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Sous la varangue de l’Internat de Saint-Laurent, il<br />
m’arrive le soir que mon imagination vagabonde au<br />
moment où la lumière s’adoucit et que, devant la vue de<br />
ce fleuve dont le nom a fait rêver et trembler des<br />
générations de déracinés, je laisse aller toutes mes<br />
sensations et ma nostalgie. Nostalgie, Maroni, j’écrirai<br />
vos noms. Maroni, aujourd’hui liberté, hier souffrance.<br />
Ce fleuve est frontière et passage, passage vers un autre<br />
monde, une autre chose. Si je devais imaginer un lieu qui<br />
évoque l’évasion, c’est ce fleuve qui remonte du plus<br />
profond d’une forêt mystérieuse et impénétrable où le<br />
peuple amérindien a défini Christophe Colomb pour les<br />
Européens, le voyage, le départ, la découverte. Ce trait<br />
d’union, ce guet, ce chemin est-ce en nous qu’il s’inscrit ?<br />
Les enfants de ce pays ont tous, de gré ou de force, été<br />
amenés à s’enraciner dans ce continent. Qu’ils soient fils<br />
de l’Afrique dont ils ont importé les coutumes, les<br />
musiques, les langues ou de l’Europe, d’abord avide de<br />
richesse puis désireuse de se débarrasser de ses<br />
indésirables, le fleuve majestueux cache, derrière son<br />
apparente tranquillité, les spasmes et les soubresauts de<br />
l’histoire de l’homme, de ses luttes pour le pouvoir et<br />
pour la liberté. Le Maroni, c’est tout un condensé de cinq<br />
cents ans d’histoire qui ont déplacé des millions<br />
d’hommes qui ont aimé, ont vécu et sont morts pour des<br />
motifs qui les ont toujours dépassés.<br />
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