ATF 133 II 384 cons. 4.2.3 = JdT 2008 I 451, 459; plus récemment, ATF 6B_275/2011<br />

du 7 juin 2011, cons. 3.3.2).<br />

En l'espèce, l'expertise judiciaire a été confiée à un collège de trois experts. R.B. est expertcomptable,<br />

réviseur bancaire agréé par la CFB, et membre de la commission d'audit bancaire<br />

de la <strong>Chambre</strong> fiduciaire suisse. M.H. est docteur en économie, et conseiller financier. P.L. a<br />

une formation poussée en comptabilité et en audit interne et externe, et il a été Risk Manager<br />

dans une banque en Suisse entre 1997 et 1999. Les experts disposaient donc d'une formation<br />

et d'une expérience adaptées aux circonstances.<br />

En outre, le Tribunal ne distingue pas de contradiction ni de lacune manifeste dans le rapport<br />

d'expertise, lequel est par ailleurs soigneusement synthétisé et documenté – étant précisé<br />

cependant que les experts se sont heurtés sur certains points, parfois critiques, à un manque de<br />

documentation de la Banque ou d'A.. Dès lors, en application de la jurisprudence constante<br />

précitée, le Tribunal se basera sur le rapport d'expertise pour l'examen des éléments<br />

constitutifs objectifs des infractions reprochées.<br />

De la même manière, la présentation du référentiel comptable et bancaire (not. 9'000'019 à<br />

9'000'075) ne prêtant pas le flanc à la critique, elle ne sera pas répétée dans le présent<br />

jugement, et il y sera fait référence en tant que de besoin.<br />

Le Tribunal note cependant que sur un point, les pièces du dossier permettent de remettre en<br />

cause les conclusions des experts. En effet, pour les années 1996 et 1997, les experts<br />

retiennent que les débiteurs STÄUBLI / JS Holding et G.S. / GARDY SA étaient gérés en<br />

dehors des trois départements à risque de la Banque (9'000'128), et dès lors qu'ils n'ont pas été<br />

dûment provisionnés (tableaux, 9'000'144 et 9'000'147). Or, outre les déclarations de C.,<br />

d'autres pièces du dossier, notamment les rapports de solvabilité et les rapports sur les plus<br />

grandes positions 1996 et 1997, laissent apparaître que ces deux dossiers étaient bien<br />

provisionnés, et entraient dans le montant global de provisions de la Banque (7'013'968;<br />

P/3409/2001


- 68 -<br />

7'013'851, cp. avec 7'013'766 pour 1998; 7'014014; 7'013'869; 7'<strong>22</strong>1'654; 7'<strong>22</strong>1'656;<br />

7'305'585), ce qui a même été confirmé en 1998 par le Secrétariat de la CFB (7'<strong>22</strong>0'834 in<br />

fine). De plus, un administrateur a indiqué aux débats qu'il avait «demandé une fois à<br />

M. FUES l'historique des positions GAON et STAUBLI, il m'a répondu immédiatement en me<br />

donnant tous les chiffres à l'appui, notamment le montants des encours et des provisions»<br />

(déclaration G.D., procès-verbal des débats du <strong>22</strong> juin 2011, p. 4). Enfin, une note interne de<br />

J.-D.B., chef de l'inspectorat, du 15 janvier 1997, fait état des provisions constituées pour le<br />

groupe STÄUBLI (2'002'527). On doit donc considérer que le non-provisionnement des<br />

positions précitées, tel que retenu dans l'acte d'accusation, n'est pas prouvé au-delà d'un doute<br />

raisonnable. Il en sera dès lors tenu compte lors de l'examen des différentes infractions<br />

reprochées.<br />

3.2 S'agissant des expertises privées, selon le Tribunal fédéral, «une expertise privée ne<br />

possède pas la même valeur démonstrative qu'une expertise ordonnée par le Tribunal selon<br />

les formes prévues par le droit de procédure applicable. L'expert privé n'est pas indépendant<br />

et impartial comme l'expert officiel, mais il est le mandataire de l'accusé, et donc d'une<br />

partie. Les résultats d'expertises privées, en tant qu'elles ont été réalisées sur mandat de la<br />

défense, valent donc comme allégations d'une partie (ATF 127 I 73 p. 82; 97 I 320 cons. 3 p.<br />

325; cf. Marianne Heer, Code pénal, commentaire bâlois I, par. 41 ad introduction à l'art. 42<br />

CP). Il n'est cependant pas exclu que le Tribunal soit en mesure d'examiner, en suivant les<br />

règles directrices de l'appréciation des preuves, si l'expertise privée s'avère convaincante sur<br />

des points juridiques pertinents (cf. ATF 125 V 351 cons. 3c)» (ATF 6P.<strong>22</strong>3/2006 du 9 février<br />

2007 cons. 2.4.3). Une grande partie de la doctrine admet également la plus faible valeur<br />

démonstrative de l'expertise privée de manière générale (Joëlle VUILLE, in André KUHN /<br />

Yvan JEANNERET [éd.], Code de procédure pénale suisse - Commentaire romand, Bâle<br />

2010, par. 18 ad art. 182 CPP; Robert HAUSER / Erhard SCHWERI / Karl HARTMANN,<br />

Schweizerisches Strafprozessrecht, 6 e éd., Bâle - Genève - Munich 2005, chap. 64 par. 17;<br />

Niklaus OBERHOLZER, Grundzüge des Strafprozessrechts : dargestellt am Beispiel des<br />

Kantons St. Gallen, 2 e éd., Berne 2005, par. 941), tandis qu'un des meilleurs spécialistes<br />

suisses de la question considère, de manière plus mesurée et sans doute plus conforme au<br />

principe de la libre appréciation des preuves (art. 10 al. 2 CPP), que l'expertise privée doit<br />

s'examiner, sous les réserves déjà évoquées, en fonction de sa pertinence intrinsèque (Andreas<br />

DONATSCH, in Andreas DONATSCH / Thomas HANSJAKOB / Viktor LIEBER [éd.],<br />

Kommentar zur schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), Zurich 2010, par. 15 ad art.<br />

182 CPP; le même, Der amtliche Sachverständige und das Privatgutachten im Zürcher<br />

Strafprozess, in Festschrift 125 Jahre Kassationsgericht des Kantons Zürich, Zurich 2000<br />

363-376, 372 s.).<br />

En l'espèce, la seule véritable expertise privée est celle que l'État de Genève a produit à<br />

l'appui de sa demande civile, soit le rapport établi par la firme P. (7'525'001 ss). Ce rapport<br />

n'infirme nullement le travail des experts judiciaires. Les chiffres retenus sont certes différents<br />

de ceux du rapport d'expertise, ce qui s'explique notamment dans la mesure où ce dernier<br />

prend en considération un champ d'investigation plus limité, et où les calculs effectués le sont<br />

sans remise en cause de la méthode de provisionnement d'A. sur le principe; les experts<br />

judiciaires ont également affirmé avoir suivi une «approche minimaliste» en matière<br />

P/3409/2001


- 69 -<br />

d'évaluation des besoins complémentaires en provisions (9'000'268). Quoi qu'il en soit, en<br />

vertu du principe d'accusation (art. 9 al. 1 CPP), il serait de toute façon exclu de retenir des<br />

chiffres supérieurs à ceux contenus dans l'acte d'accusation, lesquels sont le pendant des<br />

montants retenus par les experts judiciaires.<br />

Les autres rapports versés au dossier et émanant de personnalités scientifiques ou<br />

académiques ne constituent pas réellement des expertises privées. Ils ne remettent en tout état<br />

pas en cause les résultats auxquels parviennent les experts. Certains se contentent du reste de<br />

commenter des faits que l'on peut qualifier de notoires (cf. art. 139 al. 2 CPP), telle la crise<br />

immobilière des années 1990. Ils ne posent dès lors pas de problèmes particuliers en termes<br />

d'appréciation des preuves.<br />

3.3 Un dernier point, relatif au droit transitoire, doit être examiné avant d'aborder les<br />

questions pénales de fond. En effet, les infractions reprochées remontent au plus tard à 1999,<br />

soit avant le 1 er janvier 2007.<br />

La nouvelle partie générale du code pénal - y compris les nouvelles clauses punitives figurant<br />

dans les dispositions spéciales - s'applique à toutes les infractions commises après son entrée<br />

en vigueur (art. 2 al. 1 CP). Il s'applique également aux infractions commises avant son entrée<br />

en vigueur si l'auteur n'est mis en jugement qu'après cette date et le nouveau droit lui est plus<br />

favorable que la loi en vigueur au moment de l'infraction (art. 2 al. 2 CP).<br />

«Déterminer le régime le plus favorable, procède d'une comparaison concrète de la situation<br />

de l'auteur selon qu'il est jugé à l'aune de l'ancien ou du nouveau droit (ATF 126 IV 5 consid.<br />

2c p. 8; 119 IV 145 consid. 2c p. 151; 114 IV 81 consid. 3b p. 82). On examine, dans la règle,<br />

en premier lieu les conditions légales de l'infraction. Lorsque le comportement est punissable<br />

en vertu de l'ancien comme du nouveau droit, il y a lieu de comparer les deux régimes pris<br />

dans leur ensemble. L'importance de la peine maximale encourue joue un rôle décisif mais il<br />

faut néanmoins tenir compte de toutes les règles applicables, notamment celles relatives à la<br />

prescription et au droit de porter plainte (ATF 119 IV 145 consid. 2c p. 151; 114 IV 81<br />

consid. 3b p. 82)» (ATF 6B_447/2007, du 29 mars 2008, cons. 3).<br />

En l'espèce, l'art. 251 ch. 1 aCP prévoyait une peine de réclusion pour 5 ans au plus ou<br />

l'emprisonnement, l'art. 251 ch. 1 CP actuel prévoit une peine privative de liberté de 5 ans au<br />

plus ou une peine pécuniaire. De son côté, l'art. 158 ch. 1 al. 1 aCP prévoyait<br />

l'emprisonnement pour 6 mois au moins, tandis que l'art. 158 ch. 1 al. 1 CP actuel prévoit une<br />

peine privative de liberté de 3 ans au plus ou une peine pécuniaire; l'art. 158 ch. 1 al. 3 aCP<br />

prévoyait une peine-menace augmentée allant jusqu'à 5 ans de réclusion au plus, tandis que<br />

l'art. 158 ch. 1 al. 3 CP actuel prévoit que le juge pourra prononcer une peine privative de<br />

liberté de 1 à 5 ans.<br />

Comme on peut le constater, la peine-menace ne saurait jouer ici le rôle décisif que lui<br />

attribue la jurisprudence, puisque ces peines sont identiques dans l'ancien et le nouveau droit.<br />

La peine minimale est en revanche d'un genre différent, et l'on doit retenir, conformément à<br />

une autre jurisprudence (ATF 134 IV 82 cons. 7.2.2), que la peine pécuniaire est<br />

intrinsèquement plus douce qu'une peine privative de liberté telle que l'emprisonnement. Il<br />

P/3409/2001


- 70 -<br />

doit donc être fait application des nouvelles dispositions, plus favorables aux prévenus. On<br />

notera que la comparaison des règles en matière de prescription va dans le même sens (cf.<br />

infra cons. 5.2).<br />

4. Selon l'art. 251 ch. 1 CP, celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts<br />

pécuniaires ou aux droits d’autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage<br />

illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main<br />

réelles d’autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans<br />

un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d’un tel<br />

titre, sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.<br />

La consommation de l'infraction de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) requiert la<br />

réalisation de deux éléments constitutifs objectifs et de deux éléments constitutifs subjectifs.<br />

Il faut d'abord que l'on soit en présence d'un titre. Il est ensuite nécessaire qu'il y ait eu un<br />

comportement punissable en rapport avec ce titre, à savoir, en l'espèce, la création d'un faux<br />

intellectuel. Enfin, sur le plan subjectif, les agissements reprochés doivent avoir été commis<br />

intentionnellement, et dans le dessein de nuire ou d'obtenir un avantage illicite.<br />

4.1 L'art. 110 al. 4 CP définit comme des titres tous les écrits destinés et propres à<br />

prouver un fait ayant une portée juridique et tous les signes destinés à prouver un tel fait.<br />

L’enregistrement sur des supports de données et sur des supports-images est assimilé à un<br />

écrit s’il a la même destination. Le titre doit être apte à prouver un fait ayant une portée<br />

juridique, c'est-à-dire un fait «dont dépend la naissance, l'existence, la modification, le<br />

transfert, l'extinction ou la constatation d'un droit» (Bernard CORBOZ, Les infractions en<br />

droit suisse, vol. II, 2 e éd., Berne 2010, par. 27 ad art. 251 CP).<br />

«L'art. 251 CP vise non seulement le faux matériel, qui consiste dans la fabrication d'un titre<br />

faux ou la falsification d'un titre, mais également le faux intellectuel, qui consiste dans la<br />

constatation d'un fait inexact, en ce sens que la déclaration contenue dans le titre ne<br />

correspond pas à la réalité. Ainsi, constitue un faux matériel, un titre dont l'auteur réel ne<br />

coïncide pas avec l'auteur apparent, alors que le faux intellectuel vise un titre qui émane de<br />

son auteur apparent mais qui est mensonger dans la mesure où son contenu ne correspond<br />

pas à la réalité. Un document dont le contenu est mensonger ne peut toutefois être qualifié de<br />

faux intellectuel que s'il a une capacité accrue de convaincre, parce qu'il présente des<br />

garanties objectives de la véridicité de son contenu. Il doit résulter des circonstances<br />

concrètes ou de la loi que le document est digne de confiance, de telle sorte qu'une<br />

vérification par le destinataire n'est pas nécessaire et ne saurait être exigée. Tel est le cas<br />

lorsque certaines assurances objectives garantissent aux tiers la véracité de la déclaration; il<br />

peut s'agir, par exemple, d'un devoir de vérification qui incombe à l'auteur du document ou<br />

encore de l'existence de dispositions légales comme les art. 958 ss CO relatifs au bilan, qui<br />

définissent le contenu du document en question (ATF 133 IV 303 consid. 4.2 non publié, 36<br />

consid. 4.1 non publié; 132 IV 12 consid. 8.1 p. 14/15; 129 IV 130 consid. 2.1 p. 133/134).<br />

De jurisprudence constante, la comptabilité commerciale et ses éléments (pièces<br />

justificatives, livres, extraits de compte, bilans ou comptes de résultat) sont, en vertu de la loi<br />

(art. 662a ss et art. 957 ss CO), propres et destinés à prouver des faits ayant une portée<br />

P/3409/2001


- 71 -<br />

juridique. Ils doivent permettre aux personnes qui entrent en rapport avec une entreprise de<br />

se faire une juste idée de la situation financière de celle-ci et font donc preuve, de par la loi,<br />

de la situation et des opérations qu'ils présentent. Ils ont ainsi une valeur probante accrue ou,<br />

autrement dit, offrent une garantie spéciale de véracité (ATF 133 IV 303 consid. 4.2 non<br />

publié, 36 consid. 4.1 non publié; 132 IV 12 consid. 8.1 p. 14 s.; 129 IV 130 consid. 2.2 et 2.3<br />

p. 134 ss). De tels documents dont le contenu est faux doivent dès lors être qualifiés de faux<br />

intellectuels» (ATF 6B_812/2010, du 7 <strong>juillet</strong> 2011, cons. 5.2).<br />

Les écrits qualifiés de titre par l'accusation sont, en ce qui concerne C., D. et F., les rapports<br />

bancaires annuels 1996, 1997 et 1998; rapports destinés à la CFB, aux actionnaires – dont<br />

l'État de Genève –, aux déposants et partenaires contractuels de la Banque, et au public de<br />

manière générale.<br />

Selon une jurisprudence récente (ATF 6B_327/2010 du 19 août 2010, cons. 4), encore plus<br />

précise que l'extrait reproduit plus haut qui vise la comptabilité de manière générale, les<br />

comptes bancaires annuels adressés à la CFB constituent bien un titre. On doit donc admettre<br />

le premier élément constitutif objectif comme rempli en ce qui concerne C., D. et F..<br />

En ce qui concerne R. et S., ce sont les rapports statutaires de révision 1996, 1997 et 1998<br />

dont la qualité de titre est imputée par l'acte d'accusation.<br />

Selon une autre jurisprudence récente spécifique (ATF 6B_684/2010, du 15 novembre 2010,<br />

cons. 3.1.4; 6B_772/2008 du 6 mars 2009, cons. 4.4, 2 e par., non publié in ATF 135 IV 130),<br />

le rapport de révision constitue un titre, si bien que l'on doit également admettre le premier<br />

élément constitutif objectif comme rempli en ce qui concerne R. et S..<br />

4.2 Le second élément constitutif objectif est la création d'un faux intellectuel<br />

(Falschbeurkundung), ce qui revient à se demander si les comptes annuels 1996, 1997 et 1998<br />

et les rapports de révision statutaires 1996, 1997 et 1998 constituaient des mensonges écrits.<br />

Pour les comptes annuels, il s'agit ainsi de savoir si les chiffres qu'ils contenaient reflétaient la<br />

réalité comptable de la BCGE. Pour les rapports de révision, il s'agit de savoir si les<br />

paragraphes «selon notre appréciation, la comptabilité et les comptes annuels, ainsi que la<br />

proposition relative à l'emploi du bénéfice au bilan sont conformes à la loi et aux statuts» et<br />

«Nous recommandons d'approuver les comptes annuels qui vous sont soumis» étaient, du<br />

point de vue objectif, exacts ou non.<br />

4.2.1 S'il découle des jurisprudences citées au cons. 4.1 ci-dessus que des comptes annuels<br />

ou des rapports de révision peuvent constituer des faux intellectuels s'ils ne correspondent pas<br />

à la réalité, on doit se demander si tel est nécessairement le cas de tous les postes comptables,<br />

en d'autres termes si l'inexactitude de certains postes en termes d'orthodoxie comptable<br />

implique nécessairement de retenir un faux intellectuel.<br />

4.2.1.1 Selon un arrêt récent déjà largement cité plus haut, «des opérations destinées à<br />

améliorer la présentation des comptes à une date déterminée ("window dressing") ne<br />

conduisent pas à une comptabilité fausse si elles reposent sur une réalité juridique. Il a ainsi<br />

été jugé que créditer un compte bancaire, dont la limite de crédit était dépassée, de chèques<br />

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- 72 -<br />

émis sur des comptes sans provisions auprès d'autres banques, dans le seul but de masquer<br />

provisoirement les dépassements, n'était pas constitutif d'un faux lorsque les chèques étaient<br />

pleinement couverts par les banques tirées; car dans ce cas, une réévaluation des actifs ou la<br />

constitution d'une provision n'étaient pas nécessaires en vertu du principe de la sincérité du<br />

bilan (ATF 116 IV 52 consid. 2b p. 55). Par contre, il y a faux lorsque les opérations<br />

comptabilisées sont fictives, par exemple lorsque deux personnes font escompter, auprès de<br />

banques différentes, des billets à ordre qu'elles ont tirés réciproquement l'une sur l'autre,<br />

sans qu'il existe de dette (dit effet de cavalerie); dans ce cas, les écritures comptables<br />

correspondantes sont fausses, car la situation réelle des comptes n'a pas changé; la<br />

comptabilité donne alors une fausse image des soldes réels des comptes (ATF 108 IV 25). Il y<br />

a notamment aussi faux dans les titres lorsque des positions de débiteur sont diminuées par<br />

l'inscription au crédit de créances sans valeur (arrêt 6S.438/1999 du 24 février 2000 consid.<br />

11b et les références citées)» (ATF 6B_812/2010, du 7 <strong>juillet</strong> 2011, cons. 5.2). La doctrine<br />

confirme également que le window dressing (on parle aussi d'habillage du bilan, en anglais<br />

cosmetic accounting, en allemand Bilanzkosmetik; sur la notion et son utilisation en Suisse,<br />

voir Maja BLUMER, Bilanzkosmetik und Schadenersatz, Berne et al. 2007, 1-10) n'est en<br />

principe pas punissable, pour autant qu'il s'agisse d'un simple embellissement qui puisse<br />

reposer sur un fondement juridique, et ne cache pas des opérations économiques simulées<br />

(Cédric REMUND / Sylvie BOSSARD / Olivier THORMANN, Le faux intellectuel dans le<br />

droit pénal économique, in Droit pénal économique, Zurich - Genève 2011, 283-321, 317;<br />

Markus BOOG, in Marcel A. NIGGLI / Hans WIPRÄCHTIGER [éd.], Strafrecht II - Basler<br />

Kommentar, 2 e éd., Bâle - Genève - Munich 2007, par. 57 ad art. 251 CP).<br />

4.2.1.2 La défense se prévaut quant à elle d'une jurisprudence rendue en l'an 2000, qui<br />

selon elle exclurait la création d'un faux intellectuel en matière comptable en relation avec une<br />

évaluation incorrecte des provisions et correctifs de valeur. Selon cet arrêt, «l'instance<br />

précédente motive son verdict de culpabilité du chef de faux dans les titres en lien avec les<br />

avances perçues sur les comptes "A", "B" et "C" de Alpha AG par le fait que le recourant n'a<br />

pas procédé à des provisions pour les prétentions en dommages-intérêts attendues et qu'il<br />

n'en a ainsi ni inscrit ni porté au bilan. Cette opinion est contraire au droit fédéral. Les<br />

provisions correspondent aux engagements qui ne sont pas encore précisément connus quant<br />

à leur montant et aux autres pertes attendues sans contre-valeur, dont la prise en compte est<br />

nécessaire pour l'établissement du compte de pertes ordinaires ou extraordinaires. Elles<br />

servent à l'enregistrement en temps voulu des dépenses et des pertes connues au jour du bilan<br />

dans leur motif mais non cependant dans leur quotité, ou à l'enregistrement d'engagements et<br />

de charges qui existent déjà au jour du bilan mais qui ne peuvent cependant être précisément<br />

déterminées quant à leur montant et à leur échéance, ou dont l'existence est douteuse. Les<br />

provisions doivent en particulier être constituées afin de couvrir les engagements incertains<br />

et les pertes imminentes résultant d'affaires en suspens (…). Dans cette mesure, le recourant<br />

a raison lorsqu'il allègue qu'il ne s'agit dans le cas en question que de la comptabilisation de<br />

risques futurs hypothétiques et non d'une comptabilisation ou absence de comptabilisation,<br />

contraire à la réalité, d'événements commerciaux effectifs. Cela ne répond pas encore à la<br />

question de savoir si le recourant, pour avoir omis de constituer des provisions et de les<br />

comptabiliser, a commis un faux dans les titres. La question de savoir si le recourant était<br />

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- 73 -<br />

tenu, en vertu du droit de la comptabilité commerciale ou des usages commerciaux de<br />

constituer des provisions dans les circonstances du cas d'espèce a peu d'importance et peut<br />

demeurer ouverte dans la perspective du faux intellectuel. En effet, il n'est pas contesté que la<br />

comptabilité et le bilan reflétaient en l'espèce à tous égards la situation effective et étaient<br />

ainsi véridiques. Il n'est d'ailleurs pas reproché au recourant de n'avoir pas comptabilisé ou<br />

comptabilisé faussement des mouvements de comptes effectifs ou à l'inverse d'avoir passé des<br />

écritures comptables qui ne correspondraient pas à des faits réels. Le reproche soulevé par<br />

les autorités cantonales vise dans le fond la violation de prescriptions régissant la gestion<br />

conférée, ce qui ne peut cependant pas être appréhendé au titre du faux intellectuel» (ATF<br />

6S.835/1999 du 5 avril 2000, cons. 4d.aa, traduction libre fournie à l'audience).<br />

Ce passage ne peut, pour différentes raisons, revêtir la portée que lui confèrent les prévenus et<br />

que lui ont également conféré le Tribunal correctionnel de Lausanne, dans la cause visant la<br />

Banque cantonale vaudoise (Jugement du 26 mars 2008, p. 121), et le Tribunal pénal<br />

économique fribourgeois (Jugement du 3 avril 2009 en la cause E. et consorts, p. 112).<br />

On doit tout d'abord constater que ce passage n'est pas clair. Il n'y est pas dit expressément<br />

que l'estimation incorrecte ou l'absence de prise en compte de postes sujets à estimation ne<br />

pourrait en aucun cas être constitutif de faux dans les titres – si tel avait été le cas, on peut se<br />

demander pourquoi l'arrêt n'a pas fait l'objet d'une publication au recueil officiel, car il se<br />

serait agi d'une précision de jurisprudence essentielle dans le domaine du droit pénal<br />

économique.<br />

Au contraire, l'arrêt souligne dans le passage considéré qu'il y a faux intellectuel lorsque la<br />

comptabilité ne reflète pas la situation réelle de l'entreprise, comme cela se retrouve du reste<br />

dans toute la jurisprudence antérieure et postérieure (ATF 6B_812/2010, du 7 <strong>juillet</strong> 2011,<br />

cons. 5.3: «une comptabilité se doit d'être le reflet de la situation financière véritable d'une<br />

entreprise»; ATF 6B_684/2010, du 15 novembre 2010, cons. 3.1.3). Or comme la présente<br />

espèce le prouve sans équivoque, une mauvaise évaluation des provisions à la date du bilan<br />

peut, pour une entreprise telle qu'une banque de crédit, fausser notablement les comptes (la<br />

jurisprudence reconnaissant même qu'une mauvaise évaluation peut mettre en question la<br />

survie d'une société, ATF 112 II 461 cons. 3c), et ce en déployant aussi des effets sur des flux<br />

financiers réels, comme par exemple le décaissement nécessaire à la distribution de<br />

dividendes. Ceci montre dès lors non seulement que le passage cité est peu clair, voire<br />

contradictoire, mais également que l'arrêt en cause est un arrêt d'espèce et non de principe, et<br />

qu'il se prêterait dès lors en tout état de cause mal à une trop grande généralisation.<br />

Un autre argument revêt encore plus de poids: la jurisprudence postérieure du Tribunal fédéral<br />

a admis des faux intellectuels à propos de postes sujets à estimation. Dans l'ATF 6S.71/2002<br />

du 20 septembre 2002, cons. 2.1 et 2.2, le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation pour<br />

faux intellectuel du recourant, qui avait activé au bilan de sa société une créance existante,<br />

mais dont il apparaissait clairement, suite notamment à la faillite du débiteur, qu'elle était en<br />

fait sans valeur aucune (cf. aussi ATF 6S.438/1999 du 24 février 2000, cons. 11b). Dans<br />

l'ATF 132 IV 12 cons. 8.3, de 2005, le Tribunal fédéral indique clairement qu'il était reproché<br />

au recourant de n'avoir pas comptabilisé un engagement conditionnel puis un correctif de<br />

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- 74 -<br />

valeur, et que le fait de ne pas avoir procédé à ces opérations comptables devait être qualifié<br />

de faux intellectuel, dans la mesure où cela donnait des comptes annuels dans leur ensemble<br />

une image plus flatteuse que la réalité («Die Unterlassung dieser Buchungen ist, da die<br />

Jahresrechnung als Ganzes ein besseres Bild als in Wirklichkeit zeigte, als<br />

Falschbeurkundung zu qualifizieren»). Dans l'ATF 6B_684/2010 du 15 novembre 2010, cons.<br />

3.3.2, il est retenu que le réviseur, s'il ne doit pas lui-même directement évaluer à leur juste<br />

valeur les actifs, est tenu de veiller au respect des principes légaux et statutaires en matière<br />

d'évaluation, et commet un faux intellectuel s'il approuve les comptes en ne procédant pas à ce<br />

contrôle – ce qui ne se comprendrait pas si la véracité des postes du bilan soumis à<br />

appréciation était pénalement indifférente dans l'optique du faux dans les titres. Enfin, dans<br />

l'ATF 6B_812/2010 du 7 <strong>juillet</strong> 2011, cons. 5.2, cité ci-dessus au début du cons. 4.2.1.1, une<br />

manœuvre comptable a été jugée comme ne relevant pas du faux intellectuel «car dans ce cas,<br />

une réévaluation des actifs ou la constitution d'une provision n'étaient pas nécessaires», ce<br />

qui implique a contrario que si la constitution d'une provision eût été nécessaire, il y aurait eu<br />

faux intellectuel.<br />

La doctrine suisse confirme cette interprétation, à savoir que les postes comptables sujets à<br />

évaluation peuvent constituer des faux intellectuels, pour autant qu'il soit tenu compte de la<br />

marge d'appréciation de l'estimateur (Markus BOOG, in Marcel A. NIGGLI / Hans<br />

WIPRÄCHTIGER [éd.], Strafrecht II - Basler Kommentar, 2 e éd., Bâle - Genève - Munich<br />

2007, par. 54 ad art. 251 CP, et les références citées; Bernard CORBOZ, Les infractions en<br />

droit suisse, vol. II, 2 e éd., Berne 2010, par. 40 ad art. 251 CP; le même, Le faux dans les<br />

titres, RSJB 1995 534-590, 550 et références citées sous note 89).<br />

Si l'on examine enfin, à titre de comparaison, le droit français – qui connaît la figure du faux<br />

intellectuel – et le droit allemand – qui ne la connaît pas –, on remarque d'une part que ces<br />

deux ordres juridiques ont institué des infractions spécifiques en matière de faux comptables<br />

ou de comptabilité inexacte (pour l'Allemagne: art. 283 ch. 5 à 7 et 283b CP-D; pour la<br />

France: art. 242-6 du Code de commerce, entre 1966 et 2000 art. 437 CP-F), mais d'autre part<br />

et surtout que dans ce cadre, les postes sujets à évaluation sont, là aussi, tout autant<br />

susceptibles que les autres de fonder une responsabilité pénale, si ce n'est que, conformément<br />

à leur nature, il doit être tenu compte d'une marge d'appréciation en faveur du teneur des<br />

comptes. Ainsi, en droit allemand, il n'y a responsabilité pénale qu'en cas d'évaluation<br />

arbitraire ou de «mésévaluation» intentionnelle des actifs (BGH 30 285, 289, du 8 décembre<br />

1981; RGSt 39 <strong>22</strong>2, <strong>22</strong>3; Klaus TIEDEMANN, Strafgesetzbuch - Leipziger Kommentar, vol.<br />

IX, 2 e partie [art. 267-283d], Berlin 2006-2009, par. 115 ad art. 283 CP-D). Tandis qu'en droit<br />

français, le fait d'omettre de constituer une provision est, de jurisprudence constante,<br />

punissable (Cass. crim., 10 mars 2004, n° 03-84.215; cass. crim., 30 octobre 2002, n° 01-<br />

86.810; cass. crim., 29 nov. 2000, n° 99-80.324, bull. crim. n° 359; cass. crim., 9 novembre<br />

1992, n° 92-81.954, bull. crim. n° 364), étant précisé qu'en ce qui concerne le montant des<br />

provisions, leur insuffisance ne peut donner lieu à infraction si elle n'est pas significative<br />

(Claude <strong>DU</strong>COULOUX-FAVARD / Claude GARCIN, Lamy Droit pénal des affaires, Paris<br />

2011, par. 2017 in fine p. 872, et les arrêts cités).<br />

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- 75 -<br />

On doit ainsi retenir que selon l'art. 251 CP, il peut bien y avoir faux intellectuel lorsque les<br />

comptes annuels ne reflètent pas la réalité de l'entreprise en raison d'une insuffisance<br />

significative de provisions.<br />

4.3.1 Il convient d'étudier dans un premier temps si les comptes annuels 1996, 1997<br />

et 1998 peuvent objectivement être qualifiés de faux, ce qui concerne au même chef C., D. et<br />

F..<br />

4.3.1.1 L'acte d'accusation reproche tout d'abord aux précités, pour les trois années<br />

considérées, une diminution fictive du besoin de provisions, ce qui équivaut, ramené à un plan<br />

strictement objectif, à un sous-provisionnement, de 495 MF en 1996 (subdivisé en 444 MF<br />

pour le département AS, et en 100 MF pour les groupes GARDY et STÄUBLI, sous<br />

déduction d'un excédent de provisions mentionné au bilan de 49 MF), de 720 MF en 1997<br />

(subdivisé en 562 MF pour le département AS, et en 158 MF pour les groupes GARDY et<br />

STÄUBLI), et de 969 MF en 1998 (subdivisé en 731 MF pour les département AS, PME et<br />

SJ, 328 MF de neutralisation des risques dans les listes Magic du département AS, et 60 MF<br />

d'intérêts réservés, sous déduction d'un complément de provisions de 150 MF).<br />

Ces chiffres correspondent à ceux retenus par les experts (9'000'144; 9'000'147; 9'000'149)<br />

comme découlant strictement des chiffres et de l'application de la méthode d'évaluation de la<br />

Banque, et selon une approche qu'ils qualifient, dans leur rapport, de minimaliste (9'000'268).<br />

Selon ce qui a déjà été dit plus haut au cons. 3.1, ces chiffres seront retenus par le Tribunal,<br />

sauf en ce qui concerne le défaut de provisions allégués pour les groupes GARDY et<br />

STÄUBLI, soit 100 MF en 1996 et 158 MF en 1997. Le fait que les experts aient dû se fonder<br />

sur des documents épars, notamment sur un nombre limité de listes imprimées à partir du<br />

logiciel MAGIC, constitue à l'évidence une violation du principe comptable de documentation<br />

(à propos de ce dernier, cf. 9'000'024 ss) et ne saurait être considéré comme facteur à<br />

décharge. Il ressort du reste du dossier que l'évaluation du besoin en provisions était très<br />

fortement limitée par la direction générale de l'époque en termes de moyens, puisque seul C.<br />

était au sein de la Banque affecté à cette tâche, et encore ne consacrait-il à celle-ci, de son<br />

propre aveu, qu'environ deux jours par an (procès-verbal des débats, 25 mai 2011, p. 7, et<br />

2'013'405; non sans avoir déclaré dans un premier temps que seule A. calculait les besoins en<br />

provisions de manière détaillée, 2'002'373 s.).<br />

Il convient d'ajouter que les critiques émises par C. au cours des débats (procès-verbal des<br />

débats, 24 mai 2011, p. 17) au sujet de l'absence de prise en compte par les experts de la<br />

totalité des couvertures de risque, critiques matérialisées par les tableaux remis à la même<br />

occasion, ne permettent nullement de mettre en doute le rapport d'expertise. D'une part en<br />

effet, les autres couvertures ne se compensent pas avec les provisions, lesquelles doivent de<br />

toute façon être comptabilisées en tant que telles (et qui ne concernent pas que les risques à<br />

court terme, comme l'affirme C., procès-verbal des débats, 25 mai 2011, p. 2, mais tous les<br />

risques avérés ou probables). D'autre part, il apparaît clairement impossible que seul un<br />

«manco» de 280 MF apparu au 2 e semestre 1998 ait pu, comme l'affirme C. (procès-verbal<br />

des débats, 24 mai 2011, p. 18) être à l'origine des problèmes mis au jour au cours de l'année<br />

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- 76 -<br />

1999 et au-delà; ce que le Secrétariat de la CFB a justement constaté fin 1999 - début 2000,<br />

en relevant que la conjoncture s'était améliorée cette année-là, et que les difficultés<br />

rencontrées par la Banque devaient nécessairement trouver leur origine plus loin dans le<br />

temps (déclaration F.T., procès-verbal des débats, 4 <strong>juillet</strong> 2011, p. 3; voir aussi 2'005'263,<br />

2'005'5<strong>22</strong> s, not. 2'005'528, 2'005'543 = 7'<strong>22</strong>1'020, et surtout 7'<strong>22</strong>1'055).<br />

4.3.1.2 Il est ensuite reproché aux prévenus le non-amortissement des créances<br />

irrécouvrables, ou non-valeurs. Cela étant, l'acte d'accusation prend en compte que lesdites<br />

créances étaient intégralement provisionnées, notamment en mentionnant qu'elles ne devaient<br />

plus figurer au bilan et que les provisions y relatives devaient être dissoutes (pp. 11, 28, 47,<br />

102, 118, 136, 191, 208 et <strong>22</strong>7). Ceci correspond notamment aux déclarations faites par F.<br />

(2'003'883).<br />

Dans leur conclusion sur ce point, les experts relèvent qu'un tel non-amortissement<br />

contrevient (seulement) au principe de clarté, et que cette situation n'a pas d'impact sur le<br />

résultat, mais donne une image plus flatteuse des comptes de la Banque car le ratio créances /<br />

provisions s'en trouve ainsi amélioré (9'000'271).<br />

Force est de constater qu'il s'agit donc d'un embellissement qui ne cache pas en soi des<br />

opérations économiques simulées. Ces inscriptions reposent en outre sur un fondement<br />

juridique, puisque les créances existent bel et bien, quand bien même elles sont intégralement<br />

compromises, et que cette dernière constatation est prise en compte par un provisionnement<br />

intégral, étant précisé que le choix de cette solution, longuement discuté à l'instruction (cf.<br />

not. 2'003'708; 2'005'208; 2'005'391; 2'015'214), nécessitait pour la Banque d'y consacrer des<br />

fonds propres supplémentaires à raison de 2 % du montant des créances en cause (2'017'563).<br />

Le Tribunal en conclut qu'il s'agit, conformément à la jurisprudence et à la doctrine rappelée<br />

ci-dessus au cons. 4.2.1.1, d'un window dressing non punissable.<br />

4.3.1.3 S'agissant de l'absence de provisionnement des «portages» (soit la mise en place,<br />

selon la terminologie variée utilisée au cours de l'instruction préparatoire, de sociétés de prêt<br />

partiaire ou d'entités de mise en valeur), l'expertise judiciaire retient que «les crédits octroyés<br />

aux sociétés de portage étaient surévalués. Selon l’opinion de la Banque, ces crédits ne<br />

supportaient pas de risque de capital, ce qui n’est économiquement pas défendable. La<br />

Banque n’actualise pas ses provisions pour ramener la valeur de ses crédits à la valeur de<br />

marché des immeubles des sociétés de portage, ce qui a comme conséquence une<br />

surévaluation des crédits concernés. Le manque de provisions mène en outre à une<br />

surévaluation des fonds propres de la Banque» (9'000'253); ce qui conduit à «la présentation<br />

d’un résultat et de fonds propres surévalués» (9'000'254; cf. aussi les points 2.3.3.2.1,<br />

2.3.3.2.3, 2.3.3.2.4, et 2.3.3.4 du rapport d'expertise, respectivement 9'000'256, 9'000'257,<br />

9'000'258 et 9'000'262).<br />

Ces conclusions n'apparaissent pas en contradiction avec le référentiel présenté par les<br />

experts, ni avec les éléments du dossier, si bien que le Tribunal retiendra que les comptes<br />

1996, 1997 et 1998, de même que les rapports de révision statutaires correspondants, ne<br />

reflétaient pas la vérité sur ce point.<br />

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- 77 -<br />

4.3.1.4 S'agissant de l'absence de consolidation des portages, l'expertise judiciaire retient que<br />

«la comptabilisation des prêts aux sociétés de portage sous la rubrique "Créances sur la<br />

clientèle - Créances hypothécaires" ne reflète pas la réalité économique. Au moins une partie<br />

de ces créances aurait dû être comptabilisée comme participation» (9'000'254). Cette<br />

conclusion s'appuie sur une analyse préalable (point 1.5.5 du rapport d'expertise, 9'000'056 ss)<br />

de laquelle il ressort que la BCGE avait une influence dominante sur les sociétés de mise en<br />

valeur, notamment en raison du financement accordé, qui dépasse les normes alors en<br />

vigueur, et du droit de regard de la Banque sur des éléments essentiels de la vie économique<br />

de la société, dont le ou les biens portés constituent les actifs essentiels.<br />

Cette influence dominante se voit confirmée par différents éléments du dossier. Certains<br />

porteurs ont confirmé que les prix des biens étaient surévalués, ce qu'ils estimaient<br />

consubstantiels à l'idée de portage (déclaration A.P., procès-verbal des débats du 30 juin<br />

2011, p. 8), et qu'ils n'auraient pas envisagé de payer un tel prix pour un investissement qu'ils<br />

auraient fait à titre privé (déclaration P.D., procès-verbal des débats du 30 juin 2011, p. 6).<br />

Certains porteurs ont par ailleurs indiqué qu'ils avaient refusé des opérations de portage<br />

justement en raison du prix trop élevé (déclaration P.D., procès-verbal des débats du 30 juin<br />

2011, p. 5; déclaration C.S., 2'011'529; déclaration T.B.-M., 2'011'532), étant précisé que,<br />

selon tous les porteurs, les prix de transfert étaient décidés par la Banque (déclaration P.D.,<br />

procès-verbal des débats du 30 juin 2011, p. 4; déclaration A.P., procès-verbal des débats du<br />

30 juin 2011, p. 10; déclaration A.B., 2'011'383; déclaration M.Fe., 2'011'385; déclaration<br />

P.E., 2'011'392; déclaration J.-G.L., 2'011'395 s.; déclaration E.O., 2'011'458; déclaration P.-<br />

L.R., 2'011'462; déclaration O.D., 2'011'473 s.; déclaration G.R., 2'011'477; déclaration N.G.,<br />

2'011'481; déclaration C.S., 2'011'527; déclaration T.B.-M., 2'011'532; déclaration B.R.,<br />

2'011'538). Les conventions de postposition, ou les déclarations en tenant lieu, étaient<br />

nombreuses et démontrent que la plupart des sociétés de portage dépendaient pour leur survie<br />

de la bonne volonté des organes de la Banque. Enfin, plusieurs pièces du dossier montrent des<br />

administrateurs de sociétés de portage soumettant à la Banque des décisions à prendre en vue<br />

de validation (voir les exemples recensés par l'inspectorat, 2'000'133), pratique confirmée par<br />

le témoin E.O. (2'011'458).<br />

Il y a donc lieu de constater que du point de vue objectif, les comptes 1996, 1997 et 1998 ne<br />

reflétaient pas la vérité sur le point de l'influence économique de la Banque sur les sociétés de<br />

mise en valeur et sur l'obligation de consolider les comptes de ces dernières, et que les<br />

comptes consolidés de la BCGE étaient ainsi lacunaires.<br />

En revanche, les seuls faux reprochés par l'acte d'accusation à R. et S. étant les rapports de<br />

révision statutaires, qui ne visent pas les comptes consolidés, le Tribunal ne peut qu'écarter le<br />

reproche de faux dans les titres sur ce point précis vis-à-vis des deux réviseurs.<br />

4.3.1.5. S'agissant de la publication d'un faux bénéfice, le Tribunal considère qu'il s'agit d'une<br />

conséquence réflexe de ce qui vient d'être retenu, en particulier au cons. 4.3.1.1, dès lors qu'un<br />

provisionnement adéquat aurait nécessairement conduit à une absence de bénéfice. Dans la<br />

mesure en outre où l'on constate une insuffisance de fonds propres, il y avait également<br />

impossibilité de servir un dividende, ce dernier étant soumis à l'autorisation de la CFB, qui ne<br />

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- 78 -<br />

la donnait pas lorsque le ratio de fonds propres était inférieur à 110 % (déclaration F.T.,<br />

2'005'254), étant précisé que pour l'exercice 1999, où des dividendes ont été approuvés malgré<br />

les pertes, «en novembre 1999, la situation de la BCGE telle que connue par la CFB<br />

respectait les exigences légales de fonds propres» (ibid.; cf. également 7'<strong>22</strong>1'061). La<br />

question est donc indépendante de celle de savoir si une entreprise ordinaire peut distribuer<br />

des dividendes même en cas de pertes (cf. p. ex. déclaration G.-A.C., procès-verbal des débats<br />

du 20 juin 2011, p. 4), ce qui n'est pas contesté.<br />

On peut dès lors retenir également que sur ce point aussi, les comptes 1996 à 1998 et les<br />

rapports statutaires de révision 1996 à 1998 ne reflétaient pas la réalité de l'entreprise, et qu'il<br />

y a donc eu production de faux intellectuels.<br />

4.4 Sur le plan subjectif, l'infraction de faux dans les titres doit être commise<br />

intentionnellement, le dol éventuel étant suffisant (ATF 6B_684/2010 du 15 novembre 2010,<br />

cons. 4.1); en outre, bien que l'art. 251 CP ne le dise qu'au sujet de l'usage de faux, la<br />

jurisprudence admet que l'élément subjectif de l'infraction requiert, dans tous les cas,<br />

l'intention de tromper autrui (ATF 6B_641/2009 du 18 février 2010, cons. 3.1). S'agissant de<br />

la preuve de l'intention, la jurisprudence retient que «faute d'aveux, le Tribunal ne peut<br />

souvent se fonder que sur les indices extérieurs et les règles de l'expérience pour déduire la<br />

volonté interne de l'auteur. Parmi les circonstances extérieures dont on peut déduire que<br />

l'auteur s'est accommodé de la réalisation de l'infraction, la jurisprudence retient notamment<br />

l'importance du risque connu de l'auteur et la gravité de la violation du devoir de diligence.<br />

On conclura ainsi d'autant plus facilement que l'auteur s'est accommodé du résultat que la<br />

réalisation du risque apparaît plus probable et que la violation du devoir de diligence est plus<br />

grave» (ATF 134 IV 26 cons. 3.2.2 = SJ 2008 I 289, 291 et les arrêts cités).<br />

Le faux dans les titres présuppose également la présence d'un dessein spécial, qui peut se<br />

présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de porter atteinte aux intérêts<br />

pécuniaires ou aux droits d'autrui ou le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un<br />

avantage illicite. L'avantage est une notion très large; il suffit que l'auteur veuille améliorer sa<br />

situation [ou celle d'autrui]. Son illicéité peut résulter de la loi, du but poursuivi ou du moyen<br />

utilisé; elle peut donc être déduite du seul fait que l'auteur recourt à un faux (ATF<br />

6B_1001/2009 du 23 avril 2010, cons. 2.2.1; ATF 133 IV 303 cons. 4.4 non publié et les<br />

références citées)<br />

4.4.1 F. était au bénéfice d'une formation HEC, et disposait d'une déjà longue expérience<br />

aux postes bancaires les plus élevés. À ce titre et en tant que directeur général de la Banque, il<br />

ne pouvait que connaître, sinon peut-être certaines subtilités comme les remarques de la CFB<br />

dans ses rapports annuels au sujet de l'évaluation des actifs immobiliers, du moins les<br />

principes comptables en cause, qui constituent le b.a.-ba de la comptabilité bancaire, et sont<br />

susceptibles de générer le travail le plus fourni – et les remarques les plus notables –, de la<br />

part de l'organe de révision.<br />

De manière encore plus directe, il ressort du dossier, et plus particulièrement des déclarations<br />

des intéressés eux-mêmes, que seules deux personnes au sein de la Banque étaient investies<br />

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- 79 -<br />

du pouvoir décisionnel et connaissaient les chiffres précis en matière de provisionnement, à<br />

savoir F. et C. (déclarations C., 2'002'376, 2'002'382; déclarations F., 2'002'993, 2'002'328; cf.<br />

aussi déclaration G.V., 2'003'786). Il n'en avait pourtant pas toujours été ainsi, puisque selon<br />

certaines déclarations, lors des débuts de la BCGE, des montants de provision étaient associés<br />

aux différentes positions à risque (déclaration T.Z., procès-verbal des débats du 28 juin 2011,<br />

p. 15; déclaration B.M., 2'004'829). On doit ainsi retenir que F. et C. ont mis en place une<br />

politique de secret quant au montant exact des provisions vis-à-vis de l'ensemble du personnel<br />

de la Banque et de ses organes.<br />

On ne saurait objecter que F. et C. ne faisaient ainsi que respecter le secret bancaire. Ce secret<br />

ne vaut en effet pas vis-à-vis des personnes qui appartiennent à la Banque ou à ses organes et<br />

qui, pour effectuer correctement leur mission, doivent être nantis d'une information, si<br />

sensible soit-elle. Dans cette mesure, on peut certes éventuellement comprendre une certaine<br />

réserve (mais non une opacité totale) vis-à-vis des administrateurs, dès lors que ceux-ci<br />

étaient nommés pour la plupart par des organes politiques, et que des précédents de nonrespect<br />

du caractère confidentiel de certaines données bancaires étaient connus. On comprend<br />

moins bien la justification donnée pour soustraire l'information sur le montant détaillé des<br />

provisions aux différents gestionnaires de comptes (cf. déclaration A.F., procès-verbal des<br />

débats du 24 juin 2011, p. 14; déclaration E.F., 2'016'202; déclaration D.B., procès-verbal des<br />

débats du 27 juin 2011, p. 7), à savoir que cela eût pu les démotiver dans la recherche de<br />

solutions profitables à la Banque (cf. déclaration F., procès-verbal des débats du 24 mai 2011,<br />

p. 15; déclaration G.V., procès-verbal des débats du 28 juin 2011, p. 7); à cet égard, certains<br />

gestionnaires ont précisé que cela ne les gênait pas (déclaration D.B., procès-verbal des débats<br />

du 27 juin 2011, p. 7), tandis que d'autres ont pu affirmer que cela n'aurait en rien entamé leur<br />

détermination (déclaration E.F., procès-verbal des débats du 27 juin 2011, p. 12), mais quoi<br />

qu'il en soit, la pratique actuelle de la BCGE a changé sur ce point, pour le mieux semble-t-il<br />

(déclaration B.G., procès-verbal des débats du 26 mai 2011, p. 13; déclaration B.M.,<br />

2'004'830; déclaration Y.N., 2'005'483, particulièrement évocatrice: «je ne vois pas comment<br />

on pourrait connaître avec précision le besoin en provision sans faire appel aux gestionnaires<br />

concernés. Ceci implique une connaissance détaillée des positions débitrices»). Et l'on ne<br />

comprend en revanche plus du tout quels motifs peuvent pousser les deux plus hauts cadres de<br />

la DG à cacher les détails du provisionnement au service de la comptabilité (déclaration I.H.,<br />

2'005'130; déclaration Y.N., 2'005'482) ou aux chefs des départements concernés par les<br />

provisions (cf. déclarations G.V., 2'003'786 et 2'005'116; déclarations T.Z., procès-verbal des<br />

débats du 28 juin 2011, pp. 15 et 19, et 2'003'799; déclaration G.F., 2'002'458), et a fortiori au<br />

chef de l'inspectorat (déclaration J.-D.B., 2'001'658, 2'005'365, et note interne de l'inspectorat,<br />

7'<strong>22</strong>2'471; déclaration T.D.J., 2'006'395; étant précisé que selon ce dernier, l'inspectorat a<br />

suggéré, 2'000'144, de faire figurer les propositions de provisionnement, ce qui a été refusé<br />

par la DG, et notamment par F.) alors même qu'aucune rupture de confiance n'était<br />

discernable à leur égard. On ne peut qu'en déduire que cette volonté de cacher les détails en<br />

matière de provisionnement revenait à se garder les coudées franches en matière de<br />

détermination des montants; et en l'absence de tout document détaillant les provisions position<br />

par position, il devenait impossible même de savoir si ces montants étaient bien calculés ligne<br />

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- 80 -<br />

par ligne, ou simplement estimés de manière générale, le cas échéant pour coïncider au mieux<br />

avec les provisions totales déjà constituées.<br />

D'autres éléments du dossier confirment que F. – dont on relèvera que, en tant que directeur<br />

général de la Banque, et participant à toutes les séances des organes et comités importants<br />

(CA, CB, séances hebdomadaires de la DG, Comité des risques, Comité des crédits), il était,<br />

logiquement du reste, au bénéfice de l'information la plus complète au sein de la Banque –<br />

était conscient de l'insuffisance de provisions. Ainsi, lors de la séance du CA du 12 mars<br />

1998, lors d'une discussion sur la faillite du groupe AT, le procès-verbal relève: «Monsieur<br />

B.L. se demande pourquoi n'a-t-on pas provisionné? Monsieur F. répond que nous n'avons<br />

pas la capacité de le faire» (7'125'068). Quant aux phrases retranscrites par J.-D.B. dans ses<br />

notes concernant l'entretien du 10 janvier 1997 («Ne me demandez pas d'aller porter les clefs<br />

de la Banque à Berne»; «J'ai en signant les comptes un pied à Champ-Dollon» et «Je sais, le<br />

Président sait, qu'il nous manque 200 millions»; 5'015'316; la dernière de ces trois phrases<br />

n'étant en revanche, malgré les apparences, pas nécessairement incriminante, cf. infra<br />

cons. 4.4.3), et confirmées en audition (déclaration J.-D.B., 2'005'351 s.), F. en a certes<br />

contesté la teneur (déclaration F., procès-verbal des débats du 24 mai 2011, p. 4 s.), mais le<br />

fait qu'elles aient été prises le jour même n'est pas contesté, et l'on ne voit pas ce qui aurait<br />

poussé J.-D.B. à relever des citations fausses ou tronquées alors qu'à l'époque, il n'avait pas<br />

l'intention de saisir motu proprio les autorités. Le Tribunal conclut de ce qui précède que F.<br />

avait l'intention de créer un faux intellectuel comptable en ce qui concerne le sousprovisionnement<br />

de la Banque.<br />

De manière plus spécifique, en ce qui concerne les opérations de portage, le Tribunal<br />

considère que F. n'avait pas l'intention de créer un faux, estimant de bonne foi ces montages<br />

comme légitimes, tant du point de vue de l'absence de provisionnement que du point de vue<br />

de l'absence de consolidation des comptes des sociétés de prêt partiaire.<br />

En premier lieu, on relèvera que d'autres banques suisses, telles que l'UBS, le Crédit suisse, et<br />

les Banques cantonales bernoise, jurassienne et vaudoise ont eu recours, à la même période, à<br />

la pratique du portage (déclaration M.H., 2'017'574; déclaration P.D., procès-verbal des<br />

débats du 30 juin 2011, p. 3; déclaration E.M., procès-verbal des débats du <strong>22</strong> juin 2011,<br />

p. 11); à l'époque des faits, A. était au courant de cet état de choses et le répercutait aux<br />

instances de la Banque (cf. séance CA du 19 novembre 1998, par la bouche de R., 7'125'290).<br />

Dans sa réponse du 14 décembre 1998 à une interpellation Christian GROBET (objet<br />

parlementaire 98.3508), le Conseil fédéral retenait qu'«en ce qui concerne les opérations de<br />

portage, on peut retenir que, dans la mesure où une cession de créances est effectuée aux<br />

conditions du marché, la CFB n'a aucune raison d'intervenir», si bien que l'on ne peut en tout<br />

cas pas parler d'opérations illicites en soi, mais seulement, le cas échéant, quant à leurs<br />

modalités.<br />

Dans les deux cas du provisionnement et de la consolidation, leur nécessité est sujette à<br />

interprétation. C'est du reste à une telle analyse que se sont livrés les experts judiciaires, pour<br />

conclure dans le premier cas que la Banque n'encourait pas seulement un risque de taux mais<br />

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- 81 -<br />

aussi un risque en capital, et dans le second cas que la Banque détenait une emprise de fait sur<br />

les sociétés de prêt partiaire.<br />

Or en ce qui concerne la nature du risque encouru, et donc la nécessité de provisionner, force<br />

est de constater que F., de même que les organes et le personnel de la Banque (déclaration<br />

G.V., procès-verbal des débats du 28 juin 2011, p. 6, avec réf. à 2'005'123; déclaration D.B.,<br />

procès-verbal des débats du 27 juin 2011, pp. 2-3), croyaient que, de par la reprise du gage<br />

par un nouveau débiteur, la BCGE n'encourait plus qu'un risque de taux (déclaration F.,<br />

procès-verbal des débats du 24 mai 2011, p. 8). C'est ce que les instances de la Banque<br />

considéraient (déclaration S., 2'002'807 et s., avec explications sur la détermination du risque,<br />

2'006'635; cf. aussi déclaration G.D., 2'009'061, et déclaration B.L., 2'008'500) et répétaient à<br />

chaque fois que le sujet était abordé (rapport de la BCGE du 25 juin 1994, 2'001'597; séance<br />

du CA du 12 mars 1998, 7'125'078; rapport A. «Compléments et annexes au rapport de<br />

révision sur les comptes annuels 1998», 2'008'067; 2'005'295, en février 2000); c'est aussi ce<br />

que le Secrétariat de la CFB a retenu des discussions avec la Banque le 14 janvier 1998<br />

(7'<strong>22</strong>0'890: «Sur ces positions vendues à ces sociétés, BCG n'est plus confrontée au risque<br />

ducroire, mais elle assume seule l'éventuel risque de taux»; cf. aussi, en février 2000,<br />

2'005'290; on notera également que, dans une déclaration à la presse faite début 2000, le<br />

directeur de la CFB, D.Z. évoquait les opérations de portage en se demandant uniquement si<br />

certaines banques pouvaient supporter le risque de taux d'intérêt, 2'011'957), étant précisé que<br />

lors du CB du 26 octobre 1995, il a été rapporté que «pour la CFB, en dessous d'un taux<br />

d'intérêt de 4 %, la constitution de provisions devient nécessaire» (7'1<strong>22</strong>'<strong>22</strong>9). Quant à la<br />

question du transfert des risques, en examinant les contrats de prêt partiaire conclus avec les<br />

sociétés de portage, l'inspectorat a, en 1999, conclu que «les pertes éventuelles sont en<br />

principe entièrement supportées par l'emprunteur» (2'000'131).<br />

Pour ce qui est de la consolidation, un élément objectif essentiel, et propre à révéler la<br />

perception des intéressés, est que l'obligation de consolider les comptes des sociétés de<br />

portage aurait fait perdre quasiment tout intérêt à ces opérations, qui visaient, parmi d'autres<br />

buts, à épargner des fonds propres à la Banque. En outre, déjà en 1995, le CA avait reçu des<br />

assurances d'A. (par la bouche de S., séance CA du 9 mars 1995, 7'124'055) selon lesquelles<br />

une consolidation n'était pas nécessaire car les activités des sociétés de mise en valeur<br />

n'étaient pas de nature bancaire. Et en 1999, un avis de droit de M e M.B. et un autre du chef<br />

du SJ D.B. (plus nuancé cependant) parvenaient à la conclusion qu'une consolidation n'était<br />

en principe pas nécessaire. Les déclarations de F. sur ce point sont d'autant plus crédibles que<br />

la pratique du portage avait été introduite à la CEG par le biais du chef du SJ, B.M., dont on<br />

pouvait s'attendre à une prise de position étayée juridiquement.<br />

S'agissant enfin du dessein spécial, le Tribunal relève que ni F. ni les autres membres du<br />

personnel de la Banque ou de ses organes n'avait d'intention de porter atteinte aux intérêts<br />

pécuniaires ou aux droits d'autrui, en particulier les actionnaires. Si F. a fait en sorte que les<br />

comptes annuels ne correspondent pas à la réalité, c'est que, au vu des difficultés économiques<br />

de l'époque, la rentabilité de la Banque était insuffisante et les finances de l'État au plus mal<br />

mais qu'il pensait, comme il l'a du reste lui-même reconnu, que la Banque pourrait se<br />

redresser par elle-même («Nous avions le ferme espoir de nous en sortir par nous-mêmes»:<br />

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- 82 -<br />

2'007'1<strong>22</strong>) moyennant ces artifices comptables, en espérant une reprise relativement rapide de<br />

la conjoncture économique et surtout immobilière qui permît de revendre les anciens gages<br />

sans pertes et d'améliorer le cash flow de la Banque.<br />

On doit néanmoins reconnaître, dans le cadre de la notion très large d'avantage accordé à soimême<br />

ou à autrui, que F. cherchait, en occultant les problèmes réels de la Banque à son<br />

principal actionnaire et à son autorité de surveillance, à éviter l'ouverture de procédures telles<br />

qu'un audit spécial, de même que, à terme, le retrait de la licence bancaire. Ces dernières<br />

procédures auraient en effet eu un impact considérable non seulement sur l'image de la<br />

Banque et, dans la seconde hypothèse, sur la vie économique genevoise.<br />

Il résulte de ce qui précède que F. doit être reconnu coupable de faux dans les titres pour avoir<br />

élaboré et signé des comptes qui, en raison du sous-provisionnement manifeste qui était<br />

retenu, ne correspondaient pas à la réalité économique de l'entreprise; et qui, par ricochet, ne<br />

correspondaient pas non plus à la réalité sur le plan du bénéfice et du dividende proposé<br />

(cotes C.I.1 lit. aa et e, C.I.2 lit. aa et e, et C.I.3 lit. a et e de l'acte d'accusation).<br />

Il doit en revanche être acquitté de l'accusation de faux dans les titres en ce qui concerne la<br />

comptabilisation au bilan de non-valeurs et les opérations de portage (cotes C.I.1 lit. ab, b, c<br />

et d; C.I.2 lit. ab, b, c et d; et C.I.3 lit. b, c et d de l'acte d'accusation).<br />

Il sera relevé à cet égard que le dispositif notifié le <strong>22</strong> <strong>juillet</strong> aux parties contenait sur ce point<br />

une erreur matérielle qui sera ici rectifiée, en ce sens que c'est la lettre C., et non A., qui décrit<br />

dans l'acte d'accusation les faits reprochés à F..<br />

4.4.2 Ce qui vient d'être dit vaut pour l'essentiel en ce qui concerne C., qui avait quant à lui<br />

une formation comptable, et qui était au cœur de l'estimation des risques au sein de la Banque,<br />

et la personne qui calculait, au sein de la DG, les montants à provisionner (parmi d'autres,<br />

déclaration F., 2'002'993 et 2'002'998; déclaration R., 2'002'431). Il ressort par ailleurs du<br />

dossier que C. avait, par rapport à F., davantage un rôle d'exécutant, plus opérationnel que<br />

stratégique (cf. déclaration F., procès-verbal des débats du 24 mai 2011, p. 5 in fine).<br />

Outre les éléments mentionnés ci-dessus au cons. 4.4.1, on peut relever que C. a contribué<br />

largement à la mise en place de la culture du secret autour des provisions. On peut mentionner<br />

à cet égard qu'il faisait disparaître – en violation flagrante du principe de documentation – les<br />

papiers, listings et autres notes qui lui servaient de base pour le calcul des montants à<br />

provisionner (preuve en est l'absence presque totale de documents retrouvés lors des saisies;<br />

cf. également déclaration J.-D.B., 2'004'279, étant précisé que C. lui-même a admis l'absence<br />

de documents détaillés au sein de la Banque concernant la fixation des montants de provision,<br />

2'002'383 et 2'003'265 s.); il s'est par ailleurs toujours gardé, quand bien même ses exposés au<br />

CB et au CA étaient de bonne vulgarisation et appréciés de tous, de donner à ces instances des<br />

listes précises de montants provisionnés, ne serait-ce que pour les commenter de manière<br />

générale (alors que, selon son directeur F., l'instance compétente pour décider des montants à<br />

provisionner était le CB, sur proposition de la DG, 2'002'332). Le Tribunal retiendra<br />

également à charge le fait que les premières déclarations à l'instruction de C. étaient<br />

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- 83 -<br />

sciemment erronées, ce que l'on ne saurait mettre sur le compte du choc lié à l'ouverture d'une<br />

poursuite pénale.<br />

4.4.3 En ce qui concerne D., force est de constater que c'est lui qui, en tant que président<br />

du CA (et donc aussi du CB), a signé avec F. les rapports annuels 1996, 1997 et 1998.<br />

Cela étant, le faux dans les titres, et en particulier le faux intellectuel, est non seulement un<br />

délit intentionnel, mais aussi un délit de commission. Or même dans le cadre de délits<br />

économiques commis par omission, pour les quels il faut se trouver dans une position de<br />

garant, la jurisprudence considère qu'«une telle position de garant ne peut être déduite du seul<br />

statut de membre d'un conseil d'administration, mais doit être examinée au regard des<br />

fonctions et des responsabilités assumées concrètement par l'auteur dans la société (ATF 105<br />

IV 172 consid. 4, p. 176). Une telle position de garant ne peut, en particulier, être déduite de<br />

la seule règle de l'art. 716a al. 1 ch. 5 CO. Cette disposition n'institue en effet pas une<br />

obligation générale des membres du conseil d'administration de contrôler constamment la<br />

légalité des activités de l'entreprise, mais tout au plus d'intervenir lorsqu'ils ont connaissance<br />

de la commission d'actes illicites (Peter Böckli, op. cit., n. 1569, p. 813 s.)» (ATF<br />

6P.169/2006 du 29 décembre 2006, cons. 11.2 in fine).<br />

Le droit pénal suisse est par ailleurs gouverné par le principe de la faute, ce qui ne manque<br />

pas de créer des difficultés d'imputation des actes pénalement répréhensibles au sein d'une<br />

entreprise, en particulier en ce qui concerne les membres du CA (Stephan FREI,<br />

Verantwortlichkeit des Verwaltungsrates aus strafrechtlicher Sicht, Zurich 2004, 46). Il<br />

convient dès lors, pour condamner un membre du CA – fût-ce son président –, que la faute de<br />

ce dernier soit individualisable et puisse lui être imputée directement, ce qui présuppose que<br />

l'information dont dispose ce membre du CA soit suffisante pour commettre l'infraction<br />

reprochée.<br />

On constate que l'acte d'accusation reprend à cet égard principalement les compétences<br />

théoriques du président du CA (acte d'accusation, 94 s., 113 et 129; compétences qui sont du<br />

reste pour l'essentiel les mêmes que celle des autres membres du CA aussi membres du CB);<br />

s'agissant de ses connaissances concrètes, il se contente d'affirmer que les fonctions de D. «lui<br />

permettaient d'avoir une vue d'ensemble complète des activités de tous les secteurs de la<br />

Banque» (acte d'accusation, 96, 113 et 129).<br />

Ce point de vue ne saurait être partagé. Comme on l'a vu, seuls F. et C. possédaient les<br />

informations complètes au sein de la Banque en ce qui concerne l'évaluation des montants à<br />

provisionner. Les administrateurs, même les membres du CB, ne disposaient que du rapport<br />

de solvabilité d'A. et des chiffres que C. leur donnait en séance, chiffres tout à fait généraux<br />

(cf. déclaration G.-A.C., procès-verbal des débats du 20 juin 2011, p. 6; déclaration G.B.,<br />

procès-verbal des débats du 21 juin 2011, p. 13, et 2'008'535; déclaration B.L., 2'008'489;<br />

déclaration A.N., 2'009'904; déclaration J.P., 2'007'542; déclaration J.G., 2'008'470); et même<br />

de plus en plus généraux, ceux donnés en 1998 étant des plus synthétiques. Il était également<br />

donné aux administrateurs la possibilité d'interroger à l'occasion de la révision des comptes<br />

annuels R. et S., lesquels ont tenu à chaque fois des propos fort lénifiants (séance CA du 9<br />

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- 84 -<br />

mars 1995, 7'124'053; séance CA du 21 mars 1996, 7'124'826; séance CA du 5 mars 1997,<br />

7'124'537; séance CA du 12 mars 1998, 7'125'070, S. assurant même que «la Banque a une<br />

capacité intacte d'absorber des risques et des besoins de provisions»; séance CA du <strong>22</strong> avril<br />

1999, 7'125'488).<br />

Certes, D. a déclaré à l'instruction (2'003'590) qu'«il avait été convenu, dès la création de la<br />

Banque, que le cash flow servirait à compléter le besoin en provisions. Les membres du<br />

comité de banque étaient par conséquent conscients d'un certain manque de provisions,<br />

couvert par les réserves, notamment latentes, figurant dans le bilan de la Banque. Je faisais<br />

confiance à M. J.-D.B. et j'ai peut-être reporté le chiffre de 200 millions à M. FUES après<br />

que le chef de l'inspectorat m'en ait fait part. Faute de calculs crédit par crédit, ce que je<br />

n'avais pas les moyens de faire, j'étais incapable de chiffrer l'exact manco de provisions».<br />

Mais la première partie de cette citation révèle que les administrateurs pensaient tout de même<br />

un éventuel «manco» couvert (dans le même sens, de la part de D., 2'015'241); et la dernière<br />

partie confirme que D. ne connaissait pas les montants de provision individualisés. En outre,<br />

les organes de la BCGE ont fait savoir à la CFB dès juin 1996 qu'ils s'estimeraient plus<br />

«confortables» avec 200 MF de provisions supplémentaires (7'<strong>22</strong>0'046), sans que la CFB<br />

réagisse. Les différents administrateurs ont ainsi tous confirmé qu'ils savaient la situation<br />

délicate, mais qu'ils la pensaient maîtrisée, ou du moins encore viable (déclaration G.-A.C.,<br />

procès-verbal des débats du 20 juin 2011, p. 4; déclaration D.P., procès-verbal des débats du<br />

21 juin 2011, p. 9; déclaration G.B., procès-verbal des débats du 21 juin 2011, p. 14;<br />

déclaration A.N., 2'009'904; déclaration B.L., 2'008'489). Il ressort par ailleurs du dossier que<br />

D. répercutait à l'époque aux administrateurs que la DG effectuait un calcul des provisions<br />

ligne par ligne (déclaration G.D., procès-verbal des débats du <strong>22</strong> juin 2011, p. 8, et aussi<br />

2'009'052), et qu'il a été surpris d'apprendre lors de l'instruction préparatoire que tel n'était pas<br />

le cas (2'002'323), même s'il considérait de manière générale que le calcul débiteur par<br />

débiteur avait «l'inconvénient de grossir le montant des provisions nécessaires inutilement»<br />

(ibid.).<br />

Il découle de ce qui précède que D. n'était, comme il l'a affirmé (2'002'316: «Je n'ai jamais été<br />

associé par la direction générale, je n'avais pas à l'être, à des décisions particulières<br />

relatives à la fixation des provisions»), pas en possession des informations détaillées sur le<br />

montant des provisions retenues, ce qui ne lui permettait guère d'être à l'origine du faux dans<br />

les titres en ce qui concerne le sous-provisionnement et ses conséquences directes, comme le<br />

faux bénéfice.<br />

Un autre élément revêt, de l'avis du Tribunal, une certaine importance et plaide pour l'absence<br />

d'intention de commettre un faux: pour reprendre les propos d'un administrateur entendu aux<br />

débats, D. «a tout fait pour augmenter les contrôles, cela va de son rôle en faveur d'une<br />

surveillance des banques cantonales par la CFB à la création de la division des risques et du<br />

comité d'assainissement» (déclaration D.P., procès-verbal des débats du 21 juin 2011, p. 5;<br />

dans le même sens, déclaration G.D., procès-verbal des débats du <strong>22</strong> juin 2011, p. 5). Cette<br />

volonté, qui est attestée par les pièces de la procédure, n'apparaît guère compatible avec une<br />

intention de masquer les comptes. Le Tribunal note également que cette volonté de<br />

transparence se retrouve dans la tentative, même timide, de parler de la situation au Conseiller<br />

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- 85 -<br />

d'État Olivier VODOZ le 4 mars 1997; et, surtout, dans la répercussion qu'a systématiquement<br />

faite au CB D. des interrogations exprimées par J.-D.B. et, de manière plus large, l'inspectorat<br />

dont il était le supérieur hiérarchique direct: là encore, cette attitude cadre mal avec la<br />

connaissance et la prise en compte préalable délibérée de chiffres faux dans les comptes<br />

annuels.<br />

Enfin, s'il est vrai que le CB a pris certaines décisions pour le moins discutables, notamment<br />

lors de ses séances des 5 mars et 28 août 1997, lors desquelles sa compréhension du principe<br />

de continuité d'exploitation fait totalement fi du principe de périodicité (les actifs doivent être<br />

évalués à leur valeur au 31 décembre de l'exercice en cause, sans quoi le bilan perd tout sens),<br />

ou encore dans son aval donné à l'«assainissement dans le temps», notion difficile à distinguer<br />

par certains aspects de celle d'étalement des provisions; mais on ne peut y voir une conscience<br />

et une volonté de la part de D. de fausser les chiffres de l'exercice en cause. De plus,<br />

conformément au principe de la faute évoqué ci-dessus et de la nécessité de pouvoir imputer<br />

un comportement répréhensible, résultant d'une commission et non d'une omission, à une<br />

personne physique déterminée (hors cas d'application des art. 100 quater et 100 quinquies CP, de<br />

toute façon pas encore en vigueur à l'époque des faits), il faudrait pouvoir être sûr, pour<br />

chacune des décisions considérées du CA ou du CB, que D. a bien voté dans le sens de la<br />

majorité; ce qui n'apparaît que très rarement possible dans la mesure où les procès-verbaux ne<br />

rendent pas compte du vote nominal de chacun des administrateurs. On notera également,<br />

même si cela n'est certes pas déterminant dans le cadre de la saisine du Tribunal de céans,<br />

qu'en ce qui concerne les décisions prises par le CB, comme le principe de l'«assainissement<br />

dans le temps», on ne voit pas en quoi la responsabilité pénale de D. serait plus engagée que<br />

celle des autres membres du CB, qui soit n'ont pas été inculpés, soit, s'agissant de J.P., l'ont<br />

été mais ont vu les poursuites à leur encontre être classées.<br />

Il résulte de ce qui précède qu'il n'a pas été prouvé au-delà de tout doute raisonnable que D.<br />

avait eu l'intention de commettre un faux intellectuel dans les titres, et qu'il doit ainsi être<br />

acquitté de ce chef.<br />

4.4.4 S'agissant de R. et S., leur rôle dans le processus de révision était certes fort différent,<br />

puisque le premier jouait surtout un rôle de représentation, et ne consacrait que très peu de<br />

temps au mandat de révision de la BCGE, tandis que le second dirigeait l'équipe de révision<br />

«sur le terrain» et passait en revue tous les chiffres de son équipe. Il est néanmoins possible<br />

d'examiner conjointement l'élément subjectif les concernant, en introduisant le cas échéant les<br />

différences justifiées par les circonstances.<br />

Force est de constater dans un premier temps qu'A. a effectué un travail de révision pendant<br />

les années sous revue, de même que dans les deux années les précédant et les deux années les<br />

suivant. Il est même incontesté que le travail effectué par l'équipe de révision était très<br />

important; les experts judiciaires le qualifient même de considérable au vu de l'ampleur des<br />

crédits sondés (9'000'170), leur chiffre avoisinant les 50 %. A. a non seulement confectionné<br />

des rapports de révision, courts et longs, mais aussi des documents tels que le rapport de<br />

solvabilité, qui suppose un travail approfondi sur les grosses positions de la Banque. On ne se<br />

trouve dès lors clairement pas dans le cas de figure du réviseur qui déclare avoir effectué des<br />

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- 86 -<br />

contrôles alors que tel n'est pas le cas (cf. p. ex. ATF 6B_684/2010 du 15 novembre 2010,<br />

cons. 4.3) – hypothèse dans laquelle, au reste, l'intention peut être simplement déduite de cette<br />

absence de contrôles.<br />

Pour qu'une condamnation de R. ou S. soit possible, il ne faut pas seulement que l'un ou<br />

l'autre ait commis des fautes professionnelles; il faut que soit prouvé, au-delà du doute<br />

raisonnable, que l'un ou l'autre, ou l'un et l'autre, ont faussé ou fait fausser les chiffres sur<br />

lesquels ils se sont fondés pour confirmer que les comptes établis par la Banque étaient<br />

conformes aux exigences légales et statutaires, et ce de manière intentionnelle. C'est ce que,<br />

lapidairement, l'acte d'accusation leur reproche d'avoir fait en décidant, de concert, de<br />

dissimuler que la situation financière et comptable de la Banque était en péril (acte<br />

d'accusation, pp. 276 et 391).<br />

Or on ne décèle dans le dossier aucun élément solide permettant d'étayer cette thèse «du<br />

complot». Les quelques indices en ce sens apparaissent à cet égard éminemment fragiles. On<br />

peut citer ainsi le fait qu'en 1994, S. ait adressé à R. un mémo (7'030'938 ss, not. 7'030'939)<br />

dans lequel il estime le besoin (complémentaire) de provisions de la BCGE à 200 ou 300 MF<br />

et le cash flow, même à moyen terme, insuffisant; ceci sans que ce mémo soit suivi d'effet. Il<br />

est certes possible d'imaginer que R. ait donné ordre de poursuivre la révision en se fiant aux<br />

chiffres voulus par la DG de la Banque et en conservant les provisions existantes, mais cette<br />

absence de suite peut s'expliquer d'autre manière, et son motif reste en l'état de l'ordre de la<br />

supposition. De même, le fait que la discussion finale sur les montants de provisions retenus<br />

dans les comptes ait eu lieu sous forme de séances auxquelles participaient, à huis clos, F. et<br />

C. pour la Banque, et R. et S. pour A. (déclaration R., procès-verbal des débats du 26 mai<br />

2011, pp. 4-5; déclaration F., procès-verbal des débats du 24 mai 2011, p. 4), sans aucune<br />

trace écrite, peut paraître suspect de par l'atmosphère de secret absolu qui en transpire (en<br />

violation du principe comptable de documentation), mais rien n'indique que la DG et A. se<br />

soient entendus pour fausser des chiffres lors de ces séances. Quant au ton agressif d'A. dans<br />

ses réponses à la CFB (cf. not. l'entame de la lettre du 6 mai 1996, 7'<strong>22</strong>0'061 = 2'005'632), il<br />

apparaît certes surprenant, mais on ne saurait en déduire une volonté de défendre de manière<br />

illicite un établissement que les rédacteurs auraient su en péril; il y a lieu néanmoins de<br />

relever que certaines de ces lettres contiennent des informations objectivement fausses, telles<br />

que la procédure suivie par la Banque pour le calcul des montants de provision (2'006'637 =<br />

7'<strong>22</strong>0'066) ou encore les taux de capitalisation utilisés (2'005'641 = 7'<strong>22</strong>0'070).<br />

L'élément à charge le plus troublant, et relevé notamment par les experts (9'000'178), est celui<br />

de la divergence de plus en plus notable entre les propositions de provisionnements résultant<br />

des papiers de travail de l'équipe de révision et les chiffres finalement retenus dans les<br />

rapports de solvabilité puis dans les comptes, ces derniers étant systématiquement plus bas, du<br />

moins pris de manière globale (ce qui vaut en particulier pour 1998, avec un différentiel de<br />

600 MF). Contrairement à ce qu'allèguent les prévenus, l'équipe de travail – prise dans son<br />

ensemble, y compris les réviseurs seniors – ne se contentait pas de recenser le périmètre des<br />

risques, mais bien de proposer des montants de provisions, comme cela ressort de différentes<br />

pièces où le terme «provisions» est expressément utilisé (et même préimprimé sur les feuilles<br />

de travail de l'équipe de révision, cf. 7'043'537; 7'054'539; 7'045'114), ainsi que du<br />

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- 87 -<br />

témoignage de réviseurs (déclaration D.M., 2'012'928; déclaration A.S., 2'011'360;<br />

déclaration G.M., 2'011'349, qui précise que c'étaient les réviseurs seniors / les superviseurs<br />

qui indiquaient le montant des provisions suggérées; déclaration S.V., 2'011'413). Cela étant,<br />

et même si cela ne permet pas de considérer le principe de documentation comme respecté sur<br />

le plan comptable, la défense a pointé des pièces permettant de montrer que S. reprenait de<br />

manière manuscrite les montants proposés par son équipe, parfois même à la hausse, et<br />

calculait des extrapolations (7'016'658; 7'038'357). Il apparaît dès lors impossible de tirer de<br />

la divergence entre le montant global de provisions proposé par les différents membres de<br />

l'équipe de révision et les chiffres finalement retenus par A. et la Banque la preuve d'une<br />

accointance entre S. et R. d'un côté, et F. et C. de l'autre, ni même d'en conclure que les deux<br />

prévenus réviseurs avaient pleine conscience que les comptes de la Banque étaient faux. Les<br />

notes manuscrites de S., dont on peut penser – à l'instar de celles prises par J.-D.B. – que leur<br />

auteur n'envisageait pas leur saisie future dans une procédure pénale, indiquent à propos du<br />

rapport de solvabilité 1998 que le niveau des provisions est adéquat par rapport au besoin<br />

théorique, quoique dans une fourchette basse à moyenne (7'038'358); ce qui va également<br />

dans le sens d'une absence d'intention délictueuse (même si la note qui suit sur la même page<br />

– «communication à la Banque de ce besoin théorique à 3-4 ans de constitution de provisions<br />

de l'ordre de 300-400 mio pour obtenir Fr 1,3 mios [recte: milliard]», paraît peu compatible<br />

avec l'orthodoxie comptable, malgré les explications de l'intéressé à l'instruction, 2'015'295).<br />

Un autre élément important permettant au Tribunal de parvenir à sa conclusion est l'absence<br />

de mobile perceptible de la part de R. ou S. Il est certes possible d'en échafauder, comme l'ont<br />

fait les parties plaignantes durant leurs plaidoiries, mais le simple fait que l'une ait supposé<br />

que les réviseurs avaient agi pour conserver un mandat stratégique, tandis que l'autre<br />

envisageait qu'ils ne faisaient que tenter de masquer leurs erreurs de jugement commises du<br />

temps des dernières années de la CEG, montre bien que ni l'un ni l'autre n'est clairement soustendu<br />

par des éléments du dossier. Or objectivement, ni R. ni S. n'a reçu de rémunération<br />

spéciale ou d'avantage personnel inusuel en établissant les rapports de révision litigieux. Dans<br />

la mesure où le travail de révision a été effectué, ils ne se sont pas épargnés de la besogne. Il<br />

n'est nullement allégué non plus qu'ils auraient touché des pots-de-vin ou des avantages en<br />

nature. Quant aux conséquences pour leur employeur, on ne voit pas ce que la conservation<br />

temporaire d'un mandat, tout stratégique qu'il pût être, aurait rapporté à A. si elle savait qu'elle<br />

occultait sciemment une situation désespérée, sachant que celle-ci pouvait fort bien venir à<br />

être mise au jour (cf. la remarque notée par le Secrétariat de la CFB lors de l'entretien du 11<br />

mai 2000: «A. tient à souligner qu'elle n'a jamais couvert une insuffisance de fonds propres<br />

de BCGE (A. n'est pas stupide au point de prendre de tels risques», 7'<strong>22</strong>1'061).<br />

Dès lors, les erreurs de jugement mises en lumière par l'expertise judiciaire (9'000'165 à<br />

9'000'192) ne permettent pas à elles seules de retenir une intention de commettre un faux<br />

intellectuel. Certes, tant R. que S. étaient des réviseurs bancaires qualifiés et expérimentés.<br />

Mais même à considérer que vu leurs qualifications et dans les circonstances d'espèce, ils ne<br />

pouvaient manquer de voir que la Banque était sous-provisionnée, cela reste compatible avec<br />

une négligence et ne révèle pas à lui seul une intention, alors que cette dernière est, de par la<br />

loi, nécessaire pour fonder une condamnation du chef de faux dans les titres. On se doit en<br />

outre de rappeler que dans le cas d'espèce, l'acte d'accusation retient pour les réviseurs non le<br />

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- 88 -<br />

dol éventuel (art. 12 al. 2 2 e phrase CP) mais la conscience et la volonté (art. 12 al. 2 1 re<br />

phrase CP), comme cela résulte des termes utilisés (pour R., cf. p. 276: «en constatant (…)<br />

que la situation financière et comptable de la Banque était en péril; en décidant, de concert<br />

avec S., de dissimuler cette situation (…)»).<br />

Le Tribunal constate ainsi que l'accusation n'a pas apporté la preuve, au-delà d'un doute<br />

raisonnable, de la réalisation de l'élément subjectif en ce qui concerne R. et S., si bien que ces<br />

derniers doivent être acquittés du chef de faux dans les titres.<br />

5.1 Selon l'art. 158 ch. 1 al. 1 CP (gestion déloyale simple), celui qui, en vertu de la loi,<br />

d’un mandat officiel ou d’un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d’autrui<br />

ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces<br />

intérêts ou aura permis qu’ils soient lésés sera puni d’une peine privative de liberté de trois<br />

ans au plus ou d’une peine pécuniaire. Selon l'art. 158 ch. 1 al. 3 CP, qui consacre une<br />

circonstance aggravante spéciale (gestion déloyale aggravée), si l’auteur a agi dans le dessein<br />

de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, le juge pourra prononcer<br />

une peine privative de liberté de un à cinq ans.<br />

La consommation de l'infraction de gestion déloyale simple requiert la réalisation de trois<br />

éléments constitutifs objectifs et d'un élément constitutif subjectif (ATF 6B_164/2010 du<br />

1 er juin 2010, cons. 2.1.1; 6B_514/2009 du 29 septembre 2009, cons. 5.1). Il faut d'abord que<br />

l'auteur ait un devoir de gestion ou de sauvegarde. Il faut ensuite qu'il y ait eu une violation de<br />

ce devoir de gestion ou de sauvegarde. Il doit également y avoir un dommage. Enfin, sur le<br />

plan subjectif, les agissements reprochés doivent avoir été commis intentionnellement, le dol<br />

éventuel étant suffisant.<br />

5.2 La prescription de l'action pénale constitue un obstacle à l'action publique qui éteint<br />

celle-ci et conduit, sous réserve de l'application des art. 319 al. 1 lit. d et 329 al. 4 CPP, à<br />

l'acquittement de l'accusé (ATF 132 IV 3 cons. 6.1.1); toute autorité pénale doit la constater<br />

d'office (ATF 129 IV 49 cons. 5.4 = JdT 2006 IV 43, 46; Arrêt de la chambre pénale de la<br />

Cour de justice du 25 août 2008, ACJP/165/2008, cons. 3.2.1).<br />

Selon l'art. 389 al. 1 CP, sauf disposition contraire de la loi, les dispositions du nouveau droit<br />

concernant la prescription de l’action pénale et des peines sont applicables également aux<br />

auteurs d’actes commis ou jugés avant l’entrée en vigueur du nouveau droit si elles lui sont<br />

plus favorables que celles de l’ancien droit.<br />

Comme on l'a vu au cons. 3.3, l'art. 158 ch. 1 al. 1 aCP prévoyait l'emprisonnement pour<br />

6 mois au moins, tandis que l'art. 158 ch. 1 al. 1 CP actuel prévoit une peine privative de<br />

liberté de 3 ans au plus ou une peine pécuniaire; l'art. 158 ch. 1 al. 3 aCP prévoyait une peinemenace<br />

augmentée allant jusqu'à 5 ans de réclusion au plus, tandis que l'art. 158 ch. 1 al. 3 CP<br />

actuel prévoit que le juge pourra prononcer une peine privative de liberté de 1 à 5 ans<br />

L'art. 70 aCP, applicable entre 1996 et 1998, prévoyait des délais de prescription relative de<br />

dix ans lorsque l'infraction était passible de l'emprisonnement pour plus de trois ans ou de la<br />

réclusion, et de cinq ans si l'infraction était passible d'une autre peine (en l'occurrence d'une<br />

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- 89 -<br />

peine moins forte). Le délai de prescription absolu, par le truchement de l'art. 72 ch. 2 aCP,<br />

était donc respectivement de 15 ans et 7 ans et demi pour la gestion déloyale aggravée et pour<br />

la gestion déloyale simple. Dans le nouveau droit, il découle de l'art. 97 al. 1 lit. b et c CP que<br />

la gestion déloyale aggravée se prescrit toujours par 15 ans, tandis que la gestion déloyale<br />

simple ne se prescrit plus que par 7 ans. Le nouveau droit est donc plus favorable, et doit ainsi<br />

trouver application en vertu de l'art. 389 al. 1 CP précité.<br />

Il découle de ce qui précède que l'infraction de gestion déloyale simple, même si elle était<br />

réalisée, serait entièrement prescrite, les faits les plus récents contenus dans l'acte d'accusation<br />

remontant à 1999.<br />

Il y a dès lors lieu d'examiner prioritairement l'élément constitutif subjectif du dessein<br />

d'enrichissement illégitime prévu à l'art. 158 ch. 1 al. 3 CP, puisqu'en cas d'absence de cet<br />

élément les prévenus doivent se voir acquittés du chef de gestion déloyale, en raison à tout le<br />

moins de l'avènement de la prescription.<br />

5.3 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, «l'enrichissement réside ordinairement<br />

dans la valeur du bien obtenu, ou encore dans la valeur d'aliénation ou d'usage. Il ne sera<br />

pas illégitime si l'auteur y a droit (ou croit qu'il y a droit en raison d'une erreur sur les faits).<br />

Le dessein d'enrichissement illégitime fait notamment défaut si, au moment de l'emploi illicite<br />

de la valeur patrimoniale confiée, l'auteur en paie la contre-valeur (cf. ATF 107 IV 166<br />

consid. 2a p. 167), s'il avait, à tout moment ou, le cas échéant, à la date convenue à cet effet,<br />

la volonté et la possibilité de le faire (ATF 118 IV 32 consid. 2a p. 34) ou encore s'il était en<br />

droit de compenser (ATF 105 IV 39 consid. 3 p. 34 ss)» (ATF 6B_17/2009 du 16 mars 2009,<br />

cons. 2.2.1). À propos de l'escroquerie, le Tribunal fédéral a également admis qu'il fallait<br />

«déduire de l'élément constitutif de l'infraction "dessein d'enrichissement" que l'auteur doit<br />

avoir l'intention de s'enrichir ou d'enrichir un tiers précisément de l'élément patrimonial qui<br />

est soustrait à la victime. Il est donc déterminant que l'enrichissement ne provienne pas d'un<br />

autre patrimoine que celui de la victime» (ATF 134 IV 210 cons. 4.3 = JdT 2009 I 577, 580).<br />

Par ailleurs, «le dessein d'enrichissement peut être réalisé par dol éventuel (ATF 118 IV 32<br />

consid. 2a p. 34); tel est le cas, lorsque l'auteur envisage l'enrichissement comme possible et<br />

agit néanmoins, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se<br />

produirait (ATF 105 IV 29 consid. 3a p. 36; cf. également ATF 123 IV 155 consid. 1a p. 156;<br />

121 IV 249 consid. 3a p. 253 et les arrêts cités)» (ATF 6B_827/2008 du 7 janvier 2009, cons.<br />

1.3).<br />

5.3.1 En ce qui concerne C., l'enrichissement illégitime allégué procéderait, selon l'acte<br />

d'accusation (pp. 71 s., 80 s., et 91 s.), de ce que: a) la publication des résultats réels de la<br />

Banque aurait conduit à la perte de son emploi, et donc de sa rémunération ainsi que de toute<br />

gratification ou indemnité éventuelle; b) la publication de chiffres conformes à la vérité aurait<br />

empêché la distribution d'un quelconque dividende, alors que 12 à 15 MF chaque année<br />

avaient été distribués aux actionnaires à ce titre; c), dans le cadre des opérations de portage,<br />

les anciens débiteurs voyaient au moment de la reprise de la créance par l'entité de mise en<br />

valeur leur dette considérablement réduite.<br />

P/3409/2001


- 90 -<br />

S'agissant du maintien de son salaire et des autres avantages patrimoniaux liés à sa position, le<br />

fait que la publication des chiffres réels eût mené à son licenciement procède de la<br />

supputation. Le fait est d'autant moins établi qu'il est partiellement contredit par le dossier: en<br />

effet, C. n'a pas été licencié aussitôt après le dévoilement des problèmes de la Banque en<br />

2000, mais il y est resté employé jusqu'en 2001, date à laquelle il n'a pas été licencié pour<br />

justes motifs, comme cela est généralement le cas lors de la découverte de faits pénaux<br />

d'importance, mais mis en retraite anticipée. En outre et surtout, il avait droit à son salaire: ce<br />

dernier est dû en principe quelles que soient les performances ou les manquements de<br />

l'employé qui accomplit les heures de travail prescrites. Les gratifications accordées par le CA<br />

l'étaient davantage pour l'engagement montré et le travail accompli que pour les résultats<br />

bénéficiaires de l'entreprise, comme le démontre du reste la variation de ladite gratification,<br />

alors que les dividendes versés sont restés sensiblement les mêmes au cours de la période<br />

pénale. Enfin, l'avenant au contrat de travail prévoyant des indemnités a été instauré pour tous<br />

les membres de la DG suite à la demande de l'un des directeurs (non prévenu ici), si bien que<br />

l'on ne saurait y voir un enrichissement illégitime; qui plus est, on ne sait pas s'il a finalement<br />

été fait application de cet avenant lors du départ de C. de la Banque en 2001. Il n'y a donc pas<br />

eu d'enrichissement personnel.<br />

Les deux autres hypothèses seraient un enrichissement illégitime en faveur d'autrui, qui est<br />

certes prévu par le texte légal, mais ne peut être retenu que s'il était réellement visé par les<br />

intéressés. S'agissant du dividende, on ne peut pas retenir que les actes de gestion déloyale<br />

décrits dans l'acte d'accusation, si avérés, étaient accomplis dans l'intention de servir un<br />

dividende aux actionnaires et d'enrichir indûment ceux-ci, étant rappelé que les principaux<br />

actionnaires de la BCGE étaient l'État de Genève et les communes genevoises. Le versement<br />

d'un dividende s'inscrivait davantage dans une optique de rassurement et de maintien de<br />

l'image de la Banque et de la confiance du public, et non dans une perspective<br />

d'enrichissement des actionnaires. Il s'agissait donc davantage, le cas échéant, d'une<br />

conséquence que d'un réel dessein.<br />

La considération qui précède vaut à plus forte raison pour l'hypothèse visant les anciens<br />

débiteurs lors d'opérations de portage. En effet, rien n'indique que C. ait connu<br />

personnellement l'un de ces débiteurs, si bien que l'on ne voit pas ce qui l'aurait poussé à<br />

vouloir leur enrichissement. Ledit enrichissement était donc, là aussi, une conséquence<br />

accessoire éventuelle des opérations en cause, mais non une réelle volonté de favoriser les<br />

anciens débiteurs.<br />

5.5.2 Le raisonnement qui vient d'être tenu vaut pour l'essentiel, mutatis mutandis, aussi<br />

pour F. (auquel les mêmes desseins sont imputés, cf. acte d'accusation, pp. 250-252, 260 s. et<br />

271 s.), même si ce dernier est parti plus vite de l'entreprise une fois l'assainissement du<br />

premier semestre 2000 opéré. On ne peut dès lors pas retenir à son encontre de dessein<br />

d'enrichissement illégitime.<br />

5.5.3 Il en va de même pour D. (auquel les mêmes desseins sont imputés, cf. acte<br />

d'accusation, pp. 160, 169 s. et 181 s.), étant précisé que la rémunération de ce dernier, en tant<br />

que président du CA, était plus basse que celle des directeurs, et qu'il ne touchait pas de<br />

P/3409/2001


- 91 -<br />

gratification, pas plus qu'il n'a bénéficié d'un document lui assurant une protection en cas de<br />

départ anticipé.<br />

5.5.4 S'agissant des réviseurs, il leur est imputé un dessein d'enrichissement illégitime du<br />

fait du versement des dividendes et de l'avantage octroyé aux anciens débiteurs dans les<br />

opérations de portage (acte d'accusation, pp. 354 s., 368-370 et 386 s. pour R.; 468 s., 482-484<br />

et 499-501 pour S.); et, pour 1997 et 1998, du fait qu'ils auraient perdu leur emploi en cas de<br />

découverte des infractions reprochées pour 1996, et du fait qu'ils auraient fait perdre à leur<br />

employeur, A., un mandat rapportant environ 1 MF par an d'honoraires (ibid.).<br />

Les mêmes arguments que ceux exposés à propos de C. valent pour les trois premières<br />

hypothèse, étant précisé que selon les explications données en audience, par leur ancien<br />

employeur U.W., ni R. ni S. n'auraient vraisemblablement perdu leur emploi, sauf en cas de<br />

condamnation dans la présente procédure (laquelle serait donc, le cas échéant, intervenue 11<br />

ans après l'assainissement de l'an 2000; on notera du reste qu'au printemps 2000, c'était encore<br />

S. qui signait le rapport spécial au sujet des biens à transférer à la fondation de valorisation).<br />

Il a de même été établi que leur rémunération n'était pas établie en fonction du maintien ou<br />

non du mandat relatif à la BCGE.<br />

Quant à l'argument du dessein d'enrichir A. illicitement, on constatera que, comme pour le<br />

contrat de travail, il y avait en l'espèce, pendant toute la période pénale, un contrat de mandat<br />

valable, si bien que l'on doit admettre que l'entreprise A. n'a pas touché de sommes de<br />

manière illicite. Admettre le contraire reviendrait à étendre exagérément la notion de dessein<br />

d'enrichissement illégitime, de manière contraire à la règle nullum crimen, nulla poena sine<br />

lege (cf. ATF 137 IV 99 cons. 1.2).<br />

Il ne suffit toutefois pas de conclure à l'absence de dessein d'enrichissement illégitime des<br />

réviseurs dans les hypothèses précisées.<br />

On rappellera que, en vertu du principe de l'accessoriété limitée, la complicité n'est punissable<br />

que si l'acte commis par l'auteur principal réalise les éléments constitutifs et objectifs d'une<br />

infraction et s'avère en outre illicite (6B_1079/2010 du 3 mars 2011, cons. 4.2, et les<br />

réf. citées; ATF 129 IV 124 consid. 3.2).<br />

Par ailleurs, selon l'art. 26 CP, qui s'applique à la présente espèce, et traite de la participation à<br />

un délit propre, si la punissabilité est fondée ou aggravée en raison d’un devoir particulier de<br />

l’auteur, la peine est atténuée à l’égard du participant qui n’était pas tenu à ce devoir; tandis<br />

qu'en vertu de l'art. 27 CP, les relations, qualités et circonstances personnelles particulières<br />

qui aggravent, diminuent ou excluent la punissabilité n’ont cet effet qu’à l’égard de l’auteur<br />

ou du participant qu’elles concernent.<br />

Dans le cadre de l'examen de la question, identique à celle qui se pose ici, de la réalisation de<br />

la condition du dessein d'enrichissement illégitime en vue de savoir si l'infraction de gestion<br />

déloyale qualifiée était ou non prescrite, le Tribunal fédéral a retenu que le dessein<br />

d'enrichissement illégitime n'était pas une condition personnelle au sens de l'art. 27 CP, si<br />

bien que cette disposition légale n'était pas applicable.<br />

P/3409/2001


- 92 -<br />

Pour qu'un auteur pût être reconnu coupable de complicité de gestion déloyale qualifiée alors<br />

que la gestion déloyale simple était prescrite, il fallait qu'il connût le dessein d'enrichissement<br />

illégitime de l'auteur principal; ce qui se confondait avec son propre dessein d'enrichissement<br />

illégitime, qui serait dans un tel cas nécessairement l'enrichissement d'autrui<br />

(ATF 6B_86/2009 du 29 octobre 2009, cons. 3.3).<br />

Dans le cas d'espèce, vu la constatation faite plus haut de l'absence de dessein<br />

d'enrichissement de la part de C., D. et F., il est logiquement impossible que les réviseurs<br />

aient pu avoir conscience de ce dessein. Comme ils n'avaient pas non plus ce dessein dans les<br />

hypothèses précédemment étudiées, il en découle qu'ils ne peuvent en tout état pas être<br />

condamnés pour complicité de gestion déloyale aggravée, et doivent être acquittés de ce chef.<br />

5.5.5 Il résulte de ce qui précède que l'infraction de gestion déloyale aggravée ne peut être<br />

retenue, que ce soit à titre principal ou accessoire, si bien que les 5 prévenus doivent être<br />

acquittés de ce chef, l'infraction de gestion déloyale simple, tout comme la complicité de cette<br />

infraction, étant de toute façon prescrite.<br />

6. Les actes reprochés ont tous été commis avant le 1 er janvier 2007, soit avant l'entrée<br />

en vigueur de la nouvelle partie générale du CP. Quoi qu'il en soit, c'est le nouveau droit des<br />

sanctions qui doit s'appliquer en l'espèce, étant de manière générale plus favorable au<br />

prévenu, notamment de par la généralisation de la peine pécuniaire, de même qu'en ce qui<br />

concerne les modalités du sursis et l'introduction du sursis partiel (cf. ATF 6B_819/2007 du 9<br />

avril 2008, cons. 3.3). La présente cause sera dès lors jugée sur la base du nouveau droit des<br />

sanctions.<br />

6.1 Selon l'art. 47 al. 1 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur, en<br />

tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet<br />

de la peine sur son avenir.<br />

La mesure de la culpabilité se voit quant à elle précisée à l'art. 47 al. 2 CP : elle est ainsi<br />

déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par<br />

le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure<br />

dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa<br />

situation personnelle et des circonstances extérieures. Il appartient au juge de pondérer les<br />

différents facteurs de la fixation de la peine (ATF 134 IV 17 cons. 2.1).<br />

L'appréciation de la culpabilité est détachée du type de sanction infligée: le juge fixe d'abord<br />

les unités pénales qui sont ensuite traduites en peine pécuniaire, travail d'intérêt général ou<br />

peine privative de liberté.<br />

Selon l'art. 48 lit. e CP, le juge atténue la peine si l’intérêt à punir a sensiblement diminué en<br />

raison du temps écoulé depuis l’infraction et que l’auteur s’est bien comporté dans<br />

l’intervalle. Selon la jurisprudence, cette circonstance est réalisée avant tout lorsque l'on se<br />

trouve, au moment du jugement, aux deux tiers du délai de prescription (ATF 132 IV 1<br />

cons. 6.2). En l'espèce, le délai de prescription relatif à l'art. 251 CP est de 15 ans (art. 97 al. 1<br />

lit. b cum 251 ch. 1 al. 4 CP); les 2/3 de ce délai représentent donc 10 ans. Or la période<br />

P/3409/2001


- 93 -<br />

pénale est ici comprise entre 1996 et 1999, si bien que les premiers faits dénoncés remontent à<br />

14 ans. La première condition est donc remplie. Quant au bon comportement, ni C. ni F. n'ont<br />

commis d'autres infractions depuis la période pénale, si bien que l'on doit faire application<br />

dans le cas d'espèce de l'art. 48 lit. e CP, étant précisé qu'aucune autre circonstance atténuante<br />

au sens de l'art. 48 CP n'entre ici en ligne de compte.<br />

Les facteurs de fixation de la peine sont ici très contrastés. D'un côté, la lésion apparaît<br />

extraordinaire par son ampleur; même si cette dernière doit être relativisée, puisque les<br />

difficultés de la Banque provenaient pour une immense majorité de crédits accordés bien<br />

avant la période pénale, lesquels n'avaient donné lieu à aucune poursuite criminelle en leur<br />

temps, et qu'en outre il est extrêmement délicat de déterminer quelle part du dommage final<br />

supporté par l'État de Genève peut être imputée aux infractions dont F. et C. sont ici reconnus<br />

coupables, cette part n'apparaissant en tout cas pas prépondérante. Il sied de relever cependant<br />

que si les choix de la CFB, tels qu'opérés en février 2000, ont été si abrupts, et ont peut-être<br />

conduit à un dommage qui eût pu se voir plus limité, cela est en grande partie un tribut payé à<br />

l'occultation de la situation réelle de la BCGE.<br />

D'un autre côté, les motivations et les buts des auteurs apparaissent, sinon louables, du moins<br />

fort peu répréhensibles. En effet, voyant que le principal actionnaire et bailleur de fonds<br />

potentiel, l'État de Genève, était lui-même en proie à de fortes difficultés financières, ils ont<br />

voulu tenter de maintenir la Banque en vie en ne comptant que sur eux, dans l'attente d'un<br />

retournement de conjoncture qui eût permis de résoudre per se les difficultés de<br />

l'établissement. Ils ont donc voulu bien faire, mais ont opté pour une solution illégale des<br />

problèmes de la Banque. Le Tribunal se doit de reconnaître par ailleurs que leur marge de<br />

manœuvre était limitée.<br />

En tenant compte au surplus des différents facteurs d'atténuation de la peine que constituent la<br />

circonstance atténuante du temps relativement long, la violation constatée plus haut du<br />

principe de célérité, et l'absence d'antécédents pénaux (qui peut ici être prise en compte à<br />

décharge, cf. ATF 136 IV 1 cons. 2.6.4, dans la mesure où tant F. que C. n'ont aucun<br />

antécédent sur une très longue période, que ce soit dans leur vie privée ou professionnelle), le<br />

Tribunal parvient à la conclusion que seule une peine pécuniaire s'impose, étant précisé que<br />

«le législateur a institué un ordre légal de priorité en faveur des sanctions non privatives de<br />

liberté» (ATF 6B_541/2007, du 13 mai 2008, cons. 4.2.2). La peine prononcée doit être<br />

moins importante en ce qui concerne C., ce dernier ayant joué un rôle subordonné par rapport<br />

à F.<br />

Au vu des éléments qui précèdent, le tribunal prononcera, une peine pécuniaire de 120 joursamende<br />

à l'encontre de C., et une peine pécuniaire de 180 jours-amende à l'encontre de F..<br />

6.2 Le juge fixe le montant du jour-amende selon la situation personnelle et économique<br />

de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa<br />

fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du<br />

minimum vital (art. 34 al. 2 CP). Il convient en principe de déduire du revenu mensuel net du<br />

prévenu son loyer, ses impôts directs, ses primes d'assurance maladie et le montant destiné à<br />

P/3409/2001


- 94 -<br />

son entretien selon les normes d'insaisissabilité pour l'année 2011, du 14 octobre 2010 (E 3<br />

60.04; NI-2011). Le solde ainsi obtenu doit être divisé par 30, et au besoin arrondi, pour fixer<br />

la valeur du jour-amende.<br />

En l’espèce, le calcul précité peut être effectué, en ce qui concerne C., avec les chiffres<br />

suivants : revenu mensuel net ____ fr. – charges hypothécaires (estimées en l'absence<br />

d'information précise) ______ fr. – assurance maladie _______ fr. – impôts directs ______ fr.<br />

- entretien personnel de base 1'200.- fr. = 7'941.- fr., ce qui divisé par 30 donne un montant<br />

de 264.70 fr., lequel doit être arrondi à 260.- fr.<br />

Pour F., le calcul déjà détaillé ci-dessus peut être effectué avec les chiffres suivants: revenu<br />

mensuel net _____ fr. – loyer ______ fr. – assurance maladie _____ fr. (le montant indiqué<br />

de ______ ne pouvant que se rapporter au couple) – impôts directs environ ____ fr. –<br />

entretien personnel de base 800.- (montant pour couple divisé par deux) = 12'276.- fr., ce qui<br />

divisé par 30 donne un montant de 409.20 fr., lequel doit être arrondi à 400.- fr.<br />

6.3 Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'un travail<br />

d'intérêt général lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur<br />

d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP). La partie générale du CP entrée en vigueur en 2007<br />

pose des exigences moins élevées quant au pronostic pour l'octroi du sursis que l'ancien droit.<br />

Auparavant, il fallait que le pronostic soit favorable; désormais, il suffit qu'il n'y ait pas de<br />

pronostic défavorable. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence<br />

d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (ATF 134 IV 1 cons. 4.2.2; ATF<br />

6B_713/2007 du 7 mars 2008, cons. 2.1).<br />

En l'espèce, les conditions relatives à l'octroi du sursis sont réalisées pour les deux accusés, vu<br />

notamment l'absence d'antécédents pénaux. Un délai d'épreuve de 2 ans sera fixé, un délai<br />

court s'imposant dans la mesure où presque douze ans sans commission de nouvelles<br />

infractions se sont déjà écoulés depuis la fin de la période pénale.<br />

En application de l'art. 44 al. 3 CP, le Tribunal attire bien l’attention de chacun des accusés<br />

sur le fait que si, durant le délai d'épreuve, il commet une nouvelle infraction, et qu'il y a dès<br />

lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le sursis pourra être révoqué. Si<br />

au contraire il subit la mise à l'épreuve avec succès, il n'exécutera pas la peine prononcée avec<br />

sursis.<br />

7. Lors de l'instruction préparatoire, les juges d'instruction ont effectué de nombreuses<br />

saisies de documents, notamment à la BCGE et chez A., saisies qui sont détaillées dans<br />

l'annexe à l'acte d'accusation.<br />

Ces pièces étant pour l'essentiel couvertes par le secret bancaire, et s'agissant d'un séquestre à<br />

des fins «probatoires», il conviendra, à la fin de la présente procédure, de lever la mesure et<br />

de restituer les documents à leurs ayants droit, conformément à l'art. 267 al. 1 CPP.<br />

8. Il convient également de statuer sur les frais de la procédure, conformément à l'art.<br />

81 al. 3 lit. a et al. 4 lit. b CPP.<br />

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- 95 -<br />

8.1 Le Tribunal a vérifié que les frais occasionnés par des actes de procédure inutiles ou<br />

erronés (art. 426 al. 3 lit. a CPP), notamment ceux liés à l'expertise D.S. et à la procédure<br />

devant la Cour correctionnelle avec jury, ne figuraient pas dans le bordereau de frais final.<br />

8.2 S'agissant de la procédure devant la Cour correctionnelle, les experts R.B. et M.H.,<br />

qui devaient y être convoqués comme déposants, ont produit chacun une facture de<br />

préparation de l'audience (facture du 30 novembre 2010, d'un montant de 56'889.20 fr., pour<br />

R.B., et du 23 février 2011, d'un montant de 13'130.- pour M.H.), étant précisé que les<br />

honoraires demandés – et déjà acquittés – par les experts R.B., M.H. et P.L. au cours de<br />

l'instruction préparatoire s'élèvent au total à 3'134'267.50 fr.<br />

L'art. 190 CPP prévoit très simplement que l'expert a droit à une indemnité équitable, tandis<br />

que, pour mémoire, l'ancien art. 77 CPP-GE prévoyait que les experts ont droit à une<br />

indemnité dont le montant est fixé par le juge qui les a commis.<br />

En l'espèce, le Tribunal de céans s'est vu adresser des factures relatives à une phase antérieure<br />

de la procédure. Aucun arrangement n'avait été pris entre les experts et le Tribunal, pas plus<br />

qu'entre les experts et le président de la Cour correctionnelle.<br />

D'une manière générale, seul le travail d'expert objectivement justifié fait l'objet d'une<br />

indemnisation (Marianne HEER, in Marcel A. NIGGLI / Hans WIPRÄCHTIGER [éd.],<br />

Strafrecht II - Basler Kommentar, 2 e éd., Bâle - Genève - Munich 2007, par. 2 ad art. 190<br />

CPP). Il s'agit principalement de la prise de connaissance du dossier pénal, de la confection du<br />

rapport d'expertise (y inclus les investigations nécessaires, au sens de l'art. 185 al. 4 CPP), et<br />

des auditions proprement dites devant le Ministère public ou devant le Tribunal. Les débours<br />

(p. ex. les frais de déplacement) sont bien évidemment également indemnisés.<br />

En revanche, il n'est pas d'usage d'indemniser les experts pour le temps éventuellement passé<br />

à se remémorer son rapport – une fois rédigé, celui-ci est censé être connu de son auteur –, ou<br />

à préparer des compléments non spécifiquement demandés par l'autorité judiciaire en vue<br />

d'une audition orale. Or les factures soumises au Tribunal de céans concernent précisément de<br />

tels postes, ce qu'ont du reste confirmé les intéressés dans leurs courriers.<br />

On rappellera également que selon la jurisprudence, les frais d'expertise doivent rester<br />

proportionnés à leur objet (ATF 134 I 159 cons. 4.5). Or si le montant – considérable – des<br />

honoraires déjà acquittés peut éventuellement être tenu pour proportionné avec l'objet de la<br />

procédure pénale, le dommage allégué se chiffrant à près de deux milliards de francs, le<br />

montant des factures ici discuté est sans commune mesure avec les frais de justice liés à<br />

l'audience de jugement, l'émolument maximal du Tribunal correctionnel (ici réclamé au vu de<br />

l'ampleur des débats) s'élevant à 10'000.- fr.<br />

Il se justifie donc de refuser l'inclusion de ces deux factures dans le bordereau de frais final de<br />

la procédure; et, conformément aux art. art. 84 al. 4 cum 105 al. 2 CPP, de notifier<br />

partiellement aux deux experts concernés le présent jugement, afin que ceux-ci puissent faire<br />

valoir leurs droits.<br />

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- 96 -<br />

8.3 Il convient ensuite d'examiner la répartition des frais de la procédure, qui s'élèvent au<br />

total à 3'209'591.30 fr. (art. 421 al. 1 CPP).<br />

8.3.1 En principe, le prévenu acquitté ne supporte pas les frais de la procédure (art. 426<br />

al. 2 CPP a contrario). En l'espèce, le Tribunal ne voit pas de raison de faire application de la<br />

disposition précitée, qui suppose de nommer la violation de l'ordre juridique ayant provoqué<br />

l'ouverture des poursuites (ATF 6B_1008/2009 du 23 avril 2010, cons. 2.3), et qui n'est pas<br />

sans entrer en tension avec la présomption d'innocence (ACEDH Didu c. Roumanie, du 14<br />

avril 2009, req. 34814/02, par. 42 s.; Minelli c. Suisse, du 25.3.1983, série A n° 62). D., R. et<br />

S. ne seront dès lors pas condamnés aux frais de la procédure.<br />

8.3.2 Selon l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est<br />

condamné. L'autorité pénale peut réduire ou remettre les frais compte tenu de la situation de la<br />

personne astreinte à les payer (art. 425 CPP).<br />

En cas d'acquittement partiel, il est admis que les frais doivent être réduits<br />

proportionnellement à l'importance des infractions faisant l'objet d'un acquittement (Thomas<br />

DOMEISEN, in Marcel A. NIGGLI / Hans WIPRÄCHTIGER [éd.], Strafrecht II - Basler<br />

Kommentar, 2 e éd., Bâle - Genève - Munich 2007, par. 6 ad art. 426 CPP, et les nombreuses<br />

réf. citées).<br />

Selon l'art. 418 al. 1 CPP, lorsque plusieurs personnes sont astreintes au paiement des frais,<br />

ceux-ci sont répartis proportionnellement entre elles. Par ailleurs, quand bien même la<br />

disposition prévue dans l'avant-projet (art. 494 al. 1 lit. b AP-CPP, rapport AP de juin 2001, p.<br />

292) et le projet de CPP (art. 433 al. 3 lit. c P-CPP, FF 2006 1503) permettant de ne pas<br />

mettre à charge du condamné des frais disproportionnés, a été rayée lors des délibérations<br />

parlementaires (BO CE 2006, 1058; BO CN 2006, 1032), il convient d'interpréter la loi de<br />

manière conforme au droit supérieur, en particulier à la constitution. Or la proportionnalité<br />

(art. 5 al. 2 Cst.) est un principe de base applicable à l'ensemble de l'activité étatique.<br />

Se basant sur ces différents principes et dispositions légales, le Tribunal considère qu'il se<br />

justifie de ne faire supporter à F. et C. que le cinquième des frais de la procédure, ce qui<br />

représente néanmoins encore une somme extrêmement importante, soit 641'918.25 fr. En<br />

comparaison, la peine pécuniaire infligée à F., si elle était exécutée, correspondrait au total à<br />

72'000.- fr.<br />

9. Enfin, les indemnités pour acquittement total ou partiel, au sens de l'art. 429 CPP,<br />

seront réglées par un jugement complémentaire, le dispositif du présent jugement prévoyant<br />

un délai aux prévenus acquittés en tout ou en partie pour présenter leurs conclusions à cet<br />

égard, ainsi que pour justifier leurs demandes.<br />

P/3409/2001


À titre préjudiciel<br />

- 97 -<br />

PAR CES MOTIFS,<br />

LE <strong>TRIBUNAL</strong> <strong>CORRECTIONNEL</strong><br />

statuant contradictoirement :<br />

Constate sa compétence et la validité de sa saisine.<br />

Dit que l'État de Genève a qualité de partie plaignante s'agissant des infractions reprochées de<br />

faux dans les titres.<br />

Dit qu'il n'a pas cette qualité s'agissant des infractions reprochées de gestion déloyale.<br />

Refuse la jonction des causes P/3409/2001 et P/12481/2001.<br />

Constate en tant que de besoin que les actes effectués avec le concours de J.D. à partir du<br />

tirage au sort du premier jury sont nuls, et refuse la réinstallation au dossier du procès-verbal<br />

de la Cour correctionnelle s'étant tenue à partir du 4 octobre 2010.<br />

Refuse l'apport de la P/5609/2009, et rejette la demande visant à la récusation de l'expert R.B..<br />

Déclare irrecevable la question préjudicielle tendant à l'annulation de l'ordonnance de la<br />

<strong>Chambre</strong> d'accusation du 4 octobre 2002 (OCA/279/2002).<br />

Déclare nuls et écarte de la procédure les actes suivants:<br />

- mission d'expertise du 11 décembre 2000 (pièces 2'001'560 à 2'001'561) confiée à<br />

D.S.;<br />

- rapport d'expertise de D.S. du <strong>22</strong> février 2001 (pièces 6'000'001 à 6'000'297);<br />

- procès-verbaux d'audition de D.S. des 13 mars, 31 mai et 25 juin 2001 (pièces<br />

2'002466 à 2'002'472, 2'003'731 à 2'003'734 et 2'003'919 à 2'003'925).<br />

Sur le fond<br />

Préalablement<br />

Constate la violation du principe de célérité (art. 29 al. 1 Cst. et 5 CPP).<br />

Constate la violation de la présomption d'innocence (art. 32 al. 1 Cst. et 10 al. 1 CPP) du fait<br />

du libellé de l'ordonnance de la <strong>Chambre</strong> d'accusation du 5 mars 2008 (OCA/58/2008).<br />

P/3409/2001


Cela fait<br />

- 98 -<br />

Déclare C. coupable de faux dans les titres (art. 251 CP) pour les faits visés aux cotes A.I.1<br />

lit. aa et e, A.I.2 lit. aa et e, et A.I.3 lit. a et e de l'acte d'accusation.<br />

Acquitte C. du chef de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) pour les faits visés aux cotes<br />

A.I.1 lit. ab, b, c et d; A.I.2 lit. ab, b, c et d; et A.I.3 lit. b, c et d de l'acte d'accusation.<br />

Acquitte C. du chef de gestion déloyale aggravée (art. 158 ch. 1 al. 1 et 3 CP).<br />

Condamne C. à une peine pécuniaire de 120 jours-amende (art. 34 al. 1 CP).<br />

Fixe le montant du jour-amende à 260.- fr. (art. 34 al. 2 CP).<br />

Met C. au bénéfice du sursis et fixe le délai d'épreuve à 2 ans (art. 42 al. 1 et 44 al. 1 CP).<br />

Acquitte D. du chef de faux dans les titres (art. 251 CP) et du chef de gestion déloyale<br />

aggravée (art. 158 ch. 1 al. 1 et 3 CP).<br />

Déclare F. coupable de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) pour les faits visés aux cotes<br />

C.I.1 lit. aa et e, C.I.2 lit. aa et e, et C.I.3 lit. a et e de l'acte d'accusation.<br />

Acquitte F. du chef de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) pour les faits visés aux cotes<br />

C.I.1 lit. ab, b, c et d; C.I.2 lit. ab, b, c et d; et C.I.3 lit. b, c et d de l'acte d'accusation.<br />

Acquitte F. du chef de gestion déloyale aggravée (art. 158 ch. 1 al. 1 et 3 CP).<br />

Condamne F. à une peine pécuniaire de 180 jours-amende (art. 34 al. 1 CP).<br />

Fixe le montant du jour-amende à 400.- fr. (art. 34 al. 2 CP).<br />

Met F. au bénéfice du sursis et fixe le délai d'épreuve à 2 ans (art. 42 al. 1 et 44 al. 1 CP).<br />

Acquitte R. du chef de faux dans les titres (art. 251 CP) et du chef de complicité de gestion<br />

déloyale aggravée (art. 25 cum 158 ch. 1 al. 1 et 3 CP).<br />

Acquitte S. du chef de faux dans les titres (art. 251 CP) et du chef de complicité de gestion<br />

déloyale aggravée (art. 25 cum 158 ch. 1 al. 1 et 3 CP).<br />

P/3409/2001


- 99 -<br />

Ordonne la restitution aux ayants droit, à l'issue de la procédure, des diverses pièces saisies<br />

lors des perquisitions décrites dans l'annexe à l'acte d'accusation.<br />

Ordonne la communication du présent jugement au Service du casier judiciaire, au Service de<br />

l'application des peines et des mesures, aux Services financiers du Pouvoir judiciaire et à<br />

l'Hôtel de police (art. 81 al. 4 lit. f CPP), et la communication partielle du présent jugement à<br />

R.B. et M.H. (art. 84 al. 4 cum 105 al. 2 CPP).<br />

Refuse d'inclure dans les frais de la procédure les factures présentées le 30 novembre 2010<br />

(56'889.20 fr.) par R.B. et le 23 février 2011 (13'130.-) par M.H..<br />

Arrête le montant des frais de la procédure à 3'209'591.30 fr., lesquels comprennent 12'179 fr.<br />

de frais du Tribunal correctionnel (qui incluent un émolument de jugement de 10'000.- fr.)<br />

(art. 421 al. 1 CPP).<br />

Condamne C. et F. au paiement, chacun, d'un cinquième des frais de la procédure, soit<br />

641'918.25 fr. (art. 5 al. 2 Cst. et 418 al. 1, 425 et 426 al. 1 CPP).<br />

Laisse pour le surplus les frais de la procédure à la charge de l'État (art. 423 al. 1 CPP).<br />

Donne aux prévenus un délai – non prolongeable – au vendredi 5 août 2011 pour présenter, en<br />

les chiffrant et en les justifiant, leurs demandes d'indemnités suite à leur acquittement partiel<br />

ou total (art. 429 al. 1 et 2 CPP).<br />

Le greffier:<br />

Laurent Favre<br />

P/3409/2001<br />

Le président:<br />

Jean-Marc Verniory<br />

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite<br />

à la <strong>Chambre</strong> pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, Case postale 3108,<br />

CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé. Dans<br />

sa déclaration, elle indique:<br />

a. si elle entend attaquer le jugement dans son ensemble ou seulement certaines<br />

parties;<br />

b. les modifications du jugement de première instance qu’elle demande;<br />

c. ses réquisitions de preuves.


- 100 -<br />

Quiconque attaque seulement certaines parties du jugement est tenu d’indiquer dans la<br />

déclaration d’appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l’appel, à savoir:<br />

a. la question de la culpabilité, le cas échéant en rapport avec chacun des actes;<br />

b. la quotité de la peine;<br />

c. les mesures qui ont été ordonnées;<br />

d. les prétentions civiles ou certaines d’entre elles;<br />

e. les conséquences accessoires du jugement;<br />

f. les frais, les indemnités et la réparation du tort moral;<br />

g. les décisions judiciaires ultérieures.<br />

ÉTAT DE FRAIS<br />

Émolument de mise au rôle Fr.<br />

Frais du Ministère public Fr. 3'197'412.30<br />

Frais de la procédure par défaut Fr.<br />

Frais de l’ordonnance pénale Fr.<br />

Prise de sang Fr.<br />

Convocations devant le Tribunal Fr. 600.-<br />

Convocation FAO Fr.<br />

Frais postaux (convocation) Fr. 700.-<br />

Indemnités payées aux témoins/experts Fr. 364.-<br />

État de frais Fr. 50.-<br />

Frais de procédure hors canton Fr.<br />

Indemnités payées aux interprètes Fr. 395.-<br />

Émolument de jugement Fr. 10'000.-<br />

Notification FAO Fr.<br />

Frais postaux (notification)<br />

==========<br />

Fr. 70.-<br />

Total Fr. 3'209'591.30<br />

P/3409/2001

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